L`assurance sociale des artistes en Colombie Carlos Soto

Transcription

L`assurance sociale des artistes en Colombie Carlos Soto
L’assurance sociale des artistes en Colombie
Carlos Soto Iguarán1 et Juan C. Suarez2
Résumé
Cet article cherche à caractériser les conditions de travail des artistes en Colombie a partir d’une série d’entretiens
réalisés et de l’étude de cas d’un théâtre à Bogotá. On observe que l’affiliation au système de santé et à la retraite
est peu fréquente chez ces travailleurs. Analyser les conditions de travail des artistes permet d’étudier les politiques
publiques qui leur sont dédiées en matière d’assurance sociale et, d’autre part, les stratégies alternatives que cette
catégorie professionnelle déploie comme forme de protection. De manière générale l’analyse permet de réfléchir
aux moyens de garantir l’accès aux assurances sociales à d’autres catégories de travailleurs, dans un contexte de
précarité et d’informalité élevées.
Mots clés : emploi informel, protection sociale, politiques publiques, métiers de l’art, pays en développement
JEL : H55, J49, O17.
Assessing social insurance for artists in Colombia
Abstract
Working conditions of artists in Colombia are portrayed in this article, based on a survey and a case study of a
theatre in Bogotá. Health and pension system coverage is very low among these workers. The analysis enables the
assessment of public policies on their behalf and the study of strategies deployed by artists as alternative forms of
social protection. Overall, the paper leads to reflect on the means to guarantee social insurance to the working
population, in a context of scare resources and high informality rates.
Keywords: informal employment, social protection, public policies, arts profession, developing country.
[email protected], Universidad Externado de Colombia, Centre d’Etudes de l’Emploi.
[email protected], Universidad Externado de Colombia.
Les auteurs tiennent à remercier Blandine Mesnel pour sa collaboration à l’édition du document.
1
2
1. Introduction
Cet article s’intéresse aux conditions de travail des artistes en Colombie. Il existe dans la littérature
différentes approches explicatives concernant l’émergence des activités informelles (formes de
production et formes d’emploi). L’analyse dite légaliste, développée par Hernando de Soto (1994),
prend en compte le rôle des institutions dans le développement des activités informelles. L’Etat est tenu
responsable au travers de diverses lois de l’émergence de l’économie informelle. Les analyses du Bureau
International du Travail ainsi que l’approche Structuraliste (développée entre autres par Castells et al,
1989) prennent en compte les spécificités propres aux économies en développement. Toutefois ces
approches, qui impliquent une compréhension et des mesures différentes du phénomène, ne semblent
pas adéquates pour notre objet d’étude. Dans les deux derniers cas en particulier, l’informel est
considéré comme étant lié aux caractéristiques structurelles de l’économie qui ont entravé les gains et
l’égalisation de la productivité entre les secteurs d’activité ainsi que la généralisation du salariat. Cela
influence de façon moins évidente les métiers de l’art, qui connaissent des taux élevés d’informalité
plutôt liés au caractère particulier du secteur.
Il existe effectivement un pourcentage élevé d’artistes non couverts par le système de sécurité sociale.
L’informel est ici lié aux caractéristiques de l’emploi et non à l’unité de production, selon les
recommandations de la Conférence internationale de statisticiens du travail (Hussmans 2004). Cette
situation s’explique par « la nature du travail de l’artiste qui est souvent soumis à des contrats à durée
déterminée et de courte durée, souvent pour des périodes spécifiques, liées à une représentation ou à la
production d’une pièce de théâtre » (Ruiz, et. al 2008). Par conséquent, on observe que « compte tenu
de l’intermittence du travail des artistes, la plupart sont signalés comme appartenant au secteur
informel» (Consejo Nacional de la Cultura y las Artes, 2004).
Dans ce contexte, il convient de s’interroger sur les mécanismes appropriés pour protéger les
travailleurs engagés dans ces métiers. Par là, on contribue à reconnaître le rôle joué par l’artiste dans la
société ainsi que l’importance de lui assurer une protection. À cet égard l'UNESCO (2002) estime que
« l’art reflète, conserve et enrichit l’identité culturelle et le patrimoine spirituel des différentes sociétés »
et contribue « au développement humain et de la société ». De plus, il contribue à « éduquer et à
sensibiliser, à promouvoir la créativité et l’innovation et à relever les défis des différences culturelles ».
Ce rôle social ne semble pas être suffisamment reconnu, à la lumière des conditions de travail
inadéquates auxquelles se retrouve soumise la profession.
Ainsi l’informalité découle à la fois des caractéristiques du secteur, qui consiste en des formes d’emploi
particulières, et des mécanismes de protection insuffisants face aux besoins spécifiques de l’activité. A
cela il faut ajouter l’insuffisance des fonds investis dans le milieu de la culture.
Face à ces problèmes, qui se traduisent par un niveau élevé de précarité chez l’artiste, différentes
alternatives sont déployées pour assurer un certain niveau de protection. On recense, par exemple, des
formes de solidarité intergénérationnelles au sein d’associations d’artistes ou encore l’exercice d’autres
activités parallèlement au métier d’artiste, pour assurer un revenu et pouvoir cotiser aux assurances
sociales.
