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Réflexions
Les masques de Pessoa
Qu’est-ce que le présent ?
C’est une chose relative au passé et à l’avenir
C’est une chose qui existe en fonction de l’existence d’autres choses
Moi je veux la seule réalité, les choses sans présent
Je veux les choses qui existent, non le temps qui les mesure
Le Gardeur de troupeaux, Pessoa
Pessoa, avec ses hétéronymes, nous questionne aujourd’hui dans le contexte du dévoilement
de soi soutenu par la tendance à publiciser le privé, voire ces invitations à créer des alias pour
utiliser la communication informatique. Certes, la ligne reste mince entre le surinvestissement
du factuel et la fuite dans l’imaginaire. Le premier nous engage vers l’opératoire, la vie
comme fait divers ; la seconde nous ouvre la porte de la dissociation, la vie comme
hétéronyme. Situer Pessoa plus rapidement sur ce dernier côté nous fait oublier sa façon de
naviguer entre les deux pôles. Même décédé en 1935, avant le déploiement de la toile
informatique, il n’en est que plus pertinent à l’ère ou s’entrecroisent le livre du visage et le
visage du livre ; problématique de la façade tendue entre la recherche effrénée de
l’instantanéité d’une présence perçue et la lenteur surannée de la pensée née de l’absence. Ce
contraste apparemment violent entre la prothèse informatique, le succube concubin du factuel,
et l’héritage de Gutenberg, l’incube familier de l’imaginaire, avait pourtant couvé sous
braises depuis le demi-siècle précédent, comme une séquelle inattendue de l’après-coup de
1939-45 : la translocation de la socialisation, passée de la coutume à l’espace médiatique.
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Pessoa pose à sa façon ce rapport entre la vie extérieure, sociale, et la vie intérieure,
personnelle. Ce rapport est source d’une tension constante, à laquelle nul n’échappe, entre le
besoin d’appartenance sous péril de se perdre, et le désir d’une vie singulière au risque de
s’exclure. Tension souvent marquée par l’exigence de sécurité attachée à chacun des pôles.
Sécurité oblige qui ouvre vers le surinvestissement du factuel au pôle social ; sécurité oblige
encore, le pôle personnel fuit le factuel. Il couve silencieux dans la vie de l’imagination
derrière le masque de la conformité. L’accointance entre l’intérieur et l’extérieur de la vie de
l’imagination pousse sans cesse l’efflorescence personnelle à diffuser hors de cet espace privé
pour la faire éclore hors de la coque du moule commun mais dans l’espace social ; d’où
l’inévitable tension. Apposer sa signature à l’existence requiert de s’accommoder aux modes
du temps. Un homme d’inaction comme Pessoa illustre bien dans son autobiographie sans
événements, Le livre de l’intranquillité cette oscillation inévitable. Tant la vie que l’œuvre du
lisboète exemplifient cette condition d’équilibriste qui se cache et se manifeste dans ses
hétéronymes. Des questions plus fondamentales, liées à l’organisation psychique sous-jacente,
surgissent au contact de l’œuvre et de l’homme.
Une trajectoire du déracinement
Pessoa (1888-1935) est un homme du XIXème siècle qui vit décalé au XXème. Il naît en juin
le jour anniversaire du saint patron de Lisbonne. Pessoa fera naître ses hétéronymes presque
en même temps que lui, comme s’il était issu d’une portée. Son père, tuberculeux et
gravement atteint, s’éloigne de la famille à la campagne de peur de contaminer le petit frère
Jorge, né au printemps 1893. Orphelin de père quelques mois plus tard à l’été de ses cinq ans,
Pessoa perdra son frère six mois après ce premier décès. Il commence alors à inventer ses
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« amis imaginaires ». Sa mère devenue veuve se remarie deux ans plus tard, par procuration,
au consul portugais de Durban, déjà en Afrique du Sud, où Pessoa séjournera de 7 à 17 ans ; il
y vivra l’apparition d’une deuxième famille, deux frères et trois sœurs dont deux mourront en
bas âge. Élève brillant, il devient polyglotte. Pessoa suit en cela le talent de sa mère qui parlait
couramment le français, l’anglais et l’allemand et lisait le latin. Rentré seul à Lisbonne pour
des études supérieures qu’il ne complètera pas, il vit chez sa grand-mère, instable
mentalement. À vingt ans, il va vivre seul et commencer à gagner sa vie comme
correspondant en langues étrangères pour des maisons de commerce d’import-export de
Lisbonne ; il exercera ce métier jusqu’à la fin de sa vie. Chroniqueur, poète, correspondant, il
publie sous différents pseudonymes, et rédige comme un journal de survie, depuis une crise
en 1914 où il se retrouve seul et commence sa carrière d’écrivain, et jusqu’à sa mort en 1935,
Le livre de l’intranquillité, manuscrit attribué à Bernardo Soares dans un fragment publié vers
1929, et retrouvé de façon posthume dans ses papiers. C’est le Pessoa de l’intimité, de
l’érudition, de l’imaginaire. Dans les chroniques, Le banquier anarchiste, Chronique de la vie
qui passe, c’est le Pessoa public, impliqué dans les mouvements littéraires et politiques, où il
publie, paradoxalement, un texte sur l’opinion publique.
