Vol. 12 No 3, 2001 - groupetraduction.ca

Transcription

Vol. 12 No 3, 2001 - groupetraduction.ca
Groupe traduction
PHARMATERM
Bulletin terminologique
de l’industrie pharmaceutique
Volume 12, n° 3, 2001
De novo, un terme d’avenir (1re partie)
Le terme de novo s’emploie en droit, dans le domaine bancaire, en médecine et dans
diverses autres disciplines. La fréquence avec laquelle on le retrouve dans les textes de
fraîche date, en particulier de nature scientifique, témoigne d’un nouvel engouement,
certes, mais aussi du besoin de traduire des réalités nouvelles. Nous ferons le point sur ce
latinisme à partir d’ouvrages lexicographiques en anglais, pour tenter ensuite d’établir un
parallèle avec l’usage qu’on en fait en français, la difficulté de trouver des sources fiables
dans cette langue ayant rendu la tâche très difficile. Étant donné la nature de l’information recueillie, nous avons jugé bon de faire de de nov o le sujet de deux articles : le
premier traitera des emplois du terme en médecine tandis que le second portera sur son
utilisation dans le domaine des biotechnologies.
Les dictionnaires généraux de langue anglaise consultés donnent à la locution les sens
suivants : 1. « adv ou adj : over again : ANEW1 »; 2. « anew; starting again2 »; 3. « adv.
Afresh; anew3 »; 4. « anew; afresh; again; from the beginning4 ». Ces termes, équivoques et généralement définis les uns par les autres, ne nous renseignent guère. Nous pouvons toutefois observer que de novo , consigné comme adverbe dans plusieurs
ouvrages3,5, figure à la fois comme adverbe et comme adjectif dans des éditions récentes
du Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary1. C’est une forme d’évolution qui marque
souvent un changement de sens.
Dans le langage spécialisé, de novo fait partie, notamment, du vocabulaire de la
médecine et du droit. Le Concise Dictionary of Medical-Legal Terms6 apporte une précision intéressante au sujet du sens de l’expression utilisée en médecine : « Means anew,
afresh. In medicine, de novo means the first onset of a lesion. » Plus loin, sous la rubrique
Injury, on peut lire : « Injury may be de novo (i.e. new, fresh) or it can be superimposed
on a pre-existing lesion. Most specific traumatic injuries (e.g. an accident) arise de novo
and this is called a precipitated injury. Superimposed injuries on pre-existing lesions are
either aggravations or accelerations7. » On retrouve ce sens dans l’exemple figurant ci-après :
« Preliminary analysis […] has shown recurrent/de novo disease in 6.3% of renal
transplant recipient8. »
Le terme figure par ailleurs dans le Dorland’s Illustrated Medical Dictionary9, sous
nodular melanoma, où la tumeur est décrite ainsi :
« nodular m., a type of malignant melanoma […] which may arise de novo or from
a preexisting malignant melanoma of a different type. »
Dans un autre texte portant sur le cancer, on trouve également l’acception suivante :
« De novo myelodysplastic syndromes develop without any known cause. The patient has
not received radiation therapy or chemotherapy for other diseases10. » Dans ces deux
derniers exemples, on remarque qu’il y a changement d’optique. Le point de vue envisagé
est celui de l’origine (de l’étiologie) de la lésion et non pas celui du moment où elle
survient dans le temps. De novo s’oppose à « from a preexisting melanoma » et à « having
a known cause ».
Nous pouvons, à ce point, formuler quelques observations :
1. l’expression de novo, qui conserve sa morphologie de locution adverbiale, a
évolué vers une nouvelle catégorie grammaticale, celle d’adjectif;
2. l’adjectif de novo se voit attribuer une acception particulière propre au domaine
médical (new, fresh, first onset, not from a preexisting lesion, without any known
cause);
3. en médecine, l’adverbe de novo s’utilise, particulièrement dans des textes
relatifs au cancer, dans un sens différent (not arising from a preexisting lesion,
developing without any known cause) de celui que donnent les dictionnaires
usuels (anew, afresh).