Pour mener à bien cette étude, il est nécessaire d’étudier les différentes lois et mécanismes existant en
faveur des artistes au niveau national et local. De cette façon il sera possible d’étudier l’offre en matière
de politiques publiques, leurs objectifs et leur portée. D’autre part, afin de caractériser les formes
d’emploi existantes et les alternatives d’assurance déployées, des entretiens semi-dirigés ont été réalisés,
en plus d’une étude de cas sur les formes d’emploi d’un théâtre à Bogotá.
La présente analyse devra contribuer à proposer une meilleure approximation des formes d’emploi au
sein des métiers de l’art en Colombie, et d’étudier l’offre et la demande des politiques publiques en
matière d’assurance pour cette catégorie de travailleurs, afin de réfléchir à de possibles améliorations.
De manière générale, la précarité subie par les artistes devrait ouvrir des pistes de réflexion pour
l’ensemble du marché du travail, puisque les formes d’embauche particulières en tant qu’indépendant,
de courte durée et par projet se rependent, mettant à mal le statut du salariat qui historiquement a déjà
eu du mal à se généraliser dans le pays. La première partie de l’article se centre sur la définition du statut
d’artiste et les problèmes liés au repérage de cette profession. En deuxième lieu, on analyse les
instruments de protection sociale existants au profit des artistes. Les études de terrain sont ensuite
présentées. La quatrième partie s’intéresse à la mise en œuvre de mécanismes alternatifs d’assurance.
2. Identification et caractérisation de la profession d’artiste
Analyser les conditions de travail des artistes permet, de manière subséquente, de se pencher sur les
politiques publiques qui leurs sont dédiées en matière d’assurance sociale et, d’autre part, sur les formes
de protection alternatives déployées par cette catégorie professionnelle.
La définition et la délimitation des métiers de l’art est importante afin de connaître les caractéristiques
économiques et sociales de cette profession. Par ce biais il est possible de cerner adéquatement les
conditions d’emploi et donc les besoins spécifiques en termes d’assurance sociale. En Colombie la
législation précise les conditions pour être considéré comme artiste ou gestionnaire de l’art.
L’appartenance à cette catégorie est une condition pour pouvoir bénéficier de certaines prestations
sociales, cependant, dans la pratique, les mécanismes d’identification sont défaillants.
Le Décret 2166 définit l’artiste comme «l’empiriste ou l’académique qui démontre qu’il a exercé ou
exerce des activités inhérentes à l’art dans une de ses expressions distinctes ». Plus récemment, le
ministère de la Culture à travers la Résolution 1500 de 2010 définit le créateur comme « la personne
génératrice de biens et produits culturels à partir de l’imagination, la sensibilité et la créativité », et le
gestionnaire comme « la personne qui impulse les processus culturels à l’intérieur des entités et
institutions au travers de la participation, démocratisation et décentralisation du développement de
l’activité culturelle. Elle coordonne dans le cadre de son activité permanente les actions
d’administration, planification, suivi et évaluation des plans et projets des entités et organisations
culturelles ou des événements culturels communautaires».
En relation aux assurances sociales, la résolution 1618 de 2004 du ministère de la Culture établit qu’afin
de bénéficier d’une subvention pour accéder au système de santé, les individus devront démonter que
leur activité principale est celle d’artiste ou gestionnaire dans un des différents domaines artistiques et
avoir présenté devant un public leurs œuvres ou création. Parmi les documents nécessaires pour attester
de la condition antérieurement mentionnée on retrouve une preuve d’expérience d’au-moins un an
délivrée par un tiers, un registre attestant de la présentation effective desdites œuvres et manifestations
créatives devant un public, et un certificat de formation concernant soit des études formelles,
techniques ou informelles.
L’objectif des démarches antérieurement décrites est l’expédition d’un carnet ou d’une carte
professionnelle qui identifierait le sujet comme créateur ou gestionnaire culturel et donnerait accès au
système de santé. A cette fin les administrations locales sont responsables de la réalisation de
recensements pour identifier les artistes et gestionnaires. Cependant, il existe peu de municipalités ayant
procédé à ce recensement des artistes. A cela il faut ajouter que ces derniers semblent avoir une
connaissance limitée des mécanismes permettant d’obtenir ladite carte. Enfin, une récente loi cherchant
à réduire la bureaucratie et les démarches administratives auprès de l’Etat (Loi 019 de 2012) a éliminé le
« Conseil pour la professionnalisation de l’artiste ». Cet organisme, adossé au ministère de l’Education,
était chargé de se prononcer sur les demandes des individus souhaitant être qualifiés comme artistes.
Avec la disparition du Conseil, dans les faits aucune institution publique n’est en mesure de délivrer
une carte professionnelle3.
En conséquence, le nombre de personnes exerçant l’activité et qui possèdent actuellement un
document les identifiant comme telles est très limité. Les obstacles à un repérage adéquat de cette
profession freinent la possibilité d’identifier les besoins particuliers des artistes et ainsi de proposer des
solutions adaptées à leurs besoins.
