Hollande et la jeunesse : la rupture - Haut-Rhin
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Hollande et la jeunesse : la rupture - Haut-Rhin
3 Pour mieux comprendre JE UDI 2 9 S E P TE M B RE 201 6 L ' AL S A CE SOCIÉTÉ Hollande et la jeunesse : la rupture Emploi, logement, études, vie politique : en 2012, le futur chef de l’État avait promis que les jeunes vivraient mieux à la fin de son quinquennat. État des lieux sur les engagements alors que le président s’exprime aujourd’hui à l’occasion de la rentrée universitaire. Élodie Bécu En 2012, François Hollande a fixé un objectif ambitieux : l’amélioration de la vie des jeunes à l’horizon d’un quinquennat. Quatre ans après, où en est la promesse du Président de la République, qui s’exprime cet après-midi sur la jeunesse à l’occasion de la rentrée universitaire ? Chômage, précarité : la règle ? La courbe du chômage fait de la résistance. En 2016, les jeunes restent la catégorie de la population la plus touchée par la crise de l’emploi (23,7 % chez les15-24 ans au deuxième trimestre 2016, 9,6 % pour l’ensemble de la population active). Les jeunes restent également les plus exposés à la précarité. Le taux d’emploi précaire des 15-24 ans est passé de 17,2 % en 1982 à 50,2 % en 2012 et 51,6 % en 2014, selon l’Insee. « Il y a eu des améliorations marginales avec la garantie jeune et les contrats d’avenir mais le problème n’a pas été pris à bras-lecorps », observe Nina Schmidt, de l’Observatoire des Inégalités. Logement : c’est toujours la galère « Peut mieux faire ». Sur le logement, c’est, en substance, la note que décerne au Président le Forum Français pour la jeunesse (FFJ), qui regroupe 15 organisations de jeu- 23,7 % C’est le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) en France au deuxième trimestre 2016 selon l’Insee. Le taux de chômage chez les 25-49 est plus de deux fois moindre : 9 %. Le taux de chômage de la population active dans son ensemble est de 9,6 %. nesse (partis, association, syndicats). « Des choses ont été faites, comme la caution locative « Visale », mais n’ont pas été assez poussées pour changer vraiment la situation. Nous aurions aimé la garantie universelle des loyers, qui devait soutenir le cautionnement de tous les publics en diffic u l té , c a r n o t r e p r i n c i p a l problème c’est l’accès à l’autonomie. À cause de l’instabilité de nos statuts (étudiants, apprentis, stagiaires, chômeurs, en CDD…), nos dossiers ne jamais pas assez solides pour convaincre les propriétaires », explique Milena LebretonChebouba, déléguée générale du FFJ. Selon la Fondation Abbé Pierre (*), « le nombre de personnes de plus de 25 ans contraintes de revenir habiter chez leurs parents ou grands-parents faute de logement autonome, est passé de 282 000 à 338 000 (+20 % entre 2002 et 2013). Cette hausse traduit la difficulté croissante, en particulier pour les jeunes, d’accéder à un logement à un coût modéré. » Études : pas pour tous Même constat : « peut mieux faire ». Le FFJ donne un satisfecit sur la hausse des bourses étudiantes, le droit au retour à la formation jusqu’à 25 ans ou l’année de césure dans les études mais regrette « que ce soit réservé aux étudiants et pas étendu à l’ensemble des jeunes ». Avec toujours la même requête : « Notre principal souci, c’est l’accès à l’autonomie. Comment font ceux qui ne rentrent pas dans les cases parce qu’ils ne sont plus étudiants, ne répondent aux critères des emplois aidés mais qui rencontrent des difficultés à s’insérer sur le marché du travail ? », interroge Milena Lebreton-Chebouba. Engagement politique Entre François Hollande et les jeunes, la rupture semble consommée (voir interview ci-contre). Questions à Anne Muxel, directrice de recherches CNRS en science politique « Un échec pour Hollande » François Hollande peut-il se réconcilier avec la jeunesse dont il avait fait sa priorité en 2012 ? Malgré de réelles avancées en faveur des jeunes pendant le quinquennat, François Hollande n’a pas réussi à séduire la jeunesse. Les mesures mises en œuvre par le gouvernement ont été inaudibles pour des raisons de communication. Et surtout, elles ont été éclipsées par une préoccupation centrale : le taux de chômage. L’échec de François Hollande sur ce front est aussi un échec à donner aux jeunes une chance de s’insérer sur le marché de l’emploi. Cela accentue la désaffiliation de l’électorat jeune à l’égard de la gauche de gouvernement. François Hollande n’a non seulement pas conquis les jeunes nouveaux électeurs, mais il a même accentué son déficit au cours de son quinquennat, passant de 23 % des votes qu’il avait acquis dans ce segment de l’électorat en 2012 à 12 % d’intentions de vote aujourd’hui dans l’hypothèse où Nicolas Sarkozy est le candidat LR en 2017 et 11 % dans le cas où c’est Alain Juppé (respectivement 16 % et 15 % dans l’ensemble de l’électorat). Les jeunes ne sont plus des soutiens de la gauche ? DR Le tropisme de gauche de la jeunesse étudiante s’est effacé. C’était déjà le cas en 2012. Si en 2007, les jeunes avaient voté massivement pour Ségolène Royal, ils n’avaient apporté qu’un soutien ténu à François Hollande. Aujourd’hui, l’électorat jeune penche à droite. Six nouveaux électeurs sur 10 partagent leurs intentions de vote entre Marine Le Pen et Alain Juppé pour 2017. Existe-t-il une rupture entre la classe politique et la jeunesse ? Il existe une défiance à l’égard des partis classiques de gouvernement, une volonté de bousculer le système et un souhait de renouvellement, notamment générationnel, de la classe