Cette évolution sémantique ne se fait pas sans entraîner une certaine confusion,
comme en témoignent ces définitions de de novo extraites de deux lexiques relatifs au
cancer trouvés dans Internet : 1. « Again; anew11. » 2. « New; not pre-existing12. » Ces
documents ne nous disent rien, par ailleurs, de l’utilisation du terme en rapport avec
l’étiologie de la maladie. Au fil des recherches, une piste de réponse apparaît enfin. Une
définition - encore une - trouvée dans le MacMillan Dictionary of Genetics and Cell
Biology13 et que confirment d’autres ouvrages14,15 s’énonce ainsi : « From a new or
unknown source », acception qui correspond bien à celle de de novo dans les exemples
relatifs au cancer.
Le court tableau ci-dessous synthétise les données qui précèdent :
TERME ANGLAIS
SENS EN CONTEXTE
De novo injury
New, fresh, not superimposed on
an existing lesion
De novo disease
Not recurrent
Melanoma arising de novo
Not from a preexisting melanoma
De novo myelodysplastic syndrome
Developed without any known cause
DÉFINITION
First onset of a lesion
New; not pre-existing
From a new or unknown
source
Il n’y a pas de hasard dans le fait que le second sens de de novo figure dans un
ouvrage relatif à la génétique et à la biologie cellulaire. La recherche sur le cancer ne
s’oriente-t-elle pas en priorité vers l’élucidation du rôle des gènes dans l’apparition de la
maladie? Nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet de l’extension du sens de de novo
dans des domaines de recherche de pointe dans notre prochain article.
À dessein, nous n’avons rien dit encore de l’usage de de novo en français.
Comprendre l’évolution du terme en anglais a été laborieux. Vouloir faire la même chose
en français relève de l’impossible sans des outils informatiques d’analyse lexicale appropriés. La locution ne figure dans aucun des dictionnaires généraux consultés16,17,18. Selon
le Dictionnaire des termes de médecine19, elle a le sens d’apparition récente. Ainsi
angor de novo se caractérise par des « douleurs angineuses d’apparition récente et surl’a
venant pour des efforts minimes, voire au repos20 ». Nous n’avons trouvé que ce seul
exemple de syntagme lexicalisé formé avec de novo. Selon le Garnier-Delamare, le terme
est monosémique en français : il ne recoupe qu’une partie du sens qu’on lui confère en
anglais. On remarque en outre que le point de vue adopté est différent de celui de
l’anglais. Ainsi, dans de novo renal disease after renal transplantation, selon l’exemple
cité en première partie, de novo ne marque pas la proximité dans le temps. Il indique que
le fait se produit pour la première fois, puisqu’il s’oppose à recurrent. De même, dans le
cas de de novo injury, la blessure n’est pas seulement fraîche ou d’origine récente, elle est
la première dans l’ordre d’apparition, c’est-à-dire qu’elle ne se superpose pas à une lésion
existante. Une recherche dans Internet a permis de trouver une occurrence de blessure
nou velle 21 (sens I.1. de nouveau : « qui apparaît pour la première fois22 »), dans un
contexte semblable à celui de l’anglais correspondant. L’interrogation à partir
angor de novo est
« (d’)apparition récente » n’a pas été fructueuse, mais dans un cas, l’a
décrit comme une « première crise d’angine de poitrine23 ». Enfin, les contextes suivants
confirment aussi la parenté de sens de l’expression en français et en anglais : « […] complications psychiatriques induites de novo24 [nouvelles, apparaissant pour la première fois]
ou révélées par la consommation d’ecstasy » et « développement d’artérioles intramusculaires in situ préexistantes ou formées de novo25 [nouvellement] ». Par ailleurs, nos
recherches ne nous ont pas permis de trouver d’autres exemples de de novo dans le sens
d’apparition récente, ce qui nous porte à croire que angor de novo est un syntagme figé
utilisé pour nommer un tableau clinique particulier d’angor instable apparu depuis environ
un mois26.
On trouve également en français des types de situations où de novo, à l’instar de
l’anglais et sans doute sous l’influence de cette langue, s’utilise pour caractériser une
tumeur dont on sait qu’elle ne s’est pas développée à partir d’une lésion sous-jacente.