Les dernières lois en matière de protection sociale marquent un progrès en termes juridiques pour ce
qui est du traitement de l’artiste et du gestionnaire culturel. Cependant, comme indiqué par l’UNESCO
(2004), cette population, en raison du caractère intermittent de son activité, se voit dans de nombreux
cas dans l’impossibilité de cotiser aux assurances sociales. Les conditions de vulnérabilité auxquelles
Cette situation a été confirmé par le Département Administratif de la Fonction Publique, suite à une consultation faite par
une association d’artistes (Sociedad Colombiana de Gestion – Actores). http://www.actores.org.co/wpcontent/uploads/funcion-publica.pdf
3
sont constamment soumis les artistes font qu’ils doivent continuer à chercher eux-mêmes d’autres
sources de revenus pour pouvoir exercer leur métier tout en assurant des conditions de vie minimales,
comme un verra postérieurement.
3. La sécurité sociale pour les artistes: instruments existants
Malgré les déficiences en termes d’identification, il semble exister une reconnaissance de la spécificité
du métier d’artiste. En témoignent les différentes lois et décrets qui ont cherché à garantir l’accès aux
assurances sociales pour cette catégorie professionnelle. Cependant, il existe également un refus de
créer des régimes sociaux particuliers pour certaines professions et la distinction privilégiée reste celle
entre catégories pauvres et non pauvres pour organiser la protection sociale et garantir l’accès à un
certain mécanisme d’assurance.
Le premier effort en la matière fut le Décret 2166 de 1985 qui créa un fonds de sécurité sociale de
l’artiste colombien. Cependant, la Cour Suprême de Justice (CSJ) déclara inconstitutionnelle la création
de ce régime particulier qui ne vît jamais le jour. La sentence de la CSJ décida de maintenir le Conseil
assesseur pour la professionnalisation de l’artiste, lequel doit par mandat, entre autres : définir les prérequis qui permettent de qualifier la condition professionnelle de l’art, recommander des politiques
pour l’amélioration du niveau professionnel de l’artiste et recommander des politiques de stimulation et
d’appui aux artistes.
Ensuite une nouvelle avancée normative, dont l’objectif était d’accroître la couverture et l’accès alors de
19% de la population colombienne aux systèmes de protection sociale, a donné lieu en 1993 à la Loi
100. Cette dernière créa le Système de Sécurité Sociale Intégral et le définit comme «le garant des droits
intangibles de la personne et de la communauté à accéder à une qualité de vie en accord avec la dignité
humaine, moyennant la protection contre les contingences qui pourraient affecter cette dernière». A
partir de ce moment, la sécurité sociale est désormais conçue comme un service public que l’Etat doit
être en pleine mesure de pourvoir. Un régime contributif financé para les cotisations des employeurs et
des employés est créé parallèlement à un régime subventionné, destiné aux individus qui ne sont pas en
mesure de cotiser par le biais d’un emploi formel salarié ou indépendant.
La Loi caractérise les gestionnaires culturels et les artistes comme une population vulnérable. De ce fait,
cette catégorie se retrouve à faire partie du régime subventionné avec les travailleurs et professionnels
indépendants, sportifs, toreros et chômeurs, entre autres. Ce régime est dédié aux travailleurs qui ne
sont pas en mesure de cotiser en tant que salarié ou indépendant et donne accès au système de santé.
La Loi 797 de 2003 qui introduit certaines réformes à la Loi 100 en matière de retraite, crée le Fonds de
solidarité qui cherche à offrir une pension à la population qui « en raison de ces caractéristiques et
conditions socio-économiques, n’ont pas accès aux systèmes de sécurité sociale ». Les artistes sont
inclus parmi cette population vulnérable et de difficile couverture. La Loi 1122 de 2007 constitue un
mécanisme supplémentaire pour augmenter l’accès au système de santé. Elle prévoit des subventions
partielles afin de permettre une couverture de personnes en difficulté ne bénéficiant d’aucune aide.
D’autre part, avec l’objectif de développer les mandats constitutionnels de décentralisation
administrative et à la recherche d’avancées majeures en termes de protection sociale des artistes, le
Timbre Fiscal Pro-Culture (Estampilla Pro-Cultura) commence à être promu dans les différentes entités
territoriales du pays. Cette dernière est définie dans la Loi 397 de 1997 - aussi connue comme la Loi
Générale de la Culture –, acte législatif qui crée également le Ministère de la Culture.
Le Timbre Fiscal Pro-Culture fut pensé premièrement comme un mécanisme pour stimuler et
encourager, au niveau territorial, les projets et plans locaux en accord avec le Plan National de la
Culture. Bien qu’initialement cette disposition ne prévoyait pas un budget spécifique pour la sécurité
sociale, à travers de la Loi 666 de 2001 il fut établi que 10% des ressources collectées pour le Timbre
Fiscal Pro Culture seraient destinées à la sécurité sociale-santé des artistes et gestionnaires culturels.
En 2003 la Loi 863, nouveau développement normatif par lequel se produisent des réformes douanières
et fiscales avec pour objectif de stimuler la croissance économique et l’assainissement des finances
publiques, stipule que des revenus occasionnés par le système de Timbre Fiscal Pro culture, 20%
doivent être destinés aux fonds de pensions des entités destinataires de ces revenus.
