La téléradiologie en pratique
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La téléradiologie en pratique
Téléradiologie TH 716 • juillet-août 2009 Dr Nicolas Crovetto Radiologue Dr Franck Le Duff Médecin de Santé Publique Dr Olivier Sisteron Radiologue Centre Monégasque de téléradiologie, Monaco La téléradiologie en pratique N ous travaillons depuis trois ans à la mise en route d’un centre de téléimagerie aujourd’hui fonctionnel. Il est important de préciser la notion de téléimagerie, en particulier en la séparant du simple transfert d’image entre sites, qui n’en est qu’un des éléments, l’amalgame est souvent fait de façon erronée, mais elle constitue en fait un acte médical complet. Dès la naissance du projet nous avons échangé avec le Conseil National de l’Ordre des médecins pour créer une organisation parfaitement respectueuse sur les plans éthique, déontologique et juridique, mais aussi technologique. Nous avons mené en parallèle une réflexion propre sur l’intégration de la téléradiologie dans la pratique médicale en France. Ce qui suit est le fruit d’échanges répétés avec les autorités, mais aussi avec les téléradiologues potentiels et les médecins de terrain. La télémédecine est une médecine de communication dans le sens noble du terme, et nous espérons que notre cas d’espèce donnera envie au lecteur de réfléchir à cette nouvelle façon d’exercer la médecine en général et la radiologie en particulier. Aspect réglementaire Loin des yeux, près du cœur Dans de nombreuses communications récentes, le premier acte de télémédecine décrit n’est pas un acte de haute technologie comme nous l’entendons, mais la naissance d’un accessoire emblématique de la médecine : le stéthoscope. En effet, Laennec en s’éloignant du patient et en utilisant un appareil phonique d’auscultation à distance a amélioré la prise en charge des patients. Cette digression a un double objectif : démontrer que la télémédecine est déjà une réalité quotidienne, parfois méconnue, mais surtout un acte médical à part entière. Cet acte médical est réalisé des millions de fois dans l’année sous la forme des téléconsultations des centres 15 ou des médecins traitants, mais aussi dans le cadre de la médecine de guerre ou de la prise en charge de population isolées, comme les marins (ce fut le cas du skipper Yann Elies sur le Vendée Globe). Sémantique Toute convention ou tout contrat de téléradiologie comporte des éléments sémantiques visant à définir les prestations et les intervenants ainsi que le cadre de l’activité. Nous retiendrons deux définitions de la télémédecine : Celle du Conseil national de l’ordre des médecins La télémédecine est une des formes de coopération dans l’exercice médical mettant en rapport à distance, grâce aux technologies de l’information et de la communication, un patient (ou les données médicales nécessaires) et un ou plusieurs médecins et professionnels de santé, à des fins médicales de diagnostic, de décision, de prise en charge et de traitement dans le respect des règles de la déontologie médicale. Celle issue de la loi Hôpital, santé, patient, territoire Art. L. 6315-1 - La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels 3 Dossier Dossier 4 La téléradiologie en pratique TH 716 • juillet-août 2009 Nord Pas-de-Calais Haute Nord Picardie Normandie Pas-de-Calais Basse Normandie Bretagne Bretagne Haute I-d-F Normandie Picardie Basse Normandie Pays de la Loire Centre Pays de la Loire Centre I-d-F Champagne Ardennes Lorraine Champagne Ardennes Bourgogne Lorraine Bourgogne Poitou Alsace Franche- Alsace Comté FrancheComté Limousin Auvergne Poitou Rhône-Alpes Limousin Auvergne Aquitaine Aquitaine Rhône-Alpes Midi-Pyrénées PACA Languedoc Roussillon Midi-Pyrénées PACA Corse Languedoc Roussillon Inférieure de plus de 15 % Inférieure de - 5 % à - 15 % Inférieure de plus Comprise entre - 5de % 15 et +%5 % Inférieure de 5 % à Supérieure de 5 % à 10 15 %% Comprise entre 5 % et Supérieure de plus de 10+%5 % Supérieure de 5 % à 10 % Supérieure de plus de 10 % Corse Figure 1 - Densité de médecins en 2006 par rapport à la moyenne France métropolitaine (scénario tendanciel) Nord Pas-de-Calais Basse Normandie Bretagne Bretagne Basse Normandie Pays de la Loire Pays de la Loire Haute Nord Picardie Normandie Pas-de-Calais Haute Normandie I-d-F Picardie I-d-F Centre Centre Poitou Champagne Ardennes Champagne Ardennes Bourgogne Bourgogne Lorraine Alsace Lorraine Franche- Alsace Comté FrancheComté Limousin Auvergne Poitou Rhône-Alpes Limousin Auvergne Aquitaine Aquitaine Midi-Pyrénées Midi-Pyrénées Rhône-Alpes PACA Languedoc Roussillon PACA figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient. Elle permet d’établir un diagnostic, d’assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes ou d’effectuer une surveillance de l’état des patients. La définition des actes de télémédecine ainsi que leurs conditions de mise en œuvre et de prise en charge financière est fixée par décret. Cette dernière devant remplacer la définition de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie : Art. 32 La télémédecine permet, entre autres, d’effectuer des actes médicaux dans le strict respect des règles de déontologie mais à distance, sous le contrôle et la responsabilité d’un médecin en contact avec le patient par des moyens de communication appropriés à la réalisation de l’acte médical. Art. 33 - Les schémas régionaux d’organisation sanitaire intègrent la télémédecine. Chaque schéma définit les modes opérationnels pour répondre aux exigences de la santé publique et de l’accès aux soins. D’autres définitions sont fondamentales • Le télédiagnostic, ou la téléconsultation, est un acte permettant à un praticien de proximité non-radiologue d’obtenir un examen d’imagerie d’un téléradiologue. • La téléexpertise consiste en un échange d’avis entre radiologues pour guider la conduite de l’examen le plus adapté à la situation clinique, effectuer une seconde lecture des images et affiner, voire confirmer son diagnostic et le cas échéant guider la conduite à tenir pour le patient. Un rapport argumenté est rendu au terme de cette analyse. Corse Languedoc Inférieure de plus de 15 % Roussillon Corse Inférieure de - 5 % à - 15 % Inférieure de plus de 15 % Comprise entre - 5 % et + 5 % Inférieure - 15 Supérieure de de -55%%àà10 %% Comprise entre 5 % et Supérieure de plus de 10+%5 % Supérieure de 5 % à 10 % Supérieure de plus de 10par % rapport à la moyenne France métroFigure 2 - Densité de médecins en 2030 politaine (scénario tendanciel) Source : Ketty Attal-Toubert et Mélanie Vanderschelden, « La démographie médicale à l’horizon 2030 : de nouvelles projections nationales et régionales », Études et Résultats n° 679, février 2009, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Aspect éthique Démographie La France comme l’Europe ne connaît pas à proprement parler de manque de médecin. Il s’agit avant tout d’une répartition très inégale de ceux-ci tant au niveau géographique qu’au sein des différentes spécialités. Dans les vingt ans à venir, la radiologie va être une des spécialités les plus touchées, avec par exemple une perte de 35 % de radiologues en Île-de-France. L’étude Drees de février 2009 (1) situe dans son scénario tendanciel la baisse de la densité médicale sur l’ensemble du