Voici quelques cas d’emploi :
« Ainsi, plus la tumeur est grosse […] plus il sera difficile de réaliser une exérèse
satisfaisante […] De plus, les hépatectomies laissent en place la cirrhose sousjacente, favorisant la survenue ultérieure de tumeurs de novo27. »
« […] le traitement fait appel à la dialyse ou à la transplantation. La maladie ne
récidive pas sur le transplant mais 3 à 4 % des patients développent une maladie des
anticorps anti-membrane basale glomérulaire de novo28. »
« Les atteintes [de tumeur phyllode] bilatérales et/ou multiples, de novo ou à partir
d’une adénofibromatose, s’observent surtout chez l’adolescente et la femme
jeune29. »
Nous avons trouvé beaucoup d’exemples similaires d’utilisation de de novo.
Cependant, les auteurs français recourent également à d’autres modes d’expression dans
le même type de contextes. En voici quelques exemples :
« La plupart des mélanomes ne semblent pas avoir de précurseursa, seule une
minorité provient de la dégénérescence de nævus. […] La dégénérescence d’un
précurseur se marque par un bourgeonnement de surface, une érosion, un infiltration. La lésion “de novo” débute par une kératose rebelle30. »
« Les cancers plans de faible diamètre […] ont une morphologie de cancer sur toute
leur surface, ce qui fait évoquer une voie directe de cancérogenèse, appelée cancer
“de novo”31. »
La recherche documentaire nous permet donc de conclure que la locution de novo a
plusieurs acceptions en français. Selon le dictionnaire, elle signifie d’apparition récente,
mais les textes montrent plutôt que, comme en anglais, l’usage lui donne généralement
deux sens : 1. nouveau, qui survient pour la première fois; 2. sans lésion ou cause
préexistante.
Quand faut-il conserver de novo en français et quand faut-il lui substituer un équivalent? Notre recherche n’apporte pas de réponse définitive à cette question. Tout au plus
a-t-elle permis d’élucider les sens du terme en anglais, d’expliquer pourquoi, à l’heure
actuelle, il est source d’ambiguïté et d’équivoque et de montrer qu’en français aussi
l’usage paraît vouloir consacrer cette locution, courte et commode d’emploib. D’ailleurs,
comme l’indique son utilisation dans le domaine du génie génétique, elle répond vraisemblablement au besoin de nouveaux modes d’expression dans des domaines de recherche de
pointe. De novo est l’exemple même d’un terme dont l’évolution sémantique est en fermentation dans l’usage. Un prochain article nous permettra de poursuivre notre cheminement et de pousser l’analyse un peu plus loin.
Diane Bouilhac
a
b
La pertinence de l’extension du sens de ce mot reste à déterminer.
Selon le Dr Quérin, que nous remercions d’avoir bien voulu relire et commenter le présent article, il ne fait
pas de doute que la locution est là pour rester en français.
Références
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, 10e édition, Springfield, Massachusetts, Merriam-Webster,
Inc., 1993 et 1999, p. 309.
Dodds de Wolf, Gaelan et coll., Gage Canadian Dictionary, édition révisée et enrichie, Vancouver, Gage
Educational Publishing Company, 1997, p. 417.
Reader’s Digest Illustrated Encyclopedic Dictionary, vol. 1, A-K, Pleasantville, New York, The Reader’s
Digest Association, Inc., 1987, p. 457.
The Random House College Dictionary, New York, Random House, Inc., 1973, p. 355.
Webster’s Ninth New Collegiate Dictionary, Markham, Ontario, Thomas Allen & Son Ltd., 1990, p. 339.
Bailey, Joseph A., The Concise Dictionary of Medical-Legal Terms. A general guide to interpretation and usage,
New York and London, The Parthenon Publishing Group, 1998, p. 35.
Ibid., p. 65.
CenterSpanTM, Renal Allograft Disease Registry (RADR), http://www.centerspan.org/registries/rardr.htm.
Dorland’s Illustrated Medical Dictionary, 29e édition, Philadelphie, W.B. Saunders Company, 2000, p. 1076.
CancerMail from the National Cancer Institute, Information from PDQ for Patients, Myelodysplastic
syndrome, http://medhlp.netusa.net/lib/cancernet/202495.htm.
What does THAT mean? (a modest guide to cancer talk), http://www.salick.com/resource/features/glossary.html.
Glossary for the Cochrane Colorectal Cancer Group, http://www.cccg.dk/Glossary.html.
Maclean, Norman, MacMillan Dictionary of Genetics and Cell Biology, MacMillan Reference Books,
Londres, The MacMillan Press Ltd., 1987, p. 110.
