Les musiques « extra-ordinaires

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Les musiques « extra-ordinaires
IUFM de Bourgogne
Professeur des écoles
Les musiques « extra-ordinaires »
ou l’éducation musicale à travers des musiques inconnues
de la culture des enfants
Frédéric MARCEAU
Directrice de mémoire : A. Desbizet
2003
02STA03769
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SOMMAIRE
Introduction
I.
II.
III.
Au cœur de l’éducation artistique : l’éducation musicale
A - L’Art
1. Définition « classique » et limite du concept
2. Le Beau
3. Plaisir, sensibilité et subjectivité
B- Pourquoi une éducation artistique des enfants ?
1. Acquis des enfants et objectifs esthétiques
2. L’interdisciplinarité
3. Les musiques « extra-ordinaires » : vers le respect de l’autre
L’éducation musicale à l’école
A- Pourquoi une éducation musicale à l’école ?
B- Voix et chant
1. L’expression de soi au cycle I
2. Vers des activités vocales plus maîtrisées et plus réfléchies
aux CII et CIII
C- L’écoute
1. L’exploration du monde des sons au cycle I
2. « La culture de l’oreille » aux cycles II et III
L’expérimentation
A. Pierre et le loup en GS au Maroc
1. Le projet
2. Pierre et le loup dans la classe
3. Bilan, remarques et prolongements
B- Jazz manouche au CE2
1. Le projet
2. Les séances de Jazz manouche
3. Bilan, remarques et prolongements
C- Observations et bilan
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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« La musique est peut-être l’exemple unique de ce qu’aurait pu être – s’il
n’y avait pas eu l’invention du langage, la formation des mots, l’analyse des
idées – la communication des âmes. » M. Proust, A la recherche du Temps
perdu.
Existe-t-il un vecteur de communication plus universel que l’art et la musique
en particulier ? La musique est une composante de la constitution humaine. Tout
peuple, passé ou présent, produit des créations musicales, et parfois même, place son
organisation sociale autour de cette musique. Aujourd’hui, le commerce mondial de la
musique en est un témoignage frappant. Mais, n’est-ce pas du rôle de l’école que de
fournir aux enfants les bases d’une culture artistique commune universelle ? De leur
faire découvrir qu’autres univers, d’autres manières de penser, de vivre, de créer ? …
L’éducation musicale ne doit pas y faire exception et le répertoire des activités
musicales peut-être très large. Il doit permettre aux enfants de se créer cette culture
commune, qui aide à la formation d’une certaine ouverture d’esprit.
Ainsi, j’ai proposé deux séquences différentes, l’une sur le conte musical Pierre
et le loup de Prokofiev, réalisée en GS au Maroc, l’autre sur le Jazz manouche, avec
une classe française de CE2. Elles se basent donc sur des musiques plus ou moins
inconnues de la culture des enfants : des musiques « extra-ordinaires ».
Il convient ainsi de remplacer l’éducation musicale dans son contexte artistique,
pour ensuite définir plus précisément les objectifs de son enseignement et enfin de
découvrir et d’analyser les activités de classe.
I. AU CŒUR DE L’EDUCATION ARTISTIQUE :
L’EDUCATION MUSICALE
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Les Instructions officielles de 2002 inscrivent éducation musicale et arts
visuels au sein du chapitre éducation artistique. Cette organisation témoigne, d’une
part, de la volonté de lier art et musique et d’autre part du choix de ne pas séparer
arbitrairement arts plastiques et éducation musicale.
A. L’Art
1. Définition « classique » et limite du concept
Le mot « art » est étymologiquement polysémique. Il est issu du grec
« technè » qui signifie métier, art, habileté, mais aussi méthode et même ruse. Le
terme latin correspondant est « ars, artis ». Ainsi, le vocabulaire français possède, de
par cette double origine, deux séries de mots : art, artiste, artistique et technique,
technicien. Aujourd’hui, ces deux registres sont sémantiquement distincts. La
technique relève des procédés de fabrication, de conception et donc s’inscrit dans
l’ordre de l’utilitaire. L’art désigne exclusivement les Beaux-Arts : peinture, musique,
littérature, sculpture, danse, cinéma… Les champs d’action de l’art sont donc
multiples et divers. Alors, quel est le dénominateur commun à tous ces registres ? La
première réponse qui vient à l’esprit est de qualifier d’art la production d’une œuvre
belle. Or, deux objections apparaissent rapidement : il existe bien évidemment beauté
hors de l’art et certaines formes artistiques récusent justement la recherche du Beau.
Alors, qu’est-ce donc que le Beau, finalité ou ennemi de l’art ?
2. Le Beau
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Il convient préalablement à toute analyse de distinguer beau et utile. Est utile
ce qui satisfait directement ou indirectement un besoin. Ce terme s’applique
principalement aux moyens de cette satisfaction : machines, outils, échanges… Au
contraire, la chose belle ne contribue aucunement à satisfaire un quelconque besoin de
consommation. Elle n’a aucune véritable raison d’exister. L’habituelle question de
l’enfant (et même de l’adulte) devant l’œuvre d’art en est symptomatique :
_ « A quoi ça sert ? », demande l’enfant.
_ « A rien », répondra certainement l’adulte. L’enfant n’en sera pas plus avancé et
quelque peu frustré.
D’ailleurs, la simple antinomie beau/utile n’est pas toujours vérifiée. Cette double
thématique est recherchée dans les Arts appliqués, l’artisanat, l’architecture. C’est ce
que Kant appelle beauté adhérente : celle qui mêle fonctionnalité et esthétique. Au
contraire, la beauté libre n’est astreinte à aucune autre fonction extérieure à elle-même.
Ainsi, confronter beauté et utilité n’est pas toujours probant. Surtout qu’un point
important réside dans le fait que chaque homme consacre un moment de sa vie à la
contemplation d’un objet beau. Alors, si l’œuvre d’art n’est pas utile, elle a tout de
même son utilité en répondant à un besoin spécifique : un besoin de l’esprit et des
sens.
3. Plaisir, sensibilité et subjectivité
Art et beauté témoignent donc d’un besoin de l’homme. Mais, cette
nécessité artistique s’accompagne bien évidemment d’un plaisir : c’est l’essence même
de tout art que de construire une émotion, un sentiment à sa vue, à son écoute…
Parfois, l’art contemporain s’affirme sur la négation de la recherche de toute beauté ou
toute émotion ; il s’agit néanmoins d’une forme de message, de sentiment, comparable
à la conception artistique « commune ».
Ainsi, l’art se fonde sur la notion de plaisir, par le biais du corps : c’est une idée
fondamentale à tout enseignement. Le plaisir existe de par la sensibilité. En effet, la
sensibilité est une composante importante de l’art : parce qu’il n’a aucune réelle
fonction, l’art en soi ne peut être soumis à aucun jugement. La diversité étourdissante
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des styles de musique en est la conséquence : classique, rock, rap, folklore, pop,
variété, techno, jazz, blues, country, musette, pour les genres principaux. Cette
abondance témoigne de la l’hétérogénéité des approches artistiques. Chaque être
humain a sa propre sensibilité, et, par là même, ses propres goûts esthétiques en
perpétuelle évolution. Dans ce sens, la préface des programmes des écoles 2002
affirme la prise en compte du « fait qu’un élève n’est pas seulement un cerveau
rationnel, mais qu’il est aussi un cerveau sensible. » Cette évidence a elle-aussi des
conséquences importantes quant à l’éducation artistique à construire à l’école.
B. Pourquoi une éducation artistique des enfants ?
1. Acquis des enfants et objectifs esthétiques
Il paraît évident que le monde des sons et de la musique en particulier n’est
pas étranger aux enfants. La musique est, de nos jours, omniprésente : dans la rue, les
commerces, la voiture, mais aussi dans toutes les activités pratiquées par l’enfant.