territoire à -10 % avec de grosses variations régionales, et une baisse de 10 % La téléradiologie en pratique TH 716 • juillet-août 2009 du nombre de radiologues. Les disparités ne s’atténueraient pas, elles seraient même plutôt renforcées : la densité des régions les plus dotées actuellement (Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Alsace) diminuerait davantage. Les densités des régions Île-de-France et Paca passeraient alors en dessous de la moyenne nationale (Figures 1 et 2). Ce tableau reste toutefois à nuancer car dressé sur la base de la stabilité (rien ne change, aucune mesure n’est prise), or de très nombreux critères vont influencer ce scénario, comme les flux de populations et une ré-urbanisation liée au prix du pétrole. Au sein même de la radiologie, de nombreux facteurs vont jouer, comme la féminisation, mais aussi la croissance de la charge de travail qui pousse les plus jeunes vers le temps partiel. La raréfaction générale du temps médical joue aussi son rôle et l’ensemble de ces éléments reste difficilement modélisable. Face à ces contraintes démographiques, nous devons garantir à nos patients : soutenir ces réseaux physiques et doivent apporter un confort aux praticiens, qui peuvent s’appuyer sur ce réseau de compétences regroupant des radiologues spécialistes d’organes et des experts nationaux. Le recours à un avis spécialisé Par définition, un réseau de téléradiologie constitue un recours à avis spécialisé et a pour vocation de mettre en relation immédiatement un patient et un spécialiste d’organe. Cet aspect s’intègre dans une démarche qualitative évidente et doit participer à une réduction des coûts. Des impacts qualitatifs et sur la prise en charge des urgences La mise à disposition de nombreux spécialistes revient à créer un équivalent de CHU décentralisé (en dehors des actes techniques évidemment) donc limite les transferts inadéquats de patients vers d’autres centres. C’est un des aspects ressortant de « La grande garde » de neurochirurgie en région parisienne (2) (Figure 3). L’accès aux soins de première intention La constitution de réseaux reste la seule voie possible avec la création des territoires hospitaliers de santé et probablement de leur corollaire libéral, le regroupement de professionnels dans des « centres de santé » qui permettent de dissocier lieu de résidence et d’exercice et favorisent l’exercice multisite. La télémédecine en général et la téléradiologie en particulier viennent Aspect juridique Droits du patient Le patient conserve l’ensemble de ses droits, le premier étant de refuser d’avoir recours à la télémédecine. En particulier, il conserve le droit d’être informé et de donner son consentement éclairé. Il reste impliqué dans toute décision concernant sa santé. Figure 3 - Impact médico-économique de la grande garde de neurochirurgie (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) Patients des hôpitaux du réseau Scanner réalisé dans l’hôpital d’origine Transmission des images Pas de transmission des images • 49 % des patients sont transférés • 82 % des patients sont admis • 59 % des patients sont transférés • 52 % des patients sont admis Patients hors réseau Scanner non réalisé dans l’hôpital d’origine • 74 % des patients sont transférés • 12 % des patients sont admis • 76 % des patients sont transférés • 33 % des patients sont admis 5 Dossier Dossier 6 La téléradiologie en pratique Contrats ou conventions Il est nécessaire de construire deux types de contrat ou de convention similaires à ceux que l’on rencontre dans une association. Le premier formalise la prestation de service entre le centre de téléimagerie et la structure client et le second la collaboration entre le centre de téléimagerie et le téléradiologue. Les prestations doivent y être clairement définies et différenciées en téléradiologie ou téléexpertise, l’un n’autorisant pas implicitement l’autre. La chaîne de responsabilité y est décrite point par point, balisant l’acte de la prise du rendez-vous à l’impression du compte rendu. Points clés Le télédiagnostic et la téléexpertise font l’objet de deux rédactions différentes, ayant toutefois de nombreux points communs. Modalités générales Les parties s’engagent au respect des aspects contractuels ou conventionnels, du code de déontologie, du code de la santé publique et des guides et recommandations de bonne pratique en vigueur, ainsi que des normes techniques. Le téléradiologue Il s’agit d’un médecin clairement identifié et connu du patient dont il a la charge, aux compétences reconnues et périodiquement revalidées. Il est régulièrement inscrit à l’Ordre comme radiologue qualifié. Il s’engage à faire bon usage du télédiagnostic ou de la téléexpertise, à respecter les référentiels fournis, à rester en contact avec les médecins de proximité, à refuser l’interprétation voire la réalisation de l’examen s’il juge les conditions inadaptées, à expliquer et motiver ce refus auprès du médecin de proximité, à fournir un compte rendu. Le centre de téléimagerie Le centre de téléimagerie s’engage à ne faire appel qu’à des téléradiologues répondant à la définition précédente et à ne pas fractionner l’interprétation d’un examen entre plusieurs téléradiologues, à organiser des formations et rencontres périodiques, à fournir un outil informatique spécialement calibré, à ne pas changer le téléradiologue avant l’examen sans informer le médecin de proximité et à obtenir le consentement du patient. Le médecin de proximité Le médecin de proximité s’engage à disposer des manipulateurs nécessaires pour faire fonctionner les équipements d’imagerie, s’assure du strict respect TH 716 • juillet-août 2009 des normes de sécurité en matière de radioprotection et que les mesures soient prises afin d’assurer une sécurité optimale du patient, et réalise l’examen clinique. Il s’engage à informer et préparer le patient, à recueillir son accord (y compris a posteriori), à contrôler l’identité du téléradiologue, à pratiquer ou faire pratiquer les injections nécessaires, à contrôler la qualité et la sécurité des informations transmises, à informer le téléradiologue de l’évolution clinique du patient, particulièrement en cas de contradiction avec le diagnostic, et à délivrer le compte rendu médical. Le manipulateur en électroradiologie médicale Le manipulateur en électroradiologie médicale s’engage à respecter les règles de radioprotection et celles qui régissent sa pratique professionnelle, à respecter les référentiels communiqués et régulièrement actualisés, cela sur les instructions et la responsabilité du téléradiologue, relié par téléphone ou par visioconférence, et à rendre compte immédiatement au téléradiologue de tout imprévu. Particularités de la téléexpertise Le radiologue de proximité décide de recourir à l’avis d’un confrère. L’accord du patient n’est pas obligatoire, mais son information l’est dans tous les cas (a posteriori à défaut d’a priori). Le radiologue de proximité est tenu de poser une question, à laquelle le téléradiologue expert est tenu de répondre, pour aider à définir un traitement ou une prise en charge et, le cas échéant, pour guider la conduite à tenir pour le patient. Aspect déontologique La réalisation d’un acte de télémédecine doit être fondée sur une nécessité justifiée par