manipulations sous atmosphere inerte

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manipulations sous atmosphere inerte
MANIPULATIONS SOUS
ATMOSPHERE INERTE
MANIPULATIONS SOUS ATMOSPHERE INERTE
I - SECHAGE DES SOLVANTS
Le séchage des solvants a une importance fondamentale pour la plupart des réactions de la chimie
organique. Une teneur en eau de 0,18% correspond à une concentration de 0,1 M. Pour de nombreux
modes opératoires, cela représente un équivalent d'eau par mole de réactif. Il est aisé de comprendre
dans ces conditions, que le séchage des solvants par les sels formant des hydrates (MgSO4, etc...)
n'est pas suffisant. Vous trouverez ci dessous des méthodes efficaces pour le séchage des solvants les
plus usuels.
I.1.- Alcools : Méthanol, Ethanol
Protocole : Recouvrir 5 g de magnésium du minimum d'alcool et ajouter un cristal d'iode. Chauffer
jusqu'à ce que la coloration de I2 disparaisse (I2 attaque Mg, ensuite Mg réagit avec l'alcool pour
donner l'alcoolate de Mg et dégagement d'hydrogène). Ajouter alors lentement le reste de l'alcool (12 L) en prenant garde que le dégagement d'hydrogène continue (s'il s'arrête, ajouter un cristal d'iode
et chauffer comme précédemment). Porter à reflux 1 heure puis distiller.
Destruction : Ajouter de l'eau au résidu de distillation puis jeter dans le récipient adéquat.
I.2 - Ethers : (Et2O -THF -DME-... )
Les éthers sont les solvants les plus couramment utilisés pour les réactions avec les organolithiens et
organométalliques de manière générale. La plupart des organolithiens sont en effet solubles dans ces
solvants et ne les attaquent pas (le THF peut cependant être attaqué par les lithiens après un temps
prolongé).
Les protocoles de séchage sont les suivants :
• distillation du THF sur LiALH4
• distillation sur Na-benzophénone ou K-benzophénone. Le potassium est plus dangereux que le
sodium mais présente l’avantage d’être fondu à la température de distillation du THF et laisse ce
dernier exempt d’oxygène.
Ce dernier protocole est généralement préférable, la benzophénone servant d’indicateur : la
coloration bleue intense est dûe au radical-anion cétyl (lequel est détruit en présence d’eau).
Protocole : Mettre des fils de sodium dans un ballon (ou de petits morceaux fraîchement coupés),
remplir de solvant puis ajouter 1 g de benzophénone par litre. Laisser au reflux jusqu'à ce
qu'apparaisse une couleur bleue intense puis distiller. Le résidu de distillation doit être conservé sous
azote ou sous argon, fermé, pour une distillation ultérieure. Il suffira alors de rajouter du solvant
frais.
Le solvant frais doit être préséché sur MgSO4 ou sur sodium (s’il contient peu d’eau) afin de ne pas
"salir" trop rapidement la chaudière.
Quand, malgré un reflux prolongé, on n'arrive pas à une coloration bleue, il faut bien gratter le fil de
sodium avec une baguette de verre et poursuivre le reflux. Si ceci est infructueux, c'est que la
proportion d'impuretés est trop forte. On devra donc distiller (le distillat devant être ensuite redistillé,
voir ci-dessus) puis détruire le résidu de distillation avec de l'éthanol (dissolution de Na) et enfin
ajouter précautionneusement de l'eau avant de jeter la solution dans le récipient adéquat.
Les montages de distillation les plus courants sont représentés ci-dessous et possèdent les
caractéristiques suivantes :
• A : chaudière
• B : robinet à 3 voies permettant de soutirer le solvant (quantité pouvant aller jusqu’à 500 ml qui
dépend de la taille du réservoir C).
• C : réservoir. Quand ce dernier est plein, un trop-plein permet au solvant de retourner dans A.
• D : robinet surmonté généralement d’un septum permettant de retirer de petits volumes de solvant
à l’aide d’une seringue.
Précautions :
•
•
•
Prendre garde à la quantité de solvant dans A qui doit être supérieure au volume de C.
