Guccimania - Commerce International

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Guccimania - Commerce International
[fashion] style
Par By Esther Élionore Haldimann
Au lendemain de la
« Guccimania »
L’histoire de la famille Gucci et de l’actuel groupe de luxe peut se lire
comme un polar sur fond de tractations financières fracassantes.
Mais un happy-end solide couronne ce feuilleton de 90 ans.
ouvenons-nous que, dans les années 1990, la vague de
la « Guccimania » allait porter la mode italienne au
zénith de la « branchitude ». Entre 1993 et 2004, le chiffre d’affaires de Gucci bondit littéralement jusqu’à
atteindre 1,35 milliard d’euros. Derrière ce succès
mondial, un certain Tom Ford, génie visuel et commercial.
Lorsque ce styliste texan prend en 1990 la direction artistique
du prêt-à-porter féminin, puis de l’ensemble de la création et de
la communication de la maison Gucci,
l’ancien fleuron de la maroquinerie italienne ne vaut plus grand-chose.
Introduit à Florence par l’avocat d’affaire Domenico De Sole, le beau Tom, au
regard charmeur et au sex-appeal viril,
insuffle à la marque un tel sens de l’audace et de la provocation qu’elle en devient très vite irrésistible. Amoureux du
noir, le fringant quadragénaire met bientôt les femmes d’affaires, les starlettes
et son propre personnel sur les talons
aiguilles. Ses pantalons taille basse en
velours, ses chemises étriquées en satin
aux couleurs de pierres précieuses et
déboutonnées jusqu’au nombril, ou ses
robes en jersey ornées de détails métalliques suscitent le désir
à l’échelle planétaire. Les campagnes publicitaires de Ford
n’y sont pas pour rien. « Shooté » par le photographe péruvien
Mario Testino, elles sont sexy et glamour à l’envi et frôlent
délibérément le politiquement incorrect. Tom Ford voit tout,
dirige tout, supervise tout. Il unifie les boutiques de la marque
dans le monde entier afin que la cliente, quelle qu’elle soit,
trouve la pièce désirée en une fraction de seconde.
Or, l’histoire de la marque aura commencé avec un autre
homme visionnaire. Dans les années 1890, fin d’un autre siècle,
le Florentin Guccio Gucci (1881-1953) part travailler comme
serveur au Savoy Hotel de Londres. Là, il s’aperçoit qu’il faut des
sacs et des malles à la jet-set internationale naissante qui ne tient
plus en place. De retour dans sa ville natale, il ouvre en 1921 une
entreprise de maroquinerie et un petit magasin de bagages légers.
La clientèle internationale aisée qui passe ses vacances sur
les bords de l’Arno raffole de ses sacs et de ses malles, de ses gants
et chaussures raffinés. Outre sa clientèle grande-bourgeoise,
il séduit également les milieux de l’aristocratie éprise de sports
équestres, son arme de distinction. D’où l’idée d’introduire le
mors, cette pièce métallique de l’harnachement des chevaux qui distingue toujours le sac Gucci ou orne les élégants
mocassins de la marque italienne.
Avec la pénurie des matières premières
pendant la Seconde Guerre mondiale,
Guccio est obligé d’expérimenter : son
brunissage du rotin fait fureur. Cette
technique fut à l’origine de l’anse du sac
Bamboo, péché mignon des têtes couronnées et de célébrités comme Grace Kelly
ou Jackie Kennedy. Cette dernière achètera également le sac à bandoulière, sobre
et arrondi, qui porte encore son prénom.
Des décennies durant, Gucci demeure
donc une pure marque de maroquinerie.
Avec l’apparition du prêt-à-porter, dans les années 1970, elle
entre dans le monde de la mode avec des chemises en imprimé
GG (croisés) ou des manteaux boutonnés gansés de fourrure.
Toutefois, après le décès du père fondateur en 1953, ses fils,
puis ses petits-fils ne cesseront de se déchirer. En 1982, lors d’un
conseil d’administration, Paolo Gucci est frappé par l’un de ses
frères, le sang lui coule sur le front. Chaque cousin veut lancer
son produit, qui ses bouteilles de whisky, qui ses tee-shirts ou
ses porte-clés… Sous le règne de Maurizio, unique descendant
de Rodolfo, le cinquième fils de Guccio, la marque est dilapidée
en licences multiples. C’est à ce moment que le conseiller de la
famille, Domenico De Sole, entre sur le devant de la scène.
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COMMERCE INTERNATIONAL
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N°79 - NOVEMBRE 2011