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carrière et salaires
Vous faut-il un bilan de C’est quand le marché du travail devient difficile qu’il est,
plus que jamais, utile de faire le point sur sa carrière.
Nos conseils pour choisir le spécialiste qui vous y aidera.
116 Capital Mai 2009
de leur carrière», note JeanPierre Vacher, président des
Centres interinstitutionnels de
bilans de compétences (CIBC).
Les jeunes auraient tort de se
priver, puisqu’il suffit de cinq
ans d’expérience et d’un an
d’ancienneté dans son entre­
prise actuelle pour avoir droit à
ce coaching d’une vingtaine
d’heures, étalées sur quatre à
six mois (lire l’encadré page 118
sur les démarches à effectuer).
L’opération peut même être
­r enouvelée plusieurs fois, à
condition de respecter un ­«délai
de franchise» de cinq ans entre
deux bilans. Concrètement, le
tout commence par des tests de
personnalité. Puis vient le gros
morceau, cinq à six entretiens
(une heure trente à deux envi­
ron) avec un psychologue et/ou
un consultant en ressources
­humaines. Objectif : vous aider
à préciser ou à redéfinir votre
projet professionnel en fonc­
tion de votre profil, de vos com­
pétences mais aussi de vos
­envies profondes.
Ne dites surtout pas
que vous avez besoin
de faire le point
Chez Air liquide, Areva,
Orange ou Thales, entre autres,
nul besoin d’insister pour obte­
nir un bilan. Souvent même,
dans les multinationales, les
DRH le proposent spontané­
ment afin de favoriser la mobi­
lité interne. En revanche, si cet
outil est peu utilisé dans votre
entreprise, vous devrez vous
montrer convaincant. Car il
traîne encore une vieille répu­
tation d’outil de crise – crise
personnelle s’entend. Si vous
dites que vous vous posez des
questions, votre patron va seu­
lement entendre que vous avez
envie de partir. C’est peut-être
le cas, mais ce n’est pas une
­raison pour l’avouer. Attention
donc à votre présentation des
choses. «Le mieux est de lier
votre avenir à celui de l’entre­
prise, conseille Bertrand Rie­
dinger, d’Oasys Consultants.
Par exemple, vous pourrez
dire : «Notre activité évolue très
vite. Je veux pouvoir suivre et
m’adapter», ou encore : «Je me
sens très bien dans l’entreprise,
je voudrais savoir quelles y sont
mes pistes de progression.» A
l’inverse, évitez toute connota­
tion négative : «Cela fait dix ans
que je suis à ce poste, je m’en­
nuie un peu.» Ou les phrases
vagues, donc inquiétantes, du
genre «j’ai vraiment besoin de
faire le point».
Si vous ne vous sentez pas
d’attaque pour de si pieux men­
songes, vous pouvez toujours
faire un bilan en catimini, sans
en parler à votre patron. Il fau­
dra alors utiliser l’heure du dé­
jeuner ou des congés pour filer
chez le consultant. Ou tout sim­
plement profiter de la latitude
dont vous disposez dans l’orga­
nisation de votre emploi du
temps, comme Anne, auditrice
chez KPMG : «Je souhaite de­
venir œnologue, explique la
jeune femme. Mais pas question
de l’ébruiter tant que je n’ai pas
validé mon projet. Ce serait mal
perçu par mon équipe.» Par son
boss aussi, sans nul doute.
Quid du financement du bi­
lan ? Lorsque la demande
émane du salarié, c’est généra­
lement le Fongecif, un orga­
nisme paritaire, qui l’assume.
Là encore, la démarche de prise
en charge peut se faire sans que
l’employeur en sache rien. Il
suffit de s’adresser au Fongecif
de votre région. Celui d’Ile-deFrance couvre les frais à hau­
teur de 2 250 euros. Mais tous
ne sont pas aussi généreux. En
Alsace, le budget accordé pla­
fonne à 1 650 euros. En HauteNormandie, c’est encore moins :
1 240 euros. Il vous faudra donc
Formation d’ingé­
nieur, responsable
export chez Air
­liquide puis Givenchy
Les dix p
Prestataire
Prix (1)
1 500
euros
3 800
Altedia
euros
2 370
Apec
euros
1 500
CIBC
euros
Chambre de com­2 400
merce et d’industrie euros (2)
2 500
Demos
euros
1 300
Greta
euros
2 900
Horemis
euros
Leroy Consultants
3 000
(BPI)
euros
Right Management 2 200
euros
Afpa
photos : F. albert pour capital - getty - infographie : capital
S
il s’était allongé sur
un divan deux fois par
semaine pendant plu­
sieurs années, Guil­­
lau­me Gaveriaux, 44
ans, aurait sans doute
compris pourquoi il a long­
temps été ingénieur en travaux
publics alors que la passion de
sa vie, c’est la mode. Mais il a
fait plus simple, plus rapide et
beaucoup moins cher : il a passé
un bilan de compétences.
