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Sous le ciment, la lune Essai sur l’oeuvre de Virgil Vernier Cri dans la nuit Parler de Virgil Vernier signifie constater un cri. Un cri sourd, presque inaudible. Non parce qu’il est invisible, bien au contraire, mais parce qu’il prend la forme d’échos sans fin, sans que son origine ne puisse jamais se détecter. Vernier observe la lune, constamment, et dans tous ses films. Elle est le seul pilier d’une oeuvre en mutation permanente, elle est l’unique accroche d’une terre endeuillée par les ruines de son futur. La lune est l’astre de la nuit, la lumière qui soutient la solitude humaine, dans les nuits les plus noires (Vega) et les mondes les plus âpres (Commissariat). Il n’y a rien à part la lumière lunaire, puisque tout s’effrite, tout périme et que rien ne peut survivre sans porter les blessures qu’un monde passé nous inflige quotidiennement. Dans Mercuriales, deux jeunes filles regardent le soleil se coucher : « Il était là depuis le début. » dit l’une d’elles, sentant sans doute pour la première fois le poids innommable du temps. Et ce crépuscule, moment de la rupture, pont entre deux univers opposés, instant de l’éphémère, constitue la vision que j’ai des oeuvres de Virgil Vernier. Entre le passé d’une journée ensoleillée, un présent de la transition éternelle, puis la mélancolie d’un futur sombre dans lequel chaque individu tombe, peut-être sans jamais se relever. Consolation immense et microscopique, grossie à la loupe de l’objectif, la lune en renfort nous permet de voir les alentours, de constater les dégâts du jour, d’observer la vie sans l’aveuglement du soleil. Et le désastre s’illumine ! L’anachronisme est démasqué : futur, présent, passé, chacun l’ombre de l’autre et son reflet, tout devient un, le temps n’est plus qu’un mot désuet. Dans tous ces repères d’antan qui s’ensemencent et se remplacent, l’errance nous gagne comme ces venins terribles qui immobilisent et paralysent la langue indéfiniment. La lune en amie, sortie du ciel sans étoiles des villes, scintillant sur leurs labyrinthes de ciment, nous accompagnera le temps nécessaire, jusqu’à ce que l’harmonie, spatiale, temporelle, humaine vienne ou revienne. Vie des résonances L’écho n’a rien de chronologiquement compréhensible. Il est le fruit d’une vibration perdue dans le temps et dans l’espace, qui rebondit sur les parois alentours, revient et repart à l’infini sans jamais se soucier de celui qui l’écoute. Puis l’écho se tait au moment où sa force est épuisée. La plupart des vibrations n’ont qu’une vie, mais l’écho démultiplie sa vie à l’envi, à l’aise dans ses enclaves, ses puits, ses grottes, ces espaces vides et vidés. A l’image de cette Jeanne d’Arc de papier assise sur un tronc d’arbre, qui termine sa clope, égarée comme pourrait l’être une réminiscence, délavée, désenchantée par toutes ces années traversées. Orléans parle du temps et de ses échos. Qui est la véritable Jeanne que l’on célèbre cette année dans la ville ? Car avant la pucelle fumeuse, deux autres femmes collent l’image et la percute. Elles sont danseuses de cabaret, pauvres, seules, mais liées par un contexte. Ce sont les Jeanne d’aujourd’hui, ce sont elles les échos du fier passé de la France combattante, religieuse, et blanche. Cette France que veulent retrouver ces commémorations aux accents nationalistes, et qui n’existe plus que dans les fantasmes d’une nostalgie moribonde. Des échos, partout. Des échos visuels surtout, puisque le cinéma est l’outil. Les murs se parlent et se répondent chez Vernier. Ils conversent autant que les individus. Chacun d’eux est une pierre à l’édifice anachronique qui prend place devant nous. Cette tour d’Andorre, dont les faces brillent au bas d’une pointe qu’on devine violemment tranchante, rappelle ces églises qui se construiront dans vingt ans. Ces pans déchiquetés par la machine-dragon à la fin de Mercuriales évoquent la destruction de toutes les Byzance ancestrales autant que la Palmyre de 2015. Et comment ne pas s’empêcher de voir l’ancien World Trade Center dans ces deux immenses monolithes de verre qui donnent leur titre au film. La ruine, ou son évocation