Ainsi, chaque enfant a son propre vécu de la musique. L’enseignement apporté devra
donc nécessairement prendre en compte cette variable. De plus, l’interprétation de l’art
étant subjective, les enfants ont, tout comme les adultes, des conceptions et goûts
personnels : là également, l’éducation musicale doit en tenir compte.
Mais, qu’apporte alors réellement l’éducation artistique à l’enfant ?
Au sujet de la musique, un rapport de Boulay de la Meurthe rédigé en 1835 y répond
ainsi :
« Tous ces vices [des enfants] tiennent à l’absence complète de l’enseignement du
chant dans l’instruction primaire. Comblez cette lacune, et […] le peuple sera policé
dans ses chants comme dans son langage. Les organes de tous auront acquis cette
sensibilité qui ne laissera pas passer une inflexion vicieuse sans la condamner » 1. Il
faut, bien entendu, replacer cet extrait dans le contexte de l’époque. Néanmoins, la
1
Rapport de Boulay de la Meurthe, 6 mars 1835
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préface des programmes 2002 semble également aller dans ce sens, au sujet de la
constitution des chorales d’école : « [La chorale est] source d’équilibre de l’esprit et
du corps, la chorale exprime une discipline collective faite du respect de chacun pour
l’effort commun. Elle est un excellent remède contre les pulsions agressives. Un élève
qui s’épanouit dans chacune de ses facultés se sent mieux avec lui-même comme avec
les autres. » La musique et l’art en général adouciraient-ils les mœurs ?
Cet adage populaire est bien sûr caricatural, mais il contient une vérité sous-jacente.
En effet, les intérêts généraux de l’art sont en premier lieu d’ordre psychologiques.
L’activité esthétique permet par nature un développement de la sensibilité : l’art est
vecteur d’émotions, l’activité créatrice les transmet à d’autres. Ainsi, la notion
affective tient également son rôle ; une relation affective peut se tisser entre enfant et
création artistique. Enfin, l’art se base sur l’invention et l’imagination à la fois du
créateur et à la fois du spectateur ou auditeur : il s’agit d’un réseau de correspondances
mentales circulant de l’artiste à l’amateur par le biais de l’œuvre.
D’autres objectifs peuvent être définis au sein de l’éducation artistique : les objectifs
sensori-moteurs. Ils sont essentiels au cycle I et portent sur la motricité globale et fine,
la manipulation, la transformation de la matière. Enfin, sous-jacent à l’activité
esthétique apparaît un intérêt social. En effet, l’art contribue à l’atténuation des
handicaps et différences sociales. Il permet un épanouissement de la personnalité, par
la sensibilité.
La réflexion de Bruno Bettelheim à propos des enfants autistes de son école
orthogénique de Chicago est signifiante. A la question, « pourquoi des œuvres d’art
dans votre école ? », B. Bettelheim répond ainsi :
« La littérature, la philosophie, l’art sont trois formes qui élèvent le plus l’esprit
humain. Les enfants de mon école sont incapables d’accéder à la littérature comme à
la philosophie, mais ils sont tout à fait capables d’une émotion à la vue d’une œuvre
ou au toucher d’une sculpture ou d’un beau meuble. » 2
2
Bruno Bettelheim, Survivre, R. Laffont, 1979.
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2. L’interdisciplinarité
« A l’école élémentaire, l’éducation artistique est principalement orientée vers
l’exploration de deux grands domaines culturels : les arts visuels et la musique. La
démarche est identique dans l’un et l’autre cas. Elle vise le développement de la
sensibilité et des capacités d’expression. » (I.O. 2002)
Ainsi, lier éducation musicale et arts plastiques dans un même projet permet d’éviter
un cloisonnement trop arbitraire des diverses matières enseignées, de donner un sens à
son enseignement et de pallier certaines difficultés dans l’une ou l’autre des matières.
Parce qu’arts plastiques et éducation musicale ont en commun leurs principaux
objectifs, tels le développement de la sensibilité ou encore de l’imaginaire, une
séparation conventionnelle n’a pas véritablement de sens. De plus, l’enfant pourra
réinvestir tel ou tel aspect d’un art dans un autre art : l’apprentissage dispensé à l’école
a bien évidemment pour but un réinvestissement et une appropriation par l’enfant et
non la volonté d’apprendre pour apprendre, c’est-à-dire la connaissance dans l’absolu.
Ainsi, bon nombre de projets artistiques peuvent voir le jour : l’important est qu’ils
« fassent sens » et motivent l’enfant.
3. Les musiques « extra-ordinaires » : vers le respect de l’autre
Evidemment, les élèves ne sont pas vierges de toute culture. Ils ont leurs propres
goûts, leurs propres conceptions de la musique, qui varient selon l’âge, mais aussi d’un
enfant à un autre. Un élève de maternelle n’a pas le même vécu de la musique et de
l’art qu’un enfant de cycle III. De même, ils n’ont pas tous les mêmes origines
sociales, ethniques, etc. Leur culture musicale sera donc différente.
Néanmoins, n’est-ce pas le rôle de l’école que d’ouvrir l’enfant au monde extérieur et
lui donner les jalons d’une culture commune et universelle ? Les Instructions
officielles de 2002 en font un objectif dès l’entrée en maternelle :
« L’école maternelle offre un milieu ouvert à des démarches artistiques et des
références culturelles. Elles ne sont pas données comme modèles à atteindre ou à
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admirer. Elles permettent l’ouverture à des sensibilités différentes et posent les bases
d’une culture commune. »
C’est dans cet esprit que s’inscrivent les deux séquences de musique que j’ai pu
expérimenter en classe.
Mais un travail sur des musiques inconnues des enfants (d’une culture différente), des
musiques « extra-ordinaires » ne permet pas seulement à l’élève d’enrichir sa culture
artistique. Il lui offre une porte d’accès à une connaissance plus vaste de la culture
d’un pays, d’un peuple, etc. Il s’agit ici de compétences transversales, proches de
l’éducation civique et qui invitent au respect de l’autre. L’être humain a tendance à
rejeter ce qu’il ne connaît pas… Les problèmes de racisme de notre société actuelle
viennent très souvent d’une méconnaissance, et d’une peur de l’inconnu. Il est donc du
rôle de l’école de fournir une ouverture d’esprit aux enfants par la connaissance
d’autres cultures et ainsi de les inciter à respecter les différences.
♦♦♦
II. L’EDUCATION MUSICALE A L’ECOLE
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L’école maternelle ou élémentaire fonctionne sur une base de 26 heures par
semaine. Les cycles II et III prévoient 3 heures hebdomadaires consacrées à
l’éducation artistique, c’est-à-dire aux arts visuels et à l’éducation musicale. Le cycle I
bénéficie d’un fonctionnement un peu plus souple qui permet d’approfondir ces deux
disciplines indispensables à la construction des apprentissages chez l’enfant.
Ainsi, l’éducation musicale ne représente quantitativement qu’1h30 par semaine, soit
moins d’1/13 du total horaire hebdomadaire. Evidemment, cette plage horaire peut
paraître réduite, mais les vertus de la musique sont pourtant réelles et l’éducation
musicale à l’école poursuit des objectifs précis et spécifiques.
A. Pourquoi une éducation musicale à l’école ?
Les interactions, conséquences et apports de la musique pour l’être humain,
et en particulier l’enfant, sont multiples. Vouloir être exhaustif serait pure folie. La
musique a bien évidemment les mêmes vertus que tout art en général : développement
de l’imaginaire, de la sensibilité, de la vie affective… Mais, elle intervient également
en inter-relation avec d’autres enseignements, principalement avec l’apprentissage de
la lecture et la maîtrise de la langue : « Les matériaux sonores du français, de la
langue étrangère ou régionale étudiée, éventuellement des langues maternelles, sont
autant d’objets qui permettent de nombreuses activités ludiques participant à la fois
d’un travail d’écoute et de la maîtrise de la langue. » ( I.O. 2002).