l’absence dans la proximité géographique du patient d’une offre de soins similaire de même qualité. Le patient doit être informé de la nécessité, de l’intérêt, des conséquences et de la portée de l’acte ainsi que des moyens mis en œuvre pour sa réalisation, et doit donner son consentement librement. Le secret professionnel doit être respecté par toutes les personnes qui assistent le médecin au cours de cette activité, dans l’obtention des données personnelles de santé comme dans la circulation et les échanges de celles-ci, qu’elles soient cliniques, biologiques, fonctionnelles, anatomiques ou thérapeutiques. Les coopérations entre médecins, ou entre médecins et autres professionnels de santé impliqués dans un protocole de télémédecine, doivent respecter les champs La téléradiologie en pratique TH 716 • juillet-août 2009 de leurs compétences réciproques afin que chacun reste responsable de ses actes et de ses décisions. L’acte thérapeutique qui découlerait immédiatement d’un acte diagnostique effectué par télémédecine doit être couvert par la responsabilité médicale du médecin qui le prescrit sans exclure celle du médecin ou du professionnel de santé qui le réalise. La réalisation d’un acte professionnel par télémédecine doit être reconnue et valorisée pour tous les médecins et autres professionnels qui y participent et ne doit pas s’apparenter à une pratique de dichotomie ou de compérage. Tous les professionnels impliqués doivent être en situation d’exercice légal de leur profession, en France ou sur le territoire de l’Union européenne. À cet égard, ils doivent être inscrits en ce qui concerne la France aux tableaux de leur Ordre, et couverts par une assurance en responsabilité précisant le lieu de compétence juridictionnelle. Le médecin, lors d’une activité faisant appel à la télémédecine, doit formuler ses demandes et ses réponses avec toute la clarté indispensable et veiller à leur compréhension par son interlocuteur : médecin, professionnel de santé ou professionnel technique qualifié dans l’usage des instrumentations utilisées. Le médecin doit connaître l’usage, le maniement et les limites des technologies qui sont mises en œuvre, et doit faire appel, en tant que de besoin, à des tiers compétents dans l’utilisation des technologies les plus adaptées à la situation. Le médecin doit pouvoir s’assurer de la compétence de ces tierces personnes ainsi que du respect du secret professionnel auquel elles sont aussi personnellement soumises. Les documents générés dans la pratique de la télémédecine doivent être tracés et faire l’objet d’un archivage sécurisé en étant considérés comme partie intégrante des dossiers professionnels des médecins impliqués ou des dossiers d’établissements de santé. Les médecins ayant contribué à un acte de télémédecine doivent consigner dans les conclusions de cet acte que la continuité de la prise en charge et des soins qu’ils ont indiqués sera assurée par des tiers compétents, s’ils ne peuvent y pourvoir eux-mêmes. 7 permettant l’envoi des images depuis le centre producteur vers le centre de téléradiologie, la réception de celles-ci dans leur totalité, l’interprétation des images par le téléradiologue et le retour du compte rendu vers le radiologue de proximité et le patient. Cette chaîne doit respecter les règles de confidentialité, de déontologie propre à la télémédecine et de sécurisation. Dans l’exemple de notre plateforme, l’ensemble des outils techniques utilisés est conforme au cahier des charges pour l’usage de la téléradiologie, édité par la Société française de radiologie (SFR), le Conseil professionnel de la radiologie (CPR) et le Conseil national de l’ordre des médecins (4). Le fonctionnement du centre de téléradiologie est basé sur la notion de réseau. Différentes organisations sont possibles ; notre choix s’est orienté vers un serveur central, une structure d’administration et d’interprétation, des serveurs dédiés sur les sites de productions d’image et un réseau de téléradiologues utilisant une interface logicielle spécifique et sécurisée. Ce réseau est relié par un maillage de ligne internet haut débit communiquant par tunnels VPN (Virtual Private Network) et HTTPS (avec S pour secured, soit sécurisé). Figure 4 - Organisation générale du dispositif Visioconférence Centre demandeur Visioconférence Serveur local GIOL ER https Conforme avenants 24 et 26 Data center https https GIOL ER Dictée VPN VPN Centre de téléradiologie GIOL ER ADW Aspect technique (Glossaire p. xx) Console visualisation La téléradiologie nécessite la mise en place d’une chaîne spécifique (Figure 4), regroupant des moyens de communication haut débit (ADSL voire SDSL, VDSL ou fibre optique idéalement), des solutions logicielles (Centre administratif) Téléradiologue Visioconférence VPN https : voir glossaire p. x VPN : Virtual Private Network (voir glossaire p. x) Dossier Dossier 8 La téléradiologie en pratique TH 716 • juillet-août 2009 Image 1 - Interface webPACS Centre demandeur (producteur d’images radiologiques) La chaîne débute au niveau du centre produisant les images. Celui-ci peut être un cabinet de radiologie de ville, un service de radiologie hospitalier ou hospitalo-universitaire, une structure privée ou publique à participation privée (type groupement d’intérêt économique) gérant une modalité d’imagerie lourde (Imagerie par résonance magntique ou scanner). Notre plateforme déploie un schéma de communication complet qui inclut les bornes émettrices (serveurs locaux) au sein de chaque établissement demandeur, dans le but de sécuriser les envois vers le serveur principal, par un système d’anonymisation des images DICOM et attribution d’un numéro unique. Ces envois sont sécurisés en mode HTTPS en plus de l’anonymisation. Les données cliniques sont transférées sur un canal sécurisé HTTPS indépendant du flux des images. De nombreuses Image 2 - Renseignements obligatoires La charte de téléradiologie est également validée et signée par les médecins de proximité participant à la téléradiologie. possibilités de cryptage de ces images sont possibles, comme par exemple le tatouage – cryptage rendant l’ensemble du transfert hautement sécurisé. Les bases de données elles-mêmes sont cryptées. Le centre de téléradiologie répond point par point à la chaîne d’échange décrite dans le cahier des charges techniques et utilise le standard HL7 défini dans la démarche IHE. La compatibilité avec les outils du dossier médical personnalisé (DMP) est développée en normes XDS et XDS-i. Au-delà de cette démarche, il est possible d‘obtenir une intégration automatique du compte rendu réalisé sur la plateforme dans le RIS du demandeur. Le serveur dédié à la téléradiologie, installé par nos soins, est en communication directe avec le réseau d’images du centre par une DICOM worklist HL7 (PACS [Picture Archiving and Communicating System], tomodensitométrie, IRM, radiographies numériques) et peut-être placé en zone DMZ. Il permet d’envoyer vers le serveur central l’ensemble des informations (images et renseignements patient) grâce à une interface Web (Image 1) et à travers une ligne sécurisée HTTPS. Plusieurs niveaux de compression des images existent, adaptés au type d’imagerie. Tous les utilisateurs, quel que soit leur rôle, demandeur, téléradiologue, ou