Convaincu, à ­l’issue des tests et
entretiens, qu’il avait le poten­
tiel pour s’engager dans cette
voie, il s’est inscrit aux BeauxArts en cours du soir. Puis il a
créé Urbahia, une entreprise
spécialisée dans les vêtements
pratiques pour citadins, qui
vient de fêter son premier mil­
lion d’euros de chiffre d’affai­
res. Son best-seller : le pantalon
de pluie pour scooter enfilable
en six secondes chrono. Les Ita­
liens adorent. Les people, dont
l’animateur de Canal Plus Ariel
Wizman et l’actrice Alice Ta­
glioni, aussi. Bref, tout roule
pour Guillaume Gaveriaux.
Voilà le genre d’histoire qui
plaide pour le bilan de compé­
tences. Ce dispositif attire les
cadres qui rêvent de redonner
du sens à leur travail en créant
leur boîte, en grimpant dans la
hiérarchie ou en changeant de
filière ou d’entreprise. Effet de
la crise ? A Paris, les demandes
sont en hausse de 20% depuis le
début de l’année. Toutes les
tranches d’âge sont concernées.
En tête des postulants, les ma­
nagers proches de la quaran­
taine, moment de toutes les
­remises en cause, et les quin­
quagénaires, qui veulent gérer
au mieux les dix à quinze années
de vie professionnelle qu’il leur
reste. «Phénomène nouveau,
nous voyons aussi de plus en
plus de cadres d’une trentaine
d’années qui ne veulent pas
­rater la première grande étape
Avant
(1) Prix moyen hors taxes. Au sein d’un même
(2) Tarif pratiqué par la CCI de Paris.
compétences et lequel ?
après
Patron d’Urbahia, créateur
de mode spécialisé
dans les vêtements chics
et techniques
Faire un bilan a
­permis à Guil­lau­me
Gaveriaux de
­bifurquer vers le
­secteur qui lui
convenait : la mode.
principauxcentresdebilanpassésaucrible
Nombrede
bilans / an
1 500
Méthodes utilisées
Commentaire
Testsd’intelligenceetdepersonnalité Grosse «usine» de formation, qui reçoit beaucoup de
et 4 à 5 entretiens d’une heure.
quinquagénaires.L’approcheestaxéesurlapsychologie.
de personnalité (MBTI, Sosie…) Dans ce cabinet privé, les coachs ont tous dix ans
600 à 800 Tests
et 7 à 10 entretiens de deux heures. minimumd’expériencederrièreeux.C’estchermaispro.
900
Revueduparcoursprofessionnel,tests Accueil administratif. Et, si vous n’accrochez pas avec le
et 17 heures d’entretien sur trois mois. conseiller qui vous est assigné, difficile d’en changer.
22 500
3 tests de personnalités (dont Perfor­ A l’exception du centre de la Défense, les consultants
manse) et 8 à 10 entretiens de 2 h 30. manquent d’expérience pour recevoir des cadres.
20 000
Variables selon les régions. A Paris, Plutôt haut de gamme, locaux très chics à Paris. Adapté
tests et 16 heures d’entretien.
aux cadres sups qui seront reçus par des experts en RH.
100
Tests psychos, grille d’autodiagnostic Chezcespécialistedelaformation,l’approcheprivilégie
et 4 à 5 séances de quatre heures. les longs entretiens avec un spécialiste du métier.
6 000
1 ou 2 tests (MBTI, Sosie) et 6 à 7
Doubleavantagedecetorganismepublic :iln’estpascher
entretiens avec des psychologues. et est présent partout, y compris dans les petites villes.
1 300
TestdepersonnalitéSosieetpasmoins Tous les consultants de ce petit cabinet réputé sont
de 7 entretiens de deux heures.
d’anciens cadres formés aux techniques du coaching.
