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Tout un échafaudage l’entoure actuellement dans la nef, et semble grimper jusqu’au ciel. Une installation indispensable pour nettoyer le magnifique instrument, une opération qui n’a lieu que tous les 30 ans. Ce chantier n’est pas une reconstruction de l’instrument à vent comme en 1981 – dernière en date jusqu’alors – c’est un simple « relevage », une restauration, un coup de jeune. Enfin simple, c’est vite dit : il faut démonter les tuyaux, reposer de la feuille d’or, faire briller, harmoniser… Le tout sans perdre en authenticité. Le savoir-faire requis est exigeant, il faut être polyvalent. C’est un facteur d’orgue de Sélestat, Richard Dott, et un doreur sur bois schilikois, Pascal Meyer, qui sont les artistes de ce chantier. Depuis la nef, on ne voit même plus l’orgue derrière les barreaux de l’échafaudage. Cette forteresse métallique demeure la seule face visible du travail colossal qu’ils ont entrepris depuis le 5 janvier. Le plus vieux des tuyaux date de 1714 « 30 ans de poussière, c’est 30 % de sonorité de perdu», déplore Richard Dott, l’oreille du chantier, tout là-haut, au sommet de la dizaine de paliers de l’échafaudage. L’orgue, il le connaît bien. Il était déjà présent en 1981 comme ouvrier lors de sa dernière reconstruction par son maître, Alfred Kern. L’homme est passionné, il va et vient entre les différents étages : « La particularité de ce chantier, c’est son histoire. » Le plus vieux des 3 580 tuyaux date de 1714. La signature de son illustre créateur, André Silbermann, y est même gravée. Aujourd’hui, seulement 10 % des tuyaux de l’époque chantent encore. Ils sont bavards et racontent l’histoire de la cathédrale et celle de la région. Sur l’un d’eux, une inscription : « bombardé par les Allemands/août-sept 1870/restauré aux ordres de Gustave Klotz/1873/Vive la France ! » En contrebas, gravé à la main : « Vive l’Allemagne ! ». Un commentaire rayé depuis… Le plus gros des tubes mesure quasiment huit mètres et pèse 156 kg quand le plus petit ne fait que quelques centimètres. Richard Dott a dû en démonter certains un par un pour pouvoir les nettoyer de fond en comble. « Un orgue, c’est un orchestre complet », explique-t-il en effleurant les tuyaux de sa plume d’oie. Plus le tuyau est long, plus le son est grave. La suie accumulée pendant ses trente dernières années a altéré le son des tuyaux. En plus de la mission de nettoyage, le facteur d’orgue a aussi posé quelques tuyaux neufs, utilisant plus de plomb pour des sons « doux » et plus d’étain pour des sons « brillants ». Transmettre l’histoire mais aussi la découvrir Du grand art, un réel expert. « Monsieur Dott est dessinateur, menuisier, mécanicien, harmoniste… », commente, admiratif, Marc Baumann, organiste titulaire depuis 20 ans à la cathédrale. L’ouïe de l’artisan est en effet aux aguets. Armé d’accordoirs et d’étouffoirs, il devient le Dieu du grand orgue, contrôlant chacune de ses notes qu’il ajuste à son gré. ajuste à son gré. Le buffet recouvert de feuille d’or est la partie la plus vieille de l’instrument : la partie inférieure de l’orgue, pendant dans le vide d’où le nom de « pendentif », est datée de 1385. C’est le plus vieux au monde. Le reste a 526 ans. Pour Pascal Meyer, maître doreur, l’essentiel était de « garder au maximum la dorure ancienne, de respecter et de ne rien inventer ». Passionné, Marc Baumann lance : « Si Alfred Silberman revoyait le buffet aujourd’hui, il ne devrait rien trouver de changé. » De là-haut, c’est une vue exceptionnelle de la cathédrale qui s’ouvre aux artisans. Des merveilles invisibles ici bas sont redécouvertes. Comme ces deux personnages dissimulés dans la forêt des feuillages d’or et sous la poussière qui se battent : est-ce Caïn et Abel, un homme et une femme ? La question est ouverte. En nettoyant, Pascal Meyer s’est aussi aperçu que certaines parties du buffet n’étaient pas recouvertes de feuillage d’or mais de cuivre… Un cuivre oxydable, jurant avec la beauté d’or de l’orgue. La société des Amis de la cathédrale s’est portée volontaire pour financer les 40 000 euros nécessaires à cette « sur-restauration » imprévue. La totalité du chantier s’élève à 170 000 euros, payés par la direction régionale des affaires culturelles. Un tel travail est l’occasion de sonder le bois, de faire des études archéologiques, bref, d’analyser le chef-d’œuvre. Il faut souffrir pour être beau Jusqu’aux vacances de Pâques, date de la fin du chantier, quelques couacs se répercuteront dans la cathédrale. Mais c’est pour le bien de l’orgue. Certaines oreilles se hérisseront sans doute parfois dans cette recherche de l’harmonie. Mais les visiteurs se dressent sur la pointe des pieds, tendent l’oreille et se tortillent pour tenter de distinguer celui qui fait chanter la cathédrale. 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