Andromaque - Le signe bleu

Transcription

Andromaque
AnalyseparVA
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Andromaque
AnalyseparVA
Acte I.
Cetacteestl'actedesespoirsdéçus-espoird'Orestequiseprendàrêverd'unretourd'Hermioneà
sescôtés-espoirdePyrrhusquivoits'approcherAndromaqueetsedemandesielleserasensibleà
seseffortspourelleetsonfils.
Le monde des passions s'illustre alors par 1 la mise en reflet, le mimétisme de comportements
trahissantl'universalitédelapassion,desesviolences,desesrevirements.Maisceteffetdesymétrie
estrompupar2ladistorsionliéeaudéveloppementirréversibledelapassion;lescouplesnepeuvent
dialoguer,serejoindreetencoremoinsconnaîtrel'harmonie:lesindividussedécouvrentdoubleset
ilsnesontjamaisenphaseavecl'objetaimé.Enfin,3lepointdefuitedelarelationsetrouvedans
l'au-delà:Andromaquerestefidèleàunmort,surquilaprojections'avèreaisée-prouvantparlà
que,pourRacine,lavéritablepassionn'estpasdecemonde.
Scène première - scène d'exposition Introduction.
Situation du texte : la pièce débute in medias res : les personnages semblent avoir noué une
conversationqu'ilspoursuiventsurscène:"Oui,puisquejeretrouve..."LepublicduXVIIesièclea,en
effet,unebonneconnaissancedelamythologie.Racine,surtout,affirmesamodernité.
Racineremplitdonclesexigencesdelascèned'exposition;ellerendcompte
1. delasituationprésente: 1lesdeuxpersonnagesprincipauxseretrouventaprèsavoirété
séparésparunetempête;2l'actionsedérouleàButhrot;3letypederelationentretenupar
lesdeuxjeunesgens:mêmesileurpassélesarapprochés,ilsnesontpasaumêmeniveau
social : Oreste est fils du roi des rois et ambassadeur des Grecs ; selon les règles de la
bienséance,PyladenepeutdoncletutoyercarOresteestunpersonnageplusimportantque
lui;
2. du noeud de l'action, autrement dit l'arrière-plan diplomatique détermine la dynamique
dramatique-surleplangéopolitique,nousretrouvonslaguerredeTroie,lavictoiredesGrecs
etl'effondrementdeTroie.
Enjeudelascèneauregardduprogramme:l'ambassaded'Oresteapparaîtdeplusenpluscomme
unprétexte;lapassionestdoncmanipulatrice:ellesesaisitdetouteopportunitépourtenterde
s'affirmer-encela,elleconjuguemanipulationetaveuglement.
ActeI. ©Lesignebleu–Leblogdeslettres-2016
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Plangénéraldelascène:
I.Oresteest-ilunsimpleambassadeur?Lesretrouvaillesdesdeuxamiss'acheminentverslaprise
deconsciencedelafatalitédelapassion-v1à28-Retournementetrévélationd'Oresteàlafinde
cepremiermouvement.
Lafatalité,ici,netientpasvraimentàun"plan"desdieux:lapassioncréeunmécanismefatal.Pylade
craignait pour son ami - il imaginait qu'il aurait pu se suicider, à cause de son tempérament
mélancoliqueausensfort,classique,duterme.
II.Larétrospectived'Oreste:unpersonnagedivisé-v.29,étonnementdePylade,"Quoi?"à"un
bienqu'ilm'aravi?",v.104.
III.Oresteesttoujourslemêmepassionné.Lesespoirsdontsenourritlapassion,v.105àlafin.Face
àPyladequinepeutgarantirlaréactiondePyrrhus,Oresteespèreencoreunrevirementd'Hermione.
I. Oreste ambassadeur ? - v 1 à 28 1. Les retrouvailles.
1èretiraded'Oreste=lesdeuxamisseretrouventaprèssixmoisdeséparation(7).
Curieuse interprétation de ces retrouvailles par Oreste : aux deux premiers vers, il les interprète
commelesigned'uneréconciliationpersonnelleavecsondestin(2).Pourlui,lefaitqu'illuisoitpermis
de renouer cette relation affective témoigne de la bienveillance du sort à son égard... étrange
conceptiondelapsychologie.
QueveutsuggérerRacine?quesonpersonnageesttrèsdéterminéparsesaffects:sonsorttragique
luisembleconjurédèslorsqu'illuiestpossiblederetrouver:"unamisifidèle"=l'amourd'enfance,
entre amis, perdure. Oreste incarne le personnage du jeune homme, qui manque de maturité et
chercheàvivresesrêvesdejeunesse.
Série d'interrogations rhétoriques : une bonne surprise du destin - mais surtout, dans l'esprit de
Racine,deson"génie"personnel,plusquedelaFortuneausenscommunetcollectifduterme.
Lapassionestbiennégationdutemps:elles'efforcedefaireperdurerdesrelationsprivilégiées.
2. L'amitié selon Pylade.
RéponsedePylade:iln'estpassurlemêmeplanderéalitéquesonamicarilremercielecieldeleurs
retrouvaillessanschercheràinterpréterlesdesseinsdelaProvidence:v.9-ilremercielecield'avoir
laisséOresteenvie-d'embléecederniersembleavoiréchappéàlamortdetrèspeu.C'estdoncdéjà
unsurvivant.
Expressiondel'affectetdelafidélité-passioncalmecommelediraHume:
• rhétorique=séried'exclamatives-tonalitéaffectiveaccentuéeparleretouranaphoriquede
"Combien"àl'attaquedel'alexandrin;
• mais aussi psychologique = la représentation de la virilité n'exclut pas les larmes,
l'attendrissement.
CraintesdePylade:
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• ellesconcernentlesort
• maissurtoutletempéramentd'Oreste,quiestàlui-mêmesonpropreennemi:
"Surtoutjeredoutaiscettemélancolie"(17)=ilconnaîtletempéramentsuicidairedesonami-mais
lesapparencesledétrompent-àtort.
3. La fatalité de la passion.
Pourquoi Oreste revient-il ? à cause de sa passion : le tragique ne relève d'aucune forme de
transcendance;ilrésulted'uneincapacitéàlaprisedereculdevantcequelemoiinterprètecomme
unetrahison:Orestecherchecequin'existepaspuisqu'ildemandelafidélitéàune"inhumaine"
(26)[voirlexique:"insensibleàl'amour"].Racinereprendunclichédelarhétoriqueprécieusemaisil
l'intègredanssaperspective:lapassionnepeutsenourrirquedesrefusdel'autre.
Nous retrouvons le cas évoqué par Hume dans l'extrait étudié - est-ce une "erreur" de jugement
(commelediraHume)ouunefatalitédutempérament(commelesuggèrelepersonnagedeRacine)
quil'inciteàcultiverunepassionvaine?
Deuxinterrogationsrhétoriques:"lavieoulamort?"(28)Lapassionserévèleextrémiste.
Lapassioninscritl'êtredansladimensiondelaperte:lemoiancienn'était-ildoncqu'illusion?-
unepertequ'ilrefusecarilveutresterfidèleàunpasséquin'existeplus.
II. La rétrospective d'Oreste : un personnage divisé -
v.29,étonnementdePylade,"Quoi?"à"unbienqu'ilm'aravi?",v.104.
1. Pylade, défenseur des valeurs face à Oreste en quête d'une raison d'être.
Plansocial.Pyladeetl'optionhéroïque:auvers29,ils'étonneavecforce-pléonasme:"esclave
asservie". Les interrogations rhétoriques expriment l'étonnement du personnage mais renvoient
aussiOresteàsescontradictions:
• commehommequiselaissemenerparsespassions:ilest"esclave",dans"lesfers"dela
passion;
• commeintelligencequiimaginetrouverHermioneplussensibleenEpirequ'ailleurs:laraison
estenéchec;
• commeindividuquimanquedeconstance:"Vousl'abhorriez[...]"voiredesincérité:"Vous
metrompiez"(37).
Planontologique.Laquestiondelafidélité:elleestàl'originedelatrahison-Oresteneveutpas
êtretraîtreàlui-même-commePyrrhusl'estauxGrecs-etcommeilaimeraitqu'Andromaquelesoit
àHector.
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2. Oreste et la dualité tragique.
Ladualitéfaitleprincipedutragique-"Jemetrompaismoi-même"(37)
Ladualitépsychologiqued'Oresterenvoieàladissociationentre
• cequicaractériselepersonnagemasculincommehéros,filsderoietambassadeurdesGrecs
/
• cequilerattacheàsonenfanceperdue,auxaffectsoubliés-encesens,ils'estfigédansle
devenir:alorsquePyladeincarnel'amifidèle,Hermionereprésentelafemmeversatile.
Defait,lapassiondivisel'êtreentrecequ'ilestetcequ'ilsedoit:Orestedoitporterlaparoledes
Grecs/Pyrrhusdoitrespecterlesvaleursdesoncamp.Maisl'uncommel'autreprivilégientleurmoi
àtoutautreréalité.
Lemoiestdirigéparl'affect-l'amourjustifietoutetpermetd'expliquerlafidélitéàcequ'ilest:
"Ami,n'accablepointunmalheureuxquit'aime."(38)
"T'ai-jejamaiscachémoncœuretmesdésirs?"(39)
Cettedualitépsychiqueserépercutedansladualitédesonaction:enapparence,Oresteestun
ambassadeurdesGrecsetiljouitdesonlibre-arbitre;enréalité,ilespèretoujoursretrouverl'amour
d'Hermione. Le monde "officiel" permet au monde des passions d'exister. Il croyait possible
d'oublierHermione:illaretrouve...lesdétours,lesmensonges,laduplicitédelapassion...
Latragédieestdouble-
• àlafoisphysiologique:lamélancoliepropreàsontempérament;
• + psychologique : sa passion pour Hermione l'empêche de choisir entre les deux options
possibles,soitl'amoursoitl'héroïsme.
Retoursurlui:Orestes'expliquedevantPylade-doubleénonciationduthéâtre,ilexpliqueaussison
histoire au public. Il se donne à voir : anaphore de "Tu vis" à l'attaque du vers, position de
l'observateuradoptéeparPyladepuisOreste.
"Tuvisnaîtremaflamme[...]""Tuvismondésespoir"=Oresteestagiparsespassions-ilenest
conscient,puisqu'ilregretted'avoirentraînésonamidansseserrances:"Jetevisàregret".
Lui-mêmeseconsidèrecommeunautre:"ledéplorableOreste"(46)quesonamiseulmaintienten
vie.
Cerapportdramatisétraduitlecaractèretrèsthéâtraldelapassion:lemoidevientlethéâtred'une
lutte entre les passions dominantes, ici l'amour et la haine, deux faces d'une même exigence
narcissique. Nous retrouvons la dimension allégorique médiévale - le champ clos où s'affrontent
Raison, Amour, Fortune, etc. - qui redevient à la mode, notamment dans le film d'animation Vice
Versa(2015).
Réactiondedignitéconformeàl'espritchevaleresque:"Maisquandjemesouvins"(49)-Oreste
réagitsousl'impulsiondelajalousie-etnondusensdel'honneur"cornélien".
L'imaginationdesrelationsprêtéesàHermioneetPyrrhusl'inciteàchercheràoublierHermione:le
narcissismedéclenchelaréactiondecolèrecarlajalousien'estautrequelarevendicationdecequi
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semble dû à un cœur abandonné. Notons la diérèse sur Hermi-one, au vers 50, qui donne de
l'expressivitéàlaformulation.
"Tusaisdequelcourrouxmoncœuralorsépris(51)-tournuresignifiantecarons'éprendd'une
femme,pasd'unepassion:toutsepassecommesiRacinefaisaitunécartlinguistiquepourmieux
soulignerl'écartentrelaraisonetlespassions-
Voulutenl'oubliantpunirtoussesmépris."(52)-leverbepunirsupposeuneformederéciprocité
qui ne peut exister que si l'autre, l'indifférent, est sensible à l'indifférence, affectée, jouée, du
méprisé...
3. L'illusion de la maîtrise.
Illusiondumoiquicroitensapropreforce-miseenperspectivedesapropreduperieinconsciente
"Jefiscroireetjecrusmavictoirecertaine"(53)
Réversibilitéamour/haine:"Jepristousmestransportspourdestransportsdehaine"(54)
Illusiondelagloirecommemoyendesoignerlespassions,delesorienterdansunedirectionnoble:
"Jepensaiquelaguerreetlagloire/Dessoinsplusimportantsrempliraientmamémoire"(61-62)
Tragiqueretournementdelacroyancedanslesvaleurssociales:alorsquelejeuneOrestes'efforce
d'adopterlesvaleurssociales,ilalimente,enréalité,sapassion,toujoursactive."Maisadmireavec
moi le sort..." (65). Il se rend directement là où l'attire son subconscient = au coeur des passions
sociales,impuissantesàsehausserauniveaudelaréconciliation.
L'ennemipersonneld'Orestedevientl'ennemicommun="onmenacePyrrhus"(67)"Onseplaint
qu'oubliantsonsangetsapromesse"(69)=letraître,l'infidèle.
Circonstanceaggravante=larused'Andromaque,capablededissimulersonfilsàUlysse,incarnation
dela"métis"grecque,laraisonmêléeàl'astuce.
Le monde des passions prend alors tout son sens : elles se répercutent les unes les autres, elles
formentunechaînedecausesetd'effets-orgueilblessédeMénélas,dontlafilleestdédaignéepar
Pyrrhus-
Illusiondelavengeancenoble:Oresteacruàlaversion"officielle"delavengeance,ilacruqu'il
"triomphait"d'un"rival"(v.78)-enréalité,ilnecherchequ'àsevengerd'Hermione.
Le"retour"d'Hermione:demêmequelasituationfaitd'Oresteunrevenant,sonespritestenvahi
parl'imagedelajeunefille,toujoursprésente,jamaischassée.
"Jesentisquemahaineallaitfinirsoncours,
Ouplutôtjesentisquejel'aimaistoujours"(87-88)
Leretourauréelpasseparlessens-pasdutoutparl'entendement.
Donc:ilsaisitl'opportunitéqueluifournitlapassiongrecquepoursefairel'ambassadeurdessiens.
Lapassionestrusée:ellesaitsejouerdescirconstancesparcequ'elledemeureinchangée.
Aveud'impuissancefinal:"marésistanceestvaine"(97)
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"Je me livre en aveugle au destin qui m'entraîne" (98) - champ lexical de la vision qui trouve son
achèvementici.Ilcessedeseregarder,desedissocier,des'imaginercapabledes'observer.Notons
lequestionnement.
III. Les espoirs dont se nourrit la passion, v. 105 à la fin.
1. Pylade. La conquête féminine.
Champssémantiquesenreflets=lerivalc'estl'autredevenulemême-Andromaqueestaussi"inhumaine"à
sonégardqu'Hermionevis-à-visd'Oreste.
Variante:PyrrhusestunOrestequipossèdelaforceetquienusepuisqu'ilaséparéAstyanaxdesamère-lire
vers112-sortedesadismeliéàl'exercicedupouvoir-PyrrhuspréfigureNérondansBritannicus;cependant,
s'ilexercesonpouvoirsurAndromaque,iln'enestpasencoreàéprouverduplaisiràfairecoulerdeslarmes
afindemieuxmesurersonpouvoirsurl'autredevenuunobjet,unechosequirésisteetdontilconvientde
vaincrelaforced'inertie.Lapassionn'estpasmorale-d'ailleurs,Andromaqueelle-mêmen'a-t-ellepassacrifié
lavied'unenfantpoursauverlesien?Ellen'estdoncpasexemptedetoutreproche.
Danslemondedespassions,lespersonnagesentrentdansdesjeuxderôlesmultiples:Hermioneest,elle
aussi,utiliséeparPyrrhuspourexprimersarage-àl'impuissanced'OresterépondcelledePyrrhus.
Oreste:redoublementdel'expression-Hermionesevoit-elletellequ'elleest?oubientellequ'elleimagine
être?
Pylade:ilestaussileconfidentd'Hermione;ilsaitcequ'ellesouffreensilenceets'efforcededissimuler-il
instilledoncl'espoirdansl'espritd'Orestepuisqu'ilrévèlelestourmentsetlesdéchirementsd'uneHermione
torturée et divisée - et qu'il l'incite à exciter les fureurs de Pyrrhus pour mieux l'inciter à poursuivre
Andromaque.Maiscettelucidité,venued'untiers,estmiseauservicedelapassion.Oresteseprécipitedonc
auprèsd'Hermione.
2. Le monde des passions
ilestdominéparlechamplexicaldelavision.,dontdécoulelamanipulation.
1. le théâtre des illusions humaines, des individus en proie à leurs ambitions et leur volonté de pouvoir
narcissique.
2. Sevoir,êtrevu=pasunerelationdeclaireconsciencemaisledésird'êtreconformeàl'imagequel'on
veutavoirdesoiàtraverscequ'onveutimposeràl'autre.
3. l'absence de cohérence apparente : le moi, lui, persévère dans son être identifié à des obsessions
majeures-alorsqueenapparenceilchangedepassions,passedel'amouràlahaine,etinversement,dela
dévotionàlacontrainte,ilnefaitquevarierlesinterprétationsd'unmêmeemploi.
IV. Conclusion.
Une scène d'exposition qui annonce les conflits à venir en exposant la nature des quatre caractères
principaux.
Enjeudutextedanssonrapportauprogramme.
Danscettescène,ledialoguedePyladeetd'Orestemetenscènelesdeuxoptionspossibles,les
deuxréactionspossiblesàlasituation:
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•
•
Pylade choisit la conduite chevaleresque - oublier Hermione, remplir son ambassade,
sublimersespassions.
Oreste a encore quelque lucidité mais seulement pour constater son impuissance et sa
propreduplicitéinconsciente.
ButdeRacine.Nousensommesàlapremièrephasedecettehumiliationdelaraisoncartésienneà
laquelle se livre le jansénisme pour qui l'héroïsme n'est qu'une illusion de la raison : l'homme
dissimuletoujoursdesdésirsnarcissiquessousdesprétextesofficiels,voirealtruistes.L'hommeest
doncpris,englobé,engluédanslemondedespassions.
Lamoralehumainen'existepasvraimentcarilfaudraitquelesindividussachent
• accepterlaréalitédesfaits-lucidité-
• neplussepréféreràtoutou,plusprécisément,desesitueraucentredesonpropremonde-
Orc'estlepropredel'hommejanséniste:ilcréeununiversàpartirdesonpointdevueaulieudese
soumettreàlaloicommune-onalàaussiuneconséquencedel'hypertrophiedumoiaristocratique
-lamégalomaniedeLouisXIVécrasetoutcomme,toutesproportionsgardées,celledePyrrhus.
Lapassionselonlejansénismesenourritprécisémentdecettemégalomaniearistocratique:c'est
parcequelespersonnagesneparviennentpasàobtenircequ'ilsdésirentquecequileuréchappe
prendunprixexorbitant.Ilssontpeuàpeusubmergésparlapuissancedespassions.
Scène 2 : Pyrrhus, Oreste, Phoenix
Situation du texte
Confrontationattendueentrelesdeuxpersonnagesmasculinsprincipaux;notonslarapiditédela
venuedePyrrhusdevantl'ambassadeurdesGrecs-doncuneactiondynamiquemaisvraisemblable.
Idée générale : Oreste vient parlementer au nom des Grecs pour demander à Pyrrhus la mort
d'Astyanax,quilarefuseaunomdelajustice,puisdesonbonvouloir.
Enjeudutexteauregardduthème=commentlapassionsaitseservirdescapacitésargumentatives
delaraisonpourvisersonbut.
Progression:ellesuitladynamiquedesjustificationsquidévoilepeuàpeulejeulatentdespassions.
Longuestiradesquiconstituentautantdeplaidoyersprodomo.
I.Premierniveaudel'échange=entredeuxpersonnagesofficiels.
Premièretiraded'Oreste:lademandedesGrecsauhérosPyrrhus,filsd'Achillequidoitvengerson
peupleetassurersasurviecariln'estpasàl'abrid'unetrahisonprobabledufilsd'Hector.Ilplacele
débatauniveaudelafidélitéàlaparoledonnée,delajusticeàrespecter.
RéponsedePyrrhus:ilseplacesurleplandudroit-levainqueurnepeutdérogeràlaloidelajustice
-ilremetenquestionl'idéedevengeancenoble:onnepeutpasadministrerlajusticedelamême
manièreentempsdepaixetentempsdeguerre-saufàimaginerquelesrelationssocialesignorent
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toutepossibilitédepacification...queleshommesseconduisenttoutletempsdemanièreagressive
etpassionnelle.
Transition
Oreste : lecture grecque de l'Histoire - ou lucidité retrouvée car la passion inspire à Pyrrhus une
rationalisationmenteusedesoncomportement.
II.Deuxièmeniveaudel'échange=refusaffirmédecoopérationetviséesdissimulées.