Le tableau 1 montre comment s’est développée la couverture du territoire colombien par le Timbre
Fiscal Pro culture :
Tableau 1. Evolution de la couverture territoriale du Timbre Fiscal Pro culture.
Ligne de Renforcement
Contexte 2002
Progrès 2002-2010
Timbre Fiscal Pro culture 291 Municipalités avec En 2010, 920 Municipalités
Timbre Fiscal Pro culture avec Timbre Fiscal Pro
enregistrées.
culture enregistrées.
Horizon
Des fonds collectés, 10%
sont destinés à la sécurité
sociale,
10%
aux
bibliothèques publiques, et le
pourcentage
restant
au
renforcement
de
programmes de long terme.
Source: Ministère de la Culture de Colombie. Direction du Développement Régional.
Malgré la disponibilité de fonds publics pour contribuer à la sécurité sociale des artistes
l’opérationnalisation du mécanisme s’est avérée problématique et les ressources n’ont pas été utilisées
jusqu’à présent. Le décret 2238 de 2010 prévoyait que le 10% du Timbre Pro-culture devait être utilisé
pour subventionner l’affiliation au régime subventionné et financer quelques prestations du régime
contributif. Cependant, des nouvelles lois freinent la mise en place d’un tel dispositif. La Cour
Constitutionnelle avait exigé en 2008 l’unification des prestations des deux régimes (sentence T-760).
Postérieurement, la Loi 1439 de 2011, qui introduit des réformes au système de santé, précise les
mécanismes d’unification. Cette même année, le Ministère de la Protection sociale demandait
l’abrogation du décret 2238 en raison de l’incompatibilité avec la Loi 1438 et la mise en place d’autres
mécanismes permettant l’utilisation plus efficiente des ressources du Timbre (Ministère de Culture
2011). A ce jour aucune alternative n’a été proposée. En janvier 2012, l’Agence nationale d’Audit
(2012), chargée de surveiller la gestion fiscale des entités publiques, alertait sur l’utilisation inadéquate
par les administrations locales des fonds issus du Timbre pro-culture. Selon l’Agence en 2011, seul
2.6% des ressources destinées à la sécurité sociale des artistes avaient été mobilisées.
On observe donc une reconnaissance de la vulnérabilité de la profession d’artiste et des fonds
spécifiques sont alloués afin de lui octroyer une certaine protection. Dans la pratique la précarité est
élevée. Le système de santé permet une couverture sociale minimale indépendamment de la cotisation à
travers un emploi formel, ce qui fait que de nombreux artistes bénéficient seulement de ce régime
subventionné donnant un accès partiel au système de santé. Cependant, la cotisation et l’accès à une
retraite s’avèrent plus difficiles. Ainsi, deviennent emblématiques les cas d’anciennes gloires de la
télévision ou du théâtre qui vieillissent dans la pauvreté et survivent grâce à la solidarité de leurs pairs.
Avant de préciser les alternatives déployées face aux problèmes d’accès aux assurances sociales, nous
présenterons le résultat d’enquêtes permettant une caractérisation préliminaire des conditions d’emploi
de la profession.
4. Conditions d’emploi et affiliation à la sécurité sociale des artistes
Deux exercices ont été menés afin de caractériser les conditions de travail des artistes. En premier lieu,
des enquêtes ont été réalisées à Bogotá auprès d’un échantillon non représentatif d’artistes.
Deuxièmement, un entretien avec le directeur d’un théâtre a été mené dans le but de mettre en relief les
formes d’emploi dans ce milieu.
En ce qui concerne les enquêtes, le questionnaire a été divisé en trois parties. La première se centrait sur
les caractéristiques socio-économiques : niveau de stratification du lieu de résidence, nombre d'années
d’études réalisées, formation artistique reçue, activité artistique exercée, années d'expérience. Une
deuxième partie concernait les conditions de travail: type de contrat, revenus, accès à la sécurité sociale,
exercice d’une activité complémentaire. En troisième lieu, des questions ont été posées sur la
connaissance des lois et des mesures existantes en faveur des artistes et pour savoir si les conditions
pour être accrédité en tant qu’artiste étaient remplies.
Au total, 49 personnes ont été contactées. La moyenne d’âge est de 39 ans, 44% sont des femmes et
56% des hommes. 55% de l’échantillon habite dans une résidence de strate 34. Le revenu moyen des
habitants de cette strate représente 42% du revenu moyen des ménages à Bogotá. Le montant
représente deux fois le salaire minimum ce qui permet à peine de vivre à un couple avec deux enfants à
charge (ENS 2005). La plupart des artistes rencontrés font donc partie d’une population soumise à des
restrictions du point de vue économique.
Ce niveau de revenu et le type de logement habité est peut être la conséquence du niveau d’études
atteint, ou tout simplement le reflet des conditions précaires du métier d’artiste. En effet, 68% de
l’échantillon n’a pas fini ses études universitaires. Parmi ces derniers, 11% ont à peine fini l’école
primaire et 14% le secondaire. De plus, on observe que la plupart des répondants ont appris leur métier
par des canaux informels comme l’autoformation ou la transmission intergénérationnelle de
connaissance et de savoirs faire. Seulement 7 des 49 artistes interrogés ont déclaré avoir terminé des
études universitaires artistiques (figure 1).