expert, ont accès aux images natives au format DICOM dans l’éventualité de la nécessité de reconstructions avancées. Les formats de compression Wavelet ont été fixés pour un accès facilité aux images, sans perte de qualité objectivable, pour les modalités scanner, IRM et radiographie standard. À titre d’exemple, le rapport est de 5/1 en TDM et IRM. Les standards requis en termes d’écran sont de deux millions de pixels noir et blanc. Le poste demandeur utilisé pour des simples fonctions d’envoi n’est pas soumis à cette recommandation. Il est essentiel de garder à l’esprit que le but principal du radiologue est de produire et de transmettre une information pertinente pour fonder et illustrer son diagnostic : le maniement de ces différents paramètres doit être maîtrisé pour ne pas dégrader l’image et permettre une analyse fiable sur la console de réception. L’envoi des images est géré par le radiologue de proximité et est obligatoirement renseigné, c’est-à-dire que, pour que l’envoi soit effectif, des champs obligatoires doivent être remplis (type d’examen, région TH 716 • juillet-août 2009 La téléradiologie en pratique Image 3 - Interface d’interprétation ou organe exploré, renseignements cliniques, antécédents éventuels) (Image 2). Dès que les renseignements sont complets, les images peuvent être transmises. Il doit confirmer que le patient est bien informé des spécificités de sa prise en charge. Ces données ne seront plus modifiables. Il est à noter que la connexion au serveur d’envoi par le radiologue de proximité est sécurisée grâce à un identifiant et un mot de passe personnalisés. Centre administratif (analyseur d’images) Le centre de téléimagerie dispose de consoles de visualisation et d’un serveur central permettant de recevoir les examens à interpréter. Il nous paraît important de disposer également d’une console permettant un post-traitement avancé des images. Grâce à un accès par identifiant nominatif et mot de passe, le centre administratif gère les agendas des téléradiologues et attribue à chaque patient un téléradiologue identifié. Il contrôle les plannings de vacation et les renseignements fournis par les centres clients. Cette notion est fondamentale : le rôle de cette structure doit aller très au-delà de la mise en relation de clients et de radiologues distants, elle doit être le garant de la qualité du système en place. Serveur central Le serveur central est hébergé sur un site protégé comportant une salle blanche au sein d’un data center. Ce centre est sécurisé (vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept) du point de vue physique (coupures électriques, inondations, etc.), mais aussi du point de vue des malveillances (accès par carte à puce, systèmes anti-piratage). Les applications et interfaces logicielles y sont installées. Dans notre cas, le système nécessite trois serveurs, l’un dédié aux images, le second à l’interface logicielle avec systèmes redondants de sauvegarde associant des grappes de disques durs en RAID 5, et le troisième hébergeant notre interface centrale de dictée par reconnaissance vocale. Compte tenu de notre particularité géographique (Monaco), nous avons choisi d’y placer aussi notre structure téléphonique basée sur des lignes IP permettant à nos interlocuteurs de composer un numéro à dix chiffres sans passer par une ligne internationale. Ce choix va dans le sens d’une maîtrise des coûts. Ce centre reçoit les images et les stocke ; il sert de relais entre les différents intervenants. Il transmet vers les téléradiologues l’examen qui leur est attribué, et met à disposition le compte rendu. Nous utilisons un système PACS agréé pour transférer les images. Il s’agit d’un système permettant le transfert des images radiologiques DICOM et rassemblant la totalité des images sources sur son serveur. Le serveur central et le serveur client échangent des informations visant notamment à s’assurer que ce qui est émis correspond bien à ce qui arrive à destination. Ce système permet de stocker et sauvegarder quotidiennement toutes les données, images et comptes rendus sur des baies de disques durs. Son interface utilise le Web et peut être utilisée de tout poste ayant une connexion internet. 9 Dossier Dossier 10 La téléradiologie en pratique Plusieurs modalités organisationnelles sont possibles : Les téléradiologues et experts peuvent se connecter via un accès sécurisé en mode HTTPS au serveur et accèdent aux images DICOM ou Wavelet, permettant la visualisation de l’examen dès la première image. Les images sont visualisées dans un webviewer autorisant la visualisation 2D, le MIP (maximum intensity projection) et le MPR (multiplanar reformation). Un autre mode de communication est aussi utilisé, faisant appel à des tunnels VPN. Le but est d’ouvrir un lien direct de transfert de données (images, compte rendu, dictée vocale) sécurisé, permettant au téléradiologue d’avoir à disposition l’ensemble des examens dont il a la charge sur son disque dur local. Ceci permet de s’affranchir des temps de latence liés à la mise à disposition des images par le serveur central. Réseau de téléradiologues Le fonctionnement du centre de téléradiologie est basé sur un réseau de radiologues répartis dans toute la France. Pourquoi choisir un réseau décentralisé, au lieu d’une structure unique ? Plusieurs raisons soustendent ce choix. La plus évidente est liée à notre implantation géographique donc à l’inscription à l’Ordre des médecins ; par ailleurs, cette position nous est apparue comme la plus solide à long terme pour affronter les difficultés de recrutement à venir. Cette option permet d’intégrer des radiologues exerçant à temps partiel dans d’autres structures, ou souhaitant une activité physiquement moins épuisante. Cela permet de plus de ne pas engendrer de conflit d’intérêt avec les radiologues de proximité (il est plus facile d’accepter qu’un collègue rennais interprète un examen de votre patient niçois, que de le confier à votre concurrent de Cagnes-sur-Mer !). Le but de ce réseau est de mettre à la disposition des patients et des centres demandeurs des radiologues inscrits au Conseil de l’ordre des médecins français (ou monégasque dans notre cas), identifiés nominativement pour chaque interprétation et dont les compétences sont claires et reconnues par organe ou par appareil. Ainsi, il est prévu que chaque examen soit interprété par un radiologue spécialisé et ayant une pratique régulière de l’appareil ou de l’organe exploré (Image 3). Chaque téléradiologue est inscrit au Conseil de l’ordre des médecins français ou monégasque, et signe la charte du centre de téléradiologie qui codifie la pratique de la téléradiologie, en respectant les règles déontologiques et juridiques de cette activité médicale. TH 716 • juillet-août 2009 Moyens de communication La mise en place d’un service de téléimagerie est précédée d’une phase de tests techniques d’un à deux mois, durant laquelle la qualité de l’infrastructure réseau interne et externe est testée par l’ensemble des correspondants et modifiée en conséquence. Dans le cadre d’un service ponctuel de téléexpertise, une ligne ADSL est suffisante. Dans le cadre d’une activité de télédiagnostic, le débit minimal SDSL sera calculé en fonction du trafic prévisible et défini par le centre