Montéedelatension:expressivitédel'attaquemenéeparPyrrhus,p.32:ildéplaceleproblèmede
lafidélitéàlamoralesocialeàl'unionimposéeavecHermione(=esclavagerejetéparPyrrhus).
Retombéeprogressivedelatensionjusqu'àsadernièreprisedeparoleoùilluiaccordeunedouble
permission:voirsacousine,Hermione,puisannoncersadécisionauxGrecs.
Confrontation paradoxale : si Oreste n'était que le représentant des Grecs, il affronterait Pyrrhus
commeuntraîtrepotentielqu'ilconvientderameneràlaraison;onpeutsedemanders'ilfeintde
lui tenir un discours qui flatte son ego pour l'encourager à trahir Hermione plus qu'à céder aux
exigences des Grecs. Inversement, Pyrrhus affiche une attitude très ferme vis-à-vis des demandes
grecques mais il semble respecter Oreste, non seulement pour son statut mais aussi pour se
débarrasserdelaprésenceinopportuned'Hermione-commeentémoignesaconfidenceàPhoenix
danslascènesuivante,purementtechnique.
Peut-onparlerde"doublelangage"concernantlapassion?Non,précisément,lepassionnés'ignore
lui-même : sa dimension tragique vient de son impuissance à unifier les éléments, divisés, de sa
personnalité-envrac.
I. Premier niveau de l'échange = entre deux personnages officiels.
1. Oreste interprète de la morale sociale.
de143à155,Orestesefaitd'abordlehérautdelaraisond'Etat:ilveuts'adresserauhérosquiestà
lafoislefilsd'AchilleetlevainqueurdeTroie.
Pyrrhus se définit donc en fonction de son ascendance - son inscription dans la durée et son
appartenanceàunclan-etdesonactionpersonnelle.Sapitié,enl'occurrence,s'avère"funeste"(v.
148)dupointdevuegrecselonlequellajusticedeguerreexigel'éliminationd'Astyanax.
Oresteluireprochesoninfidélitéàl'exemplepaternel,doncàlui-même:151,"Maiscequ'il[Achille]
n'eûtpointfait..."
de156à163,Orestemetenperspectivelepassé(155/160)etlefuturpourfaired'Hectorl'agent
d'une rupture dont il pourrait être la première victime si Astyanax prenait exemple sur lui et se
retournaitcontrelamainquil'aprotégé.
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Oresten'envisagedonclesrelationssociales,dumoinsàl'échelongéopolitique,qu'enfonctiondela
raisond'Etat-théoriséauXVIIesiècle,notammentsousl'impulsiondespolitiques-quicommandele
sacrificedufilsdel'ennemiaunomdelasurviedessiens.
Laloidutalion:ilfautempêcherl'autredenuire-détruireleserpent=arracherlemal-connotations
religieusesévidentesauXVIIesiècle.
de164à172:conclusionoùOrestedemandeàPyrrhusdesatisfaire"l'envie"desGrecs-pourquoi
l'envie?parceque,manifestement,lavolontédesGrecsestmarquéeparl'affect.
Désirerlavengeance?Est-ceune"envie"noble?àquellesconditions?dansquellemesure?
2. Pyrrhus en défenseur du droit ?
Maisdequel"droit"s'agit-il?n'est-cepassonpointdevuepersonnelqu'ildéfend?
Racineportelesoupçonsurtouteslesconventionshumaines,dontlesinterprètessedrapentsous
lesapparencesdel'humanismemaisquirecèlentdesviséespersonnelles.
Ilseprésentecommeunbonroi:ilprétendvouloiruserdeclémenceetinstaurerunordreconforme
audroit.Ici,ilsemblefrôlerl'humanitéparamourpourAndromaque-Passionetraisonsemblent
alorsréconciliéesmaisest-ilvraimentsincèredanscequipeutapparaîtrelàencorecommeunrôle?
de173à196:desinquiétudessansobjets?Pyrrhusfeintd'êtrebeaucoupmoinsimportantquene
lesoutientOreste-ilprésentesonambassadecommedémesuréeparrapportàsonobjet:179et
180,dévaluationdes"désirs"desGrecs,qui"conspirentlamortd'unenfant"-
Oppositionetsophismes:"Mais"(181)=introduituneoppositionforte,connotéenégativementcar
l'emploide"sacrifie"déplaceleprojetdevengeanceversunsacrificeàdevainesambitions=Pyrrhus
renverselasituationcarils'estimeoffensédenepouvoiragircommebonluisembleavecunecaptive
qu'onluiaattribuée-187:"Lesort..."LesGrecssont"régressifs"(185-186).
En outre, il se prétend victime d'un abus de pouvoir : lui n'a jamais émis la moindre critique à
l'encontredesautreshérosv.192.
de197204:laméditationmoralesurlachutedesGrandsetlafaiblesseactuelledeTroie.Leçon
destinéeàrappeleraupubliclesaléasdusortetàsoulignerlecaractèreexorbitantdesexigences
grecques.
de205à220:Pyrrhusdistinguelajusticedeguerredelajusticeentempsdepaix;iln'estplus
tempsdesevenger."Toutétaitjustealors."Defait,lesGrecsignoraientlesdroitsdel'hommeet
n'hésitaientpasàtuerlesenfantsetlesvieillards.
Donc, Pyrrhus distingue une situation, qui justifie des passions mortelles, de ce qui relève de
l'humanitéordinaire.
Qu'est-cequel'humain,dèslors?c'estlacapacitéàéprouverdel'empathie,la"pitié"qualifiéede
"funeste"parOreste.
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"L'EpiresauveracequeTroieasauvé."220
CaractéristiquesdupassionnéselonRacine=larevendicationnarcissique,lesentimentd'êtretraité
injustement-lecroireoulefairecroire?
La tragédie vécue par le passionné vient de cette distorsion entre la revendication narcissique et
l'exigencesocialeressentiecommeinjuste.
Lenarcissisme:c'estl'investissementdelalibidosurlemoi.
II. Deuxième niveau de l'échange = refus affirmé de coopération et visées dissimulées.
1. Oreste et la dénonciation d'une rationalisation menteuse ( ?).
Oresteintervientpourrétabliruneformedevérité"historique":ilrappellelarused'Andromaqueet
dénoncelalecturelittéraledesfaitsproposéeparPyrrhus.
Surlefond,ilremetencauseladéfensedePyrrhus:lesGrecsnepersécutentpasunenfantqu'ils
voudraientsacrifier;maisilscherchentàassurerlapaixenempêchantlefilsdesevenger.
Donc:lacolèregrecqueestlégitime-226:"Ilapartropdesangachetéleurcolère."
IldemandeàPyrrhuscequelepassionnénepeut"entendre",admettre=anticiper.Lepassionné,
en effet, surtout chez Racine, ne peut réagir qu'en fonction du passé, si figer dans l'exigence
obsessionnelledecequ'ilprétenddevoirluirevenir.
2. Pyrrhus et le retournement de l'argument : une violence extrême.
Revendicationd'unefiliationquisedéfinitnontantparl'héroïsmequeparlacolèrenéedusentiment
del'injustice-L'Iliaderacontelacolèred'Achille,lésédanslepartagedescaptivesparAgamemnon,
lepèred'Oreste...PyrrhusdénonceladivisiondesGrecs,quileurfutdommageablefaceauxTroyens.
Confrontationquifaitjouerauxfilslesrôlesdespères,surunmodedévalué.
Revendication d'une liberté absolue et forme de régression : "Et n'ai-je donc vaincu que pour
dépendred'elle?"
PourunpublicduXVIIesiècle,PyrrhusincarnelafigureduGrandféodalquineveutpassesoumettre
à la loi commune et exige de se définir en fonction de sa propre loi. Cette affirmation trouve ses
limitesdanslaremarqued'Oreste:"filsrebelle"-quilerenvoieàsonenfermementégocentrique.
Pyrrhusnepensequ'àlui.
3. L'expression détournée du véritable enjeu : Hermione
Oreste:siPyrrhusserévoltecontrelaGrèce,ilperdHermione-ilchercheàsavoircequeson"rival"
pensevraimentdesonamante.
P.resteambigu.Ilménageseseffets:c'estlepropredelapassionquedenepassavoircomment
obtenircequ'ellevise.Aussirecourt-elleàl'excès,l'hyperbole,pourmieuxs'exprimerdansunevisée
narcissique car elle ne communique pas : elle s'avère impuissante à établir un échange. Il affirme
vouloirselibérerdelaloigrecque-"esclave".
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Conclusion :
undialogueàplusieursniveauxquelascènedeliaisondoitéclaireraupublic.
Scène 3 : Pyrrhus, Phoenix Scènedetransitionquiéclairel'âmedePyrrhus-ilnefautpasqu'ilpuisseapparaîtrecommeunpersonnage
qui dissimule ses projets - le mensonge est contraire à la grandeur noble, surtout après le double langage
apparentdetoutelascène2.
Scène 4 : Pyrrhus, Andromaque, Céphise
Introduction
Situationdutexte.AprèsavoirdemandéàOrestedeseretirer,Pyrrhusseretrouveseul:l'arrivée
d'Andromaqueest-elleaussi"immotivée",doncinvraisemblablequeleprétendlacritique?Defait,
ellesemblecraindrepoursonfils-d'oùl'expressiondesadouleur-.Ilesttoutàfaitlégitimequ'elle
chercheàsavoircequisepasse.
Idéegénérale:PyrrhustentedefléchirAndromaqueenluiexpliquantcequ'ilfaitpourelle.Nous
retrouvonslejeudepressiondéjàprésentàlascène2.
Plangénéral:
I.Labonne"volonté"dePyrrhusetsesespoirs-258à296-situationdereflets:l'attitudedePyrrhus
rappellelecomportementd'Orestevis-à-visd'Hermione-l'ironied'Andromaque(267-268)rappelle
lasienne;lemondedespassionssenourritdemisesenperspective,demimétisme.
II.Lesrefusd'Andromaque-nil'amournilesgrandeursmondaines-etsonrenvoiversHermione-
297à362-
III.LesmenacesdePyrrhus-elleseraresponsabledelamortdesonfils...ilimposelarelationde
force. Elle réponse par une menace : elle annonce sa mort, qui verra sa réunion avec Hector,
anticipationquiengendrelajalousiedePyrrhus.
Progression dramatique = aucune comme en témoigne le retour de la thématique du baiser : au
débutdelascène,lamèrevaembrassersonfils;àlafindelapièce,quiclôtl'acte,sonadmirateur
aimerait qu'elle prenne conscience de la précarité de cet échange affectif. Dans le monde des
passions,ontourneenrond:l'obsessionsenourritduressassementquifaitmonterlaviolencedu
ressentiment.
13
I. La bonne "volonté" de Pyrrhus et ses espoirs - 258 à 296 1. Le système de reflets.
L'attitudedePyrrhusrappellelecomportementd'Orestevis-à-visd'Hermione-lemondedespassions
senourritdemisesenperspective,demimétisme.
259:"Unespoirsicharmantmeserait-ilpermis?"
Dans ses premiers propos on entend la voix de la pastorale - mais, par étymologie, le "charme"
possèdeuneforcemagiquetrèsforte.
MaisAndromaqueledétrompeaussivitequ'HermioneavecOreste:elleneveutseêtrequ'unemère.
Racine exprime sa tristesse : le vers ici "rase la prose", comme le disait Léo Spitzer, entre autres.
L'esthétique du XVIIe siècle, par son abstraction, atteint à l'universalité du sentiment. Elle sert ici
l'expressiond'unfantasmecar,auXVIIesiècle,lesmèressepréoccupaientpeudeleursenfants.
Lamiseenrefletssecontinueetserépercutedemanièreàrendre,encreux,l'absencedecentre,
doncdesens-c'estlaperspectiveréelledeRacine,celled'unjansénistepourquilesensnepeutse
trouverici-bas.Lesrefletsseremarquent
• danslecomportement-lafuite,lerejet-
• maisaussidanslemoded'expression-l'ironiesignalelamiseàdistancedelapersonnequi
aime-
• dansladivisiondumoi:trèsinstable,Pyrrhusestàlafoisl'amantetlepersécuteur.Ilse
dissimule derrière la passion des Grecs contre les Troyens pour se présenter comme le
défenseurd'Andromaque.
265:"Ah!Madame,lesGrecs,sij'encroisleursalarmes,
Vousdonnerontbientôtd'autressujetsdelarmes."
269:"LeurhainepourHectorn'estpasencoreéteinte.
Ilsredoutentsonfils."
Lemasquedelapassion,chezPyrrhus,empreintelafacedelacollectivité,desGrecsetlepoidsdela
tradition:cequisejouedépasselesindividus,s'inscritdansunetemporalitéetunespacepluslarges
-"lefilsd'Hector"/"lefilsd'Agamemnon".
Andromaqueusedelamêmeironievis-à-visdePyrrhusquecedernieravecOreste.Cettemiseen
refletprouvesonenfermementdanslemondedespassions.
267:Etquelleestcettepeurdontleurcœurestfrappé,
Seigneur?QuelqueTroyenvousest-iléchappé?"
Elle,elleenglobePyrrhusdanslecampgrec:"vous"estsignifiantàcetégard.
270 "Digneobjetdeleurcrainte!
Unenfantmalheureux,quinesaitpasencor
QuePyrrhusestsonmaître,etqu'ilestfilsd'Hector."
Làencore,elleidentifieenPyrrhusnonunalliémaisunennemietun"maître"hostileàsonenfant.
Pourquoi l'ironie ? parce qu'elle attaque les valeurs : l'ironie socratique remet en question les
préjugés,lesvaleurssocialesrelatives.
14
2. Pyrrhus démasqué ?
LejeusurlespronomsrendcomptedelasubstitutionopéréeparAndromaque:auxGrecs,aufils
d'Agamemnon,ellesubstitueun"on"-vers277-278-quidésignePyrrhus:"Hélas!onnecraint
pointqu'ilvengeunjoursonpère;
Oncraintqu'iln'essuyâtleslarmesdesamère."
Le1er"on"renvoieauxGrecsetlesecondàPyrrhus.
Andromaquefaiticid'AstyanaxunrivaldirectdePyrrhus:iloccupetoutessespenséesettoutson
cœur.
"Ilm'auraittenulieud'unpèreetd'unépoux;
Maisilmefauttoutperdre,ettoujoursparvoscoups."
Astyanaxincarnel'objetdesubstitutionetlesupportdetouteslesprojectionsd'Andromaque.
Làencore,Racinemetenévidenceunprocessuspsychiquedangereux,quiconsisteàfaireassumer
aufilstouteslesattentesdesesparents.
Lemondedespassionsestunmondedelavirtualitéoùlespersonnagesfantasmentl'objetdeleur
passion exclusive en fonction des universaux de la psyché humaine - épouser la personne aimée,
chérirsesenfants,etc.Orcesvaleurshumainesnepeuventsevivreàuneépoqueoùlemariageest
uncontratéconomiqueetoùlamortalitéinfantileexigedenepass'attacheràsesenfants.
3. Pyrrhus conforme à l'image de l'amoureux chevaleresque.
Pyrrhus s'efforce de se présenter en défenseur de la veuve et de l'orphelin = il use d'hyperboles,
conformémentàl'extrémismequicaractériselepassionnéracinien,quin'hésitepasàtoutsacrifierà
l'objetdesesdésirs:
V.283:"Maisdussent-ilsencore,enrepassantleseaux,
Demandervotrefilsavecmillevaisseaux;
Coûtât-iltoutlesangqu'Hélèneafaitrépandre;
Dussè-jeaprèsdixansvoirmonpalaisencentre,
Jenebalancepoint,jevoleàsonsecours:
Jedéfendraisavieauxdépensdemesjours.
Mais,ilnepeutserésoudreàs'oublieretilposelestermesdu"contrat"=ilattendqu'elleaccepte
soncœur,autrementditqu'ellerépondeàsonamour.
Ici,RacinesacrifiebienauxbienséancesdanslamesureoùPyrrhusseconformeauxexigencesdela
moralesocialetellequ'ellesepratiquait,enapparence,àlacour.
II. Les refus d'Andromaque –
Nil'amournilesgrandeursmondaines-etsonrenvoiversHermione-297à362-
Andromaquedoitresterinflexible:ellerefusetoutaccommodement.Ellenepeutpasentendresa
demande:elleéprouveunteldésespoirqu'ellen'estpasdisposéeàl'aimer-Encesens,Pyrrhusse
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trompede"passion":ils'imaginehaïmais,toutsimplement,ellen'estpasenmesured'aimerqui
quecesoit:elleincarnelafemmeamoureuse,dansl'incapacitédemonnayersonamour,defeindre
d'éprouverunsentimentpourunhommequin'estpasl'objetdetoutessesprojections.C'estdonc
undialoguedesourdsqueRacinemetenscène:lesdeuxpersonnagesn'évoluentpassurlemême
planderéalitécarAndromaquenepensequ'àceluiqu'elleaperduetPyrrhusespèrecequ'ellene
peutpas(parencore?)luidonner.
1. Les refus d'Andromaque
Andromaquerefuse-t-ellel'amourdePyrrhus?Elleneleconçoitmêmepascarellen'estpascapable
del'entendre:
• ellelerenvoieàsagénérosité=s'ilseprétendgénéreux,telunhéroscornélien,qu'illesoit
jusqu'auboutetneréclamerienenéchange;
• ellesedittropmalheureusepourpouvoiréprouverquoiquecesoitpourquiquecesoit:
"Captive,toujourstriste,importuneàmoi-même,
Pouvez-voussouhaiterqu'Andromaquevousaime?"301-302-
Présupposé:onnepeutaimerquesions'aimesoi-même.
AndromaquerenvoiedoncPyrrhusàsesdevoirs:
vis-à-visdelamorale-v.306:"Sauverdesmalheureux,rendreunfilsàsamère"
vis-à-visdesafamille-qu'ilsemontreledignefilsd'Achille,v.310.
2. Le plaidoyer de Pyrrhus : ses outrances et sa folie.
Premièrephasedelatirade,v.311-324.Iladmetquesafamilleetlui-mêmeontbeaucoupfaitsouffrir
Andromaqueetsafamillemaisilseprésente,luiaussi,commeunevictime:
315:"Maisquevosyeuxsurmoisesontbienexercés!"
Etundesverslespluscélèbresdetoutelapoésiefrançaise.Nousretrouvonsunparadigmedela
rhétorique précieuse - l'amour est un combat, il faut réduire les obstacles, etc. - qui trahit la
dimensionagonistiquedelapassionamoureuse:
320:"Brûlédeplusdefeuxquejen'enallumai"
Cettesyllepse(jeusurlepropreetlefiguré)estrévélatricedel'esthétiqueracinienne:
• Racinesaitutiliserlesstéréotypespourleurinsufflerunsensnouveau;ici,ilmontrequela
passions'alimented'uneénergiepuiséedansleconflit,senourritdel'oppositiondel'autreà
sondésir.
• Racineexploitelarhétoriquedemanièreàmettreenévidencelamiseenperspectivededeux
typesdecomportementsenreflets-lespassionnésmènentuneguerreprivéeetuneguerre
officielledanslasociété.Nousavonsdéjànotéladualitédudiscourschezlepassionné.
Cettestructurebinairerendcomptedelamiseenrefletdesdeuxfacesdelaviehumaine,privée/
publique.Maiselleestrompueparlerythmeternairesurlabasedel'anaphore:
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"Tant de soins, / tant de pleurs, // tant d'ardeurs / inqui-ètes..." - notons la diérèse avec effet
d'insistance,dimensionexpressive.
Le commentaire de La Harpe est éclairant à cet égard : les contemporains de Racine ont jugé ces
rapprochements "outrés" - il n'y a aucune commune mesure entre les souffrances endurées par
AndromaqueetcellesdePyrrhus-maisluiillesperçoitcommetelles:lapassionesthyperbolique.
Deuxième phase de la tirade. Opposition, "Mais enfin..." Il lui propose une union contre leurs
"ennemiscommuns".Queluipropose-t-il?desesubstitueràHector,deservir"depère"àAstyanax
-donc
• dedissocierAstyanaxd'Hectorafind'inciterAndromaqueàoubliersonépoux;
• deleurdonnerlesmoyensdesevengerdesGrecseux-mêmes:
327:Jel'instruiraimoi-mêmeàvengerlesTroyens;
J'iraipunirlesGrecsdevosmauxetdesmiens."
PyrrhusveutfaireallianceaveclesTroyens.Cettepropositionn'estpasconformeàlaloyautémais
exprimel'outrancedelapassionracinienne-lejeunehérosestcapabledetoutproposeràl'objet
aimé.
3. Andromaque / Pyrrhus / Hermione
Andromaquenecroitplusauxgrandeursmondaines:ilfautl'énergiedelapassionpourenvisager
dereleverTroie-ellenepeutycroire.
Elleestau-dessusdesgrandeursmondaines:ellenecherchequelaretraite-commelaprincessede
Clèves,qui,elle,seretirepournepasavoiràsouffrirdesrevirementsdelapassion,delajalousiecar,
aufond,ellenecroitpasàl'amour.Lesjansénistes,eneffet,commeMmedeLaFayetteetRacine,
necherchentquelerepos.