1 000
3testsdepersonnalité(Wave,Transfe­ren­- L’un des plus anciens cabinets, reconnu par les DRH.
ce,MBTI)et6entretiensdedeuxheures. Pour un consultant senior, le tarif grimpe à 5 000 euros.
700
Offre modulable selon les besoins. En Attention,lesjeunescadresaurontrarementdroitàdes
moyenne,8entretiensdedeux heures. consultants ultracapés, plutôt réservés aux seniors.
organisme, il peut varier en fonction de la région (généralement plus élevé à Paris) et de l’expérience du consultant.
soit trouver un prestataire qui
rentre dans cette enveloppe,
soit financer le dépassement de
votre poche. La procédure, en
revanche, est la même partout
en France et elle est simplis­
sime. Il suffit de produire un
bulletin de paie et de remplir
un formulaire pour que, dans
95% des cas, le Fongecif ac­
cepte la demande.
La phase suivante est nette­
ment plus délicate. Il s’agit du
choix de l’organisme avec le­
quel vous effectuerez le bilan.
Psychologues, cabinets d’out­
placement, consultants de tou­
tes obédiences, mais aussi Apec
ou écoles d’informatique ou de
commerce… Rien qu’à Paris,
on dénombre 140 prestataires
agréés. Normal, les critères
d’accréditation imposés par les
pouvoirs publics pourraient te­
nir sur un ticket de métro. Il
suffit de présenter une métho­
dologie en trois phases (analyse
des besoins, investigation et
restitution), d’employer au
moins deux consultants titulai­
res d’un diplôme de niveau bac
+ 5 et – comble de la moder­
nité – de disposer de bureaux
équipés d’une connexion Inter­
net et d’un standard téléphoni­
que… Pas étonnant que l’on
trouve tout et n’importe quoi
sur ce marché. Sans parler des
consultants non certifiés (donc
non remboursés), qui ne se pri­
vent pas pour autant de vanter
leurs bilans de compétences.
Avec des arguments parfois
étonnants : «Ma spécificité,
c’est d’utiliser la voyance, l’as­
trologie et le magnétisme, as­
sure ainsi Angélique, du cabi­
net du même nom à Saint-Maur
(Val-de-Marne). C’est plus ra­
pide.» Rapide peut-être, mais
pertinent, on en doute.
Pour éviter de confier votre
avenir professionnel à un pen­
dule, nous avons identifié les
dix principaux prestataires
du marché (voir tableau cicontre). Même si leur métho­
dologie ­varie, vous aurez l’assu­
rance d’une prestation standard
Suite page 118 
Mai 2009 Capital 117
HIER
Avant de choisir, faites
jouer la concurrence entre
plusieurs cabinets
 Suite de la page 117
de qualité. Si votre démarche
se fait au grand jour, vous pou­
vez aussi demander conseil à
votre employeur. Chez Sanofi,
Florence Jarry, de la DRH, a
ainsi passé plus de quarante
orga­nismes sur le gril pour en
référencer une dizaine. Dans
tous les cas, prenez contact,
avant de vous décider, avec au
moins deux à trois sociétés si­
tuées – ne négligez pas le côté
pratique – pas trop loin de vo­
tre lieu de travail.
Le résultat du bilan
n’est pas communiqué
à l’employeur
Au cours du premier rendezvous, toujours gratuit, vérifiez
bien que la personne qui vous
reçoit sera aussi celle qui vous
suivra si vous faites affaire. La
réussite du bilan tient en effet
beaucoup à la qualité du contact
avec le consultant. «Mais,
même si vous avez immédiate­
ment un excellent feeling, gar­
dez-vous de signer dans le feu
de l’action. Prenez toujours au
moins une journée de ré­
flexion», recommande Gérard
Goron, directeur du Fongecif
de la région Paca.
Rédactrice de rapports
annuels dans une petite
agence parisienne
Lors de l’entretien préliminaire, il faudra aussi vous assurer
du contenu réel de la prestation.
