HCéé - Haut Conseil de l`Éducation

Transcription

HCéé - Haut Conseil de l`Éducation
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
L’EFFET DE LA RÉDUCTION
DE LA TAILLE DES CLASSES
SUR LES PROGRÈS DES ÉLÈVES
L
a question de l’influence de la taille des
classes sur l’efficacité de l’enseignement et
les progrès des élèves est largement débattue dans notre système éducatif. Il est assez
couramment admis qu’une réduction de la taille
des classes doit entraîner des effets positifs, et sa
revendication fait souvent partie des mesures
que les enseignants et les parents d’élèves appellent de leurs vœux.
La France a consacré, de fait, des moyens importants à une réduction sensible de la taille des
classes : de 1966 à 1999, cette taille a diminué
en moyenne de 43,7 élèves à 25,5 (71 %) en
maternelle, de 28 à 22,3 élèves (26 %) en élémentaire, de 27,5 à 24,2 élèves (14 %) dans le
premier cycle du second degré et de 30,8 à 28,8
élèves (3 %) dans le second cycle général et
technologique. Encore cette dernière réduction
sous-estime-t-elle l’effort réel, puisque, dans ces
lycées, le nombre d’élèves par enseignant a
diminué plus nettement, notamment parce que,
au sein de classes aussi grandes qu’auparavant,
les élèves se voient proposer plus souvent des
enseignements en petits groupes ou optionnels
(de 1990 à 1995, ce taux est passé de 13,8
élèves pour un enseignant à 11,8, soit une
baisse de 17 %). Le même type d’évolution peut
être constaté dans la plupart des pays développés. Par ailleurs, des politiques volontaristes de
réduction de la taille des classes sont conduites
dans certains de ces pays, en particulier aux
Etats-Unis.
Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a
donc décidé – répondant en cela à un souhait
du ministre de l’Éducation nationale – de faire
le point sur ce que la recherche et les études
permettent de conclure sur cette question. Il a,
pour ce faire, demandé un rapport de synthèse
sur « les recherches sur la baisse de la taille des
classes » à Denis MEURET, professeur de sciences de l’éducation à l’université de Bourgogne.
Ce rapport est public et disponible ; il peut être
consulté sur le site du Haut Conseil de l’évaluation de l’école :
http://cisad.adc.education.fr/hcee
La discussion à laquelle il a donné lieu au sein
du Haut Conseil conduit celui-ci à formuler l’avis
suivant.
Avis du HCéé N° 1 – Mars 2001
Enfin, on ne dispose guère aujourd’hui de travaux sur l’effet que peut avoir la réduction de la
taille des classes sur les enseignants eux-mêmes : leur santé, leur « stress », leur absentéisme, toutes choses susceptibles de contribuer
à expliquer la place de cette question dans les
plates-formes revendicatives, voire une partie
des effets positifs que l’on attribue à une réduction de la taille des classes.
Une question qui appelle des recherches
et des études dans notre pays
L’essentiel des travaux scientifiques de qualité
sur lesquels il est aujourd’hui possible d’asseoir
des réflexions et des décisions sur ce sujet est
réalisé dans d’autres pays – notamment aux
Etats-Unis – et porte donc sur d’autres systèmes
éducatifs que le nôtre. Une question aussi débattue et dont les enjeux éducatifs et financiers
sont particulièrement élevés devrait faire l’objet
de davantage de recherches et d’études dans le
contexte spécifique du système éducatif français.
Une forte réduction de la taille
de certaines classes peut avoir
des effets positifs
Ces études et recherches devraient porter non seulement sur les effets que l’on peut attendre d’une
réduction de la taille des classes « en général »,
mais aussi sur des questionnements plus fins.
Bien que souvent conduites dans d’autres contextes que le nôtre, les recherches actuellement
disponibles – recherches qui portent surtout sur
l’enseignement primaire et secondairement sur
le collège – convergent vers quelques conclusions importantes. Ainsi il semble exister un
effet positif – mais faible – sur les progrès des
élèves, effet observé presqu’uniquement dans
les petites classes de l’enseignement primaire,
qui semble ne se produire que si l’on procède
à une forte réduction de la taille des classes, et
qui n’est vraiment visible que pour les enfants
de familles défavorisées. Cet effet semble durable, même après que les élèves ont rejoint de
grandes classes.
Par exemple, alors que les dédoublements de
classes sont de plus en plus nombreux et que
l’on promeut le travail en groupes de taille
réduite et différenciée selon les activités et les
moments, ne faut-il pas envisager d’apprécier
l’effet de ce type d’alternance entre grands et
petits groupes ? Ne faut-il pas étudier cet effet
plus particulièrement à certains niveaux réputés
difficiles de la scolarité, comme le collège, ou
pour certaines activités où la performance du
système éducatif français est moyenne, comme
l’enseignement des sciences ? Quels sont les
mécanismes à l’œuvre lorsque l’on procède à
des réductions de la taille des classes ? Quels
sont les éventuels bénéfices des élèves (acquis
cognitifs ou non) ?Y a-t-il des effets spécifiques
– selon les activités ou les disciplines – de la
combinaison de tailles plus ou moins réduites
des groupes d’élèves et de diverses mesures de
politique éducative (aide individualisée aux élèves, technologies de l’information et de la communication en éducation,..).
Pour être efficace, une politique
de réduction de la taille des classes
doit donc être très sélective…
Ainsi, si l’on décide de conduire une politique
de réduction de la taille des classes, il faut, pour
qu’elle ait une chance d’être efficace, qu’elle
soit très « ciblée » en direction des seules petites classes du primaire (pour nous le Cours
Préparatoire) des écoles où est concentrée la
population la plus défavorisée. Encore faut-il, si
l’on veut bénéficier des effets positifs d’une telle
politique, consentir un effort important – donc
coûteux – de réduction de la taille de ces classes, en envisageant d’aller vers des classes
ayant nettement moins de 20 élèves.
Par ailleurs, constate-t-on une gestion différente
par l’enseignant d’un « groupe-classe » plus réduit, une meilleure intégration des élèves au
système et à ses règles ? Cela ouvre-t-il la possibilité aux enseignants de développer des pratiques différentes et plus efficaces, et utilisent-ils
effectivement cette possibilité ? Cela procure-til une plus grande « sérénité » qui rendrait plus
favorables les conditions d’apprentissage ?
Il serait donc concevable d’expérimenter une
disposition respectant ces trois critères, de l’évaluer au bout de deux ans, puis de l’étendre si
2
Avis du HCéé N° 1 – Mars 2001
elle est aussi efficace que ce que laissent attendre les études.
ses – même très sélective – est plus intéressante,
par rapport à son coût, c’est-à-dire est plus
« efficiente », que d’autres mesures de politique
éducative, comme par exemple, l’aide individualisée aux élèves ou des mesures en direction
des enseignants (formation, animation, évaluation, etc.).
Une telle expérimentation permettrait aussi
d’associer à une politique de réduction ciblée
de la taille des classes, d’autres mesures, par
exemple, une formation des enseignants les
mettant à même de tirer le meilleur parti de
petites classes en y développant des pratiques
adaptées (en effet la seule réduction de la taille
des classes ne saurait entraîner mécaniquement
le développement de telles pratiques).
On dispose de peu de travaux permettant des
comparaisons fondées en la matière. Tout au
plus peut-on tirer des impressions de recherches
conduites – une fois encore – aux États-Unis et
qui laissent penser que certaines politiques
s’avèrent plutôt plus efficientes, voire efficaces
ou équitables, que la réduction de la taille des
classes.
En tout cas, une politique touchant d’autres
niveaux de scolarité ou une politique à visée
plus générale n’ont pas, d’après les recherches
disponibles, d’effets positifs, ce qui invalide la
pratique de réduction de la taille des classes
« au fil de l’eau » ou délibérée, telle qu’elle a
été réalisée ces dernières années en mettant à
profit la baisse démographique.
nnn
Cela incite, en tout cas, à n’envisager cette
politique de réduction de la taille des classes
que de la façon très sélective – et dans un
premier temps, expérimentale – qui a été évoquée plus haut, et après s’être posé la question
de savoir si les sommes qui y seraient consacrées ne peuvent pas être mieux utilisées
autrement n
…d’autant plus que d’autres politiques
peuvent être plus efficientes
Il faut, de plus, se poser la question de savoir si
une politique de réduction de la taille des clas-
3
Avis du HCéé N° 1 – Mars 2001
LES AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
Cet avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école sur « l’effet de la réduction de la taille
des classes sur les progrès des élèves » est la première expression publique de cette nouvelle
instance.
Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a été créé par Jack Lang, ministre de l’Éducation
nationale, afin de renforcer et de réorganiser un puissant pôle d’évaluation du système
éducatif français.
Cette instance indépendante est composée de 35 membres nommés pour une durée de
trois ans : élus nationaux et territoriaux ; personnels de l’Éducation nationale, parents
d’élèves, lycéens, étudiants ; salariés et employeurs ; personnalités françaises et étrangères
reconnues pour leurs compétences dans le domaine de l’évaluation du système éducatif.
Présidé par Claude THÉLOT, conseiller maître à la Cour des comptes, ce Haut Conseil est
chargé de trois grandes missions :
– mission d’expertise : en examinant les évaluations produites et diffusées par le ministère
et notamment par la direction de la programmation et du développement et toutes
évaluations produites par tous organismes publics ou privés ;
– mission de synthèse : en tirant, sur un sujet de politique éducative, les enseignements des
études et des recherches existantes ;
– mission de proposition : en commandant des évaluations spécifiques à des organismes
publics ou privés dans des domaines où existent des lacunes.
Le Haut Conseil établit un rapport annuel sur l’état de l’évaluation du système éducatif ;
ses avis, ses rapports et ses recommandations sont rendus publics. Il intervient dans le débat
public pour favoriser une évaluation objective de l’école.
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Claude THÉLOT
Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 14
Fax : 01 55 55 77 62
Adresse du site du HCéé : http://cisad.adc.education.fr/hcee
ISSN en cours
Conception et impression – DPD/BED
4
Avis du HCéé N° 1 – Mars 2001
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
APPRÉCIER ET CERTIFIER LES ACQUIS
DES ÉLÈVES EN FIN DE COLLÈGE :
DIPLÔME ET ÉVALUATIONS-BILANS.
L
a fin du collège correspond généralement
à la fin de la scolarité obligatoire. Certes,
la très large majorité des élèves poursuivent aujourd’hui leur formation initiale bien
au-delà, mais la fin du collège constitue un des
moments décisifs de leur cursus, celui où, après
avoir peu ou prou suivi la même scolarité, ils
connaissent une orientation qui les engage vers
une formation initiale plus ou moins longue et
plus ou moins professionnalisée. Apprécier et
certifier les acquis des élèves à ce niveau constitue un double enjeu de politique éducative : il
s’agit, d’abord, de vérifier si le système fait
accéder tous les élèves à la maîtrise des savoirs,
savoir-faire et savoir-être citoyens de base ; il
s’agit, en même temps d’évaluer si chacun des
élèves a bien acquis les compétences de ce
« socle commun ».
Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a
donc décidé d’examiner les outils qui s’efforcent, dans l’état actuel des choses, de répondre
à ces deux aspects : d’une part, les évaluationsbilans des acquis des élèves en fin de troisième
que le ministère de l’Éducation nationale a or-
ganisées à diverses reprises au cours des deux
dernières décennies ; d’autre part, le brevet,
auquel la grande majorité des élèves de troisième se présentent. Pour étayer son avis sur ces
sujets, il a demandé un rapport de synthèse à
Michel SALINES et Pierre VRIGNAUD, rapport
public et qui peut être consulté sur le site du
Haut Conseil :
http://cisad.adc.education.fr/hcee/publication.
La discussion à laquelle il a donné lieu au sein
du Haut Conseil conduit celui-ci à formuler
l’avis suivant, qui devrait contribuer aux réflexions en cours, à la suite des annonces récentes du Ministre sur le collège et le brevet.
Le brevet remplit mal les fonctions qui
devraient être les siennes, tout en gardant
une certaine valeur symbolique.
Le brevet n’est plus un diplôme national et a
perdu de son sens. Cette formule, brutale, résume le sentiment du Haut Conseil de l’évaluation de l’école. Les conditions actuelles
d’organisation et surtout de pilotage de cet
Avis du HCéé N° 2 – Juin 2001
que cette certification doit prendre la forme
d’un diplôme national de fin de collège qui, par
rapport au brevet actuel, retrouve sa valeur et sa
dignité. A cette fin, il recommande de s’appuyer
sur les principes suivants :
examen, ne lui permettent pas de remplir ses
fonctions.
Vu la forme des épreuves actuelles, les modalités d’élaboration des sujets, les très fortes disparités des appréciations des élèves entre
établissements et entre enseignants (disparités
qui ne concernent pas le seul contrôle continu),
l’absence à peu près générale d’harmonisation
de la notation (y compris souvent au plan de
chaque département), sans parler de l’hétérogénéité des séries, le brevet peut difficilement
apprécier de façon fiable et cohérente les acquis
des élèves en fin de troisième et encore moins
donner des indications utiles à son orientation.
– favoriser un examen unique, ce qui conduit à
supprimer les actuelles séries technologiques et
professionnelles, peu valorisées (quitte à ce que
des élèves puissent repasser tout ou partie des
épreuves après avoir quitté le collège) ;
– conserver un caractère mixte aux modalités
de l’examen, qui associent un contrôle terminal
et un contrôle continu, mais à la condition
expresse d’en harmoniser au maximum les conditions de réalisation et d’appréciation, afin de
dégager ce contrôle continu de contingences
locales ;
L’absence d’un pilotage national de l’examen
est manifeste : il ne fait pas l’objet d’un véritable
suivi au niveau national et l’administration centrale ne dispose pas d’un fichier des résultats qui
lui permettrait de réaliser des études de nature
à alimenter le pilotage du système éducatif,
comme elle peut le faire pour le baccalauréat.
– veiller à ce que l’obtention du diplôme garantisse bien l’acquisition des savoirs, savoir-faire
et savoir-être citoyens de base. Il n’appartient
pas au Haut Conseil de définir précisément les
épreuves, ni le partage entre celles qui relèveraient du contrôle continu et celles qui relèveraient du contrôle terminal ; cependant, il lui
paraît indispensable qu’on évalue toutes les
dimensions du socle de base, ce qui implique
que les épreuves fassent une place à des dimensions comme les langues vivantes et les compétences à communiquer ;
Pour autant, l’administration centrale, comme
l’inspection générale de l’éducation nationale,
ne se désintéresse pas du brevet : les derniers
textes relatifs à celui-ci sont récents (arrêté et
circulaire de 1999) et témoignent d’une volonté
d’en « recadrer » les pratiques d’organisation et
de correction, notamment en ce qui concerne
le contrôle continu ; ils en réaffirment le caractère national. Comme c’est trop souvent le cas,
ces textes semblent malheureusement peu
connus, et ne sont pas appliqués.
Il faut certifier ce que sait chaque élève
en fin de scolarité obligatoire.
– envisager que l’examen puisse donner lieu à
des certifications différenciées : d’une part, si
l’élève ne maîtrise qu’une partie des compétences du socle commun, cela lui serait validé,
même s’il n’obtient pas le diplôme ; d’autre part,
certaines compétences ou dimensions ne figurant pas dans le socle pourraient lui être reconnues. La combinaison des deux modalités
déboucherait non seulement sur la délivrance
ou non du diplôme, mais aussi sur un « profil »
ou un « bilan de compétences » maîtrisées par
l’élève, et propre à favoriser ultérieurement son
orientation et son insertion professionnelles. La
mise au point d’épreuves standardisées complétant des « épreuves classiques », épreuves dont
le contenu et l’organisation sont à définir, irait
dans le sens de ces certifications différenciées ;
Cela implique de reconstruire une certification
terminale du collège. Le Haut Conseil considère
– restaurer une organisation et un suivi effectifs
aux plans national et académique : sujets ancrés
Cependant, sur le terrain, le brevet reste un
examen considéré comme important par beaucoup d’enseignants et d’élèves. Les inspections
académiques utilisent parfois ses résultats
comme outil de pilotage des collèges. Par
ailleurs, il conserve une valeur symbolique
forte, notamment aux yeux des familles populaires ou modestes, ceci bien qu’il ne bénéficie
plus d’une reconnaissance de la part des
employeurs.
2
Avis du HCéé N° 2 – Juin 2001
pédagogiques de la classe de troisième pour
déterminer dans quelle mesure les objectifs
fixés par les programmes sont atteints. On se
place ainsi dans une perspective essentiellement scolaire. et les changements – fréquents –
d’objectifs des programmes créent des difficultés pour les comparaisons temporelles. Cela
gêne l’utilisation de ces évaluations pour un
pilotage à moyen terme du système éducatif
dans son ensemble.
sur les programmes du collège, harmonisation
des conditions de passation et des corrections,
tant du contrôle continu que du contrôle terminal, collecte des résultats permettant études et
analyses, etc. ;
Ainsi rebâtie cette certification de fin de collège
serait un élément informatif sur l’élève, susceptible d’intervenir dans son orientation, sans pour
autant qu’elle soit sélective pour la poursuite de
ses études, d’autant que ce qu’elle évaluera ne
sera pas toujours un pré-requis pour la formation ultérieure.
Sans entrer dans une analyse technique détaillée, le Haut Conseil de l’évaluation de
l’école note que la fiabilité statistique des évaluations-bilans françaises est élevée et a toujours fait l’objet d’une attention soutenue, mais
que leur défaut majeur réside dans le manque
de référence aux concepts et méthodes fréquemment utilisés pour la mesure en éducation.
Par ailleurs des évaluations-bilans assises sur les
compétences de base nécessaires dans notre
société – ce qui supposerait de préciser ces
dernières – ne sont pas disponibles.
Elle serait également un élément de pilotage du
système, utile à la réflexion et à l’action des
équipes pédagogiques, comme à l’appréciation
publique des performances des collèges. Le diplôme national du brevet doit en effet permettre
d’asseoir des indicateurs permettant des comparaisons fondées entre ces établissements.
Cela suppose que le ministère de l’Éducation
nationale clarifie les objectifs du collège, et
surtout, mette beaucoup plus l’accent qu’il ne
l’a fait ces dernières décennies sur le brevet, ce
qui serait de nature à favoriser la réussite d’un
collège rénové.
Il faut suivre l’évolution des acquis de
l’ensemble des élèves en fin de scolarité
obligatoire.
Cela implique d’améliorer et de rendre comparables des évaluations-bilans à ce moment clef
de la formation initiale, et ceci en s’appuyant
sur l’expérience déjà acquise.
La France bénéficie d’une longue
tradition des évaluations-bilans en fin de
collège, mais celles-ci ne permettent pas
vraiment d’apprécier l’évolution dans le
temps du niveau des élèves.
– en distinguant de façon radicale les évaluations-bilans et les évaluations-diagnostics – particulièrement développées dans le système
éducatif français – dont les finalités sont distinctes : les évaluations-diagnostics ont pour objectif de connaître les acquis d’un élève ou d’une
classe, à différents moments, afin de mettre en
place des mesures pédagogiques adaptées,
alors que les évaluations-bilans visent à recueillir des informations d’ensemble sur les acquis des élèves à partir d’un échantillon
représentatif, en vue d’établir un bilan, d’étudier
une évolution, etc. ;
Le système éducatif français dispose, en matière
d’évaluations-bilans, d’un matériau important –
beaucoup plus important que dans la plupart
des autres pays. Il a été publié sous des formes
et à des degrés de détail divers selon les enquêtes et les années. Il est fondé sur les résultats à
des épreuves standardisées d’échantillons représentatifs d’élèves, et apporte de nombreux
éclairages sur ce que savent les élèves en fin de
troisième, sans permettre cependant de répondre de façon totalement satisfaisante et complète à la question de savoir ce qu’a été
l’évolution des compétences des élèves en fin
de scolarité obligatoire au cours des dernières
décennies.
– en réalisant à périodicité régulière des évaluations-bilans et en alternant, au fil des périodes,
les champs de connaissances et de compétences évaluées, de façon à pouvoir suivre l’évolution de chacun d’entre eux, sans mettre en place
des dispositifs trop lourds ;
La méthode employée consiste principalement
à évaluer les acquis correspondant aux objectifs
3
Avis du HCéé N° 2 – Juin 2001
bles aux acteurs et aux responsables du système
éducatif, ainsi qu’à l’opinion.
– en renforçant la fiabilité de la mesure, par un
usage plus grand de la psychométrie et par un
souci beaucoup plus marqué de la comparabilité temporelle dans la construction des épreuves, et par une meilleure maîtrise des conditions
de passation de ces épreuves ;
nnn
Il ne faut pas se dissimuler que la mise en œuvre
d’un programme aussi ambitieux et le respect
des exigences évoquées impliquent de renforcer très sensiblement les moyens que le système
éducatif français consacre aujourd’hui à son
dispositif d’évaluation. C’est ce que font la plupart des pays étrangers comparables au nôtre n
– en envisageant des évaluations assises sur les
compétences de base nécessaires dans notre
société ;
– en améliorant la présentation de leurs résultats, qui doivent être rendus plus compréhensi-
Cet avis est le deuxième que rend le Haut Conseil de l’évaluation de l’école, qui s’est
déjà exprimé en mars dernier sur « l’effet de la réduction de la taille des classes sur les
progrès des élèves ». Trois nouveaux sujets sont actuellement au programme de travail
du Haut Conseil et devraient donner lieu à un avis au cours des mois à venir :
– les forces et les faiblesses de l’évaluation du système éducatif français ;
– les évaluations des lycées et les usages de ces évaluations ;
– l’évaluation des enseignements universitaires.
Les avis et les rapports établis à la demande du Haut Conseil sont disponibles sur son
site Web.
Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école est une instance indépendante créée par
Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale, afin de renforcer et de réorganiser un
puissant pôle d’évaluation du système éducatif français.
Il est composé de 35 membres nommés pour une durée de trois ans : élus nationaux
et territoriaux ; personnels de l’éducation nationale, parents d’élèves, lycéens, étudiants ; salariés et employeurs ; personnalités françaises et étrangères reconnues pour
leurs compétences dans le domaine de l’évaluation du système éducatif.
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Claude THÉLOT
Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 14
Fax : 01 55 55 77 62
Adresse du site du HCéé : http://cisad.adc.education.fr/hcee
ISSN en cours
Conception et impression – DPD/BED
4
Avis du HCéé N° 2 – Juin 2001
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
LES FORCES ET LES FAIBLESSES
DE L’ÉVALUATION
DU SYSTÈME ÉDUCATIF FRANÇAIS
L
’appréciation des forces et des faiblesses
de l’évaluation du système éducatif français peut être considérée comme la tâche
permanente du Haut Conseil de l’évaluation de
l’école. C’est pourquoi, il lui a paru important,
dès sa création, d’esquisser un premier tableau
général de ces forces et faiblesses, tableau qui
se précisera chaque fois qu’il abordera des
thèmes nouveaux et qui devrait évoluer en
fonction des échos que rencontreront ses recommandations.
Pour étayer son premier avis sur ce sujet d’ensemble, le Haut Conseil a demandé un rapport
de synthèse à Claude PAIR, rapport public qui
peut être consulté sur le site du Haut Conseil :
http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique
« publications ».
En France, des pratiques diversifiées
d’évaluation de l’École sont aujourd’hui
largement développées.
Les deux formes principales d’évaluation que
connaît traditionnellement le système éducatif
sont la notation des élèves et l’évaluation individuelle des prestations professionnelles des
personnels. Leur validité est certainement discutable et elles n’ont jamais fait l’objet, ellesmêmes, d’une véritable évaluation. Le système
éducatif français a préféré, plutôt qu’améliorer
ces deux formes traditionnelles, les compléter
par des travaux et des outils nouveaux. Les
pratiques d’évaluation – et la diffusion des résultats des évaluations – ont ainsi connu un
développement important au cours des deux
dernières décennies.
Aujourd’hui, le système éducatif français présente, relativement à la plupart des systèmes
éducatifs étrangers et par rapport aux autres
services publics nationaux, une image favorable
quant à la variété et à la qualité des évaluations
qui y sont conduites. Certains outils ou réalisations y connaissent des développements particuliers, voire originaux, comme les évaluations
diagnostiques « de masse » des acquis des élèves, organisées à plusieurs moments clefs de la
scolarité, ou les indicateurs de performance des
lycées fondés sur une appréciation de la « valeur ajoutée » de ces établissements. Il est vrai
Avis du HCéé N° 3 – Octobre 2001
la recherche d’une amélioration de la qualité de
ces dispositifs. Il est indispensable de mettre
l’accent – et de faire porter les efforts – sur ces
conditions.
que, dans ce dernier cas, l’appréciation est imparfaite du fait de l’absence d’évaluation des
progrès des lycéens.
Le coût de l’ensemble de ces travaux d’évaluation devrait être connu et diffusé et le Haut
Conseil souhaite qu’il soit apprécié de façon
plus fine et plus exhaustive qu’il l’a été jusqu’ici.
Promouvoir un meilleur usage des dispositifs
existant pour évaluer les politiques conduites et
pour piloter le système éducatif à tous les niveaux - national, académique et local - suppose,
de la part des évaluateurs, un effort important
de communication, de diffusion et de vulgarisation de leurs travaux, de leurs outils et de leurs
résultats, et, de la part des responsables et des
acteurs, une réelle volonté d’intégrer ces outils
et ces résultats dans les processus de régulation
du système.
Ceci dit, l’évaluation du système éducatif français se présente sous la forme d’un foisonnement de travaux et de dispositifs variés qui se
sont ajoutés les uns aux autres, sans constituer
véritablement un ensemble organisé et cohérent
qui permette de répondre, à la fois et à tous les
niveaux, aux deux objectifs de l’évaluation :
rendre compte aux citoyens et aux « usagers »
de l’état du système éducatif, et donner aux
responsables et aux acteurs les moyens d’une
régulation et d’un pilotage.
Pour encourager cet usage, un effort important
en moyens tant humains que matériels est indispensable. Pour ce faire, le Haut Conseil recommande, indépendamment de ce qu’il conclura
des thèmes qu’il inscrit à son programme de
travail (cf. ci-dessous) :
La question majeure, aujourd’hui, est
celle du très faible usage de ces
évaluations.
– que la publication des résultats des travaux et
la mise à disposition des outils d’évaluation
soient systématiquement accompagnées, d’une
part, par des informations qui permettent aux
responsables et aux acteurs d’en débattre et de
se les approprier et, d’autre part, d’une formation qui leur en facilite l’usage ;
La variété des dispositifs en place et la richesse
de leurs résultats contrastent avec la faiblesse de
leurs usages.
A part la notation des élèves qui intervient très
fortement, en particulier dans la certification et
l’orientation et qui mériterait d’être améliorée,
les diverses évaluations sont effet très peu utilisées. Deux exemples de dispositifs dont la nature et les promoteurs sont différents l’illustrent.
L’évaluation des personnels, qui mobilise une
part importante de la force de travail des corps
d’inspection et qui n’est ni assez homogène ni
fondée sur les résultats, ne sert guère qu’à la
notation « statutaire » de ces personnels et débouche rarement sur des infléchissements de
leurs pratiques. Les indicateurs de performance
des lycées, régulièrement rendus publics depuis
huit ans, n’ont pas encore été utilisés comme point
d’appui pour développer un processus de régulation du fonctionnement de ces établissements.
– que soit régulièrement établies des synthèses
de l’état de la connaissance dans des termes tels
qu’elles soient réellement utiles aux responsables et aux acteurs du système éducatif ;
– que toute politique ou toute mesure nouvelle
envisagée dans le système éducatif soit explicitement articulée avec un ou des dispositifs
d’évaluation, et que ses conditions de mise en
œuvre précisent l’usage qui doit être fait de ces
dispositifs, notamment de ceux existant déjà ;
– qu’une formation professionnelle ciblée des
enseignants soit développée dans tous les IUFM
et en formation continue, notamment sur la
question spécifique de la notation et de l’évaluation des élèves.
C’est pourquoi le Haut conseil considère que la
création des conditions propres à permettre le
développement des usages des dispositifs d’évaluation actuels est aujourd’hui un enjeu au
moins aussi décisif, en termes de progrès, que
En tout état de cause, seul leur usage effectif,
permettra aux dispositifs d’évaluation, quels
que soient leurs concepteurs, d’être améliorés
2
Avis du HCéé N° 3 – Octobre 2001
et de constituer progressivement un ensemble
cohérent au service du pilotage du système.