Elledemande:"unexil"pour"cachersonfilsetpleurer[s]onépoux",340.
341:"Votreamourcontrenousallumetropdehaine"
Ici,Andromaquenepointepastantlaproximitédel'amouretdelahainedansunemêmepersonne
queleurdynamiquesociale:l'amourdePyrrhusdéchaînelahainedesGrecs.
Pyrrhusseditimpuissantàaimerunefemmesurcommande:AndromaqueetlesGrecslerenvoient,
eneffet,àHermione.Encela,ilcontrevientauxpratiquessocialesdesontempspuisque,auXVIIe
siècle, le mariage était un simple contrat d'association. Pyrrhus s'obstine à vouloir se marier par
amour.
Ilsouffre:"Ah!quevousmegênez!"-sensétymologique,quidonnegéhenne,instrumentdetorture.
Il prétend se marier par amour tout en s'imposant à Andromaque... sa passion manque donc de
logiquec'estlemoinsqu'onpuissedire.
AndromaquesuitlalogiquedePyrrhus:pourquoiHermioneserait-elleinsensibleàsesservices?Ila
conquissaréputationetsonempiresurlaruined'Hector:Hermionenepeutluienvouloirbienau
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contraire.Al'inverse,Andromaquenepeutaimerunhommequiatuésonépoux:"Samortseulea
renduvotrepèreimmortel"-360-cequiparaîtunpeuexcessif.Encela,Andromaqueparticipe,elle
aussi,del'outrancedelapassion.Peut-êtreaussiRacinemontre-t-iliciquelapassions'exaspèrede
sapropreimpossibilité:selonunprocessusd'idéalisation,certainssontincapablesdereconnaître
lesqualitésd'unconjointvivantetlecélèbredéfunt.
III. Les menaces de Pyrrhus et d'Andromaque –
Elleseraresponsabledelamortdesonfils...ilimposelarelationdeforce.Ellerépond,elleaussi,par
lamenacedesapropremort:siAstyanaxmeurt,elleaussidisparaîtra-cequePyrrhus,amoureux,
nepeuttolérer.
1. Les menaces de Pyrrhus
Lamétriquereprenduneconstructionbinaire,structureenrefletquiestcelledetoutelascène-mais
aussidelapièceengénéral.Noussommes,eneffet,dansunsystèmed'actions/réactionstypique
des rapports de forces entre passionnés - qui confirme l'interprétation de la rhétorique galante
donnéeplushaut.
Pyrrhussechercheuneraisond'existerdanssarelationàAndromaque;ellelerejette;ilnepeut
trouversonéquilibrequedanslaforcecontraireàlapassion,lahaine.
364:"Ilfautvousoublier,ouplutôtvoushaïr"-aucunmoyenterme:lapassionracinienneneconnaît
quel'excès,letoutoulerien.
367-368:Songez-ybien:ilfautdésormaisquemoncoeur,
S'iln'aimeavectransport,haïsseavecfureur."
Même violence de la haine et de la passion : c'est ce qu'on peut appeler la "réversibilité des
contraires".Silemême,lapassion,devientl'autre,l'inverse,lahaine,c'estlaréalitédel'essencequi
s'entrouveaffectée:lepassionnénesaitoùsesituer;ilestenproieàdesdistorsionspermanentes.
Lacoïncidencedescontraires,enmystique,renvoieaussiàl'impossibilitédepenserleréelentermes
d'oppositions:lahainesetrouvedanslapassion;lesdeuxsontlesdeuxfacesd'unemêmeréalité
quipossèdesadynamique-quin'estautrequelaquêted'unabsolu,decequinedépendderien
d'autrequedesoi-cf.NicolasdeCuseetsesimagesgéométriques:lecercleinfinirejointlaligne.
365-366-laforcedespassionsseheurteaucentremoudel'indifférence,auxmaraisdel'insignifiance.
Ilveutêtretout,ilrencontresaproprenullité.
Lerejetd'Andromaqueestprivationd'être,signedesavanitéprofonde,ausensétymologiquedu
terme,sonvide-maisaussisonaspirationàêtrequelquechosedansetparl'amour.
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2. La menace d'Andromaque.
Elleaussis'inscritdanslalogiquedePyrrhus:elleréagitàsesmenacesparunemenacesansviolence
maistrèsfermequiaboutitàuneimpossibilité,pourPyrrhus=lareconstitutionducoupleHector-
Andromaque,unisparAstyanax.
Pyrrhus:ilchargeAndromaquedelaresponsabilitédesespropresactionspuisqu'ilagiraenfonction
de ses décisions, à elle. Nous retrouvons, ici, une distinction entre intention et action typique du
contextepassionnel.Est-cequ'unpassionnéestcapabled'assumerlaresponsabilitédesesactes?
IlsembleraitquePyrrhusneveuillepaslefaire-qu'ils'endéchargesurAndromaque.
L'actes'achèvesuruneinterrogationetouvresurlescoulissesdel'action-commenousleverrons
dansl'acteIIquis'achèvesurunescènequirevientsurlafindel'acteI.Donc,lapassiontourneen
rond:c'estlepropredel'obsessionnaturalistemiseenscèneparRacine.
Il perturbe totalement l'ordonnancement classique édifié par les "intellectuels" des salons. On se
rappelle que, au XVIIe siècle, les Précieuses avaient voulu inciter les hommes à se conduire en
hommesd'honneurrespectueuxetavaientinventélaCarteduTendre (voir la Carte sur le site de la
Bnf)pourmieuxrationaliserlesétapesdelaséduction.Or,pourRacine,1nonseulementiln'existe
pas d'itinéraire amoureux puisque la passion s'avère obsessionnelle, soumise à un mécanisme
statique d'action - réaction, 2 mais il s'avère impossible de rationaliser quoi que ce soit dans la
passion.Cettedémarcherelèvedelapureconstructionintellectuelle:ellen'ariendecommunavec
laréalitédespassionsquin'obéissentpasauxprétenduesrèglesd'uneraisonréduiteàsaversion
doxique,àdespréjugésinvalidésparl'expériencevécue.
19
ACTE II
Dans cet acte, les personnages semblent retrouver le sens du devoir : Hermione affirme vouloir
rentreravecOreste,Pyrrhusprétendavoirdécidéd'épouserlajeunefille.C'estdoncleretouraux
valeurs sociales et le sacrifice des exigences narcissiques... Tout se passe comme si, dans
Andromaque,Racinemettaitenscènelesfantasmesdesescontemporainsquisontdevenusnotre
réalité.Eneffet,semarieraveclafemmequ'onaime,êtrefidèleàsonconjoint,teniràsonenfantet
envisagersonavenir,etc.:autantdevaleursquinoussontdevenuesévidentesmaisquinel'étaient
pasauXVIIesiècleoùonsemariaitpardevoir,oùonavaitdesenfantspourperpétuerunelignéeet
oùonnes'occupaitguèred'eux.
C'est bien la preuve que l'esthétique classique met en signes les attentes psychiques
humaines:lespersonnagessedébattentdefaitavecplusderéalismeauXXIesièclecontreouavec
leurspassionsqu'auXVIIesiècle.
Thématiques centrales : thématique toute-puissance du regard - le monde des passions tient à
l'enchaînement, plus précisément la mise en reflet des actions / réactions = les personnages se
mettenteux-mêmesenscène,sedonnentàvoirtelsqu'ilsvoudraientqu'onimaginequ'ilssontmais
qu'ilsnesontpastoujours-sanslesavoirvraiment...
En outre, les personnages agissent tous selon le même schéma : ils subissent la loi des
passions, identique à elle-même, quel que soit le niveau social ou la personne (femme, homme)
considérée.Quepouvons-nousendéduire?
Premierpoint.Psychologiedespersonnagesraciniens=divisionentrelespassionselles-mêmes-
lutteintérieureentrelapassionamoureuseetl'amour-propre:l'orgueilveutrestaurerl'intégritédu
moi, qui s'estime attaqué, méprisé par le rejet de l'autre - le personnage vit sa passion selon les
valeursdesontemps.
Eneffet,l'amourestununiversel"biologique"carilcaractérisel'être,l'essencedel'humainmaisla
manièredelevivre,elle,dépenddel'époqueoùl'onvit.AuXVIIesiècle,lesnoblesleviventselonles
loisdel'amour-propreetdel'orgueil.
Ladivisionestdoncreconduiteàl'intérieurmêmedupersonnage:l'êtredel'amantentreenconflit
aveclesvaleursdel'homme.
Lapassiontrahieéquivautàlatrahisondel'être,ladéstabilisationessentielle.
Deuxième point. Le "monde" des passions racinien est un monde de reflets où règnent le
mimétismeetlemonologue.
Eneffet,Andromaqueestconstruitesurstructureenreflet:lespersonnagesinterprètent,finalement,
touslemêmerôle,celuidel'amantdéçu-mêmeAndromaquesefigedanslerôledel'amoureuse
quittéeparsonmari...
Lemimétismerègnemaisavecdesvariantes:
ACTEII
©Lesignebleu–Leblogdeslettres-2016
20
ledépitamoureuxd'unhommecommePyrrhusnepeuts'exprimerdelamêmemanièreque
celuid'unefemmecommeHermione;
• Oresteestundoubled'Hermione,maisiltentedel'amadouerenjouantsurlesvaleurssociales
doncsurlespassionssociales:ilveutqu'elleagissesinonparamourpourluidumoinspar
orgueiletdoncqu'ellerevienne.
Donc,lareprésentationdumondedespassionss'avèreindissociabledel'exploitationd'unemise
enabymedelacomédiehumaine(cf.Balzac):Racineportesurlascènelareprésentationdesoi,
déclinéeselonunaxedouble=
• la mise en scène de soi devant autrui s'inscrit dans la dimension sociale des passions ; il
convient,eneffet,dedonnerunebonneimagedesoiselonlesvaleursdominantes;
• lacomédiedudésiramoureux.
Entrelesdeux=laduplicitédespersonnagesquis'ignorentetdécouvrentleurduplicitédemultiples
manières.
Quadrille:lesquatreprotagonistesoccupent,successivement,lapositiondebourreauetdevictime
l'unparrapportàl'autre.
•
Scène première.
Situation:enchaînementdesactions
Idéegénérale:lesrevirementsd'Hermioneenproieàsespassions-
Progressiondramatique:ellesuitlesévolutionsdesapsychologieenfonctiondespassionssuscitées
parlasituation-
Premièrepassion:lavanité(ouorgueil?)blesséed'Hermione,quinesupportepaslesmépris,ouce
qu'elleinterprètecommetels,dePyrrhus-jusqu'àlatransition:v.418,retournement:elledemande
dutemps,elleneveutpaspartir.
Deuxièmepassion:ledésirdésespérédevengeance,lavengeancenonnobled'Hermionequiveut
troublerlesrelationsdecoupledePyrrhusavecAndromaque-v.441-442:ellechercheà"leurêtre
importune"...
Troisièmepassion:l'amourblessé-enfermementdanssonpropremondecar,faceàCléonequitente
deleramenerauréel(v.449etsq.),ellenepensequ'àsapropre"sincérité",quil'auraittrahiepuisque
l'aveudesonamourseraitcontraire,selonelle,àlaséduction.
Construction de l'intrigue : cette scène redouble celle qui oppose, dans l'acte I, Pyrrhus à son
confident.
Lapassionmonologueavecelle-même-ex.d'Hermione:
la jeune fille et l'aveu - Hermione s'est mise en position de faiblesse ; elle regrette d'avoir laissé
paraîtresessentimentsàPyrrhus-elleavouesafaiblesseàsaconfidente:elleneparvientpasà
oublier Pyrrhus - elle est comme enfermée dans son monde et ne parvient pas à communiquer
vraimentavecsoninterlocutrice:ellenedialoguepas.
ACTEII
21
Première passion : la vanité (ou orgueil ?) blessée d'Hermione
-jusqu'àlatransition:v.418,retournement.
1èretirade.EllecèdeàlapressiondeCléone-ouelleprétendlefairecar,enréalité,lesGrecsvoient
enellelafiguremêmedeleurloi:elleestdoncenquelquesorteobligéedelevoir.
Sespropos,v.406-408,leconfirment:"MonpèreaveclesGrecsm'ordonnedepartir."
QuereprésenteOrestepourHermione?
Sonpasséglorieuxàelle:elleneleconsidèrepasenlui-mêmemaisdanssonrapportàsonimage,à
elle.CommeentémoignelaprisedeparoledeCléone,Oresten'apaschangé:v.390"Madame,n'estcepastoujourslemêmeOreste"-
C'estellequiachangé:
• ellenesupportepaslamoindreatteinteàcequ'ellecroitluiêtredû;v.395:"Quellehonte
pourmoi,queltriomphepourlui"-alexandrincoupléàl'hémistiche=coupesignifiante,mise
enrefletsappuyéeparlarepriseanaphoriquedel'adjectifexclamatif;encela,elleprojette
surOresteuneconceptionguerrièredelarelationenluiprêtantunevolontéderevanchebien
petite;
• plus profondément encore, en fonction de ce que nous avons vu, elle voit à travers lui ce
qu'elleétait,autrefois,etcequ'elleestdevenuecarOresteincarneaussisondouble,àelle:
"Est-celà,dira-t-il,cettefièreHermione?"(397).
Blessurenarcissiqueévidente:ellenesupportepasl'atteinteàsonimageetellesereprésentela
scène à venir - encore un élément supplémentaire pour étayer notre interprétation du caractère
spéculairedelapassionracinienne.
397:"cettefièreHermione"=sensclassique-"FIER,[f]iere.adj.Hautain,altier,audacieux."(Ac.1694)
Cléone lui suggère la solution la plus rationnelle : puisque son père lui demande de rentrer et
qu'Orestel'aimetoujours,elleferaitmieuxderentrerchezelle:elledevraitmêmedevancerPyrrhus
sielleespèrepréserversonhonneur.
411:"Pourbienfaire,ilfaudraitquevousleprévinssiez"
Réversibilitéamour/haine:"Ah!jel'aitropaimépournelepointhaïr"(416)
Extrémisme:elleveutallerauboutdesacolère,desa"fureur"v.418-acceptionici:"transportde
colère"maisaussi"Rage,Manie,Frénésie"(Ac.94)-cequilarapprochedelafolied'Oreste.
Deuxième passion : le désir désespéré de vengeance non noble
SurprisedeCléone:étatd'abaissementdanslequelHermionesecomplaît-"quelqueinjure",v.422,
au sens classique de "transgression du droit" - IN - JURIA Empr. au lat. injuria, à l'époque class. «
injustice;violationdudroit,tort,dommage»,termededroit;cf.danslalang.communeinjuriae
frigorum,oblivionis;«injure,paroleblessante»àbasseépoque(lat.chrét.).
ACTEII
22
"ilvousauraitdéplu,s'ilpouvaitvousdéplaire"
v.426
Ensomme,Hermionemanqueàsesdevoirscar,fillederoi,ellenepeutperdrelaface.
Tiraded'Hermione:ellenesaitplusoùelleenest.
Premierpoint.Sontroubledelapersonnalitérésultedufaitqu'ellen'estpascapabledeseraisonner
;soninstabilitécaractérielles'accroîtencoredelanécessitédesauverlesapparences.
Elleneveutpasadmettrecequ'elleest:sadissociationestd'autantplusdouloureusequ'elleveut
entreteniruneillusionvolontaire.
"Croisquejen'aimeplus,vante-moimavictoire;
Croisquedanssondépitmoncœurestendurci,
Hélas!ets'ilsepeut,fais-le-moicroireaussi."-v.430-432-
Elleneveutpartirmais"fuir":"Fuyons",436,traduituneréactiondepanique.
Maiselleestsuivied'unrevirementimmédiat:elles'accrocheàl'espoirdevoirPyrrhusrevenirà
"sondevoir"(436)autrementditlafidélitéàlaloidesPères,desGrecs-qu'elletraduitentermes
amoureux:ellevoudraitlevoirluirendreunemanièredecultecarelleenvisagelarelationcomme
unrapportdeforce:"S'ilvenaitàmespiedsdemandersagrâce!"v.438.Notonsl'effetd'insistance
traduitparl'anaphorede"si".
Sonfantasme:elleconsidèrePyrrhuscommeunhommequil'humilie-v.440-
Sonprojet:perturberlesrelationsdePyrrhusetAndromaque-impératifsàl'attaqueduvers,1ère
personneduplurielpours'assurerencoredel'effetdemasse,ellen'estpasseulefaceàPyrrhuset
sesmépris:"Demeurons...Prenons..."
Savengeance:elledoitêtredouble,rendrePyrrhuscriminelenutilisantAstyanax-etdoncsevenger
d'Andromaqueendénonçantlefils.Hermionenepeutenvisagerdemoyenterme:lapassiondoit
meneràtoutouàrien.
Troisième passion : l'amour blessé - enfermement dans son propre monde.
Cléoneouleretourauréel:Andromaquen'estpaslarivaled'Hermione;elleneveutpasdePyrrhus
-Ecartentrel'imagequelajeunefillesefaitd'Andromaqueetsaréalité.
Ironiedusort:AndromaquevoudraitquePyrrhusrevienneàHermione.
Hermioneetl'enfermementpsychique.
Elleestcommearrêtéedansletemps:ellenepensequ'àrefairelescénariodesarelationàPyrrhus
; elle regrette d'avoir trop parlé, mal communiqué : l'aveu de l'amour constitue une preuve de
faiblessepourquipensel'amourcommeunaffrontementd'égos.L'aveuest-ilcontraireàl'amour?
Selonlesprincipesdelavolontédepuissance,ilestcontre-indiquéd'avouersessentiments.
Sa version de son propre comportement : une jeune fille sincère, qui ouvre son cœur et qui jure
fidélité"saintement"-eneffetlemariageestunsacrement,quifondelesrelationssociales.
Autrefois:"Mevoyait-ildel'oeilqu'ilmevoitaujourd'hui?"v.463
ACTEII
23
Pyrrhus était encore supérieur à son père, v. 467 - délire d'Hermione qui se laisse porter par ses
propressentiments;elleendevientinjuste:
"Avantqu'ilmetrahît,vousm'aveztoustrahie"-470-
Retourdurefoulé:c'estl'ancienquivientbouleverserlenouveau,détruirel'ordre.Eneffet,toutela
violence de la guerre se déverse sur les relations sociales actuelles - les vaincus vont finir par "se
venger"desvainqueurs.
Nous retrouvons la loi essentielle de la passion : la projection qu'elle serve l'idéalisation ou le
noircissementdesonobjet,ellen'enrevêtpasmoinslemêmesens,autrementl'enfermementdans
ununiversvirtuel.
Scène 2.
Situation : enchaînement rapide sur l'annonce faite par Cléone de l'arrivée du jeune homme -
Hermionenesemblepaspresséedelevoir...Cléonerestesurscène:rôlemuetcarfaitsocial:une
jeunefillenepeutresterseuleavecunhomme.
Idée générale : les deux protagonistes utilisent les passions sociales pour satisfaire leurs propres
passions,endistorsionpuisqueOrestenesongequ'àlavoiretlarameneràluialorsqu'ellenepense
qu'àPyrrhus,doncàrester.Jeudeforcescontraires.
Progressiondramatique:ellesuitlesmouvementscontrariésdespassions
I.L'humilitéd'Oresteetlediscoursdelagloired'Hermionejusqu'auvers518carOresteluidemande
deseprononcersursonpropresortàlui,
"Surmonpropredestinjeviensvousconsulter"=inversiondesrôlessociaux;lajeunefillesemontre
très orgueilleuse face à Oreste : absence de modestie constitutive de son moi - expression d'une
déstabilisationprofonde:plusellesemblemégalomanepluselletrahitsonpropremalaise.
II.Ladéfensed'Hermioneparelle-même:elleserapproched'Oreste,maissurleseulplanrationnel,
quesapassionluiinterditderejoindre-jusqu'à550.
III.Lapassionàlafoisviolenteetstatique:vanité,colère,injustice,extrémismepuisqu'ellesonge
même à refaire Troie, v. 564. Mais, en même temps, elle ne veut pas, à la lettre, bouger, donc,
psychiquement,changer=miseenscènedelapassioncommeoriginedel'impuissanceàévoluer.
FaceàOreste,trèslucidesurlessentimentsd'Hermioneàl'égarddePyrrhus,elleinvoquesondevoir
etsemontreencoreunefoisdouble.
I. L'humilité d'Oreste et le discours de la gloire d'Hermione ( jusqu'au vers 518).
Lafidélitéd'Oreste:ilseprésentecommel'hommequicultivelaconstance,ledévouementmême
aveclaconvictionqu'ilnedevraitpaslefaire.
