Histoire…

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Histoire…
(Suite du n° 198)
Le fabuleux destin des inventions :
un tunnel vers le Far West
(adapté de documents Internet à la gloire du tunnel Hoosac)
Pierre Duffaut
Le 28 juin 1848 est une journée historique qui met sur les rails l’un des projets les plus audacieux du XIXe siècle. " En route vers Hoosac,
en route vers l’Ouest ! " entend-on dans les nobles salles du parlement régional de Boston. Homme d’affaires et homme politique,
Alvah Crocker entend bien rallier les députés à sa cause. Il projette de construire le tunnel le plus long que l’humanité ait jamais connu
pour relier directement par une ligne de chemin de fer Boston à l’Ouest des Etats-Unis, en traversant les imposantes Appalaches. Aux
quatre coins de la planète, la presse internationale s’émeut, qualifiant de " plus grand aventure de l’histoire du génie civil " le projet
téméraire de Crocker, qui parvient finalement à faire adopter son projet.
L'entrée Est du tunnel est située sur la commune de Florida, Berkshire, Massachusetts, et la sortie Ouest est à North Adams, également
dans le Massachusetts.
Au milieu du XIXe siècle, les voies ferrées
tissent une immense toile d’araignée sur
tous les continents car tout le monde souhaite aller et venir sans encombre et le
plus vite possible. Seuls les Etats de la
Nouvelle-Angleterre, berceau de la nation
américaine, semblent irrémédiablement
coupés de ce réseau de circulation : un
imposant massif montagneux de 1000
mètres de hauteur barre la route vers les
marchés de l’Ouest. Pour le contourner, il
faut faire un immense détour par le
Canada ou par New York. Ville bouillonnante, déjà industrialisée, Boston cherche
désespérément le moyen de mettre fin à
cet isolement. Le projet de gravir l’obstacle en train se révèle irréalisable. Pour
sauver sa ville natale, Crocker a une vision
de génie: " Si les trains ne peuvent pas
passer sur les montagnes, alors nous les
ferons passer à travers ! ". Les sceptiques
pensent que l’ambitieux projet est irréalisable, tant le tunnel dépasse tout ce qui a
été construit à cette date dans le monde,
et il faudra l’infatigable persévérance
d’Alvah Crocker pour mener à bien ce
projet, malgré des hommes d’affaires
influents qui gagnent beaucoup d’argent
avec les lignes existantes, et qui tentent
par tous les moyens de faire avorter le
projet Hoosac.
Après de nombreux revers, Crocker, au
bout de 26 ans, aura finalement raison de
cette opposition acharnée.
26 années au cours desquelles il lutte
pour la réalisation de son rêve devant l’assemblée régionale et contre une géologie supposée infranchissable.
26 années qui engloutissent plus de 21
millions de dollars, qui correspondraient
aujourd’hui à la somme astronomique
d’un demi milliard de dollars !
26 années qui coûtent la vie à 193 personnes. 26 années pour faire exploser et
extraire quelque deux millions de tonnes
de roche, qui voient naître d’innombrables inventions techniques qui révolutionnent le forage des tunnels. Le tunnel
Hoosac franchit une nouvelle étape : de la
construction artisanale, on passe aux
explosifs et à l’abattage mécanisé. A eux
seuls, les relevés topographiques durent
deux années, posant des jalons pour
l’avenir de ces techniques. Pendant la
construction proprement dite, des centaines d’ouvriers percent la galerie des
deux côtés sur une distance de huit kilomètres, 24 heures par jour, dans des
conditions extrêmement périlleuses.
Lorsque le premier coup de pelle est
donné, en 1850, nombreux sont ceux qui
y voient la pire erreur d’investissement
jamais commise. Mais le 8 avril 1875, le
jour où sous les yeux d’innombrables
curieux et d’hommes politiques le premier
train de marchandise traverse le tunnel
Hoosac, les journalistes ne tarissent pas
d’éloges, et comparent le tunnel aux merveilles de l’antiquité. Alvah Crocker ne
vivra pas ce jour de liesse, il est mort
quelques jours trop tôt, mais son infatigable volonté aura permis de poser la
première pierre de l’ingénierie des temps
modernes. Qu’il s’agisse du tunnel sous la
Manche ou du projet mammouth actuellement en chantier des 56 kilomètres du
Saint-Gothard, tous les grands chantiers
souterrains seraient impensables sans les
nouvelles techniques mises en œuvre par
Alvah Crocker lors de la construction du
tunnel sous la " montagne infernale ".
Le " père de tous les tunnels " symbolise
l’entrée dans une nouvelle ère : la
conquête du sous-sol qui ne rime plus
avec danger de mort, devient réalisable,
verra l’avènement, en Amérique et
ailleurs, des transports à grande vitesse et
qui, grâce aux innovations techniques, jettera les bases de la construction de tous
les tunnels à ce jour. Aujourd’hui encore,
ce travail s’appuie sur des techniques
éprouvées pour la première fois lors de la
percée du tunnel Hoosac, qu’il s’agisse
des gigantesques foreuses ou de l’utilisation d’explosifs.
TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 199 - JANVIER/FEVRIER 2007
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