Figure 1. Formation des artistes et du gestionnaire culturel (nombre d'artistes)
11
7
14
7
14
19
Autodidacte
Cours ou séminaires
Etudes supérieures non complétées
Savoirs transmis
Apprentissage avec des maîtres
Etudes supérieures complétées
Les enquêtes ayant été réalisées le jour d’une mobilisation de musiciens réclamant des droits à la
sécurité sociale, 60% des personnes interrogées exercent ce métier (figure 2). Il est donc important de
signaler le biais qu’il peut exister les personnes rencontrées étant susceptibles d’être parmi les plus
précaires du milieu, d’où leur participation à la manifestation. De plus, le milieu des musiciens n’est
sûrement pas représentatif de l’ensemble des artistes car il doit exister des différences importantes entre
artiste d’arts plastiques ou d’arts dramatiques. Chaque métier a, entre autres, une périodicité et un
rapport au marché différent.
Figure 2. Métier de l'art exercé (nombre d'artistes)
Gestion culturelle
Arts plastiques
Arts dramatiques
Musique
Littérature
Danse
0
Danse
Littérature
5
Musique
10
15
Arts dramatiques
20
Arts plastiques
25
30
Gestion culturelle
La stratification se fait en en fonction des caractéristiques du logement. L’échelle va de 1 à 6. Le niveau 1 regroupe les
logements les plus précaires en termes économiques et sociaux.
4
En ce qui concerne les conditions de travail on observe que les artistes et gestionnaires ont une
insertion précaire sur le marché. En effet, plus des deux tiers exercent leur profession sans aucun type
de contrat. 14% ont un contrat verbal et seulement 18% ont un contrat écrit (figure 3).
Figure 3. Relation contractuelle entre l'artiste et son employeur
18%
14%
67%
Contrat écrit
Contrat oral
Sans contrat
Les revenus obtenus dépendent pour un peu plus de la moitié de représentations artistiques données.
Seulement 19% reçoit un paiement mensuel et 30% obtient ses revenus en fonction des ventes (figure
4).
Figure 4. Modalités de revenus
30%
19%
51%
Salaire mensuel
En fonction des représentations
En fonction des ventes
Ces chiffres témoignent d’un métier exercé plutôt en tant qu’indépendant, où la subordination salariale
est faible et dont les revenus varient en fonction de la périodicité des représentations ou des ventes.
Cette intermittence est reflétée par le niveau des revenus déclarés qui représente dans 70% des cas entre
1 et 2 salaires minimums, mais également par les taux d’affiliation aux assurances sociales. En effet,
90% des enquêtés ne cotisent pas pour leur retraite et 75% ne sont pas affiliés au système de santé
contributif. Le nombre de personnes qui cotisent pour la retraite est très bas au niveau national,
représentant uniquement 30% des travailleurs occupés. Si l’affiliation au système de santé est plus
élevée (90%), cela est possible grâce aux subventions octroyées par l’Etat, qui couvrent environ 45%
des affiliés. Il est donc normal que parmi les travailleurs plus précaires et qui subissent une forte
instabilité, la cotisation aux deux régimes par le biais d’une relation salariale soit plus faible. Dans ce
contexte, on comprend que les professionnels de l’art n’ont d’autre choix que de subsister en ayant
recours à différentes alternatives qui seront présentées dans la partie suivante.
Les faibles taux d’assurés mis en relief par l’enquête montrent également l’insuffisance des mécanismes
mis en place au profit des artistes. Les défaillances à cet égard sont aussi appréciables à l’aune du
nombre d’artistes ayant connaissance des normes censées leur bénéficier. Par exemple, 64% des
personnes interviewées ne connaît pas la résolution 2166 de 1985 sur la sécurité sociale en faveur des
artistes ou la résolution 1618 de 2004 sur l’accréditation de la condition d’artiste.
La deuxième étude de terrain a consisté à étudier le mode de fonctionnement d’un théâtre en
s’intéressant en particulier aux formes de gestion du personnel employé. Pour se faire nous avons
interviewé Santiago García, représentant légal, co-fondateur et actuel directeur du Teatro la Candelaria.
Le théâtre de La Candelaria a été fondé en 1966 par un groupe d'artistes de l'Université Nationale de
Colombie. La Candelaria est connu pour son histoire et sa contribution, à la fois académique et
empirique, à la culture en Colombie. Les questions sur la mémoire collective et le conflit armé font
partie des sujets abordés par la compagnie dans les pièces mises en scène.
Le personnel se divise entre les acteurs qui font partie de la compagnie de théâtre et les employés qui
contribuent au bon fonctionnement de l’institution, à savoir les techniciens, les guichetiers, les chargés
de la sécurité et de la restauration. Ces derniers sont payés au nombre de séances et n’ont aucun lien
contractuel avec la compagnie. Ils n’ont donc aucune affiliation au régime de retraite ni au système de
santé. Pour ce qui est des acteurs la situation est différente. En plus de jouer dans les pièces de la
compagnie, ces derniers se partagent des responsabilités en matière d’administration, publicité et
programmation artistique.