CettefidélitémêmeàHermionelemaintientdansunétatdedivisionpsychiquequiaccentueson
déséquilibre:
Jesaisquevosregardsvontrouvrirmesblessures, 485
Quetousmespasversvoussontautantdeparjures
486
ACTEII
24
La fidélité à Hermione est infidélité à lui-même ; il anticipe la mort probable, qu'il prétend avoir
recherchéesanslatrouverchezlesScythes.
QuisontlesScythes?àlafoisunpeupleantiqueetunereprésentation.Eneffet,cesnomadesou
semi-nomadesincarnent,dansl'antiquité,l'inversedelaculturegrecquedéveloppéedanslescités.
DanssesHistoires,l'historiengrecHérodotefaitd'euxl’incarnationdugenredevienomade,avec
touteslesimplicationsdecettecondition:ilsneviventpasdansdesmaisons,ignorentleslabourset
lessemailles.Cetteréférencehyperboliquetraduitlaperceptionqu'iladel'inhumanitéd'Hermione,
unejeunefilleduredontonsedemandealorssiellepeutvraimentreprésenterlaloigrecque-à
moins que cette dernière ne se présente comme telle, légale, que par alibi, pour dissimuler son
caractèrearchaïque,celuidelaloidutalionquelespeuplesdéguisentpourimposerleurvolontéde
puissance.
Répliqued'Hermione:elletientlediscoursdelagloirequ'elleendosseàsontour-elleveutréveiller
sonénergie-l'apostropheestrévélatrice;elleidentifielatraîtrisepolitiqueàl'infidélitéamoureuse:
lerecoupementestpermisparlaprotectionquePyrrhusaccordeàAstyanax,filsd'Hector-v.515:
elleneparvientqu'àformuleruneexclamation-impuissanceàs'exprimer.
II. La défense d'Hermione par elle-même : LerapprochementavecOreste,sondouble.
Hermioneetladénonciationde"l'injusticed'Oreste":elleseprésentecommesondouble;ilignore
cequ'elleavécu;illajugedel'extérieur,sanssavoircequ'elleéprouve,quiestenréalitétrèsproche
decequeluiditavoiréprouvé.
"Pensez-vousavoirseuléprouvédesalarmes?"-527-
Oresteetlafaussejoie,v.529.
Ilveutêtresûrquesondiscourss'adressevraimentàlui:"Ouvrezvosyeux",531-
Hermioneluirendgrâcedufaitqu'ilalepremierreconnusonproprepouvoir,àelle.Elletransforme
sonpouvoirsurOresteenarme:v.534,métaphoresignifianteencequ'elleprêteàHermioneune
forcedecaractèrequelescontemporainsdeRacineneprêtaientqu'auxhommes-cequiluiavalu
descritiques.
Hermionevoudraitaimerquiluirendhommage=expressioncornéliennedelapassion,dontelle
reconnaîtl'impossibilité.
Vousquemillevertusmeforçaientd'estimer
535
Vousquej'aiplaint,enfinquejevoudraisaimer 536
Rapport amour / estime : peut-on aimer ce qu'on n'estime pas ? Oui - et l'inverse ? - pas
nécessairement.
ACTEII
25
Oreste : il connaît les contradictions de l'amour, la réversibilité amour / haine - en témoigne
l'enchaînementdesrépliques,v.540:
Jevoushaïraistrop. /
Vousm'enaimeriezplus.
L'amourn'obéitpasàlavolonté.
III. La passion à la fois violente et statique
Premiermouvement.Laviolenced'Hermione:colèreetextrémisme"Quivousl'adit,Seigneur..."
Ledéclenchementdurejet=leconstatquePyrrhusrejetteHermione-cequiestvrai-maiscequi
peut sembler faux c'est l'association de ce rejet et du mépris : lecture sociale du comportement
amoureux qui n'est pas juste ici. En effet, Pyrrhus n'est pas maître de ses sentiments. Il n'a pas
l'intentiondetrahir.
Innocenceetculpabilité-quelleestlaresponsabilitédePyrrhusdanslasituation?Questionéthique
:peut-onseconduiremoralementenamour?a-t-ilvraimentl'intentiondetrahir?
Oresteetladénonciationdel'injustice:peut-ondirequePyrrhusestson"rival"?commeilleprétend
?Lamauvaisefoiestdoncgénérale.
HermionevoudraitutiliserOrestepourrefaireTroie,recommencerl'histoire,fairebégayerletemps.
Rivalité=moiancien/moiprésent-enréalité,cequ'ellevoudraitretrouverc'estlavied'avant.
Pyrrhusest-illerivaloul'alliéd'Oreste?C'estunfauxrival,unleurrefabriquéparlesGrecs-mais
aussiunrivalréeldanslecœurd'Hermione-c'estdoncunrivalmalgrélui-demêmequ'Andromaque
estunerivaled'Hermionemalgréelle.
Deuxièmemouvement.Lerefusdepartir:immobilismeetattentisme "Mais,Seigneur,cependant..."
Lavéritabletrahison:cellequ'imposel'amouràceuxquineveulentpasadmettreleurpassion."Tout
noustrahit,lavoix,lesilence,lesyeux"-575-Dimensionnaturalistedelapassion:elles'exprimeà
traverslecorps,elleaffectetoutlephysique.
Blocagepsychique:Hermioneretrouvelesensdu"devoir"etelleseditprêteàsuivreOreste.Elle
n'est jamais aussi loin d'elle-même que lorsqu'elle se rapproche de la loi grecque. Il faut donc
distinguercequ'elleestdecequ'ellereprésente.
Scène 3
Scènedetransition:monologuequipermetdemieuxcomprendrelapsychologied'Oreste-dansla
forme,ilnourritlemêmeprojetqu'Hermione=elleveutseservirdeluipourretrouverPyrrhus.Lui,
ilveutseservirdePyrrhuspourlaretrouver.
ACTEII
26
Scène 4 - Le monde des passions et le choc des égos
Situation:danslemondedespassions,lechocdesegosproduitlamécaniquedesdestinshumains.
Eneffet,Pyrrhusagiticienfonctiondesrefusd'Andromaque,findel'acteI.
Racineexploiteaumieuxladoubleénonciationpropreauthéâtre:illafaitserviràlamiseenscène
deladuplicitéinconscientedumoipassionné.Pyrrhusn'expliquepaslaraisondesonrevirementmais
lepubliclaconnaît.
Idéegénérale:PyrrhusprétendserangerauxvaleursdesGrecsàtraversl'imagedesonpère,Achille,
l'incarnationdelaloidespères.
Progressiondramatique:scènetrèsrapide.Lapéripétietraduitlatensionextrêmedespassionsqui
entraînentlespersonnagesdansdesactionsprécipitées-cettetensiondonneformeàundestinqui
n'a plus de sens en lui-même, de signification spirituelle ou morale. Dans Andromaque, c'est
l'enchaînementdespassionsquifaitledestin.
Pyrrhusetlarestaurationdelaloidespères.Ilprétendavoirréfléchiaux"raisons"invoquéespar
Oresteetêtrerevenuàplusdelucidité.Doncilprétendrentrerdanslemondedelafidélité,àson
pèreetdoncàlui-même:"Amoi-même,enunmot,jedevenaiscontraire",v.610
Or,précisément,lapassionproduituntroubledelapersonnalité,elledéstabilisel'ego,leremeten
questiondemanièreradicale-commeentémoignel'emploidunomvictimepourqualifierAstyanax,
v.624.Pyrrhusestdoncenconflitaveclui-même...
Oresteplaidelacaused'Astyanax:v.616,"C'estacheterlapaixdusangd'unmalheureux."
PyrrhusannonceàOrestequ'ilépouseHermione-maisenréalité,lepublicsaitbienquiilvoudrait
épouser.Effetd'échosupplémentaire=demêmequ'HermionesedisaitprêteàrepartiravecOreste,
Pyrrhusprétendvouloirépouserlajeunefille.
Qu'enconclure?Sinonquelaloidespèresrelèveduprétexte:cen'estpasvraimentlacensuredu
surmoi,pouremployerdestermesfreudiens,quiagiticimaisplutôtlarévoltecontrel'imagepesante
d'undevoiropposéaudésir.
Pyrrhus traite Oreste comme un ambassadeur des Grecs ; quoiqu'il n'ignore pas son amour pour
Hermione, il semble incapable d'empathie : il utilise son mariage avec Hermione pour blesser
Andromaquemaisilesttotalementindifférentauxsentimentsd'Orestequiseretrouveencoreune
foisexcludelarelationavecHermionecommeentémoignesonexclamationfinale.Ilestinsensible,
indifférent:ilnepensequ'àsapassiondeplusenplusfrustrée.
ACTEII
27
Scène 5 - le monde des passions psychiques : l'enfer de Pyrrhus Situationdutexte:effetdeliaison,transitionaveclascèneprécédente:
625: "Hé bien, Phoenix, l'amour est-il le maître ?" La mise en perspective rend compte de la
théâtralitédelascène:leconfidentaassistéàl'échangedePyrrhusetd'Oreste-ils'agitpourceluilàdesedonneràvoirtelqu'ildevraitêtreselonlesnormessociales.
Idéegénérale:Pyrrhustentedeseposerenmaîtremaisillaisseparaîtresondépitamoureuxqui
trahit sa passion. Racine donne à voir le dédoublement d'une personnalité, qui ne peut tenir les
engagements"éthiques"liésàsaposition.
Progressiondramatique:
Dansunpremiertemps,Pyrrhusveutsedonneràvoirconformeauxvaleursdesonépoque627:"Ah
!jevousreconnais"maisilnetientpastrèslongtempssurceniveau:ilsetrahitdèslev.644:"Tu
l'asvu"-ici,lascènetournejusqu'àlatransition:v.671,Phoenixestdésabusé:"Quoi?toujours
Andromaque..."
Dansundeuxièmetemps,PyrrhusseditprêtàretournerparleravecAndromaquetoutenfeignant
l'indifférenceàsonégardcarellenereconnaîtpasleseffortsqu'ildéploiepourelle.
Enjeudelascène:Racinemetenscènelespectacledespassionsquicréeunmondedereflets,
commenousl'avonsdéjàvu,maisaussid'interprétationscroiséescarPyrrhusrapportelespectacle
queluiadonnéAndromaqueauprèsdesonfilsainsiquelesinterprétationsqu'ilchercheàluidonner,
etc.Al'inverse,sonconfidents'efforcedelerameneràlasimplicitédelaraison,àl'identificationde
sonêtreàsonimagesociale.
I. Phoenix, la "voix de la raison" ? et la réduction du signe au sens.
IlfautlireBarthesetsonSurRacine(PointsSeuil,1979)notammentpourcequ'ilditduconfident
chezRacine."Al'époquedeRacine,lamodedurôleestentraindepasser,cequiaccroîtpeut-êtresa
signification.Leconfidentracinien(etcelaestconformeàsonorigine)estliéauhérosparunesorte
delienféodal,dedévotion;cetteliaisondésigneenluiundoublevéritable,probablementdéléguéà
assumertoutelatrivialitéduconflitetdesasolution,brefàfixerlapartnon-tragiquedelatragédie
dansunezonelatéraleoùlelangagesediscrédite,devientdomestique(p.55)."Ledoublerationnel
semblediscrédité.
1. La coïncidence de Pyrrhus avec son image.
627:Ah!jevousreconnais;etcejustecourroux,
628:Ainsiqu'àtouslesGrecs,Seigneur,vousrendàvous.
Phoenixénoncetouslesélémentsquientrentdansl'imagerieduhéros:lamaîtrisedesoi,larivalité
aveclesplusgrands,enl'occurrencelepère,Achille.Enbref,lesoucidelagloiredoitledominerseul.
ACTEII
28
Gloire:ausensclassique,commelemontrebienFuretière,c'estla"gloire"deDieu,samajesté,la
vuedesapuissance[d'oùleschantsàsa"gloire"]maisaussil'honneurmondainautrementditles
louangesdonnéesaumérite,àlavertu,etc.
CommeleditBarthes,Phoenix,c'estlavoixdeceuxquiimaginentpossibledesesauver,
d'échapperàsaproprepassion.
2. La parole inaudible.
Trèsvite,dèsladeuxièmetirade,PyrrhusinterromptPhoenix:iln'apluslaparole-c'estdireàquel
pointilestinaudiblepoursonmaître.
Remarquonsaussilepeudevolumeverbalaccordéàceconfident:"laissez-là,Seigneur(658)".
Nousretrouvonsl'effetdemimétismedéjàidentifiéàproposdePyrrhus,Andromaque,etc.Eneffet,
commeHermione,Pyrrhusn'entendpassonconfident.
Ils'efforcedefairetairePyrrhus,enproieàundélireinterprétatifquis'alimentetoutseul:
664:Commencezdonc,Seigneur,ànem'enparlerplus."Iltented'incitersonmaîtreàretrouver
Hermione,ànepaslaisserlaplacelibreàOreste-dontPyrrhussemoquetotalement.
3. L'échec de la communication.
Lediscoursduconfidentnerecoupejamaisceluidumaître.Ilrefusederépondreàsesdemandeset
d'entrerdanssondélireinterprétatif:ilincarnebienlediscoursd'uneraisonréductrice,objective,
satisfaited'unevertusociale.Iln'ariend'unflatteurcommeonpeutentrouverdansBritannicus.
Notons les modalités affectives, qui trahissent son indignation, la rupture syntaxique signifiant la
perte,relative,decontrôle:
671:Quoi?toujoursAndromaqueoccupevotreesprit?
Quevousimporte,ôDieux!sajoieousondépit?
Quelcharme,malgrévous,versellevousattire?"
Ilinterprètelapassioncommel'effetd'uncharme,d'unmaléfice-selonlestéréotypedelafemme
sorcière,habileenphiltreàlaquellelalittératureetlamythologienousontaccoutumés,depuisCircé
etMédée,aumoins!PhoenixnecomprendpascequePyrrhustrouveàAndromaque...c'estbien
lepropredetoutspectateurd'unerelationpassionnellepuisquelepassionné,lui,prêteàl'objetaimé
desqualitésfantasméesenfonctiondel'imagequ'ilcrée.Lemaîtres'enfermedanslemondedeses
propresillusionsetleconfidentassiste,impuissant,àcenaufrage.
Il refuse d'entamer un dialogue où il ne pourra faire entendre la voix de la raison - en cela, il est
psychologuecarilcomprendqu'ilnepeutriennégocieravecunpassionné.
680: Allez,Seigneur,vousjeteràsespieds.
Allez[...]"
685:Vousaimez:c'estassez."
ACTEII
29
II. Pyrrhus impuissant enfermé dans le monde de ses passions : l'inflation interprétative.
Notonslepointdevuejansénistelatent:Racinemontrequeleshommessonttouspetitsvis-à-vis
deleurspassions-Pyrrhuspassedel'uneàl'autre=l'orgueil,lacolère,ledépit,laviolence,etc.La
passionfaitsouffrir:ellerendméchantàforcedecruautéretournéecontrel'objetdudésir.
1. Pyrrhus constitué en personnage victorieux : la passion d'orgueil.
Illiesa"victoire"àsa"gloire"autrementditàsonimagesociale:
634:"D'aujourd'huiseulementjejouisdemagloire"-passionsociale-
Gloire/glorieux.Pourlesjansénistes,lagloirepeutaussidésignerlavanité,laglorioleguidant,par
exemple,MmedeChartresqualifiéed'extrêmement"glorieuse"parMmedeLaFayettelorsqu'elle
netrouveaucunhommedigned'épousersafille.
Ilmetenévidencel'importanceduregard:"aussifierquetul'asvusoumis(635)""Considère(637)"
"Unregardm'eûttoutfaitoublier(640)"
642:Jetrouvaisduplaisiràmeperdrepourelle"
Danscettepremièretirade,Pyrrhussevoitàpartird'unpointdevuesocial,propreàsonclan,aux
Grecs.Ilsejugeavecquelqueluciditépuisqu'ilréaliselaformedemasochismequilecaractérise.Le
héros tragique refuse ce qui pourrait assurer sa survie ; plus encore, il éprouve une forme de
"plaisir" à se détruire - ou, du moins, à détruire son image sociale ce qui, ici, revient au même
puisquelatrahisonéquivautausuicidepourPyrrhus.
Nousallonsretrouvercette"ivresse"del'autodestructionchezlebaronHulot.
Mais,mêmesiPyrrhusfaitpreuved'unerelativeluciditésursonproprecas,iln'enprofitepas:ilse
laissetoutdesuitesubmergerparsesaffects.Iln'estpascapabled'agirenhommerationnel.Ilne
faitqueréagirenhommepassionné.
2. Pyrrhus : un spectateur exclu, donc jaloux et dépité.
Trèsvite,Pyrrhustrahitsajalousieetsondépit:ilditavoirétéspectateurdesonpropreéchec.Là
encore,lechamplexicaldelavisiondomine:"Tul'asvu[...]Jepensais,envoyant[...]J'allaisvoirle
succès"
Succès:sensclassiquedecequiarrive-duverbelatinsuccedere.
Lascènefaitéchoàlafindel'acteI,lorsquePyrrhuslaisseAndromaquejugedecequivasepasser,
luilaisselaresponsabilitédumeurtre.
Ilcroyaitqu'Andromaqueserait"calmée"parlavuedesonfils.Quevoit-il?unemère,emportéepar
sapassionimpossiblepoursonépouxmort.
Lapassiond'AndromaquevueparPyrrhus:"emportements","farouche"-maisaussiunerepriseau
styledirect,pourplusderéalisme="C'estHector",652etsq.
ACTEII
30
IlsesentexcludelarelationentretenueparAndromaqueetsonfils,Astyanax,surlequelelleprojette
sarelationavecHector-cequi,entreparenthèses,pourunemère,n'estpastrès"sain",c'estlemoins
qu'onpuissedire...
Lajalousiesecaractériseparlapropensionàinterpréterleréel,enl'occurrencelapsychologiede
l'objetaimé:
655:Etquelleestsapensée?Attend-elleencejour
Quejeluilaisseunfilspournourrirsonamour?"
L'interrogation est, certes, oratoire mais elle trahit la dynamique propre au jaloux, sa tendance à
l'inflationdessignes-cen'estpaspourrienqueProustenferal'émuleduromanciercarlejaloux"se
racontedeshistoires","faitdesromans"àpartird'uneattitude,d'uncomportementdontilcherche
àsaisirlesensenprojetantsespropresreprésentations...
QuelleinterprétationPyrrhusdonne-t-ilducomportementd'Andromaque?illa"voit"commeune
femmequisefaitdesillusionssursabeauté(maisfaut-ilqu'ellesoitbellepourluiplaire?),sursa
capacitéàlemaintenirdansunétatdedépendancecontraireàsagloire.
L'erreurinterprétative=lecombatd'orgueils-ilfantasmeAndromaqueencoquette,enCélimène
quisejouedesesamants.
660:L'orgueilleusem'attendencoreàsesgenoux.
Jelaverraisauxmiens,Phoenix,d'unoeiltranquille.
Elleestveuved'Hector,etjesuisfilsd'Achille:
TropdehainesépareAndromaqueetPyrrhus."
Lathématiqueduregardréapparaîtmaisaffectéed'unesignificationnouvelle:alorsquePyrrhus
vientd'évoquerunevisionréelle,qu'ilainterprétée,cettefois,ilseprojettedansunfuturfantasmé
:unspectaclerelevanttoutàfaitdel'illusion.
Ilcontinueàs'interrogersurlaréactionsupposéed'Andromaque:sera-t-ellejaloused'Hermione?si
Pyrrhusl'épouse?
Lejalouxprojettesaproprepsychologiesurl'objetaimé;ils'efforced'observercequi,enlui,pourrait
yressembler.
Question:est-ontoujoursjalouxdeceuxqu'onaime?Lajalousieest-elleunepreuved'amour?ou
unsignedevolontédepuissance?
3. Pyrrhus et le double discours.
CommePhoenixnerépondpasàsesdemandesinterprétatives,ilprétendsemontreràAndromaque
telqu'ilseprésenteàsonconfident-ouimaginesedonneràvoircarilvientdetrahirsapropre
dupliciténeprétendantvouloirprendreledessussurAndromaque.
Ilprétendvouloirinterprétersonproprerôle:
ACTEII
31
675:Macolèreàsesyeuxn'aparuqu'àdemi;
677:Retournons-y.Jeveuxlabraveràsavue.
679:Viensvoirtoussesattraits,Phoenix,humiliés.
Defait,onl'avu,Phoenixsedemandecequ'illuitrouve...
Pyrrhuss'indigne:ilchargeleportraitqu'ildressed'Andromaqueenjouantsurlescontrastescomme
autant d'antithèses qui auraient dû l'inciter à s'opposer à elle mais qui se résolvent en paradoxe
puisqu'ilnepeutquel'aimer,malgrétout-ouàcausedecesoppositions.
686:Quimehaitd'autantplusquemonamourlaflatte?
690:Jeluidonne/Etjenepuisgagner
Enoppositionàcesoppositionsbinaires,lesdonsdePyrrhusàAndromaquesontformuléssurun
rythmeternaireappuyéparl'anaphore:
687:Sansparents,sansamis,sansespoirquesurmoi,
allitérationen"s"
690:Jeluidonnesonfils,monâme,monempire assonanceen"on"
Ils'identifieàl'imagequ'elleestcenséeavoirdelui:
694:Ilfautbienunefois//justifiersahaine.
