Le travail des enfants à Dunkerque au 19 siècle Odette Bonte
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Le travail des enfants à Dunkerque au 19 siècle Odette Bonte
Le travail des enfants à Dunkerque au 19ème siècle Odette Bonte Introduction L'utilisation de la main-d’œuvre d'enfants entraîna des abus, qui, comme nous le verrons plus loin, furent dénoncés par de nombreuses voix. Des lois furent votées, mais hélas, elles furent peu appliquées. Il était nécessaire dans ce concert de protestations, de dénonciations des pires conditions de travail dans la France industrielle, de voir quelle était la situation dans le Dunkerquois, en la replaçant dans l'évolution législative et économique de l'époque. En retrouvant la trace de ces enfants, les lieux où ils travaillaient, leurs conditions de travail et de vie, il fallait discerner les différences entre apprentis et enfants ouvriers, tout en gardant à l'esprit que l'apprenti aura un sort différent suivant le patron ou le maître qui l'emploie, le métier pratiqué. L'apprentissage suppose une technique à apprendre, alors que les machines utilisées en manufactures ne demandent pas de compétences particulières, si ce n'est une servitude. Le savoir-faire, au sens noble du terme n'a plus rien à voir avec celle-ci. Les métiers de la mer n'entrent pas dans le champ de cette étude, ils demanderaient à eux seuls, une étude particulière. Situation des femmes et des enfants en France au début du siècle (tableau 1) Leur sort est très souvent lié dans les faits comme dans l'esprit des législateurs. Vous pouvez commencer par une citation d'A.Blanqui : "Une surveillance des enfants au travail doit se faire pour réprimer les abus dont ils sont victimes jusqu'au scandale, dans certaines villes manufacturières", et une autre de l'Abbé Lemire : "Laissez venir à moi mes petits enfants et ne les abandonnez pas au monde industriel qui les dévore". Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 1 Nous distinguons plusieurs catégories d'enfants au travail : les enfants liés par contrat d'apprentissage à un artisan, l'apprenti classique, en place chez un maître, mais ce contrat sera informel. Avant la Révolution, les corporations fixaient elles-mêmes la réglementation de l'apprentissage. Elles existaient depuis le Moyen Age, organisées en corps de métier ; les conditions d'apprentissage étaient fixées par un contrat établi entre les deux parties. L'apprenti n'était pas considéré comme un valet, mais comme un élève, il devait être accepté par le maître qui promettait de lui enseigner loyalement le métier. La Révolution supprime les corporations, par le décret d'Allande, du 17 mars 1791. La loi Le Chapelier, du 14 juin 1791, interdit toutes les associations professionnelles, seul le compagnonnage est épargné. Cette suppression, faite au nom de la liberté du travail, va livrer les jeunes travailleurs à leur patron, sans garde fou, puisque le contrat n'existe plus. Je signale que Dunkerque fit, à l'époque, partie des villes qui protestèrent contre l'interdiction de ces corporations d'ouvriers, qu'il ne faut pas confondre avec celles des corps de métiers et autres jurandes. Les contrats réapparaîtront avec la loi du 22 février 1851, mais faute d'inspection suffisante, elle ne sera pas mise en pratique. Nous aurons donc deux catégories d'apprentis, ceux avec contrat, mais ils seront rares, et les autres embauchés dans les différents corps de métiers, ou dans ce que l'on appelle "la petite industrie" selon "le recensement général de la France de 1847". Les petits métiers individuels restaient libres, l'apprentissage se faisait sur le tas. Julie Victoire Daubie dans "La femme pauvre au 19è siècle", écrit "que le plus grand nombre d'apprentis travaillent chez des patrons sans convention écrite, ils restent ainsi les victimes de l'arbitraire du premier venu, libre de les exploiter, sans subir aucune responsabilité sous prétexte de leur apprendre un métier". Ces maîtres cherchent beaucoup plus à tirer un profit immédiat de leur apprenti, qu'à lui enseigner une profession. Ils préfèrent d'ordinaire des orphelins et des enfants naturels pour s'affranchir de la surveillance des familles... L'enfant ouvrier n'échappera pas non plus à cette exploitation, laquelle sera d'un autre ordre. Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 2 1840 Tableau 1 Situation des enfants au travail en 1840 Source : J. Sandrin C'est la manufacture qui l'asservira, main-d’œuvre complémentaire, l'enfant suivra sa mère au travail. Troisième catégorie, tout aussi misérable, l'enfant placé. Il est livré lui aussi à une servitude chez un employeur, fermier ou autre, qui l'accablera d'un labeur très souvent sans commune mesure avec la nourriture plus que précaire. Les mots utilisés pour désigner ce type de placement d'enfants, sont parlants : accordés, remis à un paysan, mis en condition, sortis en condition, sortis en service, placés, pris en charge par, rendus à la veuve un tel après s'être enfuis... Personne ne se préoccupe de leur sort, peu de voix s'élèveront pour dénoncer leur misère. La mobilisation se fera principalement autour des enfants travaillant dans les manufactures. Les enfants au travail dans la région dunkerquoise La limite des sources a été précisée. Incomplètes, elles révèlent Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 3 cependant : - l'évolution industrielle de Dunkerque, qui marque le passage d'une main-d’œuvre à domicile, à une main-d’œuvre collective regroupée en manufactures. - l'utilisation pour des raisons économiques, d'une force de travail sous-payée dont le vivier était, sans conteste, les femmes et les enfants. - la régulation législative qui se met peu à peu en place afin de faire diminuer les abus. L'absence totale de contrôle sur les enfants domestiques ou employés de ferme. Nous retrouverons dans cette analyse les trois catégories d'enfants évoquées dans la première partie de ce travail. Les enfants admis à l’hôpital (1800-1813) (Tableau 2) Nous avons plusieurs catégories d'enfants placés à l'hôpital : les enfants abandonnés, déposés dans la cour de l'hôpital, les enfants orphelins, sans famille, les enfants orphelins avec fratrie ou familles collatérales, oncles, tantes, ou grands parents, les enfants en séjour provisoire (maladie de la mère), ou placés par l'administration, mère prostituée ou délinquante par exemple. Mis au travail dès leur arrivée dans les corderies de l'hôpital, ils en sortaient pour des destinations différentes suivant le sexe. Pour les filles, certaines étaient rendues à la famille, mère, père ou grand-mère, parfois tantes ou cousins, dans le cas de séjour transitoire. Une mention relevée, remarquée parce qu'elle laisse sousentendre : "la mère s'en est emparée". Le décès des parents rendait le sort de ces enfants extrêmement précaire. Le placement à l'extérieur de l'hôpital constituait la solution la plus utilisée aussi bien pour les garçons que pour les filles. On note un nombre impressionnant de fugues lorsqu'il s'agissait d'exploitations agricoles. Les possibilités de sorties étaient plus grandes pour les garçons que pour les filles : marine, armée, surtout sous le régime napoléonien, la