Monsanto cache-t-il au monde les effets sanitaires des OGM qu`il

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Monsanto cache-t-il au monde les effets sanitaires des OGM qu`il
Monsanto cache-t-il au monde les effets sanitaires des OGM qu'il met sur le marché ?
Entretien avec le professeur Gilles-Eric Séralini
Le professeur Gilles-Eric Séralini (université de Caen) et son équipe publièrent, le 19
septembre 2012, dans la très sérieuse revue Food and Chemical Toxicology (1), une étude
mettant gravement en cause un maïs OGM commercialisé par Monsanto et l'herbicide majeur
du monde, le Roundup. Cette étude fut une première scientifique mondiale : menée in vivo par
une équipe indépendante, entre l'automne 2008 et l'automne 2010, elle exposa deux cents rats
à une nourriture équilibrée contenant 11 à 33% de maïs, comme une nourriture américaine, et
de l'eau. Seule différence de taille : certains rats malheureux mangèrent du maïs OGM et
d'autres burent une eau contaminée au Roundup…
Par Dominique Parizel
Cette publication ébranla le monde scientifique - se reporter, pour plus de détails, au dossier
de Valériane n°99 - mais, suite au tollé soulevé par les conclusions de leur étude, le
professeur Séralini et son équipe répondirent point par point en mars dernier, dans Food and
Chemical Toxicology toujours, à l'ensemble des critiques formulées par leurs détracteurs (2).
"Nous avons aussi clairement visualisé, précise le professeur Séralini, l'ensemble des réseaux
qui nous ont critiqués. Tous, ou presque, ont des accointances avec Monsanto. De plus, les
trois quarts de ceux qui ont émis des critiques travaillent en biologie végétale ; certains sont
même actifs dans le développement de brevets sur des OGM. Ils se permettent de critiquer des
tests de toxicologie sur les mammifères alors que, visiblement, ils n'y connaissent rien. Mais
tout cela, hélas, fait aujourd'hui partie du système…"
Pour offrir à ses membres plus de précisions encore au sujet de cette étude particulièrement
marquante, Nature & Progrès Belgique a invité le professeur Séralini que nous serons très
fiers d'accueillir, le mercredi 16 octobre prochain, à 20 heures, au Foyer culturel de Péruwelz
(59, rue des Français à 7600 Péruwelz). Il nous a accordé un petit entretien dans le but de
préparer cette journée.
Des plantes modifiées pour stocker les pesticides !
Aujourd'hui, la seule raison d'être d'une plante génétiquement modifiée est commerciale :
cette plante est tolérante à un pesticide ou elle le produit elle-même ! Elle pousse même si un
pesticide a fait place nette autour d'elle et elle l'absorbe, comme le soja au Roundup. Les effets
sanitaires mis en évidence par l'équipe du professeur Séralini tiennent donc à cette union
OGM - pesticide, mais aussi à l'impact de l'OGM seul et, bien sûr, du pesticide seul.
"Le plus important, dit le professeur Séralini, est qu'il faut aujourd'hui admettre que tout cela
contamine en nous le même système, le système hormonal notamment. Les résidus de
pesticides présents dans les OGM induisent, nous le savons maintenant, une toxicité hépatorénale et une perturbation du système hormonal qui peut engendrer des tumeurs mammaires."
Autrement dit : il est aujourd'hui quasiment certain que le Roundup - l'herbicide le plus vendu
au monde - est tumorigène et qu'il agit, même à l'état de résidu, consécutivement à son
stockage à l'intérieur d'une plante génétiquement modifiée, puis du corps de ceux qui en
mangent. Les femmes risquent d'en être les principales victimes, victimes de cancers du sein
qu'une exposition au Roundup favorise très vraisemblablement, l'autre organe le plus souvent
atteint étant l'hypophyse, ce grand régulateur du système hormonal. Les hommes, eux,
seraient moins exposés aux tumeurs mais risquent plutôt congestions et nécroses hépatiques,
insuffisances et inflammations rénales…
"Ce que le grand public n'a toujours pas compris, déplore Gilles-Eric Séralini, ce sont les
effets des résidus de pesticides. Les plantes génétiquement modifiées sont des éponges à
pesticides et, principalement, des éponges à Roundup qui est parmi les herbicides les plus
dangereux du monde alors qu'il a été classé comme biodégradable et presque inoffensif. Il
faut donc insister sur le fait que les OGM stockent des pesticides et que les plantes sont
modifiées uniquement pour cela. Dans les OGM, les résidus du principal herbicide au monde
sont ainsi multipliés jusqu'à quatre cents fois et c'est d'ailleurs la raison qui a poussé le
Parlement européen à augmenter toujours plus les résidus admissibles de Roundup dans la
plante et les animaux qui en consomment. Sans base scientifique aucune !