Notonslegestearticulatoireexigéparladouble
diérèsesur"bi-en"et"justifi-er".
Làencore,ils'imagineenmetteurenscènedel'humiliationd'Andromaque-cetteimagepréfigure
lesdescriptionsdeNéronenflamméparlespleursdeJuniedansBritannicus.
697:Quelspectaclepourelleaujourd'huisedispose!"
IlyadoncuneformedesadismedanslemasochismedePyrrhus.Mais,toutdesuite,ilsemblese
raviser en se montrant sensible à la double d'Andromaque : "Elle en mourra". Notons qu'il ne
s'inquiètepasdel'enfant:auXVIIesiècle,eneffet,l'enfantn'estpasl'objetdetouslessoinsdesa
famille,commeaujourd'hui;iln'estqu'unprojetdanslatransmissiondel'héritage.
D'oùlaréponse,blaséedéjà,duconfident,quiluirappellesafaiblesse-et,eneffet,Pyrrhusenvient
mêmeàs'excuserdenepassemontreràlahauteuroùilsemblaits'êtrelui-mêmeélevé.
Enmêmetempsqu'ilyaimpuissanceréelle,l'espoird'agirsuretparlaparoledemeure:vers709
"Faisonstoutcequej'aipromis".Maisqu'a-t-ilvraimentpromis?
Question.Pyrrhusseridiculise-t-ilensereniant?[lirelanote3p.54del'éditionGF].
PourlescontemporainsdeRacine,laréponseestaffirmative.AinsiBoileauadmiraitcettescènemais
finitparlacritiquercar,pourlesclassiques,letragiquesetrouveatteintparlemanquededignité
apparentdePyrrhus.
En réalité, dans le théâtre de Racine, l'impuissance du héros le rend humain, certes, mais son
intransigeance le rapproche du tragique - et non du comique comme le pensait les théoriciens
classiques.Pyrrhustendàs'identifieràsapassion:ilse"simplifie"enradicalisantsonpointdevue;
dèslors,ildevient"laplaieetlecouteau"(Baudelaire)etdevientàlui-mêmel'originedesapropre
ACTEII
32
tragédie.Ilfinitparcherchersapropreannulation-parprendreplaisiràseperdrecommeilleditau
débutdelascène.Lebutdupersonnageracinienconsisteàtrouverlebonheurdanslajouissance;
or,ilneparvientjamaisàl'atteindre,mêmes'ilpiétinesagloirepouryparvenir.
Encesens,cettescènemontrel'accomplissementdelatrajectoireinduiteparlecomportement
passionnédePyrrhus:ilsaitqu'ilsedétruit,qu'ilsaccagesonimagesociale,sagloire,maisillefait
toutdemême.C'estlepropredutragiquequed'affrontersonproprenéant.
ilrestequelespectateurnecroitguèreàlacolèredePyrrhusàl'encontred'Andromaque.Lesuspens
n'estdoncpaslà...
Voir:http://www.cairn.info/revue-litteratures-classiques1-2008-3-page-147.htm
ACTEII
33
Acte III. Les leurres du désir mimétique.
Cetactecentralsesignaleparlamontéedelaviolencesousdiversesformes:OresteetPyrrhussont
furieux. De leur côté, Hermione poursuit ses projections fantasmatiques sur l'objet adoré et
Andromaqueestenproieàuneformedetraumatismedeguerrequil'enfermeencoredavantage
dansleressassementdesviolencesdupassé.Elleestvictimedusyndromedusurvivant.Elleaperdu
touteconfiancedanslavieetlesautres.
Faceàl'adversité,donc,lespersonnagesdeRacinenesemblentjamaisrésignés:ilss'obstinentdans
leurpassion,quisemblehomologueàleurêtre(?)etmontenttrèsviteauxextrêmes.
Scène 1.
Situation.OresteestdésespérécarilcroitPyrrhusprêtàépouserHermione.IlretrouvePyladeàqui
ilexpliquelasituationetconfiesesprojets.
Idéegénérale.Oresteadécidéd'enleverHermione;il"oublie"doncsonambassadepoursuivresa
proprelogiquepassionnelle-donc,d'unecertainemanière,selivreràsesambitionspersonnellescar
ilnesupporteplusd'êtredédaigné.
Progression dramatique. Cette scène introduit une forme de "rebondissement" dans la tragédie
puisqu'Oresteimaginepossibledepasseràl'action.Maisilesttropfurieuxpouryparvenir-ilest
incapablederéfléchirauxmodalitésdel'enlèvement,que,seul,Pyladeévoqueàlafindelascène.
Premiermouvement,lesrévélationsd'Oreste,jusqu'auvers724:Pyladetentedelecalmer;iljoue
lerôled'unanalyste.
Deuxième mouvement, les erreurs d'Oreste jusqu'au vers 756 : en effet, Pylade détrompe
doublementOreste,àlafoisausujetdePyrrhus(jusqu'à747)etd'Hermione:elleaimePyrrhusetne
luiseraitpasrevenuemêmesicedernierl'avaitdédaignée.
Troisième mouvement, la réaction d'amour-propre, le souci d'une gloire illusoire : Oreste prétend
restaurer son image vis-à-vis des Grecs mais Pylade le renvoie à ses contradictions en lui faisant
remarquerqu'ildeviendraitun"ravisseur"aulieudemeneràbiensonambassade-Orestetrahitdonc
sonprojet:ilveutsevengerdesdédainsd'Hermione.Lui-mêmesefantasmeeninnocentpersécuté
alorsqu'ilatuésapropremère...PyladeconsentalorsàenleverHermione,dumoinsleprétend-il,
peut-êtreparcraintedelaréactiondePyrrhus.
Premier mouvement, les révélations d'Oreste, jusqu'au vers 724.
Dissociationdelapersonnalité:Pyladenereconnaîtplussonami.
Oresteneveutplusécouterlavoixdelaraison:lapassionluifaitenvisagerdeuxsolutionsextrêmes
=
714:Ilfautquejel'enlève,oubienquejepérisse.
Pyladeentredanssonjeupourluiconseillerlaprudence:"songezcependantoùvousêtes"(717).Il
esteneffetdanslepalaisdePyrrhus,quiauraitaiméenréalitévoirpartirHermioneavecOreste.Il
sembleenproieàunefolieapparente-720,mouvementdesyeuxeffrayant.
ActeIII.
Lesleurresdudésirmimétique.
34
Deuxième mouvement, les erreurs d'Oreste jusqu'au vers 756.
Oresterevientàlaréalité:ilcomprendquesacolèrelepoussaitàchercherHermione.C'estalorsque
PyladeledétrompedoublementausujetdePyrrhusetHermione.
1. La cruauté de Pyrrhus
Oreste le soupçonne d'une forme de sadisme - lire vers 732-733 et l'effet d'insistance après les
objectionsdePylade:v.737-738.
"Non,mon,jeleconnais,mondésespoirleflatte;
Sansmoi,sansmonamour,ildédaignaitl'ingrate"
Dans ces vers, Racine se souvient de Saint Paul pour qui le désir représente le mal. Dans son
commentairedelaGenèse,2-3,Paulidentifielaloiàl'interdit:elleincitel'hommeàlimitersondésir
mais, en même temps, elle le fait naître, elle le suscite. Paradoxale, la loi recèle en son sein
l'anéantissementdeceluiqu'elleestcenséefairevivre.Laloi,ourévélationdivine,devraitmener
l'hommeàsonaccomplissementspirituel:enréalité,ellel'entraîneverslamortetlepéchéquecrée
l’interdit.
DanssonEpîtreauxRomains,Paultraitedel'esclavagedelaloietdelalibertédelagrâce:la
grâceestdongratuit,commedoitl'êtrelevraiamour.Donctoutenégociationdel'amourn'estpas
l'amourmaisprojectiondudésir.
Nousavonsdéjàeul'occasiondesignalerlatriangulationdudésir-danssamiseenscène
destinéeàdéclencherlajalousiedel'aimé,chezPyrrhuscommeAndromaque-quandellemenace
de se tuer pour rejoindre Hector à la fin de l'acte , Pyrrhus occupe la position du tiers exclu,
insupportablepourlui,quil'interrompt.
ChezPlaton,déjà,ledésirestmimétique;chacundésirecequel'autredésire-danslePhèdre,il
expliquecommentceprocessusdonneduprixàl'objetconvoité.SonélèveAristotedéveloppeses
remarquesetlesgénéraliseàl'ensembledel'espècehumaine:l'imitationestaucoeurdel'humain,
desapsyché,desonapprentissageculturel.AuXVIIesiècle,Hobbesdonneuneanalysepolitiquede
l'étatdenature:pourlui,laguerredetouscontretousvientdel'appétitdepossessionetdudésirde
pouvoirnésdel'amourdelagloireetdelavanitéhumaine.
Ici,aussi,latriangulationdudésirconstitueunfaitanthropologique:pourOreste,ledésirdePyrrhus
n'existequ'enfonctiondel'humiliationqu'illuiinfligeàlui,Oreste.
RacineanticipedonclathéoriedudésirmimétiqueémiseparRenéGirard(1923-2015)selonquile
désirs'investitavecd'autantplusdeviolencesurunobjetqu'ilnousestproposéparuntiers,un
modèledétestéetenvié.DansLaViolenceetlesacré,Girardanalyseeneffetlemécanismedudésir
mimétique dans le cadre de la meute : la guerre de tous contre tous trouve sa traduction
ActeIII.
35
psychanalytique et religieuse dazns la "crise mimétique" en lien avec l'émergence du sacré selon
Girard:parvenueàsonparoxysme,laviolenceseconcentresurunevictimeunique,devenuelebouc
émissairedetouteslesreligions.Danscecadredefigure,Astyanaxpourraitjouerlerôledebouc
émissairenécessaireàlaprojectiondelaviolencecommune.Maispersonnen'estd'accordpourfaire
deluicettevictime:iln'estpasconsentantetsamèrenonplus.
MaiscetteanalyseseraittropsimplepourRacine.Eneffet,prêtantàPyrrhusundésirmimétique,
Orestesupposequ'ilauraitsuffiquePyrrhusn'aimepasHermionepourqu'ellel'aime,lui;enquoiil
setrompecommelesuggèrePylade:"Vouslecroyez."(747)Autrementdit,PyladesuggèreàOreste
qu'ilestentraindeconstruireunevisiondumondecomplètementsubjectivesurdesprésupposés
erronés.
2. L'amour d'Hermione pour Pyrrhus.
Pyladeestpluslucidequ'Oreste:enréalité,plusPyrrhussemontreingrat,plusellel'aime-doncla
rivalitémimétiquenesesituepassurleplandesdésirsmasculins-puisquePyrrhusestunleurrepour
Oreste.Enréalité,Andromaqueaussiestunleurredudésird'Hermione.
Cetenchâssementdesdésirs,encoreunefois,laisseàpenserquel'objetréeldudésirn'estpasdece
monde:c'estl'absolu,ledivin,laspiritualité,etc.C’estlepropredujansénismequedemettreen
scènecesreprésentationsrelevantd’uneformecollectivedevirtualité:leshommesignorentleréel;
ilsviventdansunmonded’images.
Pylade conseille donc à Oreste de fuir Hermione : elle ne pourrait que lui reprocher de l'avoir
empêchéed'épouserPyrrhus:
"Quoi?votreamourseveutchargerd'unefurie"(753)
Troisième mouvement, la réaction d'amour-propre, le souci d'une gloire illusoire
L’amour-propre revêt la forme que lui donnent les passions sociales de son temps ; ici le jeune
Orestenepeutquechercheràs’illustrerd’unequelconquemanière.Or,lapassionrépugneauxrôles
àinterpréterpourseconformerauxvaleurssociales.
1. L'enlèvement d’Hermione : la rage d'Oreste.
Orestetrahitàprésentsonemportementcontrel'imagequ'iladonnéedelui-même:celuid'unjeune
amoureux transi - on se rappelle que, dans sa préface, Racine critiquait la représentation de
l'amoureuxdelapastorale.Ilserévoltecontrecerôlequ'ils'estcontraintàinterpréter.
Ilneveutplusremplirsonrôled'ambassadeur:peuluiimportesonambassade.Racinerenvoieici
dos à dos le rôle sentimental de l’amoureux et le rôle social de l’ambassadeur : l’un et l’autre
renvoientàl’illusion,lamiseenscènedesoidanslemonde.
772:Moninnocenceenfincommenceàmepeser.
Jenesaisdetouttempsquelleinjustepuissance
Laisselecrimeenpaixetpoursuitl'innocence.
ActeIII.
36
Méritonsleurcourroux,justifionsleurhaine,
Maisdequelleinnocences'agit-ilici?Rappelons-nousqu'Oresteatuésamère,Clytemnestreetque
lematricideestuncrimeabominablequ'ilestparvenuàlavergrâceàApollon.Racinemontredonc
comment les passionnés "relisent" leur passé en fonction de leurs fantasmes : ils en ont une
représentationtrèspersonnelle-ferméeàcellesdesautrespassionnés.C'estlathèsesoutenuepar
FerdinandAlquié(cf.notrerésuméetplandedissertationsurunextraitduDésird'éternité).
Defait,anticipantsaviolenteréactiondansladernièrescène,ilserévoltecontrelapuissance
divine:larecherchedesoriginesdumal-enréalitédesapropresouffranceélargieauxdimensions
de l'univers... - confirme la quête éperdue du sens dans un monde ressenti comme injuste. La
dimension narcissique de la jalousie s'impose à l'évidence : Oreste considère que ses qualités
personnellesnesontpasreconnues.Dèslors,ilaccuselesilenceducielquicondamneleshommes
àunerecherchedusensàtraversleurspassions,parlaviolence.Ilreversesapropreresponsabilité
surlesdieux.
Leprocessusdevictimisationdécouled'unsentimentdefrustrationnédelapersuasiond'être
meilleurquecequelavieapporte:Oresteseprésentealorscommeunmalheureuxquiserévolte
contresonétatetlesdieux-autrementditcontreladivinitédontildénoncelesinjustices.C'estdonc
biend'unconflitdumoicontrelaloiqu'ils'agitici:laloidudésirs'avèrepluspuissantequelesliens
sociauxetlaloinormativedelacité.Pourquoi?parcequ'elletraduitl'imagequel'individusefaitde
lui-même,desonidentité.
2. La décision d'enlever Hermione.
Pyladeestalorsl'amiqui,outresafidélité,affirmeunsenspratiquedontOresteserévèleincapable
parcequelapassionl'aveuglesurlesmoyensdeparveniràsonbut.
Qu'est-cequijustifiecetteréaction?
• Faut-ilcroirequ'ilestunpassionnédel'amitié?qu'ilferaitn'importequoipoursonami?Mais
l’amitién’estpasunepassion…
• Faut-ilimaginerque,bienaucontraire,ilacomprisqu'Orestenepeutêtreraisonnéetluilaisse
entendrequesonprojetestbienplusdifficileàmettreenoeuvrequ'ilnel'imagine...
Scène 2.
Situation.PyladeasuconvaincreOrestedelanécessitédedissimulersonprojetd'enleverHermione.
Idéegénérale.Racineillustreicil'enfermementdespassionnésdansleurproprevisiondumonde:
Oreste sait que Pyrrhus n'aime pas Hermione mais il prétend le contraire à la fois pour inciter
Hermioneàsetrahir-doncpourmieuxseconvaincredelavéritédesproposdePylade-maispeutêtreaussiparcequ'iladesdifficultésàimaginerquePyrrhusnel'aimepas.
Progressiondramatique.
Dansunpremiertemps,auxvers805-808,Orestes'attribuefaussementlemérited'avoirrapproché
Pyrrhusd'Hermione,qui,elle,veutêtresûrequelesGrecsvontlaseconderpourhâtersonmariage
avecPyrrhus.
ActeIII.
37
Puisilspoursuiventleurdialoguedesourds:
Hermione,v.810-815imaginequ'ellearéveillélessentimentsdePyrrhusenfeignantdes'éloigner-
làencore,lesloisgénéralesducomportementamoureuxsontinvalidéesparlecontextepuisquele
public n'ignore pas les sentiments réels de Pyrrhus. Aussi la jeune fille apparaît-elle comme
inconscientedesréalités,aveugléeparsapassion:ellen'ensemblepaspourautantsympathique.
Pourquoi ? parce qu'elle s'enferme dans ses exigences personnelles : elle est insupportable
d'égoïsme.Cependant,elleconsentànuancersonpropos:
"Jeveuxcroireavecvousqu'ilredoutelaGrèce,
"Qu'ilsuitsonintérêtplutôtquesatendresse,
"Quemesyeuxsurvotreâmeétaientplusabsolus":lequalificatifestsignificatifcarilengageune
représentation du pouvoir, l'ambition de régner sur un coeur, absolument. La passion vise une
souveraineté absolue, autrement dit, selon l'étymologie du terme, "délivrée de tout lien" autre
qu'elle-même.Etreabsolu:s'imposertotalementetendehorsdetoutcontrôle.Lapassionviseune
symbiose régressive que recherchent surtout les jeunes gens ; elle relève d’une exigence
adolescente.
Oresteveut,avecquelquemasochisme,obtenird'elleunaveudesonattirancepourPyrrhus-ildit
croire à l'amour de ce dernier - il situe leurs relations sur le plan de l'échange visuel (rappelons
l’omniprésenceduchamplexicaldelavisiondanslapièce:ellerendcompteducaractèrespéculaire
despassions)ettrahitsespropresprojectionspsychiques:
"Vos yeux ne font-ils pas tout ce qu'ils veulent faire ?" (817) En cela, il flatte l'amour-propre
d'Hermione,quinesupportepaslacontrariété.
Hermione se retranche derrière son "devoir", v. 819 et sq. C'est un prétexte souvent allégué à
l'époqueclassique.
Oreste:"Ah!quevoussaviezbien,cruelle...Mais,Madame"
L'interjection et l'interruption laissent assez deviner le trouble d'Oreste : il assume ici le rôle de
l'amoureuxtransi-ilnesemetpasencolère.Pourquoi?ilauraittouteslesraisonsdelefairemais
Racine préfère faire de lui un personnage empathique et respectueux des bienséances : ni lui ni
Pyrrhus,d'ailleurs,nes'emportentdevantunefemme.
Peut-êtreaussicontinue-t-ilàespérerunrevirementd'Hermione.
Conséquence:Oresteconcentresacolèreenlui-même;ilestvictimedecetteénergiequifermente
enlui.Audénouement,ilsombredanslafolie;ilsomatise.
Scène 3.
Situation.Hermionejubilecarelleimaginetriompherd'Andromaque.
Idéegénérale.Atraversl’imagequ’ellesefaitd’unPyrrhustout-puissant,Racinemetenscènele
processusdeprojectionnarcissique:chezHermione,ilsenourritd'uneblessured'amour-proprenée
ActeIII.
38
d'unepratiquesocialecarcetteprincesseroyalenesupportepasl'abandon.Pourelle,siPyrrhus
l’épouse,c’estdoncqu’ill’aime:cetteéquivalencelogiqueconsisteàidentifierlesigneausens.
Racineproduitdoncunelecturejansénistedespassionssocialescaronnesauraitleprésentercomme
unauteurrévolutionnaire.Ilremetencauseleseffetsdel'éducationsurlapsychéàuneépoqueoù
lamonarchieabsolueconstitueuneformemodernedegouvernement-sansplusdelienavecRome
etsonpape.
Progressiondramatique:Hermioneestincapabled'entendrelesavertissementsdeCléonequidoute
delamodestied'Oreste.Elleselancedansunetiraderévélatricedesespropresfantasmes.
Hermione,sesprojectionspsychiques.
1.Quelleimagesefait-elledePyrrhus?
Pyrrhus:unhérosinvinciblequinecraintpersonneetsûrementpaslesGrecs.
Equivalencelogiquerapide:
"ilveuttoutcequ'ilfait;ets'ilm'épouse,ilm'aime"-làsetrouvesonfantasme:elleliquideses
propresinterrogations-cellesqu'elleénonçaitdanslascèneprécédente.
"Sais-tuquelestPyrrhus?"idéalisationpuérile.
2.Hermioneserait"victime"desoncomplexedesupériorité?àtraversl'imagequ'elleveutavoirde
Pyrrhus,elletrahitsespropresambitionssociales.Ellechéritsapropreimage:celled'unefemme
aiméequipourraitexercersadominationsurautrui.Sonêtre,sonmoi,sontpiégésdanssonmode
dereprésentationdumondeetdesoi.
PourlejansénisteNicole(Essaisdemorale),"L'orgueilestuneenflureducoeurparlaquelle
l'hommes'étendetsegrossitenquelquesorteenlui-même."Lejansénismedénoncel'éducationdes
Grands:elleleshabitueàsecroiresupérieursàtouslesautresetnourritleurnarcissisme.Elleest
doncaussivictimed'uneformedepassionsociale.
