RENCONTRES AVEC : SOFI OKSANEN, AgNèS VARdA
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RENCONTRES AVEC : SOFI OKSANEN, AgNèS VARdA
É G Y P T E RENCONTRES AVEC : SOFI OKSANEN, agnès varda & valérie donzelli et SUSHEELA RAMAN #16 - Septembre 2011 France METRO : 4.90 € - BEL/LUX : 5.50€ - DOM : 5.60€ - CAN : 7.95$ CAD – CH : 8.50 FS L 16045 - 16 - F: 4,90 € ne u f mois Premier vo l et d e l a s é rie « N e u f mois » q u e C a u sette consacre à l a maternit é Maternité des Lilas L’État bloque, les mamans trinquent Photo : Lucie et Simon/Picturetank Le grand démantèlement de la santé continue. Causette avait, il y a quelques mois, déjà enquêté sur les conséquences de la fermeture de la maternité d’Ambert, dans le Puy-de-Dôme 1. Aujourd’hui, c’est sur la maternité des Lilas, en Seine-Saint-Denis, véritable symbole d’une pratique militante de l’obstétrique, que l’étau se resserre. La maternité des Lilas est un établissement réputé. Les femmes qui souhaitent bénéficier d’un accompagnement en douceur et d’un accouchement physiologique s’y pressent. Le nombre de naissances y est en constante augmentation et, pourtant, l’Agence régionale de santé (ARS, voir encadré) d’Île-deFrance bloque la reconstruction du bâtiment, la condamnant ainsi, à terme, à la fermeture. L’histoire de la maternité, fondée en 1964, est étroitement liée aux pionniers de l’accouchement sans douleur, à une époque où la péridurale n’existait pas. Cette méthode revenait alors à enseigner aux futures mamans le processus physiologique de l’accouchement, de façon à éviter les paniques au moment M et à leur faire bénéficier d’une véritable préparation physique. C’est cette histoire militante qui a donné sa forme légale à la maternité. Aujourd’hui, c’est un établissement privé agréé par la Haute Autorité de santé, géré par l’association à but non lucratif Naissance. Les Lilas, qui ont pris part 1. À lire dans Causette # 13 CAUSETTE #16 • 21 à toutes les luttes pour le droit des femmes à disposer de leur corps, comportent aussi un centre d’orthogénie qui procède chaque année à environ 1 250 IVG. C’est la deuxième maternité du territoire, avec 1 600 naissances par an ; la première par son nombre d’IVG, ce à quoi il faut ajouter les activités de stérilisation et de reconstruction de l’hymen. Vers un agrandissement des Lilas ? On aurait pu penser que tout allait pour le mieux. Mais la maternité reste déficitaire et doit donc augmenter le nombre de naissances. Comme « il y a une place pour une maternité importante (objectif de 2500 naissances par an) », selon l’ARS d’Île-de-France, et que les locaux vétustes demandent à être remplacés, tout concorde : il faut reconstruire l’établissement sur un terrain plus grand pour répondre à la demande, aux normes de sécurité et aux objectifs financiers. Banco ! En 2007, la maternité commence donc à élaborer son projet de reconstruction et d’agrandissement. La collaboration avec le Centre hospitalier intercommunal de Montreuil est renforcée, comme le recommande le gouvernement. Un terrain est trouvé dans la même ville des Lilas. Tout est minutieusement calculé, le dossier monté et, finalement, Roselyne Bachelot (alors ministre de la Santé) valide, en 2009, le projet de reconstruction dans le cadre de la première vague du plan Hôpital 2012. Le revirement de l’ARS Mais au printemps 2010, un rapport de l’ARS, créée entretemps, signale « une grande fragilité du management de l’équipe médicale d’une petite structure mono-activité, qui peine à recruter et à conserver des médecins, notamment les anesthésistes. » Puis, le 8 juillet dernier, stupeur ! L’ARS bloque la construction et annonce qu’elle ne reprendra le projet que si la maternité règle s on problème d’anesthésistes, arguant une question de sécurité : « Pour obtenir le soutien de l’ARS, ce projet doit garantir la sécurité des patientes. » Mais quel est ce problème d’anesthésistes qui rendrait l’accouchement aux Lilas si périlleux ? Marie-Laure Brival, gynécologue-obstétricienne aux Lilas et représentante du collectif de soutien de la maternité, s’emporte : « Nous n’avons aucun problème avec les anesthésistes. Il y a eu un conflit de personne, entre un anesthésiste — qui a démissionné depuis — et le nouveau directeur, arrivé en 2007. Depuis, une nouvelle équipe d’anesthésistes est en place, voilà tout. » Déjà, on peut s’étonner qu’une bisbille entre un anesthésiste et son directeur puisse justifier de mettre au chômage les 150 salariés de l’établissement et de priver les futures mamans d’une maternité « indispensable » au maillage du secteur, selon les dires de l’ARS elle-même. De plus, l’équipe d’anesthésistes a été renouvelée. Alors, que demande l’ARS ? Elle confirme à Causette avoir « préconisé de travailler à des regroupements […] comme une équipe d’anesthésistes communs à plusieurs établissements. » Les Lilas ont jusqu’au 15 septembre 2011 pour obtempérer. Le docteur Marie-Laure Brival s’en étouffe d’indignation : « Ils nous demandent de refaire, pendant les deux mois de vacances d’été, ce que nous avons fait en cinq ans et qui a été déjà validé par le gouvernement ! Vous vous rendez 2 Maternités qui accueillent les futures mamans dont la grossesse et l’accouchement ne présentent a priori aucun risque, c’est-à-dire la majorité. 