réquisition, parfois des remplacements de conscription et l'artisanat. Il faut signaler que l'embarquement était la suite logique donnée à l'abandon de l'hôpital (voir tableau 3 - Placement). Les enfants morts à l'hôpital sont pour le plus grand nombre d'entre eux, orphelins, ils ne résistent pas au régime hospitalier. La mention Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 4 porte indistinctement "décédés ou sortis", elle peut masquer une fuite de l'enfant. La fuite a très souvent lieu lors des promenades, on en dénombre 12 sur un total de 41 fuites, ou à l'occasion d'un enterrement. Les filles se sauvent moins que les garçons. Année 1800 1801 1802 1803 1804 1805 1806 1807 1808 1809 Total enfants 21 11 36 21 20 27 34 44 47 20 Garçons uniquement 1810 28 1811 31 1812 36 1813 15 Tableau 2 Admission d’enfants à l’hôpital (filles et garçons de 5 à 14 ans) Source : Archives Hospitalières F2 – 3bis garçons – 3ter filles Année Placement Placement Décès ou Sortis Filles Garçons Filles Garçons 1800 8 4 1 6 1801 6 2 9 3 1802 13 14 1 6 1803 8 7 7 4 1804 6 7 3 6 1805 5 8 2 5 1806 5 17 2 4 1807 13 12 4 3 1808 23 8 7 6 1809 7 1 1 1 1810 2 1811 3 Totaux 94 81 37 49 Tableau 3 Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 5 Placements et décès des enfants admis à l’hôpital de Dunkerque entre 1800 et 1811 Source : Archives Hospitalières F2 – 3bis garçons – 3ter filles En cette période de début de siècle, une seule issue pour les filles : "la mise en condition". Accordées aux familles, pour servir de "domestique", ou de "bonne à tout faire", fille de magasin, leur sort était meilleur lorsqu'elles étaient placées en ville, plutôt que de se trouver en service dans les milieux ruraux de la campagne flamande comme le prouve le retour de certaines fillettes vers l'hôpital. Le renvoi était systématique soit dans la même place, soit vers une autre famille (voir tableaux 4 et 5). Comparaison avec les années 1863 à 1869 La comparaison avec les enfants assistés recueillis à l'hôpital dans les années 1863 à 1869, ne met en évidence aucun changement à leur sort. Leur situation sociale reste aussi précaire. Abandonnés ou orphelins ou moralement abandonnés, ils restent livrés de la même façon, aux mains de l'administration. L'armée n'est plus une possibilité de reclassement pour les garçons, ils se retrouvent placés chez les cultivateurs et les filles sont toujours servantes. Année Enfuis Rendus à la famille Filles Garçons Filles Garçons 1800 3 2 1 1801 4 1 7 1802 6 8 10 1803 1 3 1804 5 3 1805 2 3 3 1806 7 4 1807 1 5 9 1808 5 7 1809 1 3 1810 3 4 1811 1 8 Totaux 12 41 28 39 Tableau 4 Les enfants sortis de l’hôpital de 1800 à 1811, enfuis ou rendus à leur famille Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 6 Source : ibid Garçons Armée Artisans Autres Hôpital 4 Mont de Piété 1 Déportés 2 Engagement 12 Tailleur 1 Usine de la ? 1 Conscription 2 Cordonnier 5 (remplacement) Perruquier 2 Réquisition 4 Pension à Bergues 1 Pupilles 4 Boulanger 1 Jardinier 1 Pharmacien 1 Paysan 1 Total 26 Total 14 Total 3 Filles Toutes les filles sont placées, soit en condition, soit à la colonie agricole de Belloy près de Paris En condition 64 Belloy 14 Total 78 Tableau 5 Enfants placés par l’hôpital (1800-1812) Source : ibid Profession des enfants assistés de 1863 à 1869 Marine 1 Cultivateurs ou servantes 52 Artisans 10 dont Charpentier 1 Peintre 1 Boulanger/Pâtissier 5 Bijoutier 1 Tailleur 1 L'insubordination, les fuites sont nombreuses, on note par exemple : « il s'est enfui de chez son patron, s'est réfugié chez sa mère, où on l'a laissé »'. Quelques évasions se soldent par le retour entre deux gendarmes. Le recours à ce que l'on appelle la « colonie Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 7 agricole » est utilisé. Trois endroits sont mentionnés : - Belloy dans l'Oise - Guermanez à Emmerin dans le Nord - Mettray dans l'Indre et Loire. Je me permets de m'attarder un moment sur ces colonies agricoles. C'était en fait des colonies pénitentiaires. Leurs caractéristiques premières étaient d'être des institutions privées à caractère confessionnel. Comme le dit si bien Monsieur Ambroise Rendus : « La religion est la reine de cet asile offert aux repentis ». Il en fait un descriptif assez détaillé, dans le livre de lecture réalisé à l'usage des écoles primaires, en voici un extrait (cf. annexe: description de la colonie agricole de Mettray). En dehors des colonies agricoles, les lieux de travail des enfants placés en campagne étaient les suivants : Bergues, Wormhout, Esquelbecq, Petite-Synthe, Pitgam, Zeggers-Cappel, Arnècke, Morbecq, Eblinghem, Hondeghem, Bourbourg, Hazebrouck, Zuytpeene, Brouckerque. La répartition se fait vraiment à travers toute la campagne de Flandre. Leur sort était peu enviable, il était peut être meilleur que celui des enfants décrit par Bouchet, avec des mots très durs, il parlait de la Basse Ville, "antre d'une canaille empestée, débraillée et fainéante, où l'on ne voyait que des mendiants, des enfants couverts de haillons, les pieds nus, poursuivant des harcelant les passants d'une manière ennuyeuse et indigne": Certes, ils n'étaient pas à la rue, mais leur seul avenir était le travail domestique et agricole. Aucun contrôle officiel, aucune voix pour défendre l'enfant exploité à la ferme avec un salaire de misère, des conditions de travail, de logement laissés au bon vouloir de l'employeur. Le personnel agricole était logé dans des alcôves installées dans l'étable. J'ai relevé une allusion à la classe ouvrière agricole en janvier 1858. Elle signale simplement que leur situation est plus prospère qu'en 1856. Leur salaire s'élève à 1 franc par jour au lieu de 50 centimes ou 75 centimes. Cette remarque n'est faite que pour mettre en évidence la difficulté de recrutement de ce type de main-d’œuvre. Un menuisier chaudronnier gagnait à la même époque 2 francs à 2 francs 75. Il faudra attendre 1923 pour que le problème soit évoqué officiellement, avec un questionnaire envoyé par le Sous - Préfet de Dunkerque, à tous les maires de l'arrondissement: il porte sur l'importance du nombre d'ouvriers, les conditions de travail assurées, le logement pour les abriter, les organismes qui en assurent le Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 8 placement. Le sort des enfants est superbement ignoré. Relevé des registres livrets ouvriers Livrets ouvriers enfants de 1849 à 1856. Livrets ouvriers de jeunes de 16 à 18 ans ayant obtenu un livret ouvrier enfant de 1837 à 1873 (Mairie de Dunkerque et de Coudekerque-Branche). La loi, plus ou moins bien appliquée était tombée en désuétude. En 1845, elle est remise en vigueur et son application rigoureusement rétablie. Certains ouvriers prennent très mal cette initiative et rédigent même une pétition contre ce projet de loi, plus de 5.000 signatures sont recueillies et déposées sur le bureau de la Chambre, par Garnier Pages, rien n'y fait, la loi sera malgré tout votée. Année Mois Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre Total Note 1849 1850 G F 12 1 Pas d’embauche 8 1 5 14 14 14 G 1 1 2 2 5 3 2 3 3 3 F 4 11 5 3 1 1851 G 1 1 1 9 6 F 1 3 4 13 10 Pas d’embauche 3 2 7 11 1852 G F 4 2 3 9 14 7 8 3 2 3 4 3 