Augmenter le débit de gaz inerte (argon) après avoir soutiré du solvant (afin de combler
le vide).
Vérifier l’état de la bouteille de gaz inerte.
I.3 – Les hydrocarbures aliphatiques
Ces solvants tels que le pentane et l’hexane sont inertes et facilement séchés et distillés. Les fractions
mixtes telles que l’éther de pétrole peuvent aussi être utilisées. Les organo-lithiens tels que le n-BuLi,
s-Buli etc….sont vendus en solution dans ces solvants. Cependant, la LDA, le MeLi et d’autres
organolithiens sont insolubles dans ces solvants.
Ils peuvent être préséchés puis distillés sur sodium-benzophénone comme les solvants éthérés.
Protocole : Laisser au reflux 2 heures sur fils de sodium et benzophénone puis distiller lorsque la
solution présente une couleur bleue intense. Une fraction de tête de distillation peut éventuellement
être retirée.
I.4 - Toluène et benzène
Ces solvants sont distillés de manière très similaire aux solvants éthérés. Le benzène est très toxique
et ne peut être utilisé à basse température (Tf = 5.5°C ! ! !). Le toluène est quant à lui beaucoup
moins toxique mais est métallé par les organolithiens. Ces solvants sont cependant très utiles lorsque
la solubilité des espèces organométalliques, entre autre, dans les solvants aliphatiques (pentane,
hexane) est trop faible.
Protocole : Laisser au reflux 2 heures sur fils de sodium puis distiller. La fraction de tête de
distillation (remise avec le toluène technique) devra être assez importante en effet elle contient
encore l'eau éventuellement présente.
La Tf du sodium est inférieure à celle de la Teb du toluène. Aussi lors de la distillation de ce dernier,
du sodium fondu est présent dans la chaudière. Une agitation vigoureuse de ce mélange permet de
préparer des billes de sodium.
I.5 - Chlorure de méthylène -Tétrachlorure de carbone -Chloroforme -Acétonitrile
Protocole : Laisser au reflux 1 heure sur P205 (environ 10 g /L) puis distiller. La formation d'un
goudron brunâtre au fond du ballon est normale. I1 faudra ajouter de l'eau, avec précaution (refroidir
le ballon prélablement avec un bain de glace), au résidu de distillation pour détruire le goudron formé
par P205. I1 sera nécessaire d'agiter et de gratter pour qu'il se dissolve dans l'eau. Jeter alors le solvant
résiduel et la phase aqueuse dans les récipients adéquats.
Ces solvants peuvent aussi être préséchés sur CaH2 puis distillés sur CaH2. Cette technique présente
l’avantage par rapport à la précédente de ne pas introduire d’impuretés acides dans les solvants. Ce
protocole est généralement préféré.
I.6 - Acétone
Ce séchage est difficile car les agents desséchants d'ordinaire les plus efficaces catalysent la réaction
d'aldolisation (ce qui augmente la teneur en eau !).
Protocole : On peut laisser la nuit sur Sikkon (environ 100 g /L) puis décanter et distiller
soigneusement (montage avec Vigreux) en gardant la fraction centrale. Les fractions de tête et de
queue, relativement importantes, seront remises avec 1'acétone technique.
I.7 - Pyridine -Amines
Protocole : On laisse 1 heure au reflux sur KOH sec puis on distille également sur KOH.
La diisopropylamine, la triéthylamine, etc peuvent aussi être distillées sur CaH2 après avoir été
préséchées sur KOH.
Le TMEDA (utilisé comme solvant additif) est souvent distillé sur sodium.
II – ATMOSPHERE INERTE
II.1 – Montages sous atmosphère inerte
Pour la plupart des réactions de synthèses organométalliques classiques, un simple montage à l’abri
de l’humidité et de l’oxygène est suffisant. Pour des applications plus rigoureuses, on aura recours à
l’utilisation d’une boite à gants.
On peut ainsi facilement appliquer un pression positive de gaz inerte sur le mélange réactionnel
comme le montre les schémas ci-dessous.