demandeur, puis réadapté en fonction de l’évolution du besoin. Une double connexion chez deux opérateurs différents est recommandée, dans le but d’assurer la continuité du service. Les lignes utilisées pour le serveur central sont surveillées continuellement grâce à une télémaintenance appropriée. Il est fortement recommandé de déployer une solution de visioconférence intégrée dont l’utilisation est réservée aux utilisateurs du réseau de téléradiologie, et accessible par login et mot de passe. Elle permet des échanges directs entre praticiens, ou entre médecins et patients. Une fonction de tableau noir permet notamment de commenter une image radiologique et de l’annoter en direct. Il est possible d’adjoindre une séquence vidéo, lue secondairement dans le cas où un échange direct n’est pas possible. Un système d’alerte balise la chaîne de travail sous la forme d’e-mail et de SMS, indiquant les anomalies (retard d’interprétation par exemple) comme la mise à disposition du compte rendu. Intérêt de la téléradiologie pour les structures « clientes » L’efficacité de la télémédecine et plus spécifiquement de la téléradiologie a été évaluée dans de nombreuses études depuis les années 1980 ; elle a été démontrée dans les domaines de la téléradiologie et plus particulièrement de la neuroradiologie, de la télépsychiatrie et également dans le partage des données médicales et des dossiers médicaux (12). En 2001, une méta analyse de Roine et al. portant sur treize études d’évaluation de la téléradiologie (13) démontrait son intérêt sur de nombreux points : réduction des coûts, des événements indésirables, des transferts inappropriés. En pratique, l’usage de la téléradiologie en France est encore limité et il paraît important de rappeler l’intérêt de cette technique dans le contexte actuel des réformes de santé et en particulier de la loi Hôpital, patients, santé et territoire, pour tenter de mieux apprécier les avantages attendus à différents niveaux La téléradiologie en pratique TH 716 • juillet-août 2009 de la prise en charge. Cet intérêt peut en effet se décliner en différents points qui vont toucher directement le patient, les structures de prise en charge, et plus largement les offreurs de soins et la structure territoriale de santé. Pour le patient Pour les médecins de proximité et les paramédicaux La téléradiologie permet de soutenir le tissu médical local en participant pleinement à la prise en charge des patients. Elle doit s’intégrer à l’équipe en place et mettre à sa disposition son propre réseau de compétences. Temps du rendez-vous La prise de rendez-vous s’effectue de façon habituelle, au niveau du site de production d’images. Le patient est informé de la possibilité offerte d’être pris en charge par téléradiologie (14). Cette information doit être aussi complète que possible et doit notamment comporter les raisons du recours à ces techniques, comme le manque de médecins disponibles sur place. En cas d’accord, le rendez-vous est pris et le patient est informé du nom du téléradiologue en charge de son examen. Celui-ci lui est attribué en fonction de la spécialité concernée. La main-d’œuvre téléradiologique lui permet aussi de pouvoir disposer de nouvelles plages horaires pouvant faciliter l’accès aux soins de personnes peu libres de leur temps (artisans, professions libérales etc.). Lors du processus de prise de rendez-vous, les renseignements cliniques sont collectés de façon obligatoire, la téléradiologie doit exercer une pression positive sur ce recueil qui fait très souvent défaut. L’administration du centre de téléimagerie a un rôle de dialogue vers les prescripteurs afin de corriger les erreurs. Temps de l’examen Le temps de l’examen est raccourci au minimum, le patient n’ayant à attendre ni d’être vu par le radiologue ni la réalisation d’un compte rendu. Après l’examen Le compte rendu est mis à disposition du patient par le centre producteur d’image ; il doit idéalement être associé à un courrier explicatif plus accessible au patient. Le téléradiologue est joignable par le patient, soit par téléphone, soit par visioconférence. Dans l’ensemble La téléimagerie permet de maintenir l’accessibilité des soins, donc de limiter les coûts de transfert interstructures, voire de déplacement. Les explications fournies tout au long de la chaîne sont là pour établir la confiance. Le recours immédiat à un radiologue spécialiste d’organe va dans le sens d’une meilleure prise en charge et doit déboucher sur une amélioration de la qualité des soins et de la qualité de vie qui en résulte. Répartition du temps médical Par essence la téléradiologie concerne d’avantage certaines techniques d’imagerie ne nécessitant pas la présence du radiologue au côté du patient (15). Cette notion est importante car elle est associée à la notion qu’en aucun cas le téléradiologue ne peut remplacer le radiologue de proximité, un poste de téléradiologue n’étant pas un poste de radiologue. Il s’agit d’un appui au médecin local afin de lui permettre d’optimiser l’utilisation de son temps. Au lieu de « surveiller » une vacation d’IRM ou de tomodensitométrie, il peut se concentrer sur l’imagerie interventionnelle, la mammographie ou l’échographie, qui nécessitent sa présence physique. Astreintes Si une astreinte purement téléradiologique reste problématique à envisager, une action synergique avec les radiologues de proximité (double garde) reste une option raisonnable à tout point de vue. Dans le cadre d’une collaboration étroite avec les médecins urgentistes, la quasi-totalité des examens peut se faire par tomodensitométrie ou IRM, donc en téléradiologie. Cette option permet de faire baisser les frais de déplacement des radiologues d’astreinte et surtout de limiter leur charge de travail sur les centres les moins bien pourvu. L’accès à l’imagerie en coupe sera facilité pour les urgentistes qui n’auront plus à déplacer un radiologue. Le téléradiologue est directement joignable par l’équipe médicale en place et doit rendre son interprétation en moins d’une heure. Les statistiques publiées par le réseau Télif (16) (Îlede-France) montrent l’intérêt pour la prise en charge urgente puisque les taux de patients retransférés après la demande d’avis vers l’hôpital d’origine (le plus souvent, ou vers un autre hôpital) ont été significativement abaissés lorsqu’il a été possible de faire un scanner sur place puis de transférer les images vers le service de référence (Figure 4). Dossier patient Les solutions logicielles de téléradiologie étant très 11 Dossier Dossier 12 La téléradiologie en pratique proches d’un RIS, elles en comportent tous les éléments, comme les antériorités patients, et facilitent la prise en charge globale. Elles permettent la récupération d’examens de sites et de modalités différentes. Le stockage et l’archivage des examens sont partie intégrante des prestations fournies. Manipulateurs Leur implication personnelle est fondamentale pour une bonne pratique de la téléradiologie. Ils sont les interlocuteurs de première ligne du téléradiologue et leur fiche métier à ce niveau nécessite d’aller audelà du simple technicien, car ils sont un élément du processus de soin. Leur capacité à gérer les examens hors protocole doit être mise en avant : une lombalgie explorée comme une hernie