Le journal de la pudeur
Le livre de l’intranquillité résume bien ce que dit Pessoa de lui-même, de sa personne
(pessoa) : « J’appartiens cependant à cette espèce d‘hommes qui sont toujours en marge de ce
à quoi ils appartiennent » (Crespo, p. 113). D’un côté, il propose pour survivre : « Je ne sais
si tout le monde est comme moi, ou si la science de la vie ne consiste pas essentiellement à
rester extérieur à soi-même, au point de parvenir instinctivement à une sorte d’aliénation, et
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de prendre part à l’existence tout en restant étranger à sa propre conscience » (p. 334 ; no
338) ; de l’autre, tel qu’on s’y attend, il exalte la vie intérieure : « La vie est un voyage
expérimental, accompli involontairement. C’est un voyage de l’esprit à travers la matière et,
comme c’est notre esprit qui voyage, c’est en lui que nous vivons. Il existe ainsi des âmes
contemplatives qui ont vécu de façon plus intense, plus vaste et plus tumultueuse que d’autres
qui ont vécu à l’extérieur d’eux-mêmes » (p. 361 ; no 373). Comment savoir dans cet enjeu si
l’originalité réside dans la part prépondérante donnée à l’un ou l’autre aspect ou si elle n’est
qu’un simple retrait protecteur, « un quiétisme esthétique de la vie, grâce auquel les insultes
et les humiliations, que la vie et les vivants nous infligent, ne puissent nous atteindre au-delà
d’une périphérie méprisable de notre sensibilité » (p. 315 ; no 316). La vie intérieure,
singulière et originale, posée comme le remède aux blessures de la vie et le réconfort de nos
faiblesses, est une attitude trop commune pour ne pas être entendue. La vie intérieure,
foisonnante de rêves, comme le ferment de l’action, est une disposition suffisamment fragile
pour ne pas être cultivée. Là où Pessoa nous interroge, c’est dans l’articulation de la vie
intérieure avec la vie extérieure. L’originalité consiste-t-elle à vivre ses rêves ou à rêver sa
vie ? Et le conformisme à confondre l’un avec l’autre ? Cette articulation passe par le rêve
pour Pessoa. Le rêve est à la fois ce qu’il y a de plus intime et de plus secret, et aussi un
carrefour jouxtant la vie extérieure lorsque qu’il se présente dans son caractère hallucinatoire
comme le simulacre de la réalité. On s’interroge sur le rêve fantastique sans déborder du cadre
de l’optatif ; on se laisse subjuguer toutefois par le rêve du probable et du légitime. Pessoa
continue : « Le rêve qui nous promet l’impossible, de ce fait même nous en prive déjà ; mais
le rêve qui nous promet le possible intervient dans la vie elle-même et y délègue sa solution.
L’un vit en toute indépendance, en excluant tout le reste ; l’autre est soumis aux contingences
des événements extérieurs » (p. 164 ; no 143). S’il suit le cours de ses rêves, c’est parce que la
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vie lui fait mal : « Si l’on s’intéresse à moi, je prends la fuite. Si l’on me regarde, je sursaute.