Scène 4.
Situation:AndromaqueseprécipitevientsupplierHermioned'épargnersonfilscarellecraintpour
saviepuisquePyrrhusl'amenacéedeledonnerauxGrecs.
Idéegénérale:lajeunefillesedrapedanssadignitéetmetenavantsondevoirpourlarenvoyerà
Pyrrhus-cefaisant,ellecontribueàsapropreperte.
Progressiondramatique:Andromaques'humiliedevantHermionedontelleconnaîtlavanité;elle
enappelleàlamoraledel'humanité-àl'humanisme-alorsque,tropsûred'elle-même,Hermionela
renvoieàlamoralesociale,qu'elleinstrumentalise.
Tirade d'Andromaque, la suppliante : elle joue sur les passions d'Hermione mais pas seulement
puisqu'elleluidemandedeseprojeterdanslefutur,d'imaginercequ'ellepourraressentirpourson
enfant-
ActeIII.
39
-elleseprésentecommela"veuved'Hector"(860)
- elle ne voit en Pyrrhus que le fils d'une "main cruelle", celle d'Achille, une main criminelle : la
synecdoqueréduitlepersonnageàcequ'ilreprésente-ellel'identifieàl'actionpasséedesonpère
etnepeutévoluer-elleréduitlapersonneàsonsigne.Ensomme,envoyantPyrrhus,ellerevitun
traumatisme.
-ellevitdanslesouvenirdeceluiquiasuéveillersa"flamme",sonamour,sapassion:Astyanax
incarnetoutcequipeutconserverunquelconqueintérêtpourelle.
Adoptant la position de la suppliante, susceptible d'émouvoir, Andromaque veut parler le
langageducoeur:ellesedécouvreàHermione,ellesemontretellequ'elleestvraiment;maiscette
sincériténetouchepaslajeunefille.
Tiraded'Hermione,la"filleobéissante":plusbrève,elleconstitueunefindenonrecevoir;lajeune
fillenepeuts'imaginertenirlerôledemère;elleneseconçoit,enl'occurrence,quecommeunefille
obéissante.
Ellesemontretoujoursaussivindicativeetjalouse-sajalousielarendlucidesurlapuissance
d'AndromaquesurPyrrhusmaisl'aveuglesurleseffetsd'uneexplicationentrelesdeux.Elleserévèle
incapable d'empathie : elle n'envisage les relations à l'autre qu'à travers un système de forces,
d'influences:
"C'estluiquidePyrrhusfaitagirlecourroux"(883)
Hermionesemontreincapabled'évoluer:ellesecrispesursonressentiment;ellenepeut
témoignerlamoindresympathieàcellequ'elleconsidèrecommesarivale.
Scène 5.
Scène de transition, scène charnière cependant où s'opère un renversement.
Incarnée par Céphise, la raison conseille d'instrumentaliser la passion de Pyrrhus : la confidente
conseilleàAndromaquelameilleureattitudeàadopter=voirPyrrhuspourlefléchir.Cefaisant,elle
réinterprèteleconseild'Hermioneenleretournantcontreelle:"UnregardconfondraitHermioneet
laGrèce..."(889)
Scène 6.
Situation.Pyrrhuscherchela"princesse":c'estHermione-cenepeutêtreAndromaque.Maiselle
estpartieetalaissélaplaceàsarivale,fournissantdèslorsàPyrrhusuneoccasiondes'expliquerune
nouvellefoisavecelle.
Idéegénérale.PyrrhustrahitencoresessentimentspourAndromaque;cerevirementpeutencore
fairedeluiunpersonnagefaible.
Progression dramatique. Après une série d'échanges brefs qui font monter la tension à cause de
l'oppositionentrelaraisonetlapassion-desdeuxcôtés,grecettroyen-,lascènetourneaumoment
où, dans le même vers (900), Andromaque décide de sortir et Pyrrhus prononce une menace
ActeIII.
40
provocatrice="allonsauxGrecslivrerlefilsd'Hector"Est-ilsérieux?ilestvraisemblablequ'ilirait
jusqu'ausacrificeultimepouraffirmersapuissance.Iln'estdoncpaslui-mêmedesang-froidmaisagi
parsespassions.
I. Premier mouvement - un échange rapide qui fait monter la tension.
1. La passion et la raison troyennes.
AndromaquenepeutcroirequePyrrhusl'aime;sonegoesttotalementdéprimé:
"Tuvoislepouvoirdemesyeux":elletrouvedanslasituationuneconfirmationdesonopinionsurle
peudepouvoirdesescharmes;elleveutenconvaincresaconfidente,qui,elle,estpluslucidesur
l'inclinationdePyrrhus.Elleveutdoncsortirpournepasirriterlacolèreduroi.
Céphise insiste pour qu'elle rompe "ce silence obstiné" (895) : elle interprète donc la retenue
d'Andromaquecommeuneformed'obstination,autrementditd'entêtementdanslerefus-lerefus
devivre,l'attirancepourlamort,etc.
"Non,non,j'aibeaupleurer,samortestrésolue."(897)
2. La raison grecque.
PyrrhussemblaitdécidéàretrouverHermione-versquil''entraînePhoenix:
"Allons,Seigneur,marchonssurlespasd'Hermione."(894)
Maisilnepeutrésisteràlatentationd'avoirunenouvelleexplicationavecAndromaque.
II. Deuxième mouvement.
1. Pyrrhus et la parole.
Pyrrhusattendunmotd'Andromaque:ilusedelaparolecommed'unmoyendeconcrétiserses
propresdésirscarilchercheàobtenird'elleunaveu-qu'ellenepeutpasfairepuisqu'ellenel'aime
pas.
LesparolesdePyrrhusdéclenchentlaréactionattendue:Andromaqueseprécipitemaisilveutse
fairepriereninvoquantson"devoir",autrementdit,ici,saparole-onserappellequ'Hermione,elle,
évoquaitl'obéissanceàsonpèredanslascène4-nousretrouvonsleprincipederedoublementdes
perspectives.
Pyrrhuschercheuneconfirmationdanslesparolesdesonconfident.
"Phoenixvousledira;maparoleestdonnée"(906)
Ilattendd'Andromaquequ'elleluidemandelagrâcedesonfils:
"Sagrâceàvosdésirspouvaitêtreaccordée;
(909)
"Maisvousnel'avezpasseulementdemandée." (910)
Ilinterprètesonsilencecommeunemanifestationdesonindifférence,voiredesondédain.
ActeIII.
41
2. Andromaque et le refus de la mise en signes linguistiques.
Andromaquenesesituepassurlemêmeplandel'échange:
• ellerappelleledoublesensdesmots:l'implicite-911-912-
• elleseprésentecommeunesuppliante:v.916.
• elleneveutpasmettreensignes,enmots,lasituationàlaquelleill'aréduite:925-926-car
cettetraductionlinguistiqueéquivaudraitàuneexplication:expliqueramèneàcomprendre
-etellerefused'admettrelamortdessiens.
Andromaque,unemèreenétatdechoc.
Andromaqueestobsédéeparlamortviolented'Hector:elleestencoresouslechoc,"traumatisée"
parcettevision-notonsl'anaphoreàl'attaqueduvers:"J'aivu..."J'aivu"-ensomme,ellenecesse
derevivrecesscènesmacabres:elleneparvientpasàévacuerlaviolencesociale-lacatharsisluiest
devenueimpossibleparcequ'elleexigeraitlapunitionducoupable,enl'occurrencePyrrhus.
Elleestrestéeenviepoursonfils:"Maisquenepeutunfils!Jerespire,jesers."(932)
Plusencore,Andromaques'efforcedetoucherPyrrhusdanssonhumanité:
"J'aifaitplus:jemesuisquelquefoisconsolée
Qu'ici,plutôtqu'ailleurs,lesortm'eûtexilée"
Ademi-mot,ellefaitl'élogedePyrrhusmaiselleneveutpaslenommer;elleespèretoujoursqu'ilne
l'aimepasd'amourmaisluitémoignesonaffection-enquoielles'illusionne.
Maistrèsvite,elleévoquelaprésencetrèsforteencorepourelledesonmari,qu'elleintroduitdans
l'échangeetinterpelledirectement:
"Pardonne,cherHector,àmacrédulité!"
Elleneparvienttoujourspasàcroirequ'ilestmort,qu'iln'entendpas,qu'iladisparu.
Mais,enoutre,elleinstrumentalisesonsouvenirenmettantlesdeuxhommesen"compétition"en
quelquesortepuisqu'elleaffirmeavoirestimél'ennemidesonmariàlahauteurdel'amourqu'elle
éprouvaitpourcedernier:
"Malgrélui-mêmeenfinjel'aicrumagnanime"(942)-autrementditj'aicruqu'ilavaitl'âmeélevée,
grande.
Elleportealorslatensionàsoncomble:ellejoueletoutpourletout...carsonsortsedécide.
C'estalorsque,commeàlafindel'acteI,Pyrrhusl'interrompt-ilvarenonceràlaraisongrecqueet,
demanièresymptomatique,iléloignePhoenix.
Scène 7.
Situation.L'enchaînementd'unescèneàuneautremetenévidencelacontinuitédansleprojetmené
parPyrrhus.IlvaplierdevantAndromaqueetneveutpasdetémoin-doncilfaitsortirsonconfident.
Idéegénérale:dansunelonguetirade,ilrépèteàAndromaquequ'ilnetientqu'àelledesauverson
fils-cequisupposequ'elledisposeencoredesonlibre-arbitre;or,letragiquetientaufaitqu'aucun
ActeIII.
42
despersonnagesn'endispose:ilsnesontpaslibresd'agirselonleurraisonpuisquelapassionles
soumetàsonempire.
Progressiondramatique:cettelonguetiradeconstitueunplaidoyerprodomoparlequelPyrrhus
exposeàAndromaquesonimpuissance=
1. lessupplicationsdePyrrhus,948-960:ilseplacedanslapositiondusuppliant;ilveutqu'elle
levoittelqu'ilsesentêtremaisqu'elleneveutpasreconnaître;
2. lesdécisionsqu'ilestdécidéàprendresiellel'assuredesonamour:Pyrrhusseretrouveen
positiondesujetàl'attaqueduvers;
3. l'aporietragique:"Jemeurssijevousperds,maisjemeurssij'attends."(972)
Ensomme,cettescèneressembleàlafoisàunemiseendemeureetàunaveud'impuissance.
Scène 8.
Situation. Pyrrhus vient de remettre son sort entre les mains d'Andromaque. C'est donc à elle de
décider...maisellenepeutpass'adapteràlasituationprésente...
Idéegénérale.Andromaqueéprouvelesentimentdeculpabilitédelasurvivante.
Cettescènerendcomptedel'étatpsychiqued'Andromaque:elleestvictimed'untraumatismede
guerreavantlalettrecarelleresteobsédéeparlesviolencessubiesparlesTroyens.Oncomprend
mieux,dèslors,lanaturedesapassionpoursonmaridéfunt:ellesesentcoupabled'êtreencoreen
vie.Ellecherche,elleaussi,lamortquiafauchélesautresmaisl'aépargnée.Aussi,àlafindel'acte,
nepeut-ellequeprendreconseild'Hector,sursontombeau.
Progressionlogique.
1. Céphiseetlaraisonlibre(977-991).
2. Andromaqueetleblocagepsychique(992-1035)
3. Larésolutionimpossible.
Céphiseetlaraisonlibre:laconfidenteimaginequelepersonnageestlibreetqu'ilpeutéchapper
autragiquedelasituation-elleseprojettedanslefutur:"Jevousl'avaisprédit"etinciteAndromaque
àrompreavecsonpassé.
Andromaqueetleblocagepsychique(992-1035)
1.Lesouvenirdupasséhanteleprésent.
Andromaque se place sur le plan du devoir, de l'éthique : l'anaphore de "Dois-je les oublier" à
l'attaque du vers ne laisse aucun doute sur le tabou qu'elle ne saurait briser - en effet, les deux
personnesqu'elleévoqueontsubiunedoubleatteintemorale:
• Hector "privé de funérailles" - en réalité, l'Iliade raconte les funérailles d'Hector, durant
lesquellesAchillepleuresonamiPatrocleetcompatitavecPriam-dontHectorétaitlefils
préféré.
• PriamfutégorgéparPyrrhusdevantl'auteldeZeus,oùilpriait.
ActeIII.
43
Elle évoque l'image affreuse de Pyrrhus ensanglanté qui incarne la violence mais aussi, peut-être
surtout,l'absurdité,lenonsensdelaguerre:
"Peins-toidansceshorreursAndromaqueéperdue"(1005)
Atraverscetteévocation,Andromaquedénoncelaréalitéde"l'héroïsme"grec:perçudupointde
vue troyen, il n'est autre que sanglante barbarie. Ainsi, les passions sociales sont à l'origine des
représentationsmaisaussidupouvoirpolitique.Racinedénoncelesoriginesillégitimesdupouvoir
absolu - même si, lui-même, ne put renoncer à la cour. Ainsi, ce que la Grèce considère comme
relevantdel'héroïsmerelèvedel'expressiond'uneviolencenaturelle,d'unepassionimpie.
Elles'efforcedepeindrelascène,detraduirel'indicibleàl'intentiondesaconfidente:elleneparvient
pasàconceptualiser,àmettreensignes,cequidéfielaraisonetl'éthique.
"Voilà",anaphoretriplequiamènelaconclusionlogique:
"Non,jeneseraipointcomplicedesescrimes"(1009)
Autrementdit,siellecèdeàsesavances,elleeffacelecrime,ellelavel'injure:ellenepeutaccepter
l'oublietencoremoinspardonner.
Cetteangoisse,cettecolèrel'empêchentd'avancer.
2.L'angoissederevivreletraumatisme.
Andromaquevitdanslaconfusion:elleneparvientplusàdistinguerlepassédufutur-aussi,quand
Céphiseluiannoncelamortprobabledesonfils,seprojette-t-elledansunavenirquirépètelepassé
:
"Ah!dequelsouvenirviens-tufrappermonâme!"(1014)
Defait,ellesesouvientdesonmarietelleestcommevictimed'uneformed'hallucination:ellerevoit
sonépouxluiconfiantleurenfant.
Dèslors,laquestionneseposeplusentermesdedevoir-"Dois-je"-maisentermedepouvoir-"Et
jepuis"/"Jel'enpuis"/"jenelepuis".Ilfaudraitpouvoiragirmaiselleneparvientpasàpasserà
l'acte.
Larésolutionimpossible.
Andromaquevoudraitpouvoirenvoyersaconfidenteenémissaire,àsaplacemaiselleneparvient
pas à formuler les mots que Pyrrhus attend d'elle : l'interruption du vers 1042 témoigne de cette
paralysiequilasaisit-ellen'estplusmaîtressedesespensées,desesgestes,desesmots.
ActeIII.
44
Acte IV. Les plans de la passion.
Cetacteestl'actedesplansfomentésparlesfemmes,Andromaque,puisHermione,pourparvenir
àleursfinsdansetparlamort.
• Andromaqueexpliqueson"plan"àsaconfidente:elleveutmourirautempleparfidélitépour
HectormaisaussipourconserverlavieàAstyanax:ils'agitd'uneformedesuicidehéroïque,
prochedusuicidedécidépours'éviterlahonted'êtrevioléeparl'ennemi-autoutprendre,
n'est-cepas,ensomme,lebutdePyrrhus,quil'épouseparamour,lui,alorsmêmequ'ilsait
qu'ellenel'aimepas?ElleveutquePyrrhussoitliéàsonfilsparundevoirsacré:celuidu
souveniràunemorte.
• Hermioneexpliqueson"plan"àOreste:elleveutqu'iltuePyrrhusautemple,pourl'empêcher
d'épouserAndromaque.
Latragédievientdufaitquelespassionsseulescréentl'angoisse:entrelesdeuxplansexposéscidessus,iln'existequ'uneréelledifférence=pourHermione,lamortdoitprécéderlemariage-pour
Andromaque, le suivre. Le mariage constitue donc le moment où s'accomplit le destin des
personnages.Maisqu'auraitfaitHermionesiPyrrhusavaitpuêtreveufd'Andromaque?Hermione
estvictimedesapropreprécipitation.
Les femmes sont censées être très déterminées dans la mise en oeuvre de leurs passions :
extrémistes,ellesselaissentporterparlamécaniqued'undestinqu'ellesprovoquent.Porteusesde
vie, elles n'en manifestent pas moins, ici, une attirance pour la mort - quoiqu'en rapport avec la
questiondelamémoire,quimaintientlelienentrelesvivantsetlesmorts.
Lamémoiredesmortsdonneformeausouvenir,individueletaffectif,maisaussiàlacommémoration
collective.Véritableenjeusocial,elleconstitueuneidentitéenpermettantlamobilisation,voirela
récupération de l’image des morts. Ici, Andromaque semble sûre que Pyrrhus ne pourra pas faire
autrementquedeprotégersonfils.
Lemondedespassionsestrégipardesloisinéluctables:cellesd'unesensibilitésiextrêmequ'elle
nepeuttraiterqu'avecelle-même;asociale,lasensibilitédupassionnénerencontrequ'elle-même.
Maiscelanesignifiepaspourautantquelemondedespassionssoitdépourvudelois-mêmes'il
semblenepasavoirderègle.Onserappelleque,pourLeibniz,lamécaniquedespassionsfaitde
l'hommeunecréaturenaturelle,vouéeàsubirseslois-aussibien,ici,scène3,Orestefinit-ilpar
ressembleràunanimaltraquantsaproie.Souvenons-nousaussi:Janetidentifielejeudespassions
àceluid'unehorloge:privédelibre-arbitreetlimitéàsesprincipes.L'esthétiqueraciniennerepose
surlamaîtrisedecesressortspsychiques,aucroisementdespassionssociales(raisondoxique)et
passionsindividuelles.
"Latragédied'Andromaquenousrévèledoncl'unedesloislesplusremarquablesdel'histoiredes
passions.Cetteloiconsisteencequ'aucunepassionnepeuts'éleverdansuneâmesanséveillerdans
uneautreâmeunepassioncorrespondante:l'actionest,commeondit,égaleàlaréaction."-Pierre
Janet, "La Psychologie dans les tragédies de Racine", Revue des Deux Mondes, p. 277, 1875/10,
accessiblesurinternet,Gallica.
ActeIV.
Lesplansdelapassion.
45
En effet, les déceptions infligées par Pyrrhus à Hermione et son ultimatum à Andromaque
déclenchentdesréactionsensérie,chezlesdeuxfemmesmaisaussilesGrecs-cequidonneencore
plusd'échoauxréactionsenchaîne.
Scène 1.
Situation.Céphise retrouveAndromaque,revenuedutombeaud'Hectoretdécidée,semble-t-il,à
épouserPyrrhus.
Idéegénérale.Andromaqueagitavecdétermination:elleadécidédesetueraprèslemariage;elle
n'agit pas sous le coup de l'émotion - Hermione, bien au contraire, se laisse aller à sa colère et
l'encourage,même.
Progressiondramatique.Lascènesuituneprogressionendeuxtemps:
I.L'espoirdeCéphise,1049à1072:"Céphise,allonslevoirpourladernièrefois."Aveccevers,la
scènetournecarAndromaquerelancel'inquiétude.
II.Lepland'Andromaque,jusqu'à1101.Sapassionpourunmort,Hector,devientpeut-êtreaussila
passiondelamortquilasauvedePyrrhusmaissauveaussisonfils
III.Ledevoirdemémoire.AndromaquecomptesurCéphisepourqu'elleprotègesonfilsetl'élève
danslesouvenirdesonpère,eninsistantsurlesmanifestationsdecequ'ilfut-etnonsursonétat
deprince-
"Dis-luiparquelsexploitsleursnomsontéclaté,
"Plutôtcequ'ilsontfaitquecequ'ilsontété"
1115-1116
I. L'espoir de Céphise, 1049 à 1072
1. Céphise et Andromaque.
Ellecroitl'actionpossible:elleimaginequ'Andromaquepeutsesauveretsauversonfilssansautre
dommagequed'accepterlemariage.Elleenvisagel'unioncommeuninstrumentpourretrouverune
positionetlepouvoir:
"Croyez-ensestransports:père,sceptre,alliés,
"Contentdevotrecœur,ilmettoutàvospieds.
"Surlui,surtoutsonpeupleilvousrendsouveraine."1055-57
Illuisemblelégitimequ'Andromaqueserétablissedansunepositionsocialeadaptéeàsonniveau
hiérarchique.
Levers1058estuneinterrogationrhétoriquequirenvoieàl'évidence.
2. Céphise et Astyanax.
ElleveutcroirequePyrrhusvaprotégerAstyanaxcommeleprouvedéjàsesattentionsàl'égarddu
filsdesonamante.
1062:Pournepasl'exposer,lui-mêmeilsehasarde.
ActeIV.