discale, mais mettant en évidence une lésion métastatique sera mieux prise en charge si le manipulateur signale immédiatement la situation au téléradiologue qui adaptera la procédure, mais la réciproque doit aussi se faire et un téléradiologue doit un retour d’information vers les manipulateurs. Secrétaires médicales Une partie de leur travail va être prise en charge par la téléradiologie avec la frappe des comptes rendus. Ce gain de temps va pouvoir être réparti sur d’autres postes, comme l’accueil, mais aussi en alourdissant un peu certaines étapes comme la prise de rendez-vous et l’édition des programmes de vacations, qui devront comporter les renseignements cliniques, être envoyés au centre de téléimagerie pour validation et réceptionnés à nouveau. De même, si aucun module d’intégration automatique n’est mis en place, les comptes rendus devront être réintégrés dans le RIS local. Les procédures de gravage de cédérom devront être adaptées afin de réintégrer les post-traitements effectués à distance. Dans l’ensemble La téléradiologie favorise l’accès aux données patient par la constitution d’un dossier médical informatisé. Elle permet une baisse des coûts des déplacements. Elle nécessite la mise en place de procédures de formations et de collaboration pour déboucher sur une pratique de qualité. TH 716 • juillet-août 2009 téléradiologie nécessite une adaptation de la structure client qui va devoir modifier certains process, en particulier aux deux extrémités de la chaîne, la prise et la validation des rendez-vous, mais aussi la réintégration des informations dans son propre système d’information radiologique. Cette adaptation passée, on retrouve en filigrane de la téléradiologie la politique des schémas régionaux d’organisation sanitaire (Sros). En effet, l’obtention à la phase initiale de la prise en charge d’un avis spécialisé doit aboutir à une amélioration de la prise en charge globale du patient donc à une diminution des coûts, en particulier d’hospitalisation. De notre point de vue, et en l’absence de tarification officielle, la téléradiologie se doit de respecter sur le plan tarifaire des règles de tact et de mesure. Dans notre expérience, nous pensons que l’offre doit être globale, sous la forme d’un tarif mensuel incluant toutes les facettes de l’activité (volume d’interprétation, serveurs, logiciels et frappe des comptes rendus) défini en fonction des besoins et dont le tarif horaire doit être aussi proche que possible de celui d’un médecin sur place. À partir de cette base, tout surplus d’activité doit avoir fait l’objet d’un accord initial. Nous avons fait le choix de tarifer en journée de travail supplémentaire, ce qui évite toute discussion sur la façon d’évaluer ce que regroupe le mot examen. Dans l’ensemble Le centre client peut, grâce à la téléradiologie, maintenir voire développer une offre de soin adaptée en favorisant les examens les plus pertinents, surtout depuis la généralisation des protocoles basses doses en tomodensitométrie. Avec les pratiques de télémédecine, on peut s’attendre à une baisse des hospitalisations, en durée, mais aussi en quantité, et au développement de certaines activités valorisantes, comme l’imagerie interventionnelle, par la redistribution du temps médecin. Cette évolution vers une meilleure efficacité renforce la bonne réputation de la structure client. La tarification sous forme d’abonnement mensuel permet quant à elle une maîtrise budgétaire et une lisibilité à long terme. Place de la télémédecine dans l’organisation des soins En France Pour le centre client, hôpital ou structure privée Pour donner la pleine mesure de son efficacité, la À la lecture du rapport final sur la télémédecine du ministère de la Santé et des Sports de novembre 2008, la place de la télémédecine sera considérable à l’ave- La téléradiologie en pratique TH 716 • juillet-août 2009 13 Glossaire ADSL - Asymetrical Digital Subscriber Line : mode de communication utilisant les lignes téléphoniques commutées avec un débit nettement plus élevé que par le biais d’un modem classique. ATM - Asynchronous Transfert Mode : protocole de communication de données à haut débit. Cnil - Commission nationale informatique et liberté : tout fichier informatisé doit faire l’objet au minimum d’une déclaration, voire d’une demande d’avis. DICOM - Digital Imaging and Communications in Medicine : standard pour les interconnexions des appareils d’imagerie médicale, développé par le groupe de travail commun entre le collège des radiologues américains (ACR) et l’association nationale des fabricants de matériel (NEMA). DMP : dossier médical personnel, défini par la loi 2004-810 du 13 août 2004. DMZ (architecture DMZ) - DeMilitarized Zone : lorsque certaines machines du réseau interne ont besoin d’être accessibles de l’extérieur (serveur web, un serveur de messagerie, un serveur FTP public, etc.), il est souvent nécessaire de créer une nouvelle interface vers un réseau à part, accessible aussi bien du réseau interne que de l’extérieur, sans pour autant risquer de compromettre la sécurité de l’entreprise. On parle de « zone démilitarisée » (DMZ) pour désigner cette zone isolée hébergeant des applications mises à disposition du public. La DMZ fait ainsi office de « zone tampon » entre le réseau à protéger et le réseau hostile. DPI - Dot Per Inch (points par pouce) : exprime la résolution d’un système graphique (numérisation, visualisation sur moniteur, impression…). IHE - Integrating the Healthcare Enterprise : démarche visant à unifier les échanges de données entre les différents systèmes d’information médicaux. HTTPS (avec S pour secured, soit sécurisé) est la combinaison de HTTP (HyperText Transfer Protocol) avec SSL ou TLS (Secure Sockets Layer ou Transport Secured Layer couche de sécurité). Il permet au visiteur de vérifier l’identité du site auquel il accède grâce à un certificat d’authentification. Il garantit la confidentialité et l’intégrité des données envoyées par l’utilisateur (notamment des informations entrées dans les formulaires) et reçues du serveur. Il est généralement utilisé pour les transactions financières en ligne : commerce électronique, banque, courtage, etc. Il est aussi utilisé pour la consultation de données privées, comme les courriers électroniques par exemple. ISDN - Integrated Services Digital Network, en français RNIS (réseau numérique à intégration de services) : réseau de communication transmettant les informations sous forme numérique (téléphonie, données…) ; le réseau Numéris en France correspond à cette norme. JPEG - Joint Photographic Expert Group : algorithme de compression applicable aux images pour en réduire le poids informatique. PACS - Picture Archiving And Communication System : système permettant de gérer les images médicales grâce à des fonctions d’archivage. Il permet la communication via un réseau des images (format DICOM), donc le traitement à distance ou en réseau local avec des ordinateurs disposant de moniteurs à haute définition pour la visualisation des examens effectués en radiologie. RAID : désigne une technologie permettant de stocker des données sur de multiples disques durs afin d’améliorer, en fonction du type de RAID choisi, la tolérance aux pannes ou les performances de l’ensemble. SIR ou RIS : le