en tout cas, n’est jamais absente des murs et des immeubles qui parsèment la filmographie de l’auteur. Mais loin d’être une fascination morbide pour elle, cette attention constante reflète (ou fait écho à) avant tout l’impossibilité des lieux modernes. Ces temples de béton témoignent d’une folie des grandeurs toute babylonienne (ce plan à la composition picturale des deux jeunes filles sur le toit de l’une des Mercuriales, puis le suivant, subjectif, sur la vision d’un paysage gris, martial et décrépi s’accusent mutuellement) et d’une violence symbolique qui travaille l’inconscient du cerveau oppressé. Vernier a toujours une raison de rester sur les murs. Une série d’inserts est particulièrement éloquente. On y voit des façades de briques dans une résidence de banlieue, où les briques elles-mêmes dessinent des images multicolores. Le mauvais goût des couleurs criardes met davantage en évidence ces murs qui peignent des crayons, des oiseaux, des paysages de western, tout le champ lexical de « l’être libre » y est. Mais tout est aussi carré, pointu, sans arrondi, sans rêve. On en vient même à imaginer ces urbanistes de l’époque, derrière des bureaux trop grand pour eux, qui réfléchissent au bel avenir qu’ils réservent aux habitants de ces barres. L’ironie est dans l’écho et elle est terrible. Constellation d’ombres Autre que la dimension picturale (immobilité du cadre, composition de l’image, couleurs désaturées ou dénaturées, prédominance du format carré), l’inventivité formelle de Virgil Vernier nous ramène très souvent à son montage. Deux films, Commissariat et Pandore, l’attestent. Le premier voit le quotidien de policiers de la ville de Elbeuf, banlieue pauvre de Rouen. Le cinéaste a filmé pendant trois mois l’intérieur des cellules de dégrisement, les interrogatoires, les interventions sur le terrain, mais il raconte surtout les visages détruits, les rues désertes, la misère ambiante comme autant de cartes à jouer (qui joue ?) en équilibre les unes sur les autres, menaçant de s’écrouler à tout moment. Il n’y a rien de chronologique, jamais. Et l’esthétique, à première vue simple, du montage dénote une volonté de développer des fragments d’histoires comme des instruments désaccordés d’une musique-témoin, allant chercher un crescendo du désoeuvrement. Commissariat se construit entre la pesanteur des situations (les dépositions drôles et éprouvantes piquent les yeux et percent les oreilles par leur brutalité, par la vérité du monde qu’ils donnent) et l’apesanteur des stases (les travellings sur les rues vides, les terrains vagues, les résidences bourgeoises qui se ressemblent fabriquent un autre écho lorsqu’on voit l’intérieur sale des cellules, en plan fixe toujours, où pullulent clochards, délinquants et êtres errants). Vernier monte un récit de vagues, son film est un encéphalogramme qui a la torpeur de la vie et le goût du gouffre qu’ont les suicidaires, variant les plaisirs, les injectants dans les peines et les doutes de ces flics, aussi bien symboles d’un pouvoir désormais sans aura que d’un leader esseulé qu’on voudrait toujours garder au-dessus de l’humain. Des vagues violentes, impitoyables, menacent de tempête à chaque instant, à chaque plan. Il y a dans Pandore cette même volonté de crescendo. Matthieu, le physionomiste sec de la boîte parisienne huppée, est loin de nous, de l’autre côté de la rue. La caméra est calme, trop calme, emprisonnée dans son immobilité. Elle laissera faire le montage, du son notamment. Puisque la seule chose à laquelle nous puissions nous accrocher est ce micro-cravate caché mais qui dévoile tout des discussions entre Matthieu et ses victimes. Pauvres riches victimes d’un jugement d’expert qui s’avère profondément aléatoire vu d’ici. Vernier est malin : dans la nuit, tous les chats sont gris et tous les fêtards soumis. Nous ne voyons que des parcelles de visages, nous n’apercevons que des fragments de voix éraillées. Quand la lune gronde si loin, le néon du club scintille de mille feux. Matthieu est entouré de figurants, il est le souverain d’une principauté bien mince et pourtant si demandée. Comment un homme aussi frêle, aussi méprisant, aussi