En effet, l’éducation musicale permet d’affiner sa perception auditive, qui conditionne
l’analyse phonologique et le repérage des phonèmes. Les sons [é] et [è] sont, par
exemple, proches phonétiquement. Savoir les distinguer et les retranscrire à l’écrit
nécessite une perception auditive fine : la musique, par le chant ou l’écoute musicale, y
contribue. Elle aide également à la structuration du temps et de l’espace, notions
fondamentales au cycle I, par la pratique des rythmes auditifs, le repérage de phrases
mélodiques (prise de conscience de l’écoulement du temps et de la notion de durée),
par le déplacement du corps dans l’espace suivant une phrase musicale, etc…
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Parallèlement, elle appelle à l’utilisation et au développement du langage (vocabulaire,
syntaxe, langage poétique) ; l’objectif langagier via la musique est essentiel au cycle
I : les comptines chantées au sein des rituels développent l’expression et le langage des
enfants. Enfin, la musique favorise le développement des facultés d’anticipation, et par
ce biais, offre un accès à la symbolisation, à l’abstraction, à la conceptualisation.
Ainsi, l’éducation musicale a véritablement des incidences positives à la fois sur l’être,
sa personnalité, son intimité, et également sur d’autres apprentissages spécifiques. On
peut citer le cas des écoles Kodaly en Hongrie où, grâce à la pratique du chant choral,
les enfants auraient des performances en lecture, mathématiques, expression écrite,
mémoire, imagination supérieures aux enfants d’autres écoles.
B. Voix et chant
1. L’expression de soi au cycle I
L’éducation musicale et même artistique est basée au cycle I sur la
communication et l’expression de soi. L’enfant d’école maternelle, d’abord très centré
sur lui-même (par exemple en toute petite section), apprend petit à petit à s’ouvrir au
monde extérieur, à entrer spontanément en communication avec autrui, à s’exprimer.
La voix et l’écoute lui apportent ces moyens de communication. Elles tiennent aussi
bien des activités corporelles que du langage.
Au sein des Instructions Officielles, les objectifs propres aux activités vocales
du cycle I se scindent en trois domaines : les comptines et chansons, les jeux vocaux,
l’invention de chants et de productions vocales.
Les comptines ont de nombreuses vertus. Elles permettent de structurer le langage,
de rythmer les différents temps de la vie de classe, de donner des repères aux enfants,
de mémoriser par exemple la suite numérique, etc. Elles peuvent s’accompagner de
jeux de doigts, être chantées en langue maternelle ou étrangère. Leur apprentissage se
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fait principalement par imprégnation, par reprise quotidienne et tout leur intérêt vient
de cette répétition régulière.
Les jeux vocaux permettent à l’enfant de découvrir et d’explorer sa voix, ses
possibilités, à l’âge où les “capacités auditives et vocales gardent une extrême
plasticité”(I.O. 2002). Ils peuvent se combiner à des jeux d’expression corporelle et
porter sur : “des bruits, des cris, des éléments sonores de la vie quotidienne, des
éléments musicaux enregistrés, des matériaux chantés et parlés, des poèmes, des
comptines[...]”(I.O. 2002). Ils doivent s’appuyer également sur le rythme, le phrasé et
l’expression (gestes, mimiques...).
Enfin, l’invention de chants et de productions vocales s’inscrit dans un cadre plus
large. Il s’agit de projets musicaux comme la sonorisation d’albums, de poèmes ou
d’activités dramatiques... Ce domaine peut s’articuler de paire avec la chorale de
l’école ou simplement le regroupement de 2 ou 3 classes, formule préférable à l’école
maternelle à une grande chorale réunissant un nombre d’enfants trop important. Une
chorale de deux classes permet aux enfants de chanter ensemble, de s’écouter, d’être
“en situation de représentation”.
Voici les compétences à acquérir à l’issue du cycle I concernant les activités vocales :
Compétences devant être acquises en fin d’école maternelle :
Avoir mémorisé un répertoire varié de comptines et de chansons
Interpréter avec des variantes expressives un chant, une comptine, en petit groupe
Jouer de sa voix pour explorer des variantes de timbre, d’intensité de hauteur, de
nuance
Coordonner un texte parlé ou chanté et un accompagnement corporel ou
instrumental
Tenir sa place dans des activités collectives et intervenir très brièvement en soliste
4. Vers des activités vocales plus maîtrisées et plus réfléchies aux CII et CIII
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Les activités vocales présentées aux cycles II et III doivent à la fois préserver le
plaisir de la musique et tendrent à une plus grande maîtrise de sa voix, à une certaine
connaissance de ses possibilités.
Il s’agit cette fois d’une véritable culture vocale à construire chez l’enfant. Cette
culture vocale s’entretient par des jeux vocaux préparatoires aux chants. Le chant
s’inscrit dans une attitude plus réfléchie où l’enfant doit s’écouter, écouter les autres,
« stabiliser sa voix » , « rechercher la justesse en contrôlant l’intonation à l’oreille »,
« réguler sa respiration » (I.O. 2002). Le cycle III renforce la culture vocale de
l’enfant par les chants à deux voix ou en canon.
Le répertoire vocal, à l’entrée en cycle II, peut reprendre quelques chants appris au
cycle, « sans exclure des formes enfantines comme les comptines ». (I.O. 2002). Il doit
s’enrichir également d’une dizaine de chants par an. Les chants sont choisis autant
pour leurs caractéristiques musicales que pour l’intérêt du texte (texte que l’enfant doit
comprendre…). Les chants appris à l’école peuvent être d’origines très variées, ce qui
aide à la formation d’une oreille critique.
Voici les compétences à acquérir aux cycles II et III concernant les activités vocales :
Compétences devant être acquises en fin de cycle II :
Chanter juste en contrôlant l’intonation à l’oreille
Interpréter de mémoire une dizaine de chansons simples par année, en recherchant
justesse, précision et expression
Mobiliser, soit de façon autonome, soit sur rappel, les habitudes corporelles pour
chanter (posture physique, aisance respiratoire, anticipation…)
Compétences devant être acquises en fin de cycle III :
Pouvoir interpréter de mémoire plus de dix chansons parmi celles qui ont été
apprises
Contrôler volontairement sa voix et son attitude corporelle pour chanter
Tenir sa voix et sa place en formation chorale, notamment dans une polyphonie
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B. L’écoute
1. L ‘exploration du monde des sons au cycle I
Au cycle I, les activités d’écoute visent un triple objectif : le développement de la
sensibilité, le travail de discrimination des sons et phonèmes, et de la mémoire
auditive. Il s’agit aussi, dès le cycle I, de poser les jalons de la culture musicale et
artistique de l’enfant.
Ecouter de la musique en classe peut témoigner de deux approches différentes :
l’écoute s’intègre dans une séance dirigée et elle a un objectif spécifique : écouter
puis chanter, ou écouter et s’exprimer, inventer, etc. Dans ce cas, l’écoute
s’articule autour d’autres activités musicales comme le chant ou en
interdisciplinarité avec par exemple les arts visuels, l’expression corporelle…
l’écoute peut aussi se comprendre dans des temps de classe moins formels : le
retour au calme, le rangement des jeux ou des ateliers, la préparation du goûter…
Elle rythme ici la vie de classe. Il peut s’agir aussi tout simplement d’écoutes pour
le plaisir, pour découvrir autre chose…
Ces divers temps d’écoute permettent à l’enfant d’intégrer des formes, des
caractéristiques, des effets musicaux, d’abord inconsciemment, puis de plus en plus
consciemment au fur et à mesure des cycles. Les réactions, gestes, mimiques des
enfants pendant une séance d’écoute en sont symptomatiques. Dès le cycle I,
l’enseignant doit amener l’enfant à verbaliser, à s’exprimer sur les musiques écoutées.