12 3 5 7 6 1853 G F 1 1 2 6 5 5 7 1 1 5 5 2 6 1 6 4 10 3 1 3 6 1 5 Pas d’embauche Pas d’embauche 5 3 Pas d’embauche Pas d’embauche 1 Pas d’embauche Pas d’embauche 2 2 26 35 25 47 33 46 42 53 25 43 G = garçons / F = filles Tableau 6 Evolution de l’embauche par sexe Source : A.M.Dk, 7F.2 Age d’embauche Année 10 ans 11 ans 12 ans 13 ans 14 ans 15 ans 1849 1 4 3 21 20 19 1850 1 4 21 12 12 10 68 60 Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 9 1851 1852 1853 1854 1855 1856 Total 0 0 0 0 0 0 2 2 2 4 39 5 3 64 16 29 14 9 70 30 37 16 7 93 21 37 33 4 99 43 54 46 46 228 15 20 20 9 69 33 25 17 23 101 182 235 127 127 788 Tableau 7 Registre d’inscription des livrets ouvriers – Mairie de Dunkerque Age d’embauche Source : A.M.Dk, 7F.2 En 1854, le taux d’embauche des premiers enfants est très important : 39 enfants de 11 ans 43 enfants de 12 ans 54 enfants de 13 ans Page intérieure d’un livret ouvrier enfant (Archives municipales de Dunkerque) Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 10 Nom de l’établissement Age des enfants 8 ans 12 à 16 ans 3 4 Deux ateliers de tissage de Bergues Paresys Charpentier Sucrerie de Steene Degraeve Poterie de Watten Lourdeau Sucrerie Coppens à Hondschoote Emploi saisonnier d’enfants Manufacture de toile à voile 80 enfants sans Malo Dickson indication d’âge Tableau 8 Source : Archives Départementales du Nord – 5Z – D539 – 540 – 542 6 7 Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 11 Pages intérieures d’un livret ouvrier enfant (Archives municipales de Dunkerque) Remarques sur les tableaux 6 et 7 Les registres enfants sont très peu précis, ils indiquent : le sexe, l'âge, l'adresse. Les lieux de travail, par contre, ne sont pas indiqués, mais ils sont mentionnés sur les registres livrets ouvriers adultes, ce qui permet une indication des lieux d'emploi de la main d'œuvre jeunes. Pour compléter ces renseignements, les documents officiels établis par la sous-préfecture, donnent le nom et l'adresse des manufactures utilisant des enfants. Les demandes de livrets sont faites par les mères, les bellesmères, les sœurs, rarement par le père. A noter, en 1851, 14 embauches le même jour et très peu d'embauches en novembre et décembre. Tous les enfants en principe sont vaccinés et en 1852/1853, je remarque plusieurs enfants variolés. Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 12 Les lieux de travail Nous n'avons aucun chiffre officiel pour l'année 1857, c'était une période de grand marasme pour l'industrie dunkerquoise. Le commissaire de Dunkerque, écrit au préfet : "que la situation ouvrière à Dunkerque est loin d'être satisfaisante en 1856/1857" La manufacture Malo Dickson reste toujours en tête. Les filateurs, premiers pourvoyeurs d'emplois, n'hésitent pas à embaucher des familles entières. « La famille Hardy, de Liège venue ù Dunkerque pour travailler va habiter une maison en basse - ville, que nous louerons pour elle, lui donnant du travail dans nos établissements" Dunkerque, le 23 juillet 1866. La famille Hardy se compose uniquement de jeunes : Jean, 23 ans - Marie-Catherine, 18 ans - Zacharie, 12 ans Bernard, 10 ans. Fratrie apparemment sans parent, logée par l'employeur. Les années 1860 à 1866 soulignent bien l'essor de la manufacture. Certaines années présentent un taux d'embauches insignifiant : 4 en 1849 ; 2 en 1871 contre 89 en 1866. En 1842, un rapport officiel dénombre les enfants employés en manufacture. En 1843 la manufacture Dickson reste seule en lice officiellement pour le travail des enfants, avec les chiffres suivants : 1843 : 80 enfants sans indication d'âge 1845 : 77 enfants sans indication d'âge. Dix ans après, les renseignements sont plus exhaustifs. Année Sans indication 1853 1858 1859 1860 Garçons Moins de 12 ans 42 Moins de 16 ans Sans indication Filles Moins de 12 ans Moins de 16 ans 83 57 154 71 144 100 175 Sources : Archives Départementales du Nord 5Z – D539 – 540 542 Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 13 Origine des enfants employés chez Malo-Dickson Dunkerque Coudekerque-Branche Communes rurales Belgique Ecosse Autres 8 14 25 67 10 19 On peut remarquer l'importance de la main d'œuvre belge dont un effectif important venant de Schoore, suivent les communes rurales qui entourent Coudekerque-Branche et l'Ecosse. La diversité de provenances s'explique par l'origine étrangère des chefs d'entreprise (rappelons qu'ils étaient Ecossais, et que par la suite la famille Dickson a fait alliance avec des manufactures belges). Relevé des livrets ouvriers adultes délivrés en mairie de Dunkerque Jeunes de 16 à 18 ans de 1865 à 1862 Une remarque préalable s'impose, nous assistons dès 1854/1855 à une véritable expansion du machinisme à Dunkerque (rappelez-vous les 193 enfants embauchés en 1854, contre moins d'une centaine les autres années). En un mois, à partir du 5 août 1855, il y eut 891 embauches, dont 161, pour le seul atelier de Malo Constructeur, installé en Citadelle. La main d'œuvre qu'il utilise est intéressante à analyser. Ces jeunes de 16 ans ont pour la plupart déjà travaillé, ils sont tous porteurs de livrets ouvriers enfants. Ils possèdent une formation déclarée, de tourneurs sur métaux, ouvriers mécaniciens, charpentiers, ajusteurs. Il y a quelques journaliers et ils savent presque tous signer. Ce qui signifie un apprentissage professionnel assez sérieux, exceptionnel pour l'époque. Autres embauches importantes pour le même type de travail, réparties entre plusieurs petites industries ou artisans situés eux aussi en Citadelle : Obry, forgeron ; Lefebvre, forgeron ; Seys Frères ; et enfin Ziegler rue de la Grille. Essor différent, mais qui se révélera d'une importance capitale pour l'économie dunkerquoise, avec l'arrivée des filatures qui emboîtent le pas à l'incontournable Malo-Dickson, fer de lance de l'industrie : Kyd Frères rue Vauban ; Vancauwenberghe rue de Calais ; Ireland Frères à Coudekerque-Branche ; Broquart et Cie rue de Calais ; Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 14 Ravinet filateur à Dunkerque ; Mahieu et Hervé ; Guibert et Cie. Les artisans embauchent, eux aussi. J'ai noté les plus importants : Jantier, entrepreneur de travaux publics au port ; Dufour Auguste, maître maçon ; Brygoo, Hardeboole, maîtres cordonniers ; Lamarche, perruquier ; Dollet, coiffeur ; Behagel, brasseur. Viennent ensuite les listes des coiffeurs, bouchers, boulangers, serruriers, imprimeurs. Ce relevé permet une comparaison intéressante entre apprentis travaillant chez l'artisan et jeunes ouvriers en filature. Les points de comparaison sont les suivants : - le nombre d'embauches - la taille des jeunes - la maîtrise de la signature - l'origine des jeunes. Tableaux Embauche des jeunes de plus de 16 ans Taille Maîtrise de la signature Embauche des jeunes de plus de 16 ans Septembre 1855 à décembre 1856 60% 40% En une année le taux d’embauche des artisans est aussi important que celui de la filature Dickson Janvier 1857 à mai 1857 71% 23% L’essor de l’industrie se confirme, les maçons utilisent toujours autant de main d’œuvre : 14 sur 44 embauches pour 25 artisans Avril 1860 à décembre 1862 64% 36% Nouveaux venus dans les filatures, Herbaert J. Grandy et Broquart augmentent leur personnel, mais loin derrière Dickson qui continue sa progression. Janvier 1862 à avril 1862 33% 77% Ce relevé ne porte que sur 4 mois, mais il appelle plusieurs remarques : - un nombre important d’embauches à signaler : 149 de janvier à avril, alors que nous n’en notons que 128 pour l’année 1861. - La reprise spectaculaire du travail chez les artisans, 77% du taux d’embauche pour ces 4 mois, dont 18 chez les maçons, 8 chez les cordonniers et les charpentiers. Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 15 Sur les 758 noms relevés pour la période donnée, 132 sont mentionnés avec une délivrance d'un livret d'enfant. Quelques certificats peu nombreux accompagnent l'embauche chez les artisans, ils sont l'exception. Entreprises-Artisans Années (septembre 1855 à avril 1862) Usines Malo Dickson 72 84 51 53 21 Cholet & Cie 45 45 5 3 Broquart & Cie 72 6 20 4 Herbaert Grandy 1 2 2 Sucrerie Mahieux 3 Huilerie Marchand Distillerie 1 Constructeurs et autres Malo 18 4 3 Forgerons 13 6 2 Ziegler fondeur 3 1 1 Dubuisson 1 Artisans Boulangers 7 1 1 4 3 Cordonniers 10 5 3 8 Maçons 18 14 4 3 18 Menuisiers 6 5 6 Autres 30 24 20 28 55 Tableau 9 Embauche des jeunes de plus de 16 ans (avec livrets ouvriers d’enfants) Sources : Archives Municipales – Livrets ouvriers adultes – série 7.F2 La taille des jeunes C'est à l'âge de 16 ans, pour les jeunes employés en manufacture, que se situait le changement de livret ouvrier enfant en livret ouvrier adulte. Pour les artisans, il marquait la fin de l'apprentissage et l'entrée dans un travail d'adulte. La population étudiée à Dunkerque semble avoir une taille inférieure à celle relevée par M. P. Delesalle, dont le pointage concernait l'ensemble des jeunes du contingent militaire de 1841. Selon les chiffres donnés par M. Delesalle, la Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 16 moyenne du contingent de Dunkerque est de 1,67 m et la moyenne des hommes du Nord de 1,62 m. Les chiffres que j'ai relevés dans les registres livrets ouvriers de Dunkerque sont les suivants : Moyenne adolescents ouvriers 16 ans 17/18 ans Moyenne adolescents artisans 16 ans 17/18 ans Moyenne adolescentes 16 ans 17/18 ans 1,526m 1,568m 1,605m 1,606m 1,509m 1,529m Une moyenne est à introduire dans ces comparaisons de taille, les adolescents ouvriers n'ont sans doute pas, à 18 ans, atteint leur taille d'adulte, mais par rapport aux jeunes artisans, ils sont plus petits mais avec une évolution entre 16 et 18 ans, de 4 cm, alors que la taille des artisans reste stable. L'augmentation de la taille est moins marquée chez les filles, cela pourrait se justifier par une puberté plus précoce que chez les garçons. La taille plus élevée chez les jeunes artisans, laisse supposer un milieu social moins précaire que chez les jeunes ouvriers. La signature Périodes Sept 1855 à Déc1856 Janv 1857 à Mai 1857 Avr 1860 à Déc 1860 Janv 1861 à Déc 1861 Janv 1862 à Avr 1862 Artisans Savent Ne savent % signer pas signer 56 25 30% Manufactures Savent Ne savent % signer pas signer 28 57 67% 36 16 30% 113 42 27% 17 9 34% 25 37 59% 38 8 17% 24 56 70% 68 24 26% 15 14 48% Tableau 10 : Maîtrise de la signature Sources : A.M.Dk – Série 7F.2 Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 17 Il faut relativiser les informations qui ne reposent que sur les données que j'ai recueillies sur une période allant de septembre 1855 à avril 1862 et non sur l'ensemble de la population jeunes ouvriers/jeunes artisans. Sur les 758 noms observés, je note 132 délivrances de livrets d'enfants, et quelques certificats qui accompagnent l'embauche chez les artisans. Les jeunes employés comme maçons, sont, en général, incapables de signer. Dans les manufactures, les jeunes travaillant chez Chollet filature, ne savent pas signer. Alors que chez Malo-Dickson, le contraire apparaît en 1857, en 1855/1856, par contre les enfants embauchés ne maîtrisent pas la signature, malgré la délivrance d'un livret d'enfant signalant une participation à l'école. Origine des jeunes Ce chiffrage est fait à partir de deux années complètes de registres livrets ouvrier, 1856 et 1857. Dunkerque Coudekerque Petite-Synthe Communes rurales Autres : St Omer, Bourbourg, Gravelines Belgique Artisans Ouvriers 77 132 5 3 1 0 24 18 10 10 12 7 L'origine dunkerquoise est évidente : 79 % pour les ouvriers, 61 0/o pour les artisans. La provenance du monde rural est plus importante chez les artisans, il en est de même pour la Belgique et les autres communes. Si, nous nous reportons quelques années plus tard, en 1866/1867 les industries ont évolué, elles sont plus nombreuses à utiliser la main d'œuvre enfantine. L'application de la loi est demandée, mais comme souvent, son exécution est difficile. Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 18 Nom de l’entreprise Nombre d’Ets Filature de jute Filature de coton Filature filet de pêche Fonderie de cuivre Sucrerie mécanique Diverses Filature Steenbrock Malo & Cie Fonderie mécanique Watten Filature étoupes Filature de Bierne Distillerie Duriez 8 1 1 1 1 10 1 1 Nombre d’enfants employés 8 à 10 10 à 12 12 à 16 ans ans ans 61 287 642 1 6 3 53 86 2 6 18 4 13 3 34 5 2 12 5 10 10 3 Tableau 11 Liste des établissements employant des enfants 1866/1867 Dans quatre des nouvelles filatures, les enfants ne sont pas envoyés à l’école. A la fonderie mécanique Malo & Cie, l’enfant doit rester 3 ans dans l’établissement ; après deux ans d’apprentissage, il est rémunéré suivant ses aptitudes. Source : A.D.N. – 5Z539 – 540 -543 A Saint-Pol-sur-Mer on dénombre 1894 104 livrets d’apprentis 69 livrets 2 serruriers d’ouvriers 6 maçons dont 61 journaliers 1895 117 livrets 58 livrets 3 charpentiers d’apprentis ouvriers 2 chauffeurs dont 1 maçon 52 journaliers 1896 121 livrets d’apprentis 76 livrets 2 maçons ouvriers 1 plafonnier dont 3 mécaniciens 65 journaliers Les journaliers travaillent en filature. Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 19 Liste des métiers de Dunkerque 1894 – 1895 - 1896 Ajusteurs mécaniciens Plombiers Homme de peine Bambocheuses Rattacheurs Maçons Charpentiers Retordeurs Malteuses Chauffeurs Tailleurs d’habit Ouvriers de filature Cordeurs Teinturiers Peintres Dévideuses Tordeurs d’huile Plafonneurs Fileuses Bobineuses Ramoneurs Jardiniers Bouchers Rempailleurs de chaises Magasiniers Chaudronniers Selliers Mouleurs Coiffeurs Tailleurs de pierres Pâtissiers Cordonniers Tisseuses Piqueuses Emargeuses Tourneurs en fer Liste des métiers sur Bergues 1894 -1895 - 1896 Bateliers Maçons Bijoutiers Bouchers Tonneliers Menuisiers Garçons de manège Charretiers Zingueurs Servantes Colporteurs Boulangers Ouvriers agricoles Ebénistes Cordonniers Repasseuses Journaliers Coiffeurs Comparaison avec Dunkerque Importance à Dunkerque des métiers touchant à la filature en 1894 Embauche 35 ouvriers de filature 35 en 1894 de 66 en 1896 Hommes de peine 17 en 1894 29 en 1895 36 en 1896 Tisseuses 5 en 1894 5 en 1895 Fonctions annexes de 18 en 1894 avec en plus 6, 8, 15 filage et tissage fileuses (1894 – 1895 – 1896) Viennent ensuite la chaudronnerie et la forge. Les métiers artisanaux se partagent le reste à proportion de 1 à 2 par an, leur diversité donne une image de la vie à Dunkerque, les métiers de la mer en étaient exclus. Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 20 A Bergues, c'est le caractère rural qui est conforté, avec les garçons de manège, les tonneliers, les colporteurs et bien entendu la batellerie ainsi qu'une proportion plus forte de servantes, journaliers et ouvriers agricoles. Aucune indication de la présence d'enfants dans les métiers, mais nous savons qu'ils sont présents grâce au relevé des registres de l'hôpital, au nombre d'enfants abandonnés, placés comme servantes ou journaliers dans la campagne. Sources : A.D.N. - Séries 5Z 543. Les conditions de vie Les enfants supportent de dures privations, le pain est le poste principal de l'alimentation ouvrière. Malgré la charité publique, bien des misères ne peuvent être soulagées. Les patrons, mus par un sentiment bien naturel de compassion, ont élevé le taux de leurs salaires : - salaire des ouvriers agricoles : 1F par jour au lieu de 50 ou 75 cts - salaire des ouvriers menuisiers : 2,50 F à 2,75 F par jour - mécaniciens, chaudronniers, forgerons : 2 à 5 F par jour suivant leurs capacités, ou la nature de leur travail. Dans le textile, les prix se situent entre 2 F par jour pour un ouvrier, 1 F pour une femme, 45 centimes pour un enfant de moins de 12 ans, et 75 centimes pour un apprenti de 16 ans. Le prix du pain va de 20 centimes le kg à 40 centimes. Ces chiffres nous permettent d'apprécier le faible salaire attribué aux femmes et enfants ouvriers ainsi que leur pouvoir d'achat par rapport au prix du pain. Mais en 1858, la situation économique s'améliore, de nouvelles industries s'installent, au Jeu de Mail par exemple. - Une usine pour la fabrication de filets - Une usine à huile... En basse - ville, une usine importante, en raison de l'influence qu'elle a sur les denrées a commencé de fonctionner, elle livre à la consommation des produits de qualité supérieure à des prix inférieurs à ceux des boulangers et lorsque l'on connaît l'importance du pain dans l'alimentation des familles, cet élément est important. Cette arrivée du machinisme bouleverse la vie économique dunkerquoise et n'est pas sans influence sur les conditions de vie de la population, embauche, chômage, disette, les familles sont dépendantes Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 21 du travail au jour le jour. Entassées dans certains quartiers de la ville, avec un logement précaire, elles vivent dans des conditions d'insalubrité et de surpeuplement insupportables. Il n'existe pas à Dunkerque de courées comme dans la métropole lilloise, mais nous n'en sommes pas loin. La basse - ville, Dunkerque centre et les quartiers des quais abritent les familles ouvrières. Valéry Strady, dans son mémoire de maîtrise sur le milieu ouvrier à Dunkerque, signale un degré de cohabitation pouvant aller jusqu'à 34 personnes par maison. JeanMarie Goris dénombre de 9 à 22 personnes par immeuble dans certaines rues de la basse - ville. La répartition spatiale des familles ouvrières dans la ville de Dunkerque, faite d'après le relevé des adresses données dans le registre de travail de la ville de Dunkerque, donne les chiffres suivants : Lieux d’habitation dans Dunkerque Quai de Furnes 18 Rue des Pierres 10 Quai de Saint-Omer 10 Rue du Fort Louis 11 Rue Caumartin 23 Rue du Lion d’Or 30 Rue Dampierre 12 Rue du Milieu 53 Rue de Furnes 12 Rue du Petit Jardin 11 Rue de l’Abattoir 48 Rue Neuve 24 Rue de l’Abreuvoir 22 Rue Royale 21 Rue de l’Esplanade 12 Rue Saint Gilles 36 Rue de la Paix 107 Rue Tomegali 13 Rue de la Verrerie 27 Rue Vauban 29 Rue de Soubise 22 Tableau 12 Travail sur les relevés des registres d’inscription des livrets ouvriers enfants Source : A.M.Dk, 7F2 (1849-1856) La description de l'état de la ville en 1864, permet d'apprécier la qualité de l'environnement des lieux de vie des familles qu'elles retrouvaient après de longues journées de travail à l'usine. Une pétition avait, à l'époque, était adressée au Maire de Dunkerque, elle portait sur l'état déplorable de la cité : Henri Durin en fait état dans un article paru dans le Bulletin de l'Union Faulconnier : "Elle fait état de l'abandon, dans lequel sont restées certaines rues depuis longtemps, l'absence d'éclairage est mentionné, il existe des quartiers complètement délaissés, véritables foyers d'infection, Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 22 cloaques inabordables. Composés de dédales de ruelles, de petits passages sans aboutissement, sans débouchés". Au Jeu de Mail par exemple, une rue ouverte devient un bourbier inabordable, infect, notamment en hiver, l'écoulement des eaux ménagères n'est pas assuré... En basse - ville, un certain nombre de rues n'ont que des chaussées de gravier, les accotements ne sont pas garnis. La rue St Bernard est à l'état de bourbier infect, sans égout, son extrémité vers l'abattoir sert de dépôts d'immondices. En ville, les rues du Levant, de l'Est sont elles aussi laissées à l'abandon. Le rapport du Dr Duriau, sur l'hygiène publique à Dunkerque, entérine ce tableau : "Les conditions misérables dans lesquelles vivaient les ouvriers dans cette basse - ville aux cours mal aérées, infectes, logeant des familles entières dans des chambres au cube d'air insuffisant, par suite insalubres, à l'eau de boisson puisée dans des citernes, à l'ingestion excessive de boissons alcooliques... La voirie, les égouts, étaient autant de portes ouvertes à l'infection" (Mémoires de la Société Dunkerquoise, 1903). Triste état des lieux, les progrès de l'hygiène n'ont pas encore proscrit les rejets de toutes sortes de liquides dans les ruisseaux, et là, surprise, la comparaison avec la grande ville ouvrière de Roubaix, n'est pas à l'avantage de Dunkerque... Les conditions de travail Le poids du travail, quel qu'il soit reste pour l'enfant très dur à supporter, il s'ajoute, nous l'avons vu, à des conditions de vie très difficiles. Tout s'additionne : - la nature du travail - le nombre d'heures ouvrées - les ateliers malsains pour les enfants travaillant en usine - la promiscuité hommes, femmes, enfants - les salaires de misère, le chômage intermittent, mal endémique, pire que le travail lui-même, puisqu'il signifie, la faim au foyer. Des voix s'élèvent de toutes parts, pour dénoncer les abus, le sort misérable fait à cette main d'œuvre disponible et sans qualification. Il n'est que de lire Villerme, et son classique "Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton en 1840", je cite : "Les enfants qui n'ont pas encore de force pour tisser Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 23 préparent les fils et ceux qui tissent sont figés d'au moins 15 ans. Les premiers ateliers étaient presque toujours des pièces sombres, humides, peu ou pas aérées. Ce choix de locaux était fait pour conserver aux chaînes leur élasticité, leur souplesse qui empêche le fil de se rompre malgré les inconvénients qui en résultent pour la santé' : Ce rapport réalisé en vue de préparer la première loi sur le travail des enfants, trouve cependant que le travail en fabrique est meilleur que le tissage à domicile : "Les tisserands à la main ou au bras qui travaillent chez eux n'ont pas autant d'air à respirer qu'un