ire le compte-rendu du débat nationale du 23 mars

Transcription

ire le compte-rendu du débat nationale du 23 mars
Grand débat national autour de l’Appel de
Bobigny
Vendredi 23 mars au Conseil économique,
social et environnemental (Paris)
Compte-rendu
Durée du débat : 2h30 (de 18h30 à 21h)
Nombre de personnes présentes : 150. Toutes les organisations signataires de l’Appel étaient
largement représentées : Ligue de l’Enseignement, FCPE, Andev, Francas, Snuipp – FSU,
Unsa Education, RFVE, etc…
Animateur du débat : Luc Cédelle, journaliste au Monde.
Le collectif de l’Appel de Bobigny tient à remercier chaleureusement le Conseil économique
social et environnemental et tout son personnel pour son accueil, sa disponibilité et sa
prévenance. Nous remercions également Luc Cédelle, journaliste au Monde, animateur du
débat, pour son investissement ; Mme Costa Lascoux, M.Lelièvre, Mme Mons, M.Nau pour
leurs interventions pertinentes ; et enfin, les 4 représentants des candidats à l’élection
présidentielle : M. Canet (Modem), M. Cocq (Front de Gauche), M. Meirieu (EELV), M.
Trigance (PS), d’avoir acceptés de jouer le jeu et de s’être positionnés sur cet Appel.
1er temps (1h15) :
 Accueil par Mme Edith Arnoult Brill, vice-présidente du Conseil économique, social
et environnemental.
 Introduction du débat par M. Yves Fournel, président du Réseau Français des
Villes Educatrices, coordinateur de l’Appel de Bobigny.
Monsieur Fournel rappelle dans ce discours les préoccupations principales du collectif de
l’Appel de Bobigny et interpelle les candidats sur 5 questions précises :
- quid d’une Loi d’orientation et de programmation sur la durée du mandat (quel
contenu, quelle méthode) ?
- d’un service public de la petite enfance ?
- de la formation des professionnels de l’éducation et en particulier des enseignants ?
- de la reconnaissance dans la loi d’orientation des Projets éducatifs locaux ?
- de la directive ‘services’ européenne
Au-delà, il interpelle les candidats sur une conception globale de l’éducation sur tous les
temps de l’enfant et sur la place de l’éducation populaire.
 Table ronde entre 4 spécialistes de l’éducation :
Jacqueline Costa Lascoux, sociologue, membre du HCI et ancienne présidente de la Ligue de
l’enseignement,
Claude Lelièvre, universitaire, historien de l’Ecole,
Nathalie Mons, maître de conférences en sociologie à l’université de Paris-Est et expert
auprès de l'OCDE,
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Xavier Nau, professeur de philosophie et auteur d’un rapport signalé pour le Conseil
économique, social et environnemental, Les inégalités à l’école
Luc Cédelle a ouvert le débat en insistant sur l’importance du temps qu’ont pris les
partenaires pour rédiger ce texte sans précédent (le travail a débuté en 2008), « le temps du
débat contradictoire » a pu lui dire Yves Fournel. Il rappelle le grand intérêt qu’il porte pour
l’Appel et invite les intellectuels à donner leurs avis sur ce texte (« Pourquoi êtes-vous là ? »).
Chacun a ensuite été amené à présenter un souhait, une interpellation et une question
directement aux représentants des candidats présents.
Nous présentons ici de manière non-exhaustive les points forts des interventions de chacun.
Jacqueline Costa Lascoux : pour une école de l’hospitalité et de la citoyenneté
Elle insiste sur le fait qu’on est arrivé à un phénomène de seuil, que ça ne peut plus durer.
Jacqueline Costa Lascoux, invitée principalement pour traiter de la thématique de la
coéducation et de la parentalité, très présente dans l’Appel, rappelle la loi Jospin de 1989
(« les parents sont membres de la communauté éducative »). Elle souligne le fait que sur le
terrain il se passe des choses « remarquables » en termes d’innovation mais qu’il n’y a aucune
vision d’ensemble en termes de politique éducative et de jeunesse.
Elle interpelle les candidats sur la laïcité, refuse d’accepter la Loi Carle et remet la question
de l’égalité garçons/filles au cœur du débat.
Claude Lelièvre : la dimension historique de l’appel
L’historien rappelle le caractère sans précédent de ce texte, auquel il a largement contribué.