politique. Propos recueillis par Élodie Bécu Les mesures du quinquennat Études et éducation Le gouvernement a créé 60 000 postes dans l’éducation nationale et lancé un plan de relance de l’apprentissage. Insertion professionnelle Les jeunes tournent le dos à François Hollande. Photo d’illustration Julio Pelaez Mon œil ! Cristallisée sur l’opposition à la loi Travail, elle traduit plus largement une méfiance à l’égard de la démocratie de représentation, et l’envie d’inventer une contre-société, par la base et des projets alternatifs. Logement Le gouvernement a créé Visale, un système de caution des impayés de loyer, simple et gratuit qui facilite la vie des salariés, jeunes ou en contrat précaire… À la fin septembre 2016, il va être étendu à tous les moins de 30 ans. En revanche, le gouvernement a revu le calcul de l’Aide personnalisée au logement (APL) qui a conduit à priver 78 000 foyers de ces aides. « On ne se reconnaît pas forcément dans les dirigeants politiques. Cela explique en grande partie l’abstention. Mais ne pas voter ne signifie pas que les jeunes ne s’engagent plus. Comme le cadre proposé ne nous correspond pas, on essaie d’autres choses, par les réseaux sociaux ou dans des projets locaux », souligne Milena Lebreton-Chebouba qui porte une revendication ; le rajeunissement de la classe politique. Aujourd’hui à l’Assemblée, les députés de moins de 40 ans représentent moins de 10 % des élus ; La moyenne d’âge frise 55 ans. Santé Depuis 2013, les contraceptifs sont intégralement remboursés par la Sécurité sociale pour les jeunes filles de 15 à 18 ans. Et depuis le 1er juillet 2016, l’ensemble du processus médical d’accès à la contraception devient anonyme et gratuit : consultations médicales, examens biologiques… (*) Rapport 2016 sur le mal logement. Les nouvelles radicalisations de la jeunesse Le revenu universel comme alternative ? La semaine dernière, dans une tribune sur Facebook, Manuel Valls s’est prononcé en faveur d’un « revenu universel, c’est-à-dire une allocation unique, ouverte à tous, à partir de 18 ans, pour remplacer la dizaine de minima sociaux existants ». L’objectif du Premier ministre serait ainsi de fusionner tous les minima sociaux (RSA, minimum vieillesse, allocation adulte handicapé, etc.) et de l’ouvrir aux plus jeunes (actuellement, le RSA n’est accessible que sous conditions pour les 18-25 ans). Or cette proposition pose plusieurs questions : celle du financement, celle du calendrier - avant ou après la présidentielle - et celle du terme exact de revenu universel : une allocation remplaçant toutes les autres, ou une dotation permettant de « s’affranchir » du travail salarié. Quoi qu’il en soit, le revenu universel fait son chemin dans le monde politique : outre Manuel Valls, Benoît Hamon (PS), le député LR Frédéric Lefebvre ou les candidats à la primaire Europe Écologie-Les Verts veulent le promouvoir. Le gouvernement a encadré le recours aux stagiaires par les entreprises. Leurs droits ont été substantiellement améliorés (hausse de la gratification, tickets restaurants et remboursement des frais de transport, trimestres pour la retraite…) Pour les jeunes de 16-25 ans en situation de grande vulnérabilité sur le marché du travail, le gouvernement a mis en place la Garantie jeunes. Un dispositif donnant à ces jeunes la chance d’une intégration sociale et professionnelle grâce à un parcours intensif de formation et d’accès à l’emploi. Le projet de loi travail prévoit la généralisation du dispositif en 2017. Le montant de la Garantie jeunes est de 461,26 euros par mois pendant un an pour tout jeune inscrit dans un parcours de retour à l’emploi. Par ailleurs, le gouvernement a créé 325 000 emplois d’avenir depuis 2012, ciblant les 1625 ans sans diplôme ou faiblement diplômés. Thibault Liessi Mai 68, les hippies, le mouvement punk… La radicalisation des jeunes en 2016 a littéralement changé d’orientation à travers le vote Front national d’un côté et le djihadisme de l’autre explique le sociologue Michel Fize, auteur d’un livre sur le sujet (1). Radicalisations religieuse et politique « La première nouveauté majeure, c’est la radicalisation religieuse et pseudo-religieuse. C’est le djihadisme. La seconde, c’est le changement d’orientation dans la radicalisation politique. Dans les années 2000 le représentant du vote des jeunes en colère se nommait Olivier Besancenot (extrême-gauche). Aujourd’hui, c’est Marine Le Pen et le FN. Même si le premier parti des jeunes reste, et de loin, l’abstention. » Ces changements amènent Michel Fize à un constat : « D’un point de vue strictement social, il existe des grosses similitudes entre un jeune djihadiste et un jeune d’extrême droite. Ils viennent tous les deux de milieux LII02 Le Front National trouve un écho auprès de certains jeunes. Photo archives AFP sociaux modestes voire défavorisés. La différence, c’est bien entendu l’origine de ces milieux. » tes ou des banlieues. C’est ce qui explique son échec », souligne Michel Fize. Ces radicalisations qui touchent les jeunes issus de familles modestes s’opposent aux mouvements visant des jeunes plus aisés et/ou avec des études, Nuit Debout en premier lieu. Les radicalisations parlent d’autant plus à ces jeunes qu’ils sont eux-mêmes peu visibles dans les mouvements politiques traditionnels. « Outre son absence de structure, imputable à la forte proportion d’anarchistes, Nuit Debout n’a pas su parler aux jeunes modes- (1) « Radicalisation de la jeunesse – la montée des extrêmes » à paraître le 20 octobre aux éditions Eyrolles. 16 €.