Les relations professionnelles ne sont pas régies par le Code du travail car la figure juridique utilisée
n’est pas celle du contrat de travail. Au contraire, tous les acteurs signent des contrats de « prestation de
service ». La législation considère qu’il existe un contrat de travail lorsque le travailleur réalise
personnellement une activité de manière subordonnée et continue et reçoit en contrepartie une
rémunération. Si ces trois conditions sont remplies alors l’employeur est dans l’obligation d’inscrire
l’employé aux assurances sociales et de payer les prestations exigées par le droit du travail (sécurité
sociale, risques professionnels, vacances, etc.). La prestation de service, en revanche, n’est pas
considérée comme une relation de travail. Selon la Cour Constitutionnelle lorsque cette figure juridique
est utilisée « l’activité indépendante réalisée découle d’une personne juridique avec laquelle il n’existe
aucun élément de subordination ou de dépendance qui implique le droit à donner des ordres dans
l’exécution des travaux confiés »5. En l’absence de subordination cette relation contractuelle n’oblige
pas le commanditaire à affilier les personnes embauchées aux assurances sociales. La responsabilité
d’affiliation retombe sur le prestataire. A la place d’un salaire ce dernier reçoit des honoraires, résultat
d’un travail indépendant réalisé pendant un période ponctuelle. Au vu de ces différences on comprend
évidemment les raisons qui incitent à l’utilisation accrue d’une telle figure juridique6.
Dans le cas du théâtre La Candelaria, jusqu'à la fin des années 1990, tous les employés du théâtre ont
bénéficié d’un contrat de travail formel. Cependant, en raison de la crise qui a frappé l’économie
colombienne, et qui n’a pas épargné le milieu de la culture en conduisant presque à la fermeture du
théâtre, il a été décidé de modifier les relations de travail. Les contrats de prestation de services ont été
privilégiés pour l’embauche des travailleurs. Le renouvellement se fait annuellement. Malgré cela, les
relations de travail sont assez stables, l’ancienneté moyenne des travailleurs étant de cinq ans. Ils sont
tous affiliés à la sécurité sociale en tant qu’indépendants.
Cette étude de terrain, limitée par le manque de représentativité de l’ensemble du marché du travail des
artistes, permet toutefois de mettre en évidence l’importante précarité à laquelle sont soumis les
travailleurs de ce milieu. Les relations de travail subordonnées, porte d’entrée aux assurances sociales,
semblent être peu utilisées. Au contraire, c’est le travail en tant qu’indépendant qui est privilégié, soit du
fait de la nature de l’activité, par exemple, dans le cas des musiciens, soit du fait des formes
contractuelles utilisées, comme le montre le cas du théâtre La Candelaria. La conséquence d’une telle
configuration se reflète sur le fait que la responsabilité d’affiliation aux assurances sociales retombe sur
l’artiste même. Etant donné que les revenus perçus sont faibles et instables la probabilité de cotiser est
Cour Constitutionnelle Colombienne, Sentence C-154/97.
La prestation de services est donc un moyen efficace pour les employeurs afin de diminuer les coûts du travail. L’utilisation
est croissante sur le marché du travail colombien, même au sein de l’administration publique. Comme le montre Perez (2011),
l’augmentation du personnel embauché sous un contrat de travail dans l’administration publique a été de 10% entre 2005 et
2010, alors que l’embauche de travailleurs à travers des contrats de prestation de service a été de plus de 300%, à la même
période.
5
6
très réduite. Les entretiens ont montré que la cotisation au système de retraite est quasiment nulle et
que l’affiliation au système de santé est surtout le résultat des subventions octroyées par l’Etat et non
pas de l’appartenance au régime contributif. Considérant cette insécurité sociale, la partie suivante
s’intéresse aux alternatives déployées par les artistes pour faire face à la situation.
5. Dépenses culturelles et mécanismes alternatifs d’assurance
La précarité mise en relief précédemment a lieu dans un contexte d’investissement où les ressources
allouées au secteur de la culture sont limitées. Cette réalité ne peut qu’aggraver les conditions de travail
des artistes qui cherchent des alternatives afin de pouvoir exercer leur métier en s’assurant des
conditions minimales d’existence.
Parmi les ressources publiques destinées à la culture se trouvent les fonds du Budget Général de la
Nation assignés au Ministère de la Culture, les transferts de revenus courants de la nation aux entités
territoriales (Ministère de la Culture, 2002). D’autres ressources proviennent des initiatives de
responsabilité sociale patronale, des alliances public– privé, et enfin les fonds de Coopération
Internationale que reçoit le pays.
On observe une augmentation récente des dépenses du gouvernement central dans le domaine de la
culture, en particulier en ce qui concerne les dépenses d’investissement (figure 5). En termes réels
l’augmentation entre 2010 et 2012 a été de 10%. Cependant, en pourcentage du PIB le montant total
représente à peine 0,03% du PIB en 2012, contre 0,02% en 2000. Les ressources publiques restent donc
très limitées, mais l’effort de dépense récent est réel.
