La libre circulation des personnes
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La libre circulation des personnes
DROIT Rachel Genoud La libre circulation des personnes Les accords bilatéraux, un bilan positif A partir du 1er juin 2004, des droits égaux seront conférés aux ressortissants suisses et communautaires, ce qui constitue un premier pas dans la réalisation de la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne. Celle-ci est en effet mise en place par paliers afin de permettre à notre Etat et à l’Union européenne de mettre en application les mesures nécessaires à son bon fonctionnement. 1. Généralités Les accords bilatéraux (Bilatérales I), signés par la Suisse et l’Union européenne en 1999, sont entrés en vigueur le 1er juin 2002. Ils visent essentiellement à faciliter les échanges et concernent sept domaines spécifiques: – – – – – – – la libre circulation des personnes [1]; les transports terrestres [2]; les transports aériens [3]; les produits agricoles [4]; la recherche [5]; les marchés publics [6]; les obstacles techniques au commerce [7]. étendus automatiquement, sauf celui relatif à la libre circulation des personnes. 2. Accord sur la libre circulation des personnes [8] L’Accord sur la libre circulation des personnes a pour but principal d’ouvrir le marché européen du travail aux Suisses et aux Européens. Basé sur le principe de l’égalité de traitement, il Ces accords, sauf celui traitant de la recherche, ont été étendus aux Etats membres de l’Association européenne de libre échange (AELE), à savoir l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège. Les expériences pratiques s’étant révélées positives, la Suisse a entrepris de nouvelles négociations avec l’Union européenne en vue de la conclusion d’accords portant sur dix thèmes différents (Bilatérales II). L’Union européenne s’apprête à accueillir dix nouveaux membres dans un proche avenir (mai 2004). Les accords bilatéraux signés en 1999 seront alors L’Expert-comptable suisse 4/04 Rachel Genoud, Licenciée en droit de l’Université de Lausanne, Fiduciaire Michel Favre SA, Lausanne permet aux ressortissants des pays contractants de bénéficier du même traitement national qu’un ressortissant du pays d’accueil. 2.1 Personnes visées L’Accord sur la libre circulation des personnes concerne tous les ressortissants suisses et les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne. Ainsi, les résidents de pays tiers ne sont pas touchés, exception faite des cas de regroupements familiaux et des travailleurs détachés de pays tiers intégrés sur le marché du travail suisse ou communautaire et détachés momentanément sur le territoire d’une autre partie contractante. 2.2 Principaux droits conférés – Droit d’entrée, de séjour et autorisation de travail pour les personnes exerçant une activité économique dépendante et indépendante; – libéralisation de la prestation de services, en particulier de courte durée et effectuée par des personnes physiques; – droit d’entrée et de séjour aux personnes sans activité économique (retraités, étudiants, etc.); – mêmes conditions de travail, prestations sociales et avantages fiscaux pour tous les ressortissants des Etats contractants; – possibilité de bénéficier du regroupement familial; – possibilité de rester dans le pays d’accueil en cas de perte d’emploi; – possibilité, à certaines conditions, d’acquérir des biens immobiliers; – reconnaissance mutuelle des diplômes en vue d’une activité économique réglementée (soumise à autorisation). Exemples: avocats, architectes, professions médicales. 309 DROIT Rachel Genoud, La libre circulation des personnes 2.3 Eléments inchangés Si l’Accord sur la libre circulation des personnes apporte des nouveautés et des droits considérables pour les Suisses, il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre d’éléments ne changeront pas. On peut citer les exemples suivants: – aucun droit de citoyenneté européenne ou suisse n’est conféré par l’Accord; – la Suisse n’étant membre ni de l’Union européenne ni de l’espace mêmes chances qu’un Suisse d’obtenir un emploi. Cependant, les autorisations de travail et de séjour seront contingentées en Suisse, jusqu’au 1er juin 2007, sauf pour les