Ses interrogations portent sur l’organisation de l’Ecole. « Quand cessera-t-on de compter sur
la hausse du plafond pour relever le plancher ?», demande-t-il. Il demande aussi aux
politiques s’ils envisagent de toucher à la journée de 6 heures de cours et comment ils
comptent faire l’articulation entre le local et le central pour cette question des rythmes. Il
souligne l’importance qu’ont déjà et que prendront encore les associations et fédérations
d’éducation populaire dans l’organisation de ce nouveau rythme (« qui et comment gèrera-ton cette 6ème heure ? »).
Nathalie Mons : l’égalité des chances et des traitements
Elle rappelle que la politique éducative ne s’est pas détériorée depuis 5 ans seulement, mais
que Nicolas Sarkozy a tout de même détruit une certaine forme de mixité sociale. Elle
souligne les inégalités de l’offre scolaire sur le territoire et interpelle sur le collège unique.
Elle parle de « non assistance d’institution en danger » pour évoquer la situation actuelle de
l’école.
Xavier Nau : les politiques de l’égalité
« La situation du système éducatif en France est aujourd’hui dramatique ». Le philosophe se
demande comment la Loi d’orientation demandée par le collectif pourra s’inscrire dans le
temps long et pas uniquement dans le temps politique ou journalistique.
Son souhait est le suivant : « quand aurais-je des élèves de tous milieux qui auront envie de
découvrir et comprendre les différences qu’ils vivent ? »
Enfin, il interpelle les candidats sur la formation des enseignants (quels moyens / quelles
méthodes ?).
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Ce temps d’échange fut dense. Il a permis non seulement d’élargir le débat ouvert par le
collectif de l’Appel de Bobigny, mais aussi de préparer le terrain pour la table ronde suivante
consacrée aux réactions des candidats à l’élection présidentielle (via leurs représentants
respectifs).
2cnd temps (1h15) :
Interpellation des représentants des candidats à l’élection présidentielle pour qu’ils
prennent position et s’engagent sur les propositions faites dans l’Appel de Bobigny.
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M.François Bayrou est représenté par M. Sylvain Canet, conseiller national,
responsable de la Commission Nationale Education du MoDem ;
M. François Hollande est représenté par M. Yannick Trigance, responsable des
questions d’éducation dans l’équipe de campagne du PS ;
Mme Eva Joly est représentée par M. Philippe Meirieu, chargé de l’Education dans la
campagne d’EELV ;
M. Jean-Luc Mélenchon est représenté par M. François Cocq, secrétaire national à
l'éducation du Parti de gauche.
Dans un premier temps, Luc Cédelle a demandé aux représentants des candidats s’ils étaient
en phase avec l’Appel et, si oui, jusqu’à quel point ?
Il a ensuite rythmé le débat par des questions/réponses pour obtenir précisément les points de
vue et les engagements de chacun sur les thématiques de l’Appel.
[Temps de questions / réponses (questions soulevées par les membres du comité de pilotage,
rappelées par Yves Fournel en ouverture) :
Quelles propositions concrètes / Quelles positions sur :
- Loi d’Orientation et de programmation demandée dans l’Appel : que pensez-vous de
ce principe ? comment pensez-vous impliquer les acteurs dans son écriture ? comment
comptez-vous gérer les urgences ?
- Petite enfance : comment se concrétise la question des 2/3 ans, et la question des
classes passerelles ?
- Formation initiale et continue des enseignants et des acteurs,
- Reconnaissance des Projets Educatifs par la loi, reconnaissance d’une éducation
globale, et plus particulièrement de l’éducation populaire,
- Directive européenne des services]
Nous nous attacherons ici à synthétiser les réponses candidat par candidat.
Sylvain Canet (Modem)
Le Modem a « une impression positive sur l’Appel de Bobigny » (travail dense, félicitations,
initiative de convergences d’idées et d’associations). Pour lui, l’Appel cible bien l’urgence de
l’Ecole. « La situation est grave, les blessures de l’Ecole sont aussi les blessures de la
République ». Souhaite reconstruire l’Education Nationale et surtout le primaire (en
réinstaurant et valorisant l’apprentissage de la langue française, écrite et parlée).
Il rappelle que le Modem refuse la mise en concurrence des établissements, des enseignants
(donc l’autonomie). « Vivre-ensemble, faire ensemble » est le leitmotiv de la campagne de
M.Bayrou, il est donc pour une reconnaissance des PEL dans la Loi. Il est pour une refonte de
l’école (contrat de progrès entre les enseignants et la Nation : rédaction commune des
programmes par exemple) ; mais pas vraiment pour une Loi d’orientation de « principe ».