ouvrier travaillant en usine, 13 à 16 m3 à domicile, contre 50 à 55 m3 par ouvrier en usine". Rappelons qu'en Flandre, Bergues, Hondschoote et autres villages ruraux comportaient nombre de métiers à tisser individuels. Dickson, traitait même avec ces ouvriers tisseurs en cas de presse pour la fourniture de toiles de lin. Il recense quand même les effets pernicieux attribués "à l'huile qui sert à graisser les rouages des machines, qui imbibe les pièces des métiers, de la colle dont se servent les tisserands pour donner de la souplesse au fil, de la teinture qui répand des odeurs désagréables": Mais, souligne-t-il : "c'est à peine si les ouvriers, enfants compris, s'en aperçoivent, ils remarqueraient plutôt leur absence. Les exhalaisons des individus sont moins misérables à l'atelier que chez eux". Les maladies qui les atteignent ne sont pas produites par le travail forcé, mais sont en cause, le défaut de soins, l'insuffisance de la nourriture, sa mauvaise qualité, le séjour dans des espèces de caves, les habitudes d'imprévoyance, d'ivrognerie et il ajoute quand même... le salaire donné en dessous des besoins. En l'an 1840, on estimait que les ouvriers des deux sexes employés dans les manufactures de coton étaient au nombre de 900.000 dont 100 à 150.000 enfants des deux sexes de 14 à 17 ans, il y avait même des enfants de 6 à 5 ans au travail (rapport de M. Beauvisage, document parlementaire, Chambre des Députés, 15 juin 1839). A la même époque la journée de travail était de 13, 14, 15 heures et plus, imposée à tout le personnel, sans distinction de sexe, ni d'âge. L'obligation du travail de nuit était étendue à tous, y compris les enfants de moins de 8 ans, si cela était nécessaire. Cette longue journée était pour les tout petits une cruauté, ils avaient un tel besoin Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 24 de dormir, que souvent ils dormaient debout, pour les réveiller, on les battait (nerf de bœuf dans certaines régions). Et Villermé rappelle que les usages et les règlements fixaient la journée des forçats à 10 heures avec les temps de repos. "C'était une torture que l'on infligeait aux enfants de 6 à 8 ans mal nourris, mal vêtus, obligés de se mettre en route vers l'usine dès 5 heures du matin". Mais Villermé, termine sur une note optimiste : "Les enfants qui commencent à travailler dès l'âge de 10 à 12 ans, jouissent d'une meilleure santé, et ont plus de force dans les jambes à 25 ans, que s'ils avaient commencé le travail à 13 ans ou 16 ans au plus tard' Ce tableau fait une impression très forte sur l'Académie des Sciences morales et politiques qui avait commandé l'enquête, et adresse aussitôt une pétition à la Chambre des Députés. C'est Billaudel qui se fait le rapporteur des pétitionnaires à la Chambre. A cette plainte des pétitionnaires, s'ajoute la voie des militaires : « La population des fabriques était en général moins vigoureuse que celle des campagnes, le nombre de conscrits impropres au service augmente d'année en année, si cet état des choses devait continuer, dans un temps relativement court, on ne trouverait que 10 hommes sur 100 capables de porter les armes ». Monsieur le Baron Charles Dupin, défendit les jeunes enfants avec ardeur : "Les législateurs, dit-il, ne peuvent rester indifférents à la souffrance intolérable". Le vote de la Loi du 24 mars 1841, sur le travail des enfants, ne se fit pas sans difficultés, les détracteurs lui opposent deux grands principes : - celui de l'autorité paternelle : les enfants sont en usine parce que le père les y autorise ; - celui de la liberté industrielle. La Loi est quand même votée par les Députés, mais l'indifférence devant le problème social est manifeste, on note : 210 voix pour 17 contre 220 abstentions. Elle est promulguée le 22 mars 1841. Sera-t-elle comme le souhaite Villermé, le remède au dépérissement des enfants dans les manufactures ? La solution se trouve, dit-il, dans un règlement qui fixerait, d'après l'âge des ouvriers, un maximum à la durée journalière de travail. C'est effectivement le sens des principales réformes fixées par la Loi : Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 25 - âge d'embauche : 8 ans - de 12 à 16 ans : 12 heures de travail - en dessous de 13 ans : travail de nuit interdit, sauf dans les cas d'usines à feu continu - livret d'ouvrier obligatoire, délivré par les mairies - lois et règlement intérieur affichés dans l'usine. Le vote de cette Loi apporte quelques améliorations dans le travail des enfants, malheureusement, elle ne s'applique qu'aux ateliers de plus de 20 ouvriers, et comme je l'ai déjà souligné, les conditions de travail des enfants employés ailleurs que dans les manufactures sont omises de cette réglementation. Des commissions de surveillance concernant l'application de la Loi sont mises en place par les sous-préfectures, leur efficacité est toute relative, elles sont composées uniquement de membres bénévoles qui montrent peu d'empressement à s'acquitter de cette tâche. Dunkerque, comme nous le verrons en examinant le fonctionnement de cette commission n'échappe pas à la règle. Dès 1842, la sous-préfecture de Dunkerque, met en place la commission de surveillance dont l'objectif est de surveiller et assurer l'exécution de la Loi du 22 mars 1841 sur le travail des enfants dans les manufactures, usines et ateliers. On peut admirer la promptitude avec laquelle la commission se réunit, composée uniquement de bénévoles, elle paraît pleine de zèle. Ses membres prêtent serment, se fixent un programme de travail. Les premières inspections, laissent planer quelques doutes sur leur efficacité. Ils constatent, le plus naturellement du monde : - que les enfants de 12 à 16 ans, travaillent au moins 72 heures par semaine. Approuvent les règlements intérieurs de police des manufactures où sont notées: - l'interdiction de tout acte de brutalité à l'égard des enfants - l'obligation d'empêcher toute influence dangereuse pour leur moralité et d'assurer les conditions morales de salubrité, de sécurité, nécessaire à la vie et à la santé. L'atmosphère délétère des ateliers, décrite par Villermé, ne les frappe aucunement. Cet aspect du problème sera, par la suite, totalement ignoré par la commission. Elle ne s'intéresse qu'au fonctionnement des écoles, à la surveillance des bonnes mœurs dans les ateliers, et à l'instruction religieuse des enfants... Par exemple, l'organisation vicieuse de l'instruction primaire chez Malo-Dickson, Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 26 attire sa grogne, elle trouve également intolérable de mélanger les sexes et d'avoir un instituteur qui dirige l'école des filles. Dans les années qui suivront, ces divers points : les bonnes mœurs, la séparation des sexes à l'école, une institutrice pour les filles, l'obligation d'assistance à la messe, constitueront leur programme essentiel de travail... En 1856, pour les garçons et filles de 12 à 16 ans, la journée commence à 6h30 le matin et se termine à 19h30 le soir. 1 heure de repos par jour : 1/2 heure à 9 heures et 1/ 1/2 heure à 14 heures. Hors atelier. La durée du travail est la même chez Broquart Hochart & Cie que chez Malo-Dickson. Les enfants ne sont à l'ouvrage, ni la nuit, ni le dimanche, ils sont tous pourvus d'un livret. Conclusion de la commission : les enfants peuvent continuer le genre de labeur auquel ils sont employés. La commission poursuit sa tâche dans le même esprit l'année suivante, la manufacture Malo-Dickson, est l'objet d'une stricte surveillance. Le manufacturier est loué pour la qualité de l'instruction religieuse donnée aux enfants, bien qu'il appartienne à la religion réformée. 