Pour les réactions sur de petites quantités, on suggérera l’utilisation d’un réacteur surmonté d’un
septum au-dessus duquel on place un ballon rempli du gaz inerte. Ce ballon permet de maintenir une
pression légèrement supérieure à celle de la pression atmosphérique. Le septum permet aussi de
pouvoir introduire les réactifs à l’aide de seringues. Il est recommandé de chasser préalablement
l’air à l’intérieur du réacteur avec le solvant inerte avant de placer le septum et le ballon.
L’utilisation du ballon n’est pas recommandé pour une utilisation prolongée ( > 24 h) (équilibration
de la pression par diffusion d’O2 à travers la membrane du ballon).
Pour des réactions à plus grande échelle, on utilisera préférentiellement un montage du type de celui
représenté ci-dessous. L’agitateur mécanique peut être avantageusement remplacé par une agitation
magnétique, la sortie ainsi libérée permettant de placer un septum. L’entrée de gaz inerte est placée sur
l’ampoule à addition qui présente une tubulure pour le rétablissement de pression. Ce montage permet
ainsi à la solution et au réactif dans l’ampoule d’être sous atmosphère inerte.
Le réacteur sera préalablement séché à l’étuve pendant une nuit (120°C) puis dès la sortie de l’étuve
l’entrée de gaz est connectée à une rampe vide-azote. Le robinet à 3 voies de la rampe permet de
remplacer efficacement l’air par du gaz inerte. Le chauffage du ballon (au décapeur thermique et pas à la
flamme) peut accompagner cette opération. Votre montage est ainsi totalement exempt d’air et
d’humidité. Un cristallisoir de sécurité (schéma) est recommandé au cas ou le ballon se casserait.
L’azote et l’argon sont les gaz inertes les plus couramment utilisés et peuvent être introduits dans le
réacteur sans purification préalable. Le passage du gaz à travers une colonne séchante (CaCl2) puis à
travers une colonne de silicagel bleu (désséchant et indicateur d’humidité) est cependant indiquée.
II.2 – Transfert d’un réactif organométallique
Ce transfert doit s’effectuer sous atmosphère inerte car très souvent le réactif organométallique réagit
violemment avec l’oxygène et l’eau.
* Transfert depuis une bouteille de réactif en solution
Cette opération est très courante et s’effectue à partir d’une solution d’organométallique en solution, par
exemple le n-BuLi dans l’hexane. Le transvasement peut s’effectuer à l’aide d’une canule (métallique ou
souple en téflon) (voir schéma ci-dessous) ou le plus souvent avec une seringue. Le principe est le même.
La quantité de réactif prélevé doit obligatoirement être remplacée par le gaz inerte. Ce dernier est
introduit à travers un septum à l’aide d’un ballon d’argon (ou d’azote) ou d’une aiguille connectée à une
rampe.
Lorsque l’on utilise une seringue, on veillera à ce qu’elle soit bien sèche. Le séchage des seringues, des
aiguilles (et des canules) sera réalisé dans un dessiccateur sous vide et non pas à l’étuve (volumétrie). On
prendra soin d’éviter une exposition trop longue des seringues à l’air ambiant.
•
•
Celles ci devront être placées préalablement sous un fort courant de gaz inerte dès leur sortie du
dessiccateur.
Une fois la solution dans la seringue, celle-ci est inversée et le piston poussé jusqu’à ce que le gaz ait
totalement été évacué.
Il est fortement conseillé de plonger les seringues dans l’eau après utilisation, ce afin de dissoudre les
éventuels sels présents dans le réactif (dans le cas des lithiens notamment). Un lavage soigneux à l’eau
puis à l’acétone suivi du séchage au dessiccateur termineront l’opération. Pas de séchage des seringues à
l'étuve (volumétrie) !!!!.
•
Transfert d’un réactif après préparation
Après préparation d’un organométallique ou d’un réactif quelconque sensible à l’humidité, il peut être
nécessaire de transvaser ce dernier dans un autre ballon (contenant éventuellement un deuxième réactif).
Cette opération peut être réalisée grâce à l’équipement ci-dessous. La canule peut être en verre,
métallique, voire en téflon (souple).