Il faut multiplier les travaux d’évaluation
du système éducatif, accroître le
nombre et la diversité des lieux où ils
peuvent être réalisés.
Le dispositif d’évaluation lui-même a des
points faibles qui constituent autant de
marges de progrès à explorer.
Le Haut Conseil ne peut qu’approuver et soutenir la volonté ministérielle clairement affichée
de confirmer et renforcer un puissant « pôle
d’évaluation » au sein du ministère de l’Éducation nationale. La proximité d’un tel pôle avec
les lieux où se décide et se réalise à tous les
niveaux l’action éducative est certainement un
facteur qui doit favoriser le développement des
usages effectifs des travaux réalisés et une
bonne adéquation de ceux-ci aux questions que
le système éducatif doit résoudre.
Tout d’abord, dans le légitime souci de rendre
compte, qui constitue l’un des objectifs de l’évaluation, le ministère de l’Éducation nationale a
engagé un effort important – et positif – pour
apprécier et faire connaître les résultats du système éducatif et de ses composantes.
Le fait que ces travaux restent trop peu utilisés
pour la régulation et le pilotage tient, pour une
part, à ce qu’ils éclairent sur les résultats, mais
pas encore – ou tout au moins pas encore assez
– sur les processus qui conduisent à ces résultats, processus dont la connaissance et l’analyse
sont indispensables pour réguler et agir.
L’exemple de l’évaluation des lycées, déjà évoqué plus haut, illustre bien ce constat.
Encore faut-il que l’on veille à organiser et
exploiter des synergies entre les différentes instances qui, d’une façon ou d’une autre, y contribuent : corps d’inspection, direction de la
programmation et du développement, rectorats
et organismes tels le Comité national d’évaluation des établissements publics à caractère
scientifique, culturel et professionnel, ce qui
n’est pas le cas aujourd’hui.
Au-delà de cette appréciation générale, et sans
qu’il soit question ici de prétendre à l’exhaustivité, le Haut Conseil estime que parmi les marges à explorer figurent la question de
l’évaluation des pratiques éducatives, pédagogiques ou non, ainsi que celle de l’évaluation
des établissements scolaires qui est beaucoup
moins abordée en France qu’à l’étranger. L’une
et l’autre devraient permettre de mieux apprécier le fonctionnement du système éducatif au
plus près des élèves, c’est-à-dire dans les établissements et les classes, là où l’enjeu d’une
régulation efficace est le plus essentiel.
De ce point de vue, les évaluations des académies qui sont en cours actuellement, et pour
lesquelles une approche des inspections générales prend notamment appui sur des données
issues des travaux et des dispositifs de la direction de la programmation et du développement,
semblent au Haut Conseil une amorce intéressante d’une telle synergie ; ceci d’autant plus
que la démarche de contractualisation engagée
avec les académies devrait s’articuler avec ces
évaluations.
Pour sa part, le Haut Conseil se propose de faire
un point plus poussé sur certaines de ces questions dont il précisera le contenu au cours des
mois qui viennent :
Mais il semble également au Haut Conseil qu’il
serait souhaitable que d’autres « pôles », de
toute nature – universitaires, administratifs ou
privés – développent des travaux d’évaluation
du système éducatif qui viendraient compléter
et conforter ceux conduits au sein du ministère
ou à sa périphérie. Ce sont la multiplication de
tels travaux, leur confrontation et leur mise en
perspective qui permettront, de façon relativement assurée, d’une part, un compte rendu du
fonctionnement et des résultats du système éducatif aux « usagers » de l’école et à l’opinion, et,
– celle de l’évaluation des lycées ;
– celle de l’évaluation des enseignements universitaires ;
– celle de l’évaluation des pratiques éducatives ;
– celle de l’évaluation des enseignants du premier et du second degrés ;
– et celle de l’évaluation des acquis des étudiants.
3
Avis du HCéé N° 3 – Octobre 2001
périphérie, et en dédiant des moyens particuliers à l’animation des dispositifs d’évaluation
et aux formations qui doivent les accompagner.
d’autre part, une régulation et une amélioration
du fonctionnement de ce système.
nnn
Ensuite, en suscitant le développement de nouveaux pôles d’évaluation et la multiplication
des travaux, par exemple grâce à des appels
à projets.
Promouvoir un usage plus intensif et efficace
des évaluations et développer la qualité et la
variété de celles-ci à hauteur des besoins impliquent des moyens importants dans plusieurs
domaines.
Enfin, en favorisant la confrontation et la capitalisation des travaux des uns et des autres, ce
à quoi le Haut Conseil s’efforce, pour sa part,
de contribuer n
Tout d’abord, en renforçant les structures en
charge de l’évaluation au sein du ministère et à sa
LES AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
Ce troisième avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école, de portée générale, fait
suite aux deux avis rendus précédemment sur « l’effet de la réduction de la taille des
classes sur les progrès des élèves » (mars 2001) et sur « l’appréciation et la certification
des acquis des élèves en fin de collège : diplôme et évaluations-bilans» (juin 2001).
Le premier rapport annuel du Haut Conseil de l’évaluation de l’école vient d’être remis
au Ministre de l’éducation nationale. Comme tous les avis du Haut Conseil et les
rapports qui ont été établis à sa demande, il est public et disponible sur le site
http://cisad.adc.education.fr/hcee
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Claude THÉLOT
Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 14
Fax : 01 55 55 77 62
Adresse du site du HCéé : http://cisad.adc.education.fr/hcee
ISSN en cours
Conception et impression – DPD/BED
4
Avis du HCéé N° 3 – Octobre 2001
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
L’ÉVALUATION DES LYCÉES
É
valuer les établissements scolaires est, par
rapport à ce qui se pratique dans nombre
de pays comparables, une préoccupation
relativement récente en France. C’est pourtant
un domaine qui fait l’objet d’une forte demande
de la part des usagers de l’École. Ce sont, en
effet, la fréquentation d’un établissement et
l’appréciation – fondée ou non – du fonctionnement et des résultats de celui-ci, qui donnent
un contenu concret à leur opinion sur le système éducatif. C’est, par ailleurs, dans les établissements, que se joue la plus ou moins
grande qualité de l’acte éducatif. Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a donc souhaité
faire un point sur l’état des travaux d’évaluation
et de leur usage à ce sujet. Il l’a fait en envisageant l’évaluation des lycées.
Pour étayer ses discussions sur cette question,
le Haut Conseil a demandé un rapport de synthèse à Pierre DASTÉ, rapport public qui peut
être consulté sur le site du Haut Conseil :
http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ».
De nombreux travaux ont été développés
ces dernières années, mais une démarche
d’évaluation mieux coordonnée et plus
globale doit être renforcée.
Dans l’état actuel des choses, de nombreuses
approches de la question ont été effectuées
depuis un peu plus d’une dizaine d’années par
différentes instances du ministère de l’Éducation nationale, voire par les collectivités territoriales. Les inspections générales ont conduit les
opérations dites des « 100 lycées » d’enseignement général et technologique, d’une part, des
« 100 lycées » professionnels, d’autre part ;
l’Inspection Générale de l’Administration de
l’Education Nationale et de la Recherche réalise
un suivi permanent des établissements publics
locaux d’enseignement ; l’évaluation des enseignements dans les académies, initiée il y a
maintenant deux ans, fait une large place aux
établissements. Dans l’académie de Lille, des
audits de tous les établissements du second
degré ont été effectués sur l’initiative d’un recteur
Avis du HCéé N° 4 – Janvier 2002
à l’encontre d’une idéologie largement partagée par les acteurs du système éducatif.
et, en Ile de France, une évaluation de la polyvalence des lycées a été tentée. La DEP, puis la DPD,
ont mis au point et publient depuis huit ans des
indicateurs de performance des lycées d’enseignement général et technologique et des lycées
professionnels, fondés sur le déroulement des
scolarités et les résultats au baccalauréat de leurs
élèves. Ces indicateurs sont exprimés en termes
de « valeur ajoutée » de l’établissement. Ils commencent à faire l’objet d’un suivi et d’une exploitation diachronique et ils sont complétés par un
ensemble d’indicateurs de pilotage fournis aux
établissements. Des rectorats développent parallèlement – et parfois concurremment – de tels
dispositifs d’indicateurs.
Or, pour accroître l’efficacité d’ensemble du
système éducatif et lui assurer un fonctionnement plus équitable, il faut se donner les
moyens de rendre équivalente – et la meilleure
possible – la qualité du service offert par chaque
lycée, c’est-à-dire de faire en sorte que tous
fassent progresser tous leurs élèves, et ceci
quels que soient le contexte, le niveau d’entrée
et les caractéristiques de leurs élèves et les
formations qu’ils offrent.
Il faut pour cela, dépasser le constat des différences pour avancer des hypothèses d’interprétation et dégager des pistes d’amélioration.
Un ensemble de données, d’indicateurs et
d’éléments pertinents sur les établissements a
ainsi été constitué. Leur élaboration a été l’occasion d’avancées intéressantes, comme la notion et la mise au point d’indicateurs de « valeur
ajoutée », mais ils seraient améliorés si l’on
pouvait tenir compte du niveau des élèves
lorsqu’ils entrent dans un lycée et mesurer leurs
progrès au cours de la scolarité dans celui-ci.
Par ailleurs, il serait souhaitable de mieux prendre en compte tous les éléments du fonctionnement et tous les objectifs assignés aux lycées :
les enseignements, la vie scolaire, l’apprentissage
de la citoyenneté, l’orientation, l’insertion, etc..
L’évaluation des lycées doit donc s’appuyer sur
des éléments de comparaison qui constituent
un stimulant indispensable, et sur des données
plus spécifiques, propres au projet et à l’environnement de chaque établissement. Elle doit
s’inscrire dans une procédure précise.
Le Haut Conseil propose que cette procédure :
w fasse appel à une équipe extérieure à l’établissement ;
w prenne appui, d’une part, sur les données et
indicateurs existant actuellement, étant précisé
que ceux-ci doivent évoluer dans le sens évoqué plus haut, et, d’autre part, sur des éléments
complémentaires recueillis sur la base d’une
grille d’analyse à définir ;
De nombreux travaux existent donc, des outils
sont disponibles, mais une démarche cohérente
et coordonnée qui s’appuierait sur ces outils et
ces travaux pour promouvoir une évaluation
effective globale de chaque lycée est absente.
Cette démarche, qui devrait impliquer une
auto-évaluation, mais ne pas s’y limiter, est
encore à mettre en place. Le Haut Conseil doit,
une fois de plus, déplorer, sur ce sujet, la faible
coordination des travaux, l’absence de capitalisation de leurs résultats, et la modestie, pour
ne pas dire l’inexistence, de leurs usages, en
particulier dans les établissements eux-mêmes.
w comporte une auto-évaluation pratiquée par
l’établissement ;
w donne lieu à débat avec l’équipe éducative et
au Conseil d’administration ;
w se traduise par un rapport public.
Cette procédure d’évaluation devrait se prolonger obligatoirement par un programme
d’actions élaboré par le lycée et les autorités
de tutelle, et qui les engagerait.
Une démarche effective d’évaluation
des lycées doit apprécier correctement
leur environnement, leurs ressources,
leur fonctionnement et leurs résultats, et
déboucher sur des actions d’amélioration.
Ce programme d’actions devrait, d’une part,
être intégré au projet d’établissement prévu par
la loi et, d’autre part, être un élément pris en
compte pour établir ou infléchir la lettre de
mission du chef d’établissement.
Tous les lycées n’offrent pas, de fait, la même
qualité de service. Si chacun l’admet en privé,
le reconnaître officiellement va encore souvent
2
Avis du HCéé N° 4 – Janvier 2002
dont feraient partie les indicateurs de performance, une grille d’analyse qualitative, une
liste minimale de documents à consulter, de
personnes ou d’instances à rencontrer, etc. ;
Le Haut Conseil insiste sur la nécessité de donner à cette démarche un caractère public et ceci
pour plusieurs raisons. Si le service public luimême ne fournit pas d’éléments d’évaluation,
le marché le fera, et le fera sur des critères qui
tendront plus à la promotion de certains lycées
qu’à l’amélioration de tous ; publier, c’est ainsi
contribuer à la réduction des inégalités. La
transparence constitue pour le système – et
pour un lycée – une forte incitation à agir ;
publier, c’est se donner des atouts pour que l’on
tire parti des évaluations, c’est augmenter les
chances qu’elles débouchent effectivement sur
des programmes d’actions.
w des mesures à développer pour permettre aux
acteurs des lycées de pratiquer une auto-évaluation effective.
C’est au niveau académique que doit être
animé le dispositif d’évaluation des lycées.
Rendre opérationnelle l’évaluation de plus de
4 000 lycées publics et privés sous contrat ne
saurait se réaliser du seul niveau national. C’est
au niveau académique que l’on peut effectivement organiser la démarche d’évaluation des
lycées, constituer les équipes, combiner et capitaliser les résultats des évaluations.
Mettre en place une telle démarche
suppose une volonté politique nationale
tenace.
Une telle démarche, que le Haut Conseil appelle de ses vœux, ne peut être initiée, puis
pérennisée, qu’à condition que les responsables politiques nationaux en fassent une obligation pour les lycées et leurs autorités de tutelle.
Ceci implique qu’une politique nationale soutienne l’exécution et la réussite des programmes
d’actions destinés à remédier aux problèmes
constatés à l’occasion de l’évaluation de chaque lycée. Si tel n’était pas le cas le caractère
public de ces évaluations risquerait d’accentuer
les disparités entre établissements.
C’est aussi au niveau académique que l’on peut
organiser l’aide et la formation qui permettent
à chaque établissement de procéder à son autoévaluation, d’interpréter les évaluations, et de
contribuer à l’élaboration de son programme
d’actions. C’est ensuite, toujours à ce même
niveau académique, que l’on est le mieux à
même d’organiser la diffusion et la publication
des évaluations des lycées et des programmes
d’actions qui en seront issus. C’est également
ce même niveau académique qui est déterminant pour promouvoir ces programmes d’action et veiller à leur mise en œuvre.
Sur un plan plus technique, les instances nationales du ministère doivent, quant à elles, définir
la méthode. Il devrait s’agir :
Enfin, c’est au niveau académique que l’on
peut, en tenant compte de l’environnement et
des contraintes, dégager des priorités : quels
lycées aider en priorité ? quelles actions mettre
en œuvre ? quelles conséquences tirer en matière d’attribution de moyens ? faut-il envisager
de revoir les structures de certains lycées, leurs
aires de recrutement ? faut-il repenser la politique d’orientation ? etc..
w du déroulement et du rythme de la procédure ;
w de la composition de l’équipe extérieure qui
devrait comprendre des inspecteurs, des responsables et des enseignants d’autres établissements, et éventuellement d’autres académies,
mais aussi des personnes extérieures à l’enseignement scolaire (universitaires, responsables
ou salariés d’entreprises, parents, etc.), ainsi
que des représentants des collectivités territoriales ;
nnn
Il semble au Haut Conseil que cette évaluation des lycées, suivie d’une programmation
d’actions, devrait devenir une pratique aussi
« naturelle » que la préparation de la rentrée
pour le système éducatif. Elle permettrait de
w des outils qui devraient contribuer à nourrir
le travail de l’équipe et le débat avec l’établissement : par exemple, un noyau d’indicateurs
3
Avis du HCéé N° 4 – Janvier 2002
concrétiser ce qui est une obligation légale
prévue (article 18 de la loi d’orientation de
1989) et qui n’est pas satisfaite actuellement.
Cefaisant, cette démarche contribuerait gran-
dement à l’amélioration de l’efficacité et de
l’équité de l’éducation dispensée par les lycées
d’enseignement général et technologique et
par les lycées professionnels.n
LES AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
Ce quatrième avis du Haut Conseil de l'évaluation de l'école marque le début de la
deuxième année d'existence de cet organisme qui vient de remettre son premier
rapport annuel au Ministre de l'éducation nationale.
Quatre sujets sont actuellement inscrits à son programme de travail et devraient faire
l'objet d'un avis au cours de l'année :
– l'évaluation des enseignements universitaires ;
– l'évaluation des enseignants des premier et second degrés ;
– l'évaluation des acquis des étudiants ;
– l'évaluation des pratiques éducatives.
L'ensemble des avis du Haut Conseil et des rapports établis à sa demande sont
disponibles sur son site : http://cisad.adc.education.fr
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Claude THÉLOT
Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 14
Fax : 01 55 55 77 62
Adresse du site du HCéé : http://cisad.adc.education.fr/hcee
ISSN en cours
Conception et impression – DPD/BED
4
Avis du HCéé N° 4 – Janvier 2002
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
L’ÉVALUATION DES ENSEIGNEMENTS
À L’UNIVERSITÉ
A
près avoir traité trois sujets touchant à
l’enseignement scolaire et effectué une
première synthèse sur les forces et faiblesses de l’évaluation du système éducatif
français, le Haut Conseil de l’évaluation de
l’école a décidé d’aborder l’état de l’évaluation
dans l’enseignement supérieur en envisageant
l’évaluation des enseignements à l’université.
Pour étayer ses discussions sur cette question, le Haut Conseil a demandé un rapport à
Jacques D EJEAN, rapport public qui peut être
consulté sur le site du Haut Conseil :
http://cisad.adc.education.fr/hcee à la
rubrique « publications ».
L’évaluation des enseignements à
l’université est rare. Lorsqu’elle existe,
elle n’est pas soutenue.
Une telle évaluation est pourtant prévue par un
arrêté de 1997 qui lui assigne deux objectifs :
permettre à chaque enseignant de prendre
connaissance de l’appréciation des étudiants
sur les aspects pédagogiques de son enseignement et permettre une appréciation de l’organisation des études dans chaque cursus de
formation. L’arrêté précise que la procédure de
cette évaluation sera garantie par une instruction ministérielle et sera mise en place dès la
rentrée universitaire 1997-1998. Il envisage
certains aspects de cette procédure en disposant notamment que cette évaluation prend en
compte l’appréciation des étudiants.
Des réalisations intéressantes ont pu être mises
en place, mais elles restent très souvent informelles, partielles et confidentielles. Elles ne
sont pas connues, ou très peu, y compris dans
l’université où elles se déroulent. Il n’en existe
aucun recensement, ni diffusion, ni évaluation
et il est possible qu’elles aient connu un reflux
ces dernières années, à la fois parce qu’elles
n’ont pas été suivies d’effets visibles, et parce
qu’elles n’ont fait l’objet d’aucune impulsion
politique ou administrative. L’instruction ministérielle prévue par l’arrêté de 1997 n’a jamais
Avis du HCéé N° 5 – Mars 2002
été prise et l’existence d’une procédure d’évaluation des enseignements ne joue aucun rôle
dans les relations entre les universités et le ministère. La responsabilité de celui-ci, en particulier de son administration centrale, dans cette
situation est donc grande.
Tout cela se traduit par une réflexion insuffisante sur l’évaluation des enseignements,
ce qui ne permet pas la constitution de compétences, et par une relative pauvreté des outils et
pratiques qui sont mis en place.
Le Haut Conseil estime indispensable de remédier à cette situation, pour deux raisons
au moins. La première concerne la politique
éducative : l’amélioration des enseignements
universitaires constitue un enjeu essentiel aujourd’hui si l’on veut voir croître la réussite des
étudiants et la qualité des diplômés de l’enseignement supérieur. Les universités et leurs enseignants devraient être incités à s’en préoccuper
alors que, depuis plusieurs années, la réussite des
étudiants ne progresse guère et, qu’aujourd’hui,
leurs effectifs stagnent, voire régressent, dans un
conteste marqué par la concurrence européenne
et par la concurrence de la formation continue. La
seconde touche à la politique générale d’évaluation des services publics : il serait paradoxal,
au moment où celle-ci se développe et s’étend,
que le service public national d’enseignement
supérieur reste à l’écart de ce mouvement.
Enfin, lorsque des procédures d’évaluation ont
été mises en place, elles s’apparentent plus souvent à une évaluation des formations qu’à une
évaluation des enseignements proprement dite.
L’une et l’autre sont certes peu dissociables,
mais la première, qui concerne une filière ou un
diplôme, est plus collective et, de ce fait, mieux
acceptée que la seconde, qui risque de remettre
en cause chaque enseignant dans sa pratique.
Des obstacles importants
et des enjeux mal perçus.
De nombreux facteurs viennent contrecarrer
le développement d’une évaluation des enseignements. On peut citer : la multiplication
des tâches que doivent assurer les enseignants-chercheurs, le fait que leur formation et
les critères du déroulement de leurs carrières
font de l’enseignement une activité secondaire
par rapport à la recherche, et la perte des repères traditionnels vis-à-vis des étudiants, dont le
nombre a considérablement augmenté et qui
sont animés par des projets professionnels très
divers.
La nécessité, à tous les niveaux,
d’une volonté politique effective…
Pour que ces enjeux soient effectivement perçus par tous les intéressés, il faut qu’une volonté politique ferme se manifeste d’abord au plus
haut niveau. Elle est indispensable pour impulser un débat national qui puisse convaincre
tous les intéressés que l’évaluation des enseignements ne s’oppose en rien à l’autonomie
des établissements ou au statut des enseignants-chercheurs, mais constitue une nécessité professionnelle et est un gage d’efficacité.
Cette volonté politique devrait également manifester que la qualité de l’enseignement, mission
essentielle des universités, est déterminante.
Pour les universitaires qui ont mis en place une
évaluation des enseignements, l’absence de
suites de celle-ci, que ce soit dans le domaine
de l’aide, de la formation, voire de la carrière,
risque de conduire au découragement. Les hésitations et la passivité de l’administration centrale qui n’a jamais cherché à lever les
ambiguïtés de l’arrêté de 1997 ni à le mettre en
application ont conforté les hésitants et encouragé les opposants.
Par ailleurs, chaque université devrait, par un
débat interne, préciser et rendre publiques
les articulations qu’elle entend établir entre
les différentes missions qui lui sont confiées.
Ceci permettrait aux enseignants-chercheurs
d’éviter d’avoir à faire individuellement les
compromis nécessaires pour arbitrer entre un
nombre croissant de tâches.
Enfin, les enjeux d’une évaluation des enseignements sont trop peu perçus par les responsables politiques et les universitaires eux-mêmes,
même quand ils sont sensibles au fait que l’Université doit assumer le double défi de la massification et de la diversification de ses missions.
2
Avis du HCéé N° 5 – Mars 2002
scientifique, culturel et professionnel, d’intégrer pleinement les évaluations des enseignements et des formations à ses évaluations des
établissements ;
…que des mesures concrètes doivent
prolonger.
Si une telle volonté politique est nécessaire,
elle n’est certainement pas suffisante si l’on
veut dépasser le stade du discours.
en donnant aux universités qui mettent effectivement en œuvre une évaluation de leurs
enseignements, les moyens d’en avoir un « retour »
par des formations, des aides, ceci, en particulier, dans le cadre de la politique contractuelle ;
u
C’est pourquoi, le Haut Conseil propose qu’un
ensemble de mesures vienne appuyer cette volonté politique et permette de la traduire en actes.
en réfléchissant aux modalités par lesquelles
l’évaluation des enseignements devrait avoir
des conséquences sur la carrière des enseignants-chercheurs. Il conviendrait au moins
d’encourager les universités à utiliser la part
des promotions dont elles disposent au profit
d’enseignants qui régulent et améliorent leur
enseignement grâce à l’évaluation.
u
Ces mesures devraient d’abord encourager les
expériences positives dont un certain nombre
de responsables d’universités ou d’unités de
formation et de recherche ont pris l’initiative, et
en faire des points d’appui pour élaborer les
grandes lignes d’une démarche d’évaluation et
en proposer les outils :
Elles devraient enfin comprendre un effort
effectif de formation à l’enseignement des jeunes enseignants-chercheurs au moment où un
nombre important de ceux-ci va être recruté
pour remplacer les départs en retraite des années prochaines.
u en recensant ces expériences, en les reconnaissant et en les valorisant par le biais d’une
large publicité, et en soutenant les réseaux et les
individus qui les promeuvent ;
u en organisant leur mutualisation et en apportant à celles qui le souhaiteraient une assistance
extérieure qui viendrait renforcer et conforter l’intervention essentielle des pairs et des
étudiants ;
nnn
Il serait certainement vain, en la matière, de
procéder par instruction générale. L’expérience
en a déjà prouvé la vanité. En revanche, il
semble au Haut Conseil qu’il est possible, en
alliant volonté politique et mesures concrètes,
de s’appuyer sur ce qui existe pour en démontrer le bien-fondé et l’intérêt, et l’étendre.
u en proposant un cadre théorique et des outils
(questionnaires, etc.) qui permettent de concrétiser l’intervention des pairs et des étudiants,
mais aussi celle de tiers, que le débat national
évoqué précédemment aura précisés.
Elles devraient ensuite contribuer à leur donner
du sens et une valeur importante :
Cela suppose certainement une conviction
commune, une large concertation et une action
combinée du ministère de l’Éducation nationale, du Comité national d’évaluation des établissements publics à caractère scientifique,
culturel et professionnel, de la Conférence des
Présidents d’Université et, bien sûr, des universités elles-mêmes. n
en donnant systématiquement une place à
l’évaluation des formations et à celle des enseignements, ainsi qu’à leurs résultats, dans les procédures d’habilitation et de contractualisation ;
u
u en demandant au Comité national d’évaluation des établissements publics à caractère
3
Avis du HCéé N° 5 – Mars 2002
LES AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’EVALUATION DE L’ÉCOLE.
Cet avis, le cinquième rendu par le Haut Conseil de l’évaluation de l’école, est le premier à aborder l’état de l’évaluation dans l’enseignement supérieur.
Parmi les thèmes que le Haut Conseil se propose de traiter au cours des prochains
mois, figure un autre sujet touchant à cet enseignement : l’évaluation des acquis des
étudiants.
Par ailleurs le Haut Conseil traitera d’ici la fin de l’année 2002 de deux autres questions : l’évaluation des enseignants des premier et second degrés et l’évaluation des
pratiques éducatives, également dans les premier et second degrés.
Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école est une instance indépendante composée
de 35 membres nommés pour une durée de trois ans : élus nationaux et territoriaux ;
personnels de l’Éducation nationale, parents d’élèves, lycéens, étudiants ; salariés et
employeurs ; personnalités françaises et étrangères reconnues pour leurs compétences
dans le domaine de l’évaluation du système éducatif.
Il établit un rapport annuel sur l’état de l’évaluation du système éducatif ; ses avis et ses
recommandations sont rendus publics. Il intervient dans le débat public pour favoriser
une évaluation objective de l’école.
L’ensemble des avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école et des rapports établis à
sa demande sont disponibles sur son site : http://cisad.adc.education.fr/hcee.
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Claude THÉLOT
Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 14
Fax : 01 55 55 77 62
Adresse du site du HCéé : http://cisad.adc.education.fr/hcee
ISSN en cours
Conception et impression – DPD/BED
4
Avis du HCéé N° 5 – Mars 2002
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
L’ÉVALUATION DES ENSEIGNANTS
DES PREMIER ET SECOND DEGRÉS.
L
e Haut Conseil de l’évaluation de l’école
a inscrit à son programme de travail pour
2001-2002, deux sujets qui étaient a priori
liés : l’évaluation des enseignants des premier
et second degrés et l’évaluation des pratiques
enseignantes, également dans les premier et
second degrés. Les liens entre ces deux domaines se sont confirmés au fil des travaux et des
discussions, et le Haut Conseil a pris le parti de
rendre publics en même temps ses avis sur ces
deux questions.
Il a été d’autant plus incité à prendre ce parti
que les rapports qu’il a fait établir pour nourrir
ses réflexions sur ces deux sujets se sont avérés
complémentaires. Il s’agit des rapports de messieurs Yves CHASSARD et Christian JEANBRAU
sur « l’appréciation des enseignants des premier et
second degrés » et de messieurs Alain ATTALI et
Pascal BRESSOUX sur « l’évaluation des pratiques
enseignantes dans les premier et second degrés ».
Ces deux rapports – qui comme tous les rapports
commandés par le Haut Conseil n’engagent pas
celui-ci, mais contiennent les analyses et les
propositions des rapporteurs – sont publics et
peuvent être consultés sur le site Internet du Haut
Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee, à
la rubrique « publications ».