Je suis constamment sur la défensive. Je me fais mal à la vie et aux autres. Je ne peux pas
fixer le réel en face » (p. 480).
L’emprise de l’imaginaire
Pessoa semble avoir vécu ses rêves selon deux axes singuliers : à travers ces hétéronymes, et
dans l’idylle avec Ofélia Queiroz. Il s’explique plus facilement des uns dans une lettre au
poète Adolfo Casais Montero, en 1935 : « À l’origine de mes hétéronymes, il y a ce trait
profond d’hystérie qui existe en moi. Je ne sais pas si je suis simplement hystérique ou si je
suis, plus exactement, un hystéro-neurasthénique. Je penche pour cette seconde hypothèse, car
il y a en moi des phénomènes d’aboulie, qui ne font pas partie du tableau clinique de
l’hystérie proprement dite. Quoi qu’il en soit, l’origine mentale de mes hétéronymes est dans
ma tendance organique et constante à la dépersonnalisation et à la simulation. Chez moi, ces
phénomènes se sont – heureusement pour moi et pour les autres - intellectualisés […] et chez
les hommes l’hystérie prend surtout un aspect mental ; ainsi tout s’achève-t-il en silence et en
poésie » (Crespo, p. 164). Ces hétéronymes apparaissent en 1914, et précèdent de quelques
temps une crise dépressive où se construisent son implication littéraire et le début de la
rédaction du journal qui deviendra Le livre de l’intranquillité. Voici de qu’en a dit Pessoa,
selon Campo : « Alberto Caeiro est né le 16 avril 1889 à Lisbonne, où il est mort en 1915 ; il
a cependant presque toujours vécu à la campagne […]. Alvaro de Campos est né le 15 octobre
1890 en Algarve […], est devenu ingénieur naval à Glasgow […]. Ricardo Reis est né en
1887, un an avant Pessoa […], devenu médecin avant d’émigrer au Brésil en 1919 » (Campo,
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p. 166). Pour Pessoa, ce sont des alter ego qui représentent des poètes de styles différents.
Pour l’observateur, il ne peut qu’être frappé par l’aspect gémellaire de ces hétéronymes.
La relation de Pessoa-Hamlet avec Ofélia est demeurée plus secrète. Il a trente et un ans, elle
dix-neuf ; elle se présente à l’entreprise pour un poste de dactylo. C’est une liaison qui
coïncide étroitement avec le retour, d’Afrique du Sud à Lisbonne, de sa mère, à nouveau
veuve, et de ses deux frères qui iront vivre au Royaume-Uni. Derrière la façade de leurs
fiançailles, c’est une passion violente entre mars et décembre 1920. Fernando s’angoisse face
à la famille d’Ofélia ; il sent que son hétéronyme Avaro de Campos est perturbateur de leur
idylle ; il pense même à se faire interner avant de rompre. On sait qu’il a gardé contact avec
Ofélia jusqu’en 1930, au-delà de la mort de sa mère en 1925, une mort dont il ne se serait
jamais remis selon sa sœur Henriqueta qui viendra, avec son mari et ses enfants, vivre avec
lui. Dans une lettre de fin septembre 1929 : « Ma vie tourne autour de mon œuvre littéraire
[…] Tout le reste, dans la vie, n’a qu’un intérêt secondaire.[…] Je vous aime beaucoup –
vraiment beaucoup – Ofélia […] Si je me marie ce ne sera qu’avec vous » (Chronique, p.
124). Ce refusement de l’amour, comme d’autres (il aurait refusé l’invitation du recteur de
Coimbra y enseigner la littérature) ouvre sur la nature du poète. Quelque part, Pessoa préfère
le factice au réel : « Je n’ai jamais fait que rêver. Cela, et cela seulement, a toujours été le
sens de ma vie. (p. 121). Cette manie de me créer un monde factice ne m’a jamais quitté, et
ne me quittera que le jour de ma mort (p. 122). Ce retrait, c’est d’abord pour apaiser
l’angoisse, particulièrement manifeste dans le contact humain : « Me trouvant oppressé
aujourd’hui, jusque dans la sensation physique de mon corps, par cette anxiété trop bien
connue (p. 35), et le fait se réfugier dans une esthétique de l’indifférence : « J’ai sculpté ma
propre vie comme une statue faite d’une matière étrangère à mon être » (p. 141) –
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effectivement, aujourd’hui, Pessoa est une statue dans le barrio alto lisboète, près du tram 28.
