La hache, un retour à la nature

Transcription

La hache, un retour à la nature
LA HACHE, UN RETOUR À LA NATURE
La cognée plane un très bref instant, comme en apesanteur, au point culminant de l’élan que ma poigne ferme
lui impose. Le tranchant forgé à la main scintille sous les rayons du soleil. Je saisis encore plus fort le manche en
bois, qui épouse parfaitement mes mains, et abats la hache à fendre avec une grande frénésie sur le morceau de
tronc de hêtre posé devant moi. Avec son profil taillé en biseau, la hache coupe le bois comme du beurre et
sépare le bloc solide en bûchettes qui volent dans un nuage d’éclats et de copeaux. Quelle merveille d’outil! Les
maîtres forgerons de l’entreprise suédoise Gränsfors Bruk approvisionnent les bûcherons depuis plus de cent
ans, de l’Amazonie à la Sibérie. Chaque hache porte les initiales du forgeron qui l’a fabriquée de ses mains. Si les
horlogers incarnent le savoir-faire artisanal en Suisse, alors les forgeurs de haches sont leur équivalent en
Scandinavie. Mes recherches sur le travail du bois ont également conduit à l’acquisition d’une hache de chasse
de la manufacture suédoise Karesuando. Elle serait parfaite pour scalper les talentueux golfeurs du parcours
d’en face qui, par beau temps, balancent régulièrement leurs balles sur la façade de ma maison et dans mon
jardin. Il semblerait que, là-bas, l’autorisation de parcours se gagne à la loterie. La hache est petite et maniable,
avec un fil poli et coupant comme un couteau et un manche magnifique en bois de bouleau veiné. Parmi les
usages plus civilisés, citons le petit bois pour le feu de camp, l’élagage des buissons du jardin ou le hachage des
os de bœuf pour le fond de veau. J’adore les outils fabriqués artisanalement! Et l’outil adéquat. Un terme qui
veut dire exactement ce qu’il représente. Dans notre monde de plus en plus marqué par la technologie, un
terme désormais rare et souvent mal utilisé.
Couper du bois de mes propres mains pour le feu de cuisson, c’est ma contribution à l’agriculture urbaine, une
expression qui circule depuis peu sur la scène du développement durable. En outre, cela m’épargne l’utilisation
de machines à moteur de toutes sortes et même la dame d’en face me regarde à l’œuvre avec un certain
intérêt. Les voisins (encore) bien intentionnés à mon égard seraient probablement excédés par des ruches ou
par le grognement de cochons à pattes noires. Le malaise qui en résulterait ne ferait qu’ouvrir toutes grandes les
portes à d’autres champs d’action pour ma collection de haches. Même si je ne porte pas de barbe de hipster ou
de chemise à carreaux avec bretelles, je suis depuis longtemps déjà un adepte de l’approche «Leaf to Root» qui
utilise les fruits et les légumes dans leur intégralité, y compris les racines et les feuilles, ce qui se révèle très
intéressant pour les carottes et les betteraves rouges. C’est aussi d’Angleterre que le mouvement «Nose to Tail»
a essaimé sur le continent: de la langue et des joues de la vache jusqu’à la queue du cochon – d’ailleurs, cette
dernière est un vrai délice une fois frite! Ces courants illustrent on ne peut mieux notre aspiration à un retour
aux choses bonnes et simples. Et à un retour à la nature sans y ajouter notre grain de sel. Aucune autre entité,
pour ainsi dire, n’est aussi influençable. Pour faire face à la faim que ces pensées quasi philosophiques ne
manqueront pas de susciter, je mets en œuvre la recette suivante qui rend hommage aux découvertes
présentées ci-dessus. Pour cela, je n’ai besoin de rien d’autre que d’un gros steak, d’un peu de fleur de sel et,
bien sûr, de ma Gränsfors Bruk. Voici comment procéder: couper du bois de chauffage dans la forêt, allumer un
bon vieux feu et le laisser se consumer. Dès que la braise est recouverte d’une fine couche de cendres gris-blanc,
j’y pose directement mon steak, le retourne au bout de quelques minutes et attends qu’il soit cuit. Pas de
panique: il n’y aura aucune cendre résiduelle dessus. Un peu de fleur de sel par-dessus et voilà, c’est prêt. Il n’y a
pas de meilleure saveur barbecue. Le lien suivant vous permet d’accéder à la vidéo sur le feu et à la recette d’un
savoureux pain qui sera également cuit dans la braise, sans qu’il faille recourir à un pétrin ou à une brique.
ACCÈS À LA VIDÉO