L’évaluation des enseignants est une
question difficile à examiner sereinement :
elle touche à l’honneur des personnes
(évaluateurs, comme évalués) et son
abord est très souvent subjectif.
Le Haut Conseil constate qu’il est difficile d’établir un diagnostic serein de cette question, pourtant essentielle, puisque les résultats d’un
système éducatif sont largement liés aux compétences de ses personnels enseignants et aux
conditions dans lesquelles ils les exercent.
Avis du HCéé N° 6 – Janvier-Février 2003
Le dispositif actuel – qui est plus un dispositif
d’inspection et de notation qu’un dispositif
d’évaluation proprement dit – est souvent l’objet
de critiques. Considéré comme peu équitable et
peu efficace, il entraîne malaise, et parfois souffrance, chez les évalués et les évaluateurs.
• Si un échange entre inspecteur et inspecté suit
immédiatement l’inspection elle-même, le rapport qui est établi à l’issue de celle-ci parvient
parfois très tard et ne fait pas l’objet d’une
discussion contradictoire ; il peut en revanche
être, comme la note, l’objet de contestations ;
Le dispositif actuel n’est pas très juste car tous
les personnels ne sont pas « traités » de la même
manière, pour différentes raisons :
• Le deuxième volet de l’évaluation des enseignants du second degré, c’est-à-dire l’appréciation par le chef d’établissement, est conduit de
façon très diverse ;
• Les critères d’évaluation précis ne sont pas
toujours connus des évalués, et, lorsqu’ils le
sont, ils sont définis au plan local, voire individuellement par chaque inspecteur ;
• En tout état de cause, toute cette procédure
n’incite pas à l’auto-évaluation ;
• Les éléments que contiennent les rapports
d’inspection font rarement l’objet d’une exploitation cumulative ou synthétique anonyme qui
permettrait de s’interroger sur les pratiques et
sur les conditions d’exercice du métier, de nourrir la formation initiale et continue, et pourrait
constituer un élément de pilotage du système
éducatif.
• Les conditions des inspections sont différentes
selon les lieux d’exercice, les corps, voire les
inspecteurs ;
• Les conditions de prise en compte des tâches
autres que l’enseignement individuel devant
élèves (et surtout de la qualité de ces tâches) ne
sont pas homogènes ;
Le dispositif actuel engendre malaise et parfois
souffrance chez les évalués et les évaluateurs :
• Les rythmes d’inspection sont dissemblables –
et l’intervalle entre deux inspections peut être
très long – notamment en raison des nombres
respectifs d’inspecteurs et d’inspectés ; il semble que cet intervalle soit de l’ordre de 3/4 ans
dans le premier degré et de 6/7 ans dans le
second, ce qui, au moins dans ce dernier cas,
est beaucoup trop long.
• La rareté – et sans doute aussi la brièveté – des
inspections en font des événements d’exception
qui peuvent être difficiles à vivre et se traduire
par une infantilisation des personnels ;
• Ceux-ci peuvent se sentir personnellement
remis en cause et n’y trouvent souvent, ni la
reconnaissance de leur travail, ni l’aide qu’ils
pourraient attendre d’une évaluation ;
Ces différences et ce « flou » se traduisent par
des injustices, car le dispositif de notation a des
conséquences non négligeables sur la carrière
et les rémunérations des enseignants.
• Dans le second degré, l’évaluation annuelle
par le chef d’établissement, plus proche des
évalués que l’inspecteur, ne compense pas ces
impressions ; le fait que cette évaluation soit
parallèle à celle de l’inspection ne facilite pas
la perception d’une identité professionnelle globale et cohérente ;
Le dispositif actuel est peu efficace car il est de peu
d’effet sur les pratiques individuelles et collectives
des enseignants et ne débouche pas – ou tout au
moins pas souvent – sur des éléments d’amélioration et de régulation du système éducatif :
• L’inspection individuelle en classe risque de
laisser de côté des pans de plus en plus importants de l’exercice du métier (activités interdisciplinaires, travail en équipe, activités dans et
hors de l’école ou l’établissement, organisation
et suivi des stages, aide à l’orientation des élèves, etc.), de même qu’elle ne permet pas d’évaluer la qualité du travail des enseignants qui
n’exercent pas de fonctions enseignantes ;
• Du côté des évaluateurs, le malaise existe
aussi, surtout dans le second degré semble-t-il :
ils vivent souvent les critiques à l’égard du
dispositif comme des remises en cause personnelles de leur conscience, de leur dévouement
et de leurs compétences professionnels ;
• Les inspecteurs peuvent également ressentir
une réelle frustration, étant donné que leurs
2
Avis du HCéé N° 6 – Janvier-Février 2002
inspections n’ont pas toujours de conséquences
visibles sur les pratiques enseignantes ;
– Reconnaître et valoriser l’effort et la réussite,
c’est-à-dire l’atteinte des objectifs.
• Les multiples tâches des inspecteurs ne contribuent pas à leur donner une identité professionnelle clairement perceptible, et pour limiter
le malaise qu’engendre l’inspection ou l’évaluation individuelle des professeurs, certains sont
tentés de privilégier leurs autres tâches au détriment des inspections.
• Il faut poursuivre en même temps ces quatre
objectifs, ce qui est possible, même si leur combinaison ne saurait être permanente.
L’observation des pratiques des organisations
en matière d’évaluation des personnels montre
que celle-ci reste une science inexacte qui doit
affronter plusieurs paradoxes : son objet est
d’apprécier les prestations des personnels, mais
aussi de développer leurs savoir-faire ; elle vise
à améliorer la performance collective d’une
organisation, mais le moyen qu’elle utilise pour
atteindre ce but est le plus souvent l’évaluation
de la performance individuelle. Nombre d’organisations sont ainsi conduites à remettre périodiquement en chantier leurs outils et leurs
pratiques d’appréciation des personnels.
Le Haut Conseil constate que des tentatives
d’évolution, a priori intéressantes, telles les évaluations coordonnées organisées dans des collèges et des lycées, sont parfois perçues
négativement par les personnels – et sans doute
par certains évaluateurs – parce que les objectifs
et les modalités n’en ont pas été rendus assez
compréhensibles et visibles.
Le dispositif actuel doit certainement être revu.
Il doit l’être en respectant un certain nombre de
principes et de contraintes.
• Compte tenu des objectifs multiples de l’évaluation des personnels, il peut être utile que
plusieurs évaluateurs interviennent, mais leurs
interventions doivent être coordonnées, et les
résultats doivent en être synthétisés.
Il faut revoir le dispositif en tenant
compte d’un ensemble de préalables,
d’objectifs et de conditions.
• Donner à l’évaluation des personnels une base
plus objective exige que les outils et les procédures d’évaluation tiennent compte des identités professionnelles des évalués et des
évaluateurs, ce qui suppose que les unes et les
autres soient reconnues, donc connues.
• L’évaluation des personnels doit être considérée comme une pratique normale. Elle est un
élément constitutif du métier et sa qualité est un
facteur important de la régulation du système.
Elle doit tenir compte du « vécu », de la subjectivité – pour ne pas dire de la sensibilité – des
évalués comme des évaluateurs.
• Enfin il faut organiser une exploitation synthétique des résultats des évaluations individuelles
des personnels pour éclairer les décisions
contribuant au pilotage du système éducatif
dans son ensemble.
• L’évaluation des personnels a quatre objectifs :
– Contrôler la qualité du système éducatif, et
l’améliorer, c’est-à-dire favoriser l’atteinte de
ses objectifs, notamment à travers les progrès et
les comportements des élèves, et porter remède
à ses points faibles ;
Des évolutions sont indispensables à
brève échéance.
Il serait peu opportun – étant donné le caractère
sensible de la question – de prétendre tracer les
contours définitifs d’un dispositif d’évaluation
des personnels enseignants des premier et second degrés. Cette prétention serait en outre
inefficace puisqu’il est de bonne politique
qu’une organisation se ré-interroge périodiquement sur les objectifs, les modalités et les outils
d’évaluation de ses personnels.
– Conseiller, guider, aider et permettre une réflexion individuelle et collective sur les pratiques enseignantes et leur efficacité au regard de
cette qualité ;
– Encourager et faciliter des parcours à la fois
positifs et valorisants pour les personnes et utiles
à l’atteinte des objectifs de l’École ;
3
Avis du HCéé N° 6 – Janvier-Février 2003
Des finalités et des modalités à revoir.
C’est pourquoi le Haut Conseil de l’évaluation
de l’école a plutôt retenu des lignes d’évolution
à partir desquelles des aménagements progressifs de la situation actuelle pourraient être mis
en œuvre.
• L’évaluation des personnels doit, sans s’y limiter, garder une finalité individuelle, mais celleci ne doit pas se traduire uniquement par des
conséquences statutaires. Elle doit déboucher
sur une véritable gestion des ressources humaines comprenant des préconisations en matière
de formation, de mode d’exercice des fonctions
enseignantes, et d’éventuelles évolutions vers
d’autres fonctions au sein du service public
d’éducation.
Une nécessité : formaliser ce que sont aujourd’hui les fonctions enseignantes.
Ces fonctions doivent rester structurées par l’enseignement dans la classe ou l’atelier. Les modalités de cet enseignement sont d’ailleurs très
différentes selon les niveaux, les voies de formation (générale, technologique ou professionnelle), les établissements et les contextes, ce qui
doit être pris en compte dans l’évaluation. Par
ailleurs deux dimensions complémentaires devraient être précisées :
• Il faut combiner des appréciations fondées sur
des regards proches et des appréciations fondées
sur des regards plus distanciés, ainsi que des
appréciations relatives aux diverses activités exercées dans le cadre de la fonction enseignante.
• Les indications pédagogiques et méthodologiques fournies aux enseignants pour les aider à
aménager l’organisation des apprentissages –
telles par exemple, les recommandations associées aux programmes, et, plus récemment, le
livret « lire au CP » destiné aux maîtres de
l’école primaire – constituent des « canevas »,
des « références » proposées aux enseignants ;
la pertinence de leur utilisation doit être appréciée en fonction des différents contextes ;
La « visite d’inspection » doit rester un élément
central – ce qui est logique avec la conception des
fonctions enseignantes rappelée plus haut. Il est
indispensable de préciser, d’homogénéiser et de
rendre publics les critères sur lesquels cette visite
d’inspection repose. Par ailleurs, des visites plus
fréquentes des inspecteurs – visites qui devraient
ne pas se limiter à des inspections individuelles –
rendraient l’exercice moins dramatique, aussi
bien pour l’évalué que pour l’inspecteur.
• D’autres activités – qui diffèrent selon les
niveaux d’enseignement, les établissements et
les contextes, et dont certaines supposent un
travail d’équipe – sont associées à l’enseignement individuel en classe. Il faut les préciser et
en définir éventuellement le degré d’obligation,
afin qu’elles puissent également être prises en
compte dans l’évaluation.
En outre, d’autres regards doivent compléter
celui de l’inspecteur, notamment celui du chef
d’établissement – ce qui est le cas aujourd’hui
dans le second degré – mais aussi celui du
responsable des institutions de formation dans
lesquelles l’enseignant intervient, voire celui de
l’enseignant lui-même. Il pourrait également
être utile que des regards croisés de collègues
incitent à des échanges et à un retour critique
sur les pratiques individuelles et collectives.
Un intérêt : articuler l’évaluation des personnels et celle de leur école ou établissement
d’exercice.
Dans le second degré, l’appréciation des enseignants par le chef d’établissement doit être améliorée à court terme : en particulier ses critères
doivent être précisés et un entretien systématique qui aurait lieu tous les deux ou trois ans
devrait déboucher sur des recommandations.
C’est certainement le moyen de bien prendre en
compte – et de le faire de façon juste – toutes
les dimensions individuelles et collectives des
fonctions enseignantes, en situant l’évaluation
de chacun dans le contexte de la mise en œuvre
du projet, du « programme d’actions » d’une
école ou d’un établissement1et de ses résultats,
qui ne peuvent, en règle générale, être attribués
à l’action d’un seul individu.
1. La proposition d’un tel programme d’actions a été faite par le
Haut Conseil de l’évaluation de l’école dans son avis n°4 sur
l’évaluation des lycées. Cet avis est disponible sur le site Internet
http://cisad.adc.education.fr/hcee
4
Avis du HCéé N° 6 – Janvier-Février 2003
• L’inspecteur devrait synthétiser tous les trois
ou quatre ans sa propre évaluation, celle du chef
d’établissement et les autres éléments d’appréciation, en un rapport de synthèse qui ne se
limiterait pas à une appréciation de l’activité
professionnelle et à une note, mais devrait aussi
comprendre des conseils en matière d’évolution
des pratiques de formation et d’évolution professionnelle.
Un des éléments contribuant à l’évaluation de
l’école ou de l’établissement et à l’élaboration de
son programme d’actions pourrait être un rapport
sur les activités et les pratiques d’enseignement
dans l’école ou l’établissement, rapport établi à
partir d’une synthèse anonymée d’évaluations individuelles et de données de contexte. Un tel
rapport devrait également permettre de déterminer des besoins de formation prioritaires.
• Toute cette procédure doit être publique et le
rapport de synthèse – qui doit, lui, rester confidentiel – devrait faire l’objet d’un droit à « réaction contradictoire » de l’enseignant, pouvant
déboucher sur un entretien avec l’inspecteur et
le cas échéant avec tout ou partie des autres
évaluateurs, entretien à l’issue duquel le rapport, éventuellement amendé, deviendrait définitif et serait versé au dossier de l’enseignant
conformément aux procédures statutaires.
Une exploitation systématique – également anonyme – des rapports individuels et des rapports
d’écoles et d’établissements permettrait par
ailleurs d’infléchir les formations, les principes
retenus pour la gestion des ressources humaines,
ainsi que … les procédures d’évaluation ellesmêmes.
nnn
Le Haut Conseil est conscient que les propositions de cet avis, qui recherchent une amélioration immédiate des procédures d’évaluation des
enseignants des premier et second degrés, sont
loin d’épuiser la question.
• Cette modalité d’évaluation mériterait d’être
appliquée en priorité pour :
– les nouveaux enseignants qu’il faut aider lors
de leur prise de fonction et qui ne disposent que
de peu d’éléments quant aux perspectives qui
peuvent s’offrir à eux ; la première évaluation
de leur carrière, à conduire au cours de leurs
deux premières années d’exercice, ne doit pas
du tout dépendre de la sanction de leur formation, mais être fonction de leur pratique professionnelle effective ;
Pour que ses propositions soient réellement applicables et suivies d’effets, le Haut Conseil juge
nécessaire de mieux connaître et évaluer les
tâches des corps d’inspection, puis d’apprécier
les conséquences de ces propositions sur les
missions, la formation, le recrutement et les
conditions de travail de ces corps d’inspection,
lesquels devront sans doute être modifiés.
– les enseignants qui sont confrontés à des
difficultés particulières ;
– les enseignants qui le demandent ; il conviendrait de faire suite à une telle demande dans les
six mois qui la suivent.
Cela lui paraît une priorité. Mais il estime, de
plus, que l’encadrement par environ 3 000 inspecteurs des quelque 880 000 enseignants du
premier et du second degrés est probablement
insuffisant pour contribuer à une véritable politique d’évaluation des personnels.
• Mais l’évaluation des personnels a aussi une
finalité de pilotage, d’impulsion et de régulation des écoles et des établissements d’une
part, du système éducatif dans son ensemble,
d’autre part.
Plus fondamentalement, il devient indispensable aujourd’hui de dégager les conditions nécessaires à l’instauration d’une vraie politique
de gestion des ressources humaines dans notre
système éducatif.
5
Avis du HCéé N° 6 – Janvier-Février 2003
LES AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a choisi de rendre public conjointement cet
avis sur l’évaluation des enseignants du premier degré et du second degré et un avis
sur l’évaluation des pratiques enseignantes dans les premier et second degrés. En effet,
il a conduit parrallèlement ses réflexions sur ces deux domaines, en confirmant, au fil
des travaux et des discussions, les liens qui les unissent.
Le Haut Conseil traitera prochainement de l’évaluation des acquis des étudiants dans
l’enseignement supérieur universitaire. Il a également inscrit trois autres thèmes à son
programme de travail :
– L’appréciation des compétences en lecture/écriture des élèves et des jeunes et de
l’évolution dans le temps de ces compétences ;
– Qu’évalue-t-on avec les épreuves des baccalauréats professionnels ?
– L’évaluation de l’orientation à la fin du collège et du lycée.
Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école est une instance indépendante composée
de 35 membres nommés pour une durée de trois ans : élus nationaux et territoriaux ;
représentants des acteurs du système éducatif ; personnalités françaises et étrangères
reconnues pour leurs compétences dans le domaine de l’évaluation du système
éducatif.
L’ensemble des avis du Haut Conseil et des rapports établis à sa demande sont
disponibles sur son site Internet : http://cisad.adc.education.fr/hcee
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Claude THÉLOT
Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 14
Fax : 01 55 55 77 62
Courrier électronique : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DPD/BED
6
Avis du HCéé N° 6 – Janvier-Février 2003
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
L’ÉVALUATION DES PRATIQUES ENSEIGNANTES
DANS LES PREMIER ET SECOND DEGRÉS
L
e Haut Conseil de l’évaluation de l’école
a inscrit à son programme de travail pour
2001-2002, deux sujets qui étaient a priori
liés : l’évaluation des enseignants des premier
et second degrés et l’évaluation des pratiques
enseignantes, également dans les premier et
second degrés. Les liens entre ces deux domaines se sont confirmés au fil des travaux et des
discussions, et le Haut Conseil a pris le parti de
rendre publics en même temps ses avis sur ces
deux questions.
Ces deux rapports – qui comme tous les rapports
commandés par le Haut Conseil n’engagent pas
celui-ci, mais contiennent les analyses et les
propositions des rapporteurs – sont publics et
peuvent être consultés sur le site du Haut Conseil :
http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique
« publications ».
Il a été d’autant plus incité à prendre ce parti
que les rapports qu’il a fait établir pour nourrir
ses réflexions sur ces deux sujets se sont avérés
complémentaires. Il s’agit des rapports de messieurs Alain ATTALI et Pascal BRESSOUX sur
« l’évaluation des pratiques enseignantes dans
les premier et second degrés » et de messieurs
Yves CHASSARD et Christian JEANBRAU sur
« l’appréciation des enseignants des premier et
second degrés ».
Les pratiques enseignantes, entendues comme
l’ensemble des activités par lesquelles les enseignants guident et font travailler les élèves qui
leur sont confiés pour leur faire acquérir les
savoirs, savoir-faire et savoir-être qui constituent les objectifs de l’École, sont actuellement
très mal connues.
On ne connaît pas assez bien les pratiques
enseignantes effectives
Les corps d’inspection réalisent des observations
directes de ces pratiques, mais ces observations
Avis du HCéé N° 7 – Janvier-Février 2003
ment : la gestion du temps, les retours d’information adressés aux élèves sous certaines formes, les échanges entre élèves et enseignants,
ainsi que les échanges entre pairs chez les élèves, et les modalités d’évaluation (devoirs, contrôles, examens, ...) mises en œuvre par les
enseignants.
sont peu exploitées, sauf pour évaluer individuellement les personnels, et elles sont rarement synthétisées.
Ces observations – auxquelles on a pu reprocher
autrefois d’être surtout des contrôles de conformité – prennent aujourd’hui mieux en compte le fait que la construction des pratiques
s’opère par le biais des relations avec les élèves
et considèrent l’ensemble des activités de la
classe et, plus largement, le contexte dans lequel exercent les enseignants.
Mais ces travaux sont mal connus et sont très
peu présents dans les formations.
Ils souffrent, comme les observations des inspecteurs, de l’absence d’un cadre méthodologique qui permette, d’une part, de comparer
systématiquement et de conforter leurs résultats
et, d’autre part, d’en tirer des recommandations
propres à nourrir les réflexions et les pratiques
des enseignants et à fonder des critères pour
l’évaluation et la régulation de ces pratiques.
Elles ne sont certainement pas sans incidence
sur les pratiques. Mais l’absence d’un cadre
méthodologique qui homogénéise ces observations rend l’exercice difficile et variable d’un
inspecteur à l’autre, ceci d’autant plus qu’il n’est
pas toujours aisé de faire la part, dans ce qui est
observé, de pratiques intuitives de l’enseignant
dans lesquelles s’exprime sa personnalité et des
pratiques qu’il élabore et met en œuvre à partir
de ses savoirs professionnels.
Il faut développer et capitaliser les
observations des pratiques, les études et
les recherches permettant d’en apprécier
l’efficacité au regard des progrès et des
comportements des élèves
Or, les observations plus systématiques et plus
normalisées qui ont pu être faites, non pas dans le
cadre d’inspections mais dans celui de travaux
d’études, notamment quant à la gestion du temps
effectif d’enseignement proposé aux élèves, font
ressortir une grande variabilité des pratiques réelles, tout au moins de certaines d’entre elles, difficile à percevoir et à apprécier lors de trop rares
visites d’inspection. Cette grande variabilité résulte du fait que les enseignants ont une réelle
marge de manœuvre et doivent faire face à une
grande variété de situations.
Le développement de ces observations et de ces
recherches est une nécessité. Il suppose des
contributions de la communauté scientifique,
des corps d’encadrement, ainsi que des enseignants eux-mêmes, contributions dont il faut
organiser la cohérence et la cumulativité.
Pour ce faire, il faut envisager la création progressive d’un « instrument de référence pour
l’observation des pratiques enseignantes », qui
permettrait à tous les professionnels et à tous les
chercheurs de parler le même langage et de
présenter leurs observations et leurs résultats de
recherche de façon homogène afin d’en permettre la confrontation et la synthèse.
On ne connaît pas assez bien l’effet des
pratiques sur les progrès et les
comportements des élèves
Si l’on connaît mal les pratiques enseignantes,
on sait qu’elles ont des effets substantiels sur les
progrès des élèves. On le sait d’ailleurs surtout
grâce à des travaux anglo-saxons car il y a trop
peu de travaux sur l’efficacité des pratiques
éducatives en France.
Cet instrument, élaboré et perfectionné progressivement, devrait constituer un outil structurant
pour l’élaboration de grilles d’inspection et
d’observation des pratiques destinées aux corps
d’inspection. Il devrait par ailleurs s’imposer
comme cadre méthodologique, d’une part, aux
rapports de synthèse sur les activités et les pratiques d’enseignement que le Haut Conseil a
recommandés dans son avis sur l’évaluation des
enseignants des premier et second degrés et,
d’autre part, aux travaux de recherches sur les
pratiques éducatives dans différents contextes.
Ces travaux ne débouchent pas sur un modèle
universel de « bonnes pratiques », mais mettent
en lumière un certain nombre de paramètres qui
semblent se révéler comme des éléments essentiels de l’efficacité des pratiques pédagogiques,
éléments parmi lesquels on peut citer notam2
Avis du HCéé N° 7 – Janvier-Février 2003
La synthèse et la diffusion de ces résultats auprès
des enseignants, des inspecteurs, des chefs
d’établissement et des formateurs, leur utilisation plus systématique lors des évaluations des
enseignants et leur analyse lors des formations
doivent être réalisées au plus tôt.
Ces travaux doivent évidemment viser à éclairer
les liens entre toutes les pratiques enseignantes
et les progrès de tous les élèves. Ils ne doivent
pas se limiter à l’appréciation de pratiques considérées, à un instant donné, comme innovantes
ou à celle de dispositifs particuliers, mais aborder l’ensemble des pratiques enseignantes dans
les différents contextes de la scolarisation. Ils
doivent aussi envisager d’autres questions :
quels sont les facteurs qui contribuent à ce que
les enseignants recourent à telle ou telle pratique ? Quels sont ceux qui empêchent ou freinent l’adoption de pratiques nouvelles ou plus
efficaces ? Quels pourraient être les apports de
pratiques éducatives élaborées ailleurs que
dans le système scolaire ? etc.
Mais il semble au Haut Conseil qu’il faut aller
au-delà de l’information et de l’organisation
d’échanges.
Les observations et les résultats disponibles aujourd’hui permettent déjà de dégager des recommandations et des guides pour l’action, et
de proposer des repères susceptibles d’aider à
organiser plus efficacement le déroulement des
activités en classe.
L’élaboration d’un instrument de référence pour
l’observation des pratiques ne saurait constituer
une condition préalable au développement des
recherches sur les pratiques enseignantes, mais
elle est indispensable pour que ces recherches
aient un caractère cumulatif et permettent de
dégager des éléments qui contribuent à la professionnalisation des personnels et au pilotage
du système éducatif.
Il faut que les enseignants puissent connaître ces
recommandations et ces guides d’action, apprendre à utiliser ces repères au cours des formations initiale et continue. On pourrait les
inciter à les utiliser en leur fournissant, par
exemple, des canevas de progressions pédagogiques qu’ils puissent adapter à la diversité des
publics qui leur sont confiés et à partir desquels
ils puissent développer des échanges et des
travaux en commun.
C’est pourquoi, le Haut Conseil de l’évaluation
de l’école estime qu’un appel en ce sens devrait
être lancé d’urgence en direction simultanée de
l’inspection générale de l’éducation nationale
et des milieux de la recherche en éducation.
L’objectif premier en serait, non pas le développement de nouvelles recherches, mais la mise
au point, à partir d’une recension et d’une synthèse des travaux et rapports existants, de définitions aussi rigoureuses que possible des
notions utilisées pour décrire les pratiques enseignantes.
L’adaptation aux situations concrètes d’exercice
de la profession, d’exemples fondés sur les résultats de recherches ou d’expériences positives
exige une formation de haut niveau. Cela étaye et
nourrit la liberté pédagogique de l’enseignant.
Pas plus que l’usage des manuels, l’utilisation et
l’adaptation de ces exemples ne correspondent
à une standardisation des pratiques enseignantes
qu’aucune donnée scientifique ne permet de fonder. Au contraire, elles exigent que les enseignants
soient accompagnés et aidés, ce qui constitue l’un
des objectifs de leur évaluation et doit être l’une
des tâches des corps d’inspection qui doivent, par
ailleurs, contribuer à élaborer très rapidement de
tels repères et guides d’action.
Il faut organiser la diffusion des résultats
des recherches sur l’efficacité des
pratiques enseignantes et former et inciter
les enseignants à s’en emparer,
notamment lors de leur évaluation et de
leurs formations initiale et continue, pour
améliorer l’efficacité du système éducatif.
L’accompagnement et l’aide des enseignants
sont les fonctions essentielles des conseillers
pédagogiques tels qu’ils existent aujourd’hui
dans le premier degré. Le Haut Conseil propose
que, dans le second degré, des fonctions analogues soient confiées à des enseignants confirmés. Conservant pour une part de leur service
Sans attendre le développement de recherches
à venir, on dispose d’ores et déjà de résultats,
dont un aperçu est fourni dans le rapport de
messieurs Alain ATTALI et Pascal BRESSOUX.
3
Avis du HCéé N° 7 – Janvier-Février 2003
une activité d’enseignement, ils seraient, dans
leur établissement et, de façon plus large, sur le
territoire d’un bassin de formation par exemple,
en charge d’aider leurs collègues à améliorer
leurs pratiques.
Si le développement de la connaissance dans ce
domaine est indispensable, il semble au Haut
Conseil qu’il est dès maintenant possible d’aider
nombre d’enseignants à développer des pratiques plus efficaces.
nnn
L’enjeu en est non seulement celui d’une
meilleure efficacité, mais aussi celui de la justice de notre Éducation nationale qui doit s’organiser pour faire progresser tous les élèves dans
toutes les écoles et tous les établissements.
Au stade de développement atteint par notre
système éducatif, une amélioration de ses résultats suppose qu’on accorde une grande attention aux pratiques enseignantes et qu’on se
donne les moyens d’en améliorer l’efficacité.
LES AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a choisi de rendre public conjointement cet
avis sur l’évaluation des pratiques enseignantes dans les premier et second degrés et
un avis sur l’évaluation des enseignants du premier degré et du second degré. En effet,
les rapports qu’il a fait établir pour nourrir ses réflexions sur ces deux sujets se sont
avérés complémentaires et les liens entre ces deux domaines se sont confirmés au fil
des travaux et des discusions.