Ces supports d’écoute doivent donc être les plus variés possibles. On peut les classer
en quatre catégories :
L’écoute de l’environnement sonore (réel ou enregistré), de « paysages sonores » à
identifier, imaginer, ou d’objets de la vie quotidienne…
L’écoute des productions d’autres enfants, soit sous forme de concert, soit
d’enregistrement.
L’écoute d’œuvres musicales très variées, qu’il s’agisse du point de vue de
l’époque, du genre, de la culture, du pays…
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L’écoute, la plus concrète et marquante pour l’enfant, de musiciens en concert, ou
en invitation à l’école…
Ces séances d’écoute conduisent l’enfant à intégrer petit à petit « les composantes
rythmiques (pulsation, tempo, cellules courtes…) », à repérer « des phrases musicales,
les couplets et les refrains, certains des instruments utilisés ». (I.O. 2002).
Voici les compétences d’écoute devant être acquises en fin d’école maternelle :
Compétences devant être acquises en fin d’école maternelle :
Ecouter un extrait musical ou une production, puis s’exprimer et dialoguer avec
les autres pour donner ses impressions
Utiliser quelques moyens graphiques simples pour représenter et coder le
déroulement d’une phrase musicale
Utiliser le corps et l’espace de façon variée et originale en fonction des
caractéristiques temporelles et musicales des supports utilisés
2. « La culture de l’oreille » aux cycles II et III (I.O 2002)
Les activités d’écoute des cycles II et III dépassent la simple découverte d’œuvres
pour tendre à une analyse d’extraits musicaux. Il peut s’agir d’une part de s’écouter
soi-même, par exemple en activité de chant : le but est l’analyse, l’auto-critique,
l’affinement de l’écoute pour progresser dans le chant en cours d’apprentissage. Il peut
être question d’œuvre musicale d’autre part où l’enfant est conduit à exprimer ses
goûts, ses émotions, ses sentiments et à repérer les caractéristiques principales de
l’extrait (instruments, timbres, motifs…). L’enfant doit progressivement dépasser
l’alternative « j’aime » ou « je n’aime pas » pour comprendre que toute musique
« demeure toujours objet de curiosité et matière à découvertes infinies », I.O.2002 (Cf
annexe n°1).
Le répertoire étudié permet à l’enfant d’entrer dans le patrimoine culturel commun.
Il doit être très ouvert. Il peut faire référence à des thèmes abordés dans d’autres
matières (la musique contemporaine à une époque étudiée en histoire par exemple…)
et prendre en compte le vécu des enfants… Très souvent (trop souvent ?), plaisir rime
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avec musiques actuelles (pour danser ou rêver) et travail va de pair avec musique
classique, mise sur un piedestal. Ainsi, on oppose deux types de musique : la musique
classique, présentée comme supérieure, musique que l’on étudie, que l’on joue dans
les Conservatoires, et les autres musiques. Ce constat n’est-il pas révélateur d’une
hiérarchisation des musiques imposées à l’enfant (et donc souvent du rejet de ses
propres goûts), mais également d’une barrière entre l’image inaccessible de la Musiqe
et l’élève? Les Instructions officielles de 2002 mettent en garde contre cette
dichotomie (des musiques) : « Le but demeure d’aider à dépasser l’opposition trop
fréquente entre univers musicaux familiers, médiatisés et musiques plus éloignées et
savantes : à cet effet, l’audition réitérée d’œuvres moins familières est nécessaire ».
Voici les compétences d’écoute à acquérir en fin de cycle II et III :
Compétences à acquérir en fin de cycle II :
écouter les autres, pratiquer l’écoute intérieure de courts extraits
isoler au travers d’écoutes répétées quelques éléments musicaux (repérer en
particulier des phrases identiques, leur place respective), en mémoriser certains
traduire des productions sonores sous forme de représentations graphiques, après
appui éventuel sur des évolutions corporelles
commencer à exprimer et à justifier ses préférences
exprimer par des enchaînements dansés, personnels ou collectifs, une façon de
ressentir une musique
Compétences à acquérir en fin de cycle III :
Soutenir une écoute prolongée, utiliser des consignes d’écoute
Repérer des éléments musicaux caractéristiques, les désigner, et caractériser leur
organisation (succession, simultanéité, ruptures…) en faisant appel à un lexique
approprié
Reconnaître une œuvre du répertoire travaillé, la situer dans son contexte de
création, porter à son regard un jugement esthétique
réemployer
des
savoir-faire
au
profit
d’une
production
musicale
ou
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chorégraphique inventée, personnelle ou collective
témoigner de son aisance à évoluer dans une activité collective et dans des
dispositifs scéniques divers
exprimer son appréciation pour qualifier une réalisation dansée, chantée ou jouée,
à la fois comme acteur et comme spectateur
♦♦♦
III L’EXPERIMENTATION
« Les élèves sont amenés à sortir de l’univers musical qui leur est familier pour
découvrir d’autres musiques. » (I.O. 2002)
C’est dans cet objectif que s’inscrivent les travaux que j’ai pu réaliser en classe. Ces
travaux sont volontairement scindés en deux approches différentes, témoignant de
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deux styles de musique et de deux époques de création différentes : d’un côté, une
séquence sur le jazz manouche au cycle III, de l’autre, une séquence sur Pierre et le
loup de Prokofiev en grande section. Ces deux genres musicaux appellent
évidemment des pratiques de classe et des enseignements différents, que j’ai adapté
aux deux niveaux, un CE2 en France et une GS au Maroc. La démarche initiale reste
toujours la même : l’approche, la découverte et le travail musical sur des musiques
inconnues de la culture des enfants.
Il s’agit d’un parti pris que de proposer deux séquences différentes : ce fonctionnement
m’a permis, non seulement de construire deux approches spécifiques aux deux genres
musicaux étudiés et d’adapter mes travaux à deux niveaux de classe, mais aussi
d’expérimenter ces approches musicales au sein de deux cultures différentes : une
classe de CE2 à Nevers et une classe de GS bilingue français/arabe à Rabat.
A. Pierre et le loup en GS au Maroc
1. Le projet
En préambule, il faut noter que cette séquence prend un sens différent,
puisqu’elle est réalisée au Maroc avec des enfants qui ne connaissent pas la musique
occidentale « classique », ni ses instruments. Bien qu’ils ne soient qu’en GS de
maternelle, ils avaient pourtant une bonne connaissance de la musique marocaine et de
ses instruments. J’ai pu le découvrir à l’occasion de la fête traditionnelle Ashura. Le
jour d’Ashura, les enfants apportent toutes sortes d’instruments de musique marocaine,
et jouent ensemble dans la cour. J’en ai alors profité pour qu’ils me présentent leur
instrument, montrent comment on en joue, etc…
Cette présentation d’instruments marocains m’a permis de faire le lien avec ma
séquence sur Pierre et le loup, conte dont le but est d’exposer les instruments
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occidentaux « classiques » (le basson, la flûte, le hautbois, la clarinette, le cor, les
timbales et le violon). Il s’agit donc d’une séquence d’écoute musicale, de
reconnaissance des instruments et l’approche d’une autre culture du point de vue des
enfants. Préalablement à cette séquence, on peut proposer sur plusieurs séances des
jeux d’écoute aux enfants afin de les rendre plus attentifs et plus avertis lors de
l’écoute de Pierre et le loup. Je n’ai pas eu matériellement le temps de le faire, mais
ces enfants étaient pour leur âge assez mâtures (peut-être que le fonctionnement
bilingue de cette école y est pour quelque chose…), et ils n’ont eu aucun problème
d’attention. Cette séquence comprend 4 séances. En voici les objectifs :
Objectifs généraux de la séquence :
Présentation et connaissance d’instruments classiques, par le biais d’un conte
Approche d’une culture différente de celle des enfants par le domaine
musical (vers le respect de l’autre, la connaissance d’autres cultures…)
Développement de l’imaginaire grâce au conte musical
Développement de l’écoute
2. Pierre et le loup dans la classe
Séance n°1 : écoute du conte (1 heure)
Objectifs spécifiques :
Développement de l’écoute, de l’attention, de la compréhension
Développement de l’imaginaire
S’approprier une œuvre…
Matériel : CD de Pierre et le loup (Prokofiev), feuilles, feutres, pastels.
