bulletin fiscal - Lemieux Cantin

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bulletin fiscal - Lemieux Cantin
BULLETIN FISCAL – 2012-124
Mai 2012
FIDUCIE ET CHOIX DES FIDUCIAIRES – P ROBLÈMES P OTENTIELS
Le Code civil du Québec requiert pour toutes les fiducies la présence d’au moins un fiduciaire
(fiduciaire indépendant) qui n’est ni le constituant, ni un bénéficiaire de la fiducie. Le choix du
fiduciaire indépendant doit cependant être fait avec précaution, car il pourrait entraîner des
conséquences fiscales inattendues. Le choix des fiduciaires et leur remplacement peuvent créer,
entre autres, des problèmes potentiels liés aux règles relatives aux acquisitions de contrôle d’une
société et aux sociétés associées.
Acquisition du contrôle d’une société
L’acquisition du contrôle d’une société a des répercussions fiscales diverses dont il faut tenir
compte si l’on ne veut pas faire face à des impôts imprévus. Toutefois, il n’y a pas d’acquisition de
contrôle lorsque le contrôle est acquis par des personnes liées, par exemple lorsque le fils achète
les actions de contrôle de son père.
L’acquisition du contrôle d’une société entraîne une fin d’exercice réputée dont découlent diverses
conséquences, la disparition de certaines pertes et des restrictions quant à l’utilisation d’autres
pertes, la réalisation réputée des pertes accumulées à la date de l’acquisition du contrôle et la
possibilité d’effectuer un choix pour réaliser des gains en capital et une récupération
d’amortissement fiscal accumulés à la date de l’acquisition du contrôle.
Sociétés associées
Lorsque deux sociétés sont associées, elles doivent entre autres partager la déduction accordée
aux petites entreprises.
Gel successoral
Les problèmes potentiels liés au choix des fiduciaires se présentent très souvent suite à une
planification de gel successoral impliquant une fiducie familiale. Dans une planification typique de
gel successoral, l’auteur du gel, M. A, échange les actions ordinaires (votantes et participantes) qu’il
possède dans une société, Société A Inc., contre des actions privilégiées (non votantes et non
participantes) de Société A Inc. dont la valeur de rachat est égale à la juste valeur marchande des
actions ordinaires échangées. Par la suite, une fiducie familiale souscrit à de nouvelles actions
ordinaires (votantes et participantes) pour un prix d’émission minime, de façon à obtenir la plusvalue future de Société A Inc.
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Nous allons examiner quelques situations problématiques liées au choix des fiduciaires.
Acquisition de contrôle
Lorsqu’une fiducie est propriétaire des actions de contrôle d’une société, les autorités fiscales
considèrent qu’en l'absence de preuves contraires, tous les fiduciaires forment un groupe qui
contrôle la société. Cependant, il serait possible de démontrer qu’il puisse exister plus d’un groupe
de fiduciaires qui contrôle la société.
Prenons l’hypothèse que les fiduciaires de la fiducie familiale sont M. A et un ami de ce dernier, M.
C. Les décisions des fiduciaires doivent être prises à l’unanimité.
Dès que les nouvelles actions ordinaires de Société A Inc. sont émises à la fiducie familiale dans le
cadre du gel successoral, il en résulte une acquisition de contrôle de Société A Inc. car le groupe
non lié composé de M.A et de M.C ne contrôlait pas Société A Inc. avant le gel.
Supposons que l’année suivante, M. C soit remplacé par M. D à titre de fiduciaire. Ce changement
de fiduciaire entraînera automatiquement une acquisition de contrôle de Société A Inc., car le
groupe non lié composé de M. A et de M. D qui contrôle Société A Inc. n’est pas le même que le
groupe non lié composé de M. A et de M. C qui contrôlait auparavant Société A Inc.
Lorsqu’une fiducie compte trois fiduciaires et qu’au moins un des fiduciaires n’est pas lié aux deux
autres, les problèmes d’acquisition de contrôle mentionnés ci-dessus sont les mêmes lors du gel et
lors du remplacement d’un des fiduciaires, que les décisions des fiduciaires soient prises à la
majorité ou à l’unanimité.
Lorsqu’une fiducie compte deux fiduciaires liés ou trois fiduciaires qui sont tous liés entre eux, il n’y
aura aucune acquisition de contrôle lors du gel et lors du remplacement d’un des fiduciaires lorsque
le fiduciaire remplaçant est lié à tous les autres fiduciaires.