Le Haut Conseil traitera prochainement de l’évaluation des acquis des étudiants dans
l’enseignement supérieur universitaire. Il a également inscrit trois autres thèmes à son
programme de travail :
– L’appréciation des compétences en lecture/écriture des élèves et des jeunes et le
l’évolution dans le temps de ces compétences ;
– Qu’évalue-t’on avec les épreuves des baccalauréats professionnels ?
– L’évaluation de l’orientation à la fin du collège et du lycée.
Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école est une instance indépendante composée de
35 membres nommés pour une durée de trois ans : élus nationaux et territoriaux ;
représentants des acteurs du système éducatif ; personnalités françaises et étrangères
reconnues pour leurs compétences dans le domaine de l’évaluation du système éducatif.
L’ensemble des avis du Haut Conseil et des rapports établis à sa demande sont
disponibles sur son site : http://cisad.adc.education.fr/hcee
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Claude THÉLOT
Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 14
Fax : 01 55 55 77 62
Courrier électronique : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DPD/BED
4
Avis du HCéé N° 7 – Janvier-Février 2003
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
L’ÉVALUATION DES ACQUIS DES ÉTUDIANTS
A
près avoir abordé une première fois le
domaine de l’enseignement universitaire avec un avis sur l’évaluation des
enseignements, le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a inscrit à son programme de
travail la question de l’évaluation des acquis
des étudiants.
Pour nourrir ses réflexions, il a demandé à Marc
ROMAINVILLE, professeur à la faculté de Namur, un rapport sur la question de « l’évaluation
des acquis des étudiants dans l’enseignement
universitaire ». Ce rapport – qui comme tous les
rapports commandés par le Haut Conseil n’engage pas celui-ci, mais reflète les analyses et les
propositions du rapporteur – est public et peut
être consulté sur le site du Haut Conseil :
http://cisad.adc.education.fr/hcee, à la rubrique
« publications ».
Les connaissances dont on dispose sur
les acquis des étudiants sont très
fragmentaires.
Que savent les étudiants ? Que savent-t-ils faire ?
On ne dispose aujourd’hui que de peu de données
sur ces questions, que de peu d’enquêtes et d’études, et ceci, aussi bien au plan local que national,
voire international. Au plan national, on ne sait pas
comparer les acquis des étudiants selon le type
d’établissement qu’ils fréquentent (université « traditionnelle », IUT, lycée post-baccalauréat, école,
etc..), pas plus qu’on ne peut apprécier ces acquis
selon les formes d’enseignement et d’apprentissage qui leur sont proposées (cours magistraux,
travaux dirigés, travaux de groupe, recherches
personnelles, etc..). Quant aux enquêtes internationales, si elles commencent à avoir largement
exploré les niveaux primaire et secondaire, jusquà
présent elles n’ont pas abordé l’enseignement
supérieur.
Il n’existe donc pas de données standardisées
qui permettraient des comparaisons inter ou
intra-nationales. Il n’existe pas non plus de résultats qui permettraient de confronter des acquis effectifs à des objectifs poursuivis par
l’enseignement supérieur.
Pourtant, des travaux – réalisés pour l’essentiel
dans d’autres pays que la France – fournissent
des aperçus fragmentaires sur ce que sont les
acquis des étudiants ; ils permettent également
de s’interroger sur la perception de ce que sont
ou devraient être ces acquis.
Des études font ainsi ressortir un écart sensible
entre ce que veulent mesurer les examens et ce
que les étudiants estiment avoir acquis, d’une
part, et ce qu’attendent leurs futurs employeurs,
d’autre part : les étudiants et les employeurs
mettent plutôt en avant des compétences générales, des savoir-faire (capacités en matière d’organisation personnelle, capacités à faire face
aux situations, à traiter des problèmes complexes ; compétences relationnelles, de communication) que les savoirs relevant des finalités
académiques de l’enseignement supérieur.
Avis du HCéé N° 8 – Avril 2003
Ces impressions peuvent être liées au fait que
l’on a fort peu d’études précises sur les compétences acquises dans les disciplines enseignées.
Tout au plus peut-on dire que des travaux ponctuels et partiels – essentiellement anglo-saxons
– permettent de penser que les étudiants en
savent plus en quittant l’enseignement supérieur qu’à l’entrée de celui-ci (ce qui est heureux !). Ces travaux insistent sur le fait que ces
étudiants semblent surtout avoir acquis des savoir-faire cognitifs généraux qui leur permettront de continuer à apprendre et à traiter des
problèmes nouveaux. En revanche, ils ne permettent pas de dire grand-chose de ce que sont les
acquis effectifs par rapport aux ambitions, affichées ou non, des formations qu’ils ont suivies.
évalués les étudiants de telle ou telle formation,
dans telle ou telle université. Il n’existe généralement pas d’inventaire formalisé des connaissances et des compétences attendues dans la
mesure où les formations ne sont pas définies
en termes d’objectifs à acquérir, mais en termes
de contenus, en fonction de considérations historiques, locales, voire personnelles. C’est donc
une évaluation normative – qui cherche à classer les étudiants les uns par rapport aux autres,
plutôt qu’à mesurer les compétences acquises
par rapport à des objectifs de formation – qui
domine.
Enfin, dans la mesure où les exigences et les
modalités de l’évaluation « pilotent » l’apprentissage, il faut s’interroger sur la perception
qu’ont les étudiants des pratiques d’évaluation
et sur l’impact de ces pratiques sur la qualité de
leurs apprentissages. L’évaluation par restitution – souvent pratiquée dans le premier cycle
où les effectifs sont très importants – est peu
compatible avec de hautes exigences et, dans
l’ensemble, les pratiques d’évaluation actuelles
restent avant tout conçues pour tester des connaissances factuelles et des savoirs formels. Les
étudiants sont d’ailleurs fort critiques à ce sujet
et étudient superficiellement, parce qu’ils savent qu’ils seront interrogés superficiellement.
Les pratiques réelles d’évaluation sont
mal connues
Les tâches d’évaluation occupent une place
importante – et de plus en plus importante –
dans l’exercice du métier d’enseignant-chercheur, mais on sait peu de choses sur la façon
dont ces enseignants-chercheurs s’acquittent de
cette mission. De plus, l’évaluation n’est pas
considérée comme une des composantes de
leur professionnalité.
Ces tâches d’évaluation peuvent occuper jusqu’à un tiers de l’année universitaire. Certains
attribuent cette lourdeur à la massification et la
« modularisation » de l’enseignement universitaire, qui se traduisent par une multiplication
d’examens parfois déconnectés les uns des autres, une raréfaction des oraux, des corrections
de masse, etc. L’organisation des examens a
ainsi relégué au second plan les réflexions pédagogiques sur l’évaluation.
Cet état de fait a des effets dommageables,
des enjeux importants incitent à le
modifier.
Il est nécessaire d’apprécier valablement les
acquis des étudiants des universités aux yeux
des employeurs et au plan européen. Au-delà
du fait que l’absence de cette appréciation risque de vider de son sens la valeur nationale des
diplômes, elle rend impossible le nécessaire
débat sur l’adéquation des acquis des étudiants
aux compétences attendues par le monde économique et social. Ceci devient d’autant plus
important aujourd’hui que les publics universitaires sont beaucoup plus diversifiés qu’ils
l’étaient à l’époque où l’université préparait
essentiellement aux fonctions de l’enseignement, de la recherche et du secteur public.
Une grande hétérogénéité caractérise les pratiques d’évaluation aussi bien en ce qui concerne
les dispositifs et les procédures, que les exigences
et les critères, et ceci d’une discipline à l’autre et
d’un établissement à l’autre, comme à l’intérieur
d’une même filière de formation. Cette hétérogénéité est liée, notamment, au fait que les étudiants
reçoivent un enseignement dont les contenus et
les objectifs peuvent être très différents selon l’établissement où ils font leurs études. Elle nuit à la
qualité de l’évaluation, prive de la possibilité de
comparer des résultats et a fortiori d’en suivre
l’évolution dans le temps.
Il faut donner aux responsables politiques les
moyens de piloter les formations et leur évolution et de réguler le fonctionnement et les pratiques des établissements. En effet, il est loin
d’être évident qu’il y ait un lien entre la réputation d’une institution d’enseignement supérieur
Par ailleurs, ces pratiques sont peu explicites :
on ne sait pas vraiment sur quels critères sont
2
Avis du HCéé N° 8 – Avril 2003
les contenus et les objectifs de ceux-ci sont
correctement vérifiés et il doit donner sa caution
quant à la qualité des processus mis en œuvre
au plan local pour valider les acquis. Ce n’est
pas la diversité qui est gênante en la matière,
mais l’opacité.
et les progrès effectifs de ses étudiants. Or, la
possibilité de mettre en rapport les progrès des
étudiants avec les modalités et les coûts de leur
formation est un enjeu essentiel puisque ces
modalités et ces coûts sont très différents entre
universités, écoles, IUT, lycées post-baccalauréat, etc. Ceci implique, non seulement une
connaissance des acquis en fin de formations,
mais aussi une appréciation des acquis à l’entrée de ces formations.
La qualité des pratiques d’évaluation, leur adéquation aux contenus des formations doivent
être prises en compte lors des habilitations, dans
le cadre de la contractualisation et, plus généralement, dans toutes les procédures de régulation et de pilotage du service public national
d’enseignement supérieur. Les évaluations d’établissements pratiquées par le Comité National
d’Évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (CNE)
devraient les considérer systématiquement.
Une exigence de transparence et de compte
rendu s’impose au service public de l’enseignement supérieur comme à tout autre service public. La lisibilité du contenu des formations et
de ce que certifient les diplômes est indispensable pour permettre la mobilité des étudiants
dans l’espace européen de l’enseignement supérieur. La création de l’Agence européenne de
l’évaluation de la qualité de l’enseignement
supérieur incite à l’évaluation des acquis des
étudiants et, faute pour le service public de la
réaliser, le marché s’en chargerait.
• Ensuite, le pilotage national du service public
de l’enseignement supérieur requiert une
meilleure connaissance des acquis – et surtout
des progrès – des étudiants, ce qui suppose que
l’on soit capable d’évaluer – et de comparer –
leurs compétences à l’entrée et à la sortie des
différentes institutions d’enseignement supérieur qu’ils fréquentent.
Dans le contexte de l’accroissement de l’accès
à l’enseignement supérieur, rester ambigu quant
aux objectifs des formations et à leurs critères
d’évaluation défavorise les « nouveaux » étudiants par rapport à ceux qui connaissent les
règles implicites. L’équité, aussi, exige la transparence à cet égard. De même, la transparence
de l’évaluation favorise la motivation et l’engagement des étudiants dans l’apprentissage . S’ils
doivent passer leur temps à essayer de comprendre les règles, ils n’apprennent pas.
Pour ce faire, il faut mettre au point un instrument de pilotage national et local qui ne se
substituerait bien évidemment pas aux certifications délivrées par les établissements ; il convient d’explorer la possibilité de réaliser des
enquêtes sur échantillon, sur le modèle des
évaluations-bilans que réalise la DEP à différents niveaux de la scolarité primaire et secondaire. Ces évaluations-bilans devraient porter
notamment sur des compétences générales et
de haut niveau, pour lesquelles l’élaboration
d’épreuves standardisées s’avère délicate ; des
recherches à ce sujet devraient être engagées.
Une volonté politique forte doit soutenir
la mise en place de dispositifs d’évaluation
des acquis des étudiants qui contribuent
au pilotage national du service public
d’enseignement supérieur et à la qualité
des formations qui y sont délivrées.
Dans l’immédiat, les collaborations permettant
la mise au point d’épreuves communes à l’entrée – voire à la sortie – d’une filière, telle que
Message pour les maîtrises de sciences de gestion
devraient être encouragées. La simple comparaison des pratiques et des standards au sein d’une
filière constituerait un premier pas intéressant.
L’évaluation n’est pas indépendante de la façon
dont sont conçus les diplômes et les formations ;
elle n’est pas non plus indépendante des méthodes, voire des supports d’enseignement. On ne
saurait donc l’améliorer en modifiant les seules
pratiques d’évaluation.
Plus largement, un programme de développement des études sur les résultats et les effets
de l’enseignement supérieur mériterait d’être
engagé.
• Le Haut Conseil est ainsi conduit à insister tout
d’abord sur le rôle et la responsabilité politiques qui sont ceux de l’État dans la définition
des diplômes nationaux et de leurs conditions de
mise en œuvre. Il lui appartient de garantir que
• Il convient, enfin, de développer une évaluation locale, efficace, fidèle et transparente, des
acquis.
3
Avis du HCéé N° 8 – Avril 2003
Cela implique en priorité de clarifier le contrat
pédagogique avec les étudiants en leur proposant une explicitation préalable des exigences
requises et des acquis attendus à l’issue de
chaque formation et de chaque enseignement.
Ce devrait être l’occasion d’un travail d’équipe
des enseignants-chercheurs, formalisé sous forme
de profils de compétences, étape indispensable
pour pouvoir passer d’une évaluation normative
à une évaluation critériée et formative.
Le Haut Conseil se doit d’insister encore,
comme il l’a déjà fait dans son avis sur l’évaluation des enseignements à l’université, sur l’effort
à réaliser en matière de formation à l’enseignement des jeunes enseignants-chercheurs. Cette
formation devrait faire toute leur place aux
questions touchant à l’organisation des formations et des évaluations.
Il doit être possible, en la matière, de s’appuyer
sur de premières réalisations et cette question
devrait figurer dans l’auto-évaluation des établissements, dans leurs processus de régulation et
dans l’évaluation de leurs enseignements. Les
établissements qui mettent en œuvre de « bonnes
pratiques » devraient bénéficier de « retours »
dans le cadre de la politique contractuelle.
La fiabilité de l’évaluation des acquis et des
progrès des étudiants est essentielle pour assurer
la qualité des formations délivrées et attester de
celle-ci aux yeux des employeurs et de l’ensemble des institutions d’enseignement supérieur,
entre lesquelles la mobilité des étudiants est
appelée à se développer, en particulier dans le
cadre européen.
Dans la mesure où les évaluations constituent
un moyen de piloter les apprentissages et les
activités des étudiants, il faut les infléchir pour
inciter les étudiants à acquérir davantage des
compétences comme l’autonomie, l’esprit
d’initiative, l’esprit critique, les capacités de
réflexion et de synthèse, en leur proposant des
épreuves synthétiques portant sur plusieurs enseignements, et ceci de façon évidemment différenciée selon les formations et les cycles de
l’enseignement supérieur.
Mais, au-delà de cette nécessaire amélioration
de l’évaluation certificative, le Haut Conseil de
l’évaluation de l’école juge indispensable que
soient rapidement envisagées des évaluationsbilans permettant d’apprécier et de comparer
les progrès que les différentes filières de l’enseignement supérieur assurent à leurs étudiants. Les responsables politiques en ont en
effet besoin pour piloter l’évolution de ces
filières dont les coûts sont très contrastés.
nnn
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 14
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
4
Avis du HCéé N° 8 – Avril 2003
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
ÉLÉMENTS DE DIAGNOSTIC
SUR LE SYSTÈME SCOLAIRE FRANÇAIS
É
mettre en quelques lignes un avis sur l’ensemble du fonctionnement et des résultats du système scolaire n’est pas sérieusement possible.
Aussi, pour que cet avis nourrisse le nécessaire débat
entre l’ensemble des acteurs concernés, le Haut
Conseil de l’évaluation de l’école a choisi de ne pas
rechercher l’exhaustivité, mais de mettre l’accent sur
des problèmes et des enjeux qui lui semblent véritablement engager l’avenir immédiat et plus lointain,
en laissant de côté de nombreuses questions de
société qui seront forcément débattues.
Il l’a fait après avoir pris connaissance d’une première
version du rapport de messieurs Hardouin, Hussenet,
Septours et Bottani, et en prenant appui sur les travaux
réalisés ou synthétisés par la DEP et sur les avis qu’il a
rendus au cours des trois dernières années.
Il a également fait appel aux comparaisons avec les
systèmes éducatifs des pays voisins du nôtre. Chacun
d’eux est bien évidemment le résultat d’une histoire
ainsi que de son environnement social, culturel et
économique, mais la confrontation fait ressortir des
points communs et des différences ; elle ouvre surtout
des pistes de réflexion qui seront reprises ci-dessous.
Le débat est d’autant plus nécessaire que notre pays
a donné une réelle priorité à l’éducation à laquelle
il consacre aujourd’hui près de 7 % de sa richesse
nationale : plus de 100 milliards d’euros au total –
un doublement en 25 ans en euros constants – dont
les deux tiers proviennent de l’État et un cinquième
des collectivités locales.
La France apparaît comme un des pays où le lien
entre la première qualification acquise en milieu
scolaire et la vie professionnelle est le plus fort, à
l’entrée dans la vie active comme tout au long de la
vie. Alors que le taux de chômage des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur demeure relativement faible et bien inférieur à la moyenne nationale,
quelle que soit la conjoncture économique, celui
des jeunes peu ou pas qualifiés est l’un des plus
élevés des pays développés. Notre pays sait moins
que d’autres donner une place aux jeunes sortis
précocement du système de formation initiale, et, en
France plus qu’ailleurs, la possession d’un diplôme
d’enseignement supérieur est une protection durable. C’est sans doute pour cette raison que l’on a
parfois accusé – à tort évidemment – le système
éducatif de « former des chômeurs ».
Les objectifs assignés au système éducatif
Pour juger de l’état actuel du système scolaire français, il faut bien connaître son passé et essayer
d’anticiper sur ce que l’on attend de lui dans un
avenir proche. Si, depuis la révolution française, les
évolutions ont été le produit des besoins de la société, si ces besoins ont conduit à assurer le développement du niveau moyen de nos concitoyens, ce n’est
véritablement qu’au lendemain de la Libération
qu’est apparue une volonté forte de démocratisation,
c’est à dire la volonté de réduire le déterminisme
social de l’accès aux formations supérieures.
En 1989, la Loi d’orientation sur l’éducation disposait en son article 3 deux objectifs importants : « La
Nation se fixe comme objectifs de conduire d’ici dix
ans l’ensemble d’une classe d’âge au minimum au
niveau du certificat d’aptitude professionnelle ou du
brevet d’études professionnelles et 80% au niveau
du baccalauréat »1.
Lorsque ces objectifs ont été fixés, le système scolaire était déjà engagé, depuis plusieurs années, dans
une profonde évolution entamée dès le début des
années 1980 et qui visait à accélérer la progression
des taux de sortie de formation initiale au niveau
baccalauréat et plus, et à réduire les taux de sortie
de niveau inférieur ou égal à celui du CAP-BEP.
L’objectif affiché était de réduire l’écart qui s’était créé
avec la plupart des pays de niveau de développement
comparable au nôtre et de répondre aux besoins de
notre économie. L’ambition était élevée puisqu’en
1982 – 7 ans avant le vote de la Loi d’orientation –
1. L’accès au niveau baccalauréat s’entend comme l’accès à une classe
terminale préparant à l’un des baccalauréats.
Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003
70% des Français âgés de 25 à 64 ans étaient titulaires du seul certificat d’études primaires ou n’avaient
aucun diplôme et que seuls 16% d’entre eux étaient
sortis du système éducatif avec un niveau supérieur
ou égal à celui du baccalauréat.
Taux de bacheliers par génération et taux d’accès au niveau bac
1980-81 1984-85 1994-95 1995-96 2001-02
Bac gén.
Où en sommes nous aujourd’hui ?
u Les sorties sans qualification n’ont pas été totalement supprimées et elles représentent encore 7 à 8%
d’une génération. Elles concernent très majoritairement des jeunes issus de milieux très défavorisés.
18,7 %
19,8 %
37,4 %
34,5 %
32,6 %
Bac techno.
7,3 %
9,6 %
17,7 %
17,7 %
17,7 %
Bac pro.
0,0 %
0,0 %
8,1 %
9,5 %
11,5 %
Total
bacheliers
25,0 %
29,4 %
63,2 %
61,7 %
61,8 %
Taux d’accès
niveau bac
34,4 %
35,0 %
71,2 %
68,5 %
69,2 %
Les chiffres ci-dessus montrent une baisse significative des taux de bacheliers généraux par génération
(de l’ordre de 5 points), correspondant à un retour
de dix ans en arrière (en 1992, 32,4% des jeunes
Français obtenaient un baccalauréat général), une
stabilité pour les bacheliers technologiques et une
poursuite de la progression, mais ralentie, pour les
baccalauréats professionnels.
Si l’on s’en tient à la définition de la non qualification, c’est à dire la sortie avant la dernière année de
CAP ou de BEP, on est passé de 1990 à 2001 de
82.000 à 60.000 sorties annuelles. L’objectif de la
loi n’a donc pas été atteint, mais il faut mesurer le
chemin parcouru en trente ans : au début des années
1970, c’était près d’un élève sur trois qui était considéré
comme sortant sans qualification.
Ce changement de tendance du milieu des années
1990 est né d’une baisse des taux de passage de la
classe de 3ème du collège vers la classe de 2nde du
lycée général et technologique, apparue au début
des années 1990. Les difficultés actuelles trouvent
donc leur source non seulement au lycée mais également en amont, au collège et à l’école. Elles trouvent aussi leur source en dehors de l’Ecole.
Ce chiffre de 60.000 est en tout état de cause trop
élevé. Tout doit être mis en œuvre pour le réduire et
l’objectif de la loi maintenu, même s’il constitue un
idéal qu’aucun système éducatif n’a pu atteindre. Le
Haut Conseil tient à rappeler avec force qu’aucune
qualification ultérieure ne peut être sérieusement
construite sur une formation initiale insuffisante.
u Avant d’aller plus loin, la première question à se
poser est de savoir si cet état actuel, en apparence
stable, est acceptable tant du point de vue de la
démocratisation nécessaire que des besoins connus
à court et moyen termes.
Le Haut conseil signale par ailleurs que la définition
française de la non qualification devrait être précisée
afin d’éviter bien des confusions 2.
En adoptant la nomenclature internationale (Classification Internationale Type de l’Éducation-97), on
peut dire aujourd’hui (chiffres de 2001) que 15%
d’une génération environ ne valide pas son passage
dans le second cycle de l’enseignement secondaire
(elle n’obtient donc ni un CAP ou un BEP, ni un
baccalauréat) contre une moyenne de l’ordre de
18% pour l’ensemble des pays de l’OCDE (7% au
Japon, 28% aux Etats-Unis). Ce chiffre donne une
image plus exacte de la population en échec à la
sortie du système.
La progression des « dix glorieuses » (1985-1995) a
réduit le différentiel existant entre la probabilité
d’obtenir un baccalauréat suivant que l’on est issu
d’un milieu favorisé (cadre) ou au contraire du
monde ouvrier.
Après une très forte progression de 1985 à 1995 qui
a conduit, durant l’année 1994-95, 71.2% de la
classe d’âge au niveau du baccalauréat, soit à moins
de dix points de la cible (63.2% de cette même classe
d’âge obtenant le diplôme lui-même), la croissance
s’est brutalement arrêtée et les taux apparaissent
aujourd’hui stabilisés autour de 69% pour le niveau
bac et de 62% pour l’obtention du diplôme.
Aujourd’hui, 87% des enfants de cadres supérieurs
obtiennent le baccalauréat contre 45% des enfants
d’ouvriers non qualifiés. Cet écart reste important,
mais très inférieur à ce qu’il était au début des années
80 où ces taux étaient respectivement de 75% et de
20%. On est donc passé en 20 ans d’un rapport d’un
enfant d’ouvrier à près de quatre enfants de cadre à
un rapport d’un pour deux ; les inégalités se sont
donc réduites. Mais au-delà de la différence de
chance d’obtenir le baccalauréat, c’est la nature
même du baccalauréat obtenu qui n’est pas identique
selon l’origine sociale : pour les enfants de cadres
supérieurs, la répartition par génération entre les trois
types de baccalauréats, général, technologique et
professionnel, est respectivement de 71%, 12% et
4%, alors que cette répartition pour les enfants
d’ouvriers est de 16%, 16% et 13%.
Après la progression rapide, le système s’est installé
depuis les années 1997-1998 dans une apparente
stagnation dont il faudra bien analyser les causes et
qui, à ce jour, n’a pas suscité de réactions satisfaisantes de la part de l’institution.
2. 60 000 sorties sans qualification, 94 000 sorties sans diplôme ; les deux
nombres ne s’additionnent pas et le premier n’est pas totalement inclus dans
le second. Si on ne possède pas le baccalauréat, dans la nomenclature
française, on peut être un diplômé non qualifié ou un qualifié non diplômé.
u S’agissant du second objectif de l’article 3 de la loi
d’orientation (80 % d’une génération au niveau du
baccalauréat), les chosesapparaissent pluscompliquées.
2
Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003
Ces différences très sensibles ont bien évidemment
des conséquences lourdes en termes d’insertion
mais surtout de poursuites d’études supérieures.
pays, mais nous formons beaucoup plus de diplômés
du premier niveau de qualification.
nnn
u Quels sont les besoins de l’économie en niveaux
de qualification ?
À partir de l’instant où le système scolaire semble
s’installer durablement dans un état qui n’était pas
souhaité par le pouvoir politique et qui ne correspond
pas aux besoins sociaux et économiques, c’est l’ensemble de notre dispositif qui doit être interpellé.
L’estimation de ces besoins est toujours un exercice
difficile tant les hypothèses sont nombreuses. Depuis
les années 80, le ministère de l’éducation nationale
demande à intervalles réguliers au BIPE de tenter, au
travers de divers scénarii, d’estimer les besoins à
moyen terme de notre pays selon les niveaux de
sorties du système éducatif. Ces travaux ont déjà
nourri le débat (ils ne sont pas étrangers à la fixation
des objectifs de la Loi d’orientation) et ils se sont
affinés avec le temps.
La scolarité obligatoire.
Celle-ci est actuellement organisée en deux temps,
séparés par une rupture très (et sans doute trop)
marquée : le temps de l’école élémentaire – précédée par l’école maternelle que tous les enfants fréquentent aujourd’hui à partir de trois ans au moins
– et le temps du collège – unique – à l’issue duquel
la quasi-totalité des élèves poursuivent leur formation selon des voies différenciées.
L’examen des différents scenarii établis pour 2010 à
partir de diverses hypothèses sur la croissance et le
comportement des entreprises (notamment la part
accordée aux promotions internes), fait apparaître une
grande réactivité aux niveaux de qualification le plus
haut et le plus bas : les écarts les plus importants entre
scenarii se situent, d’une part, pour les sorties au niveau
bac+3 et plus, et d’autre part, pour les sorties au niveau
du diplôme national du brevet ou rien.
L’école primaire
S’agissant de notre enseignement primaire, plusieurs
points doivent être notés.
u Tout d’abord, l’existence d’une école maternelle
pratiquement unique au monde et à laquelle les
Français sont très attachés.
Mais une conclusion simple peut être tirée : dans
tous les scenarii, la nécessité d’augmenter les sorties
avec un diplôme d’enseignement supérieur est incontournable et les sorties infra-baccalauréat doivent encore être réduites.
Le développement de la scolarisation en maternelle –
qui concerne aujourd’hui tous les enfants de trois ans
– a joué un rôle incontestable dans l’amélioration des
résultats de notre système éducatif. L’efficacité de la
scolarisation à partir de deux ans fait l’objet de travaux
qui ne convergent pas toujours, est sujette à débats, et
il n’est pas certain que nous disposions à ce jour de
suffisamment d’éléments pour trancher. D’une façon
générale, la recherche scientifique sur les processus
cognitifs, sociaux, émotionnels et physiques chez les
jeunes enfants, sur les interactions entre leurs différentes
modalités d’accueil et le milieu familial, devrait permettre d’éclairer ces débats.
La plupart des scenarii conduisent à estimer à 70%
d’une génération la proportion de bacheliers nécessaire pour l’année 2010 (contre 61 % aujourd’hui)
et à 45% d’une génération celle des diplômés de
l’enseignement supérieur (contre 38 % aujourd’hui). A l’opposé, les sorties infra-baccalauréat
ne devraient pas excéder 30 % d’une génération.
Les futurs bacheliers de 2010 sont, cette année,
entrés en classe de 6ème et les futurs diplômés de
l’enseignement supérieur de 2010 sont déjà à la fin
du collège ou au lycée.
u Quel degré de maîtrise des apprentissages fondamentaux ?
u Il est à noter enfin que les taux de certification
(obtention d’un diplôme) observés aujourd’hui en
France dans le second cycle de l’enseignement secondaire, ne nous placent pas dans une situation
particulièrement favorable en matière d’accès à l’enseignement supérieur.