peu empathique, se retrouve à décider sur d’autres ? L’incongruité est le maître-mot de Pandore, puisque si l’on ne voit pas d’humanité chez le physionomiste, on n’en décèle pas non plus une dose élevée chez ces gens qui partent de la file sans piper mot, renonçant à toute remise en question d’un pouvoir établi par une main invisible. Et par leur acceptation, ces ombres restent des ombres coincées dehors avec d’autres ombres. Il n’y plus que la lune lointaine pour les accompagner. Le montage échafaude une véritable dialectique de l’indécence de l’autorité. Ce crescendo, cette montée en impuissance est due à la frustration des figurants (filmés en gros plan dans Commissariat mais restant silhouettes dans Pandore, d’où ce sentiment de mépris envers la bourgeoisie et ses codes qui traverse la filmographie de l’auteur), due aussi à l’obsession de l’institution, privée ou publique, pour poser des limites à l’individu, qu’elles soient des grilles, des cordons de velours ou des murs. Du montage découle ainsi la mélancolie si particulière de Vernier, puissant observateur du monde moderne qui dévoile par la même occasion son incompétence pour changer les choses qui le révoltent. Si l’on filme un visage en très gros plan, c’est qu’on aimerait lui faire sentir sa présence, sa chaleur. La promiscuité de l’image avec certains des individus qu’elle imprime pousse davantage la mélancolie vers la tristesse, sans possibilité d’espoir renaissant. Pandore montre une colère déprimée, Commissariat cache un dépression aigüe. Cratère d’argent De tous les films de Virgil Vernier, il y en a un qui les réunit, condense leurs thèmes, absorbe les obsessions du cinéaste, explose les règles de sa narration en puzzle en les confrontant à l’atemporalité d’un modèle si vieux et si présent qu’on en oublie son origine. Andorre est un documentaire qui n’a rien de l’ambition assumée de Mercuriales, rien de la sobriété esthétique de Commissariat, rien non plus de la réactualisation des mythes d’Orléans ni du dispositif ingénieux de Pandore ou de l’anecdote incongrue de Thermidor. Andorre explore les différentes facettes d’une enclave montagneuse aux velléités mercantiles sans pudeur. Tout simplement. A priori, rien qu’un portrait de ville. 20 minutes dans un Super 16 poussiéreux, dévitalisé. 20 minutes sur une ville-état et ses habitants, ses touristes, ses commerces. Pourtant, ces minutes-là s’emploient à râper inlassablement le vernis du bonheur moderne que propose la cité. L’Andorre compte ses morts dans un petit cimetière si loin des lumières des rues, mais elle compte aussi ses vivants qui, dans l’unique parole d’une jeune habitante, parlent d’un ennui profond et d’une existence difficile. Andorre compte surtout sur un bon nombre de mort-vivants, cette masse de touristes masqués qui s’empressent de passer les tourniquets qui la mèneront aux joies ludiques du ski. Pas de visage ici encore, juste des corps déshumanisés, acteurs et victimes d’un consumérisme outrancier et si poétique. Oui, bien sûr, la poésie est sur chaque plan. Le propos est, heureusement, toujours accompagné d’une réflexion formelle poussée. C’est là qu’Andorre est grand, c’est là qu’il brille d’intelligence. Dans l’art, aucune critique légitime sans esthétique la justifiant. La « méthode Vernier » a ça de percutant qu’elle déconstruit constamment et en silence les réseaux qu’elle lie au même moment. La masse skieuse va de paire avec l’un des plans qui la succède, un corps (aucun signe concernant le sexe de cette personne, il n’y a plus que de la chair à loisir) s’est éloigné de la meute, descend la piste seule, avec rien d’autre qu’une étendue blanche autour d’elle. Ironie d’un hasard qui doit être fréquent, ce corps connecte bien-être de masse et malêtre d’individu. Un écho visible aussi à travers une séquence, peut-être la plus belle du film et de la filmographie de son auteur. Une vidéo publicitaire passe sur l’écran d’un magasin de montres. Le plan ne contextualise pas, resserre sur la montre et le diamant auquel elle est associée. Vernier la fait passer en boucle, à l’infini, et l’accompagne d’une musique d’un futur d’avant qui lui donne une gravité