Michel Gonneville and the Belgian Connection.pages

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Michel Gonneville and the Belgian Connection!
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Concert de la société New Music Concerts!
directeur artistique Robert Aitken!
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le dimanche 17 mai 2015, à 20h00!
(introduction au concert à 19h15)!
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au Trinity St-Paul's Centre de Toronto!
427, Bloor street W.!
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Au programme : un concert conçu par Michel Gonneville!
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Henri Pousseur (Belgique 1929-2009) - Sur le Qui-Vive: 3e mouvement (1985)!
- Vue sur les jardins interdits (1973; arrangement Michel Gonneville 2015)
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Jean-Luc Fafchamps (Belgique 1960) Lettre Soufie: Sh(ìn) (Pour moi, dans le silence…) (2009)
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Pierre Bartholomée (Belgique 1937) Chant de route “À la mémoire de Henri Pousseur” (2011)
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Karel Goeyvaerts (Belgique 1923-1993) Aquarius-Tango (1984) and Pas à pas (1985)
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Michel Gonneville (Canada 1950) Henricare's Flight (2015) création - commande de NMC
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Henri Pousseur - Sur le Qui-Vive: Movement 3 (1985) - reprise!
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Robert Aitken, directeur artistique et fondateur de New Music Concerts de Toronto (seconde
plus ancienne société de musique contemporaine au Canada, après la SMCQ) m'avait déjà
offert de concevoir le programme d'un concert de la saison 2007-2008 de sa société en
l'articulant autour de deux de mes œuvres déjà existantes. J'avais alors entouré celles-ci des
créations ou de reprises d'œuvres de six de mes anciens élèves de composition du
Conservatoire de musique de Montréal. Le concert était intitulé Michel Gonneville and his
protégés.
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Cette année, NMC a récidivé en me proposant de faire la même chose mais autour d'une
œuvre originale qui serait composée pour l'occasion. Comme j'avais depuis longtemps
l'intention de composer une élégie à la mémoire du grand compositeur et pédagogue Henri
Pousseur, qui fut mon professeur en Belgique, j'ai choisi d'entourer cette nouvelle pièce avec un
arrangement de mon cru d'une œuvre emblématique de Pousseur, de même qu'avec des
œuvres d'autres compositeurs belges qui seraient liés à Pousseur ou encore dont j'admire le
travail (j'ai choisi Karel Goeyvaerts, Pierre Bartholomée et Jean-Luc Fafchamps). C'est le
résultat de cette proposition qui sera présenté au public le 17 mai prochain à Toronto lors d'un
concert de NMC intitulé Michel Gonneville and the Belgian Connection.!
!C'est évidemment un honneur de se voir offrir une occasion comme celle que m'a proposée
NMC : non seulement une commande mais aussi une carte blanche à propos du programme
entier d'un concert ! L'œuvre originale que j'ai composée est pour flûte solo et un ensemble de
10 musiciens (voir la note de programme plus bas). La partie soliste sera tenue par Robert
Aitken lui-même, reconnu mondialement autant comme flûtiste de très haut niveau que comme
compositeur. Les musiciens de l'ensemble de NMC qui le soutiendront, dirigés par Brian
Current, sont parmi les meilleurs de Toronto. Ils défendront avec le même engagement le reste
du programme. !
!La courte monodie pour voix seule, extraite de Sur le qui-vive, donnera le ton du concert.
Pousseur, à travers les mots de Michel Butor, veut y évoquer ce futur autre, cette utopie
concrète que nous pouvons, que nous devons imaginer et contribuer à construire. Vue sur les
jardins interdits, que j'ai arrangé pour l'occasion, témoigne de l'une des avenues pour aller dans
ce sens, en réussissant à intégrer en un tout cohérent des langages (harmoniques) jugés à
l’époque comme éloignés et irréconciliables. Harmonisation des contraires... : une utopie que la
musique peut se permettre d'accomplir, et d'inspirer !!