Sans qu’il soit question de réduire les apprentissages
fondamentaux à la seule maîtrise de la langue française (article premier de la Loi d’orientation), on a
pris comme indice les compétences en lecture des
élèves, envisagées à partir des différentes évaluations conduites aux plans national et international.
Avec 61 % d’une génération accédant au baccalauréat, nous sommes en 2001 juste dans la moyenne des
pays de l’OCDE (62 % pour l’ensemble de ces pays) ;
mais avec 37 % d’une génération obtenant un BEP ou un
CAP (dont la moitié en reste à ce niveau) nous sommes
très au-dessus de la moyenne OCDE qui est de 9 %.
La réponse à la question : « quel est le pourcentage
d’élèves qui, à la fin de l’enseignement primaire,
maîtrisent la lecture et l’écriture de la langue française ?» est nécessairement complexe et beaucoup
de précautions doivent été prises avant de prétendre
à une réalité scientifique incontestable.
Ainsi, contrairement à une idée reçue, nous ne
formons donc pas plus de jeunes susceptibles d’accéder à l’enseignement supérieur que les autres
En croisant les évaluations les plus récentes qui
permettent de mesurer le degré de compréhension
3
Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003
ressortir d’évolution notable, tant en ce qui concerne
la proportion d’élèves en difficulté de lecture (de
l’ordre de 15 %) que celle de ceux dont les lacunes
sont quasi-générales dans tous les domaines de la
lecture (3 à 4 %).
de l’écrit, à des âges très différents, on peut avancer
les points suivants :
– huit à neuf élèves et jeunes sur dix ont, à des degrés
divers, une maîtrise de la lecture qui leur permet de
bénéficier des enseignements qui leur sont dispensés,
puis de participer à la vie sociale et professionnelle ;
Le Haut Conseil propose d’évaluer la politique des
cycles et d’explorer plus avant, et surtout d’expérimenter – dans l’esprit de ce qui a été réalisé en
2002-2003 au cours préparatoire – des mesures qui
devraient intéresser, notamment et sans exclusive,
l’ensemble du cycle II, depuis la grande section de
maternelle jusqu’au CE1, et non pas le seul CP. Ces
mesures ne devraient pas se limiter à l’affectation
de moyens 3, mais envisager des actions touchant à
l’organisation des apprentissages et à leur progression.
– en revanche, à tous les niveaux, 10 à 15% des
élèves sont en plus ou moins grande difficulté de
compréhension face à l’écrit et près de la moitié de
ces derniers peut être considérée en très grande
difficulté ;
– cette proportion d’élèves en grande et très grande
difficulté n’a pas sensiblement augmenté au cours
des dernières années, mais elle n’a pas non plus
diminué et sur ce point comme sur d’autres, notre
système éducatif connaît un palier ;
Le développement de la recherche sur les pratiques
enseignantes les plus efficaces au regard des progrès
des élèves, la diffusion auprès des enseignants de
recommandations et de guides pour l’action, de repères susceptibles d’aider à organiser plus efficacement
le déroulement des activités en classe, tels qu’ils ont
été proposés par le Haut Conseil dans son avis sur
l’évaluation des pratiques enseignantes du premier et
du second degrés devraient trouver à ce moment-clef
du cursus scolaire, un de leurs points d’application
prioritaires.
– au niveau des comparaisons internationales, l’enquête PIRLS fait apparaître pour la France des résultats
qui sont globalement plutôt un peu inférieurs à la
moyenne des pays comparables au nôtre (Union européenne et autres pays de l’OCDE). Mais la dispersion
des résultats est plus faible en France. Les écarts entre
filles et garçons y sont moindres et la proportion de
« mauvais lecteurs » y est relativement modeste.
u Le début de l’école primaire : un cycle dont les
enjeux sont forts.
La mise à disposition des personnels intervenant
dans ce cycle, d’outils d’évaluation des compétences et des acquis des élèves destinés à repérer et à
faire la part entre des difficultés d’apprentissage – qui
doivent faire l’objet d’un traitement pédagogique en
classe – des dysfonctionnements du développement
cognitif – qui impliquent l’intervention de spécialistes du développement de l’enfant – et de problèmes
qui peuvent être de nature sociale ou médicale – qui
supposent d’autres mesures – permettrait d’agir à
l’école et parfois hors de l’école, dès le début des
apprentissages, sans attendre que la difficulté se
constitue et stigmatise les jeunes élèves. Ces outils
sont à développer en prenant appui sur les travaux
visant à mieux apprécier les compétences des enfants à différents niveaux de leur développement.
Tous les travaux disponibles convergent pour montrer que le moment des apprentissages fondamentaux, ceux qui ont lieu au « cycle II » de l’école
primaire, c’est-à-dire à l’articulation entre la dernière année d’école maternelle – la Grande section
que tous les enfants fréquentent – et les deux premières années de l’école élémentaire – le CP et le CE1
– est essentiel dans une scolarité.
Une lenteur ou une difficulté d’apprentissage au
cours préparatoire compromet gravement le déroulement de la carrière scolaire ultérieure, surtout si
elle est sanctionnée par un redoublement de cette
première année d’école élémentaire, redoublement
qui est en contradiction avec la politique des cycles.
C’est à ce moment que se constitue un « noyau dur »
d’élèves qui, ne maîtrisant pas les procédures élémentaires nécessaires aux apprentissages, ont du
mal, à chaque niveau de la scolarité, à bénéficier des
enseignements, et constituent vraisemblablement
ensuite l’essentiel des jeunes que l’on peut considérer comme en danger d’illettrisme, lorsqu’ils participent à 17 ans à la Journée d’Appel de Préparation à
la Défense (JAPD).
Cela suppose que les progressions et les objectifs de
chaque cycle de l’école soient parfaitement définis en
liaison avec la poursuite des apprentissages au collège.
Le collège
Il est depuis plusieurs années au centre de toutes les
polémiques. Le Haut Conseil de l’évaluation de
l’école souhaite donc que l’on observe le plus objectivement possible son fonctionnement et ses performances avant d’en débattre et surtout de trancher.
Ce constat n’est pas nouveau, et des mesures ont été
prises au cours des dernières décennies : la création
des cycles et les politiques successives donnant une
priorité forte à la lecture ont permis un maintien des
performances des élèves en fin d’école élémentaire,
alors même que les redoublements diminuaient. Ce
mouvement semble arrêté aujourd’hui et les comparaisons réalisées à l’entrée en 6ème ne font plus
Sur 100 élèves entrés en 6ème en 1995, six ans plus
tard, en 2001, 59 étaient entrés au lycée général et
technologique et 36 au lycée professionnel. Pratiquement aucun n’était encore au collège et seuls 5 étaient
3. Avis n°1 sur l’effet de la réduction des tailles des classes ; avis n°7 sur
l’évaluation des pratiques enseignantes dans les premier et second degrés.
4
Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003
sortis du système éducatif. Cela signifie donc que 95
% au moins des élèves parcourent le collège dans sa
totalité et accèdent au second cycle (ils étaient 75%
un quart de siècle auparavant) sans que les évaluations du ministère de la Défense, qui après avoir
concerné tous les garçons touchent maintenant toute
une génération, fassent apparaître de baisse de niveau.
près de la moitié des catégories sociales les plus
favorisées (alors qu’elles ne représentent que 15 %
de la population totale des collèges) et un sur cinq
accueille en moyenne deux tiers d’élèves issus des
catégories sociales les plus défavorisées (alors qu’elles représentent 45 % de la population totale). Cette
situation tient, pour une large part, à la répartition
de la population sur le territoire et il est manifeste
que le « respect de la sectorisation » ne peut à lui
seul la faire évoluer, d’autant plus que ce respect de
la sectorisation est souvent « refusé » par les catégories sociales les plus favorisées. Cette question, délicate et complexe, doit être débattue.
Si l’on fait le constat que le collège constitue aujourd’hui le dernier segment de la scolarité obligatoire et qu’à la fin de cette scolarité, tous les élèves
ont vocation à s’engager dans une formation qualifiante, non limitée aux voies générales des lycées
classiques, cinq points méritent d’être soulignés :
– les objectifs de fin de collège – ou pour mieux dire,
de fin de scolarité obligatoire – devraient être clairement explicités en conciliant deux approches très
différentes de l’« empilement académique des disciplines », encore trop fréquent dans nos programmes : quelle doit être « la base commune des savoirs,
savoir-faire et savoir-être citoyens de base » que doit
détenir un jeune en fin de scolarité obligatoire et
quelle doit être la base de compétences sur laquelle
il pourra construire ensuite une formation qualifiante ? 4. Cette question devrait faire l’objet d’un
traitement particulier dans le cadre du débat national
sur l’avenir de l’école : il importe que la société
française dise clairement à son École ce qu’elle
attend d’elle, pour tous, à ce moment essentiel. Le
degré d’atteinte de ces objectifs doit être certifié,
pour attester de ce que sait chaque élève en fin de
scolarité obligatoire, pour l’aider à s’orienter vers
une formation qualifiante, et pour contribuer à
l’évaluation de chaque collège.
– le caractère « unique » du collège, entendu au sens
où tous les élèves le fréquentent et ne s’orientent
dans une voie de formation générale, technologique
ou professionnelle qu’à l’issue de cette fréquentation, constitue un point fort de notre système éducatif
et doit être maintenu. Les comparaisons internationales y incitent en mettant en lumière, d’un coté, la
relative faiblesse et les fortes inégalités de résultats
que connaissent vers 15 ans les jeunes des pays qui,
comme l’Allemagne, pratiquent toujours une orientation précoce vers la fin du primaire, et, d’un autre
côté, le bon niveau et la relative homogénéité de
résultats que connaissent au même âge, les jeunes
des pays qui promeuvent au contraire une scolarité
obligatoire continue et uniforme, et souvent sans
redoublement.
– la rupture est très forte entre notre école primaire
et notre collège : beaucoup a été fait pour donner de
la cohérence aux programmes de l’une et de l’autre,
pour clarifier le fait que les apprentissages doivent
se poursuivre au collège, pour aménager l’accueil
des nouveaux élèves dans ces établissements, mais
il faut sans doute aller plus loin, en s’inspirant là aussi
d’exemples étrangers tels que ceux que l’on vient
d’évoquer.
Cette réflexion essentielle doit être conduite compte
tenu de ce que sont aujourd’hui les acquis de nos
élèves de 15 ans (étude PISA) : des résultats dans la
moyenne des pays de l’OCDE, pour ce qui concerne
la lecture (avec, il faut le noter, des résultats relativement meilleurs lorsqu’il s’agit de tâches faciles,
comme prélever de l’information dans un texte, et
des résultats relativement faibles, lorsqu’il est question de tâches de plus haut niveau, telles que donner
son avis et s’emparer d’un texte comme support de
réflexion personnelle), au-dessus de la moyenne
pour les mathématiques, et tout juste à la moyenne
pour les sciences.
– il faut aussi expérimenter en fin d’école et en début
de collège, en posant les questions des conditions
de travail et de vie des élèves et du rapprochement
des pratiques enseignantes dans ces établissements.
Le moment du début du collège devrait également
être un des points d’application prioritaires des recommandations faites par le Haut Conseil au sujet
des pratiques enseignantes.
Les lycées : la préparation à la vie active
ou à l’enseignement supérieur
– un autre point, de nature différente, se doit d’être
évoqué à propos du collège, celui de la mixité
sociale de la population qu’il accueille. Cette question a un double enjeu, un enjeu citoyen (les catégories sociales se côtoient de moins en moins à
l’École) et un enjeu scolaire (les effets de contexte
ont une influence sur l’enseignement délivré et sur
les progrès des élèves). Or, les disparités de fréquentation entre les collèges sont maintenant bien connues et vont plutôt en s’aggravant : un collège sur
douze accueille en moyenne des élèves issus pour
Le lycée a connu une grande réforme en 1991, mise
en œuvre de 1992 à 1996, qui concernait les voies
générales et technologiques mais pas la voie professionnelle. L’objectif affiché et poursuivi était d’assurer pour les élèves une meilleure lisibilité de
l’articulation de toutes les séries avec l’enseignement supérieur et un rééquilibrage des flux devant
4. Avis n°2 sur l’appréciation et la certification des acquis des élèves en fin
de collège : diplôme et évaluations-bilans.
5
Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003
permettre, d’une part, d’enrayer la diminution du
flux des élèves vers les études scientifiques et, d’autre part, l’émergence d’une vraie série littéraire.
À l’inverse, la série STT, que l’on a peut-être imprudemment implantée dans au moins trois lycées sur
quatre, connaît une évolution excessive ; à l’évidence,
l’orientation vers cette voie est moins dictée par un
choix des élèves que par des considérations qui laissent
à penser que l’on confie implicitement à cette série, la
mission de servir d’appoint pour atteindre des objectifs
quantitatifs. Une réflexion est nécessaire sur l’ensemble du champ technologique et professionnel tertiaire,
notamment sur le lien entre le baccalauréat STT et les
baccalauréats professionnels tertiaires.
Pour des raisons qui ne sont pas à ce jour bien
identifiées et qui sont peut-être extérieures au lycée,
les objectifs recherchés n’ont pas été atteints. L’état
actuel n’est pas satisfaisant, d’autant plus que par la
diminution du nombre des séries, compensée peu à
peu par l’émergence d’un panel important d’options
et de spécialités, nous sommes parvenus à une architecture à la fois plus complexe et plus coûteuse.
Enfin, la série SMS a connu une forte évolution et il
devient en conséquence urgent de lui assurer, enfin,
de véritables débouchés au-delà du baccalauréat.
On doit aussi pointer les difficultés de fonctionnement de la classe de seconde générale et technologique, qui a enregistré une baisse du taux d’accès et
qui connaît un taux de redoublement important.
Placée entre les deux niveaux d’orientation les plus
importants (fin de 3ème et fin de 2nde), elle contribue
aux déséquilibres dans les voies générale et technologique sur lesquels nous allons revenir.
u Comme il a été dit précédemment, la voie professionnelle et notamment la voie professionnelle
courte sous statut scolaire, occupe une place plus
importante qu’il n’y paraît. Trop importante ?
Comme pour la voie technologique, deux conceptions cohabitent :
u La voie générale tout d’abord, a non seulement
vu sa progression stoppée mais connaît même un
retrait très préoccupant et qui ne peut être accepté.
– D’un côté, un grand nombre de diplômes dans le secteur
de la production, en général bien adaptés au marché de
l’emploi, mais avec une attractivité insuffisante.
La série S, qui a fusionné trois anciennes séries (C,
D, E), a connu une progression qui reste insuffisante
pour fournir tous les étudiants scientifiques souhaités, d’autant plus que cette série a continué à jouer
le rôle de série d’excellence préparant à toutes les
études supérieures, scientifiques ou non.
– De l’autre, le secteur des services accueillant les
élèves (trop sans doute) dans des formations plus larges,
mais avec une adaptation au marché de l’emploi plus
préoccupante.
Quant à la voie professionnelle longue (baccalauréat
professionnel), elle connaît les mêmes déséquilibres
que le niveau CAP-BEP. Beaucoup de diplômes pour
peu d’élèves, d’un côté, et peu de diplômes pour trop
d’élèves de l’autre : sur plus de cinquante baccalauréats professionnels, trois du domaine tertiaire accueillent à eux seuls près de la moitié des élèves
préparant un baccalauréat professionnel ; dans le
même temps, les baccalauréats professionnels du
secteur du bâtiment et du génie civil accueillent
moins de 4% de la totalité des élèves. D’un côté, les
filles, de l’autre, les garçons !
La série ES a connu, quant à elle, une véritable
explosion quantitative à l’opposé de la série L, qui
connaît aujourd’hui, pour des causes à identifier, les
plus grandes difficultés.
L’évolution du flux de la série L n’est pas acceptable,
tant du point de vue de l’intérêt des élèves que de
ceux du pays. Une réflexion urgente s’impose et, en
tout état de cause, il n’apparaît pas que la suppression – un temps envisagée – des mathématiques
constitue une bonne réponse.
u La voie technologique a été en apparence simplifiée et elle ne connaît pas aujourd’hui de baisse
comparable à celle de la voie générale. Mais il est à
noter que cette voie reste profondément marquée
par des évolutions très contrastées.
Il est dangereux de vouloir continuer à promouvoir un
enseignement professionnel de niveau V et IV si l’on
n’est pas en mesure d’assurer un fort rééquilibrage en
faveur des spécialités à forte professionnalisation,
confirmée par l’emploi.
D’un côté, les séries STI et STL, dont il faut souligner la
mauvaise lisibilité, souffrent d’une attractivité insuffisante malgré un réel potentiel de poursuites d’études
supérieures. Un bachelier STI a plus de chances d’obtenir en trois ans un diplôme de l’enseignement supérieur
qu’un bachelier ES ou L, et pourtant ces séries continuent
de ne pas attirer les lycéens et surtout les lycéennes. La
quasi-absence des filles dans les séries STI met bien en
évidence les difficultés très persistantes de leur orientation
vers les filières scientifiques du type sciences de la
matière et sciences pour l’ingénieur, à l’exception
notable des sciences du vivant.
Enfin, avec à peine plus de 50% des titulaires d’un
BEP accueillis, soit dans un baccalauréat technologique, soit dans un baccalauréat professionnel, on
maintient un taux de sortie trop élevé au niveau BEP.
Il est en conséquence nécessaire, outre le rééquilibrage
évoqué plus haut, d’assurer un meilleur accès au niveau
baccalauréat pour les titulaires d’un diplôme de niveau V.
Les sorties à ce niveau, qui devrait être le niveau
minimum de qualification obtenu en formation initiale, apprentissage compris, ne devraient pas, à
6
Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003
terme, excéder 20% d’une génération, les sorties
de niveau inférieur étant, elles, réduites à zéro.
Enfin, il faut se rappeler que si l’on veut obtenir un
plus grand nombre de diplômés de niveau licence et
plus (enseignement supérieur long), deux approches
non exclusives, sont possibles :
L’entrée dans le supérieur
– augmenter le nombre de bacheliers généraux qui
sont mieux préparés aux études longues ;
Dans le cadre de cet avis sur l’état de l’école, le Haut
Conseil n’avait pas vocation à s’exprimer longuement sur l’enseignement supérieur, mais souhaite
néanmoins attirer l’attention sur deux points.
– et/ou assurer une meilleure réussite des bacheliers
technologiques (et professionnels ?) dans l’enseignement supérieur et envisager les conditions de leur
accès au second cycle.
u Il faut tout d’abord réaffirmer que malgré des efforts
réels faits depuis plusieurs années, la dépense moyenne
par étudiant est relativement faible en France, ceci
parce que la dépense en direction des étudiants des
universités reste insuffisante : le financement de l’enseignement universitaire français est un des plus médiocres parmi les pays développés comparables.
Les personnels
Le Haut Conseil a dû, faute de temps, centrer sa
réflexion et ses analyses sur le personnel enseignant.
Il a déjà eu l’occasion de souligner que les fonctions
enseignantes « doivent rester structurées par l’enseignement dans la classe ou l’atelier, [mais que] les
modalités de cet enseignement sont … très différentes
selon les niveaux, les voies de formation (générale,
technologique ou professionnelle), les établissements
et les contextes, … et que d’autres activités – qui diffèrent
selon les niveaux d’enseignement, les établissements
et les contextes, et dont certaines supposent un travail
d’équipe – sont associées à l’enseignement individuel
en classe. Il a insisté sur la nécessité de « les préciser
et d’en définir éventuellement le degré d’obligation »5.
Un étudiant à l’université (hors IUT) tous cycles
confondus, coûte à la nation à peu près autant qu’un
collégien et les deux tiers de ce que coûte un élève
préparant un BEP. On peut même estimer que notre
pays consacre à ses étudiants de premier cycle universitaire à peu près la moitié de ce qu’il consacre à
un collégien et le tiers, au plus, de ce qu’il consacre
à un élève de classe préparatoire.
Un tel déséquilibre est bien entendu choquant mais
surtout révélateur de l’ambition que nous avons pour
notre université.
u Une université qui fonctionne mieux que l’on
veut bien le dire : lorsque l’on parle de l’échec
massif en premier cycle, il faut y regarder de plus
près : près d’un étudiant sur deux obtient ce diplôme
en 2 ans ; ils sont deux tiers au bout de 3 ans et trois
quarts après 5 ans (80 % si on ne considère que les
bacheliers généraux).
– c’est sans doute là un premier point de réflexion
majeur : il faut – compte tenu de ce qui a été évoqué
plus haut – ouvrir la réflexion sur l’évolution des
métiers, en prenant en compte l’évolution de la société,
du public accueilli, de la transformation des savoirs et
de leurs modes de transmission. Ceci, en précisant les
contours et les modes d’exercice des fonctions enseignantes, comme des fonctions des autres personnels,
aux différents niveaux du système éducatif, et en les
spécifiant mieux par niveau, sans pour autant « enfermer » les carrières enseignantes dans un seul niveau.
En effet, il faut noter que les taux de réussite au
DEUG sont fortement dépendants de la nature du
bac obtenu et, s’il y a problème au niveau des
premiers cycles universitaires, c’est du côté des bacheliers technologiques qu’il faut l’analyser : sur
cinq bacheliers STT s’inscrivant à l’université en
premier cycle, un seul s’inscrira « un jour » en second
cycle, soit un taux trois fois inférieur à celui de tous
les autres baccalauréats confondus.
– il est pour le moins paradoxal, alors que la formation des enseignants est un sujet permanent de débat
– et de réformes ! – dans notre pays, que près d’un
enseignant sur deux en poste actuellement n’ait pas
bénéficié d’une véritable formation initiale, ce qui
est le résultat d’un recours excessif à la précarité,
plutôt qu’à une véritable programmation des recrutements. Le fait qu’une part importante des corps
enseignants sera renouvelée au cours de la décennie
doit être l’occasion, à la fois, de revoir les conditions
de recrutement et de formation, y compris en IUFM,
en fonction des divers contours et modes d’exercices
du métier de professeur, et de repenser la façon dont
les ressources humaines sont réparties dans notre système éducatif, en faveur de l’enseignement supérieur.
Seuls les STS et les IUT sont en mesure d’offrir des
poursuites d’études adaptées aux bacheliers STT. Or,
si près d’un bachelier STT sur deux trouve une place
en STS, moins de 9% d’entre eux sont accueillis dans
les IUT, ce qui oblige les autres à tenter leur chance
en DEUG, avec les probabilités de réussite extrêmement faibles que l’on vient d’évoquer.
Il y a là un problème majeur qui n’évolue pas depuis
20 ans : l’accueil insuffisant des bacheliers STT en
IUT (à l’inverse de ce qui se passe pour les bacheliers
STI) les conduit à une orientation par défaut vers le
premier cycle universitaire, et ceci est une cause
essentielle de dysfonctionnement de notre dispositif
post-baccalauréat.
– enfin, dans le cadre de la formation continue – qui
devrait être une obligation professionnelle – une
organisation du soutien et des aides à apporter aux
5. Avis n°6 sur l’évaluation des enseignants des premier et second degrés.
7
Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003
enseignants dans l’exercice de leur métier doit être
envisagée en liaison avec les recherches sur les
pratiques efficaces au regard de la seule aune qui
vaille : les progrès des élèves. Le Haut Conseil renvoie à ce sujet à son avis sur l’évaluation des pratiques enseignantes et insiste sur la nécessité de
fournir aux enseignants des recommandations et
des guides d’action issus des recherches, et de les
inciter à les utiliser en fonction de la diversité des
publics et afin qu’ils puissent développer des échanges et des travaux en commun.
objective, de permettre de faire des choix motivés et
efficients et d’arrêter des priorités de politique éducative.
Pour conclure
Il s’est évidemment avéré impossible d’aborder tous
les thèmes ; le Haut Conseil a fait le choix de sélectionner les problèmes qui lui semblent devoir être
débattus et de donner son avis sur ces derniers.
À la lecture, certains n’hésiteront pas à penser que
décidément notre système éducatif est en très grande
difficulté et qu’il est temps d’en changer, probablement
pour retrouver ce qu’ils croient avoir été un âge d’or
où tout allait « pour le mieux dans le meilleur des
mondes possibles ».
L’évaluation
Le Haut Conseil a déjà constaté que la variété et la
richesse des résultats des dispositifs d’évaluation et de
pilotage disponibles aujourd’hui dans notre système
éducatif contrastaient avec la faiblesse de leurs usages 6.
Pourtant, ceux qui liront sérieusement ce texte y
verront la confiance que nous pouvons avoir en
notre École et en ses personnels ; nous possédons
aujourd’hui un système performant et robuste qui a
connu ces dernières années une réussite exceptionnelle mais qui souffre maintenant comme souffrent
la plupart des autres systèmes éducatifs comparables. Le haut niveau de performances atteint aujourd’hui par notre système éducatif explique en
partie les difficultés qu’il connaît et permet certainement de les surmonter.
À ce sujet trois points peuvent également être soulignés :
– le Haut Conseil estime que parmi les marges à
explorer figurent la question de l’évaluation des
pratiques éducatives, pédagogiques ou non, ainsi
que celle de l’évaluation des établissements scolaires, beaucoup moins abordée en France qu’à l’étranger, alors que nos établissements sont de plus en plus
autonomes 7. L’une et l’autre devraient permettre de
mieux apprécier le fonctionnement du système éducatif au plus près des élèves, c’est-à-dire dans les
établissements et les classes, là où l’enjeu d’une
régulation efficace est le plus essentiel.
Notre École n’est pas seule au monde, notre réflexion
doit s’inscrire dans notre environnement international
et avant tout européen, avec confiance et ambition.
– il faut multiplier les travaux de connaissance du
fonctionnement du système éducatif et d’évaluation
de ses résultats, accroître le nombre et la diversité
des lieux où ils peuvent être réalisés.
nnn
– enfin, le ministère devrait développer une politique
systématique d’expérimentations contrôlées. Seules
de telles expérimentations sont susceptibles, à condition de prendre le temps nécessaire à leur évaluation
6. Avis n°3 sur les forces et les faiblesses de l’évaluation du système éducatif
français.
7. Avis n°4 sur l’évaluation des lycées.
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 14
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
8
Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
QU’ÉVALUENT
LES BACCALAURÉATS PROFESSIONNELS ?
L
e Haut Conseil de l’évaluation de l’école
a décidé, au titre de son programme de
travail pour 2002-2003, d’examiner cette
question. Il a, pour ce faire, demandé à deux
inspecteurs généraux honoraires qui ont participé à la création et à l’évolution des baccalauréats professionnels d’établir un rapport destiné
à nourrir ses réflexions. Le rapport de Madame
Claudie VUILLET et de Monsieur Dominique
SICILIANO – qui comme tous les rapports commandés par le Haut Conseil n’engage pas celuici, mais contient les analyses et les propositions
des rapporteurs – est public et peut être consulté
sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ».
Lors des discussions qui ont conduit à émettre
cet avis le Haut Conseil a pris le parti, comme
l’avaient fait les rapporteurs, d’élargir le sujet et
de donner son sentiment, non seulement sur ce
qu’évaluent les baccalauréats professionnels,
mais aussi sur les évolutions envisagées de ce
diplôme et des formations qui y conduisent. Il
l’a fait après avoir fait un point sur l’histoire et
l’état actuel de ce diplôme et de ces formations.
Les baccalauréats professionnels, des
diplômes dont la finalité est double, dont
la création a permis d’accroître puis de
maintenir la proportion de bacheliers
dans une génération et qui constituent
un ensemble complexe, voire disparate.
Le baccalauréat professionnel, diplôme de niveau IV mis en place à titre expérimental à la
rentrée 1985, a été officiellement créé par décret du 27 novembre 1985. Il est significatif – et
symbolique – que cette création ait été associée
à deux mesures importantes pour l’enseignement professionnel : la transformation des lycées d’enseignement professionnel (les LEP) en
lycées professionnels (les LP) et la création d’un
nouveau corps de professeurs ayant vocation à
enseigner dans ces établissements, les professeurs de lycées professionnels (les PLP) recrutés
au même niveau que les certifiés.