Déroulement :
Avant l’écoute (5 mn) : La première chose à faire est de faire installer les
enfants confortablement, à leur aise. Ils s’allongent s’ils le souhaitent ou s’assoient sur
19
des coussins. J’ai proposé aux enfants une courte phase de relaxation (quelques
minutes), de détente, afin de faciliter l’écoute du conte, qui est longue (27 minutes) et
mobilise beaucoup les enfants. Une fois bien installés, l’écoute peut commencer. Je
leur explique seulement qu’il s’agit d’un conte, avec de la musique, conte qui s’appelle
Pierre et le loup, afin de ne pas les influencer…
L’écoute / découverte du conte (27 mn) : L’écoute est silencieuse et attentive ;
les enfants semblent très intéressés. Je remarque que certains élèves, pendant les
passages musicaux, imitent le chef d’orchestre ou miment les musiciens… Ils ont
besoin de s’exprimer de cette manière, de participer activement à l’écoute.
Expression / appropriation (15 mn) : Les enfants sont invités, sans aucune
discussion sur l’écoute pour ne pas les influencer et qu’ils ne s’influencent pas entre
eux, à dessiner ce qu’ils ont compris de l’œuvre, ce qui leur a plu… L’institutrice
titulaire de la classe et moi-même sommes surpris par le nombre et l’importance des
éléments que les enfants ont retenus. La scène est très souvent dessinée avec détails (cf
dessins d’enfants en annexe n°2). Il ne s’agit pourtant que d’une première écoute…
Verbalisation / explicitation : Afin d’entrer plus avant dans le conte, les enfants,
chacun leur tour, montre leur dessin à la classe, et en explique les éléments. Cette
phase permet aux élèves d’intégrer un peu plus l’histoire, qui semble déjà bien connue
et très appréciée.
Séance n°2 : Lecture du conte et jeux (45 mn)
Objectifs spécifiques :
S’approprier le conte, l’histoire
Associer chaque personnage à son instrument
Remarque : Cette séance ne met pas directement en évidence la musique de Prokofiev.
Elle permet cependant aux enfants de connaître mieux le conte, de se créer un univers
visuel, d’associer les personnages à leur instrument et aide à la (re)connaissance des
instruments.
Matériel : album géant de Pierre et le loup, étiquettes des 7 personnages et des 7
instruments correspondants (cf annexe n°3).
20
Déroulement :
Lecture du conte (20 mn) : Après avoir observé la couverture du conte où l’on
peut voir les personnages jouant de leur instrument, je commence la lecture. Je montre
à chaque fois les illustrations : sur la page de gauche se situent le texte écrit et
l’instrument qui joue à ce moment-là dans la version musicale, et sur la page de droite,
l’histoire illustrée. J’insiste volontairement sur les personnages et leur instrument. Les
enfants sont très enthousiasmés et participent volontiers à la lecture du conte. Certains
se rappelaient très bien de la suite des évènements.
Présentation des instruments et association personnages / instruments (10 mn):
Je dispose au centre du coin regroupement (en U) 7 étiquettes « instruments »(avec
écrit le nom de l’instrument), en les nommant avec les enfants une nouvelle fois. A
côté, j’installe les 7 étiquettes «personnages». Et, grâce à la couverture du conte, nous
formons des couples, personnage/instrument. J’insiste beaucoup sur la reconnaissance
visuelle de ces couples et sur leur nom.
Jeu « memory des instruments » (15 mn): L’objectif de ce jeu est d’identifier
(et nommer) l’instrument de musique qui correspond à chaque personnage du conte. Je
retourne toutes les étiquettes (face non visibles), disposées en deux ensembles, d’un
côté les instruments, de l’autre, les personnages. Un élève désigné commence par
retourner une étiquette de chaque tas. Si l’instrument correspond au personnage, il fait
un couple. Sinon, les étiquettes sont replacées dans le jeu. L’élève suivant procède de
la même manière jusqu’à ce que les 7 paires soient constituées.
Au cours du jeu, j’ai incité les enfants à verbaliser et à nommer les noms des
personnages et des instruments. Ils ont beaucoup apprécié ce jeu qui leur a permis à la
fois de découvrir visuellement les instruments et de les manipuler, et de mieux intégrer
le conte et ses personnages… Ce jeu va également aider à une meilleure identification
auditive des instruments (séance 4), grâce à une bonne connaissance du conte. A l’issu
de ce jeu, la plupart des enfants arrivait à nommer les instruments, et à les associer à
leur personnage.
Séance n°3 : vidéo de Pierre et le loup (45mn)
21
Objectifs spécifiques :
Associer personnages/instruments aux sons, grâce à la vidéo.
Créer des réflexions sur le conte et sa musique.
Matériel : Vidéo de Pierre et le loup, Arte.
Déroulement :
Visionnage de la cassette vidéo (30 mn): Je présente rapidement la vidéo,
expliquant qu’il s’agit de Pierre et le loup, cette fois-ci en marionnettes, et qu’il faut
être très attentif parce que l’histoire n’est peut-être pas exactement la même. En effet,
la fin diffère un peu, puisque le loup se retrouve ici dans un cirque, alors qu’on
l’emmène au zoo dans l’histoire traditionnelle.
J’ai choisi cette vidéo, parce qu’elle montre très souvent les instruments, et même le
chef d’orchestre en train de diriger.
Discussion (15 mn): Pendant le film, j’ai incité les enfants à nommer les
instruments et à bien les observer. Après le visionnage, j’ai les ai d’abord laissé
réagir :
_ « A la fin, le loup, il est au cirque. Normalement, il va au zoo… »
_ « Le canard, il est toujours vivant, il est dans le ventre du loup… »
_ « Il y avait une marionnette qui n’arrêtait pas de bouger… » (le chef d’orchestre…)
Ensuite, j’ai recentré la discussion sur les instruments, leur forme, leur taille, le son
qu’ils produisent, et sur le chef d’orchestre et son rôle. J’ai pu constater que ce petit
film a été très profitable aux élèves, puisqu’ils ont pu observer les instruments, la
manière dont on en joue, leur son, et en discuter (pour ce faire, j’ai repris les étiquettes
des instruments pour visualiser ce dont on parlait).
Séance n°4 : Jeu d’écoute (plusieurs séances de 5/10mn) :
Objectifs :
Reconnaissance des instruments du conte
(Caractériser un son, une musique entendus)
22
Remarque : J’ai scindé cette séance en plusieurs petites séances très courtes (5/10mn),
parce qu’il s’agit d’une activité qui demande beaucoup d’attention de la part des
enfants et qui appelle des répétitions très fréquentes.
Déroulement :
Pierre et le loup : j’ai choisi quelques extraits de ce conte, que j’ai fait écouter
aux enfants (ces extraits sont sélectionnés par le fait qu’ils sont joués par un
instrument, connu des enfants…). Les élèves ont à disposition des étiquettes avec les
instruments et leur nom. Il s’agit de trouver le bon instrument, en montrant l’étiquette
correspondante, et d’essayer de définir, si possible, la musique entendue par des
adjectifs simples (triste, joyeux, grave, aigu…). Cette seconde phase est difficile et je
n’ai pas insisté si les réponses ne venaient pas. Elle demande une habitude d’écoute
développée et compliquée à cet âge. Mais elle incite les enfants à commencer à
réfléchir sur ce qu’ils écoutent, sans les brusquer.