!Pour accompagner ces œuvres, celle de Pierre Bartholomée, Chant de route, s'est imposée
d'elle-même, car composée peu après la mort de Henri Pousseur et dédiée à la mémoire de
celui qui fut l'ami de toute une vie et le complice de toutes les aventures. (Bartholomée a entre
autre fondé avec Pousseur l'ensemble Musiques Nouvelles - qui existe toujours ! - et le Centre
de Recherche et de Création de Wallonie et, comme chef, il a dirigé de très nombreuses
œuvres de Pousseur.). Les deux courtes pièces pour piano de Karel Goeyvaerts veulent, de
leur côté, rappeler que ce compositeur - de la même génération que Pousseur - s'est attiré
l'admiration de ce dernier pour la voie toute particulière qu'il a choisie : une sorte de
répétitivisme évolutif, par moment quasi-tonal, et pourtant fortement ancré dans le
constructivisme sériel des années 50 que Goeyvaerts avait contribué à illustrer. Enfin, la Lettre
soufie : Sh(in) (Pour moi, dans le silence...) s'insère dans le programme comme un moment de
recueillement. Son auteur, Jean-Luc Fafchamps, est de cette génération belge qui suit de
proche celle de Pousseur, et qui, forte de l'héritage institutionnel, intellectuel et musical de ce
dernier, s'est élancée depuis 25 ans avec vigueur, toute d'une diversité et d'une originalité qui
souriait à l'aïeul en allé.!
!Concert-mémoire, donc, mais aussi concert-projection. Une connexion toute particulière entre la
Belgique et moi - une toute petite partie de cette Belgique musicale si riche ! -, et que je voulais
partager.!
!Michel Gonneville!
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Henricare’s Flight - Note de programme
!Henricare’s Flight est dédié à la mémoire de Henri Pousseur (1929-2009). Compositeur belge
de la génération des Boulez, Stockhausen, Berio, Nono, etc. Pousseur s’est d’abord investi
profondément dans l’aventure de l’avant-garde musicale de l’après-guerre (développement des
techniques sérielles, de la musique électroacoustique, de l’aléatoire, etc) jusqu’à sentir, au
milieu des années 60, le besoin de s’attaquer à certaines limites auto-imposées de cette
aventure. Son effort, son « refus du refus » allait dans le sens d’une réintégration d’éléments de
langage provisoirement mis de côté par sa propre génération (consonance, thématisme,
périodicité, répétition, etc) et du développement de techniques permettant cette réintégration.
Votre Faust, Couleurs croisées, Vue sur les jardins interdits et La seconde apothéose de
Rameau sont des œuvres qui exemplifient magnifiquement une orientation déjà résolument
« post-moderne ».
!Mais, en plus d’être un compositeur, pédagogue et théoricien respecté, Henri Pousseur était
également un homme engagé. Hautement sensible aux injustices du monde, il exprimait jusque
dans ses œuvres sa profonde envie d’un avenir meilleur pour l’humanité, nourri en cela, et entre
autres, par les écrits du philosophe allemand Ernst Bloch. La notion de konkrete Utopie de ce
dernier prenait chez Pousseur la forme d’une nouvelle version du mythe d’Icare, où le héros,
s’étant fabriqué des ailes qui ne fondent pas au soleil, peut s’approcher encore plus de l’astre
qui l’inspire. Métaphore de la quête d’une humanité idéale, que nous avons la responsabilité de
contribuer à bâtir patiemment.
!Pour souligner le 70
e
anniversaire de Pousseur, j’avais écrit une courte pièce pour piano
intitulée Henricare, parti lécher les étoiles, un titre qui associe un fragment de vers de Michel
Butor au nom composé que l’on retrouve également dans Henricare’s Flight. Un unique
mouvement du grave vers l’aigu soutient les deux œuvres, étendu sur 20 minutes dans la plus
récente. Ce mouvement se retrouve là aussi bien dans la partie de flûte solo que dans celle de
l’ensemble qui l’accompagne (10 instruments).
!Dans le courant de la composition de cette élégie, une image a fini par prendre forme : celle
d’un groupe de shamans, de prêtres ou d’officiants - « personnifiés » par les instrumentistes qui soit accompagnement un mourant ou un mort ou encore commémorent son départ. La flûte
solo devenait alors la voix de ce dernier, dont le synthétiseur microtonal au son d’accordéon se
tient au plus proche (il pourrait bien, par sa quasi-omniprésence, évoquer les acouphènes
associés à l’hyperacousie dont souffrait Pousseur à la fin de sa vie); j’imaginais un groupe de
ces shamans (l’ensemble instrumental) mimant l’envol, le vol, voire le mouvement des
gigantesques ailes de cet Icare, et la percussion rythmant de façon hiératique cette cérémonie.
!Écrit à la mémoire de celui pour et avec lequel j’ai travaillé entre 1976 et 1978, et dont les idées
et les œuvres m’ont profondément marqué, Henricare’s Flight est également dédié au flûtiste
Robert Aitken, qui m’a donné l’occasion de cette création, de même aux musiciens et
collaborateurs de la société New Music Concerts qu’il dirige.
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Michel Gonneville, 8 mars 2015