La mérule : le champignon qui fait pleurer dans les chaumières
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La mérule : le champignon qui fait pleurer dans les chaumières
La mérule : le champignon qui fait pleurer dans les chaumières La mérule, dont le nom savant est Serpula lacrymans, est le cauchemard de tout propriétaire qui se respecte, la 8e plaie d'Egypte égarée sous nos latitudes, bref, une véritable calamité. La mérule vit essentiellement dans les forêts des régions humides du nord de l'Europe où elle se nourrit de la cellulose des arbres morts. Mais quand l'occasion se présente - par exemple quand le vent transporte obligeamment ses spores jusque dans nos villes et nos villages -, elle ne dédaigne pas le confort douillet de l'habitat humain où elle élit domicile dans le bois humide ou, à défaut, dans de vieux cartons oubliés dans un coin humide. De là, elle s'épanouit joliment, lançant ses filaments dans toutes les directions à la recherche de cellulose (présente dans le bois, le papier, le carton, les tissus). Et une fois qu'elle en a trouvé, aucun obstacle ne peut l'arrêter. A raison d'une croissance de 4 mm par jour, la mérule a tôt fait d'élargir son champ d'action et, si l'on ne réagit pas promptement, elle réduit allègrement les bâtiments en poussière. Dommage collatéral du premier choc pétrolier Mais pourquoi donc parle-t-on tant de la mérule depuis une vingtaine d'années alors qu'auparavant ce champignon semblait confiné dans ses forêts natales ? A ce propos, tous les spécialistes en conviennent : la prolifération de la mérule dans nos maisons est en grande partie imputable à la crise énergétique des années 70 et à l'utilisation incontrôlée des moyens d'isolation thermique. Quand la mérule atteint ce stade, s'en débarrasser devient très difficile et surtout très onéreux. Photo D.R. Les habitations ainsi hermétique- ment calfeutrées ne permettent plus à l'air d'y circuler avec pour conséquence une humidité qui se condense et s'accumule, offrant à la mérule les conditions idéales à son éclosion. Dès lors autant prévenir que guérir, d'autant que, dans ce der nier cas, la facture risque d'être gratinée. Précautions d'usage ; veiller à l'étanchéité de la toiture, ventiller correctement les pièces, éviter la concentration de bois ou de vieux cartons dans des endroits humides, etc. Et surtout, être à l'affût du moindre filame nt blanchâtre sur des boiseries ou la maçonnerie (la mérule à ce stade a une consistance ouateuse à ne pas confondre avec le salpêtre qui tombe en poussière entre les doigts et a une consistance grasse). Un fléau qui se propage à toute vitesse Si vous ne voulez pas, un jour, découvrir, adhérant à une boiserie (plancher, porte, poutre), une sorte de crêpe épais brun rouille bordé de blanc : cette chose gluante, c'est le chapeau de la mé rule qui vous avertit ainsi qu'elle est désormais devenue adulte. Parvenu à maturité, le champignon est prêt à lancer ses spores à l'assaut des édifices voisins ou des parties de la maison qui, par miracle, auraient échappé à cette grande œuvre destructrice. Car la mérule, même après vous avoir grignoté votre maison sur le dos et épuisé toutes les réserves de bois, peut se propager à travers la maçonnerie pour s'atta quer à d'autres boiseries même sèches. Plus le champignon prend de la vigueur, plus il peut aller chercher sa nourriture parfois fort loin dans une habitation et au-delà, confirme Marc Van Leemput, responsable des recherches au Centre technique de l'industrie dubois (Ctib). Gare aux zones confinées que Ton oublie d'inspecter ! La présence de tel ou tel champignon dépend essentiellement du taux d'humidité- la mérule, par exemple, ne supporte pas une humidité excessive - et de la présence en quantité plus ou moins importante de matériaux lignoDépister les autres cellulosique. La mérule se développe champignons Ceci étant, si l'on s'aperçoit de la surtout dans les espaces confinés et en présence d'un champignon sur une marge des zones humides. Les espaces boiserie, pas la peine de sortir tout de plancher/plafond, l'arrière des bardages, les suite l'artillerie lour de : la mérule n' est caves légèrement humides et mal ventilées, pas le seul champignon à élire domicile etc., sont des lieux propices à l'installation dans les habitations et à s'attaquer aux de la mérule, confirme Anselme Dutrecq. boiseries. La mérule ne pourra être éradiquée que dans des conditions d'humidité inférieure à 20 %, des conditions qu'il est difficile d'at teindre quand il s'agit de boiseries dont la section est importante et qu'elles sont encastrées dans des maçonneries extérieures. Dans les grandes lignes, en cas d'offensive mérulienne, le traite ment consistera à ventiler les zones humides afin d'assécher aumieux les boiseries, à nettoyer et gratter toutes les boiseries atteintes et remplacer le bois attaqué par du bois traité avec un fongicide ou, si possible, par un autre matériau (béton, fer), à déterminer l'étendue du développement en mettant à nu les Les moisissures peuvent se développer dans des zones laissées humides et non ventilées. Photo D.R. Heureusement, tous ne sont pas aussi dévastateurs. La plupart des autres moisissures se développent en milieu très humide, surtout au niveau des ponts thermique, et ne causent qu'un léger effritement des fibres du bois. L'avis d'un spécialiste est tout de même recommandé car certaines de ces espèces peuvent se révéler très allergènes voire franchement toxiques, nuance le professeur Anselme Dutrecq, l'un des plus importants spécialistes européens en la matière, directeur d'un bureau d'étu des et d'expertises installé à Gem bloux qui intervient dans de nombreux pays européens. Une fois que le mal est fait, attendre plus longtemps avant d'agir relèverait de l'inconscience tant les dégâts causés au bâtiment peuvent être importants. maçonneries mérulées, à traiter les maçonneries infestées en débordant d'unmètre sur les parties avoisinantes avec un fongicide agréé, et, dans le cas où le champignon est fortement développé, il y aura peut-être lieu de Reste à en avoir les moyens car une procéder au brûlage de la maçonnerie. infection de mérule nécessite des mesures draconiennes. L'im portance des travaux d'assainissement - et donc du montant qu'on aura à débourser - dépendra en grande partie de l'activité et de l'extension du champignon au moment des travaux, de l'essence du bois (les bois tendres sont plus rapidement dégradés que les bois durs, comme le chêne) et du rôle structurel que ces boiseries jouent dans le stabilité du bâtiment, précise Anselme Dutrecq. Un traitement de choc dont le coût a sans doute valu à la mérule son nom savant de Serpula la-crymans (mérule pleureuse), à ceci près qu'elle pleure moins souvent qu'elle ne fait pleurer... A.W.