Ce retrait, c’est aussi et surtout une disposition particulière contenue dans cette note non
datée: « Je n’éprouve pas de difficulté à me définir : je suis un tempérament féminin avec une
intelligence masculine. Ma sensibilité et les mouvements qui en découlent, et c’est en cela que
consistent le tempérament et son expression, sont d’une femme. Mes facultés de relation –
l’intelligence et la volonté, qui est l’intelligence de l’impulsion – sont celles d’un homme […]
Je reconnais sans illusion la nature du phénomène. C’est une inversion sexuelle élémentaire.
Elle s’arrête à l’esprit. Toujours cependant, quand j’ai médité sur moi-même, elle m’a
inquiété… » (Crespo, p. 236). Ces conditions ont contraint Pessoa à se camper comme
homme d’inaction. « Il est deux choses qui entravent l’action : la sensibilité et la pensée
analytique, qui n’est elle-même rien d’autre, en fin de compte, qu’une pensée douée de
sensibilité » (p. 305).
L’homme d’inaction ne tient pas à faire preuve d’originalité ; il ne tient pas non plus à
échapper comme tel à la normalisation de la vie puisqu’il s’y conforme extérieurement. Il
cherche seulement à privilégier sa sensibilité et sa liberté de pensée au détriment de sa volonté
d’en faire partager les autres dans un projet d’action. L’homme d’inaction se sent déjà
fortement normalisé dans le seul fait d’être soumis à l’existence ; son originalité ne fait que
découler de son choix de soumettre sa vie extérieure à sa vie intérieure. Plus le choix sera
radical plus cette qualité en sera rehaussée, surtout s’il vit cloîtré dans sa loi personnelle. Estce par dépit d’être dérangé par les autres, de ne pouvoir partager suffisamment ce qui l’habite,
ou en raison de l’emprise d’une sensibilité qui teinte son existence au point d’en promouvoir
trop ostensiblement un égotisme douteux, séquelle d’un moi idéal mal liquidé ? L’original est-
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il un endeuillé qui s’ignore, à vouloir retenir ce qui est déjà perdu et passé, dans une superbe
qui considère le conformiste trop exclusivement engagé dans l’action et le bien collectif ?
L’irrésolu de cette problématique concerne ce qui du plus profondément humain peut être
partagé. Pessoa laisse entendre que c’est par la voie de la littérature que ce passage peut se
faire : « Toutes nos impressions sont incommunicables, sauf si nous en faisons de la
littérature » (p.143 ; no117) ; on pourrait y ajouter : ou de bons mots. Comme le Witzelsucht
du Oneille de Fréchette ou les affectations de langage de Cardinal dans le même recueil
d’Originaux et Détraqués. Le style n’a pas besoin de stylet pour buriner ce qui singularise
l’individu, la parole suffit quand ce n’est pas seulement la voix. Le paradoxe tient à ce que
dans le plus commun et le plus partagé, le discours, chacun exprime sa singularité propre, au
quotidien, par des formes et des tons constitués comme des empreintes digitales de la psyché
de chacun, dans une superposition du plus personnel et du plus collectif, de l’intime et du
public. La langue comme outil commun reste malgré tout le lieu du plus personnel dans
l’écriture et la parole de chacun, bien au-delà de l’œuvre littéraire et des discours particuliers
qui font la littérature. Ces deux traits, l’usage de la langue et la manie de créer du factice, sont
bien unis chez Pessoa dans sa position d’homme d’inaction. Traits de signature d’une identité
imaginaire par laquelle le privé a été fait public.