L’accolement des deux termes « baccalauréat »
et « professionnel » n’allait pas de soi et la naissance de ce diplôme a été marquée par des
Avis du HCéé N° 10 – Novembre 2003
questions sur la légitimité de l’appellation
« baccalauréat », et sur le sens à donner au
qualificatif « professionnel », notamment quant
à la distinction à opérer par rapport au baccalauréat de technicien : en 1985, une présentation officielle du nouveau diplôme affirmait que
celui-ci « ne peut avoir de double finalité. La
finalité professionnelle est marquée par son titre
même, ce qui n’interdit pas, par ses contenus de
formation, l’accès à des formations technologiques supérieures » et le décret de 1985, créant
le baccalauréat professionnel le définissait
comme « un diplôme national qui atteste d’une
qualification professionnelle », et ne mentionnait qu’ensuite que « sa possession confère le
grade de bachelier ». En revanche, le décret de
1995, qui porte aujourd’hui règlement général
du diplôme, lui donne plus explicitement une
double finalité en indiquant, dans l’ordre, que
sa possession « confère le grade universitaire de
bachelier » et « atteste que ses titulaires sont
aptes à exercer une activité professionnelle hautement qualifiée ».
féminines et un bachelier professionnel sur trois
a des parents ouvriers ou inactifs, alors que c’est
le cas pour un peu moins d’un bachelier général
sur six 1.
Que veulent évaluer les baccalauréats
professionnels ?
C’est incontestablement la finalité professionnelle
du diplôme qui est mise en avant en matière
d’évaluation. La procédure d’élaboration d’un
baccalauréat professionnel et des conditions de
sa certification relève entièrement des Commissions Professionnelles Consultatives auxquelles
participent des représentants des employeurs et
des salariés des branches concernées.
Elle est organisée en deux temps : tout d’abord,
élaboration d’un « référentiel des activités professionnelles » qui décrit les activités que sera
amené à exercer le titulaire du diplôme (il renvoie à la situation de travail), puis élaboration
d’un « référentiel de certification » qui renvoie,
lui, à la situation d’évaluation.
En tout état de cause, le développement du
baccalauréat professionnel (plus de 90 000 diplômés à la dernière session) a joué un rôle
essentiel dans l’accroissement de la proportion
de bacheliers dans les générations : il a contribué pour plus du tiers au doublement de cette
proportion entre 1985 – l’année de la création
du diplôme – et 2002. C’est même la croissance
du nombre de bacheliers professionnels qui a
permis, à elle seule, de maintenir cette proportion à un niveau sensiblement constant depuis
1995, alors que la proportion des bacheliers
généraux déclinait et que celle des bacheliers
technologiques stagnait. Plus d’un bachelier sur
six est aujourd’hui un bachelier professionnel.
Cette notion de référentiel de certification repose sur une distinction essentielle opérée entre
diplôme et cursus de formation. Le référentiel
de certification n’énonce – en principe – que les
compétences attendues lors de la situation
d’évaluation, sans mention aucune d’un programme d’acquisition de ces compétences qui
est à construire de façon différente selon le
mode d’accès à la certification : formation initiale (scolaire ou par apprentissage), formation
continue et, plus récemment, validation des
acquis de l’expérience.
Le Haut Conseil apprécie tout particulièrement
le principe d’une procédure qui conduit à
définir un diplôme en termes de compétences
attendues de son titulaire, décrites en termes
de capacités et de savoir-faire, d’une part, et de
connaissances associées, d’autre part. En effet,
elle se situe clairement dans la logique d’un
pilotage des formations par les compétences
attendues au final, et devrait faciliter l’évaluation des diverses voies de formation, comme
celle des établissements et des institutions qui
les délivrent.
Les 44 baccalauréats professionnels actuels regroupent – compte tenu des options – 65 spécialités du domaine de la production et du
domaine des services. Ces spécialités ont des
définitions qui peuvent être très différentes :
certaines se réfèrent à des branches professionnelles, d’autres à des métiers, d’autres encore à
des fonctions ou à des domaines de compétence
transversaux. Certaines spécialités regroupent
quelques centaines d’élèves alors que trois baccalauréats tertiaires regroupent, à eux seuls plus
de 40 % des candidats.
Enfin, les formations conduisant à ces diplômes
sont très majoritairement, soit masculines, soit
1. Sur ces questions, le Haut Conseil renvoie à son avis n° 9 « éléments de
diagnostic sur le système scolaire français », octobre 2003.
2
Avis du HCéé N° 10 – Novembre 2003
fessionnelles : 60 % contre 40 %, proportions à
peu près semblables à celles en vigueur pour les
baccalauréats technologiques ;
Mais il constate que la mise en œuvre effective
des procédures de certification conduisant à la
délivrance du baccalauréat professionnel tend
à s’écarter du principe initial. On a progressivement laissé de côté les aspects les plus positifs
d’une évaluation fondée sur un référentiel de
certification au profit d’une juxtaposition
d’épreuves disciplinaires ou par domaine, et
ceci au détriment de la finalité professionnelle
de la formation.
– par ailleurs, cette évaluation de plus en plus
séparée des compétences professionnelles et
des compétences acquises en enseignement général, ne peut qu’accentuer le développement
autonome des disciplines, au détriment de la
finalité professionnelle de la formation et de la
certification. Sauf exception (en mathématiques
et en sciences et, à un degré moindre, en anglais) les épreuves des disciplines générales
sont aujourd’hui communes à l’ensemble des
spécialités.
Qu’évaluent effectivement les baccalauréats
professionnels ?
Le Haut Conseil est ainsi conduit à faire plusieurs
remarques quant à la mise en œuvre effective
des procédures de certification conduisant à la
délivrance du baccalauréat professionnel :
Dans le souci d’affirmer la finalité professionnelle du diplôme, le Haut Conseil recommande
que l’on privilégie des protocoles d’évaluation
intégrant dans les épreuves professionnelles la
vérification de compétences acquises en enseignement général. L’intégration de représentants
des « enseignements généraux » dans les Commissions paritaires consultatives devrait faciliter la
nécessaire clarification des finalités de l’enseignement général dans les formations professionnelles.
– certains parmi les référentiels de certification
récents sont plus construits en référence à un
programme de formation qu’au référentiel
d’activités professionnelles, ce qui est contraire
au principe évoqué plus haut ;
– de même, le « découpage » des diplômes en
« unités de certification », censé faciliter l’accès à ceux-ci par la voie de la formation continue, tend à être opéré en référence aux seules
épreuves de l’examen ;
Quant aux unités de certification validées par
un « contrôle en cours de formation », très justement distingué dans les instructions d’un « traditionnel » contrôle continu , leur pratique devrait
être recadrée pour éviter deux écueils extrêmes :
une évaluation formative à des fins pédagogiques
et une suite de partiels.
– dans la quasi-totalité des baccalauréats professionnels, l’option prise d’assurer une
meilleure formation générale pour permettre
d’affronter les évolutions technologiques a conduit à favoriser les horaires consacrés à l’enseignement général, et ceci alors même que les
horaires globaux ont souvent diminué ;
Les critères d’évaluation de la formation en
milieu professionnel, réalisée, elle aussi par un
« contrôle en cours de formation », ce que le
Haut Conseil juge très positif, mériteraient
d’être précisés à nouveau. On peut en effet se
demander si les tuteurs ne privilégient pas dans
leurs appréciations le comportement au travail
des candidats au détriment des compétences à
développer en entreprise. La note de cette unité
de certification devrait, conformément aux dispositions réglementaires, toujours émaner conjointement des professeurs – étant rappelé que tous
sont concernés quelles que soient leurs disciplines d’enseignement – et des tuteurs. La reprise des
« guides de formation en entreprise » initialement
conçus pour énumérer les compétences à développer en entreprise – et qui semblent avoir été
abandonnés – devrait y contribuer.
– cette évolution a été associée à une autre
consistant à juxtaposer de plus en plus des
épreuves ou des sous-épreuves conçues sur la
base des disciplines d’enseignement : disciplines générales, d’un côté, disciplines professionnelles, de l’autre, pour ne plus rechercher
des épreuves « fédérant » sur un même support,
évaluations de compétences et de connaissances relevant des unes et des autres de ces
disciplines ;
– la mise au point effective de telles épreuves
éviterait que l’on s’interroge sur la légitimité
d’une répartition des coefficients qui donne logiquement la prépondérance aux épreuves pro3
Avis du HCéé N° 10 – Novembre 2003
nelles en faveur des spécialités « à forte professionnalisation confirmée par l’emploi » et, d’autre part, d’assurer un meilleur accès au niveau
du baccalauréat pour les titulaires d’un diplôme
de niveau V, dont le poids est aujourd’hui excessif dans les sorties de formation initiale.
Enfin, des enquêtes montrent que les enseignants – comme les tuteurs en entreprise – ne
disposent pas toujours d’un retour d’information des jurys, ce qui rend difficile une régulation de la formation en fonction de ses finalités.
La prise en compte de ces remarques devrait
constituer un guide d’action pour revoir, spécialité par spécialité, les conditions effectives
de l’élaboration et de la mise en œuvre des
référentiels de certification. Elles devraient
également permettre une certification plus
ouverte aux différentes voies de formation
conduisant au diplôme, notamment à celle de
l’acquisition de tout ou partie des compétences
par l’expérience.
Dans cette logique, il lui semble nécessaire
d’évaluer avec soin l’expérimentation d’un accès direct d’élèves de troisième à une formation
au baccalauréat professionnel en trois ans.
Il lui semble également indispensable de s’assurer que les titulaires d’un baccalauréat professionnel puissent – s’ils le souhaitent et surtout
s’ils en ont les capacités – accéder effectivement
aux formations supérieures les mieux en rapport
avec les compétences attestées par leur grade
de bachelier. À cette fin, des dispositifs d’accompagnement devraient leur faciliter un accès
immédiat en STS et en IUT, sans allongement de
la durée totale des formations correspondantes.
nnn
On aura compris que toutes ces observations et
propositions vont dans le sens d’une réaffirmation de la finalité professionnelle du diplôme.
Le Haut Conseil a en effet placé sa réflexion et
ses propositions en matière d’amélioration de la
certification du baccalauréat professionnel dans
la logique de son avis récent proposant des
« éléments de diagnostic sur le système scolaire
français »2.
Le Haut Conseil insiste, en tout état de cause,
pour que les responsables de la politique éducative aient un discours clair et explicite quant
aux finalités propres du baccalauréat professionnel et à sa position relativement au baccalauréat technologique, notamment dans le
secteur tertiaire.
Ceci le conduit à rappeler la nécessité, d’une
part, de rééquilibrer les formations profession-
2. Avis n ° 9 « éléments de diagnostic sur le système scolaire français »,
octobre 2003.
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 14
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
Ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche
4
Avis du HCéé N° 10 – Novembre 2003
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
L’ÉVALUATION DES COMPÉTENCES DES ÉLÈVES
ET DES JEUNES EN LECTURE ET EN ÉCRITURE
ET DE LEUR ÉVOLUTION.
L’évaluation des compétences des élèves
et des jeunes en lecture et en écriture et
de leur évolution.
Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a
inscrit ce sujet dans son programme de travail
pour 2002-2003. Le rapport, destiné à nourrir
ses réflexions, a été établi par Mesdames MarieThérèse CÉARD, Inspectrice d’académie-inspectrice pédagogique régionale honoraire,
Martine RÉMOND, chercheuse à l’Institut National de la Recherche Pédagogique et maîtresse de conférences à l’IUFM de Créteil, et
Michèle VARIER, Inspectrice de l’Éducation nationale honoraire. Comme tous les rapports
commandés par le Haut Conseil, il n’engage pas
celui-ci, mais contient les analyses et les propositions des rapporteurs ; il peut être consulté sur
le site : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la
rubrique « publications ».
Les discussions qui ont conduit le Haut Conseil
à émettre cet avis ont porté moins sur les résultats des évaluations en termes de niveaux de
compétences effectivement atteints par les élèves et les jeunes 1 que sur la pertinence des
outils disponibles pour apprécier ces niveaux de
compétences et sur celle de la diffusion et des
usages qu’ils connaissent relativement aux deux
finalités assignées par la loi à l’évaluation dans
le système éducatif : rendre compte des résultats
atteints et donner à ses responsables et à tous
ceux qui y travaillent les moyens d’en améliorer
le fonctionnement et les résultats.
Les compétences en lecture et en écriture :
une question dont les enjeux sont
essentiels et dont l’abord est délicat.
Le Haut Conseil constate que les jugements
portés sur le niveau et l’évolution des compétences en lecture et en écriture des élèves et des
jeunes sont trop souvent fondés plus sur des
impressions, voire des souvenirs personnels,
que sur des données objectives. Ils sont fréquemment excessifs, ce qui nuit à une analyse
équilibrée permettant de mettre les évolutions
en perspective et de cerner les points forts et les
points faibles de notre système éducatif dans ce
domaine.
1. A ce sujet, on pourra se reporter au rapport des expertes et au n°66 de
la revue Éducation & formations qui présente entre autres une synthèse des
travaux de la DEP touchant aux compétences en lecture des élèves et des
jeunes.
Avis du HCéé N° 11 – Décembre 2003
tences atteints posent de nombreuses questions
méthodologiques.
Or, une évaluation aussi objective que possible
de ces compétences et de leur évolution est
d’autant plus nécessaire que :
La France dispose de très nombreux
travaux en matière d’évaluation des
compétences en lecture et en écriture.
w l’on considère à juste titre que les résultats
d’un système éducatif en matière d’apprentissage de la compréhension de l’écrit sont un des
critères essentiels pour juger de son efficacité ;
La richesse et l’ampleur des dispositifs d’évaluation mis en place depuis maintenant plus de
trente ans – pour l’essentiel par la Direction de
l’évaluation et de la prospective (DEP) du ministère de l’Éducation nationale – à différents niveaux du système éducatif, mais aussi lors de la
Journée d’appel de préparation à la défense
(JAPD), méritent d’être soulignées.
w ces compétences sont un élément indispensable sur lequel peuvent se construire, s’entretenir
et se développer connaissances et compétences
dans tous les domaines ;
w la maîtrise de la lecture et de l’écriture est
aujourd’hui une condition indispensable à une
bonne insertion sociale et professionnelle.
Ces dispositifs ont incontestablement des aspects très positifs et ont permis de cerner des
priorités de politique éducative :
Pour autant, cette évaluation n’est pas aisée et
la communication de ses résultats – aux responsables politiques comme à la presse et au public
– est un exercice difficile et délicat :
w du point de vue du pilotage du système, la
confrontation de données issues de sources diverses, aux finalités différentes, permet de dégager des convergences et d’avancer de façon plus
assurée des hypothèses. En particulier, le fait de
disposer de nombreux travaux nationaux permet de pouvoir tirer parti, en les considérant à
leur juste place, des comparaisons internationales auxquelles la France participe ;
w les compétences qu’un élève ou un jeune doit
maîtriser pour être considéré comme sachant
lire et écrire peuvent être envisagées de façon
différente selon les lieux et les moments ;
w les exigences sociales à cet égard ne sont pas
les mêmes selon les niveaux et les situations –
scolaires, professionnelles, etc. – et ces exigences évoluent dans le temps. L’exemple de l’orthographe est significatif : l’opinion publique
française a tendance à ériger son respect en
critère majeur de jugement en raison du rôle
que tient la dictée dans la tradition scolaire de
notre pays, alors que la langue, et surtout son
usage, ont évolué et que la société – comme les
programmes et les pratiques d’enseignement –
mettent aujourd’hui beaucoup plus l’accent sur
la capacité à comprendre et à s’exprimer ;
w la mise au point d’outils d’évaluation diagnostique – conçus comme des outils professionnels
destinés aux enseignants – et largement diffusés
auprès de ceux-ci constitue une originalité positive du système français d’évaluation.
Mais, dans le même temps, la multiplicité de ces
dispositifs, dont les finalités ne sont pas toujours
clairement distinguées ou parfaitement perçues,
soulève des questions, dont certaines ont déjà
été évoquées par le Haut Conseil 2 :
w la multiplicité des données disponibles aux
plans national et international, données fondées
sur des conceptions de la compréhension de
l’écrit et sur l’appréciation de compétences qui
sont légitimement différentes selon les buts recherchés, rend indispensables des confrontations
et des synthèses, plus difficiles à établir et à faire
partager que la diffusion de données chiffrées sur
« le » niveau de lecture ou le classement d’un
pays dans une enquête internationale ;
w le foisonnement de dispositifs aux finalités
variées, parfois difficiles à expliciter, entraîne
des confusions, et peut même conduire à « détourner » certains d’entre eux : l’utilisation fréquente des résultats des évaluations
diagnostiques aux fins de pilotage local, voire
national en est l’exemple le plus patent ;
w le souci de multiplier les évaluations et de
proposer aux enseignants des outils de plus en
w enfin, la mesure et la comparaison dans l’espace et dans le temps des niveaux de compé-
2. Voir en particulier l’avis n°2 sur l’appréciation et la certification des
acquis des élèves en fin de collège : diplôme et évaluations-bilans.
2
Avis du HCéé N° 11 – Décembre 2003
plus nombreux – activités qui sont grosses consommatrices de moyens et de temps – a parfois
eu comme conséquence un déficit en matière
de synthèses aisément utilisables par les responsables politiques nationaux, régionaux et locaux et propres à rendre compte à la société des
résultats de notre système éducatif ;
des outils, à en faire percevoir l’intérêt et à en
diffuser l’usage ;
w enfin, les acquis et les progrès des élèves dans
la maîtrise des compétences attendues ne sont
pas assez souvent mis en rapport avec les pratiques enseignantes et éducatives et les politiques
d’établissement, ce qui rend difficile d’en tirer
des orientations en matière de politique éducative 3. Sur ce point aussi, le Haut Conseil note
avec intérêt que les évaluations-bilans mises en
place par la DEP, comportent des données de
contexte et apporteront des éléments de réponse à ces sujets.
w en particulier, les responsables de la politique
éducative demandent des indicateurs qui leur
permettent de suivre l’évolution du niveau des
élèves en fonction des objectifs des programmes
et des diverses compétences attendues en matière
de lecture et d’écriture, ce qui implique la réalisation régulière d’évaluations-bilans aux pointsclefs de la scolarité et une excellente maîtrise des
techniques de la mesure en éducation.
C’est donc pour l’essentiel ce souci d’une
meilleure utilisation qui doit en guider les
améliorations.
Le Haut Conseil se félicite que sur ces points,
les recommandations qu’il avait faites dans son
avis n°2 aient été suivies d’effets avec, d’une
part, la mise en place par la DEP d’évaluationsbilans en fin d’école et en fin de collège (cette
dernière ayant une dimension non seulement
nationale, mais aussi académique) et le renforcement des compétences de cette direction
dans le domaine de la psychométrie.
Les recommandations du Haut Conseil en la
matière s’articulent en trois points :
Rendre plus explicites et clairement distinguer
les finalités des différents dispositifs.
Les responsables nationaux, régionaux et locaux du système éducatif, comme les enseignants perçoivent mal les finalités respectives
des nombreux dispositifs mis en place, les possibilités et les limites d’utilisation de chacun
d’eux : outils d’évaluation diagnostique destinés à aider les enseignants à moduler leurs
pratiques ; évaluations-bilans destinées au pilotage et qui peuvent être plus ou moins proches
des objectifs de nos programmes, notamment
lorsqu’il s’agit d’évaluations comparatives internationales 4. Ils n’en apprécient pas toujours les
spécificités relativement aux procédures « traditionnelles » d’évaluations que sont les examens
ou les notations.
Mais les résultats de ces travaux sont,
comme dans d’autres domaines touchant
à l’évaluation du système éducatif, trop
peu utilisés.
On se contentera d’en citer quelques exemples :
w la mobilisation des résultats des évaluations
pour arrêter des inflexions de la politique éducative et de ses objectifs reste faible et des
considérations subjectives prennent souvent le
pas sur la prise en compte de ces résultats ;
w les évaluations diagnostiques, outils mis à
disposition des enseignants, sont encore trop
peu mises à profit par ceux-ci et par les réseaux
de formation, même si les situations sont contrastées selon le niveau d’enseignement (l’utilisation en est plus intense dans le premier degré)
ou selon les contextes (l’utilisation en est plus
intense dans les situations difficiles). Le caractère parfois peu ergonomique de certains de ces
outils ou de la mise en forme de leurs résultats
peut – pour une part – l’expliquer, mais le Haut
Conseil y voit aussi une difficulté de notre système éducatif, de ses cadres et des concepteurs
Un effort d’information et de formation à ce
sujet devrait incomber, à la fois, aux responsables de la politique éducative, aux concepteurs
de ces outils, aux cadres du système et au réseau
de formation. De même la mise en place d’un
nouveau dispositif d’évaluation devrait être systématiquement accompagnée d’une présentation de l’ensemble de ses objectifs.
3. Cette question a déjà été évoquée dans l’avis n°7 sur l’évaluation des
pratiques enseignantes dans les premier et second degrés.
4. Le Haut Conseil se propose d’y contribuer en émettant un avis sur l’intérêt
et les limites des évaluations internationales.
3
Avis du HCéé N° 11 – Décembre 2003
d’un effort dans la présentation de leurs résultats, des moyens par lesquels ils ont été obtenus
et de leurs limites de validité. De même, il
incombe à la DEP, non seulement de produire
les résultats des différents travaux qu’elle réalise, mais d’en élaborer périodiquement des
synthèses destinées, d’une part, aux responsables, d’autre part, au corps social.
Rendre ces dispositifs plus fiables.
On a souligné plus haut que des recommandations déjà faites à ce sujet étaient suivies de
premiers effets dans le programme et les méthodes de travail de la DEP.
Dans le domaine de la lecture et de l’écriture,
la mise en place d’évaluations de qualité, quels
qu’en soient les objectifs, doit associer des compétences en sciences du langage, en psychométrie et en didactique. Ceci vaut tout autant pour
les évaluations « scolaires » que pour des évaluations « extra-scolaires », comme celles de la
JAPD qui doivent permettre un suivi permanent
de l’évolution des compétences des jeunes
Français.
w En ce qui concerne les évaluations diagnostiques, il est manifeste que pour qu’elles soient
utilisées plus largement par les enseignants,
qu’elles apportent des éléments de réponse aux
problèmes professionnels qu’ils rencontrent et
contribuent aux progrès des élèves, il faut les
rendre plus ergonomiques dans leur présentation et leur usage, leur donner une place effective dans les formations, et surtout accompagner
les enseignants dans leur mise en œuvre et leur
exploitation.
Mieux répondre aux besoins.
w Ceci implique de mieux apprécier les évolutions
des compétences dans le temps et dans l’espace.
Dans le temps, il s’agit non seulement de mesurer
ces évolutions aux niveaux importants du système
éducatif (par exemple à la fin de la scolarité
obligatoire) mais aussi de mesurer les progrès
accomplis par les élèves au cours des différentes
étapes de leur scolarité (par exemple, au cours de
la scolarité au collège). Dans l’espace, il est nécessaire de disposer de données régionalisées qui
permettent de s’assurer de l’équité du service
public national d’éducation et facilitent le pilotage
académique de la politique éducative.
nnn
Pour que ces recommandations visant à développer la qualité et la variété des évaluations à
hauteur des besoins de pilotage et de transparence du système éducatif et à en promouvoir
un usage plus fréquent et efficace, soient effectivement suivies d’effets, le Haut Conseil se doit
de rappeler ce qu’il a déjà souligné à plusieurs
reprises : la nécessité de renforcer les structures
en charge de l’évaluation au sein du ministère
et à sa périphérie.
w Pour ce faire, le nécessaire développement
des évaluations-bilans doit être accompagné
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 41
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
Ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche
4
Avis du HCéé N° 11 – Décembre 2003
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
L’ÉVALUATION DE L’ORIENTATION
À LA FIN DU COLLÈGE ET AU LYCÉE
P
our traiter ce sujet le Haut Conseil de l’évaluation
de l’école a demandé à Maryse HENOQUE,
Inspectrice de l’Éducation nationale-information
et orientation et à André LEGRAND, professeur des
universités, d’établir un rapport destiné à étayer ses
réflexions. Ce rapport, qui n’engage que ses auteurs,
est disponible sur le site du Haut Conseil :
http://www.cisad.adc.education.fr/hcee/.
Les débats du Haut Conseil l’ont confirmé dans
l’idée qu’une appréciation sereine de l’orientation
est délicate.
Dans une large mesure, l’orientation concentre les
critiques sur le système éducatif et les jugements
portés à son sujet sont marqués par une forte affectivité. Ceci pour plusieurs raisons :
w tout d’abord, dans notre pays, l’orientation est
« scolaire » : elle est mise en œuvre au sein du système
éducatif par des personnels de l’Éducation nationale ;
w ensuite, elle est généralement connotée négativement
puisque les « élèves orientés » sont les élèves en
difficulté, voire en échec, ceux que le système scolaire
exclut du cursus « normal ». L’image négative attachée
à l’enseignement professionnel et technologique y
contribue largement ;
w enfin, elle est très souvent confondue avec d’autres
éléments du fonctionnement du système éducatif, en
particulier l’affectation, dont les modalités et les
résultats sont parfois jugés peu satisfaisants.
Par ailleurs, évaluer l’orientation est un exercice qui
implique tout à la fois :
w d’évaluer des politiques publiques : la politique
éducative bien sûr, mais aussi d’autres politiques qui
ont un impact sur l’orientation (par exemple, la
politique de l’emploi ou la politique économique),
ainsi que l’articulation entre des politiques nationales
et des politiques décentralisées, qui contribuent
ensemble à arrêter l’offre de formation ;
w d’évaluer la qualité et l’adéquation des moyens mis
en œuvre pour réaliser l’orientation : ses outils
(comme la pertinence des informations sur l’évolution des formations, des emplois et des qualifications), ses procédures (notamment la façon dont sont
prises en compte les informations précitées), et le
fonctionnement des structures où elle se concrétise,
notamment les conseils de classe ;
w d’évaluer, enfin, les pratiques des acteurs qui
« font l’orientation » : on considère souvent les
services d’orientation et les Conseillers d’orientationpsychologues (les COP) comme en étant seuls responsables, alors que leur influence est en réalité très
faible, contrairement à celle des chefs d’établissements et des enseignants qui arrêtent les décisions
en conseils de classe, ainsi que celle des parents et
des élèves eux-mêmes.
On ne dispose aujourd’hui que d’éléments
partiels d’évaluation de la politique
d’orientation.
Des connaissances sont bien établies sur les acteurs,
sur certains mécanismes et sur des résultats. Ainsi, on
connaît assez bien les critères qui s’appliquent, de fait,
à l’orientation des élèves en fin de troisième : on sait
que les orientations sont très dépendantes de l’âge
des élèves et de leur parcours scolaire antérieur ; on
sait qu’à valeur scolaire égale, les conseils de classe,
Avis du HCéé N° 12 – Mars 2004
non seulement ne corrigent pas les différences d’ambition selon les catégories sociales et le sexe, mais
les confirment souvent et peuvent même les renforcer. Il n’y a pas, de ces points de vue, équité ; on sait
aussi que les orientations sont largement conditionnées par les politiques d’établissement et les capacités
d’accueil disponibles en aval.
des acteurs locaux, conséquence de la décentralisation des schémas de formation et de la déconcentration de la carte scolaire.
Tout au plus, certains ont-ils pu se bercer de l’illusion
que la création de diplômes et de formations pouvait
tenir lieu de politique de « gestion des flux », alors
que l’on sait pertinemment, par exemple, que, la
création de capacités d’accueil en sections STI ou
en baccalauréats professionnels du secteur de la
production ne suffit pas à y attirer les élèves, sauf à
avoir le courage de ne pas ouvrir, voire de fermer,
d’autres sections moins porteuses, notamment certaines formations tertiaires fortement féminisées où satisfaire les demandes de l’institution et des élèves n’est
pas responsable.1
Mais connaît-on suffisamment les éléments les plus
pertinents pour piloter l’orientation ?
On sait mal ce que sont les critères effectivement pris
en compte par les acteurs essentiels de l’orientation
que sont les enseignants, sinon qu’il s’agit essentiellement des résultats scolaires des élèves (résumés
par leurs notes) et non d’une appréciation de leurs
compétences en relation avec les formations et les
professions vers lesquelles on les oriente, formations
et professions que les enseignants connaissent
d’ailleurs souvent mal. On n’apprécie sans doute pas
à sa juste place le rôle des familles, rôle important
puisque les décisions prises le sont en référence à
leurs demandes, elles-mêmes fonction de leur degré
de maîtrise des enjeux liés aux carrières scolaires.