Une solution au problème des fiduciaires non liés est d’émettre, dans le cadre du gel, des actions
ordinaires participantes, mais non votantes à la fiducie familiale et des actions de contrôle votantes
et non participantes à M. A, afin que M. A conserve le contrôle de Société A Inc. en tout temps,
empêchant ainsi les situations possibles d’acquisition de contrôle de Société A Inc. résultant du
choix des fiduciaires de la fiducie familiale.
Sociétés associées
Les autorités fiscales considèrent qu’aux fins des règles d’association, les fiduciaires d’une fiducie,
en tant que groupe, sont réputés propriétaires des actions que possède la fiducie dans une société.
Prenons l’hypothèse que les fiduciaires de la fiducie familiale sont M. A et son frère M. B. M. B
possède la totalité des actions de Société B Inc.
Le groupe lié formé par M. A et M. B contrôle Société A Inc. et, selon les autorités fiscales, chacun de M.
A et de M. B est réputé posséder au moins 25 % des actions de Société A Inc. Ainsi, Société A Inc. et
Société B Inc. sont associées. Afin de mettre fin à l’association, il faudra que M. B démissionne de son
poste de fiduciaire de la fiducie familiale.
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Maintenant, prenons pour acquis que lors du gel successoral, des actions ordinaires participantes,
mais non votantes ont été émises à la fiducie familiale et des actions de contrôle votantes et non
participantes ont été émises à M. A, afin que M. A conserve le contrôle de Société A Inc. Reprenons
l’hypothèse précédente.
Le groupe lié formé de M. A et de M. B ne contrôle pas Société A Inc., les actions ordinaires n’étant
pas votantes. Toutefois, aux fins des règles d’association, une personne ou un groupe de
personnes est réputé contrôler une société s’il possède des actions ordinaires représentant plus de
50 % de la JVM de toutes les actions ordinaires émises.
Le groupe lié composé de M. A et de M. B possède la totalité des actions ordinaires de Société A
Inc. et ce groupe est réputé contrôler Société A Inc. aux fins des règles d’association. Selon les
autorités fiscales, chacun de M. A et de M. B est réputé posséder au moins 25 % des actions de
Société A Inc. Ainsi, Société A Inc. et Société B Inc. sont associées. Afin de mettre fin à
l’association, il faudra que M. B démissionne de son poste de fiduciaire de la fiducie familiale.
DIVIDENDES DÉTERMINÉS – DÉS IGNATION D’UNE P ARTIE DE DIVIDENDE ET
DÉS IGNATION TARDIVE
Lorsqu’une société désire verser un dividende déterminé à ses actionnaires, elle doit désigner ce
dividende comme un dividende déterminé et la désignation doit porter sur la totalité du dividende
déclaré aux actionnaires. Dans son Budget 2012, le gouvernement fédéral a annoncé qu’à compter
du 29 mars 2012, il sera possible, lors du paiement d’un dividende imposable, de désigner une
partie de ce dividende comme dividende déterminé et l’autre partie comme dividende ordinaire.
Également, la désignation d’un dividende déterminé devait être faite au plus tard au moment où le
dividende était payé. Aucun choix tardif n’était permis. Dans son Budget 2012, le gouvernement
fédéral a annoncé qu’à compter du 29 mars 2012, il sera possible d’effectuer une désignation
tardive d’un dividende imposable comme dividende déterminé si la demande est faite dans les trois
ans qui suivent la date à laquelle la désignation devait initialement être faite, dans la mesure où le
gouvernement est d’avis que permettre la désignation tardive est juste et équitable dans les
circonstances.
DIVIDENDE OU EN GAIN EN CAP ITAL
Dans certaines situations, une société qui reçoit un dividende imposable pourrait devoir traiter ce
dividende comme un gain en capital. Dans ces situations, lorsque la société paie un dividende
imposable d’un montant égal ou inférieur à son revenu protégé en main, ce dividende est traité
comme un dividende imposable pour la société qui le reçoit. Lorsque la société paie un dividende
imposable qui excède son revenu protégé en main, il existe un choix possible visant à traiter comme
gain en capital seulement la partie du dividende imposable qui excède le revenu protégé en main.
Toutefois, dans certaines planifications, les conseillers fiscaux recommandent de ne pas effectuer le
choix mentionné ci-dessus de façon à convertir un dividende imposable (correspondant au solde du
revenu protégé en main) en gain en capital afin de minimiser les impôts.
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La position de l’Agence du revenu du Canada (ARC) est de ne traiter comme gain en capital que
l’excédent du dividende imposable sur le revenu protégé en main, lorsque le choix mentionné cidessus n’a pas été effectué. Cette position s’applique également dans le cas d’un rachat d’actions.