154 filles et 71 garçons sont conduits chaque semaine à la messe. La lecture de ces rapports nous interroge sur l'efficacité de sa mission. Dix ans plus tard, en 1866, le ministère de l'Agriculture et des Travaux Publics se pose la question et lance une enquête auprès des notabilités, afin de connaître comment la Loi de 1841 est appliquée. Question numéro 1 : Comment la loi de 1841 est-elle exécutée ? Question numéro 2 : Comment est organisé le service de l'Inspection ? Les commissions fonctionnent-elles régulièrement ? Quel est pour l'année 1866, le nombre de visites, de P.V., de poursuites, de condamnations ? Les réponses sont surprenantes : Le Maire d'Armbouts-Cappel déclare, qu'en fait, tout se passe comme si la Loi n'existait pas, aucune visite n'avait été faite en 1866, les difficultés découlent : "de la négligence que l'on met dans l'exécution ignominieuse de la loi" Il faudrait étendre le régime à tous les établissements employant des enfants, hors la famille ainsi qu'aux conditions d'apprentissage. - défendre le travail de nuit comme éminemment contraire à la santé, la destinée de l'homme étant le travail de jour et le repos la Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 27 nuit, même pour l'adulte, et à bien plus forte raison pour l'enfant ; - maintenir la durée de travail de jour actuelle, en élevant le minimum d'âge à 15ans ; - rendre la fréquentation de l'école obligatoire jusqu'à 15 ans. La ville de Dunkerque signale que tout se passe normalement, il n'y a pas d'enfants au travail en dessous de 8 ans. Les horaires sont respectés : 8 heures pour les enfants de moins de 12 ans. Le repos des dimanches et fêtes est bien observé, il n'y a pas de travail de nuit, seule l'instruction primaire laisse à désirer. Elle souhaite que la commission comporte plus de membres actifs, afin de mieux organiser la charge de surveillance des usines. Des propositions sont faites pour améliorer le système : - adjoindre des juges de paix au comité de surveillance, ces fonctionnaires auraient plus de crédit auprès des industriels. Cette remarque en dit long sur l'état d'esprit des industriels ; - élever l'âge minimum de travail de 8 à 12 ans ; - rendre l'école obligatoire. Pour Monsieur le Doyen, curé de St Jean-Baptiste, la Loi est observée, avec quelques transgressions. A la filature Detraux & Cie, tout est normal, l'usine est visitée régulièrement, 80 enfants supportent sans fatigue la durée du travail qui n'est pas exagérée. Le Juge de Paix de Gravelines, déclare que pour la sucrerie Duriez, il y a 10 enfants de 10 à 15 ans, qui travaillent 10 heures par jour, avec un travail de nuit, pendant une semaine alternativement. Ils ne fréquentent pas l'école, et en 1866, aucune visite n'a été faite dans cet établissement. A Hondschoote et Watten, Monsieur Gouvaert, membre du comité de surveillance, estime que la Loi est bien observée, seule la durée du travail de nuit dépasse un peu les limites à Watten. Il pense qu'il n'y a pas d'amélioration à apporter dans le travail des enfants, le moment n'étant pas opportun étant donné le calme des affaires. Autre estimation que celle du maire d'Esquelbecq, nommé au comité de surveillance, il n'a jamais été convoqué. Le conseil municipal s'est d'ailleurs ému de cet état de fait, il existe dit-il une loi fort sage pour réprimer l'excès de travail des enfants, et cette loi n'est pas appliquée. Le rapport de la sous-préfecture remarque une diminution de 59 enfants dans le nombre des élèves des écoles primaires. Il attribue ce fait à l'établissement des manufactures qui les enlèvent à l'école, et craint que l'excès de travail imposé aux enfants de Dunkerque, en fasse une race chétive, malade et ignorante. Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 28 Les réponses sont intéressantes, significatives dans leurs contradictions d'un état de fait qui souligne les difficultés d'une commission qui manque de moyens pour agir efficacement et qui concentre son regard sur les manufactures les plus importantes, en ignorant l'essentiel, l'hygiène, la sécurité, le travail disproportionné aux forces de l'enfant... Les temps ne sont pas encore venus, ils approchent tout doucement. Est-ce à dire qu'à Dunkerque, les enfants au travail sont dans une situation plus difficile à supporter qu'ailleurs ? Cette situation varie peu dans toutes les villes manufacturières du Nord de la France. La nature du travail reste la même. On voit des éplucheuses et des cardeuses condamnées à vivre au milieu d'épais nuages de poussières, et ce sont les femmes et les enfants qui sont chargés de ce travail, parce que paraît-il, ils le supportent mieux. Un effort des manufactures est constaté pour améliorer les conditions de travail, étendue des ateliers, ventilation, éclairage, propreté même. Effectivement la manufacture Dickson, par exemple, a été reconnue comme un modèle à suivre. Mais les problèmes inhérents au traitement et à l'usinage de la matière première sont incontournables : battage et épluchage, humidité nécessaire pour la filature de lin, chaleur excessive des ateliers, temps trop court laissé pour les repas des enfants, longueur du temps de travail, jamais moins de 12 heures, sans compter les trajets et nous avons vu qu'ils logent très souvent loin de l'usine. Séparés de leur mère, les enfants ne reçoivent ni caresse, ni soins, ils sont abandonnés à eux-mêmes alors qu'ils ont tant besoin d'être reconnu. Adolphe Blanqui, dans son constat de la situation de la classe ouvrière en France, réalisé pour l'Académie des Sciences morales et politiques, en 1848, constate que la misère pèse d'un poids inégal sur les membres divers de la famille industrielle : il y a une différence énorme entre le paysan, qui travaille libre et au grand air, maître de la cabane qui l'a vu naître, et l'ouvrier de la manufacture, locataire souvent insolvable d'un réduit chétif et malsain. Il y a une différence de condition entre les ouvriers du Nord et ceux du Midi. On ne rencontre jamais dans le Midi, d'enfants scrofuleux, rabougris, rachitiques, par troupes comme dans certaines villes du Nord. On n'y voit pas non plus de ces jeunes invalides qui ont perdu un doigt, une main, ou un bras engagé dans les engrenages perfides de la filature de coton ou de lin. L'esprit des populations ouvrières n'est pas la même à Rouen, au Havre, à Lille ou à Dunkerque. Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 29 Il est vrai qu'à Dunkerque l'évolution industrielle a été moins rapide que dans les grandes villes industrielles comme Lille, Roubaix et Tourcoing. La diversité de ses activités, portuaires, de pêche, maraîchage, batellerie, construction navale, a été un facteur qui a freiné l'exploitation unilatérale d'une partie de la population. Nous voyons des industries s'installer à la suite de MaloDickson, en 1840 les mots usines, industries, ne sont pas encore utilisés, on ne mentionne que les ateliers, et les "fabriques", terme qui restera très longtemps implanté dans le vocabulaire populaire : on travaille à la fabrique. A la fin du siècle les industries ont progressivement envahi toute la banlieue dunkerquoise, St Pol-sur-Mer, Coudekerque, PetiteSynthe, Rosendaël, etc... Une véritable population ouvrière se développe autour de l'usine, avec ses façons de vivre, de parler, ses coutumes, ses traditions, et toujours ses enfants au travail. Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 30 Mais les lois ont changé, les conditions de logement, l'hygiène, sont pris en compte par les industriels, des œuvres sont créées, comme "la goutte de lait, le patronage, l'école obligatoire remplace l'écolage". Le sort de l'enfant s'améliore. Cependant, au début du siècle, il est encore mis au travail parfois dès l'âge de 9 ans. Nous avons des exemples précis à donner qui nous viennent de nos anciens. Le combat n'est pas encore terminé, et même au début du 20èmesiècle, en 1907, un commerçant (nous avons très peu parlé d'eux), demande une dérogation pour travailler le dimanche, et cela concerne sa jeune employée de magasin et sa petite bonne. Les progrès sont certes satisfaisants à Dunkerque, mais je veux rappeler ici la lutte que mena, tout près de nous, l'abbé Jules Lemire, contre le travail de nuit des femmes et des enfants, dans les usines à feu continu. Il dénonce violemment ce qui se passe et l'exploitation de cette main d'œuvre à bon marché, dans des conditions inhumaines de travail. Un exemple est donné dans une verrerie d'Arques, dans le Pas-de-Calais, les enfants venaient des campagnes environnantes en grande quantité et je rappelle que ce travail de nuit existait encore à cette époque dans nos sucreries et distilleries... Tout n'était pas terminé. Mais l'histoire et le progrès étaient en marche, ils permettront aux enfants de Dunkerque, comme à ceux de toute la France, de s'affranchir du lourd fardeau du travail trop pesant pour leurs épaules. Et pour conclure, je n'ai pu m'empêcher de penser, en faisant cette étude à tous les enfants qui continuent à être écrasés un peu partout dans le monde, mais c'est une autre histoire... Annexe Description de la colonie agricole de Mettray (Indre et Loire) d'après les récits moraux et instructifs d'Ambroise Rendu & Fils "Transportons-nous dans cette Touraine que l'on a nommée à bon droit, le Jardin de la France. Au milieu d'une magnifique campagne, s'élève k clocher d'une chapelle, et de chaque côté un certain nombre de petits bâtiments... Là, sont des dortoirs, des ateliers, des magasins, là demeurent un grand nombre de jeunes agriculteurs que vous Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 31 voyez chaque matin se rendre aux travaux des champs, sous la conduite de contremaîtres un peu plus âgés qu'eux-mêmes qui leur donnent l'exemple de la bonne conduite et de l'activité. Le dimanche, les jours de fête ils exécutent avec un ensemble parfait des morceaux de musique religieuse ou guerrière... Les airs de santé de paix et de joie brillent sur tous les visages, c'est la colonie agricole de Mettray, et les colons sont de jeunes détenus ramenés par la direction à l'honnêteté à la religion au bonheur. On aura une idée du fruit précieux que produit cette institution, quand on saura que sur 90 enfants amenés à la colonie après avoir commis des fautes plus ou moins graves, et remis en liberté à l'expiration du temps fi x é 79 n'ont donné aucun sujet de reproche. La religion est la reine de cet asile offert au repentir, la croix brille et plane au-dessus des habitations des colons et le clocher abrite leur enfance. Si parfois, courbés sous k poids du travail et de la chaleur, ils s'arrêtent abattus, un regard jeté sur la douce image de Marie, leur fait facilement oublier leurs peines en ranimant leur courage..." Sources 1. Archives départementales du Nord - Sous série 5Z : Sous Préfecture de Dunkerque. Liasses : Le travail des enfants. Les livrets ouvriers. D.539 - D.540 - D.54I - D.542 - D.543 (1860 à 1896). 2. Archives municipales de Dunkerque. Sous série 7F-1 : Situation de la classe ouvrière (commissaire de Dunkerque au maire de Dunkerque) Sous série 7F-2 : Livrets ouvriers enfants de la Mairie de Dunkerque (1849/1856) : ce registre de demandes de livrets ouvriers d'enfants ne comporte pas d'indication concernant le lieu de travail de l'entant. Livrets ouvriers adultes (1855/1856) : ce registre signale le lieu de travail ce qui permet en relevant la liste des adolescents de 16 à 18 ans ayant obtenu un livret ouvrier enfant, de mesurer l'importance d'une répartition ouvriers/artisans. Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 32 3. Archives hospitalières de Dunkerque. F.11 : enfants assistés F.2-3 bis : garçons F.2-3 ter : filles (1800/1813) F.1-13 : registre matricule de la population (1866/1874) F.2-22 : orphelins ou enfants de familles indigentes F.2-23 : enfants assistés (1851/1874). Elles relèvent une catégorie différente d'enfants : ceux placés "en condition" c'est-à-dire comme domestiques, soir en ville, soit à la campagne. Leur sort n'est pas plus enviable que celui des enfants ouvriers, tant s'en faut. 4. Archives municipales de Coudekerque-Branche. Liasse de livrets ouvriers d'enfants. Ces diverses sources élargissent un champ d'observation dans le temps comme dans l'espace : années 1800 à 1825 pour les enfants de l'hôpital années 1849 à 1856 pour les enfants avec livrets ouvriers années 1837 à 1873 pour les jeunes de moins de 18 ans ayant obtenu un livret ouvrier d'enfants avec des lacunes de 1847 à 1853, 1857 à 1860, 1863 à 1876. Inventaire fragmenté qui se révèle quand même intéressant par les regroupements qu'il autorise, approche non exhaustive donc, mais les hypothèses qu'elle suggère sont confirmées par certains rapports et comptes rendus administratifs. L'interrogation reste vive en constatant que les conditions réelles de vie, d'habitat, de travail sont peu évoquées dans les rapports officiels. On ne se pose aucune question, en dehors de celles provoquées par les atteintes à la morale ou à la religion. 5. Imprimés ayant valeur de sources. Journal "L'Autorité" du 12 janvier (1869). Travail des enfants dans les manufactures. Enquête sur les livrets ouvriers. B.U.F. Situation déplorable de la ville de Dunkerque en 1864. Durin (1925). B.U.F. L'hygiène à Dunkerque - Tome 4 (1901). B.U.P. La goutte de Lait - Dr Lancry - Tome 7 (1904). B.U.F. Le sanatorium de Zuydcoote - Dr Lancry - Tome 7 (1904). Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 33 Rapport pour la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lille. Des classes ouvrières en France en 1848 - Adolphe Blanqui. Rapport sur le travail des femmes et des enfants dans les manufactures à feu continu, pour l'Académie des Sciences Morales et Politiques (Paris 1910) - Abbé Jules Lemire. Mémoire de la Société Dunkerquoise (1903). Rapport du Dr Duriau sur l'hygiène publique à Dunkerque. Odette Bonte Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. 34