LE CONCERT ROYAL DE LA NUIT BEAU GESTE

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LE CONCERT ROYAL DE LA NUIT BEAU GESTE
Date : 12/18 SEPT 15
Page de l'article : p.64
Journaliste : Sophie Bourdais
Pays : France
Périodicité : Hebdomadaire
OJD : 578680
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Sebastien Daucé,
maître d'oeuvre
de la renaissance
du Concert roya/
de la Nuit.
montrent des costumes étonnamment modernes, dont l'exubérance
graphique évoque Lewis Carroll autant que Tim Burton. Etoffé, l'appareil
documentaire explore en profondeur
le magnifique travail de reconstitution accompli par Sébastien Daucé
et son Ensemble Correspondances. Il
fallait de la témérité pour oser faire revivre une œuvre dont il ne restait que
le livret (d'Isaac de Benserade), les
airs (de Jean de Cambefort)... et, fidèlement recopiée par Philidor, bibliothécaire de Louis XIV, la partie de violon
(mais privée des trois voix intermédiaires et parfois de la basse) de
soixante-dix-scpt danses aux formes
irrégulières, aux auteurs mystérieux
et à la tonalité unique.
Sébastien Daucé a mis trois ans à réécrire les parties manquantes, choisissant les instruments qui s'accordaient
MUSIQUE BAROQUE
le mieux aux personnages et aux périJEAN DE CAMBEFORT, ANTOINE BOESSET, LOUIS CONSTANTIN,
péties du ballet. Il a gardé toute la musique vocale, et retenu les cinquante et
MICHEL LAMBERT, FRANCESCO CAVALLI, LUIGI ROSSI & ANONYMES
une danses qui servaient le mieux la
ENSEMBLE CORRESPONDANCES, DIRECTION SÉBASTIEN DAUGE
dramaturgie. Pour réintroduire de la
// ne restait que des lambeaux du mythique ballet qui consacra Louis XIV
théâtralité, il a aussi repris une idée de
Mazarin : juxtaposer l'opéra italien et
en Roi-Soleil. Un travail de reconstitution inspire lui rend sa magnificence.
le ballet français, en empruntant à
ffff
nale, quatre «veilles» ont découpe une L'Orfeo de Rossi, entendu par Louis XIV
Le 23 février 1653, dans la grande salle nuit mouvementée - le sabbat malé- quand il était enfant, et à VErcole Amandu Petit Bourbon, ballet de cour et mar- fique de la troisième veille précipitant te de Cavali!, commande pour son maketing politique convolent en noces les spectateurs en enfer. Le succès du riage. L'attachement à l'ornementation
fastueuses. A la fin du Ballet royal de la spectacle est tel qu'il est redonné six d'époque, l'usage d'archets courts, la
Nuit, voulu par Mazarin pour conforter fois, instituant par sa dramaturgie, se- belle polyvalence des instrumentistes
un pouvoir éprouvé par quatre années lon Sébastien Daucé, « le double parfait et des chanteurs, aussi bons solistes
de Fronde, Louis XIV, 15 ans, apparaît d'une liturgie de sacre» et fixant pour que choristes, contribuent à l'extravêtu en Soleil levant, ainsi annonce par la postérité l'image du Roi-Soleil.
vagante beauté de ce Concert, vérital'Aurore: «Jamais [...\je n'ai brillédans
En attendant la version scénique blement royal. -Sophie Bourdais
ina carrière/Ni précédétant de lumière./ (projetée pour 2017), c'est une version i Une version de concert sera donnee a
Quels yeux en la voyant ne seraient instrumentale et vocale de ce ballet l'Opéra royal de Versailles, le 29 nov, et a
éblouis ?/Le Soleil qui me suit c'est le mythique que propose ce somptueux la chapelle de la Trinité, à Lyon, le 30 nov
jeune Louis. » Avant cette délivrance fi- livre-disque. De nombreuses gravures 11 livre + 2 CD Harmonia Mundi
LE CONCERT ROYAL DE LA NUIT
BEAU GESTE
Entre Luffy et Rameau, une
tragédie lyrique d'André Campra
dont raffolaient les sujets
du vieux Louis XIV.
En 17O2, cinq ans après l'éclatant
succès de son opéra-ballet
L'Europe galante, André Campra
fait jouer TANCRÈDE, tragédie
lyrique tout aussi bien accueillie.
Les Lumières se profilent;
Tancrède s'inscrit dans l'héritage
de Lully, mais son écriture
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préfigure celle de Rameau. Si le
vieux Roi-Soleil, devenu bigot, ne
goûte plus ces fantaisies, ses sujets
s'en délectent. Le chevaleresque
se mêle au merveilleux, on y fait
assaut de noblesse ou de traîtrise,
d'amour et de jalousie. La passion
commune mais contrariée de
Tancrède, chevalier chrétien, et
de Clorinde, princesse et guerrière
sarrasine, ne saurait trouver d'issue
heureuse, et le choix de voix graves
pour les principaux protagonistes
les entraîne du côté des ténèbres.
Quatre siècles plus tard, on
redécouvre les opéras de Campra.
Fruit d'une production scénique
montée à l'Opéra royal de Versailles
au printemps 2014, cet
enregistrement est le premier
à proposer l'œuvre dans son
intégralité. Au cœur d'une
distribution d'excellente tenue,
la mezzo Isabelle Druet trouve,
dans la très cornélienne Clorinde,
un rôle à la mesure de son talent.
Et l'Orchestre des Temps présents,
tout au service des chanteurs, sait
les envelopper dans d'évocatrices
atmosphères de champs de bataille
et de forèts enchantées. — S.Bo.
I 3 CD Alpha Classics «f.
VERSAILLES 9187215400502