Dans les situations où une société refuserait de traiter le dividende correspondant au revenu
protégé en main comme un dividende, l’ARC est d’avis que les dispositions de la règle générale
anti-évitement pourraient être invoquées.
S AVIEZ-VOUS QUE...
... pour le deuxième trimestre de l’an 2012, l’Agence du revenu du Canada a annoncé que le taux
d’intérêt applicable aux créances est de 5 %, alors que le taux d’intérêt applicable aux
remboursements est de 3 % pour les contribuables autres que les sociétés et de 1 % pour les
sociétés. Pour sa part, Revenu Québec a annoncé que le taux d’intérêt applicable aux créances est de
6 %, alors que le taux d’intérêt applicable aux remboursements est de 1,50 %. Le taux d’intérêt prescrit
applicable aux avantages sur les prêts aux employés et aux actionnaires est de 1 % tant au fédéral
qu’au Québec.
… dans une décision récente, la Cour suprême du Canada a confirmé que la résidence d’une
fiducie doit être déterminée de façon similaire à celle d’une société, en fonction du lieu où est
localisé le centre de gestion et de contrôle, soit l'endroit où les décisions concernant la fiducie sont
prises.
… une société ne peut obtenir un remboursement au titre de dividendes pour un exercice lorsque la
déclaration de revenus pour cet exercice est produite plus de trois ans après la fin de l’exercice.
Dans ce cas, la société conserve son impôt en main remboursable au titre de dividendes.
… les cadeaux et les remises en argent offerts à des acheteurs par des courtiers immobiliers sont
déductibles dans le calcul de leur revenu d’entreprise sauf s’ils sont offerts à des personnes liées.
Pour les acheteurs, le coût de l’immeuble acheté doit être réduit de la valeur de ces cadeaux ou
remises en argent.
… les honoraires professionnels engagés afin de présenter une demande dans le cadre du
Programme de divulgation volontaire ne sont déductibles qu’à compter du moment où le
contribuable a été informé par le gouvernement que sa demande a été acceptée.
… le gouvernement du Québec a annoncé, dans son Budget 2012, que pour les années
d'imposition terminées après le 19 mars 2012, le taux d'impôt applicable aux fiducies non
testamentaires est augmenté de 20 % à 24 %, soit le taux maximal d’imposition des particuliers.
J URIS P RUDENCE RÉCENTE
Production d’un choix par voie électronique
(Dhaliwal c. La Reine 2012 TCC 84 (CCI))
En 2007, M. Dhaliwal a produit sa déclaration de revenus par voie électronique (TED). Dans cette
déclaration, il a réclamé une perte au titre d’un placement d’entreprise relative à une créance
irrécouvrable pour laquelle il a indiqué un produit de cession nul (choix en vertu du paragraphe
50(1) L.I.R.).
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Lorsqu’une créance d’une société devient irrécouvrable au cours d’une année, le détenteur de la
créance doit produire un choix dans sa déclaration de revenus afin d’être réputé avoir cédé la
créance, à la fin de l'année d'imposition, pour un produit nul. Toutefois, il n’existe aucun formulaire
prescrit pour ce choix. Selon les autorités fiscales, le choix doit être produit en joignant à la
déclaration de revenus une lettre les avisant du choix au plus tard à la date limite de production de
la déclaration de revenus pour l'année où la créance devient irrécouvrable.
M. Dhaliwal n’avait pas fait parvenir à l’ARC une lettre les avisant de son choix. Pour cette raison,
l’ARC a refusé la perte au titre d’un placement d’entreprise en alléguant qu’aucun choix n’avait été
produit.
La Cour a constaté qu’il n’était pas possible d’effectuer un choix spécifique pour le paraphe 50(1)
L.I.R. dans la déclaration de revenus électronique. La Cour a également noté que le choix prévu au
paragraphe 50(1) L.I.R. doit être fait dans la déclaration de revenus et non avec la déclaration de
revenus.
Pour les déclarations de revenus transmises par voie électronique, l’ARC indique ce qui suit sur son site
Web : « Il n'y a pas de déclaration papier à envoyer, et, à moins que nous n'en fassions la demande, aucun
reçu n'est exigé. », et « Vous devez montrer tous vos documents à votre fournisseur du service TED. Ni
vous ni lui ne devez envoyer de copie papier de votre déclaration ou tout autre document, à moins que nous
vous le demandions. »
La Cour a donné raison à M. Dhaliwal en concluant qu’en l’absence d’un formulaire de choix
prescrit, M. Dhaliwal avait clairement effectué un choix dans sa déclaration de revenus électronique
en réclamant la perte au titre d’un placement d’entreprise. Selon la Cour, cette conclusion est
également valable pour les déclarations de revenus produites en version papier.
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