frontaliers. Les Suisses, quant à eux, auront libre accès au marché du travail européen dès le 1er juin 2004. En 2009, la Suisse et l’Union européenne décideront si elles souhaitent prolonger l’application de l’Accord. En Suisse, cette décision sera soumise au référendum facultatif. En cas de prolongation, la libre circulation des per- «L’Accord sur la libre circulation des personnes concerne tous les ressortissants suisses et les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne.» Schengen, les contrôles douaniers sont maintenus aux frontières, tant pour les personnes que pour les marchandises. Ainsi, la TVA continue à être prélevée, tout comme les autres taxes douanières; – l’euro ne devient pas un moyen de paiement officiel en Suisse; – les différents systèmes fiscaux cantonaux ne sont pas modifiés; – même si l’Accord prévoit la coordination des assurances sociales, chaque pays garde sa législation propre en matière de sécurité sociale. Il en va de même pour le droit du travail. 2.4 Introduction graduelle A la demande de la Suisse, l’introduction de l’Accord sur la libre circulation des personnes est réalisée en plusieurs étapes. A l’heure actuelle et jusqu’au 1er juin prochain, les Suisses et les résidents au bénéfice d’un permis de travail sont privilégiés sur le marché du travail helvétique. Dès le 1er juin 2004, les ressortissants suisses et communautaires auront les mêmes droits. Ainsi, à compétences égales, un Européen aura les 310 sonnes sera définitive autant pour la Suisse que pour l’Union européenne (avec possibilité d’une clause de sauvegarde). A noter encore que, par crainte de sous-enchères salariales, la Suisse a prévu des mesures d’accompagnement, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er juin 2004. 2.5 Bilan Une année après l’entrée en vigueur des Bilatérales I, il est possible de dresser un premier bilan. De manière générale, elles se sont révélées être positives pour l’économie suisse et ont provoqué une accélération des réformes dans les secteurs concernés. L’Accord sur la libre circulation des personnes est celui qui a la plus grande portée. C’est donc dans ce domaine que les résultats ont été les plus importants. Son application n’a pas posé de problèmes majeurs. En effet, on remarque que les contingents prévus ont été sollicités comme prévus et respectés. Le bilan, non encore définitif, s’avère donc positif. 3. Bilatérales II [9] En juin 2001, la Suisse et l’Union européenne ont entamé de nouvelles négociations portant sur dix thèmes différents: – services; – imposition des pensions des fonctionnaires retraités dans la communauté européenne vivant en Suisse; – produits agricoles transformés; – environnement; – statistiques; – programmes médias; – programmes éducation/formation professionnelle/jeunesse; – lutte contre la fraude; – fiscalité de l’épargne; – coopération en matière de justice, police, asile et migration à travers une participation au système Schengen/Dublin. Lors des Bilatérales I, il a été fort difficile de ne libéraliser que la libre circulation des personnes alors que cette dernière est liée à deux autres libertés fondamentales dans le marché intérieur, à savoir la libre circulation des services et celle des capitaux. La solution adoptée dans l’Accord sur la libre circulation des personnes a été la suivante: seuls les services transfrontaliers liés à des personnes sont libéralisés et ce pour une période maximum de 90 jours par année. Il a été prévu qu’une libéralisation générale des services soit remise à plus tard. Le but des négociations en matière de services, dans le cadre des Bilatérales II, est donc de permettre un accès réciproque et non discriminatoire au marché des services, pour les ressortissants suisses et européens. Ayant un important secteur consacré aux services, la Suisse a tout intérêt à voir cette libéralisation se réaliser. A noter encore que le programme éducation/formation professionnelle/jeunesse, autre objet des Bilatérales II, a pour but de promouvoir la mobilité des étudiants, des personnes en formation et des jeunes en général. L’aboutissement de ces négociations permettrait aux jeunes Suisses de participer à des programmes communauL’Expert-comptable suisse 4/04 DROIT Rachel Genoud, La libre circulation des personnes taires tels que Jeunesse (activités extrascolaires), Socrates (éducation générale), Leonardo da Vinci (formation professionnelle). 