De plus, après quinze années de militance, bon nombre d'associations semblent n'avoir
toujours pas compris que 100% des OGM agricoles sont des plantes faites pour contenir de
grandes quantités de pesticides et, dans 80% des cas, du Roundup. 80% des plantes
commercialisées sont, en effet, modifiées pour en contenir, les autres l'étant pour contenir des
insecticides de type Bt (Bacillus thuringiensis) qui ne sont pas testés pour la santé et dont tous
les premiers signes montrent pourtant qu'ils ont, eux aussi, des effets importants. Mon équipe
et moi-même avons étés les premiers également à tester les effets des insecticides Bt sur des
cellules d'embryons humains (3) et, encore récemment, a été publiée une étude montrant que
les toxines Bt ont des effets d'inflammation sur les cellules intestinales des mammifères.
Mais tout cela n'exclut pas que les OGM seuls n'aient pas également d'effets toxiques. Nous
avons expliqué que la tolérance au Roundup force la plante à fabriquer une enzyme pour le
supporter. Or cette enzyme - qu'il y ait du Roundup ou non ! - perturbe considérablement le
métabolisme de la plante : les taux d'acides férulique et caféique, qui sont hépato et
rénoprotecteurs sont ainsi fortement diminués dans les croquettes à base d'OGM pour nos
rats."
Un mensonge délibéré de Monsanto ?
Résumons-nous ! Les OGM sont exclusivement faits pour contenir des pesticides et même,
dans la grande majorité des cas, pour absorber le principal pesticide au monde - le Roundup qui peut, à lui seul, engendrer des pathologies hépatorénales graves et des tumeurs
mammaires. Que l'OGM soit un réservoir à pesticides est précisément ce qui permet à la firme
qui le fabrique de le valoriser financièrement car cette firme est aussi une des plus grandes
vendeuses de pesticides au monde ! Rappelons également que c'est parce que Monsanto a
réalisé d'importants bénéfices grâce au Roundup que la firme a pu investir dans les OGM.
Tout cela remet gravement en cause le modèle agricole conventionnel dont les OGM sont le
fleuron. Les conclusions de l'étude du professeur Séralini ébranlent considérablement le
modèle de l'agriculture intensive car le "système OGM" lui permet de simplifier les méthodes
culturales en surutilisant les pesticides.
"A ce jour, notre étude de 2012 est la seule au monde qui a été mieux faite que celles des
industriels, dit le professeur Séralini ! Ce qui est le plus surprenant, et qui montre que nous
avons raison, c'est qu'ils clament maintenant que ce que nous avons fait est horrible et ne tient
pas debout. Mais eux-mêmes ne montrent jamais ce qu'ils ont fait pour démontrer que leur
produit est sain et peut être mis sur le marché. Ils ne le font pas car cela montrerait toute leur
impuissance à prouver que ce qu'ils fabriquent est sain. En fait, leurs études sont
considérablement limitées : trois mois avec seulement deux prises de sang, alors que nous
avons démontré qu'on ne pouvait rien voir dans un délai aussi court et qu'il fallait attendre au
moins un an pour que des tumeurs apparaissent en nombre. Tout le monde se rend bien
compte que cela ne tient pas debout ! Le vrai problème auquel nous sommes confrontés est
que les industriels ne s'appliquent pas à eux-mêmes les exigences qu'ils réclament pour nous.
Si nous leur appliquions les critiques qu'ils nous font, il serait impossible d'autoriser le
moindre OGM. Il faut donc que le public s'interroge : pourquoi les gens de Monsanto
refusent-ils de donner les tests qu'ils ont eux-mêmes réalisés, pour le Roundup par exemple ?
Personne n'en dispose ; aujourd'hui, c'est un secret industriel de rendre publiques les analyses
de sang de rats qui ont reçu du Roundup. Cela n'a sans doute jamais été fait. Cela me paraît
scandaleux..."
Mais, professeur Séralini, serions-nous dans une situation comparable à celle de l'industrie du
tabac qui, dans les années cinquante, connaissait parfaitement la toxicité de ses produits ? Estce que Monsanto connaît aujourd'hui la toxicité rélle du Roundup et ment sciemment au
monde entier ?