Juo, Pei-Show, Concise Dictionary of Biomedicine and Molecular Biology, Boca Raton, CRC Press,
1996, p. 285.
King, Robert C. et Stansfield, William D., A Dictionary of Genetics, 5e édition, New York, Oxford
University Press, 1997, p. 307.
Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, 10 volumes, Paris, Librairie Larousse, 1982.
Le Grand Robert de la langue française-Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française,
9 volumes, 2e édition entièrement revue et enrichie, Paris, Le Robert, 1985.
Le Nouveau Petit Robert-Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, texte remanié
et amplifié sous la dir. de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2000.
Delamare, J. et coll., Dictionnaire des termes de médecine, 26e édition, Paris, Maloine, 2000, p. 215.
Dictionnaire de médecine Flammarion, sous la direction de Serge Kernbaum, Médecine-Sciences, Paris,
Flammarion, 1998, p. 56.
Guérir, http://perso.wanadoo.fr/oms-venissieux/medical_1.htm.
Le Nouveau Petit Robert-Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, texte remanié
et amplifié sous la dir. de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1994.
Minimum vital-Les enseignants du groupe Pitié-Salpêtrière 2000-2001, http://www.chups.jussieu.fr/polys/nivA/NiveauA.pdf.
Expertise Collective : “Ecstasy : des données biologiques et cliniques aux contextes d’usage”,
http://www.inserm.fr/servcom.nsf/397fe8563d75f39bc12563f60028ec43/202fc91993c22d38c
125662500418f1b?OpenDocument.
Sang Thrombose Vaisseaux, vol. 12, no 10, 2000, p. 591-597, Mini-revues : Perspectives cardiovasculaires,
http://www.john-libbey-eurotext.fr/articles/stv/12/10/591-7/.
La revue du praticien, no 49, 1999, p. 1217-1218.
Hépato-Gastro, La transplantation hépatique pour carcinome hépatocellulaire sur cirrhose,
http://www.john-libbey-eurotext.fr/articles/hpg/3/6/431-4/.
Syndrome d’Alport, http://www.nephrohus.org/3_cycle_folder/GN_sd_Alport.html.
Martine Boisserie-Lacroix, Eve Dos Santos, Pathologie mammaire de l’adolescente,
http://perso.wanadoo.fr/college-gyneco.cvl/1998/pedia3.htm.
J.C. Beani, Les tumeurs cutanées malignes, http://www-sante.ujf-grenoble.fr/sante/corpmed/
Corpus/corpus/question/derm131.htm.
Chavaillon, Annick, Lésions néoplasiques colorectales précoces et planes,
http://www.fmcgastro.org/htdocs/postu01/01_chava.html.
Mise en page et reproduction — Imprimerie Mackay Inc.
Dépôt légal — 1er trimestre 1990 ISSN 0847 513X
Nous remercions Christiane Martineau, term. a., pour sa collaboration à la rédaction du bulletin
Pharmaterm. Copyright© 2001. Tous droits réservés.
Le contenu de cette publication ne peut être reproduit en tout ou en partie sans le consentement écrit
du Groupe traduction. Les opinions exprimées dans cette publication n’engagent en rien Les compagnies
de recherche pharmaceutique du Canada.
Ont collaboré à ce numéro de Pharmaterm :
Marie Bachand, Aventis Pharma Inc.
Claudine Bertrand, Merck Frosst Canada & Cie
Cécile Bruneau, Eli Lilly
Marina de Almeida, Wyeth-Ayerst Canada inc.
Abonnement : 20 $ par année (4 numéros)
Prière de faire parvenir toute correspondance à :
Marina de Almeida, Wyeth-Ayerst Canada inc., 1025, boul. Marcel-Laurin, Saint-Laurent
(Québec) H4R 1J6 ou [email protected].

Documents pareils

Vol. 13 No 2, 2002 - groupetraduction.ca

Vol. 13 No 2, 2002 - groupetraduction.ca 24 DES DIS d’oncologie 1997, http://perso.wanadoo.fr/pierre.fargeot/CHIMIOGEN2.htm. 25 Dictionnaire de médecine, Paris, Flammarion Médecine-Sciences, 1982, p. 612. 26 Spyratos, F. et coll., Standar...

Plus en détail