aérienne. Nous voilà devant cette publicité, rien d’autre. Alors on remarque les minuscules lampes LED qui la font se mouvoir et s’éclairer, on pense à la montre, son meilleur ami le diamant, et le temps qui passe à cause d’elle, qui se fige aussi. Une hypnose prend place, terriblement envoutante, incroyablement douce. Vernier pousse le vice jusqu’au bout pour en démontrer les rouages. Cette image contient le luxe, ou l’idée qu’on s’en fait. Elle contient le bonheur du vacancier venu dépenser son argent. Elle est la somme de cadres commerciaux, d’agences de publicité, d’ingénieurs en technologies de lampes modernes, d’ouvriers dans la high-tech… Elle est le résultat du travail de tout un tas de personnes qui ne pourront jamais s’offrir ce qu’elle propose. La séquence creuse une idée d’inquiétante étrangeté dont l’auteur est friand (il faut voir sa délectation dans le décalage qu’il propose à la fin de Thermidor et son dernier plan notamment, qui voit partir le faux chevalier sur son vrai cheval au milieu d’une route contemporaine), où tout semble provenir d’une autre planète similaire à la notre. Image dans l’image, la publicité devient méta, et s’autorise une critique acerbe d’elle-même sans le savoir, parce qu’elle est cette inquiétante étrangeté qui gangrène les moindres recoins de la réalité. Les dernières minutes évoluent là encore dans ce fidèle crescendo. Jamais Vernier n’aura été plus cynique que dans ces images de spa colorés de néons violets, verts, bleus, jaunes. La nuit en Andorre, il n’y a plus de lune, juste des lumières « arty » dans des piscines chaudes. Et des corps las qui s’y baignent, sans penser un seul moment à la puissance politique de leur situation. Le futur du passé revient autant dans la musique que dans ces plans où l’ambiance devient insoutenable. Ces gens sont devenus les produits qu’ils consomment, la métamorphose est complète. Avant on se transformait en animal. Faut-il voir l’Andorre comme un phénomène présent qui contaminera le futur ? Ou seulement comme l’allégorie baroque de notre monde contemporain, avec à son centre cette tour-cathédrale-spa-hôtel ? Le film évoque, quoi qu’il en soit, une surenchère (à l’image de ces bouteilles d’alcool duty-free qui montent au premier étage d’un magasin comme l’escalier d’un nouveau genre) qui donne le tournis et provoque une hallucination viscérale. Le portrait d’une ville, d’un cratère des montagnes qui se shoote à sa propre mégalomanie et ne voit pas le crépuscule arriver. Oublier la lune pourrait nous coûter très cher. Il y a tant d’étoiles Mercuriales s’ouvre sur l’image sèche d’une armoire de serveurs. Ceux-ci régissent la sécurité électronique des deux tours de Montreuil. Des points rouges et verts clignotent. Plus tard, l’écran de veille des ordinateurs des bureaux se déclenche, une anémone multicolore numérique laisse voler ses tentacules au gré d’un vent binaire et psychédélique. Le reflet de ces anémones s’imprime sur les vitres des fenêtres, colle à la nuit morne de cette banlieue parisienne endormie. Les lampadaires des rues et des routes, les chambres de couche-tard, les feux de circulation et ceux des voitures cassent également la noirceur urbaine. Un tapis d’étoiles terrestres nous fait face. Dans Vega, une vieille dame parle toute seule, éclairée par la petite lumière du perron de la maison devant laquelle elle fait les cent pas. Le débit de ses paroles est considérable et sans pause. Puis soudain, tout s’arrête, et la lune était en fait la source qui l’éclairait hors champ sans qu’on s’en rende compte. La lune reprend la place qui lui est due. Après elle, plus rien. Comme si c’était la destination de toutes ces nuits de solitude, la lune devient l’ancre du rêve urbain, puisque les étoiles l’ont toutes déserté lâchement. Rien d’aussi puissant, d’aussi ésotérique, que cette garante des nuits insomniaques, où la foi renaît une fois le silence revenu, où l’humain se réveille de l’agitation diurne pour s’unir à lui-même, encore. Peut-être s’agit-il de cela chez Virgil Vernier : revenir à l’humain, aux atavismes qui le définissent. Sa colère arrive là où l’humanité est partie ou s’est trop compromise