La géothermie sort de terre dans le Cantal Publié le

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La géothermie sort de terre dans le Cantal Publié le
LA MONTAGNE LUNDI 12 DECEMBRE 2011
Le fait du jour
Salon
Les premières journées de la géothermie se
déroulent au parc floral de Paris à partir de
demain et jusqu’au 15 décembre. La société
cantalienne Electerre y sera présente.
Un chiffre
5
3
Energie
mégawatts seraient produits dans la
centrale cantalienne, à partir de 2016,
soit l’alimentation annuelle d’une ville de
10.000 habitants (hors chauffage).
Appel à projets
Via l’Agence de l’environnement et de la
maîtrise de l’énergie, le gouvernement a lancé
un appel à projets dans le cadre des investissements d’avenir auquel va répondre Electerre.
ÉNERGIE ■ Des études en cours pour la création d’une centrale électrique par la société auvergnate Electerre
La géothermie sort de terre dans le Cantal
L’Auvergne a une
ressource en énergie
aujourd’hui inexploitée.
Olivier Bouttes croit en
l’avenir de la géothermie
et veut implanter la
première centrale de
l’Hexagone dans le Cantal.
L
nonce Olivier Bouttes, bien dé­
cidé à faire de l’énergie propre,
dans tous les sens du terme.
« Des études jusqu’à la produc­
tion, on doit s’inscrire dans cet­
te démarche. On veut que notre
action soit bien comprise par la
population, que ce qu’on réalise
s’intègre dans l’écosystème. La
faune, la flore, mais aussi le ca­
dre de vie, les habitants. »
C’est pour cela que la centrale
(pas plus imposante « qu’une
grande grange ») aura « une ar­
chitecture innovante, avec des
matériaux locaux. Les 500 uni­
tés de production géothermique
qui existent dans le monde res­
semblent trop à des centres
Be a u b o u rg a u m i l i e u d e l a
pampa ». ■
Gilles Lalloz
[email protected]
a géothermie sur la terre
des volcans. Ça paraît une
évidence. Pourtant, hormis
quelques installations indi­
viduelles avec des pompes à
chaleur ou des bâtiments admi­
nistratifs, cette ressource n’est
guère exploitée dans la région.
Olivier Bouttes fait pourtant le
pari qu’il y a un filon pour la
g é o t h e r m i e h a u t e é n e rg i e.
« L’éolien, le photovoltaïque, ce
sont des énergies intermitten­
tes. Pas la géothermie. » Quand
les deux premières techniques
citées ne « produisent environ
que 20 % du temps en moyen­
ne », compte tenu du vent et de
l’ensoleillement, la géothermie
apporte son plein rendement.
« Une énergie propre
qui ne produit pas
de CO2 »
Cette ressource a connu un
premier pic d’intérêt au début
des années 80, au moment du
deuxième choc pétrolier. L’or
noir est redevenu accessible,
l’intérêt pour l’eau du sous­sol a
baissé. « Depuis deux ou
trois ans, après des améliora­
tions techniques, de meilleures
interprétations de la géologie,
l’évolution des turbogénératri­
ces et tout simplement parce
que c’est une énergie propre qui
ne produit pas de CO2, la géo­
■UN PROJET DE 26 M€
Financement
PREMIÈRE EN MÉTROPOLE. Une centrale de géothermie haute température fonctionne en Gaudeloupe (à
Bouillante !). Une centrale de géothermie profonde a été construite à Soultz-sous-Forêts (Alsace), elle fonctionne avant
tout pour un programme européen de recherche. Le projet auvergnat, que dévoilent sur la carte du Cantal Olivier
Bouttes (à droite) et Lionel Bouchet serait ainsi la première centrale d’une telle importance dans l’Hexagone.
thermie intéresse à nouveau.
C’est le moment de lancer des
projets », assure cet ancien ca­
dre de Capgémini à Clermont
puis directeur général délégué
chez Cyclopharma.
Depuis début 2011, Olivier
Bouttes fait chauffer ses ménin­
ges pour sa holding Chada­
saygas qui contrôle la société
Électerre, basée à Saint­Flour et
qui possède des bureaux à Riom
(63). Son objectif est clair : ins­
taller une centrale de géother­
mie électrique qui, mi­2016, de­
vrait produire 5 mégawatts dans
le sud­est cantalien.
La demande de permis exclusif
de recherche a été lancée en
juin, en même temps que la si­
gnature d’un contrat d’études
■ Une centrale, une filière… des projets
« Notre idée est de faire plusieurs centrales », annonce Olivier Bouttes.
