Article 67 1) Lorsque le contrat de vente implique un transport des

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Article 67 1) Lorsque le contrat de vente implique un transport des
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Recueil analytique de jurisprudence concernant la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises
Article 67
1) Lorsque le contrat de vente implique un transport des marchandises et que le
vendeur n’est pas tenu de les remettre en un lieu déterminé, les risques sont transférés
à l’acheteur à partir de la remise des marchandises au premier transporteur pour transmission à l’acheteur conformément au contrat de vente. Lorsque le vendeur est tenu de
remettre les marchandises à un transporteur en un lieu déterminé, les risques ne sont
pas transférés à l’acheteur tant que les marchandises n’ont pas été remises au transporteur
en ce lieu. Le fait que le vendeur soit autorisé à conserver les documents représentatifs
des marchandises n’affecte pas le transfert des risques.
2) Cependant, les risques ne sont pas transférés à l’acheteur tant que les marchandises n’ont pas été clairement identifiées aux fins du contrat, que ce soit par l’apposition
d’un signe distinctif sur les marchandises, par des documents de transport, par un avis
donné à l’acheteur ou par tout autre moyen.
VUE GÉNÉRALE
1. L’article 67 contient les règles régissant le moment
auquel les risques de perte ou de détérioration sont transférés à l’acheteur quand le contrat de vente implique un
transport des marchandises1. D’une manière générale, les
risques sont transférés à l’acheteur lorsque le vendeur remet
les marchandises à un transporteur déterminé. Le transfert
est effectif indépendamment du fait que les documents
représentatifs des marchandises sont aux mains du vendeur
ou de l’acheteur2, et sans considération du responsable de
la prise des dispositions en matière de transport et d’assurance3. Les conséquences du transfert des risques sur l’obligation qu’a l’acheteur de payer font l’objet de l’article 66.
Les effets du transfert quand le vendeur commet une
contravention fondamentale au contrat font l’objet de
l’article 70.
livrées “frei Haus” (“franco domicile”), terme que le tribunal a interprété comme signifiant que le vendeur s’engageait à livrer les marchandises à l’établissement de
l’acheteur8.
CONTRATS DE VENTE IMPLIQUANT UN
TRANSPORT DES MARCHANDISES
4. L’article 67 ne dit pas quand un contrat de vente implique le transport des marchandises. Une formule analogue
figure à l’alinéa a de l’article 31, qui dispose que lorsqu’un
contrat de vente implique un transport des marchandises,
le vendeur est libéré de son obligation de les livrer au
moment où il les remet au premier transporteur. Comme
les deux dispositions utilisent les mêmes formulations,
il y a lieu de comprendre qu’elles couvrent les mêmes
opérations9.
2. L’article 67 énonce une règle généralement acceptée sur
le plan international. Une cour constitutionnelle saisie d’un
appel attaquant une règle de droit interne analogue, au motif
qu’elle était incompatible avec le principe constitutionnel
d’égalité, a cité les articles 31 et 67 de la Convention comme
preuve d’acceptation générale4.
5. L’article 68 fixe des règles spéciales pour le transfert
des risques lorsque les marchandises sont vendues en cours
de transport. Ainsi, une vente de marchandises en cours de
transport n’est pas une vente “impliquant un transport des
marchandises” au sens de l’article 67.
