Chronique Botanique Lagerstroemia
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Chronique Botanique Lagerstroemia
CHRONIQUE BOTANIQUE N°12 Avant de commencer ma chronique, je voudrais vous rappeler que nous organisons à nouveau un jeu de piste botanique lors de la fête « Entre Cours et Jardins » les 1er et 2 octobre dans la Cité Plantagenêt. Gagnez un des nombreux prix prévu pour vous ! Le formulaire sera disponible quelques jours avant la fête sur notre site ou disponible avec le pass au Pilier Rouge. Jouez en famille ou avec vos amis pour que la botanique ne se perde pas ! LAGERSTROEMIA INDICA Pendant deux mois, nous avons enduré des températures élevées et une sècheresse rare. Les paysans dans la Sarthe se plaignent que leur production de céréales ou de pommes de terre atteint à peine à un tiers de la normale. Nos parcs et jardins aussi sont poussiéreux, les gazons brûlés, la terre est devenue poudre ou dalle de béton. Les fleurs, arbustes et arbres souffrent du manque d’eau, même si nous les avons arrosés un peu. Les réservoirs écologiques se sont vidés assez rapidement. Il y a cependant des végétaux qui apprécient ce grand soleil et la chaleur persistante et nous offrent pendant ce mois de septembre une floraison exubérante : les magnifiques hibiscus, bignones, grenadiers, vitex et lilas des Indes, ces plantes originaires de régions tropicales ou méditerranéennes. UN ARBRE BICOLORE Dans le jardin Pelletier qui s’étend devant la mairie, côté rue Rostov-sur-leDon et qui inclut la petite place de la fontaine aux oies, on peut admirer en ce moment un magnifique lagerstroemia indica, appelé communément lilas des Indes. La première surprise passée, on se demande comment il se peut que cet arbre soit bicolore, les fleurs des branches supérieures sont mauves, celles du bas couleur lavande. A-t-on greffé des branches d’une autre variété sur l’arbre à la couleur mauve ou l’inverse ? UN ENSEMBLE DE TRONCS Il faut s’approcher et regarder comment est fait le tronc de l’arbre Ce n’est pas un seul tronc mais tout un ensemble de troncs ! En fait, l’arbre est un arbuste ou, plus précisément, est composé de deux arbustes de différentes couleurs. Peutêtre ont-ils été plantés ensemble, l’un devant l’autre, mais leur croissance a été différente ou a-t-on planté un deuxième arbuste un peu plus tard étant donné que le premier poussait mal au début. Qui sait ? L’ensemble des troncs est admirable : ils sont légèrement courbés et enchevêtrés pour atteindre la lumière. Leur écorce est d’un gris brun, lisse, fin et marbré, ce qui fait penser à celle du platane. Des plaques entières s’exfolient par grands morceaux. LE GENRE LAGERSTROEMIA Le naturaliste Linné appela le genre (dont il existe 60 espèces répandues sur tous les continents) lagerstroemia d’après son ami suédois et directeur de la compagnie des Indes Lagerström. Pendant la première moitié du 18°siècle, cet homme faisait venir des graines de plantes inconnues depuis la Chine pour la famille royale ou le célèbre jardin botanique d’Uppsala. À tort, Linné appela l’espèce ici décrite indica pensant qu’elle était originaire de l’Inde. Le berceau du lagerstroemia indica est cependant la Chine où il est planté depuis 1600 ans. Sa très longue floraison lui a valu le nom de rouge de 100 jours. On estime aujourd’hui qu’un million de sujets ornent de nombreux boulevards et parcs chinois dont certains âgés de plusieurs siècles. FLEURS ET FEUILLES DU LAGERSTROEMIA INDICA Les fleurs, un peu penchées sous leur propre poids, forment des panicules. On distingue bien les panicules, plus difficilement la simple fleur. Ses pétales sont froissés, ce qui donne une image floue, surtout sur la photographie. Il faut bien regarder pour reconnaître six pétales par fleur avec de multiples étamines jaunes au centre ajoutant beaucoup de luminosité. Les petites boules vertes sont les boutons. Les feuilles opposées d’un vert foncé et brillant, mesurent 6 cm. Elles prennent une teinte rouge en automne avant de tomber. Les fruits ne sont pas encore visibles. Ils auront une structure étoilée et des capsules de six loges. En hiver, la beauté des troncs ressort davantage. Il s’agit vraiment d’un arbre décoratif à chaque saison. UN PEU D’HISTOIRE Lagerstroemia indica est bien arrivé en Europe au 18° siècle sans pour autant faire de grands éclats dans des pays comme l’Angleterre ou la Suède car il ne se trouvait pas dans un climat propice à son développement. En France, il avait été introduit en Dordogne par Jean d’Esmartis, un capitaine, républicain illustre et maire de Bergerac entre 1792 et 1794. Mais ce n’est qu’après la 1ère guerre mondiale que les héritiers de cet homme agrandissent une pépinière où ils commencent à multiplier et améliorer l’espèce qui s’était peu à peu acclimatée dans le Sud-Ouest. Cette entreprise perdure encore aujourd’hui dans la famille Desmartis qui a pu adapter le lilas des Indes aux régions du Nord de la France et de l’Europe et a créé des variétés de toutes les couleurs et amélioré la santé de l’arbre. Pour ceux d’entre vous qui ont pu assister à la conférence de Monsieur Pluchet sur le botaniste André Michaux lors de ECEJ en 2015, j’ajoute une petite anecdote : à partir de la France, ce botaniste de Louis XVI a introduit le lagerstroemia indica dans le Sud des USA. Il avait bien jugé que l’espèce devrait se plaire dans ce climat chaud.* UNE PLANTE DE GRANDE ENVERGURE Je termine avec quelques données étonnantes: lagerstroemia indica est de la famille des lythracées à laquelle appartient aussi bien notre fleur des champs la salicaire que le henné et le grenadier. Le bois du lagerstroemia est très dur, proche de celui du teck, et utilisé pour des bateaux, dans le bâtiment et pour les traverses de chemin de fer. Fleurs, feuilles, graines et écorces des l.indica et speciosa servent à la réalisation de nombreux remèdes comme des détoxifiants, vermifuges, diurétiques, antibiotiques et anti-tumorales. En apprenant tous ces détails, nous devons reconnaître qu’un arbre sur notre chemin dans notre ville n’est pas seulement un beau décor, mais le résultat d’une mondialisation et cela longtemps avant que ce terme soit utilisé quotidiennement. * voir Chronique botanique N°3 sur le zelkova.