Celle du Cantal ne serait que le point de départ et l’acquisition d’une
expertise. « Le programme du gouvernement avec les “investissements
d’avenir” (lire plus haut) peut accélérer le mouvement. » Si Electerre est
le maître d’ouvrage et sera l’exploitant, « nous n’allons pas faire tout
seul », précise Olivier Bouttes. D’où l’ambition de créer une véritable
filière, un savoir-faire régional, au niveau industriel et universitaire. « Le
pôle de recherche et d’enseignement de Clermont est intéressé par notre
projet, mais on souhaite que des entreprises nous accompagnent, qu’elles
soient susceptibles de fournir des équipements pour ce type d’installations. » Avec une projection sur 15 ou 20 ans, Electerre se verrait bien
faire sortir de terre entre dix et quinze centrales en France. « On peut
fidéliser, dans une filière, des entreprises capables de monter en compétence à nos côtés. »
L’autre perspective de filière est locale. Car si l’eau remonte vers la centrale à 150°, toute la chaleur n’est pas utilisée dans le processus des
turbines. D’où la volonté de Cantal expansion, l’agence économique du
Conseil général qui accompagne ce projet, d’étudier la possibilité de
développer, à côté de la future centrale, un pôle d’activités demandeur
de chaleur, comme, par exemple, une unité de séchage de bois.
avec le BRGM (Bureau de re­
cherches géologiques et miniè­
res). En octobre, une première
modélisation en 3D, qui sera af­
finée d’ici avril avec de nouvel­
les études des géologues sur le
terrain, a été réalisée des
698 km² de la zone prospectée
autour de Coren, Ruynes­en­
Margeride, Loubaresse, Neuvé­
glise, Chaudes­Aigues et jusqu’à
Chaldette (Lozère).
Production en 2016
Ce secteur n’a évidemment
pas été choisi au hasard. Ses ca­
ractér istiques géologiques,
l’analyse de sa croûte terrestre,
la présence de failles, les mou­
vements tectoniques qui s’y
sont produits laissent présager
des atouts en termes de géo­
thermie, avec l’ambition de
trouver de l’eau à une tempéra­
ture de 160° à 200° à quelque
3.000 mètres de profondeur.
La géophysique avec notam­
ment des mesures de gravimé­
trie et de la magnétotelurie,
complétera les données devant
cerner le ou les sites idéaux. « Il
faut qu’on comprenne la circu­
lation de l’eau, la présence de
réserves pour pomper et com­
ment réinjecter au bon en­
droit ». D’où la nécessité de réu­
nir les conditions optimales de
source de chaleur, de perméabi­
lité de roche, d’activité en flui­
de. « En 2013, on espère faire les
demandes pour des forages ex­
ploratoires, avant de lancer la
conception de la centrale », an­
Grâce à la holding Chadasaygas
et à Greenalliance (qui regroupe
des investisseurs intervenant
dans l’économie verte), Electerre
s’est constitué 800.000 € de
fonds propres.
La phase de recherche et de
développement (jusqu’en 2013)
a un coût évalué à 6 M€. Outre
les fonds propres qui vont
monter en puissance (le
business plan en prévoit 8 M€
en 2016), Electerre a
notamment reçu l’aide d’Oséo, a
fait une demande auprès du
Fonds d’investissement pour une
Auvergne durable (FIAD) de la
région et pourrait recevoir le
soutien du Conseil général du
Cantal. Par la suite, pour le
développement industriel, les
initiateurs du projet iront aussi
frapper à la porte des banques.
En tout, l’investissement
nécessaire est estimé à 26 M€.
Mais avec un prix d’achat
garanti, fixé par décret et
actuellement de 0,20 €/kW, le
projet serait amorti en une
dizaine d’années.
« Un atout indispensable dans le mélange energétique »
Un accident qui l’a privé d’activité professionnelle pendant neuf
mois est à l’origine du challenge
d’Olivier Bouttes.
« J’ai réfléchi à ce que j’allais
faire, raconte celui qui est con­
seiller municipal à Fontanges
(Cantal). Les sujets stratégiques
des vingt, trente prochaines an­
nées, c’est la nutrition, l’eau,
l’énergie. Travailler dans l’éner­
gie et le faire sur un territoire
que j’aime, j’ai trouvé ça inté­
ressant. »
À 48 ans, voilà un nouveau
défi où il est accompagné par
Lionel Bouchet, 45 ans, connu
chez Capgemini. « Pendant
vingt ans, dont dix à Clermont,
« Ce qu’on réalise
doit s’intégrer
dans l’écosystème »
OLIVIER BOUTTES. Président de
Chadasaygas et d’Electerre
j’ai été directeur de projet “inté­
gration de système”. Quand Oli­
vier m’a parlé de son projet, je
me suis dit que c’était le bon ti­
ming. En plus, la géothermie, si
ça doit se faire, c’est ici, en terre
des volcans. »
Le Massif central peut avancer
ses atouts en terme hydrauli­
que. Il pourrait en faire de
même avec la géothermie pro­
fonde. « C’est un composant qui
me paraît indispensable dans le
mélange énergétique. Même si
aujourd’hui, avec les techniques
connues, ça ne remplacera pas
le nucléaire. Mais ce sujet de
l’exploitation de la chaleur du
sous­sol est plein d’avenir », af­
firme Olivier Bouttes. ■
Pdd