3. En application de l’article 6, les parties peuvent convenir de déroger aux dispositions de l’article 67, ou peuvent
être liées par des usages commerciaux ou un type d’accord
valant dérogation (article 9). Si l’accord entre les parties
est compatible avec l’article 67, les tribunaux renvoient
fréquemment à cette disposition. Ils le font aussi quand les
parties conviennent des conditions dans lesquelles se fait
le transfert des risques. Des décisions ont confirmé que les
termes “CIF”5, “C&F”6 et “prix catalogue départ-usine”7
étaient compatibles avec le paragraphe 1 de l’article 67. Si
le terme commercial n’est pas compatible avec le paragraphe 1 de l’article 67 l’accord des parties prévaut, conformément à l’article 6. Ainsi, dans une certaine affaire, bien
que les marchandises eussent été remises à un tiers transporteur, le tribunal n’a pas appliqué l’article 67 parce que
les parties étaient convenues que les marchandises seraient
6. Un contrat de vente implique un transport des marchandises lorsqu’il prévoit, explicitement ou implicitement,
qu’un transport aura lieu. Le contrat peut prévoir expressément que les marchandises doivent être transportées en
donnant, par exemple, des indications détaillées sur les
modalités de ce transport. Cela se fait le plus souvent très
efficacement par l’emploi de termes professionnels normalisés, comme les Incoterms de la Chambre internationale
de commerce (par exemple “CIF” ou “coût, assurance,
fret”), qui explicitent l’obligation qu’a le vendeur de faire
livrer les marchandises par un transporteur. D’autres termes
peuvent cependant impliquer que les marchandises seront
transportées. Un tribunal arbitral a jugé qu’un certain
contrat impliquait un transport parce qu’il prévoyait que
“l’acheteur enlèvera les œufs de poisson à l’adresse du
vendeur et transportera la marchandise à ses installations
Troisième partie. Vente de marchandises
en Hongrie” et que le prix était indiqué “FOB Kladovo”
(“franco à bord Kladovo”)10.
7. L’article 67 parle du “transport des marchandises”
mais n’exige pas explicitement que le transport soit effectué
par un tiers. Un tribunal a présumé que la livraison à un
transitaire équivalait à une livraison au “premier transporteur”11.
ATTRIBUTION DES RISQUES
8. Le paragraphe 1 de l’article 67 fixe des règles distinctes pour deux situations différentes, tout d’abord celle où
le vendeur n’est pas tenu de remettre les marchandises au
transporteur en un lieu déterminé (première phrase du paragraphe 1 de l’article 67) et, deuxièmement, celle où il y
est tenu (deuxième phrase). Dans les deux cas, les risques
sont transférés à l’acheteur au moment où le vendeur remet
les marchandises au transporteur désigné.
— Cas où le vendeur n’est pas tenu de remettre
les marchandises au transporteur
en un lieu déterminé
9. Si le vendeur n’est pas tenu de remettre les marchandises à un transporteur en un lieu déterminé, les risques de
perte ou de détérioration sont transférés au moment où les
marchandises sont remises au premier transporteur. Cette
règle est cohérente avec l’obligation qu’a le vendeur de
livrer les marchandises, règle fixée à l’alinéa a de l’article 31. Faute de preuve que les parties étaient convenues
d’une livraison en un autre lieu, un tribunal a jugé que le
vendeur avait livré et que le risque avait été transféré lorsque le vendeur avait remis les marchandises au premier
transporteur12. Un autre tribunal a jugé que les risques
avaient été transférés au moment où le vendeur avait remis
les marchandises à un transporteur dans les délais voulus,
et que le vendeur n’était donc plus responsable d’aucun
retard de livraison ultérieur13.
10. Les parties ayant convenu que les marchandises
seraient livrées “frei Haus” (“franco domicile”), un tribunal
a interprété ce terme comme signifiant que le vendeur
s’était engagé à livrer les marchandises au lieu où
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l’acheteur avait son établissement, même si, en l’espèce, la
livraison effective des marchandises impliquait un transport. Le tribunal n’a donc pas appliqué le paragraphe 1 de
l’article 6714.
— Cas où le vendeur est tenu de remettre
les marchandises à un transporteur
en un lieu déterminé
11. La deuxième phrase du paragraphe 1 dit que lorsque
le vendeur est tenu de remettre les marchandises à un
transporteur en un lieu déterminé, les risques sont transférés lorsque les marchandises sont remises au transporteur en ce lieu. L’acceptation par un vendeur qui a son
établissement dans son pays d’envoyer les marchandises
à partir d’un port relève du paragraphe 1. On ne connaît
aucune décision dans laquelle cette disposition aurait été
interprétée.
