Paris-Berlin aller et retour

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Paris-Berlin aller et retour
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Paris-Berlin aller et retour
à l'époque où Berlin était partagé entre Ouest et Est
Alina, Alexander, André, David et Sidney ont interviewé
nos grandes méchantes louves Catherine et Christiane.
Vous alliez à Berlin comment à l'époque du
mur ?
Ch. : Alors commençons par l’avion. Avant
je n'en avais pas peur, au contraire, j'aimais
bien. Il fallait toujours faire une escale à
Francfort ou à Düsseldorf parce qu'il n'y
avait pas de ligne directe Berlin-Paris. Donc
la différence, c’était qu’il fallait toujours
prendre deux avions, attendre longtemps
pendant l'escale, et on mettait beaucoup de
temps pour arriver.
Et en voiture, c'était difficile ?
C. : Moi, je venais au début en auto-stop. On
partait de Paris, Porte de la Chapelle, il y
avait toujours plein de stoppeurs avec des
panneaux en carton à la main avec la destination. Nous, on marquait Belgique. Après
on continuait vers Cologne, Hanovre. Et
comme il y avait le mur qui commençait
après Helmstedt, on savait que les 200 derniers kilomètres étaient assurés car toutes les
voitures allaient à Berlin.
Les frontières entre Paris et Berlin à l'époque de la RDA
Pourquoi, le mur n'entourait pas seulement
Berlin ?
Ch. : Non, Berlin était partagé en deux,
Berlin-Est, la capitale de l'Allemagne de
l'Est, la RDA, et Berlin-Ouest, qui était
comme une île au milieu de la RDA. Il y
avait un mur tout autour de Berlin-Ouest et
un autre entre la frontière de l'Allemagne de
l'Ouest et de l'Allemagne de l'Est.
Et comment ça se passait ?
C. : Il existait trois routes pour aller à Berlin.
Une au Nord, une à l'Ouest et une au Sud.
Ch. : A la frontière, il fallait que la voiture se
mette dans une file.
Il y avait plusieurs files ?
Ch. : Oui, pour les camions, pour les voitures,
pour la RDA, pour le transit... donc il fallait
se mettre dans la bonne rangée, sinon ça
posait problème. On avait besoin d'un passeport, la carte d'identité ne suffisait pas, et en
tant qu'étranger, on devait payer cinq
Deutsch-Mark pour l’utilisation de l’autoroute. Il y avait des contrôles, ils regardaient
dans le coffre, ils te dévisageaient, ça pouvait
durer des heures...
C. : On recevait un visa de passage avec
l'heure indiquée dessus. Tu n'avais pas le
droit de t'attarder ni de sortir de l’autoroute.
Tu ne pouvais pas t'arrêter nimporte où pour
aller faire pipi, et tu n'avais pas le droit de
parler aux gens de RDA. Sinon, il y avait
aussi une limation de vitesse de 100 km/h.
Et ça faisait peur ?
Ch. : On était toujours contents de rentrer
dans Berlin-Ouest. Mais avant, il fallait
repasser la frontière avec tous les contrôles.
C. : On en profitait pour s'arrêter dans un
intershop, c'était des magasins avec des
produits détaxés, on pouvait y acheter des
cigarettes, de l'alcool...
Et il y avait aussi des restauroutes ?
Ch. : Oui. Mais tu ne pouvais pas t'asseoir
n'importe où, on te plaçait. Il y avait des
nappes en plastique avec un petit pot de
fleurs aussi en plastique au milieu. Et quand
on voulait manger du poulet, ça s’appelait
pas Hühnchen mais Broiler.
Et en train, il y avait aussi des contrôles ?
Ch. : Juste avant d'arriver à Berlin, le train
s'arrêtait pendant une heure à peu près à la
frontière. Il y avait les policiers pour le
contrôle des papiers, et quand tu regardais
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Le contrôle des soldats, armés et avec des chiens
par la fenêtre, tu voyais les soldats armés.
Moi, j’ai pris souvent le train de nuit, tu
arrivais à la frontière de Berlin-Ouest vers
six-sept heures du matin et puis tu avais des
fois du brouillard et ces silhouettes en
uniforme avec des armes et des bergers
allemands... C’était assez inquiétant.
Et pourquoi il y avait des chiens ?
C. : Ils avaient été dressés pour contrôler si
personne ne s'était caché pendant le trajet en
RDA. Les Allemands de l'Est n'avaient pas le
droit de sortir pour aller à l'Ouest.
Ah non ?
Ch. : En fait, je n'ai jamais rien vu de comparable, c'était un peu comme dans les films.
Ils venaient avec des mitraillettes et contrôlaient à l'intérieur même les endroits où se
trouvait le chauffage, pour ça, ils montaient
sur des petits escabeaux et ouvraient avec
des clés spéciales pour voir si personne ne
s’était caché.
C. : Et souvent on était réveillés par l’aboiement des chiens.
Maintenant, c'est beaucoup plus simple !
Ch. : Il y avait beaucoup de contrôles de
papiers et de douane, à la frontière belge, à la
frontière de l'Allemagne de l'Ouest, à la
frontière de l'Allemage de l'Est et à l'entrée
de Berlin-Ouest. Et en plus, dans chaque
pays, des contrôles de billets différents.
On ne devait pas très bien dormir.
C. : Quand on partait de Berlin pour Paris en
hiver, les trains avaient très souvent du retard
parce qu'ils arrivaient de Saint-Petersbourg
ou de Moscou – et ils avaient parfois été
bloqués dans la neige. Les hivers étaient
beaucoup plus froids, même à Berlin, et il
arrivait que les toilettes du train soient
glacées ou que des vitres ouvertes soient
aussi bloquées par la glace et on ne pouvait
pas remonter le carreau. On gelait parce le
chauffage ne marchait pas. Alors on restait
en manteau.
Ch. : En même temps, c'était l'aventure. Une
fois je me suis réveillée, il y avait une femme
qui m'a proposé un thé très chaud, elle était
prof de français et voyageait depuis 6 jours !
Elle venait de Sibérie, et c'était très curieux.
La gare de Berlin Friedrichstrasse
Et vous preniez le train où ?
C. : Je prenais souvent le train à Berlin
Friedrichstrasse. C'était une gare pour les
passagers de l'Ouest mais à l'intérieur de
Berlin-Est. Sur un passage au-dessus des
rails, il y avait des soldats armés qui surveillaient la gare et sur le quai se trouvait une
bande blanche à un mètre des rails. Tant que
tous les contrôles n'étaient pas terminés, on
n'avait pas le droit de dépasser la bande. Ça
durait bien une demi-heure. Et puis une voix
annonçait au haut-parleur qu'on avait le droit
de monter dans le train...
La gare rénovée. On voit encore au sol une bande.

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