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François Jarraud du Café Pédagogique se demande dans son article du 26 mars
2012 : « comment défendre des mesures d’égalité sans remettre en question le strict maintien
des postes existants ? » En effet, les postes seront remplacés un à un et aucun moyen
supplémentaire ne sera alloué à l’école (euro constant jusqu’en 2016).
A propos du collège unique : il le valorise mais refuse le collège uniforme (évoque tout de
même le collège « hors les murs »…).
A propos de la petite enfance, il rappelle « qu’aujourd’hui tous les enfants de 3 ans sont
scolarisés », et que les classes passerelles peuvent être une bonne solution pour résoudre de
nombreux problèmes (mais est plutôt contre la scolarité dès 2ans).
Le métier d’enseignant s’apprend en théorie et en pratique. M. Canet se demande s’il n’y a
pas une crise de la culture scolaire ? Et pose la question du rôle de la famille, de l’éducation
populaire (propose une aide à la parentalité et à l’éducation populaire) ? Il souhaite résoudre
les nombreux problèmes existants au sein de l’école aujourd’hui.
François Cocq :
Le Front de Gauche se réjouit d’une telle initiative qui permet « la dynamique et l’unité » et
rappelle sa grande disponibilité pour lancer une autre école qui aurait pour matrice
l’émancipation individuelle et collective. « L’école de l’égalité ne peut exister dans un océan
capitaliste ». Il dénonce le « socle minimaliste pour la plèbe et les savoirs pour les autres ».
Loi d’orientation : absolument favorable, mais comment faire très concrètement ? Il faut
d’abord observer et faire un constat de l’existant : avant tout la loi actuelle (Loi Fillon de
2005) est dangereuse car elle institue le tri social. Il en faut une nouvelle, pour remettre en
place l’école du peuple mais il faut aussi une transformation sociale globale (écologique,
démocratique et républicaine). L’Ecole n’est pas à côté de la société.
Nous interpelle pour savoir comment mettre en place tout ce que nous demandons (travail
collectif que nous devons mener ensemble).
Il évoque parallèlement plusieurs mesures d’urgence qui seront résolues dès le 7 mai si M.
Mélenchon est élu : abrogation de la loi des universités (LRU), statut des parents d’élèves,
abrogation des suppressions de postes.
Tous les jeunes doivent aller à l’école de 3 à 18 ans.
En ce qui concerne la petite enfance : il est pour l’obligation de la scolarité dès 3 ans, veut la
rendre possible dès 2 ans pour les parents qui le souhaitent. « Nous désobéirons à la directive
service européennes qui tend vers la mise en concurrence du secteur de la petite enfance. »
Il promet une reconnaissance par la loi des Projets éducatifs locaux. M. Mélenchon reste tout
de même très attaché au service public national.
Enfin, il promeut un attachement fort au collège unique. La philosophie, les sports, et les arts
doivent être proposés à tous, jusqu’à 18 ans.
Philippe Meirieu :
Totalement en phase avec l’Appel, il rappelle son premier point : « Garantir le droit à
l’éducation pour chacun » : nous sommes passés de l’égalité des chances (qui ne prend pas en
compte le droit à l’éducation pour tous !) à l’égalité des droits, ce qui est un réel fondement de
la démocratie (« éduquer c’est rendre possible la démocratie »).
Les autres points de convergences qu’il souligne sont les suivants :
- pas d’éducation possible sans partenariat (personnes et institutions pour permettre
« l’émergence de la liberté de l’enfant »).
- renverser le système de l’enseignement scolaire (organisation en centrifugeuse aujourd’hui),
vers un système intégrateur.
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- L’Etat a un rôle de régulation : l’élaboration d’un « cahier des charges national » serait une
bonne chose, à imposer à chaque école. A chaque acteur ensuite de s’emparer de ce cahier des
charges avec ses spécificités.
- Il souhaite une loi de « structuration » (du champ éducatif), plus que d’orientation et de
programmation, de l’Ecole construite sur 5 priorités :
- « un service public de la petite enfance » pour répondre avec équité aux attentes des
parents
- « une école fondamentale » regroupant école primaire et collège « dans un continuum
pédagogique sans sélection ».
