Beliers pucage voie male

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Beliers pucage voie male
Messieurs les Directeurs départementaux de la DDT et de la DDCSPP,
A partir de 2015, tous les mâles reproducteurs devront être certifiés par des organismes agréés, ou
bien directement achetés dans des centres :
Article L. 653-7-1 du Code Rural, Loi n° 2006-11 du 05/01/2006 , (décret en attente de publication) :
« A compter du premier janvier 2015, le matériel génétique support de la voie mâle acquis
par les éleveurs de ruminants est soumis à obligation de certification, qu’il s’agisse de semence ou
d’animaux reproducteurs ».
Nous refusons aujourd'hui l’obligation d’identifier nos animaux avec des puces électroniques,
et demain l'obligation de certifier les mâles reproducteurs.
Cette réglementation est justifiée par des arguments sanitaires et productivistes : résistance aux
maladies testées, meilleure productivité. La certification garantira par exemple la résistance à la maladie de la
tremblante du mouton.
Dans les faits, sélection génomique signifie perte de diversité génétique. Qui nous dit que tel bélier,
qui n’est pas résistant à la tremblante, ne serait pas en revanche résistant à d’autres maladies, ou bien que ses
qualités génétiques en feraient un animal très rustique, qui résisterait aux effets du réchauffement climatique
par exemple.
Et pourtant, ce bélier non conforme je n'aurais pas le droit de le posséder comme reproducteur. Dans
l'élevage laitier, les conséquences de l'érosion génétique sont déjà visibles : en France, il ne reste que 4
souches mâles de la race Holstein, d'où une extrême consanguinité qui entraine de graves maladies
génétiques. Le travail de sélection fait par les éleveurs sur des siècles, vraie richesse de notre profession, est
mis en danger.
Cela ne vous rappelle pas une autre histoire ? Celle des semences.
Nous avons perdu le droit de ressemer nos récoltes, des entreprises privées se sont appropriées ce
patrimoine génétique, beaucoup de variétés ont disparu. Par exemple, en 40 ans, dans 80% des pays
européens, nous avons perdu 95 % des variétés de blé locales avec tout leur potentiel agronomique et
génétique. Il en est de même de la certification des mâles : mettre en place des organismes certificateurs
revient à donner le monopole de la sélection à l'Etat, qui déléguera sûrement le travail à des entreprises
privées qui appauvriront la diversité génétique ovine ou caprine. C’est leur donner autorité pour retirer à des
éleveurs la maîtrise de ce « matériel vivant ».
En pratique, comment administrer et contrôler les béliers, leur ascendance, leur descendance, leurs
traitements, leurs mouvements ? Avec la puce électronique !!! Elle permet de connaître, grâce au lecteur, son
propriétaire, sa généalogie, ses vaccinations.
La question de la certification des béliers est un bon exemple pour comprendre les enjeux du puçage.
Les deux arguments assénés aux éleveurs pour défendre la puce sont : la meilleure gestion du
troupeau qui augmente sa productivité, et la traçabilité qui peut facilement être contrôlée. Remarquons
qu'identification et génétique sont liées : dans les années 60, avec le début du génie génétique, on a
commencé à identifier chaque bête, et non plus chaque troupeau.
Pourtant, les éleveurs « vivent » leur troupeau comme une unité. Ils le connaissent parce qu’ils sont
en contact quotidien avec lui. Ils sont capables de savoir quelles brebis n’ont pas fait d’agneau, lesquelles ont
été malades et de quoi, ils savent évaluer l’âge d’une brebis en la voyant. C’est une gestion basée sur
l’observation, sur une connaissance intime de l’histoire du troupeau, de sa vie au quotidien, et qui pour ne
pas être purement rationnelle et scientifique, n’en est pas moins efficace.
L’élevage extensif, qui suppose ce compagnonnage avec le troupeau, répond par ailleurs à la demande
de la société et des consommateurs : tout en maintenant des paysages et la biodiversité, il produit une viande
de qualité. Mais ce type d’élevage, qui valorise des espaces inutilisables autrement, n’est viable que parce
qu’il a des coûts de production et des investissements limités.
La puce sous-entend une autre logique : outre le coût de la puce, qui n’est pas négligeable, il faudra
bientôt acheter le lecteur et, bien sûr, le matériel informatique de base. On sait aussi que l’industrialisation
de l'élevage va de pair avec son intégration dans les filières agro-alimentaires qui décident de tout en amont
et en aval de l'élevage : alimentation, soins, morts, vente et prix. L'éleveur devient de plus en plus un
exécutant soumis à contrôle.
Car de fait, la puce est l'outil par excellence de l'informatisation et du contrôle à distance par internet.
Il sera alors facile aux administrations d’imposer la gestion du cheptel qu'elles voudront, et de la contrôler. (Il
en est déjà ainsi avec les photos satellites qui permettent aux administrations de savoir si une parcelle est
pâturée soi-disant de manière plus fiable qu'en allant sur le terrain). Finalement, la puce est bien moins utile à
l’éleveur qu’aux filières agro-alimentaires ou à l’administration. Cette obligation est un moyen par
excellence de diminuer le pouvoir de décision et la responsabilité des éleveurs, et de nier leur savoir-faire.
Nous refusons un système qui nous conduit vers la normalisation, la rationalisation et
l’industrialisation.
N’a-t-on pas suffisamment soumis les éleveurs en faisant dépendre leur revenu des primes ? Faut-il
aussi qu'ils perdent leur autonomie dans leur métier ? Ils ne sont plus reconnus pour leur compétence
vétérinaire, comme lors de la FCO quand l'obligation de vacciner a nié leur capacité à comprendre les risques
de cette maladie et à les gérer. On leur conteste maintenant leur compétence de sélectionneur avec la
certification obligatoire des béliers.
Ainsi, pour toutes ces raisons, nous pensons, Messieurs les Directeurs, que la certification des
béliers et des boucs et le puçage ne doivent pas être obligatoires !
Le 25 Janvier 2012
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