CONSERVATION DES DOCUMENTS
PAR LE VENDEUR
12. La troisième phrase du paragraphe 1 dit que le transfert
des risques en application de l’article 67 n’est pas affecté
par le fait que le vendeur conserve les documents représentatifs des marchandises. On ne connaît aucune décision dans
laquelle cette disposition aurait été interprétée.
IDENTIFICATION DES MARCHANDISES
13. Le paragraphe 2 de l’article 67 conditionne le transfert
des risques au fait que les marchandises ont été clairement
identifiées vis-à-vis du contrat de vente15. Cette disposition
vise à écarter l’éventualité où le vendeur lierait au contrat
des marchandises qui auraient précédemment été perdues ou
détériorées. Un tribunal a jugé que l’obligation d’identifier
clairement les marchandises était remplie par la description
des marchandises dans les documents de transport16. Un autre
tribunal a constaté que les parties à un contrat aux conditions
“CIF” étaient convenues que les risques de perte seraient
transférés au moment où les fèves de cacao clairement identifiées dans le contrat de vente seraient remises au transporteur au port d’expédition17.
Notes
1
Voir CNUDCI, Décision 447 [Federal Southern District Court of New York, États-Unis, 26 mars 2002 (les experts du demandeur
ont affirmé à tort que la Convention ne contenait pas de règles sur le transfert des risques).
2
CNUDCI, Décision 447 [Federal Southern District Court of New York, États-Unis, 26 mars 2002 (le transfert des risques et la remise
des documents ne sont pas nécessairement simultanés).
3
CNUDCI, Décision 247 [Audiencia Provincial de Córdoba, Espagne, 31 octobre 1997] (les risques sont transférés quelle que soit la
partie tenue de prendre des dispositions en matière de transport ou d’assurance).
4
CNUDCI, Décision 91 [Corte Costituzionale, Italie, 19 novembre 1992].
5
CNUDCI, Décision 253 [Cantone del Ticino Tribunale d’appello, Suisse, 15 janvier 1998] (voir texte intégral de la décision).
6
CNUDCI, Décision 191 [Cámara Nacional de Apelaciones en lo Comercial, Argentine, 31 octobre 1995].
7
CNUDCI, Décision 283 [Oberlandesgericht Köln, Allemagne, 9 juillet 1997].
8
CNUDCI, Décision 317 [Oberlandesgericht Karlsruhe, Allemagne, 20 novembre 1992].
9
Voir, par exemple, CNUDCI, Décision 360, Allemagne, 2000 (le terme “transporteur” a le même sens à l’article 31 et à
l’article 67).
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Recueil analytique de jurisprudence concernant la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises
10
CNUDCI, Décision 163 [Arbitrage — Tribunal d’arbitrage de la Chambre de commerce et d’industrie de Hongrie, Hongrie, 10 décembre 1996].
11
CNUDCI, Décision 283 [Oberlandesgericht Köln, Allemagne, 9 juillet 1997].
12
CNUDCI, Décision 360 [Amtsgericht Duisburg, Allemagne, 13 avril 2000].
13
CNUDCI, Décision 219 [Tribunal Cantonal Valais, Suisse, 28 octobre 1997].
14
CNUDCI, Décision 317 [Oberlandesgericht Karlsruhe, Allemagne, 20 novembre 1992].
15
Le paragraphe 1 de l’article 32 oblige le vendeur à donner à l’acheteur avis de l’expédition si les marchandises ne sont pas clairement
identifiées d’aucune autre manière.
16
CNUDCI, Décision 360 [Amtsgericht Duisburg, Allemagne, 13 avril 2000].
17
CNUDCI, Décision 253 [Cantone del Ticino Tribunale d’appello, Suisse, 15 janvier 1998].