Prolongement : On peut continuer ce même travail en proposant, une fois les
instruments bien connus des élèves, d’autres morceaux. Il convient de choisir des
extraits faciles où l’instrument est aisément identifiable… Je n’ai malheureusement
pas eu le temps de le faire, et les enfants n’étaient pas encore assez expérimentés pour
ce genre de travail.
3. Bilan, remarques et prolongements
Cette séquence sur Pierre et le loup a été très apprécié des enfants. Ils ont
immédiatement adhéré à l’histoire, ce qui a servi de base et de moteur aux
apprentissages. Les objectifs prévus ont été dans l’ensemble accomplis : la
présentation d’instruments « classiques » par le biais du conte, le développement de
l’imaginaire, et l’approche d’une culture musicale différente de celle des enfants… On
peut tout de même apporter un bémol quant au développement de l’écoute et la
23
reconnaissance d’instruments. Ce sont des activités qui demandent une longue pratique
et beaucoup de temps. Néanmoins, cette séquence leur a permis une première
sensibilisation à la musique « classique » occidentale et au travail d’écoute.
Le conte de Pierre et le loup peut faire l’objet de bien d’autres travaux, en parallèle,
sur le langage, l’écrit, la lecture, mais aussi sur la découverte du monde… Utiliser ce
conte comme thème interdisciplinaire permet une grande motivation des enfants et un
investissement important. En effet, les élèves de ma classe, après leur travail, prenaient
spontanément (seul ou à plusieurs) le livre de Pierre et le loup. Ils relisaient l’histoire,
se la racontaient, regardaient les images, pointaient du doigt les animaux ou les
instruments, essayaient de retrouver leur nom, de le lire sur le livre, etc. J’avais mis à
leur disposition 3 albums différents de Pierre et le loup :
Pierre et le loup, d’Erna Voigt (Gallimard jeunesse), en très grand format.
Pierre et le loup, de Miguelanxo Prado (Casterman) : c’est une bande dessinée.
Pierre et le loup, raconté par Gérard Philipe, illustré par Marcel Tillard (Thierry
Magnier), petit format.
Ils pouvaient ainsi comparer à loisir ces 3 livres. Il peut s’agir d’un biais très
intéressant pour entrer dans le monde de l’écrit. On peut également proposer, grâce à
ces trois albums, des travaux de reconnaissance du titre, de la couverture, de
l’auteur/compositeur, des personnages…
B. Jazz manouche au CE2
1. Le projet
Cette séquence portant sur le Jazz manouche s’inscrit dans un projet plus conséquent
« Les enfants qui chantent », qui réunit les deux écoles Blaise Pascal et Jean Macé et
qui a pour but un spectacle commun de chants Jazz manouche à la fin de l’année
24
scolaire. C’est donc un travail de près d’un an qui est effectué dans ces classes. Ma
participation à ce projet musical se situe dans le cadre de la dominante musique, où,
par binôme, nous avons pu apprendre à une classe de CE2 de J. Macé plusieurs chants
de Jazz manouche. Il s’agit donc principalement d’une séquence de chants, mais qui
propose également des aspects culturels et d’expression corporelle.
Objectifs généraux de la séquence :
Approche d’une culture différente de celle des enfants par le domaine
musical (vers le respect de l’autre, des différentes manières de vivre,
connaissance d’autres cultures…)
Apprentissage de chants de Jazz manouche
Connaître et savoir repérer quelques éléments distinctifs de cette musique
Développer l’oreille et les capacités vocales
2. Les séances de Jazz manouche
Cette séquence de musique est constitué de 5 séances, pendant lesquelles nous
avons pu apprendre trois chants de Jazz manouche en entier. En préambule, il est à
noter que l’institutrice titulaire de la classe avait déjà fait écouter aux enfants
l’ensemble des chants qu’ils auraient à apprendre durant l’année (au total : 8 chants de
Jazz manouche ). Elle avait également ancré ces chants dans leur contexte, en parlant
avec sa classe de la culture « manouche », de leur manière de vivre, de leur coutume et
de leurs régions d’origine. Ainsi, les enfants avaient déjà quelques notions quant au
contexte culturel des chants à étudier. Ils avaient également eu l’occasion d’assister à
un concert de Jazz manouche au début de l’année, spectacle qui leur avait laissé
visiblement un très bon souvenir. Même si cette représentation n’avait pas fait l’objet
d’un travail plus approfondi en classe, elle a pu faire découvrir aux enfants ce style
musical d’une manière vivante et authentique.
25
A partir de ces pré-acquis des enfants et de leur vécu du Jazz manouche, nous
avons mis au point 5 séances, portant pour l’essentiel sur le chant. Le nombre de
séances étant assez limité, nous avons commencé dès la première séance par
l’apprentissage d’un nouveau chant.
Remarque : Les enfants de cette classe pratiquaient régulièrement la musique.
Néanmoins, l’institutrice titulaire nous avouant qu’elle n’était pas très à l’aise en
musique, les enfants avaient l’habitude de chanter et d’apprendre les chants en utilisant
exclusivement la musique sur CD. Cette technique d’apprentissage, même si elle peut
paraître sécurisante pour l’enseignant et sa classe, et peut être utile et motivante à un
certain moment de l’apprentissage, ne permet pas particulièrement de développer son
oreille, d’écouter les autres, de chanter juste et en rythme sans le CD… Ainsi, nous
avons décidé de proposer aux enfants une autre façon de faire sans utiliser la musique
dès le début de l’apprentissage.
Séance n°1 (45mn) :
Le but de cette séance était l’apprentissage du premier couplet de Nomade (cf
partition en annexe), les autres couplets étant identiques au niveau mélodique.
Après une première prise de contact et une brève présentation aux enfants du travail
que nous allions réaliser ensemble, nous avons débuté la séance par des exercices
vocaux, indispensables à l’échauffement de la voix. Nous expliquons aux enfants à
quoi servent ces exercices en prenant l’exemple du sport :
_ Qu’est-ce que vous avez l’habitude de faire avant le sport?
_ S’échauffer.
_ Pourquoi à votre avis doit-on s’échauffer?
Les réponses pleuvent.
_Pour ne pas se faire mal, pour ne pas se blesser, parce que sinon on est « froid », pour
mieux faire du sport, pour se détendre…
_En musique, c’est la même chose. Avant de chanter, on doit aussi s’échauffer la voix
pour ne pas l’abîmer et pour mieux chanter...
26
Echauffement vocal (10mn) :
Exercices de souffle : ces exercices permettent de travailler la respiration et de
sentir détendu et disponible physiquement pour chanter. Il s’agit, en prononçant des
phonèmes tels que « sh », « ff » ou « ss », de ressentir le souffle et l’air nécessaire à
l’activité de chant.
Les sirènes : Celles-ci partent du médium vers l’aigu, puis vers le grave, sans
aller dans les extrêmes. Puis, on monte de plus en plus haut et de plus en plus grave à
chaque nouvelle sirène. Ces sirènes n’ont pas de note d’arrivée fixe, ce qui permet à
chaque enfant d’exercer sa voix et d’atteindre des hauteurs correspondantes à sa propre
tessiture.
La mise en voix se termine par un petit jeu où les enfants exécutent ce qu’ils
entendent. Sur deux notes différentes, nous chantons sur l’onomatopée « Hohé », en
prenant à chaque fois des notes et intonations différentes. Cette fois-ci, les notes à
reproduire sont imposées et parcourent l’ensemble de la tessiture des enfants.
Les enfants apprécient beaucoup ces petits jeux vocaux qui leur permettent de se
mettre correctement en voix pour chanter.