3 Ces établissements disposent d’un service de réanimation néonatale et sont spécialisés dans le suivi des grossesses pathologiques 22 • CAUSETTE #16 Photo : Robert Kluba/Signatures NEUF MOIS NEuF MOIS compte ? Si nous ne réussissons pas, ils pensent nous vendre au fonds de pension australien Ramsay Santé qui se spécialise dans le rachat de maternités en faillite. Mais ils savent bien que leur demande est irréalisable : 1,6 million d’euros ont déjà été engagés. La première pierre devait être posée en octobre ! Si tout est arrêté, pour nous, c‘est le dépôt de bilan ! » Alors, pourquoi l’ARS se donne-t-elle tant de mal pour empêcher la reconstruction des Lilas ? La Loi HPst en question « Cela fait dix ans que nous crions que nos locaux sont vétustes, explique MarieLaure Brival. Le monte-malades est tombé en panne en 2010, entraînant sept semaines d’arrêt d’activités. L’ARS cherche à nous asphyxier, à nous pousser à la faute en faisant traîner la reconstruction au maximum. Les Lilas, c’est l’exemple parfait de la volonté du gouvernement avec la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) 2009 de supprimer les maternités de type I 2. Ils ne veulent garder que de grosses maternités usines de type III 3, car ils ont une vision comptable de la santé et ne se préoccupent pas de la qualité de notre travail. Or, on sait qu’il y a beaucoup moins de complications pour les femmes qui ont eu un accouchement naturel dans les maternités de type I, car, dans ces cas, c’est la qualité de l’accompagnement qui prime. » Pour la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité 4, « la liste des maternités fermées ne cesse de s’allonger. Le bilan est lourd : la France comptait 1 379 maternités en 1975, 584 début 2008 et moins de 540 aujourd’hui. Le maintien de ces sites assure pourtant l’accès des femmes à une maternité en moins de quarante-cinq minutes, temps retenu par les professionnels comme étant celui au-dessus duquel la sécurité de la mère et de l’enfant n’est plus assurée. » Favoriser les énormes maternités de 3 000 à 4 000 naissances par an, comme le préconise le gouvernement pour des questions d’économie, contribue automatiquement, pour tous les défenseurs des maternités de proximité, à sacrifier une pratique saine de la médecine. C’est augmenter le nombre de césariennes programmées et diminuer le temps de séjour post-partum. C’est, surtout, confisquer aux familles l’accouchement et les premiers jours de la vie de leur enfant pour les soumettre à des préoccupations uniquement médicales. Bérangère PoRtaLIeR Le 24 septembre au matin, une marche sera organisée pour soutenir la maternité des Lilas. Tous les renseignements sur www.coordination-nationale.org. Les ars, une Porte ouVerte sur La PriVatisation ? Les Agences régionales de santé ont été créées par Roselyne Bachelot le 31 mars 2010. Elles ont pour but de piloter le système de santé au niveau des régions et de superviser la recomposition du paysage hospitalier prévu par la loi Hôpital, patients, santé et territoires. Leurs compétences sont supérieures à celles des anciennes Agences régionales de l’hospitalisation créées en 1996, qu’elles ont remplacées. Déjà, à l’époque, le syndicat FO s’inquiétait du pouvoir accordé aux ARS qui marchaient sur les platebandes de la Sécurité sociale : « En absorbant, au travers des ARS, des éléments de l’assurance maladie, l’État absorbe son contrepoids et supprime, de fait, un outil régulateur de sa politique de santé. C’est une véritable porte ouverte à la privatisation. » ÉMEUTES QUatre ans de Prison PoUr Une PaGe FaCebooK Dès le début des émeutes, la justice anglaise a fait du zèle. En témoigne l’histoire de ces deux Anglais qui ont posté sur Facebook des appels à l’émeute. Jordan Blackshaw, 20 ans, lance, le 8 août, un événement baptisé « Tout faire péter à Northwich », petite commune du comté du Cheshire. Il donne rendez-vous devant le McDo de la ville. Personne ne vient, sauf la police... De son côté, résidant à Warrington (Lancashire), Perry Sutcliffe-Keenan, 22 ans, crée, un soir de beuverie, une page Facebook appelée « Organisons une émeute ». Dans la nuit, 400 de ses contacts sont mis au courant. La police s’en avise. Au petit matin, le jeune homme supprime la page et s’excuse. Trop tard ! Tous deux viennent d’être condamnés à quatre ans de prison ferme. Un peu cher payée, la fanfaronnade. VIDÉOSURVEILLANCE biG estrosi is WatChinG YoU! Hé ! toi, le Niçois qui te gare en double file pour acheter ta baguette ! Sache que désormais Christian Est rosi t’observe ! Le député-maire UMP de Nice, figure historique de la Droite populaire, vient en effet de généraliser l’utilisation de ses caméras de vidéosurveillance. En les utilisant notamment contre l’incivilité routière. Sept grandes artères niçoises viennent d’être équipées afin de lutter contre le stationnement en double file, ce fléau qui gangrène la ville. La preuve : la police a relevé une infraction de ce genre par jour, en moyenne. La cité azuréenne peut dormir tranquille ! 4. La coordination est une fédération de comités locaux. Elle est indépendante des partis et des syndicats. CAUSETTE #16 • 23