On dispose, enfin, de peu de choses sur l’impact des
actions d’information en direction des élèves, alors
que l’on s’accorde à estimer que le déficit d’information sur les métiers et les qualifications est très
important.
Parallèlement, alors que le principe de « l’éducation
à l’orientation » est excellent, l’insistance mise sur le
« projet personnel de l’élève » – dont le principe est
également excellent – peut avoir des effets pervers,
en reportant sur les élèves eux-mêmes – notamment
sur les plus faibles d’entre eux et les moins favorisés
socialement – la responsabilité de leur orientation,
voire de l’échec de celle-ci, alors qu’elle en exonère
l’institution. Celle-ci a, dans une certaine mesure,
demandé aux élèves d’assumer ce qu’elle n’osait
plus dire ou faire.
Le changement de statut des conseillers d’orientation, devenus, au début des années quatre-vingt-dix,
conseillers d’orientation-psychologues, a coïncidé
avec l’affaiblissement du pilotage national. Il est de
fait que la dimension psychologique de l’orientation –
dimension qui lui est indispensable – est plus développée en France que dans la plupart des pays comparables, et le Haut Conseil se demande si ceci n’a
pas constitué, pour certains responsables, un moyen
d’accompagner le déclin du pilotage national. La modestie des créations d’emploi et des recrutements,
contrairement à ce qui s’est passé pour les autres corps,
illustre bien les interrogations du ministère quant au
rôle joué par les COP.
On constate enfin que l’autonomie des acteurs est
grande en la matière et que les pratiques locales et
les politiques d’établissement sont très diverses,
qu’il s’agisse des décisions d’orientation proprement
dites ou de la préparation de celles-ci par l’information
ou l’éducation à l’orientation, sans qu’une évaluation
effective en soit faite.
La question essentielle : celle du pilotage
national de la politique.
Le pilotage de la politique d’orientation consiste
à gérer la contradiction entre deux objectifs qui s’entrecroisent en permanence : celui de la « gestion des
flux » qui vise à répartir les élèves entre les différentes formations existantes et celui du « projet individuel » qui veut donner à un jeune les moyens
d’effectuer progressivement ses choix de formation
et de carrière en fonction de ses compétences et
de ses souhaits. La façon dont cette contradiction
– qui est au centre de la politique de formation – a été
gérée, a sensiblement évolué au fil du temps, comme
le montre l’approche historique développée par les
rapporteurs auxquels le Haut Conseil a fait appel.
Le Haut Conseil estime, en tout cas, qu’il ne serait
pas légitime que l’État central fasse porter aux COP
la responsabilité de son défaut de pilotage de la
politique, ni qu’il prenne argument du fait que les
services d’orientation sont extérieurs aux établissements scolaires pour les décentraliser.
Clarifier les objectifs et les missions
La politique d’orientation est un élément constitutif
de la politique éducative. Les responsables de celleci doivent donc en rappeler les deux objectifs indissociables : « gestion des flux », qui devra prendre
en compte les évolutions des besoins économiques
et sociaux, et « construction progressive d’un projet
Comme ces rapporteurs, celui-ci estime que le pilotage national de la politique est aujourd’hui et
depuis plusieurs années très largement défaillant.
Dans ce domaine comme dans d’autres, les responsables nationaux de la politique éducative n’ont pas
su concilier la conduite d’une politique dont les
objectifs sont fixés au niveau national et l’autonomie
1. Voir en particulier les avis n° 9 et 10 du Haut Conseil relatifs respectivement aux « éléments de diagnostic sur le système scolaire français » et à «
ce qu’évaluent les baccalauréats professionnels »
2
Avis du HCéé N° 12 – Mars 2004
individuel ». La contradiction entre ceux-ci est incontournable et doit être gérée. Autrement dit,
même si l’orientation est définie comme « le résultat
d’un processus continu d’élaboration d’un projet personnel de formation que l’élève … mène en fonction
de ses aspirations et de ses capacités »2, le projet de
l’élève peut et doit être infléchi en fonction de ses
connaissances, de ses aptitudes et de l’évolution des
besoins économiques et sociaux. Parallèlement,
l’État et les collectivités territoriales doivent veiller à
ce que l’offre de formation corresponde bien à cette
évolution, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui.
qualifiés. Par ailleurs, d’autres sont ouvertes sans que
la nécessité en soit avérée.
S’agissant des études et recherches, il faut synthétiser
et diffuser les connaissances accumulées dont on a vu
qu’elles ne sont pas négligeables ; il faut compléter
celles-ci par une meilleure vision des critères et des
processus effectifs de l’orientation, qui ne sont pas les
mêmes en fin de premier cycle, au cours de la scolarité
lycéenne et lors de l’accès à l’enseignement supérieur.
w En ce qui concerne les outils de l’orientation, des
améliorations sensibles doivent être apportées tout
au long de la procédure.
Seule, une telle clarification peut permettre de préciser les missions des instances et des personnels
chargés de l’orientation, de définir les procédures
et les outils à mettre en œuvre et, pour ce qui
nous concerne plus particulièrement ici, d’évaluer
la politique d’orientation sous les différents aspects
évoqués plus haut.
Dans le domaine de l’information tout d’abord,
les ressources sont nombreuses, mais pas toujours
exploitables ni exploitées, et elles sont souvent
peu concrètes pour les jeunes et leurs familles. Les
connaissances en la matière tant des enseignants que
des COP doivent être développées et une évaluation
de l’impact des différentes modalités de cette information doit être régulièrement organisée.
w En ce qui concerne le pilotage national, il est
indispensable de mieux connaître et de suivre les
résultats des politiques conduites et des pratiques mises
en œuvre aux plans régional et local. Le ministère doit
disposer d’un ensemble d’indicateurs qui lui permette
d’apprécier le degré d’atteinte d’objectifs nationaux,
compte tenu de l’impact de l’autonomie dont sont
légitimement dotés les acteurs déconcentrés. La plupart des données disponibles s’intéressent essentiellement aux objectifs globaux de l’orientation, mais elles
laissent souvent de côté, d’une part, l’articulation avec
les politiques régionales et locales et, d’autre part, les
objectifs centrés sur l’élève. Ces données ne permettent
pas toujours d’apprécier de façon fine l’équité des
procédures et des décisions d’orientation.
Dans le domaine de l’appréciation des compétences
des élèves, ensuite on a déjà souligné à plusieurs
reprises que les critères scolaires, voire disciplinaires
y étaient dominants. Le Haut Conseil rappelle à ce
sujet une des propositions qu’il a faites au sujet du
brevet, en suggérant « que l’examen puisse donner
lieu à des certifications différenciées […] qui déboucheraient sur un « profil » ou un « bilan de compétences » maîtrisées par l ‘élève, et propre à favoriser
ultérieurement son orientation et son insertion professionnelle » 3.
Par ailleurs, ce doit être un des apports essentiels
des COP que de compléter l’évaluation des acquis
scolaires des élèves par une évaluation de leurs « compétences transversales », et ils doivent assumer la responsabilité d’intervenir dans les débats conduisant
aux décisions d’orientation en fonction des données
issues de cette évaluation.
Le ministère doit se donner les moyens :
– de faire connaître à tous les acteurs les objectifs
fixés par la Nation ;
– de mettre en capacité les acteurs locaux relevant
de son champ de travailler efficacement avec les
autres partenaires en charge de ces questions, dans
le respect des prérogatives de chacun.
w Dans le domaine des missions et des pratiques des
acteurs, enfin, deux voies de progrès doivent être
explorées : la première touche aux relations entre les
personnels de l’Éducation nationale et les autres
personnels chargés de l’information et de l’orientation. La mutualisation des outils et des informations
doit être renforcée ; la VAE et le développement de
la formation tout au long de la vie doivent inciter à
ouvrir les services d’information et d’orientation sur
les partenaires extérieurs ; la seconde, plus interne
au système éducatif, concerne les relations entre les
fonctions des professeurs et celles des conseillers
d’orientation. Considérant qu’une véritable orientation doit être fondée sur la combinaison de la valeur
scolaire et de compétences générales, d’une part, et
compte tenu de l’expérience de certains pays étrangers,
L’État, en lien avec les collectivités territoriales,
doit se donner les moyens de vérifier l’atteinte
des objectifs et veiller à l’équité sur l’ensemble du
territoire.
En particulier, les établissements, du second degré
comme du supérieur, ne subissent aucune conséquences de leurs choix quant à l’orientation des jeunes qui
les quittent ou de ceux qu’ils accueillent. Les décisions
de carte scolaire et d’implantation des formations peuvent constituer un moyen efficace de les sensibiliser.
Cela d’autant plus que l’État et les autorités régionales
doivent veiller à ce que les orientations débouchent sur
des affectations cohérentes. En effet, trop souvent des
formations demeurent offertes et accueillent des élèves
malgré leur inadaptation aux besoins, uniquement
parce qu’elles existent et qu’il y a des enseignants
2. Article 1er du décret du 14 juin 1990.
3. Avis n° 2 « Apprécier et certifier les acquis des élèves en fin de collège :
diplôme et évaluations-bilans », juin 2001.
3
Avis du HCéé N° 12 – Mars 2004
d’autre part, le Haut Conseil estime que ces fonctions doivent rester séparées dans la mise en œuvre
de l’orientation scolaire. Pour autant, les COP doivent être plus proches des élèves et les chefs d’établissement doivent avoir les moyens d’assurer un
travail d’équipe associant les COP et les personnels
d’enseignement et d’éducation.
diverses et complémentaires : psychologie, connaissances fines de l’organisation des formations scolaires et extra-scolaires, du contexte économique et
social, du monde du travail, etc.. Une reflexion est
certainement nécessaire sur une diversification des
recrutements ainsi que sur des recrutements internes
spécifiques, notamment d’enseignants. Il est également indispensable d’opérer des rapprochements
entre la formation des COP et celle dont les enseignants bénéficient dans les IUFM.
S’agissant des professeurs et des personnels d’éducation, ils doivent recevoir une formation à la pratique
de l’orientation. Quant aux professeurs principaux qui
prennent une part active à l’éducation à l’orientation,
leurs fonctions doivent être prises en compte lors de
leur évaluation professionnelle.
nnn
Pour les COP, le Haut Conseil estime tout à fait
anormal qu’ils ne bénéficient guère de formation
continue et qu’ils ne fassent plus l’objet d’une évaluation professionnelle. Il regrette que l’évaluation
des services d’orientation se limite, essentiellement,
à un comptage des visites qu’ils reçoivent et des
entretiens qu’ils assurent, sans référence ni à leur
contribution aux objectifs de la politique d’orientation, ni à une « démarche qualité », alors que la
qualité de l’accueil est un élément déterminant de
leur efficacité. Il regrette également que ces services
n’associent plus, comme ils le faisaient autrefois, des
personnels aux expériences et aux compétences
À la fin de cet avis, le Haut Conseil, voudrait surtout
insister sur les enjeux de la politique d’orientation et
donc, de son évaluation. Pour ce faire, il se contentera de rappeler qu’il a, dans son avis récent relatif
aux « éléments de diagnostic sur le système scolaire
français » insisté sur la nécessité pour notre pays et
notre système éducatif d’orienter plus de jeunes
vers des diplômes bien adaptés au marché de l’emploi et sur celle d’augmenter le nombre des sorties
avec un diplôme d’enseignement supérieur et de
réduire encore celles de niveau infra-baccalauréat.
Un pilotage national effectif de la politique d’orientation est indispensable pour atteindre ces objectifs.
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 41
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
Ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche
4
Avis du HCéé N° 12 – Mars 2004
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
LE TRAITEMENT DE LA GRANDE DIFFICULTÉ
SCOLAIRE AU COLLÈGE
ET À LA FIN DE LA SCOLARITÉ OBLIGATOIRE.
Ce sujet fait partie d’un ensemble de questions touchant aux mesures de lutte contre la difficulté scolaire que le Haut Conseil a inscrit à son programme
de travail pour 2004-2005. Le présent avis doit ainsi
être associé à l’avis n°14, relatif au redoublement
au cours de la scolarité obligatoire.
Pour examiner cette question, le Haut Conseil de
l’évaluation de l’école a demandé à André HUSSENET, Inspecteur général de l’éducation nationale
d’établir un rapport destiné à nourrir ses réflexions.
Le rapport que celui-ci a élaboré en collaboration
avec Philippe SANTANA, Inspecteur d’académieinspecteur pédagogique régional – qui comme tous
les rapports commandés par le Haut Conseil n’engage pas celui-ci, mais contient les analyses et les
propositions des rapporteurs – est public et peut être
consulté sur le site du Haut Conseil :
http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique
« publications ».
L’échec scolaire en fin de scolarité obligatoire :
des enjeux élevés, une question d’efficacité et
d’équité.
La notion d’échec scolaire en fin de scolarité obligatoire est relativement récente. Deux raisons l’expliquent : pendant longtemps la difficulté scolaire a été
considérée comme imputable à l’élève lui-même, et
non à l’École qui se trouvait ainsi dispensée de lui
rechercher des remèdes ; une scolarité difficile et non
sanctionnée par un diplôme, n’était pas incompatible
avec une bonne insertion sociale et professionnelle.
Il en va différemment aujourd’hui, la responsabilité
de l’échec n’est plus renvoyée au seul élève mais
concerne directement le système éducatif : la loi
affiche un objectif de réussite et de qualification pour
tous et l’unicité du collège induit la nécessité de
reconnaître et de traiter la grande difficulté scolaire.
Le fait qu’il faille poursuivre sa formation initiale
au-delà de la fin de la scolarité obligatoire pour
obtenir une qualification1et surtout une qualification
attestée par un diplôme puisque le diplôme national
du brevet, qui s’obtient en fin de scolarité obligatoire, n’est pas reconnu comme une qualification,
pénalise doublement les élèves en difficulté : l’École
se préoccupe plus de ceux qui poursuivent leurs
études que de ceux qui les abandonnent ; les risques
d’exclusion sociale et professionnelle de ces derniers sont élevés et le sont d’autant plus qu’en France
l’enjeu de la qualification (et d’un diplôme certifiant
celle-ci) sur l’emploi, est plus fort qu’ailleurs.
Au risque de paraître paradoxal, on pourrait dire que
les élèves en difficulté sont victimes des succès du
système éducatif. En effet des progrès considérables
ont été accomplis par celui-ci au cours des dernières
décennies : en même temps que croissaient les proportions de jeunes quittant la formation initiale avec
des qualifications de plus en plus élevées, celle des
1. Rappelons que le Haut Conseil a émis des réserves dans son diagnostic sur
le système éducatif français (avis n°9 d’octobre 2003) sur la définition de la
qualification telle qu’elle est retenue en France : actuellement, cette définition
permet de considérer comme qualifié au niveau V ou au niveau IV, un jeune
sans diplôme, même lorsqu’il n’a pas présenté ou n’a pas obtenu, soit le CAP
ou le BEP, soit le baccalauréat, après avoir suivi un cursus préparant à l’un ou
aux autres de ces diplômes.
Avis du HCéé N° 13 – Novembre 2004
ou telle caractéristique socio-démographique. On
sait aussi, notamment grâce aux comparaisons internationales, que le souci de promouvoir les plus
faibles ne compromet pas la réussite des meilleurs :
les pays dans lesquels les performances des élèves
faibles et celles des élèves forts sont les plus proches
les unes des autres sont ceux qui ont les performances moyennes les plus élevées.
jeunes le quittant sans qualification ou sans diplôme
a sensiblement diminué. Faire partie de ces derniers
est d’autant plus pénalisant que leurs possibilités
d’insertion se sont réduites. De plus, les jeunes concernés appartiennent massivement aux catégories
sociales défavorisées et sont souvent victimes de
situations de pauvreté et de discrimination : la pauvreté est la première cause du grand échec scolaire
et d’autres politiques que la politique éducative sont
à mettre en cause. Mais, si la difficulté scolaire ne
peut être imputée au seul système éducatif, elle
questionne directement celui-ci, non seulement sur
son efficacité (l’échec scolaire a un coût élevé pour
le système et se traduit par un manque à gagner en
termes de développement économique) mais aussi
sur son équité ; elle l’interroge également sur sa
capacité à assurer à la fois l’instruction et l’épanouissement des jeunes : l’élève qui n’est pas dans la
norme scolaire vit cette situation dans la souffrance
et parfois la révolte.
Enfin, il faut constater que le système éducatif français soutient honorablement la comparaison avec
ses principaux voisins quant aux sorties du système
marquées par un échec, – ce qui est encourageant –
mais qu’il ne progresse plus depuis une dizaine
d’années – ce qui ne doit pas décourager.
Les politiques éducatives ont mis en place des
dispositifs de lutte contre l’échec scolaire,
mais les ont accumulés sans les évaluer.
Puisqu’elle désigne les élèves en échec, l’École considère de sa responsabilité de prendre des mesures
ou de mettre en place des dispositifs qui ont pour
ambition de rapprocher ces derniers des conditions
de la réussite. Il n’est pas question, dans cet avis, d’en
donner une liste exhaustive ; on renverra pour cela
à l’étude détaillée qu’en a faite André HUSSENET,
en mettant notamment en rapport ces dispositifs et
ces mesures et les conceptions de la difficulté scolaires sur lesquelles ils sont fondés.
Une proportion de jeunes en échec qui n’est
pas tolérable.
C’est en tout cas l’École qui définit les conditions qui,
tout au long du cursus de la scolarité obligatoire,
permettent de considérer qu’un élève réussit ; ce faisant, elle désigne, par défaut, ceux qui sont en échec.
C’est ainsi qu’on peut proposer une, ou plutôt plusieurs, approches quantitatives de la proportion de
jeunes touchés : si l’on pose que sont en échec ceux
qui quittent l’école sans qualification ou diplôme
délivré par celle-ci, on retiendra que sont concernés
de 14 à 20 % des sortants, selon que l’on considère
comme qualifiés ou non les sortants non diplômés
des niveaux V et IV 2 ; si l’on considère que sont
potentiellement en échec ceux qui, d’une façon ou
d’une autre échappent à l’unicité du collège, on constatera que ce sont environ 10 % des jeunes d’une
génération qui sont accueillis dans d’autres structures
que les classes de 4ème et de 3ème générales ; si l’on se
fonde sur la persistance des difficultés de lecture tout
au long de la scolarité et à la fin de celle-ci, ce sont,
selon le niveau d’exigence retenu, de 5 à 15 % des
jeunes qui ne maîtrisent pas cette compétence essentielle à la vie professionnelle et sociale et à la poursuite
d’une formation tout au long de la vie.
En revanche, plusieurs points méritent d’être soulignés :
– Les réformes de structures, les dispositifs, les aménagements de méthodes destinés à lutter contre
l’échec scolaire ont été particulièrement nombreux
et variés au cours des trente dernières années ; leur
ampleur est très diverse selon la nature et l’importance de la difficulté à laquelle ils sont supposés
remédier : le redoublement a touché au moins 40%
des élèves lorsqu’ils atteignent 15 ans ; l’éducation
prioritaire concerne aujourd’hui près d’un écolier et
d’un collégien sur cinq ; les SEGPA accueillent des
élèves considérés en grande difficulté scolaire et les
dispositifs-relais (qui ont été conçus pour remédier
aux risques de déscolarisation et non pour accueillir
les élèves perturbateurs ou violents) regroupent temporairement moins de cinq mille collégiens ;
– Á l’école, le redoublement des premières années
de la scolarité élémentaire, qui reste une forme de
prise en charge individuelle très utilisée, s’avère
inefficace, voire contre-productif 3 ;
Si ces décomptes ne sont pas exempts d’arbitraire,
leur convergence permet de prendre la mesure d’un
enjeu qui ne concerne pas le seul système scolaire,
mais toute la société : il ne peut être question politiquement, socialement et économiquement de
continuer à tolérer que quelque 15 % des jeunes
quittent la formation initiale avec un sentiment
d’échec et sans une maîtrise convenable des compétences sur lesquelles peut se construire une formation continuée.
– Depuis 1975, la volonté de traiter les difficultés des
élèves dans le cadre du collège unique, sans ségrégation, et en évitant de reconstituer des filières a
systématiquement été réaffirmée, mais on a plus
recouru aux aménagements de structures et à la mise
en place de dispositifs qui peuvent, de fait, contredire
2. Cf. note 1 page précédente.
3. Cf. l’avis n°14 sur le redoublement permet-il de résoudre les difficultés
rencontrées au cours de la scolarité obligatoire ?
S’en tenir là serait d’autant plus intolérable qu’il n’y a en
la matière, ni fatalité, ni déterminisme qui serait lié à telle
2
Avis du HCéé N° 13 – Novembre 2004
parés entre eux, y compris pour les plus importants
et les plus coûteux comme l’éducation prioritaire et
la pratique du redoublement.
cette volonté, qu’à des évolutions de contenus et de
méthodes ;
– En effet, s’agissant des contenus et des méthodes,
l’organisation et le fonctionnement du collège restent
très proches de ceux du lycée et sont fortement marqués par le poids des enseignements disciplinaires.
Dans ce contexte, les recommandations qui font appel
à l’initiative et à l’autonomie des établissements : limiter les apprentissages à l’essentiel des programmes
(sans que l’on dise ce qu’est cet essentiel !), mettre en
œuvre une pédagogie différenciée, individualiser les
apprentissages, mettre l’accent sur les méthodes de
travail, développer l’interdisciplinarité, travailler en
équipe, apparaissent quelque peu gratuites. Quant aux
évaluations pratiquées par les enseignants, elles restent
trop souvent uniquement sommatives et sanctionnent
plus qu’elles encouragent.
Piloter, rechercher l’efficacité, donner des outils.
Des lignes d’action se dégagent de ces éléments de
diagnostic.
– Tout d’abord, il faut sans cesse rappeler – à l’ensemble du corps social comme aux acteurs du système éducatif – que la lutte contre l’échec scolaire
est non seulement nécessaire, étant donné ses enjeux, mais qu’elle est possible. Le grand échec scolaire étant, pour une part, lié à la pauvreté, cette lutte
ne saurait relever du seul système scolaire, mais il
est hors de question que celui-ci renvoie l’action à
d’autres ou se contente d’adopter une attitude compassionnelle. Il faut surtout que des objectifs de
politique éducative soient affichés en conséquence,
qu’on se donne les moyens d’en évaluer l’atteinte et
d’organiser la complémentarité des acteurs – notamment les enseignants – qui doivent recevoir l’information et la formation nécessaires.
– Contrairement à des systèmes éducatifs voisins, la
France utilise peu la notion d’élèves « à besoins
éducatifs particuliers » et la circonscrit aux élèves
handicapés dont elle a, jusqu’à une période récente,
organisé la scolarité quasi-uniquement dans des
structures spécialisées. Or, il semble que le fait qu’un
système éducatif retienne une définition plus extensive des « besoins éducatifs particuliers » (jusqu’à
17 % des élèves en Finlande contre 3,5 % en France)
le conduise à être plus sensible aux différences et
aux difficultés individuelles et, partant, l’incite à
diversifier et à individualiser plus finement les réponses à ces besoins particuliers.
– En matière de lutte contre l’échec scolaire, il faut
à la fois prévenir – on sait à ce sujet que les débuts
de la scolarité, en particulier le cycle des apprentissages fondamentaux, sont décisifs – et remédier – ce
qui implique de développer les recherches sur « les
élèves en difficultés qui s’en sortent », et sur le rôle
que jouent dans la réussite ou l’échec, la motivation,
l’estime de soi, et les conditions propices à leur
développement. A ce titre, il faut reconnaître que le
redoublement des premières années de l’école primaire, conçu et mis en œuvre comme une remédiation, devrait être fortement remis en question. Plus
généralement, il n’est pas admissible de laisser penser à un élève qu’il « n’arrivera à rien » alors que l’on
sait que croire en sa réussite – et lui permettre de
croire en celle-ci – est un facteur d’efficacité de
l’enseignement.
– La question de la certification, par un diplôme
reconnu, des compétences des jeunes en fin de
scolarité obligatoire a, ces dernières années, été
largement négligée : dans l’état actuel des choses, le
système éducatif français se désintéresse du Certificat de Formation Générale, diplôme qui pourrait
attester des acquis d’une partie au moins des élèves
les plus faibles, les valoriser et leur donner droit à
des équivalences reconnues pour poursuivre une
formation ultérieure ; de même, le diplôme national
du brevet, n’est pas considéré comme qualifiant
pour ceux qui l’obtiennent 4.
– En termes d’organisation scolaire, le principe doit
être de diversifier pour promouvoir et non pour
éliminer. Une réflexion et des recherches sur la
diversité des « élèves à besoins éducatifs particuliers » 5 appuyées sur un repérage fin de ces besoins
doivent conduire à individualiser sans ségréguer, à
développer de véritables plans éducatifs individuels
(mis en œuvre à l’École avec les parents et en
association avec les collectivités territoriales et des
partenaires locaux) et à diversifier les points d’appui
des apprentissages. Repérer les « besoins éducatifs
particuliers » implique de développer les outils
d’évaluation nécessaires et d’en bien situer les objectifs : ils n’ont pas pour finalité de classer ou de
sanctionner mais de mettre en lumière des différences dont il est normal de tenir compte.
Ainsi, de nombreux dispositifs ont été mis en place au
fil des ans, ce qui témoigne de la préoccupation du
système éducatif et de ses responsables quant à l’échec
scolaire. Mais ces dispositifs – qui ont souvent changé
de nom plus que de contenu – ont été accumulés et
juxtaposés les uns aux autres sans être véritablement
pensés en référence à une conception d’ensemble de
la scolarité obligatoire et à une définition claire de ses
objectifs. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles ils ont rarement été évalués et encore moins com4. Cf. avis n°2, l’appréciation et la certification des acquis des élèves en fin
de collège : diplôme et évaluations-bilans
5. Comme indiqué plus haut, ce terme est utilisé ici dans le sens qui est le
sien dans les études internationales. Il ne renvoie pas à l’éducation spécialisée telle que nous l’entendons en France, mais à toutes les spécificités
individuelles et sociales que l’école devrait connaître et prendre en compte
pour organiser les apprentissages.
– Même s’ils se sont développés dans des contextes
historiques et sociaux différents du nôtre, des systèmes
3
Avis du HCéé N° 13 – Novembre 2004
éducatifs étrangers plus sensibles aux différences,
pratiquant moins l’« enfermement » dans des structures spécifiques, et mettant plus en avant l’épanouissement de l’enfant et la valorisation de l’élève,
peuvent, à ce sujet, nourrir la réflexion et l’expérimentation. Ces systèmes éducatifs mettent l’accent
– en matière de prévention de la difficulté scolaire –
tout autant sur les moyens d’aider les enseignants
dont les élèves connaissent des difficultés, que sur
les dispositifs d’aide aux élèves eux-mêmes. Fournir
aux enseignants les outils de remédiation dont ils ne
disposent pas encore, faire en sorte que des personnels spécialisés puissent les appuyer plutôt que les
suppléer auprès des élèves doivent contribuer à
éviter de traiter « à part » les élèves en difficulté.
ficulté scolaire ». Le Haut Conseil suggère à ce sujet
de donner sa pleine signification à la politique des
cycles – fort peu suivie et évaluée jusqu’ici – et de
faire prioritairement le point sur les nombreux dispositifs et les diverses pratiques qui concernent de
très nombreux élèves : le redoublement 7, l’éducation prioritaire, les SEGPA, le soutien scolaire, etc..
Les dispositifs mis en place avec les collectivités
territoriales et les associations, en particulier en matière d’accompagnement à la scolarité, doivent également être examinés dans ce cadre. De même un
programme de recherches sur les facteurs qui peuvent expliquer la réussite des plus démunis serait de
nature à nourrir réflexions et expérimentations.