Chant Nomade - 1er couplet (30 mn) : cf annexe n°4
Présentation de Nomade : nous chantons à deux a capella une première fois le
chant en entier, afin que les enfants en aient une première écoute.
Apprentissage : L’apprentissage du chant (du début à « le sable l’engloutirait,
Nomade » ) se fait « phrase par phrase », par écoute/répétition. Les enfants ne
connaissaient pas encore les paroles. Une première difficulté s’annonce à la troisième
mesure de la seconde ligne sur le mot « Nomade ». Les enfants ont tendance à le
chanter à la même hauteur que le premier, alors qu’il doit se chanter à une hauteur
différente. Pour essayer d’y remédier, nous leur chantons plusieurs fois ce passage
délicat en leur demandant de bien écouter. Y a-t-il une différence entre le premier
« Nomade » et le deuxième ? Oui, le deuxième commence un peu plus grave…
Nous leur faisons alors chanter ce passage en s’arrêtant sur le Fa# problématique de
« Nomade ». Cette note rentre peu à peu dans l’oreille des enfants, même si certains se
27
trompent encore. Il faudra y revenir. Nous terminons la séance par l’enchaînement de
toutes les phrases du premier couplet.
Séance n°2 (50 mn) :
Les objectifs spécifiques à cette séance sont :
L’apprentissage du deuxième couplet de Nomade
Ecoute : comparaison de deux morceaux tziganes Mescecina de Goran Bregovic
et Yapadcha. Ces deux chants ont une structure rythmique identique : une introduction
très lente, suivie d’un développement rapide.
Mise en voix /réveil corporel (10 mn):
Exercice de détente et de réveil corporel : les enfants sont installés en cercle et
s’étirent, se relâchent en soufflant, comme des pantins désarticulés.
Suit l’échauffement vocal qui s’est effectué à peu près de la même manière
qu’à la première séance.
Chant : reprise de Nomade (20 mn)
Nous avons repris le premier couplet de Nomade, en insistant toujours sur la
difficulté de la deuxième phrase. Nous avons ensuite enchaîné avec le deuxième
couplet, et travaillé plus précisément sur les longues tenues des mesures 17 à 23. Les
enfants avaient du mal d’une part à tenir assez longtemps la note et, d’autre part, à
ressentir le moment où il fallait changer de note. Pour remédier à ces deux problèmes,
nous avons chanté, enseignants et enfants, ce même chant avec l’accompagnement
musical tout en frappant doucement la pulsation : ceci a permis aux enfants de mieux
ressentir la musique et son tempo. Ces difficultés étaient principalement dues au
manque de base musicale et de repères à la fois harmoniques et rythmiques. Le recours
du CD a ici beaucoup aidé les enfants.
Ecoute (20 mn): Deux supports d’écoute ont été utilisés : le chant Yapadcha et un
morceau tzigane qui a la même structure lent/rapide, Mescecina. Nous avons débuté
cette séance par Mescecina. Après une première écoute, nous avons laissé la parole
aux enfants. Beaucoup d’éléments ont été pointés du doigt :
_ Il y avait du violon et de la guitare…
28
_ Ca ressemble à nos chansons de l’école…
_ Au début, c’est lent et d’un seul coup, ça va vite…
La mise en évidence des deux parties de ce morceau tzigane s’est donc faite
facilement : l’introduction chantée très lentement avec un violon, puis tempo très
rapide avec tous les instruments. A suivi l’écoute de Yapadcha. Les élèves ont
spontanément réagi : « C’est comme dans l’autre, au début, c’est lent, et après, ça va
vite… ».
Remarque : Nous avons observé pendant cette phase d ‘écoute que les enfants
manifestaient le besoin de bouger, de battre la mesure, d’accompagner la musique de
gestes, c’est-à-dire de participer activement à l’écoute. Ces deux morceaux sont en
effet très entraînants. Nous avons donc décidé de consacrer, en troisième séance, un
travail sur le tempo et l’accélération, caractéristiques majeures du chant Yapadcha.
Séance n°3 (45 mn) :
Objectifs spécifiques :
apprentissage du chant Yapadcha (refrain + 1er couplet)
travail sur le tempo et l’accélération du tempo.
Jeu de rythme (10 mn) : Les éléphants.
Les enfants occupent tout l’espace de la salle de musique. Je frappe sur un tambourin
de manière régulière : les enfants marchent sur les pulsations en faisant des pas assez
lourds comme des éléphants… J’accélère progressivement le tempo, l’allure devient
de plus en plus difficile à soutenir. Puis, à la manière de Yapadcha, je frappe une
pulsation lente et, d’un seul coup, très rapide, puis de nouveau lente… Enfin, je
propose cette même activité avec la chanson Yapadcha.
Ce jeu permet aux élèves de ressentir physiquement les changements brusques de
tempi dans Yapadcha et le Jazz manouche en général.
Mise en voix (5mn) : L’échauffement vocal s’est déroulé de manière identique aux
deux premières séances, en jouant sur les onomatopées Ya-pa-dcha.
Chant (30 mn) :
Répétition du chant Nomade pour en consolider l’apprentissage.
29
Présentation de Yapadcha (cf annexe n°5): Nous le chantons une première fois a
capela pour le faire découvrir aux enfants.
L’apprentissage : Il se fait phrase par phrase par écoute/répétition. Le chant
Yapadcha ne présente pas de difficultés particulières. Les élèves ont beaucoup
apprécié ce chant et l’apprentissage n’en a été que facilité. Le seul petit problème que
nous avons pu rencontrer fut de contenir l’accélération des enfants, emportés par la
l’élan de la musique…
Séance n°4 (45 mn):
Objectifs spécifiques :
Travail sur le tempo et l’accélération du tempo
Apprentissage du chant Ma première guitare.
Jeux de rythme (10 mn): Les enfants sont assis par terre en tailleur et forment un
cercle. Je donne le signal et chaque enfant frappe dans ses mains, chacun son tour, en
essayant de garder la pulsation. Les premiers tours de ronde ne sont pas très
satisfaisants : certains enfants n’étant pas prêts ou pas assez attentifs. Mais, petit à
petit, une pulsation s’installe, les enfants étant plus vigilants. Ensuite, je relance
l’activité en proposant de ne faire qu’un seul tour, mais en partant très lentement et en
accélérant au fur et à mesure. Les élèves ont eu tendance à commencer trop vite et
donc se retrouvaient rapidement « coincés ». Le constat établi, ils ont fait attention de
ne pas trop accélérer pour pouvoir finir la ronde. Cette phase de rythme s’est terminée
par la répétition de rythmes simples chacun son tour (rythmes présents dans les chants
étudiés).
Mise en voix (5mn): Cf séances précédentes.
Chant (30 mn):
Révision de Nomade (5mn)
Reprise de Yapadcha (5 mn)avec l’accompagnement à la guitare. Le fait que
j’accompagne ce chant à la guitare
a aidé les enfants à
ne pas trop accélérer,
puisqu’ils étaient contraints de suivre les accords…
Ma première guitare (20 mn): cf annexe n°6
30
Ce chant est le plus difficile des trois chants proposés, tant au niveau des paroles, que
de la mélodie ou du rythme. Nous avons utilisé la même technique écoute/répétition.
Mais, nous avons été confronté à plusieurs difficultés. La mélodie est assez complexe,
jouant sur les demi-tons : les élèves avaient du mal à la mémoriser et à la reproduire.
De plus, elle est rythmiquement difficile ; la fin des phrases musicales commencent
toujours en contre-temps. Les enfants étaient vite perdus. Pour pallier ces problèmes,
nous avons continué l’apprentissage de ce chant en s’aidant de la musique et en faisant
frapper la pulsation à la classe. L’accompagnement musical a aidé les enfants, même si
les difficultés n’étaient pas totalement résolues : il s’agit d’un travail à accomplir sur
plusieurs séances, dont nous ne disposions malheureusement pas.