Figure 5. Dépenses du gouvernement central en culture et sport (milliards de pesos)
300
250
200
150
100
50
0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Dépenses de fonctionnement
2008
2009
2010
2011
2012
Investissement
Source : Ministerio de Hacienda (2012)
Par exemple, le Programme National de Concertation à travers duquel le Ministère appuie plus de 1100
projets culturels par an, consacrait pour l’année 2002 11.920 millions de Pesos au programme. Ce
programme fonctionne de telle manière que lesdites ressources étant publiques, les candidats doivent se
soumettent aux différentes convocations proposées par le Ministère. En 2010, l’attribution des
ressources fut d’environ 30.815 millions de Pesos, soutenant pendant cette période de temps un total de
10.149 projets (tableau 2).
Tableau 2. Budget de fonctionnement du Programme National de Concertation (millions de Pesos).
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
11,92
16,56
17,76
23,83
Source: Ministère de la Culture, Bureau de Planification.
20,32
28,17
24,47
23,62
30,82
Cependant si ces dernières années il y a bien eu augmentation progressive et constante de
l’investissement et du financement des activités culturelles, ledit investissement n’a pas affecté
positivement les systèmes d’assurance de l’artiste, de là la recherche d’alternatives.
Comme signalé antérieurement, la culture en Colombie ne se finance pas seulement au travers des
fonds attribués par le Budget Général de la Nation. En addition, et pour compléter ces ressources, il
existe une Stratégie de Coopération Nationale du Ministère de la Culture, laquelle a pour objectif
d’articuler les alliances public-privé pour le développement de la politique de culture (Torres, 2008).
D’après le Ministère, ce type d’alliance concerne « les cas d’association entre acteurs à caractère officiel
(gouvernements nationaux et locaux, entre autres) et organisations de type privé telles que : entreprises,
caisses de compensation familiale, institutions éducatives (…) qui se réalisent avec le but de générer des
actions concrètes » (Torres, 2008). Ces alliances entrent dans le cadre de la Responsabilité Sociale
Patronale (RSE), laquelle est pensée comme une obligation pour l’entreprise de construire des projets
d’intervention sociale.
Selon une enquête réalisée par l’ANDI en 2004, 98 des 850 entreprises affiliées à l’Association ont
contribué pour 256.005.660 Dollars à des thèmes comme l’éducation, la santé et l’environnement.
Toutefois ces nombres et les résultats de l’enquête montrent la nécessité d’encore consolider
l’intervention de l’entreprise privée dans les affaires culturelles, son investissement étant pratiquement
nul. En échange des initiatives de RSE offertes par l’entreprise privée, le Ministère offre d’associer
l’entreprise aux stratégies de communication, aux activités, aux actes et aux campagnes se réalisant dans
le cadre de l’événement culturel que l’entreprise appuie.
Afin de renforcer cette alliance entre le secteur culture et l’entreprise privée, le Plan Stratégique de
Coopération Nationale 2009-2010 prétend générer les alliances public-privé pour le développement des
programmes et projets centraux pour le Ministère. Si l’on analyse et décompose les lignes stratégiques
du Plan, on ne retrouve à aucun moment la protection sociale du créateur et du gestionnaire culturel
comme proposés ni mis en valeur.
Comme dernière source de financement de la culture existent les fonds de Coopération Internationale
que reçoit le pays. En termes généraux, ces derniers sont destinés à compléter les efforts réalisés par
l’Etat dans les domaines stratégiques que le gouvernement en place comme le donateur considèrent
importants. Dans le cas de la culture, au total 4,5 millions de dollars ont été reçus entre 2008 et 2012, au
travers de 15 projets. Comme nous l’avons montré au travers de ce document, des différentes formes
de financement les projets de Coopération Internationale ne sont pas ceux qui sont consacrés à
l’assistance dans l’élaboration de systèmes de protection sociale pour le créateur et le gestionnaire
culturel.
Dans un contexte dans lequel les fonds destinés au secteur des arts et de la culture sont limités, la
population des artistes et gestionnaires culturels a choisi de créer ses propres schémas de solidarité et
d’autogestion afin de s’auto-garantir des conditions minimales d’existence. Ainsi fonctionne la
Fondation pour les Anciens Âgés située dans la ville de Bogotá D.C.. Cette Fondation a pour objectif
d’offrir de meilleures conditions de vie aux artistes du troisième âge manquant d’accès aux systèmes de
protection sociale, en leur apportant logement, nourriture, santé, assistance sociale et activités
récréatives. Actuellement, le projet assiste vingt (20) anciens artistes ayant entre 68 et 82 ans, desquels
certains vivent dans la Maison de l’Artiste, d’autres dans des appartements appartenant à la Fondation
moyennant un «commodat», et enfin d’autres encore vivent avec leurs familles dans des conditions de
pauvreté.
Parmi ses objectifs, la Fondation pour les Artistes Âgés organise des événements au sein d’entreprises
privées, de programmes de télévision et dans les médias de communication dans le but d’obtenir des
fonds qui assurent une condition de bien-être aux adultes pris en charge par la Fondation. Plusieurs
associations de la corporation artistique comme la Fondation Patrimoine Filmique Colombien, la
Société Colombienne de Gestion-ANDA- l’Association des Présentateurs Colombiens-ACCOl’Association Lope de Vega, le Cercle Colombien des Artistes et l’Union Colombienne des Entreprises
Publicitaires apportent leur contribution à la Fondation pour les Anciens Artistes.
