Hépatite chronique chez le chien
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Hépatite chronique chez le chien
Hépatite chronique chez le chien Par le Docteur Alexandra GABRIEL Service de Médecine Interne, CHV FREGIS Le terme « hépatite chronique » (HC) se réfère chez le chien à un syndrome inflammatoire du foie qui a connu une grande variété d’appellations: hépatite chronique active, hépatite chronique lobaire, hépatite lymphoplasmocytaire, etc. L’inflammation chronique peut évoluer vers de la fibrose et cirrhose (stade terminal). Les signes cliniques sont variables en fonction du stade de la maladie : généraux, gastro-intestinaux, nerveux et urinaires. La démarche diagnostique comprend plusieurs étapes: des tests biochimiques, l’évaluation échographique du foie et, indispensable au diagnostic de certitude: la biopsie hépatique et son analyse histologique. Une fois le diagnostic définitif établi, le traitement pourra être alors adapté et suivi de manière optimale. Causes d’hépatites chroniques chez le chien La cause de l’HC reste indéterminée dans une grande majorité des cas; on parle alors d’hépatite chronique idiopathique (HCI). Les HC peuvent être associées à des infections Les Doberman pinschers sont (leptospirose, virus de l’hépatite canin infectieuse), des mé- prédisposés aux hépatites assodicaments et toxines et une accumulation de cuivre (hépa- ciées à une accumulation de cuivre tites chroniques cupriques (HCC). Signalement des hépatites chroniques Les jeunes cockers américains et anglais sont à risque. L’accumulation de cuivre conduisant à une HC d’origine héréditaire est décrite dans certaines races (bedlington terrier, west highland white terrier, doberman pinscher (figure 1),…) et suspectée dans d’autres. Les femelles en général semblent prédisposées aux HCI et HCC. Examen et signes cliniques chez le chien Le foie joue un rôle central dans divers processus incluant : le métabolisme (carbohydrates, lipides et protéines), la détoxification, le stockage (vitamines, glycogène,…), la digestion des graisses et la régulation de la fonction immunitaire. Les signes cliniques des HC reflètent l’atteinte de ces fonctions et varient selon le stade de la maladie. Le foie possède une capacité de réserve énorme, d’où l’apparition assez tardive de signes plus spécifiques de la maladie hépatique comme l’ictère (figure 2), l’hypoglycémie, les troubles de l’hémostase, l’encéphalose hépatique ou l’ascite. Les signes précoces sont souvent non spécifiques: abattement, anorexie, vomissement, polyurie/ polydipsie (PUPD), etc. Les signes gastro-intestinaux intermittents, comme anorexie, hypersalivation, vomissement, diarrhée sont rencontrés cou- Ictère marqué visble au niveau de l’oeil (sclère) d’un chien ramment lors d’HC. Les animaux atteints sont également prédisposés aux ulcérations gastro-intestinales pouvant aboutir à du méléna, de l’hématémèse et des douleurs abdominales. Les animaux sévèrement atteints sont typiquement présentés avec une combinaison des signes suivants: abattement, anorexie, faiblesse, amaigrissement, vomissement, PUPD et/ou ascite. L’ictère, la fièvre, ainsi que les signes nerveux et de problèmes de coagulation sont relativement rares. Examens complémentaires (vétérinaire) Analyses sanguines et de liquide d’ascite Les examens biochimiques comportent deux volets : l’évaluation des lésions cellulaires par les tests de cytolyse (enzymes hépatiques : transaminases et phosphatases alcalines) et l’évaluation du fonctionnement hépatique par les tests de fonction (acides biliaires, albumine,…). Les résultats anormaux des tests de fonction permettent de suspecter une insuffisance hépatique, mais ne précisent en aucun cas la nature de la maladie hépatique sous-jacente. Le bilan hématologique permet d’évaluer la présence d’une anémie, d’une leucocytose et/ou thrombocytopénie. Les hépatocytes sont responsables de la production de la quasi-totalité des facteurs de coagulation. Les anomalies des tests de coagulation sont donc fréquemment rencontrées lors d’hépatite chronique. Toutefois, les hémorragies spontanées sont très rares. Les tests de coagulation sont donc essentiels avant toute prise de biopsie hépatique. L’analyse d’un liquide d’ascite permet de préciser sa nature et d’orienter le diagnostic. Examens d’imagerie médicale vétérinaire La radiographie abdominale n’est pas d’une grande utilité dans le diagnostic d’une HC. Elle permettra d’apprécier la taille du foie : hépatomégalie ou microhépatie et la présence d’ascite. L’examen échographique est incontournable dans l’évaluation du foie. Il permet d’apprécier la taille, la forme et la structure du parenchyme hépatique, ainsi que la répartition des lésions, indispensable lors de la réalisation de biopsies. Les lésions observées en cas d’HC sont rarement spécifiques. L’absence d’anomalie échographiquement visible n’exclue pas la présence d’une HC. Seule la réalisation de biopsies et l’examen histologique permettent d’établir un diagnostic de certitude Examen histologique Si les signes cliniques, les examens de laboratoire et l’imagerie médicale permettent de suspecter une hépatopathie Réalisation de biopsies hépachronique (dont l’HC), la réalisation de biopsies et leur ana- tiques échoguidées sous aneslyse histologique (classique, colorations spéciales, dosage thésie générale à l’aide d’un pistolet à biopsies du cuivre tissulaire) sont indispensables afin de poser un dia gnostic de certitude et de mettre en place un traitement ciblé (HCI ou HCC). La cytologie simple (à l’aiguille fine) n’est pas suffisante dans le diagnostic d’une HC. La prise de biopsie peut être réalisée de manière échoguidée (figure 3), par laparoscopie ou laparotomie exploratrice. Une culture bactériologique peut être envoyée en cas de suspicion de complication bactérienne. Traitement des hépatites chroniques chez le chien Le traitement sera adapté en fonction du diagnostic. Plus le diagnostic est précis (diagnostic définitif : biopsies et analyse histologique), plus le traitement sera ciblé. La durée de traitement minimale est de 3 à 6 mois. Un suivi régulier (tests de fonction hépatique, histologie,…) est essentiel. Références 1. Ettinger SJ et Feldmann EC (2010). Liver and pancreatic diseases. In: Textbook of veterinary internal medicine, Seventh edition (Ettinger SJ et Feldman EC), Saunders-Elsevier, St. Louis, 1609-709. 2. Mandigers PJ et coll (2004). Association between liver copper concentration and subclinical hepatitis in Doberman Pinschers. J Vet Intern Med 18 : 647-50. 3. Gabriel A (2009). L’essentiel sur l’hépatite chronique chez le chien. PratiqueVet 44 : 42428. 4. Hernandez J (2008). Maladies hépatiques chroniques du chien et du chat. EMC. Vétérinaire, Gastro-entérologie, Elsevier Masson SAS, Paris. 2300. 5. Poldervaart JH et coll (2009). Primary hepatitis in dogs: a retrospective review (20022006). J Vet Intern Med 23 : 72-80. 6. Spee B et coll (2006). Copper metabolism and oxidative stress in chronic inflammatory and cholestatic liver diseases in dogs. J Vet Intern Med 20 : 1085-92. Les points importants L’absence d’augmentation des enzymes hépatiques ou de lésions échographiquement visibles ne permet pas d’exclure la présence d’une hépatite chronique chez le chien. Les signes cliniques, les examens biochimiques et l’imagerie médicale permettent d’orienter le diagnostic vers une hépatopathie, mais seule l’analyse histologique permet de poser un diagnostic de certitude afin d’orienter le traitement de manière optimale.