46
Elles'efforcedoncdeconvaincreAndromaquequ'iln'estpasutiled'allerlevoirdansl'immédiat:"Et
vosembrassementsneserontpluscomptés."1068
II. Le plan d'Andromaque, jusqu'à 1101.
Andromaqueestacculéedevantl'impassetragique:sielleépousePyrrhus,elleestinfidèleàHector
-doncelleseperd-;maissiellenel'épousepas,elleperdsonfils.Faceàcedilemme,ellechoisitsa
voie : en ce sens, elle assume la situation, sa dimension tragique mais elle échappe à la fatalité
puisqu'elleselibèreensortantdel'impasse.Elledéveloppesonprojetaveccalmeetémotion.
1. Quelle image Céphise se fait-elle d'Andromaque ? 1073-1084.
AndromaquenepeutpasépouserPyrrhus,mêmesiellesesacrifiepoursonfils:ellenepeutpasêtre,
danslesfaits,infidèleàHector.Sonmariagenepeutêtrequeformel.Ellereproche,avecdouceur,à
saconfidentedelaconfondreavecunepersonne"ordinaire":elleincarnelafidélitéàsonmari.Elle
s'identifieàcetemploi,enquelquesorte:
"Tafoi,dansmonmalheur,s'estmontréeàmesyeux;
1075
"Maisj'aicruqu'àmontourtumeconnaissaismieux." 1076
Sonidentitéestenjeu:enelles'investitsapassionpoursonépouxmort-maisaussil'essencedu
tragique:ellenepeutéchapperàcequ'ellereprésente.
Dèslors,l'angoisseseprojetteànouveausurelle.
2. Le plan d'Andromaque : rester fidèle à soi-même, 1085-1100.
AndromaqueaconfianceenPyrrhus:c'estlapreuve,ensomme,qu'ellenel'aimepasmais
qu'elleluiaccordeuneformed'estime-pastoutàfaituneestimefranchetoutefoispuisqu'ilestà
l'originedesonmalheur.
"JesaisquelestPyrrhus.Violent,maissincère,
1085
"Céphise,ilferaplusqu'iln'apromisdefaire."
1086
Elleanticipelaviolencedesonattachementetlamesureàl'aunedesapassionpourelle-même.
LecommentateurSublignycritiquecetteespérance;mais,enréalité,rienn'estplusvraisemblable-
etcelapourdeuxraisons.
• Andromaquesaitque,detouteslesfaçons,enlachoisissant,ilseretrouveseul,contraintde
ladéfendrecarilnepeutpluscomptersurpersonnequesurlui;Pyrrhusauraitdoncchoisi
uneformedesuicidepolitiqueparcequ'ilestincapabled'échapperàsaproprelogique;
• Pyrrhus sera aussi contraint de chérir la mémoire de celle qu'il aura conduite à la mort. Il
serviradepèreàceluiquideviendrapourluilafigured'Andromaque.
Décidément,le"pauvre"Astyanaxestcenséêtreaimépourtoutautrequelui-même:samèrevoit
enluisonépouxdéfunt;commeelle,Pyrrhusverraenluilafiguredelafemmed'autantplusaimée
quedisparue.
ActeIV.
47
Ledevoirsacréenverslesmortss'exprimeàlafindelatiradequandAndromaquedemandeàCéphise
deluifermerlesyeux:cegestesymboliquenepouvaitsedemanderqu'àunepersonnedeconfiance.
III. Le devoir de mémoire.
Nousvenonsdevoirque,ensesuicidant,Andromaqueprétendconserversonidentité,cequ'elle
représente;ici,elledemandeàCéphisedeperpétuerdanslesouvenirdesonfilslesouvenirdes
actesaccomplisparsespèresafindecultiverlesouvenirdeleursexploits-decequilesconstitue
commehéros,dansleurêtre.
1. Le devoir de Céphise : vivre pour Astyanax, jusqu'à 1106.
2. La transmission du souvenir, jusqu'à 1118.
AndromaquedemandeàCéphisededireàAstyanax:
"Plutôtcequ'ilsontfaitquecequ'ilsontété"
1116
Il s'agit de lui transmettre les "vertus" réelles de son père, et non de célébrer l'image, le nom, la
condition,l'étatd'unpersonnagehistorique.C'estd'unêtrequ'ildoitsesouvenirmaisnond'une
conditionsociale.
Elle-mêmesemblepeudigne,d'aprèslevers1118,depasseràlamémoire:ensomme,elleglorifie
lesouveniridéaliséd'Hectoretveutenmaintenirl'imagedanslefutur.
3. Le renoncement à la vengeance
Findelatiraded'Andromaquejusqu'àcequ'ellesedérobeàlavued'Hermione"C'estHermi-on(e).
Allons, // fuy-ons sa vi-olence. = 3 diérèses, ce qui suppose un geste articulatoire éloquent
d'expressivité.
Ilfautqu'Astyanaxaitlesensdelamesure:ilnedoitpassombrerdanslafoliedespassions;il
convient,ensomme,debriserlamécaniquedudestin,lafatalitédelaviolence.Ilnes'agitpasde
s'humiliermaisd'accepterlahiérarchie:ilexistedes"maîtres"etPyrrhusfaitpartiedeceux-là.
Conclusion:pourRacine,lavengeancen'estpasnoble;elleest"naturelle",violente,irruptiondela
foliedansl'être.Andromaquenes'enprotègequ'enapparenceparcequ'ellenevitplussespassions
qu'aupassé:elleneveutriencéderdecequ'ellefut.Ensomme,commelediraitF.Alquié,ellese
situesurleplandel'être,des"essences",desimagescommelecorrigeraitunjansénistetoujours
promptàdévaluerl'illusiondel'êtreoudel'essenceàlaquellesontenproieleshommes.
Ensesuicidant,Andromaqueaccompliraitsondestindepassionnée,deveuveinconsolable:
ellerefused'entrerdansletemps,dansladynamiqueduvivant.Ensomme,elleaussiestobsédéepar
saconceptionpersonnelledel'être.Pourunjanséniste,iln'estpasdepassion"bienséante"oupas:
lapassionestmauvaiseensoi.
ActeIV.
48
Scène 2.
Situationdutexte.Hermionetombedehautpuisqu'elletriomphaitetméprisaitAndromaque-elle
n'apassuprévoirqu'elleallaitcontribueraurenversementdelasituation.
Lecourtéchanged'HermioneetCléonefaitmonterletragique:l'aphasiedelajeuneprincesseest,
eneffet,inquiétante.
Pourquoicesilence?
Hermioneestcommefrappéeparunterriblecouppsychique;elleneparvientpasàréagirpuisque,
authéâtre,lemutismetraduitl'effacementprovisoiredupersonnage.
Sonmutismeestd'autantpluséloquent:ilestpleindemenaces.Ellenedesserrepaslesdentsavant
dedemanderlavenued'Oreste.
Scène 3.
Situationdutexte.Hermionenourritunecolèrefroide.
Idéegénérale.HermionerévèlesonplanàOrestedontelleabesoin:lapassionestmanipulatrice.La
princesse prétend réveiller la guerre de Troie. Ainsi, les passions s'inscrivent dans un contexte
géostratégiquecomplexeetéruptifquilesconstitueen"monde";entémoignela"mondialisation"
prévisibledeseffetsinduitsparunerelationpassionnelle.
I.Lademandedevengeance.
II.LademandedusacrificeduGrec:lascènetournesurlenomde"Pyrrhus"(1172).Hermione,elle,
tentedeconvaincreOrestedelanécessitédeprocéderàcetteéliminationalorsqueluis'interroge
surlebutetlesmoyens...Ellefaitduchantageàlapassion."Jeveuxsavoir,Seigneur,sivousm'aimez"
(1152).Elleprétendque,pourlaconquérir,ildoittuerPyrrhus:elleseconstitueelle-mêmecomme
leprixdececrime.
I. La demande de vengeance.
1. Oreste et le retour du refoulé : rejouer la scène parentale ?
OresteenvisagesanscillerlapossibilitédejouerànouveaulaguerredeTroie:encela,iltrahitson
immaturité.Ilimaginepossibledefairebégayerl'Histoire;or,onnesebaignejamaisdeuxfoisdans
lamêmeeaudufleuve,commeledisaitHéraclited'Ephèse,philosopheprésocratique.
"Vouslaplaced'Hélène,etmoi,d'Agamemnon." 1160
Ilimaginequelajeunefilleluidemandepartiravecelleetdemenerlaguerredel'étranger:
c'estmallaconnaîtrepuisqu'elleneveutpaspartir-elleneveutsurtoutpasquitterleslieux.
ActeIV.
49
2. Hermione et le sacrifice de l'impie.
Hermione,elle,sesituesurleplanreligieux,sacrificiel:ilfautimmolerleboucémissaire,l'homme
quiacréélaconfiguration"girardienne"dudésirtriangulaire.IlfautéliminerenPyrrhusl'objetdesa
vindictepersonnelle-unmoment,Orestehésite:penserait-ilàl'enfant,àAstyanax?
II. La demande du sacrifice du Grec : les lois de la manipulation.
Lejeudespassionssedéchaînealors:Hermionepassedelacolère,duressentimentàl'exaspération
del'amour-propre,etc.Maistoujoursaveclamêmeviolence.Enoutre,ellemanipuleOresteselon
lesloisdel'emprisepsychique:ellelemetsousinfluence,elleluidonnel'exemple.
1. Hermione la furie et la première loi de la passion : l'influence psychique sur Oreste.
Elleestégoïste,dure;ellen'éprouverienpourOreste,quiseridiculiseraitpourellesilasituation
n'étaittragique.
2. Oreste la bête sauvage : la loi de la passion, une mécanique bien réglée.
Incapabledeprendrelemoindrerecul,ilenchaînesurlesproposd'Hermione:"ilfautleperdre""il
faut"1201.
Lastructurebinaireduvers,leseffetsdesymétrieetlesreprisesaccentuentlecaractèremécanique
duproposetducomportement.
1210:Laissez-moiversl'autelconduiremavictime."
Ilesttoutaussidéchaînéqu'Hermione:ilnesepossèdeplus.Ilsemblecommeenivréparl'odeurdu
sangqu'ellesaitéveillerenlui:"jel'attaque",ilsetransformeenbêtesautantsursaproie,dans
l'ombredelanuit.
3. Hermione et la deuxième loi de la passion : elle donne l'exemple.
Lapassiond'Hermionedéborde:ellechercheàfaired'Orestesonbrasarmé;ellen'apasd'armeàsa
dispositionetellen'apaslaforcephysiqued'unhomme..Maisellel'influenceensedonnantcomme
unefemmed'action:
"Jem'envaisseuleautemple,oùleurhymens'apprête,
Oùvousn'osezallerméritermaconquête.
Là,demonennemijesauraim'approcher:
Jepercerailecœurquejen'aiputoucher"
Ellesetransformeenmeurtrière-surtout,commeAndromaque,ellemenaceOrestedesesuicider.
Ce nouveau chantage fait aussi partie des lois de l'action - réaction typique du comportement
passionnel.
ActeIV.
50
Dèslors,Orestesemontrerésoluàtuer.
Scène 4.
CléonechercheencoreàramenerHermioneàlaraisonmaisellepréfèreseperdreplutôtquede
céderPyrrhus:
"Qu'onl'immoleàmahaine,etnonpasàl'Etat" 1268
Pourquoicettefuriedusacrificehumain?
Dansl'antiquité,ilpassepourplusefficacequelaprière-onserappellelesacrificed'Iphigénie,sa
proprefille,parAgamemnon,quiveutpartirpourTroie...Cegenredesacrificepermetl'action:il
rendpossiblelamétamorphose,commelelaisseentendreRenéGirardlorsqu'ilanalyselaviolence
sacrificiellecommeunmoyendes'opposeràlaviolencenaturelle.Saufque,ici,Hermionetrahitla
manipulationdureligieux:elles'estdéjàserviedeson"devoir"filialpouropposerunefindenon
recevoiràAndromaqueéplorée;ici,elleaffirmequ'ils'agitd'unsacrificepersonnel:ilnesauraitavoir
la même portée symboliquequ'un sacrificeàl'Etat...Ainsi, lapassionsecondamneà son propre
narcissisme.
Renversementdramatiqueàlafindelascène.HermioneveutfairerappelerOreste...carellevoit
arriverPyrrhusetimaginequ'ilserepend.Cerevirementtrahitsonespoirpermanent:elleal'illusion
constantedepouvoirlerameneràelle.Ladéceptionestalorsd'autantplusgrande.
Scène 5.
Situationdutexte.Pyrrhussaitqu'onnel'attendpas.Cependant,ilrevientvoirHermione;ilneveut
passerapprocherd'ellemaissacrifieàundevoirsocial:lesconvenancesveulentqu'ils'explique;il
nedoitpasapparaîtrecommeunroiquimanqueàsaparolesansreconnaîtresonerreur.ilrenonce
mêmeàsejustifier:ilestimenepasavoiràexpliquerpourquoiilaimeailleurs...cettefranchisele
perdra.
Idéegénérale.Cetteargumentationfroide,sophistique,accroîtencorelacolèred'Hermione.Cette
entrevue décide du destin de Pyrrhus car, avant de lui parler, elle esquisse un geste pour retenir
Oreste.
I. Pyrrhus explique son projet sans chercher à se justifier (1275-1355)
lire1277-78-ilrencontrelaragefroided'Hermione,quiironiseetdemandes'ilsemoqued'elle;ilen
profitepourseréjouirdesaprétendueindifférence-aussibienilépouse,lui,Andromaquedontilsait
l'indifférenceàsonégard,àlui.Illacontraintàsemariersansamour.
"Andromaquem'arracheuncœurqu'elledéteste."(1298)
ActeIV.
51
II. Le sauvage cri d'amour lancé par Hermione : c'est la première fois que l'amour
s'exprime en une douleur sincère.
Elletentedeleretenirdetouteslesmanièresmaisrienn'yfait:elleleconfirmedanssonillusion;il
court volontairement à sa perte... comme en témoigne l'avertissement du vers 1373 : "Pour la
dernièrefoisjevousparlepeut-être"Maisilnepeutpasentendrecetteimportune:ilesttoutàsa
joie.Onnel'entendraplus.
ActeIV.
52
Acte V. Les mondes de la passion.
Cetacterendcomptede
• la"mondialisation"duprocessuspassionnel:n'oublionspasquelaguerredeTroieoppose
l'occident(laGrèce)àl'orient(TroiesetrouvaitenAsieMineure);ceconflitmetauxprises
l'Estetl'Ouestetsaconstanteévocationinscritlapiècedansuncadregéographiqueélargi;
sil'onsesituesurunplanpolitique,ilfautquelesGrecs,etnonOreste,tuentPyrrhus.Ce
dernierchoisitTroie,lavilleennemie:ilvientdesesuiciderpolitiquement;lesGrecsaussi
participentdecettepassionpolitique.Oreste,lui,estmanipuléparHermione:ellel'afanatisé
enluifaisantduchantageaffectifcarellen'ignorepassafaiblesseàsonégardmaisaussien
leculpabilisant:s'ilnetuepasPyrrhus,ilestuntraîtreàsesvaleursetdoncsonêtre,cequ'il
est,lui.OresteinfluencelesGrecsmêmes'ilnetientpasl'armequitue.AtraversAndromaque,
Racine montre comment les passions se jouent des alibis éthiques (devoir vis-à-vis de la
femme aimée et fidélité aux valeurs sociales) pour servir la volonté de puissance
personnelle.
• ladissociationpathologiquedespersonnages:euxaussiévoluentdansleurmonde,étanche
enquelquesortepuisqu'ilsnecommuniquentpasvraimententreeux-cedonttémoignele
faitqu'Orestenerevientpasprendreses"ordres"d'Hermionecommelelaissaitsupposerle
contrordredelasc.4IV.Dèslors,s'ilsparviennent,enpartie,àréaliserlesprojetsélaborés
dansl'acteprécédent,ilsnepeuvents'ensatisfaireparcequ'ilssesontmentisàeux-mêmes
etqueleursactionsnesontpasencohérenceavecleursintentionsréelles:quandHermione
souhaitelamortdePyrrhus,ellen'estpas"sérieuse",ellelaisses'exprimerenellesapassion
danscequ'elleadeténébreuxetdedestructeur-aussicettetendancemortifèreseretournet-ellecontreelle.Lapassionsocialedoitprendrelerelais.
Premiermouvementdramatique,scènes1et2:lamontéedelatensions'accroîtencoredufaitque
lesbienséancesinterdisentdemettreenscèneuncrime.
Deuxièmemouvement,scènes3et4:larévélationdel'assassinatn'amènepaslarésolutiondela
tensionmaisaccentueencorelaviolencepassionnellequiseheurteàl'incompréhensiond'Oreste.La
passionestdoncméprise,certes:l'erreurportesurlesintentionsréellesdespersonnesquinese
connaissentpaselles-mêmes.
Scène 5 : le dénouement n'apporte aucune catharsis puisqu'il n'y a en rien purification ; il y a
élimination des personnages qui troublent l'ordre par leurs passions personnelles, autrement dit
Pyrrhus et Hermione, qui se sont tous les deux suicidés sous deux formes différentes ; mais il y a
maintiendudésordreàl'échellegéopolitique.QuantàOreste,ilsortduréel;ilentredanslemonde
delafolienéedesapassion.Lapassionnepeutavoird'autrefinquecatastrophiqueparcequ'elle
estégarement.
ActeV.Lesmondesdelapassion.
53
Scène 1.
Cemonologued'Hermionepermetdemettreenscèneladissociationdupersonnage:ellenesaitpas
cequ'ellecherche.Cetroubleextrêmepassepar
• lasyntaxe:lamultiplicationdesmodalitésaffectives,desphrasesnominalesinterrogatives;
• la métrique : l'alexandrin est morcelé, coupé à l'hémistiche lui-même divisé par la coupe
secondaire;lastructurebinairedel'alexandrinclassiquepermetderendrecomptedecette
distorsionpsychiquequiserépercuteentroubleexistentiel.
Aucoursdecemonologue,Hermionesembleneplussecomprendreelle-même:lespassionsse
combattentenelleàl'extrêmepuisqu'ellepassedel'humilitétotaleenregrettantquePyrrhusn'ait
pasfaitsemblantdes'intéresseràelle:
"Sanspitié,sansdouleur,aumoinsétudiée"(1398)
àlaragedel'amour-proprebafoué:
"Qu'ilpérisse!Aussibienilnevitpluspournous."(1408).
Ellesouffredesonindifférencecommeentémoignentlesvers1401et1402:
"Muetàmessoupirs,tranquilleàmesalarmes,
Semblait-ilseulementqu'ileûtpartàmeslarmes?"
Cescrisdedouleurtraduisentuneformedeperceptiontrèsfragmentéeduréel:lepassionnéne
perçoitpaslemondedemanièresynthétique,unifié;illeressentpartouches,fragments,dontil
recomposelepuzzlepourluiconférerunsens,àlui.PyrrhusestperçuparHermionecommeune
figuredontilconvientdedécrypterlesens:l'effetdesymétrieproduitunecirconstanceaggravante
-"muet"/"tranquille".Toutsepassecommesielledevaitessayerdetrouverunsensàcequilanie.
Dèslors,ladissociationcommence,commeentémoignelasynecdoque:
"Etjeleplainsencore?Etpourcombled'ennui,
Moncœur,monlâchecœurs'intéressepourlui?"
Ellesejugeindignedesonrang:"combled'ennui"traduit,eneffet,lesentimenttrèsfortdeneplus
coïncideravecelle-même.
Hermione prête à Pyrrhus des intentions qu'il ne peut pas avoir parce qu'elles supposent qu'il
s'intéresseàelle:"Ilpense"(1410)"Ilcroit"(1411).Autrementdit,pourelle,ils'imaginequ'ellesera
faibledevantlui:
"iljugeencoredemoiparmesbontéspassées"(1413)
Notonslacondescendance:"mesbontés"
Conclusion. Ce monologue traduit l'angoisse de la jeune fille, qui ne sait plus ni que faire ni que
penser.
54
Scène 2.
Situationdutexte.CléonevientrelateràHermionelesapprêtsdumariage.
Idéegénérale:cedialoguefaitalternerl'expressiondesarageparHermioneaveclerécitdesapprêts
dumariageparsaconfidente.Ilfautqueletempleapprêtépourlebonheurdevienneuntombeau.
Cetéchangeaccroîtencorelatensioncarilmetenperspective
• le plan de l'action menée par Pyrrhus, qui s'obstine dans son projet telle une mécanique
aveugle;
• lamontéedelatensionpassionnellechezHermionequisesentmépriséeetdéveloppeune
jalousieuniverselle,mêmeàl'encontredesamère,Hélène;lepassionnéestspectateurdes
faits:iln'agitpas-Orestenepasserapasàl'acteàproprementparlermêmes'ilaconduitles
Grecsjusqu'autemplepourlesmontercontrePyrrhus.