pour exister. On ressent la fascination qui le gagne pour le héros de Thermidor, véritable anachronisme humain, à la verve abandonnée, au comportement oublié, aux valeurs si vieilles, mais qui brille de l’héritage qu’il s’est obligé à porter. Cet héritage n’est pas une simple façade, un jeu de mode, une tentative de se distinguer. Il est une résistance touchante au monde qui uniformise et qui, de fait, détruit l’idée de l’individu. Commissariat a justement cette élégance du portrait là où la télévision nous afflige de flous, de caméras survoltées, d’incompréhension et de mépris chroniques de la vie et des gens. Replacer la personne au centre de la recherche et du mystère cinématographiques. Créer une image signifie réfléchir, prendre position, poser une question, fabriquer des échos. Il y a un amour palpable dans ce film, quelque chose de l’ordre de l’élan désespéré, une croyance en un monde meilleur, qu’il ait déjà existé ou qu’il reste à inventer, mais une certitude qu’il existe au-dessus de nous et qu’il donnera la paix aux âmes assiégées. L’important est de voir que derrière un alcoolique ou une droguée, un mari violent ou une femme violente, quelque chose de sourd emprisonne et rabaisse. Ce quelque chose est multiple, composite, explosé, à la manière des narrations de l’auteur, de ses montages qui narguent le temps, et surtout prennent l’espace à parti. Si les banlieues ont une place si importante dans l’oeuvre de Vernier, c’est qu’elles restent un territoire inexploré du temps, qui additionnent ou cumulent les architectures au point d’en être des formes involontaires d’art. S’il entreprend de sublimer ces murs crasseux et ces rues vides, c’est qu’il y entrevoit un propos qui parle de lui-même. Encore faut-il le filmer pour l’entendre. Voilà aussi pourquoi le son dirige dans Pandore. Incursion dans les rouages de la vie parisienne nocturne, le film s’écoute plus qu’il ne se regarde. Le refus constant du physionomiste à l’entrée de la boîte de nuit créé d’emblée un sentiment d’injustice envers les clients. Mais nous sommes accrochés à lui, par sa voix et son jugement, au point de devenir son complice. Les voix des fêtards sont sans importance puisqu’ils ne l’utilisent pas la plupart du temps. En ne trouvant aucune entrave à son ordre établi, le physionomiste, bien que détestable, devient le seul personnage du film. Quant aux autres, ils se résignent devant Matthieu et lui offrent l’autorité qu’il réclame. Pandore sonorise les mécanismes du pouvoir le temps d’une nuit sans lune. L’oeuvre de Virgil Vernier représente un défi pour celui qui souhaite l’analyser. Sans cesse renouvelée, profondément encline à la modernité formelle, réactualisant une esthétique intimiste (ces cadres carrés très rohmeriens) ou merveilleuse (la chouette de Mercuriales n’est pas sans rappeler l’aigle de De bruit et de fureur de Brisseau), cette oeuvre protéiforme a le souci de la nouveauté, jamais au même endroit mais parcourant cette même France (même l’Andorre est à moitié française) de cathédrales et de ruines, d’enfermements et de d’évasions (réelles, ou fantasmées sur des panneau publicitaires qu’on éclate à coups de barre de fer), d’hommes et de femmes qui ont une conscience inconsciente de leur misère, morale ou pas, sociale ou non, mais politique tout le temps. Vernier est pourtant loin d’un cinéma engagé, qui stigmatise et ennuie. Il pourrait par contre instiguer le cinéma du rêve contestataire, qui n’oubliera jamais de privilégier la dimension artistique de tout geste politique, et éclatera bien plus que des conventions sociales. Dans la nuit du monde, il faut qu’un phare persiste, il faut une résistance à la pénombre et l’obscurité, un phare éternel contre les tempêtes spirituelles, contre les gouffres de l’apathie et de l’ignorance. Un écho encore. Les reflets de la lune sont salvateurs, apaisants, ils sont ses tentacules, rebondissent sur les murs et les vitres, les peaux et les bouches. La lune, dans le ciel ou sous le ciment, observe toutes ces étoiles qu’elle éclaire et n’attend, comme nous, qu’une chose : la promesse de l’aube. Daniel Cohen. N°étudiant : 12313703 Master 1 Réalisation et Création