- le transvasement peut se faire sous vide en aspirant à l’aide d’une pompe (protégée par un piège
plongé dans l’azote liquide!) via la sortie f.
- ou en poussant avec un gaz inerte via l’entrée c.
- Les bouchons pourront avantageusement être remplacés par des septums.
* Transfert d’un réactif en suspension
Lors de la préparation d’un réactif sensible à l’humidité et à l’oxygène (organométallique ou non), il peut
être nécessaire de séparer ce dernier de sels indésirables. Cette opération peut être effectuée à l’aide d’un
filtre poreux mais cette opération n’est pas toujours aisée en particulier sur de petites quantités. On pourra
alors utiliser une adaptation du montage précédent.
Il suffit en effet de placer en bout de canule (dans le ballon noté a) un filtre « home-made » (papier filtre
attaché à la canule par un fil métallique). L’aspiration du liquide sous vide par la sortie notée f, permettra
de transvaser la solution du réactif dans le récipient b et de laisser les sels dans le récipient a.
Les bouchons notés e pourront avantageusement être remplacés par des septums. Il sera ainsi aisé de
récupérer le réactif.
II – REACTIONS A BASSES TEMPERATURES
Un grand nombre de réaction est effectué à basse, voire très basse température. Dans de nombreux cas, il
est indiqué que la réaction a été effectuée à –78°C (température de sublimation de CO2) ou –90°C. En
réalité, il s’agit le plus souvent de la température externe (dans le bain) et non interne (dans le ballon ou
s’effectue la réaction). Il convient ainsi d’être prudent et de mesurer la température à l’intérieur du
réacteur (en y introduisant un thermomètre ou une sonde ! ! !). Cette précision n’est pas superflue quand
on sait l’influence de la température sur divers paramètres réactionnels. Le tableau ci-dessous rassemble
les solvants que l’on peut utiliser comme bains de refroidissement. Ces bains sont préparés en
additionnant jusqu’à « solidification » de l’azote liquide au solvant.
Solvant
Température de « fusion »
CCl4
- 23°C
Chlorobenzène
- 45°C
Chloroforme
- 63°C
Acétate d’éthyle
- 84°C
Hexane
- 94°C
Méthanol
- 98°C
Méthylcyclohexane
- 126°C
Pentane
- 131°C
PROPRIETES DES SOLVANTS COMMUNS
Nom
Formule
1. Ether éthylique
2. Ether de pétrole
3. Chlorure de méthylène
4. Acétone
5. Chloroforme
6. Méthanol
7. Hexane
8. Tetrachlorure de carbone
9. Acétate d'éthyle
10. Ethanol
11. Benzène
12. Toluène
CH3CH2OCH2CH3
mélange d'hydrocarbures
CH2Cl2
CH3COCH3
CHCl3
CH3OH
C6H14
CCl4
CH3COOCH2CH3
CH3CH2OH
C6H6
C6H5CH3
Teb [°C]
35
35-40
40
56
61
65
69
77
77
78
80
111
inflammable cancérigène
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
-
toxicité à long terme par
inhalation (concentration limite
des vapeurs dans l'air) [ppm]
400
500
100
750
10
200
50
5
400
1000
<5
100
En général :
a) 1 ppm = 1-10 mg/m3 d'air suivant le solvant. Plus la concentration limite admise dans l'air respiré est faible, plus ce solvant est toxique. Penser par
ailleurs que plus la Teb est basse, plus il s'évaporera facilement. On peut constater que le benzène est à proscrire et les solvants chlorés à éviter en
général.
b) Les éthers (diéthyl, diisopropyl, tetrahydrofuranne) et certains alcools (isopropyl, t-butyl) contiennent des peroxydes (R-O-O-R, R-O-OH) explosifs.
Ne jamais évaporer ces solvants complètement ("à sec")! (Sauf pour des petites quantités: < 100 ml).
c) Tous les solvants, si inhalés pendant de longues périodes, provoquent des irritations des voies respiratoires.
d) Pour le séchage des solvants, il faut consulter : D.D. Perrin, W.L.F. Armarego et D.R. Perrin, Purification of Laboratory Chemicals, 2ème Ed.,
Pergamon Press, 1980.