Quels sont les tests utilisés ? Les
plus répandus sont le MBTI, le
Sosie et Performanse, mais cer­
tains cabinets proposent aussi
une analyse graphologique ou
bien le 360 degrés, qui vous obli­
gera à demander à votre entou­
rage amical et professionnel de
vous décrire. Les entretiens
sont-ils bien individuels ? Les ca­
binets sérieux les préfèrent aux
réunions de groupe. Quel est le
niveau d’expérience des
conseillers ? Au moins une di­
zaine d’années en entreprise
s’imposent. Et, tant qu’à faire,
essayez de vérifier que votre fu­
tur coach n’a pas choisi ce mé­
tier parce qu’il n’arrivait pas à
trouver de job, c’est hélas assez
fréquent. Si le tarif dépasse celui
alloué par le Fongecif, ne partez
pas en courant. Cherchez
d’abord à savoir pourquoi. Un
léger surcoût peut être accepta­
ble s’il correspond à des presta­
tions complémentaires (un suivi
sur le long terme, par exemple)
ou bien à un profil de consultant
parti­culièrement pointu dans
votre ­domaine d’activité.
Enfin, demandez à consulter
le document de synthèse type
illustrations : art-presse
Vérifiez que vous remplissez
les conditions Tout salarié qui
a au moins cinq ans d’expérience
et un an d’ancienneté dans son
entreprise a droit à un bilan. Evitez
toutefois de le demander trop tôt
à votre employeur, c’est mal vu.
118 Capital Mai 2009
2
qui sera élaboré en fin de par­
cours. Cela vous évitera les désa­
gréments de Laurence. A l’issue
de son coaching dans un cabinet
parisien, cette jeune avocate
s’est retrouvée avec une note fi­
nale de quelques lignes écrites à
la va-vite. «Impossible d’en tirer
quoi que ce soit», déplore-t-elle.
Même déception pour AnneClaire Bertier, une auditrice de
30 ans, qui a passé récemment
un bilan de compétences au
Pôle emploi (ex-Anpe) : «Après
six semaines d’entrevue, ma
conseillère n’a trouvé qu’une
seule piste d’évolution, d’ailleurs
pêchée dans mon CV : je devrais
faire de l’audit !»
La synthèse que vous remet
votre consultant est confiden­
3
Demandez une autorisation
d’absence Le congé bilan de
compétences correspond à
vingt-quatre heures réparties sur
plusieurs mois. Votre employeur
ne peut pas vous le refuser, mais
­simplement le reporter de six mois.
Directrice de clientèle au
sein du groupe de conseil
en communication Ogilvy
Bien coachée,
Marina Pech
de Laclause,
33 ans, a pu
découvrir son
potentiel.
lesétapespourobtenirsanspeineunbilangratuit
1
Aujourd’hui
photos : F. albert pour capital - getty - infographie : capital
carrière et salaires
Décrochez un financement Si
votre patron ne souhaite pas pren­
dre en charge le bilan en l’imputant
sur le budget formation, adressezvous au Fongecif de votre région,
un organisme paritaire. 95%
des demandes sont acceptées.
tielle, c’est inscrit dans la loi.
Cependant, s’il a suivi votre dé­
marche, il est possible que vo­
tre DRH vous demande d’y je­
ter un coup d’œil. Et là, il sera
extrêmement délicat de le lui
refuser. Soyez donc particuliè­
rement vigilant au moment de
valider ce document. N’hésitez
pas à demander qu’il soit ex­
purgé des éléments que vous
souhaitez garder pour vous. Le
consultant l’acceptera volon­
tiers, tant que le résultat final
n’est pas faussé.
Et ensuite ? Si vous souhai­
tez changer de fonction dans
votre entreprise, appuyez-vous
sur les points forts de votre
­b ilan. Comme Anissa Jarrar,
chargée des opérations événe­
mentielles dans les magasins,
au service marketing de la
Fnac. «Mes ­capacités à enca­
drer des équipes, qui ne sont
pas utilisées aujourd’hui, res­
sortent clairement», explique
cette jeune femme de 32 ans
qui, bilan à la main, va essayer
de convaincre son patron de lui
accorder une promotion.
Si l’on en croit les chiffres du
ministère du Travail, elle a tou­
tes ses chances. Dans les six
mois qui suivent une telle dé­
marche, un salarié sur deux ob­
tient un nouveau poste dans
son entreprise ou, mieux, prend
du galon. Et une personne sur
cinq change radicalement de
cap. Mais chut, ça, votre em­
ployeur ne doit pas le savoir.
Pierre-Alban Pillet
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