En plus de la solidarité entre artistes une autre alternative est celle de la pluriactivité, c'est-à-dire la
réalisation d’activités complémentaires permettant de survivre et de compléter les revenus issus de la
profession principale. D’après les enquêtes réalisées, près des deux tiers des personnes interviewées
déclarent avoir des revenus complémentaires. Selon l’Observatoire mondial sur la condition sociale de
l’artiste de l’UNESCO au moins 60% des artistes en Colombie ont recours à des moyens additionnels
au travail dans les arts pour assurer leurs revenus. Parmi les sources alternatives de revenu on retrouve
entre autres l’enseignement, le journalisme, l’organisation de spectacles.
6. Conclusion
Cet article s’est intéressé à l’assurance sociale des artistes en Colombie. A cette fin, une enquête a été
réalisée avec des travailleurs du milieu ainsi que le cas d’un théâtre a été étudié. Ce travail de terrain a
permis de mettre en relief les conditions de travail des artistes, caractérisées par une précarité élevée en
raison de l’instabilité de l’activité et de faibles revenus. L’exercice de la profession se fait principalement
en tant qu’indépendant ce qui fait reposer la responsabilité d’affiliation à la sécurité sociale sur le
travailleur. En conséquence, le nombre d’assurés dans le secteur est limité, en particulier en ce qui
concerne le système de retraites. L’accès au système de santé est facilité par l’organisation
institutionnelle qui octroie des subventions aux personnes n’étant pas en mesure de cotiser. L’accès
n’est donc pas garanti par la condition d’artiste mais par des critères donnant droit au régime
subventionné. La reconnaissance de la spécificité du métier d’artiste et les mécanismes créés pour
faciliter l’accès aux assurances sont insuffisants, voire inopérants. En effet, de nombreuses lois
reconnaissent l’artiste comme un travailleur vulnérable et des fonds ont été prévus pour financer la
protection sociale mais, comme montré dans l’article, ces mécanismes ne fonctionnent pas. Dans un
contexte d’investissements limités dans la culture (0,03% du PIB en 2012) les alternatives, comme la
pluriactivité et la solidarité intergénérationnelle, sont mises en œuvre pour garantir une assurance
minimale.
Les artistes représentent un cas extrême parmi les travailleurs du marché du travail en raison de la
nature même de l’activité exercée. Cependant, la problématique que soulève leur situation peut être
projetée à l’ensemble du marché du travail colombien. Comment réussir à garantir l’accès aux
assurances sociales à des travailleurs soumis à des conditions d’emploi précaires et instables ? Une
analyse du marché du travail colombien met en évidence des taux de chômage, d’emploi informel et de
sous-emploi élevés. En conséquence, le nombre de travailleurs en mesure de cotiser à l’assurance
sociale est limité. En 2012, au niveau des 13 principales villes métropolitaines le taux de chômage était
de 11,2%, le sous-emploi objectif de 12,5%7. L’informalité, mesurée selon le critère du Département
national de statistiques (DANE), était de 56,1% et de 62,3% en ce qui concerne le critère d’assurance
contributive à la santé et de retraite (Galvis 2012). Malgré la croissance économique récente (4,5% en
moyenne entre 2002 et 2011) aucune amélioration n’a eu lieu à cet égard. A ce phénomène structurel il
faut ajouter la récente flexibilisation des formes d’emploi, entamée depuis le début des années 1990. La
conséquence a été l’augmentation des formes précaires d’emploi (Dejusticia 2011).
Ainsi, les travailleurs informels sont exclus de fait des assurances sociales et les travailleurs formels ne
sont pas toujours en mesure de cotiser. L’accès aux assurances sociales par le biais de cotisation
salariales connait donc des sérieuses limites. Face à cette réalité, les politiques sociales s’orientent vers
différentes modalités d’assistance au profit des exclus des emplois formels. Dans le cas de la santé, le
régime subventionné a été crée à cette fin. Dans le cas des retraites le gouvernement a proposé
récemment les « Bénéfices Economiques Périodiques », un système « flexible et volontaire » qui
complète l’épargne des travailleurs de faible revenu par une subvention publique d’un montant
équivalent. La question est de savoir jusqu’à quel point il est possible et souhaitable d’inclure un
nombre élevés de travailleurs dans de tels schémas. Dans la mesure où l’emploi informel et les formes
d’emploi précaires et instables augmentent, il peut avoir à terme plus d’assistés que de cotisants. A
terme, fiscalement et politiquement cela peut être difficilement soutenable.
Une réflexion s’impose sur l’organisation de la protection sociale basée sur le clivage pauvres/nonpauvres et non pas sur la garantie de droits sociaux à l’ensemble des travailleurs et des citoyens.
Le sous-emploi subjectif (travailleurs en situation de sous-emploi) qui ne font pas de démarches pour changer d’emploi), était
de 30,6%.
7
Aujourd’hui l’artiste pauvre et la cible des mesure d’assistance sociale en raison de la faiblesse de ses
revenus et non pas de la spécificité de son activité. La création d’un régime spécial pour ces travailleurs,
financé par des figures comme celle du Timbre Pro-culture, pourrait donc être envisagée.
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