système d’information radiologique gère prise des rendez-vous ; accueil du patient ; validation de son identité ; protocole de chaque examen radiologique ; interprétation avec consultation du dossier médical radiologique ; cotations des actes et codifications diverses ; rédaction, frappe et validation des comptes rendus… Par ailleurs, il conserve, disponibles en ligne, des informations complémentaires : résultats divers, lettres de consultations… SDSL : la technologie SDSL, comme l’ADSL, permet d’augmenter la capacité des lignes téléphoniques traditionnelles en offrant des vitesses de transmission jusqu’à trente fois plus élevées qu’une connexion classique. À la différence de l’ADSL, elle offre des performances identiques dans les deux sens de la liaison (en émission comme en réception). Du fait de cette symétrie et de sa compétitivité tarifaire, elle est amenée à se développer sur le marché des réseaux d’entreprises comme une alternative crédible aux liaisons spécialisées. Elle permet en effet de raccorder, en haut débit et à moindre coût, des sites d’entreprises susceptibles d’envoyer autant de données informatiques qu’ils en reçoivent : partage d’applications métiers, progiciels, fichiers volumineux (images, vidéo)… TCP/IP - Transfert Control Protocol/Internet Protocol : protocole de transfert utilisé pour faire communiquer différents ordinateurs, en particulier dans le cadre d’un réseau de type ethernet ; c’est également le protocole le plus souvent utilisé pour les échanges sur internet. VPN - Virtual Private Network (ou RPV, réseau privé virtuel) : dans les réseaux informatiques et les télécommunications, le VPN est vu comme une extension des réseaux locaux et préserve la sécurité logique que l’on peut avoir à l’intérieur d’un réseau local. Il correspond en fait à une interconnexion de réseaux locaux via une technique de « tunnel ». Un VPN repose sur un protocole, appelé protocole de tunnellisation, permettant aux données passant d’une extrémité à l’autre du VPN d’être sécurisées par des algorithmes de cryptographie. Le terme tunnel est utilisé pour symboliser le fait qu’entre l’entrée et la sortie du VPN les données sont chiffrées donc normalement incompréhensibles pour toute personne située entre les deux extrémités du VPN, comme si les données passaient dans un tunnel. De plus, créer un tunnel signifie aussi encapsuler un protocole dans un protocole de même niveau du modèle OSI (IP dans IPSec par exemple). Dans le cas d’un VPN établi entre deux machines, on appelle client VPN l’élément permettant de chiffrer les données à l’entrée et serveur VPN (ou plus généralement serveur d’accès distant) l’élément déchiffrant les données en sortie. Ainsi, lorsqu’un système extérieur à un réseau privé (client nomade, agence ou travailleur à domicile) souhaite se connecter au réseau de son entreprise, les paquets (qui contiennent les données) sont chiffrés par le client VPN (selon l’algorithme décidé par les deux interlocuteurs lors de l’établissement du tunnel VPN) et éventuellement signés. Ils sont transmis par le biais du réseau transporteur (internet en général). Ils sont reçus par le serveur VPN qui les déchiffre et les traite si les vérifications requises sont correctes. XDS : profil d’intégration permettant le partage de documents structurés. XML - eXtensible Markup Language : langage utilisable sur internet conçu pour rendre l’information autodescriptive : c’est un ensemble de règles permettant de créer un langage de balisage. Dossier Dossier 14 La téléradiologie en pratique nir. En effet, « le besoin d’avis spécialisés pour les patients pris en charge dans les établissements de proximité ne peut que progresser. Ce besoin existe non seulement dans les services d’urgence, mais également dans les services de médecine polyvalente, les soins de suite et réadaptation et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes où séjournent les patients âgés atteints de maladies chroniques. Aujourd’hui, certains de ces établissements publics de santé de proximité bénéficient déjà de consultations spécialisées ‘‘avancées’’. Cette médecine ‘‘nomade’’, nécessaire et novatrice dans la dernière décennie, encouragée par les pouvoirs publics qui ont su motiver les médecins hospitaliers par la prime ‘‘multi-sites’’, ne pourra résister à la baisse de la démographie médicale d’ici 2020. Ces consultations avancées peuvent être aujourd’hui remplacées dans de nombreuses situations par des téléconsultations de spécialistes à partir de l’établissement de référence, améliorant ainsi l’efficience du temps médical et la qualité des prises en charge. » La loi Hôpital, patient, santé et territoire (HPST) définit la télémédecine dans son article. L. 6315-1. À en croire les auteurs de ce rapport, la télémédecine pourrait également être « un bras de levier puissant » des restructurations hospitalières. Le projet de loi HPST prévoit en effet de concentrer les plateaux techniques lourds et les experts dans des centres hospitaliers de référence. Quant aux petits hôpitaux, ils garderont des service d’urgence et de médecine polyvalente et une filière de prise en charge des personnes âgées. « La mise en place d’équipements de télémédecine peut être une contrepartie à la perte du plateau technique et de certaines spécialités dans les établissements de proximité » note le rapport. L’organisation de téléconsultations entre les petites et les grosses structures hospitalières aurait de multiples avantages, notamment pour l’État, « avec un meilleur aménagement du territoire, une maîtrise des dépenses, une gestion optimale du système de soins ». La télémédecine devrait ainsi permettre de mieux organiser la gradation des soins au sein d’un territoire de santé dans deux domaines essentiels : les concertations médicales inter-établissements et la surveillance des maladies chroniques à domicile. En permettant aux établissements de proximité dotés de services d’urgences et de médecine polyvalente de recueillir par téléconsultation ou téléexpertise des avis auprès des médecins spécialistes exerçant dans l’établissement public de recours, la télémédecine améliore la prise en TH 716 • juillet-août 2009 charge des patients et contribue à réduire les pertes de chances. Le plateau technique lourd du territoire de santé, incluant la téléradiologie, sera situé au niveau de l’établissement de recours ou du CHU. Ce mode organisationnel sera particulièrement nécessaire pour améliorer l’accès aux soins dans les régions isolées ou les établissements pénitentiaires. Une autre application de la télémédecine est la possibilité offerte aux patients d’être suivis à leur domicile et d’éviter les hospitalisations. La télésurveillance d’indicateurs pertinents des maladies chroniques permet de prévenir certaines aggravations à l’origine d’hospitalisations (les deux tiers des venues non programmées à l’hôpital sont des décompensations de maladies chroniques). Ces indicateurs sont saisis au domicile soit par le patient lui-même (éducation thérapeutique) soit par une infirmière et transmis par voie numérique à des centres de premier recours (centres de santé), à l’hôpital local ou de proximité. Des expérimentations sont en cours pour plusieurs maladies, notamment l’insuffisance cardiaque, l’hypertension et le diabète. Elles