"Ces entreprises, répond Gilles-Eric Séralini, sont de véritables araignées où il n'y a nulle part
de connaissance globale. Il n'y a, chez aucun des employés, de conscience générale de ce
qu'ils font : tout est secret, tous les dossiers sont parcellarisés... Que quelques personnes chez
Monsanto disposent d'une vision globale ? Oui, c'est certainement le cas, et il faudrait pouvoir
leur poser, à eux, la question du mensonge. Du reste, il faut bien se rendre compte de la part
d'ignorance et de méconnaissance du sujet qui prévaut généralement dans une grande
multinationale telle que celle-là. Nous avons recueilli des témoignages d'anciens de chez
Monsanto qui n'avaient pas accès aux données ; seule une personne des autorités
réglementaires dispose de cet accès, via le chargé des affaires réglementaires, mais ces gens
ne comprennent pas la lecture du dossier scientifique. Donc, évoquer Monsanto, c'est un peu
comme évoquer une pieuvre : nul ne sait pas d'où part vraiment l'influx nerveux, et ce n'est
d'ailleurs peut-être pas de la tête qu'il vient. Il s'agit d'une industrie de guerre qui a un très
lourd passif ; elle a fabriqué les premiers pesticides, le funeste agent orange ou les polluants
toxiques PCB… Les citoyens du monde sont donc face à une pieuvre ignorante qui considère
comme secrets industriels les analyses de sang de pauvres rats qui auraient reçu des doses
environnementales de Roundup…"
Vers un nouveau paradigme sanitaire
Le monde médical, et la société en général, comprend les risques biologiques - les virus, les
bactéries, etc. - mais ne comprend toujours pas les risques chimiques. Or si les effets
d'expositions aux produits chimiques sont généralement limités à court terme - quelques
allergies, peut-être -, leurs effets à long terme peuvent être désastreux avec toutes les maladies
chroniques de la communication cellulaire : cancers, maladies nerveuses - maladie de
Parkinson et maladie d'Alzheimer, mais aussi dépressions -, instabilités nerveuses, maladies
auto-immunes, maladies hormonales - diabète, maladies thyroïdiennes, maladies des glandes
surrénales, etc. Voilà pourquoi Gilles-Eric Séralini, notamment à travers son dernier livre
intitulé Tous cobayes !, préconise aujourd'hui un nouveau paradigme sanitaire.
"Ces maladies explosent dans nos les familles, déplore-t-il. Si vous prenez les dix personnes
que vous aimez le plus, je crains hélas que certaines souffrent de ces maladies de manière
chronique et aient besoin de traitements quasiment à vie. On les nomme maladies de la
communication cellulaire car les perturbateurs hormonaux et nerveux jouent le rôle de sable
disséminé un peu partout dans notre corps. Et c'est précisément ce que favorise la
consommation des OGM : les résidus chimiques qu'ils stockent s'infiltrent comme du sable
partout dans l'organisme. Malheureusement, les perturbations combinées, à long terme, ne se
voient pas en épidémiologie : les agents responsables ne sont pas aisés à tracer - personne ne
s'amuse à aller les mesurer dans les morgues des hôpitaux - et l'on ne peut pas non plus
s'assurer que telle maladie a tel profil à cause de tel ou tel pesticide car, comme il s'agit de
sable dans le système, le jeu aléatoire des combinaisons peut aboutir à des tas des choses très
différentes. A long terme, c'est un peu comme les substances qui bouchent le filtre de votre
robinet. Imaginez cinquante ou cent saletés qui empêchent l'eau de couler dans votre évier ;
ceci représente à peu près le nombre des polluants - présents dans toutes les formes de vie qui n'existaient pas avant la Seconde Guerre Mondiale : ce sont, en gros, les résidus
chimiques du pétrole et du plastique. Donc, si le filtre de votre robinet est bouché par
cinquante ou cent saletés différentes, vous trouverez ridicule de chercher à savoir laquelle est
responsable de quel symptôme précis. Vous trouverez cette question inappropriée, et c'est
exactement la même chose dans le cas des maladies de la communication cellulaire. Ce qui
n'exclut nullement qu'on n'arrive pas à recréer l'ensemble de ces maladies chroniques chez des
rats de laboratoire : c'est ce que nous avons fait avec les OGM et les pesticides...
Quant à la question des abeilles, elle procède d'une cause identique : une énorme crise de la
biodiversité qui voit disparaître 20 à 30% des espèces. Les abeilles - qui sont, bien sûr, une
espèce extrêmement utile - font malheureusement partie du lot. Les causes sont sans doute
multiples et variées mais elles sont toujours dues aux polluants dont certaines insecticides
comme, par exemple, l'imidaclopride, etc. Mais cela reste un parmi tant d'autres… Nous
perdons énormément d'abeilles mais je dirais - extrêmement malheureusement - que c'est toutà-fait commun dans la perte globale de biodiversité : nous perdons tout autant de poissons, de
mammifères, d'insectes en général… Et même de microbes du sol. Dans ma région de
Normandie, les microbes qui ont fait nos fromages symboliques - le Camembert, le Pontl'évêque ou le Livarot - ne se trouvent plus dans la nature. Il faut les rajouter en ampoules
dans du lait pasteurisé ! Les antibiotiques, dans les fermes, et les pesticides, dans les champs,
ont totalement détruit ces sympathiques petites bêtes…"
Une honte scientifique et sanitaire !