- Formation pour tous de 16 à 25 ans, avec homogénéisation des statuts, à qui il faut
offrir une « allocation de formation »
- réforme de la formation des enseignants et des personnels éducatifs dans leur
ensemble
- prise en compte de la cohérence éducative sociétale. L’école n’est pas à côté de la
société. Il faut travailler en lien avec l’ensemble des segments (ex : aide parentale,
politique de la ville, etc…).
M. Meirieu rappelle enfin la Convention internationale des Droits de l’Enfant, pensant qu’elle
n’est pas respectée alors qu’elle a été signée par la France il y a plus de 20 ans.
Il lui revient d’apporter une réponse aux interrogations sur le collège unique. Il propose un
collège organisé en modules regroupant une dizaine d’enseignants stables auxquels seraient
confiés 120 élèves. L’éducation, la culture et la formation doivent échapper au champ de la
concurrence.
Les écoles doivent être des espaces de décélération, sereins, où l’on puisse retrouver le désir
d’apprendre.
Yannick Trigance :
Le PS est « totalement engagé auprès du collectif de l’Appel de Bobigny », depuis ses débuts.
Ce texte est « historique ». François Hollande veut un nouveau contrat entre l’école et la
nation et s’est engagé à faire de la jeunesse une grande cause nationale, et cela ne sera
possible qu’avec l’engagement et la mobilisation de tous (Etat, collectivités, organisations,
jeunes eux-mêmes, parents, etc…) – premier élément de convergence. « Nous voulons un
projet éducatif global, une véritable coéducation, que nous construirons ensemble. Nous
valorisons également ici la dimension territoriale de l’éducation. »
Les autres principaux points de convergence entre le programme du candidat et l’Appel, et les
engagements pris à ce jour, concernent : les rythmes, l’éducation prioritaire ; le service public
de la petite enfance ; le « 0 sortie sans qualification » ; la formation des acteurs, initiale et
continue (qui sera traitée en urgence).
François Hollande s’est engagé, auprès du collectif, sur une loi de programmation et
d’orientation, qui sera définie en concertation avec les acteurs de l’Ecole. La priorité à
l’enfance et à la jeunesse souhaitée, doit se traduire dans la loi pour ne pas rester au stade de
slogan : elle sera élaborée après concertation avec l’ensemble des acteurs (syndicats, parents
et associations). Y seront posés la question des moyens, à redéfinir, et du sens que l’on veut
donner aujourd’hui à l’école de la République : définir les missions d’école c’est définir les
missions de société.
Opposé aux atteintes contre le collège unique, il affirme que celui-ci n’est pas « un collège
uniforme ».
Pour lui, il y a une « dette éducative de la France ». « Le redressement de la France passe par
l’investissement dans l’éducation » (« On ne peut pas faire mieux avec moins ! »).
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En termes de moyens, la priorité sera mise sur l’école maternelle et élémentaire. Il souhaite
rendre l’école obligatoire dès 3 ans et la possibilité pour les enfants de mois de 3 ans d’y aller.
Les réponses ont été unanimes dans le rejet total de la directive européenne des services qui
tendrait vers la marchandisation de l’école. Tous les représentants se sont également
engagés pour une reconnaissance par la loi des PEL.
Dans l’ensemble, les réponses à 2 questions sont restées évasives :
- l’éducation populaire et les politiques éducatives globales ?
- la petite enfance, grande absente de la campagne présidentielle ?
Mme Dominique Dupuis, présidente de la FCPE Ile de France a conclu ces 2h30 de débat en
remerciant tout un chacun pour sa participation et en annonçant le séminaire du 13 juin qui
réunira les signataires de l’Appel pour une journée de travail sur la Loi d’orientation et de
programmation que nous souhaitons.
Annexes :
- Intervention d’Yves Fournel, président du RFVE
- Programme de la soirée
A lire :
Appel de Bobigny et textes complémentaires
Les signataires de l’Appel - avril 2012
Les réponses écrites des 4 candidats représentés, sur l’Appel de Bobigny :
- François Bayrou
- Eva Joly
- François Hollande
- Jean Luc Mélenchon
Dans la presse :
Café Pédagogique – François Jarraud. Lire l’article.
La Gazette des communes – Michèle Foin. Lire l’article.
Un enregistrement du débat circulera dans la lise de diffusion « Appel de Rennes ».
Nous tâcherons de le compresser au maximum pour pouvoir le mettre en ligne
prochainement.
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