Le theatrum mundi, une métaphore baroque Introduction L`analogie
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Le theatrum mundi, une métaphore baroque Introduction L`analogie
Le theatrum mundi, une métaphore baroque Introduction L'analogie entre le théâtre et le monde prend ses racines dans l'Antiquité. La période baroque du XVI-XVII e siècles est le moment où le théâtre s'approprie la métaphore à son avantage : le théâtre peut alors se prendre pour le monde. Le rôle du spectateur est de discerner entre illusion et réalité I] Quelques sources antiques de cette métaphore : elles sont philosophiques 1- Chez Platon : a- l'allégorie de la caverne ( Lire la République 514a-517d) Les hommes sont des spectateurs passifs qui ont l'illusion de vivre dans le monde et de le connaître quand ils sont enchaînés dans une grotte et ne perçoivent du monde que de vagues ombres. Seul le philosophe peut contempler le monde des Idées et guider les autres hommes vers cette lumière. b- La théorie de l'homme -marionnette ( Les lois I 644d-645c et VII 803c-804b) Les hommes sont des marionnettes fabriquées et manipulées par les dieux. Les hommes donnent le spectacle , mus par des fils dont l'un est un fil d'or: l'intelligence. Le but de l'éducation est que celuici dirige les autres . Conséquences : * la vie de l'homme est présentée comme absurde *existence d'une transcendance divine supposée *espoir que la raison peut prendre le dessus 2- Le monde-théâtre des Stoïciens Ils utilisent la métaphore théâtrale pour penser la condition humaine. L'homme joue un rôle qu'il ne choisit pas car il le reçoit du Destin. Sa seule liberté est dans la qualité du jeu. Un homme libre est un homme qui agit avec vertu. Comme un bon acteur qui doit mettre tous ses efforts au service de son rôle, l'homme doit à tout instant agir avec vertu Conséquence: - l'homme doit distinguer dans la vie entre son rôle social et son être réel. 3- La pensée chrétienne C'est la mort qui marque la fin du rôle mais quitter son rôle c'est aussi dévoiler son être réel à Dieu qui va procéder au jugement. Conséquence: Dieu est donc auteur, metteur en scène et spectateur (juge) ; sa seule présence protège du désespoir. => Dans l'antiquité donc l'image est utilisée pour penser la relation de l'homme au monde. Le théâtre est secondaire. Au début, d'ailleurs, il sert de repoussoir ( Platon). Puis ( à partir des Stoïciens) la démonstration s'appuie sur l'idée qu'il y a de bonnes / mauvaises manières de jouer . II] La vision baroque exploite la métaphore dans le cadre d'une réflexion généralisée sur une vie dominée par les incertitudes ( voir contexte politique, social, culturel) 1- Dans une vision du monde qui met tout en doute, il n'y a qu'une seule vérité, la mort La métaphore sera alors utilisée pour mettre en évidence : – le jeu des apparences sociales – l'inconsistance de la vie – le doute ou la foi face au créateur ( chez Corneille, version profane mais le rôle d'Alcandre évoque ce créateur tout puissant qui se joue de l'homme). ( autre thème baroque : le rêve dont on ne sait où il commence, où il finit) Un seul moment de vérité : la mort 2- Conséquences : a- Premier paradoxe : Quand le monde est trompeur, c'est le théâtre qui fait tomber les masques? Le théâtre est un mensonge qui dit vrai. L'allusion au mythe de la caverne est évidente: Alcandre convoque des spectres / ombres dans sa caverne. Pridamant ne les comprend pas, empêché par ses illusions, ses désirs, ses peurs. Alcandre le guide sur le chemin de la vérité et l'éduque à la lumière, comme le philosophe platonicien. Chez Corneille comme chez Platon, le parcours s'achève quand l'homme, contraint de regarder autrement, peut enfin voir et penser par lui-même. [Nb : la grotte est aussi une métaphore chère au baroque et on peut y voir: – un oeil peuplé d'images ( or voir Robert Maurice) – un crâne ouvert qui permet de plonger dans la pensée, dans l'imaginaire – une bouche dont sortent les vérités – un ventre qui accouche de nouveaux personnages ( Pridamant renaît, Clindor aussi) – atelier d'écriture de Corneille ( cf mise en scène de Marion Biéry] b- Second paradoxe Dans le contexte d'un monde instable et changeant, le théâtre devient l'image heureuse d'un monde idéal. En tous cas, c'est flagrant chez Corneille. – dimension économique de la fin : la présence de l'argent fait du théâtre une pratique sociale à part entière. – Surtout, ce partage de la recette est une image du bonheur, d'amitié pure. C'est une vision de la réconciliation humaine. C'est comme si cette image était allégorique du but de la représentation théâtrale idéale: une communion des âmes loin de toute violence et qui doit gagner le spectateur ( Pridamant). Cela rejoint aussi une vieille ambition antique qui veut qu'en éprouvant terreur et pitié pour le héros tragique, le spectateur soit libéré de ses émotions pour retourner sereinement à la vie civile.(catharsis aristotélicienne) Conclusion => L'apologie du théâtre donc est aussi implicite : Corneille, dans un XVIIe qui cherche avec urgence à policer les mœurs, place le théâtre au coeur du processus . Le théâtre éclaire les hommes , les soigne pour qu'ils puissent vivre ensemble. L'argent est le symbole du gain éthique ( « bienfait »v1822) qu'apporte le théâtre. Donc, dans un tel contexte, le comédien n'est plus un marginal , il est au contraire au coeur d'une société à la cohésion de laquelle il oeuvre. Et même , l'acteur apparaît comme symbolique de tous les hommes , lui qui peut prendre tous les rôles , toutes les formes, comme Protée, héros mythologique adoré des Baroques; lui qui connaît tous les tons, tous les sentiments, est le représentant idéal de la condition humaine.(Or on a d'abord la vie de Clindor puis la performance d'acteurs)