La mise sur le marché des pesticides les plus dangereux reste confiée à des cénacles d'experts
sous influence de l'industrie. La question des abeilles - voir le dossier de Valériane n°102 nous l'a suffisamment montré.
"Et ces cénacles ne font rien, s'insurge Gilles-Eric Séralini ! Je veux dire par là qu'ils ne font
jamais le moindre test eux-mêmes ; c'est l'industrie qui fait tout et il y a déjà là un biais
majeur qu'on laisse faire depuis cinquante ans. De plus, ces tests ne sont absolument pas
transparents pour la communauté scientifique. Il suffirait pourtant d'enlever leurs codes
d'accès sur Internet pour qu'ils le soient ! Une réelle expertise contradictoire serait alors
possible et un réel débat scientifique pourrait enfin naître. Cette absence de transparence, je
pèse mes mots, est une vraie honte scientifique et sanitaire. Je connais fort bien ces cabinets
d'experts pour en avoir été durant neuf ans : ils sont composés de gens - comme cela a été
montré dans le cas de l'EFSA (4) - qui sont trop souvent au cœur de véritables conflits
d'intérêts. Ce système est inacceptable et je crois qu'il va craquer, un jour ou l'autre, que le
grand public va enfin comprendre que les affaires du Mediator, du sang contaminé ou de
l'amiante ne sont que les parties émergentes d'énormes icebergs. Mais ne vivons-nous pas
dans une société qui se préoccupe exclusivement d'effets à court terme ?
Il faut donc absolument réveiller le citoyen, lui dire que des solutions existent et qu'elles sont
nombreuses, l'exhorter à ne plus laisser faire ce système et à le forcer à travailler en toute
transparence. Il doit comprendre qu'aujourd'hui le bien public n'est plus assuré car on refuse
d'envisager les risques à long terme des produits qu'on met sur le marché, et qu'on ne pourra
le faire que grâce à des expériences telles que la nôtre. Il faut aussi lui donner les solutions
pour se détoxifier, avec les plantes notamment, que je décris dans mon livre intitulé Nous
pouvons nous dépolluer ! Des solutions écologiques et éco-citoyennes sont à portée de main
mais on répugne à les mettre en œuvre, tout simplement parce que le système économique est
orienté vers le court-termisme et externalise toutes les évaluations à long terme… Mais les
prises de conscience sont là et des solutions existent."
Notes :
(1) Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified
maize, G.-E. Séralini et al. Food and Chemical Toxicology, Vol. 50, Issue 11, Novembre
2012, pp. 4221-4231
(2) Gilles-Eric Séralini répond aux critiques de ses détracteurs :
http://gmoseralini.org/wp-content/uploads/2013/01/Seralinial-AnswersCritics-FCT_2013.pdf
(3) Cytotoxicity on human cells of Cry1Ab and Cry1Ac Bt insecticidal toxins alone or with a
glyphosate-based herbicide, Journal of Applied Toxicology, Vol. 33, Issue 7, Juillet 2013, pp.
695-699
(4) Nous avons déjà évoqué le rôle que joue l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité
Alimentaire) en matière d'agrément de pesticides : voir notamment l'article de Janine Kievits,
Autorisation des pesticides : cherchez l'expert, il est bien caché…, paru dans Valériane n°87,
de janvier / février 2011. Dans Tous cobayes !, Gilles-Eric Séralini consacre plusieurs pages à
décrire les conflits d'intérêts qui ont concerné de hauts responsables l'EFSA : Harry Kuiper,
Suzy Renckens, Diana Banati, etc.
Pour aller plus loin :
- Gilles-Eric Séralini, Tous cobayes !, éditions Flammarion, Champs actuel, 2012 (sur sa
longue expérience, récente)
- Jean-Marie Pelt et Gilles-Eric Séralini, Après nous, le déluge ?, éditions Flammarion,
Champs Sciences, 2008
- Gilles-Eric Séralini, Ces OGM qui changent le monde, éditions Flammarion, 2010
- Gilles-Eric Séralini, Nous pouvons nous dépolluer !, éditions Josette Lyon, 2010