4. L’élargissement de l’Union européenne [10] L’Union européenne s’apprête à recevoir dix nouveaux Etats membres nœuvre pour les négociations actuelles, tout comme le régime transitoire négocié par l’Union européenne avec les nouveaux Etats membres. Les mesures d’accompagnement, en vigueur dès le 1er juin 2004, s’appliqueront également aux pays adhérant à l’Union européenne. Pour le reste, le contenu de l’Accord ne devrait pas être modifié. accords «acceptés» si l’un est refusé, les autres accords passés en 1999 pourraient ainsi tomber. A noter encore que le référendum facultatif relatif à l’extension de l’Accord sur la libre circulation des personnes ne change rien au fait que l’Assemblée fédérale aura à décider en 2009 de la poursuite de celui-ci. L’extension des accords bilatéraux offre l’opportunité pour la Suisse de lui assurer l’accès au marché intérieur de 5. Conclusion «Si l’Accord sur la libre circulation des personnes apporte des nouveautés et des droits considérables pour les Suisses, il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre d’éléments ne changeront pas.» le 1er mai 2004, à savoir: la Pologne, la Tchéquie, la Hongrie, la Slovaquie, la Lituanie, la Lettonie, la Slovénie, l’Estonie, Chypre et Malte. Cet élargissement pose pour la Suisse la question de l’extension des accords bilatéraux passés en 1999. Si six des sept accords sont étendus automatiquement aux nouveaux adhérents, il en va en revanche différemment en ce qui concerne l’Accord sur la libre circulation des personnes qui fait l’objet à ce jour de négociations entre la Suisse et l’Union européenne. En effet, étant un accord mixte (accord signé entre l’Union européenne et les divers Etats membres, d’une part, et, d’autre part, des Etats tiers), il demande à être renégocié formellement. L’objet des négociations concerne les délais de transition et les contingents. La Suisse s’efforce de soumettre l’extension de l’Accord aux dix nouveaux Etats membres à des dispositions transitoires appropriées, tout comme elle l’a fait lors des négociations ayant conduit à l’Accord de 1999. Les dispositions régissant l’actuel accord avec l’Union européenne (priorité de la main-d’œuvre indigène sur le marché de l’emploi pendant deux ans, ...) permettent de définir la marge de maL’Expert-comptable suisse 4/04 l’Union européenne, qui va croître d’environ 20% et désormais englober près de 450 000 000 de personnes. La Suisse aura ainsi de plus larges possibilités de recruter de la main-d’œuvre qualifiée et des travailleurs non qualifiés. Au vu des expériences faites avec les Bilatérales I, une immigration de masse n’est pas à craindre, a priori. L’Assemblée fédérale devra se prononcer sur le résultat des négociations avec l’Union européenne; sa décision sera soumise au référendum facultatif. L’ex- La libre circulation des personnes est un domaine vaste, encore mal connu des citoyens suisses. En effet, son application devant être réalisée en plusieurs étapes, il est encore difficile pour les personnes concernées de mesurer l’importance pratique de l’Accord sur la libre circulation des personnes. Toutefois, les premières expériences s’avèrent positives pour le marché de l’emploi et l’économie suisses. L’avenir permettra de se prononcer de manière plus certaine sur les conséquences de l’application en Suisse de l’Accord et de son éventuelle extension aux nouveaux pays qui entreront dans l’Union européenne. Notes 1 RS 0.142.112.681. 2 RS 0.740.72. «A compétences égales, un Européen aura les mêmes chances qu’un Suisse d’obtenir un emploi.» tension de l’Accord entrera en vigueur au plus tôt en 2005. Si l’extension est refusée, notre pays risque de voir l’Accord sur la libre circulation des personnes dénoncé par l’Union européenne. En effet, en vertu de la «clause guillotine», clause prévoyant l’annulation automatique des 3 4 5 6 7 8 RS 0.748.127.192.68. RS 0.916.026.81. RS 0.420.513.1. RS 0.172.052.68. RS 0.946.526.81. www.swissemigration.ch/ www.europa.admin.ch. 9 www.dfae.admin.ch. 10 www.ejpd.admin.ch. 311