Séance n°5 : Répétition à deux classes (40 mn)
Objectifs spécifiques :
Chanter à plusieurs classes, s’écouter…
Répétition des chants appris
Mise en voix collective (10 mn):
Sirènes…
Vocalises
Chant (30 mn): Nous avons repris avec les enfants les trois chants : Nomade,
Yapadcha et Ma première guitare.
Cette répétition a très bien fonctionné pour Nomade et Yapadcha, que j’accompagnais
à la guitare. L’institutrice titulaire avait donné les paroles des trois chants à apprendre ;
celles de Nomade et Yapadcha étaient déjà connues par la plupart des enfants ; les
paroles de Ma première guitare ont été un peu plus difficiles à retenir. Et certains
élèves ressentaient encore mal le contre-temps de la mélodie. Nous avons eu recours
encore une fois à la pulsation frappée.
Cette répétition a permis aux deux classes de se rencontrer, de pratiquer une activité
collective et de donner une nouvelle dimension motivante aux trois chants. Nous avons
également sensibilisé les enfants sur la manière de chanter, d’essayer d’avoir une
31
« jolie voix »… Le résultat a été assez concluant, même si du travail restait à
accomplir pour Ma première guitare.
3. Bilan, remarques et prolongements
Cette séquence sur le Jazz manouche a été, semble-t-il, plutôt positive pour les
élèves et l’institutrice titulaire, et très enrichissante pour nous, professeurs en
formation. Elle a sensibilisé les enfants à un nouveau style musical, leur a présenté
quelques éléments spécifiques au Jazz manouche, et leur a proposé une autre manière
d’apprendre des chants à l’école. Les objectifs généraux initialement prévus semblent
être dans l’ensemble atteints : l’institutrice de la classe a été très contente de notre
participation et a suivi les cinq séances avec intérêt. Néanmoins, il aurait pu être
intéressant, à mon avis, de construire, en parallèle, un travail plus approfondi sur la
culture tzigane et « manouche », par exemple en éducation civique… Mais, il
s’agissait avant tout de séances de musique, et nous n’avions pas matériellement le
temps de plus développer l’aspect culturel. Il faudrait également poursuivre les
activités rythmiques abordées dans cette séquence : elles pourraient par exemple venir
en aide aux enfants pour Ma première guitare, avec le problème du contre-temps. De
même, les développements de l’oreille et de la voix demandent un travail de longue
haleine, tout au long de l’école primaire et même plus tard. Je pense pourtant que cette
séquence a peut-être incité les enfants à plus « tendre l’oreille », à ne plus seulement
entendre mais à écouter… Le point important de cette séquence est que les élèves ont
pu, je l’espère, ressentir « physiquement » cette musique rythmée, qui appelle à un
investissement du corps. On peut imaginer des activités sur d’autres styles de musique,
où le rythme a également une place conséquente, comme les musiques africaines par
exemple…
B. Observations et bilan
32
Ces deux séquences, différentes dans leur approche (parce qu’adaptées à deux
niveaux de classe et à deux genres musicaux), témoignent de la même démarche :
l’approche, la découverte et le travail musical sur des musiques inconnues des enfants.
Elles ont, je l’espère, apporté une certaine ouverture d’esprit aux enfants au niveau
musical, un nouveau regard (ou plutôt de nouvelles oreilles). Evidemment, un tel
objectif ne peut en aucun cas être mis en place en une seule séquence. C’est pour cette
raison qu’il faudrait peut-être poursuivre par des travaux de même type sur d’autres
styles de musique. De même, il serait très intéressant d’accompagner ces séquences
par des aspects culturels sur l’époque contemporaine à l’œuvre, sur les pays ou régions
d’origines, sur la vie des peuples… Par ce biais, elles peuvent servir de moteur à
d’autres apprentissages : par exemple, en histoire, en éducation civique, en géographie,
en français, etc. Ou bien même, faire l’objet d’un projet de classe, d’école, ou interécoles.
♦♦♦
L’un des enjeux de l’éducation artistique est de poser les jalons d’une culture
commune et d’aider l’enfant à accéder à une certaine ouverture d’esprit, une ouverture
sur le monde. Pour ce faire, il convient de ne pas rester cantonner à un répertoire
musical spécifique, mais d’explorer d’autres genres musicaux, d’autres époques… Du
point de vue purement musical, chaque style de musique a des caractéristiques qui lui
sont propres ; ainsi, on peut centrer les activités musicales sur un ou plusieurs éléments
de ce genre de musique (par exemple, le rythme dans les musiques africaines, sur
l’écoute, les instruments ou la structure dans la musique « classique », etc.). Il peut
s’agir aussi d’un travail de comparaison des différents styles musicaux, en jouant sur
des critères précis. Mais, travailler sur des musiques inconnues des enfants, des
33
musiques « extra-ordinaires », offre une porte d’accès à une connaissance plus vaste de
la culture d’un pays, d’un peuple, d’une époque… On peut ensuite aisément lier ces
activités musicales à d’autres disciplines (l’histoire, la géographie, les arts plastiques,
le français, l’éducation civique…) ou à des compétences transversales, comme le
respect de l’autre. La motivation et l’investissement des enfants n’en seront que plus
grands.
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Prends l’éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d’énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l’on y veille, elle ira jusqu’où ?
Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au précis se joint.
O qui dira les torts de la Rime !
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d’un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?
C’est des beaux yeux derrière des voiles,
C’est le grand jour tremblant de midi,
C’est, par un ciel d’automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !
De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.
Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la Nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.
Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L’Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l’Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !
Verlaine, L’art poétique, Jadis et Naguère
34
BIBLIOGRAPHIE
Les musiques actuelles à l’école, B. Parmentier-Bernage (Magnard,
2000) ;
Les musiques à l’école, Denis Laborde (Bertrand-Lacoste, 1998) ;
L’expression musicale, Anne-Marie Chevalier (Armand Colin, 1994) ;
Musiques à l’école, référentiel de compétences « musique » pour
l’enfant, Conseil des CFMI (J.M Fuzeau, 1999) ;
Se former à l’enseignement musical, approches didactiques et
pédagogiques, C. Gillie-Guilbert et L.Fritsch (Bordas-A.Colin, 2001) ;
Enseigner la musique à l’école, Isabelle Lamorthe (Hachette, 1997) ;
Qu’apprend-on à l’école maternelle ?, Ministère de l’éducation
nationale (CNDP, 2002) ;
Qu’apprend-on à l’école primaire ?, Ministère de l’éducation nationale
(CNDP, 2002) ;
Pierre et le loup, Prokofiev, raconté par Gérard Philipe, illustré par
Marcel Tillard (T. Magnier, 2000)
Pierre et le loup, Prokofiev, Orchestre Symphonique de l’URSS, dir.
Guennadi Rojdestvenski (Le chant du monde, 1956, 1994) ;
Pierre et le loup, Prokofiev, Miguelanxo Prado (Casterman) ;
Pierre et le loup, Prokofiev, Erna Voigt (Gallimard Jeunesse) ;
Répertoire Musical de Bourgogne, Vol.12 (Croisez les Scènes Rym
musique Sarl).
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Annexes
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Les musiques « extra-ordinaires »
Ou l’éducation musicale à travers des musiques inconnues de la culture
des enfants
Quel répertoire exploiter en éducation musicale ? C’est une question
que l’on peut se poser à juste titre. Travailler sur des genres
musicaux inconnus permet aux enfants d’entrer dans une culture
commune et d’accéder à une certaine ouverture d’esprit. On peut
facilement lier ces musiques à d’autres disciplines ou compétences
transversales. Elles sont surtout une source de motivation qui ne se
tarit jamais !
Education musicale
Genres musicaux
Culture
Respect
Plaisir
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