L’identité imaginaire
Pessoa a manié la langue avec dextérité et subtilité, mais au prix d’un appui sur une identité
imaginaire dont on ne sait, à prime abord, s’il faut la verser du côté de la pudeur ou de
l’affabulation protectrice. Il y a quelque chose de plus que l’atelier du pastiche qu’on retrouve
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chez le premier Proust dans des exercices de style de l’écrivain débutant; il y a quelque chose
de moins que la conviction délirante. On ne peut qu’être frappé par certaines similarités entre
le cas de Bion et la trajectoire de Pessoa : survivre à la mort en bas âge d’un membre de la
fratrie, une enfance passée à l’étranger, la crainte de trop boire, certains traits obsessionnels,
les aspects oedipiens superficiels. Pessoa reconnaît une expérience de dépersonnalisation ;
déjà dans son enfance à Durban, il avait créé Alexander Search : à la recherche de lui-même ?
Bion propose que le jumeau imaginaire serait la personnification des clivages et aurait la
double fonction de nier une réalité autre que celle du sujet, de pair avec une incapacité à
tolérer des réalités psychiques internes. De M’Uzan va chercher à expliciter la question à
partir d’une phrase d’une patiente : « Une partie de moi qui ne m’appartenait pas et qui,
pourtant, était moi. Une zone inconnue qui est moi et qui ne m’appartient pas. Quand ça
émerge, je dois me mettre à l’abri. C’est comme si, continuant de regarder cette partie de moi,
cette partie de moi allait prendre le pas sur l’autre et, alors, je ne serais plus que ça, dans cette
angoisse » (p. 17). Bion avait noté le jeu de la composante visuelle. Une observation de soi,
spécularisée, extradée pour contenir l’angoisse. L’affabulation subséquente protège le moi
contre cette angoisse et délègue à distance la partie extradée de soi dans un sujet transitionnel,
selon la formulation de De M’Uzan. On voit souvent chez le jeune enfant le travail de
personnification projeté sur des jouets et des toutous, comme exercice de maitrise ou de
reprise d‘émotions, rejouées, fragmentées, transposées, atténuées le plus souvent à partir de
quantums pulsionnels cannibaliques ou sadiques présentés naïvement dans leur extravagante
exagération, tout à la mesure de la fragilité du moi à les intégrer ou les contenir. La
personnification est pour le jeune enfant un exercice quotidien pour atteindre progressivement
la maîtrise des déferlantes pulsionnelles, au prix de tant d’incontinences émotives qui font les
journées du toddler-trottineur. Cette personnification s’appuie sur l’usage du mot et de la
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parole tout autant que sur l’exigence d’action et de mise en scène qui l’accompagne dans le
registre du comme si, le pretend mode des poésies et épopées enfantines, des histoires « qui
font peur » demandées à répétition. La personnification est à la fois une affabulation, comme
histoire, et une décharge motrice, comme dramatisation, qui donne vue sur la réalité
psychique dans une mise à distance. Ce sujet transitionnel en action me semble avoir autant
une fonction défensive qu’une fonction de construction du moi, du moins chez l’enfant, dans
la mesure où la personnification est la reprise active et graduée, sur un autre registre, des
incontinences émotives qui assaillent et débordent l’enfant à certains moments. Chez l’adulte,
peut-il être autre chose qu’une cicatrice traumatique dont les épisodes de dépersonnalisation
sont les soubresauts de la mouvance narcissique ? Ce qui frappe chez Pessoa, c’est la pudeur
dans laquelle il se drape pour effectuer cette translocation du privé vers le public dans son
œuvre.
Bion, W.R (1950). Le jumeau imaginaire, Réflexion faite, pp. 7-28, Paris, PUF, 2001.
Crespo, Angelo (1988). Vies de Fernando Pessoa, (traduction M-H. Piwnik), Monaco,
Éditiond du Rocher, 2004.
De M’Uzan Michel (1999). Le jumeau paraphrénique ou aux confins de l’identité, Aux
confins de l’identité, pp. 15-40, Paris, Gallimard, 2005.
Fréchette, Louis (1892). Originaux et Détraqués, Montréal, Boréal, 1992.
Pessoa, Fernando. Le livre de l’intranquillité, (traduction Françoise Laye), Paris, Christian
Bourgois éditeur, 1999.
Pessoa, Fernando. Chronique de la vie qui passe, collection 10/18, Paris, Éditions de la
différence, 2000.
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Pessoa, Fernando. Le Gardeur de troupeaux, collection Poésie, Gallimard, Paris, 2001.
Nb. Toutes les citations en italique sont tirées du Livre de l’intranquillité.
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