Progressiondramatique:
I.Dansunpremiertemps,jusqu'à1457inclus,HermionereprocheàPyrrhussoningratitudeetsa
perfidie;
II.Dansunsecondtemps,elledénoncelatrahisonsupposéed'OresteetdetouslesGrecs.C'estainsi
quelemondedespassionss'ouvredansletempsetl'espaceaurappeldespassionsdéchaînéespar
Hélène-lamèred'Hermionequi,ellenesuscitepasautantderéactionsetquisesenthumiliée.
Scène 3.
Situation.Onserappelleque,danslapremièreédition,Andromaque,enchaînée,s'exprimaiticietse
disait"deuxfoisveuve",d'HectoretPyrrhus.Elletenaitundiscoursunpeugrandiloquent;dansla
dernièreversion,ellen'apparaîtplus:ellen'appartientplusaumondedespassionsdontellesefait
l'exécutantesansplusleséprouver–dumoinsenapparence-puisquelamortdePyrrhuslarendà
uneformed'indifférence.Dèslors,l’intérêtestmieuxcentrésurlafintragiquedespassionsetdonc
despassionnés.
Idéegénérale.Hermioneestenproieàunenouvelleoscillation:ellerejetteceluidontelleaarméle
bras,Oreste,quinelacomprendplus.Ellenesaitpluscequ'elleadit-elleestvictimed'unesortede
prostration,d'absenceàlaréalitéqu'elleaelle-mêmeprovoquée...
I. Le récit d'Oreste, jusqu'au vers 1534 : il lui raconte la mort de Pyrrhus, son mariage et ses
provocationsàl'intentiondesGrecs,quil'exécutent.
II.Lerejetd'Hermione:elledétesteenOrestelevisagedesapropredissociation.Ildevientl'image
decequ'ellenesupporteplusd'êtreetqu'elledoitsupprimerensetuant.Alafindelascène,un
premierdénouements'annonce:lesuicidedelajeunefilleferaitsuiteausuicidepolitiquedePyrrhus.
55
I. Le récit d'Oreste.
Lerécitd'Orestesedérouledemanièretrès"logique",anticipantlesanalyseslesplusmodernesde
laviolencedemasse,entempsdepaixcommedeguerre.Nousretrouvonsl’illustrationd’uneloides
passions:ellescréentunsystèmederesponsabilitéencascadedontlepremierniveauestlaviolence
psychologiquedontOresteestlavictimepuisqu’ilestinfluencéparHermionemaisqu’ilexerceaussi
sur les Grecs ; le second niveau n’est autre que la violence physique déclenchée par la pression
manipulatriceexercéeparlaviolencepsychique.Humedonnerasaversiondespassionsdirecteset
indirectes ainsi que de leurs liens, logiques ou non, selon les principes d’association ou de
surimpression.
1. Premier temps. Les provocations de Pyrrhus.
LemariagedePyrrhussetransformeennocesaveclamort-dontAndromaquepeutaussi
incarnerunefigurepuisqu'elles'imposecommeunegardiennedelafidélitéauxmorts.Entousles
cas,c'estbienlenéantqu'ilétreint...
Lerécitd'Oresteestclair:lesGrecssesont"glissés"(1500)jusqu'àl'auteletPyrrhusestallé
au-devantdesGrecs,lesaprovoquésuneultimefois.Cetteattitudetémoignedesapsychologie,de
soncaractèreextrémistemaisilapeut-êtreaussicherchéàsefairetuerpuisqu'ilsaitqu'Andromaque
nepeutl'aimer.
"Pyrrhusm'areconnu.Maissanschangerdeface,
Ilsemblaitquemavueexcitâtsonaudace
QuetouslesGrecs,bravésenleurambassadeur,
Dussentdesonhymenreleverlasplendeur."-1501-1504-
Enoutre,iljuresolennellement,devantlesdieux,qu'ilreconnaîtenAstyanax"leroidesTroyens"
(1512).
Encesens,ildéfielesGrecs,quinepeuventqueréagiravecviolence.Encesens,onnepeut
quecroireàsonsuicide:ilacherchélamort.
2. Deuxième temps. La violence des passions sociales - la violence physique du groupe.
Ladescriptiondespassionspopulairesestédifiante:l'effetdemasse,demeute,s'imposeà
l'évidence;aucunepersonnalitén'émerge.Ilnes'agitpasd'héroïserlaperspectivemaisdemontrer
commentlepeuplepeutseconduire.Lepréjugésocials'accompagned'unedénonciationmorale:en
proieàdespassionsprimaires,lepeuplenepeutsemaîtriser;cettereprésentationidéologiquese
conjugueavecunedénonciationrelevantduconstatpsychologiquepuisque,eneffet,lamasseagit
sansréflexion.
Il faut donc qu'Oreste ne puisse même pas agir : il demeure impuissant devant l'exaspération
populaire.
"Du peuple épouvanté j'ai traversé la presse" (1521). Ce «peuple» désigne le peuple de l’Epire,
désormaissouslepouvoird’Andromaque.
56
3. Troisième temps. La violence psychologique.
Oresteseprésentecommeleresponsabledecetteviolence:illarevendiquecarlepeuple
n'est que le bras armé de son propre fanatisme personnel : "c'est moi dont l'ardeur leur a servi
d'exemple"(1529).Racinedissocieclairementl'intentiondesGrecsdelaresponsabilitéd'Oreste,
qui s'impose comme le manipulateur conscient d'une troupe ignorant le but réel de sa propre
action.
Parconséquent,pourlui,onpeutmanipulerlesmasses:peuimportelefondidéologiqueenquestion,
ellesréagissenttoujoursavecuneviolencedestructrice.Laviolencepsychiqueestdoncplusforteque
laviolencephysique.
II. Le rejet d'Hermione
1. Le sacrilège : le sacrifice de l'idole (?).
Notons le champ lexical du religieux : en parlant de "parricide", Hermione dénonce le
caractèresacrilègedel'assassinatperpétréparlessiens-lesGrecsl'ont"immolé".
Hermionetransformel'exécutiondePyrrhusensacrificesanglant:surl'autel,enluis'est
concentréelaviolenceexpiatoiredesGrecs,censésformésunpeuplecivilisémaisravalésaustade
delabêtefurieuse,incapablederespecterlesdieux.Enproieàunerégressionpassionnellefurieuse,
ils ont nié la valeur symbolique du sacrifice religieux : ils ont remonté le temps vers le sacrifice
primitifdel'animal...
EllereprocheauxGrecsleurabsenced'empathie:
"Sansquetoutvotresangsesoulevâtpourlui"(1540)
ElledemandecompteàOrestedesesréellesmotivationsetdesalégitimité:
"Maisparle:desonsortquit'arendul'arbitre?"(1541)
Encesens,elledénoncelaportéereligieusedusacrifice:s'iln'estpasfaitàl'intentiondesdieux,le
sacrificesymboliquenerevêtaucunsens;ellesesituealorssurleplandudroit:quelestledroitdes
victimes?Defait,laguerredeTroieestachevéedepuislongtemps...
Elledénoncelesdeuxalibis,religieuxetguerrier;elleréaliselaportéeréelledesespropresactes:
elleseréveilled'uncauchemarpouraffrontersavérité,soninsupportablevérité.
Elleneperdlaconsciencederien,nidutemps,nidesespropresactesnidesaproprevolonté:elle
réaliselesconséquencesdesespropresactions.CommePhèdre,plustarddanslacréationdeRacine,
ellen'estplusquesouffrance,douleur.Ellenepeutquesesuicider.
2. Le rejet d'Oreste.
Avecuneparadoxaleclairvoyance,maisavecunetotaleinjustice,ellereprocheàcetamanttrop
zélé
• d'avoirflattéenellesaproprefolie:"fallait-ilencroireuneamanteinsensée?"(1545)-en
somme, elle l'accuse d'avoir trouvé dans sa passion à elle un prétexte pour exprimer sa
passion, à lui. La passion instrumentalise la passion : nous identifions encore une fois le
processusfatalquifaitperdrepiedauxpassionnés.
57
•
•
denepasavoircomprisqu'ellenesouhaitaitpas,aufond,lamortdePyrrhus:laviolence
mêmedeses"emportements"devaitluilaisserentendreleurvéritablesens;autrementdit,
laviolencedespassionsdoitfairedouterdeleursignification:elletroublelerapportdusigne
(cequiestdit)etdusens(cequiestréellementsignifié).Ellevient,eneffet,deréaliserque
ses fantasmes violents pouvaient se concrétiser et ne pas en demeurer au stade de
l'imprécation...
des'êtrefaitl'agentdeladestruction:"Voilàdetonamourledétestablefruit"(1555)
Nous retrouvons ici les données de ce que les chercheurs américains ont appelé «double bind»,
doublecontrainte.Eneffetdeuxexigencess’opposentdansl’espritd’Hermione:lavolontéd’être
aiméedePyrrhusetledésirdelefairetuer.Jusqu’alors,elles’estmontréeincapablederenoncerà
lui(aprèssamort,elleévoquelatroisièmepossibilité,laviedansl’illusiond’êtreaimée).
Thedoublebind.
1956:GregoryBatesondéfinitleprincipedel’injonctionparadoxalepourexpliquerlescausesdela
schizophrénie.Ilrejointlesanalysesscientifiquesmenéesparl’écoledePaloAlto,enCalifornie,sur
lesmécanismesdecommunicationdanslessystèmes.
RapportéàAndromaque,ladoublecontrainte,nœudgordienpsychique,vientdel’oppositionentre
• ce que veut le conscient, soit la mort de Pyrrhus demandée à Oreste et légitimée par les
passions(valeurs?)sociales;
• cequechercheenréalitél’inconscient,soitlareconnaissancedumoietl’amour.
Defait,soitPyrrhusl’aime,cequirendimpossiblesamort;soitilmeurt,cequineluipermetplusde
l’aimer…Onnepeutsesortirdecedilemme,tragique,qu’ensesituantàunautreniveau,celuidela
prise de recul ; mais Hermione en est incapable. Sa brève prise de conscience des conséquences
engendréesparsondiscoursl’amèneausuicide.Lasituationestverrouillée:enl’absencedel’autre,
lemoihypertrophiénepeutquesesupprimer.Dèslors,lajeunefilleregrettedenepluspouvoir
vivredansl'illusion:
"Ilm'aimeraitpeut-être,illefeindraitdumoins."(1560)
Cettedemandeeuphémiséeentémoigne:l’illusionestlemoded’êtredespassionnés;ici,lafinde
l’illusion équivaut à la mise à mort du moi – c’est une préparation à la mise en scène de la folie
d’Oreste, enfermé dans le monde de sa subjectivité. Qu’est-ce que la folie, en effet, sinon
l’enfermementdansunordresingulier?àl’écartdespassionssocialesdontHumefaituneexpression
de la croyance? Le fou privilégie son illusion à un point tel qu’il ne peut vivre que dans ses
représentationssociales.IlhyperboliselefonctionnementdupsychismehumaindontHumeanalyse
le mécanisme de figuration symbolique aux significations variables avec le temps et l’espace,
autrementditl’évolutionhistoriqueetlaculture.
Conclusion.
Parunetorsionparadoxale,uneironiepropreàlatragédie,lepersonnagelepluspassionné,leplus
violent,formulelesdonnéesdelacatharsis-toutens'enmontrantincapablepourelle-même.En
58
effet, Hermione énonce la "morale" de la tragédie : quand on cède aux passions, on devient le
"monstre"(1564)qu’ellereprocheàOrested’êtredevenu.Maisellenes’appliquepasceconstatà
elle-même–àl’inversedePhèdre,qui,elle,incarnel’héroïnetragiqueparcequ’elleintériorisesa
propre«monstruosité»:ellelasupprimedecemondeensesuicidantmaisellesaitque,mêmeaux
enfers,ellenepeutyéchapper.Elles’«abhorreencoreplusqu(’on)nela)déteste»…
Scène 4.
Idéegénérale:danscecourtmonologue,Orestetrahitsonimpuissance:ilnecomprendpluscequi
sepasse.Ils'interrogesurlesens
• dusacrifice:"Pourquicoulelesangquejeviensderépandre?"(1566)
• maisaussisurlui-même:"Jedeviensparricide,assassin,sacrilège"(1574)
Ildevientl'assassin,celuiquiaaccomplileforfait,lesacrificevaind'unevie.Defait,cen'estpastant
Hermionequiestdevenuefollequesapropreaction,àlui,quil'aété:qu'est-cequijustifielamort
d'unhomme?Quipeutsejugerau-dessusdesloisetdonnerlamortàunautrehomme?
Orestes'est,eneffet,placéau-dessusdelaloireligieuseetdelaloihumaine:ils'estarrogé
des pouvoirs qu'il ne possédait pas. Il s’est d’ores et déjà enfermé dans le monde de sa passion,
étanche,ferméàtoutautre.
Scène 5.
Idéegénérale:Andromaquepossèdedésormaislalégitimitédupouvoir.
Enjeuenlienaveclethème.Lapassionamèneàuneliquidationgénérale;ellenes’éliminepasen
soi–ellenepeuts’éliminerselonHumecarelleestlepropredel’homme.
C'estàPylade,lespectateurfroiddespassions,detirerlesconclusionsenévoquantAndromaque.
Ellesembleelleaussiprisedanslecercleinfernaldelavengeance–alorsque,commeindividu,elle
semblaitéchapperàlaloidespassions,elleparaîtcommeenferméeparunelogiquequiladépasse:
"Commandequ'onlevenge,etpeut-êtresurnous
VeutvengerTroieencoreetsonpremierépoux."-1591-92-
AssumantlasuccessiondePyrrhus,elleobéitàlaloidelavengeancerégissantlapuissancepolitique:
elledoitsatisfairelespassionssociales…Donc,ellen’estpasau-dessusdespassions,nipersonnelles
car,commenousl’avonsvu,elleadorelafigured’unmaridécédéetn’échappepasauprocessus
d’idéalisation–nicollectivespuisqu’elleditvouloirseconsacreràlavengeancedePyrrhus,selonles
loisdelareprésentationsociale.Ilconvientdoncdenuancernotrejugementsurelleendépitdece
quenouspouvonsliresurcepersonnageetmêmesouslesmeilleuresplumes–dontcelledePierre
Janet dont nous rappelons les propos (op. cit., p. 282): "La passion d'Hermione tue Oreste, et la
passiond'OrestetueHermione.L'unetl'autresontlesvictimesdestristesoscillationsdePyrrhus,
quilui-mêmeobéit,commeunautomate,auxbranlesdel'espoiroudelacrainte,suivantcequ'ilse
persuadedessentimentsd'Andromaque.Seule,celle-cisemontremaîtressed'elle-même;seuleelle
conservesanoblesseetsadignité,parcequ'elleadevantellelapenséedudevoir,dontlestroisautres
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personnagessemblentignorerl'existence.Ellereprésenteunepersonnalitémoralenonsouslaforme
de l'héroïsme dur et insensible qu'affection quelquefois Corneille, mais sous la forme d'une vertu
vraimenthumainequiasasourcedanslecœ."Anuancer,donc.
Hermione s'est suicidée sur le cadavre de Pyrrhus en un geste très dramatique, typique des
représentationspicturalesdugrandsiècle:
"Unpoignardàlamain,surPyrrhussecourber,
Leverlesyeuxauciel,sefrapper,ettomber."-1611-1612–
Notonsquelecourtmonologued’Oresteàlascène4nesemblepasluipermettred’accomplirtoutes
cesactionsenuntempsaussibref,maisletempsdelatragédien’estpastoujourstrèsréaliste.
Oresteaudésespoir:
• sonironiedestructriceledissociedelui-mêmepourunedernièrefois:
"GrâceauxDieux!Monmalheurpassemonespérance."(1613)
• son ultime provocation le rapproche du Caïn maudissant le ciel qui l'a condamné à la
souffrancejusqu'aubout,puisquesonamantes'estunieàsonrivaljusquedanslamort-
"Oui,jeteloue,ôciel,detapersévérance."(1614)
Ilinterpellelecielpourmieuxdénoncersonisolement:"Tahaine"(1617),celleduciel,lepoursuit.
"Réunissonstroiscœursquin'ontpus'accorder."(1624)
Ceprojetultimeprécèdesonentréedanslafolie:ilestsaisiparlesFuries,lafoliequiestpourluila
findeladissociationpuisqu'iléchappeàla"raison"communepours'enfermerdanssonmonde,ses
fantasmes.Ainsi,Orestenepeutselibérerdesapassion:elleluiestconsubstantielle–commepeut
l’êtrelemécanismemêmedelapassionausenshumien.
Rappelons l'interprétation donnée par Michel Foucault de ce dénouement : il y voit une
transformationdelapunitionantiqueselonlaquellelafoliesanctionnelepassionnéetsescrimes.Ici,
lafolieconstituel'essencemêmedelapassion:Hermioneestlafiguremêmedelafurieetdela
Némésis,delafatalité.
Conclusion.Oùestlacatharsis?
Les personnages d’Andromaque forment un quadrille tragique et n'y accèdent pas : ils se
condamnenteux-mêmesàsouffrirjusquedansl'au-delàpuisquelesserpentsdumallesyattendent.
"Pourquisontcesserpentsquisifflentsurvostêtes?"(1638).
L’assonanceestsignifiante:elleplacelechâtimentsurleplandusensible,del’émotionbruteetnon
del’éthiqueoudel’entendement.
PourunpublicduXVIIesiècle,lacatharsisn'avaitplusdesens.Cependant,ildoitêtreédifié
parlespectacleviolentauquelilvientd'assisteretcomprendrequ'ilnedoitpascéderauxpassions
quiletuent.Ellesnepeuventquel’enfermerdanslecercleautodestructeurd’unefoliegénéralisée.
On ne peut pas se purger des passions puisque les hommes évoluent dans le monde qu’elles
génèrent: c’est bien ce que va dire Hume en son temps. Il s’avère impossible d’échapper aux
passions:làsetrouveletragiquedelaconditionhumaine;onnepeutqueconserver«lapenséede
60
derrière»,autrementditlaconscienceducaractèrevirtueldetoutsystèmedereprésentation.Onne
saurait mieux illustrer la conception janséniste de la passion- haïssable puisqu’elle engage à
privilégierle«moi»surtoutautre;or,auXVIIesiècle,l’individualismetrahitunearrogancecontraire
àlamorale,ensoi.Enoutre,lapassiontrouvedansl’imaginationlesmoyensdeproduiresanscesse
desimagesenfermantleshommesdansunevirtualitédouloureusecarelleleséloignedusens-de
Dieupourlesjansénistes.Lapassionlesdétournedel’êtreenleurfaisantpréférerleurordremondain
àlavérité.Mais,parlaquêtedel’absoludontelletémoigne,lapassionestaussiquêted’autrechose,
d’unesignificationqu’ellealetortdevouloirtrouverdansl’hommealorsqu’ilfautlachercheren
Dieu.Mais,commeledisaitPascal,«tunemechercheraispassitunem’avaispastrouvé»…
Récapitulation.LesloisdespassionsdansAndromaque.
Lamécaniquedespassionsestunjeud'action/réactionquiseproduitàlafoisd'unpersonnageà
l'autre,surl'autremême,etàl'intérieurdechacund'eux.
Leseffetsencascade:laviolencepsychologiqueserépercuted’unpersonnageàl’autre,ellese
résout,àlafin,enviolencephysique,exercéesurautrui(Pyrrhus)parl’effetdemeuteousursoi
(Hermione)poursortirdudoublebind,ladoublecontrainte.
Laloideladissociationpathologique,dansAndromaque,nedonnepaslieuàlatransformationsur
laquelleouvrelacatharsis:lespersonnagessesuicidentoudeviennentfous.
Lejeudelapersuasion:HermionepersuadeOrested'allertuerPyrrhus-
Lejeudelasuggestion:ils'agitdedonnerl'exempledeladéterminationpassionnelle-c'estceque
faitOrestelorsqu'ilconduitlesGrecsversl'autel.
Lejeudesprojectionsetleredoublementdeseffets:lespersonnagesobéissentàdeslois
généralesaisémentidentifiables;maislespassionsserépercutentdifféremmentchezl'unoul'autre
:l'amour-propredominechezHermione,lavolontédepuissancechezPyrrhus,l'amourfrustréchez
Oreste.Maisaucundecestroispersonnagesn'estcapabledevraimentanticiperl'enchaînement
despassionslesunessurlesautres;quandilslefont,ilsseréfèrenttoujoursàdesmécanismes
doxiques,ceuxqu'ilsempruntentàlarhétoriqueprécieuse-exciterledésirensefaisantrare,en
partant,enjouantsurlajalousie,etc.Eneffet,cespersonnagessontdesGrands;ilsnesauraient
êtredeslibertins,expertsdanslamanipulation.Ilrestequ'ilsn'ontpasunegrandeconnaissance
intellectuelledumondedespassions.Racineveutsansdoutesuggérerqu'onpeutspéculersurelles
maisquecesraisonnementsnevalentpasgrandchosedanslavieréelle.

Andromaque - Le signe bleu

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