montrent l’intérêt médicoéconomique de ce nouveau mode de prise en charge, les journées d’hospitalisations évitées pouvant réduire de façon importante les dépenses hospitalières. De nombreuses sociétés travaillent sur cette thématique du monitoring à domicile autour du téléphone portable. Des capteurs bluetooth enregistrent les données qui sont stockées sur un serveur central consultable pas les médecins du patient. En Europe Si la France tente d’impulser l’usage de la télémédecine, la téléradiologie étant une des principales composantes où l’efficacité a été démontrée, la Commission européenne s’est fortement investie depuis 1988 dans les projets de recherche et développement en télésanté (500 millions d’euros ont été investis dans plus de 400 projets) et les résultats publiés dans le rapport montrent à l’évidence tout l’intérêt d’investir dans ce champ. Trois régions européennes (le Funen au Danemark, l’Aragon en Espagne et la Vénétie en Italie) ont expérimenté, pendant deux ans, le programme Health Optimum (Healthcare delivery OPTIMisation throUgh teleMedicine), une organisation en réseau des établissements de santé pour éviter aux malades des déplacements inutiles et coûteux. Les résultats ont été assez satisfaisants pour que l’expérience soit étendue, dès janvier 2007, à deux autres régions de la Roumanie et de la Suède. La téléradiologie en pratique TH 716 • juillet-août 2009 Parmi les principaux résultats du projet, ceux observés en Vénétie apparaissent exemplaires puisque l’on observe une augmentation de 430 % du nombre de patients traités entièrement dans un hôpital ne disposant pas de service de neurochirurgie (économies de transferts), le temps d’obtention des résultats biologiques passant de vingt-quatre heures à moins de dix minutes, grâce au télé-laboratoire. À Funen, les services Health Optimum ont permis aux médecins danois de gagner de quinze à vingt minutes par consultation et de recevoir chaque jour un plus grand nombre de patients. En Aragon, la liste d’attente du service de néphrologie est passée de trente-quatre à vingtcinq jours, et celle du service d’hématologie de cinquante-deux à quatorze jours. Toujours dans les pays nordiques, la Norvège a montré tout l’intérêt de la téléradiologie en publiant des chiffres également très prometteurs sur la mise en place de ces technologies puisque, dans 34 % des cas de traumatisme crânien, les transferts inutiles en neurochirurgie ont été évités. Les autres indications de l’imagerie étaient également traitées par téléradiologie, avec un taux de satisfaction de 90 % des patients interrogés. La possibilité de réaliser immédiatement l’examen radiologique chez le médecin traitant, « sans délai d’attente », était le motif le plus souvent invoqué. Dans le reste du monde Une étude de Global Industry Analyst (20) estime que le marché mondial de la télémédecine représentera 15 millions de millions (billions) d’ici à 2015 et se concentrera essentiellement sur les disciplines de la radiologie, la cardiologie, la psychiatrie, la dentisterie et la pédiatrie essentiellement. Premier pays représenté dans le domaine, les ÉtatsUnis d’Amérique ont développé les applications de téléradiologie et plus largement de télémédecine dans des proportions inégalées par ailleurs. Ce pays a très tôt développé la télémédecine dans les hôpitaux situés en zone rurale. Dans une enquête réalisée en 1997 auprès de 2 472 hôpitaux situés en dehors des zones urbaines, 558 (22,5 %) étaient équipés pour la télémédecine, 67 % depuis moins de deux ans, et les deux tiers bénéficiaient de téléconsultations de télé-imagerie. La particularité de la télé-imagerie aux États-Unis réside dans l’usage de cette technologie sur le territoire américain mais également dans l’appel à des prestataires extérieur au continent en direction de l’Inde et pour un volume conséquent puisque les analyses évoquent un pourcentage de sous-traitance de plus de 20 % de l’ensemble des vacations de radiologie disponibles aux États-Unis, pourcentage en forte croissance avec le nombre toujours plus grande de personnes âgées. Pour les pays en situation difficile quant à leur niveau matériel, une association sans but lucratif, Téléradiologie sans frontières, est née de la volonté de fournir un outil de communication simple et sécurisé permettant à des radiologues isolés d’obtenir un deuxième avis ou un avis plus qualifié dans un domaine d’hyperspécialisation. La téléradiologie est actuellement un des meilleurs exemples des capacités de la télémédecine. Elle constitue un acte médical abolissant les contraintes géographiques et devant faire repenser l’organisation des soins en favorisant une redistribution d’une partie du temps médecin vers des actes techniques à haut niveau de compétence. Par nature, elle est exigeante envers l’ensemble des intervenants et exerce une pression qualitative forte sur la prise en charge des patients devant aboutir à des économies non négligeables. Elle entre dans la loi et dans la pratique courante de la médecine et constituera rapidement un pilier du système de soin en France. Loin d’être une solution miracle, elle est avant tout un outil sécurisé nécessitant une grande confiance et une certaine complicité entre les équipes (sur place et à distance). C’est seulement par cette confiance et les contacts fréquents entre équipes, au cours de formations, que le système obtiendra ses lettres de noblesses. Les patients, sont prêts, les textes en place, les technologies au point, alors… n Bibliographie 1- Dress n° 679. La démographie médicale à l’horizon 2030 : de nouvelles projections nationales et régionales. Février 2009. ISSN 1146-9129 - N° d’AIP : 0001384. 2- Herve C, Hazebroucq V, Montserrat X. Workshop on Standardization in Ehealth. Geneva, 23-25 May 2003. 3- Iserson KV. Telemedicine: A Proposal for an Ethical Code. Camb. Q. Healthc. Ethics, Été 2000; 9 (3): 404-406. 4- Organisation de la téléradiologie. Guide pour le bon usage professionnel et déontologique de la téléradiologie. Conseil professionnel de la radiologie (G4) et par le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) (2007). 5- Chateil JF, Masson JP, Hazebroucq V, Silberman B. Télé radiologie, champ d’action et recommandation. Journal de radiologie 2007; (87)11: 1643-1650. 6- Acceptabilité et faisabilité de la téléradiologie, V Hazebroucq, éd L’Harmattan, Paris 1999. 7- Du bon usage de la télémédecine, sous la direction de Kamel Malek, éd. Médecine-Sciences Flammarion, 2001. 8- État des lieux de la téléimagerie médicale en France et perspectives de développement. Rapport d’étape, Anaes, 2003 (téléchargeable sur le site www.anaes.fr). 9- Thrall J-H. Teleradiology. Part I. History and clinical applications Radio- 15 Dossier Dossier 16 La téléradiologie en pratique logy 2007; 243: 613-617. 10- Thrall J-H. Teleradiology. Part II. Limitations, Risks, and Opportunities Radiology 2007; 244: 325-328. 11- Amiel R, Sigal M, Frija G. Journal de radiologie; 80: 9; 899. 12- Daucourt V, Petitjean ME, Chateil JF, Michel P. Evaluation of the benefits for the patient arising from an inter-hospital teleradiology network in a French administrative area. J Telemed Telecare 2005; 11: 178-184. 13- Roine R, Ohinmaa A, Hailey D. 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