– Le Haut Conseil se doit de rappeler une nouvelle
fois que, sur cette question comme sur de nombreuses autres, le pilotage national n’est pas toujours ce
qu’il devrait être : au-delà de la réaffirmation des
objectifs politiques, évoquée plus haut, il incombe
aux responsables nationaux de donner aux établissements et aux enseignants les moyens d’exercer à
bon escient l’autonomie qu’ils leur accordent, en
précisant ce que sont les objectifs essentiels des
programmes, en leur donnant des outils pour en
apprécier l’atteinte et en définissant les conditions
de leur certification ; en évaluant les établissements,
non seulement sur leur capacité à dégager une élite,
mais aussi sur leurs succès dans la promotion de tous
leurs élèves ; en différenciant la politique de soutien
et d’aide aux établissements en fonction des difficultés
qu’ils rencontrent ; enfin en fournissant aux équipes
enseignantes des repères pour organiser plus efficacement le déroulement des activités en classe 6.
nnn
La lutte contre le grand échec scolaire constitue
indéniablement une priorité sociale et économique.
Pour que notre système éducatif reparte sur la voie
du progrès, il est impératif que tous les élèves maîtrisent, en fin de scolarité obligatoire, les compétences et les connaissances indispensables, non
seulement à la poursuite d’une formation initiale la
plus élevée possible, mais également au retour en
formation continue à quelques moments clés de leur
vie professionnelle.
Elle suppose notamment de manière incontournable, de prendre en compte, dès le début de la
scolarité obligatoire, les besoins et les rythmes d’apprentissage particuliers de chaque élève.
– Enfin, lutter contre l’échec implique d’évaluer
régulièrement les objectifs de réussite de tous et
l’efficacité des politiques de « traitement de la dif-
6. Cf. avis n°7, l’évaluation des pratiques enseignantes dans les premier et
second degrés
7. Cf. avis n°14 sur l’impact du redoublement sur le traitement des difficultés
scolaires au cours de la scolarité obligatoire.
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 41
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
4
Avis du HCéé N° 13 – Novembre 2004
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
LE REDOUBLEMENT PERMET-IL DE RÉSOUDRE
LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES
AU COURS DE LA SCOLARITÉ OBLIGATOIRE ?
Cette question s’inscrit dans l’ensemble des avis
concernant l’évaluation des mesures de lutte contre
la difficulté scolaire que le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a inscrit à son programme de travail
pour 2004-2005. Le présent avis vient ainsi compléter l’avis n°13, relatif au « traitement de la grande
difficulté scolaire au collège et à la fin de la scolarité
obligatoire. »1
Pour l’examiner, le Haut Conseil a demandé à JeanJacques PAUL et à Thierry TRONCIN, de l’Institut de
recherche sur l’éducation (IREDU) de l’Université de
Bourgogne d’établir un rapport de synthèse destiné
à nourrir ses réflexions. Ce rapport – qui comme tous
les rapports commandés par le Haut Conseil n’engage pas celui-ci, mais contient les analyses et les
propositions des rapporteurs – est public et peut être
consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». Le Haut Conseil s’est également fait
présenter les derniers travaux de la Direction de
l’évaluation et de la prospective (DEP) du Ministère
sur le sujet 2 et a repris ceux réalisés il y a maintenant
plus de vingt ans au Ministère par Claude SEIBEL et
Jacqueline LEVASSEUR.3
Le redoublement, une pratique en diminution
mais qui reste profondément ancrée dans le
système éducatif français.
Le système éducatif français a toujours recouru au
redoublement. La nécessité d’« apprécier la capacité
de l’élève à passer dans la classe ou le cycle supérieur »
est liée au mode d’organisation des apprentissages
qui reste relativement rigide – et qui repose sur une
conception très linéaire du développement de l’enfant : un groupe d’élèves reçoit un enseignement
simultané et doit suivre, de façon aussi homogène
que possible, un rythme de progression fondé sur
une succession de programmes annuels.
Cette pratique est ancrée dans la « mentalité éducative » française et on a du mal à imaginer qu’elle ne
soit pas universelle. On ignore d’ailleurs souvent que
nombre de pays organisent la promotion automatique d’un même groupe d’âge tout au long de la
scolarité obligatoire et mettent en place, pour les
élèves qui rencontrent des difficultés, des programmes spécifiques avec l’aide éventuelle d’un personnel spécialisé.
La France reste ainsi l’un des pays européens où les
redoublements sont le plus fréquents et où en conséquence la proportion d’élèves en retard par rapport à une « norme d’âge » est aussi élevée : près de
20 % des élèves ont redoublé au moins une fois et
sont donc déclarés en retard en fin d’école primaire
1. Il ne ne sera donc question ici que du redoublement à l’école et au collège
et non du redoublement au lycée qui mériterait une étude particulière,
notamment en fin de 2nde et de 1ère.
2. Le redoublement au cours de la scolarité obligatoire : nouvelles analyses,
mêmes constats, par Olivier COSNEFROY et Thierry ROCHER, article à
paraître dans la revue Éducation & formations, n°70, daté de décembre 2004,
MENESR-DEP, Paris, consultable sur :
http/www.education.gouv.fr/stateval/revue.htm
3. Les apprentisages instrumentaux et le passage du cours préparatoire au cours
élémentaire, par Claude SEIBEL et Jacqueline LEVASSEUR, Éducation & formations, n°2, janvier, février, mars 1983, MEN, Paris et CP-CE1, de la continuité
des apprentissages, document de travail, 1984, MEN, Paris.
Avis du HCéé N° 14 – Décembre 2004
et il fait perdre une année aux redoublants qui sont
ensuite stigmatisés par ce retard tout au long de leur
carrière scolaire.
et 38 % le sont en classe de troisième. Cependant la
fréquence des redoublements a sensiblement diminué
au cours des dernières décennies, surtout dans le
premier degré, et notamment à la fin des deux premières classes de l’enseignement élémentaire : en 1960,
plus de la moitié des élèves de CM2 étaient en retard
(près de 20 % avaient deux ans de retard ou plus) ; en
1990, c’était le cas d’un peu plus du quart d’entre eux
(et un peu plus de 5 % seulement avaient deux ans de
retard ou plus). Mais, depuis le milieu de la décennie
1990, cette diminution semble avoir atteint un plancher et près d’un élève sur cinq est toujours en retard
en CM2. (Les retards de deux ans ou plus sont, eux,
devenus très faibles et concernent un peu plus de 1 %
des élèves). Quant au collège, le redoublement a
évolué au cours de la période : après avoir augmenté
aux paliers d’orientation de fin de 5ème et de fin de
3ème, au moment de la mise en place du collège
unique, il a ensuite diminué pour être aujourd’hui
stabilisé mais il produit pratiquement autant de retard
scolaire que l’école primaire.
w quel que soit le moment du cursus scolaire, les élèves
ayant redoublé ont, en moyenne, des résultats nettement moins bons que ceux qui n’ont pas redoublé.
w cet écart s’observe dès le CP, tout au long du
parcours scolaire, mais il tend à augmenter avec la
précocité du redoublement et une donnée majeure est
le caractère particulièrement pénalisant du redoublement précoce sur la carrière scolaire ultérieure.
u Le redoublement affecte négativement la motivation et les comportements des élèves, il les stigmatise :
w à niveau de compétence égal, les élèves en retard
sont moins motivés et se sous-évaluent. Or, ces
éléments motivationnels sont liés à la réussite scolaire et peuvent expliquer, en retour, les moins bonnes performances des élèves en retard.
w ce constat permet de souligner le caractère paradoxal d’arguments souvent évoqués en faveur du
redoublement : celui-ci – ne serait-ce que par sa
menace – contraindrait les élèves à travailler ; en fait,
il les décourage plutôt et ceci dès leur plus jeune âge
(on sait que les élèves français sont parmi les plus
anxieux !). Il est tout aussi paradoxal d’invoquer le
manque de maturité comme motif du redoublement
et de contraindre les élèves censés être peu mûrs à
quitter leur groupe d’âge pour les mêler à des condisciples plus jeunes.
L’institution a en effet réagi devant l’ampleur des
retards scolaires, à la fois en assouplissant la scansion en années de la scolarité obligatoire par la mise
en place de cycles, et en attirant ponctuellement
l’attention sur le caractère excessif des redoublements en fin de certains cycles ou de certaines
classes. Les doutes sur l’efficacité de cette pratique
ont conduit les responsables politiques à insister,
sans succès, sur le fait que le redoublement ne devait
pas se traduire par une répétition à l’identique d’une
année scolaire ou d’un cycle, mais par un « maintien » aménagé dans cette année ou ce cycle.
w à niveau égal en fin de 3ème, les élèves en retard
obtiennent de moins bonnes notes que les élèves à
l’heure, sont moins ambitieux que ceux-ci et sont
plus souvent orientés en filière professionnelle (80%
des élèves admis en BEP ont au moins une année de
retard alors qu’ils sont moins d’un tiers parmi les
admis en seconde générale et technologique).
Le redoublement n’est pas une seconde chance
pour les élèves.
Contrairement à une idée qui reste largement répandue, aussi bien chez les parents que chez les enseignants, le redoublement ne constitue pas une seconde
chance pour les élèves rencontrant des difficultés. Il
leur est généralement nuisible du point de vue de
leurs progrès cognitifs, de leur motivation à l’égard
de l’école et de leur orientation. De plus il est
inéquitable. Toutes les recherches disponibles –
étrangères, comme françaises – convergent à ce
sujet, ce qui est loin d’être toujours le cas en matière
d’éducation 4. Leurs principales conclusions – illustrées par les études les plus récentes – peuvent être
ainsi résumées :
u Le redoublement est inéquitable :
w à niveau égal en fin de CM2 (apprécié par une
procédure standardisée), un élève redoublera ou
non selon la classe qu’il fréquente. Cela ne signifie
pas que les enseignants prendraient des décisions
arbitraires, au contraire ces décisions sont cohérentes : ce sont bien les élèves jugés les moins bons par
chaque enseignant qui redoublent, mais chaque enseignant en juge à l’aune de sa classe, sans disposer
d’un « étalon » homogène.
w toujours à niveau égal en fin de CM2, les élèves
déjà en retard redoublent moins que les autres, tout
simplement parce que l’on évite – pour des raisons
légitimes – les redoublements multiples. On retrouve
le même constat au collège.
u Le redoublement est inefficace du point de vue
des progrès des élèves :
w un élève faible ayant redoublé le CP n’obtient pas
de meilleurs résultats – ou obtient des résultats moindres – en début de CE2 que son camarade de même
niveau et de profil de compétences identique au
départ, mais qui, lui, n’a pas redoublé. Par rapport à
la promotion automatique dans la classe supérieure,
le redoublement du CP n’offre ainsi aucun avantage
w une autre inégalité est manifestement liée à la conception rigide et uniforme du rythme des apprentissages qui
4. On sait par exemple que les recherches et les expérimentations concernant les effets d’une réduction de la taille des classes sur les progrès des
élèves ne conduisent pas à des conclusions homogènes.
2
Avis du HCéé N° 14 – Décembre 2004
caractérise le fonctionnement du système éducatif
français : le nombre des redoublements précoces
augmente de façon pratiquement linéaire selon le
mois de naissance des enfants ; ils redoublent d’autant plus qu’ils sont nés en fin d’année civile, ce qui
ne devrait pas se produire si la politique des cycles
était effectivement mise en pratique.
parmi les meilleurs du monde, alors que les élèves
en retard – qui auraient eu, en moyenne, de
meilleurs résultats s’ils n’avaient pas redoublé – ont
des performances très sensiblement inférieures.
w la pratique du redoublement pèse sur les dépenses
du système éducatif, et ceci pour des résultats peu
probants, on l’a vu : le chiffrage du coût réel du
redoublement est certainement difficile à effectuer
mais une estimation de l’ordre de 2 milliards d’euros
semble un minimum réaliste.
w enfin, les politiques mises en œuvre en matière de
redoublement sont différentes selon les circonscriptions primaires et les écoles, comme selon les collèges. Le résultat en est globalement inéquitable : des
différences, non justifiées par le niveau des élèves
existent selon les catégories sociales au détriment
des moins favorisées, et selon le sexe au détriment
des garçons. Le Haut Conseil constate ainsi une
nouvelle fois – comme il l’avait déjà fait dans son
avis sur la politique d’orientation 5 – que des décisions qui engagent de façon décisive l’avenir des
jeunes restent excessivement corrélées à l’origine
sociale, à l’âge et au sexe. Comme l’origine sociale
et l’âge sont deux paramètres très liés, les élèves
d’origine modeste sont doublement pénalisés et
cela contribue à la segmentation sociale qui intervient au lycée après le collège.
w on doit à ce sujet s’interroger sur les pratiques de
pilotage et de gestion de notre système éducatif. La
mise en œuvre de la politique des cycles n’a certainement ni été assez soutenue, ni évaluée. L’allocation des moyens aux écoles et aux collèges en
fonction, pour l’essentiel, de leur nombre d’élèves,
quel que soit l’âge de ceux-ci, revient à favoriser
relativement – ou pour le moins à ne pas pénaliser
– les établissements qui font le plus redoubler.
Une politique nationale est indispensable en
matière de redoublement.
Bien que les données rappelées ci-dessus soient bien
établies, la conviction que le redoublement en cours
de scolarité obligatoire est utile aux élèves – au moins
à certains d’entre eux – reste particulièrement vivace
dans notre système éducatif, et encore plus largement
dans la société française. Les parents, notamment les
plus modestes, en sont encore plus convaincus que les
enseignants et il faut, une nouvelle fois, souligner les
différences importantes de comportement des familles
suivant les catégories sociales et le désarroi des plus
défavorisées d’entre elles.
En fait, la comparaison, en fin de scolarité obligatoire,
des performances moyennes des élèves d’une même
tranche d’âge selon qu’ils sont en retard ou non, fait
systématiquement apparaître un déficit en défaveur des
premiers. Non seulement ils n’ont pas rattrapé le niveau de leurs camarades, y compris de ceux qui
n’avaient pas de meilleurs résultats au départ, mais leur
carrière scolaire est fortement compromise dans un
système qui fonctionne « à la norme d’âge ».
Autrement dit, on rend plutôt service à un élève
faible en ne le faisant pas redoubler : il ne sera sans
doute pas parmi les meilleurs en fin de scolarité
obligatoire, mais il ne sera pas moins compétent –
au contraire – que son camarade ayant redoublé et
il ne se verra ni marqué ni stigmatisé par un retard.
La question essentielle est donc moins celle – pourtant fréquemment débattue – de savoir qui peut
prendre ou accepter la décision d’un redoublement – conseil des maîtres, conseils de classe et
chef d’établissement ou bien parents d’élèves – que
celle de l’utilité d’une telle décision pour l’élève et
pour le système éducatif.
Le redoublement obère les résultats d’ensemble
du système éducatif :
Si l’on ajoute que la pratique effective du redoublement est très différente selon les lieux et les circonstances et que le recours plus ou moins massif à cette
pratique est très sensible à l’injonction des responsables éducatifs, qu’il s’agisse des responsables locaux ou des responsables nationaux 6, il est tout
aussi essentiel, sauf à admettre l’inéquité, qu’un
discours ferme et cohérent soit tenu sur ce sujet au
plan national.
Au-delà de ses conséquences individuelles, la pratique du redoublement freine l’efficacité d’ensemble
de notre système éducatif.
w les évaluations internationales (notamment PISA)
montrent que les pays adeptes de la promotion
automatique arrivent, globalement, en tête des « palmarès » internationaux et que la dispersion de leurs
résultats n’est pas plus élevée qu’ailleurs, au contraire. À l’inverse, certains pays qui pratiquent massivement le redoublement affichent de faibles
performances moyennes, la France se caractérisant
par une dispersion des performances particulièrement importante.
5. L’évaluation de l’orientation à la fin du collège et du lycée, avis du HCéé
n°12, mars 2004.
6. Tout recteur, inspecteur d’académie ou inspecteur chargé d’une circonscription du premier degré a pu constater qu’un rappel de sa part face à des
taux de redoublement jugés excessifs, était rapidement suivi d’effets ; au
plan national, on peut citer entre autres exemples, la circulaire de juin 1998
qui rappelait que « le redoublement n’est pas en lui-même un gage de
succès... [et qu’] il peut même décourager certains élèves ». Elle a eu un
effet immédiat sous forme d’une baisse de près de deux points du taux de
redoublement en 6ème.
w ces mêmes évaluations font ressortir que nos élèves
à l’heure à la fin de leur scolarité obligatoire sont
3
Avis du HCéé N° 14 – Décembre 2004
les outils de remédiation dont ils ne disposent pas
encore.
Il serait certainement contre-productif, et peu crédible d’interdire autoritairement le redoublement, et
de pratiquer la promotion automatique, comme le
font certain pays, mais le redoublement, tout particulièrement à l’issue des premières années d’école
primaire, ne doit être utilisé qu’en dernier recours.
Une telle injonction n’a de sens – et ne peut être
comprise – qu’accompagnée de mesures de plusieurs ordres :
w Le Haut Conseil estime enfin, que pour porter
remède à cette pratique dont on a montré le caractère préjudiciable aux élèves, alors que la plupart des
parents et des enseignants la considèrent comme
bénéfique, une mesure radicale pourrait aider les
équipes éducatives à s’interroger sur son efficacité.
Il faudrait que les moyens, dégagés jusqu’ici par la
prise en compte des redoublants au même titre que
les autres élèves lors de l’allocation des dotations
aux écoles et aux collèges, ne soient plus attribués
qu’à l’issue de la négociation d’un projet alternatif
prévoyant d’autres mesures de lutte contre les difficultés des élèves. Un tel dispositif n’aurait bien sûr
de sens et d’efficacité qu’à condition que les écoles
et les établissements soient aidés dans la mise au
point de leurs projets. S’il reconnaît qu’une telle
mesure est délicate à mettre en œuvre, le Haut
Conseil estime qu’elle devrait inciter les équipes
éducatives à n’envisager le redoublement que
comme l’ultime recours qu’il doit être.
w Faire reculer le redoublement implique d’abandonner le principe du « tout ou rien », et de reconnaître
que des élèves – en proportion qui peut être importante
en certains endroits – ont des « besoins éducatifs particuliers » qu’il faut aider les équipes éducatives à
repérer et à traiter. On ne saurait, dans ce domaine,
« laisser le terrain se débrouiller seul », ne serait-ce que
parce que la promotion automatique d’un même
groupe d’âge se traduit mécaniquement par une hétérogénéité plus importante des groupes d’élèves, ce qui
implique des pratiques différentes, plus diversifiées, et
sans doute plus collectives.
w Dans le domaine de la formation et de l’information, une diffusion résolue des résultats convergents
des recherches et études sur le redoublement doit
être organisée, aussi bien dans les formations des
personnels d’encadrement, d’inspection et d’enseignement, qu’auprès de l’ensemble du corps social.
Il faut dire clairement ce que l’on sait à ce sujet,
donner des repères.
nnn
Les moyens dégagés seraient ainsi consacrés à la
lutte contre la difficulté scolaire. En effet, la question
qui est posée à notre système éducatif, à propos du
redoublement au cours de la scolarité obligatoire,
est en fait celle de sa capacité à résorber cette grande
difficulté scolaire. Puisqu’il est avéré que faire répéter aux élèves une année scolaire ne résout en rien
leurs difficultés, voire les enfonce dans celles-ci,
c’est vers d’autres solutions qu’il faut se tourner,
comme le propose le Haut Conseil dans son avis sur
le « traitement de la grande difficulté scolaire au
collège et à la fin de la scolarité obligatoire. ».
w Dans le domaine de la recherche, un programme
ambitieux doit permettre de compléter nos connaissances, notamment pour ce qui touche aux différences de rythmes d’acquisition et à l’individualisation
des premiers apprentissages. L’innovation et la recherche doivent impliquer les enseignants concernés, en particulier ceux des premières années de la
scolarité obligatoire, pour mettre au point et utiliser
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 41
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
4
Avis du HCéé N° 14 – Décembre 2004
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
LE TRAVAIL DES ÉLÈVES POUR L’ÉCOLE,
EN DEHORS DE L’ÉCOLE
Après avoir rendu un avis sur le traitement du grand
échec scolaire1, le Haut Conseil a souhaité faire un
point sur les questions touchant au « travail des
élèves pour l’école, en dehors de l’école », dont le
rôle dans la réussite scolaire est souvent considéré
comme déterminant. Il a demandé à Dominique
GLASMAN, professeur de sociologie à l’Université
de Savoie, de lui présenter un rapport sur les connaissances disponibles sur le sujet. Ce rapport n’engage
pas le Haut Conseil, mais contient les analyses et les
propositions du rapporteur ; il est public et peut être
consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.
education.fr/hcee à la rubrique « publications ».
De quoi parle-t-on ?
Lorsqu’il a inscrit ce sujet à son programme de
travail, le Haut Conseil en a retenu une définition
générale : le projet était de faire un état des connaissances sur les tâches liées à l’activité scolaire que les
élèves ont à faire en dehors des heures de cours et
sur l’efficacité de ces tâches au regard des résultats
et des progrès scolaires.
La question s’est très vite posée d’une définition plus
précise du sujet et d’une délimitation plus explicite
de son champ. S’il est clair que lorsqu’il quitte
l’école, le collège ou le lycée (l’enseignement supérieur ne sera pas évoqué ici) l’élève n’en a pas fini
avec l’École, les tâches liées à la scolarité qu’il peut
encore avoir à faire relèvent de finalités et de degrés
d’obligation différents : certaines sont explicitement
prescrites par l’École et sont en principe directement
liées aux apprentissages réalisés en classe (devoirs et
leçons) ; d’autres sont choisies volontairement par
les élèves ou leurs familles et visent plutôt à mieux
se préparer à affronter la scolarité et les épreuves
scolaires, à anticiper sur les apprentissages ou à
compenser des points faibles ou des manques (cours
particuliers, accompagnement à la scolarité, devoirs
de vacances).
La frontière n’est pas parfaitement étanche entre les
unes et les autres. Par exemple, les devoirs de vacances qui relèvent plutôt de la seconde finalité, peuvent être recommandés par des enseignants, et
l’accompagnement à la scolarité s’organise souvent
à partir d’une aide aux devoirs. Mais, une approche
d’ensemble de la question se justifie plus fondamentalement par le fait que les tâches obligatoires et les
taches facultatives tendent à devenir les unes et les
autres des tâches considérées comme indispensables par ceux qui veulent parvenir aux filières les
plus prestigieuses ou qui, simplement conscients des
enjeux scolaires, veulent se prémunir contre les
difficultés ou l’échec. Le travail hors de l’école devient ainsi un bon indice de l’évolution du système
éducatif, des inégalités qui le traversent et de l’image
qu’ont les parents et les élèves – tout au moins partie
d’entre eux – des conditions de la réussite scolaire.
Il peut être aussi considéré comme un signe de ce
que l’école ne prend pas suffisamment en charge.
Les questions se posent donc des limites à donner au
travail scolaire hors de l’école et des critères à retenir
pour en évaluer l’efficacité 2. Une chose est sûre, ses
enjeux sont devenus importants, pour l’institution
scolaire et les élèves, bien sûr, mais aussi pour le
secteur commercial qui se développe grandement
dans ce domaine depuis plus d’une dizaine d’années.
1. Avis n°13, le traitement de la grande difficulté scolaire au collège et à la
fin de la scolarité obligatoire, novembre 2004.
2. De ce point de vue, les enquêtes comparatives internationales n’apportent que peu d’éléments concluants, faute de pouvoir distinguer des pratiques très différentes de travail hors scolarité, allant des devoirs traditionnels
aux véritables écoles parrallèles que connaissent certains pays.
Avis du HCéé N° 15 – Mai 2005
présence des élèves pourrait être mise à profit, la
coordination n’est généralement pas meilleure et les
conditions données aux élèves pour faire leurs devoirs sont peu favorables.
Par commodité, on distinguera ci-après travail obligatoire et tâches facultatives.
Les leçons et les devoirs,
un univers mal connu et sans pilotage.
w On sait aussi que le fait de donner des leçons et
devoirs peut ne pas être uniquement guidé par le
souci de soutenir et stimuler l’appropriation des
connaissances par les élèves, mais aussi par des
considérations d’image aux yeux des parents, voire
des collègues. En effet, les devoirs jouent un rôle
important dans les relations entre les parents et
l’école. Les leçons et devoirs sont, pour les parents,
une manière de se tenir au courant de ce qui se fait
à l’école et de vérifier qu’« on y travaille sérieusement ». Sur ce terrain, les différences peuvent évidemment être fortes selon les territoires et les milieux
sociaux. Les collectivités territoriales et nombre d’associations partenaires de l’Ecole ont pris en compte
cette demande et développé, en direction des jeunes
des milieux populaires, non seulement une aide aux
devoirs, mais aussi des apports méthodologiques et
culturels nécessaires à la réussite.
Ils viennent immédiatement à l’esprit lorsqu’on évoque la question du travail scolaire hors de la classe.
Le moins que l’on puisse dire est que l’on sait
finalement peu de choses à leur égard, alors que
l’institution les considère comme un prolongement
« naturel » des activités en classe et que les enseignants font souvent de leur exécution par les élèves
et de l’attention que leur portent les familles, un
critère important d’appréciation de la qualité du
travail des élèves et de l’intérêt que leurs parents et
eux-mêmes attachent aux obligations scolaires.
w L’institution en sait peu au sujet des leçons et
devoirs. De plus, elle tient peut-être d’autant moins
à savoir, qu’elle sait par ailleurs que les orientations
qu’elle a pu définir en ce qui concerne leurs modalités, voire leurs finalités, ne sont pas toujours respectées. C’est patent dans le premier degré où, selon
la réglementation, les devoirs à la maison sont proscrits (les leçons ne le sont pas) alors qu’au su de tous,
ils sont présents et admis, voire encouragés dans de
très nombreuses écoles.
w Enfin, on en sait fort peu quant à l’efficacité globale
que peuvent avoir devoirs et leçons dans les résultats
des apprentissages, cette efficacité étant évidemment
très dépendante de leurs finalités, de leur contenu et
de leurs modalités.
w On sait, tout d’abord, peu de choses quant au
temps que consacrent les élèves à leurs leçons et à
leurs devoirs, quant aux conditions dans lesquelles
ils peuvent effectuer ces obligations, voire quant au
sens qu’ils leur donnent. Si l’on sait que temps,
conditions et sens peuvent être différents selon les
catégories sociales et selon les caractéristiques des
élèves, on ignore l’ampleur de ces différences. On a
en revanche tout lieu de penser que les enseignants,
comme l’institution apprécient mal le temps que les
élèves passent à faire leurs devoirs et à apprendre
leurs leçons et que ceux-ci se plaignent parfois de la
charge de travail que représentent ces devoirs et
leçons et du manque de coordination dans les
« commandes » qui leur sont passées par les divers
enseignants. Il leur est, de plus, souvent difficile de
comprendre ce qu’on attend d’eux.
Les cours particuliers et les dispositifs
d’accompagnement scolaire : des secteurs
en développement.
Ils ont des points communs : ils sont facultatifs au
regard des strictes obligations de la scolarité, et ils
ont connu des développements importants au cours
des dernières années, mais ils diffèrent sur plusieurs
points essentiels : les premiers relèvent du secteur
marchand, les seconds sont généralement gratuits
pour ceux auxquels ils s’adressent, qui sont en priorité les enfants des familles les plus éloignées de
l’école. De plus, contrairement aux premiers, les
seconds attachent une grande importance à développer des liens avec les enseignants.
w On dispose de peu d’éléments d’ensemble sur les
cours particuliers, mais des enquêtes ponctuelles montrent qu’ils peuvent concerner un quart des lycéens.
Ceci dit cette proportion varie considérablement selon
les établissements (les élèves des « grands lycées »
sont plus concernés que les autres), ceux de certaines
filières le sont plus que d’autres et la fréquentation
des cours particuliers est d’autant plus importante
que l’on se rapproche des niveaux où se décident les
orientations. Il semble que ce soit surtout des questions d’ambition scolaire, de choix de la « bonne »
orientation, qui incitent à fréquenter ces cours, plus
que la qualité réelle ou supposée des enseignants.
w On n’en sait guère plus quant aux finalités qu’assignent les enseignants aux devoirs et leçons, aux
consignes dont ils les accompagnent, à la place
qu’ils leur donnent dans leurs évaluations. En revanche, on sait que, dans le second degré tout au moins,
la coordination des devoirs et de ce qu’ils impliquent
pour les élèves, la détermination des critères d’évaluation de ceux-ci et plus largement les finalités qui
leur sont assignées dans le processus d’enseignement-apprentissage font rarement l’objet d’une approche collective chez les enseignants d’une même
classe ou d’un même niveau et qu’il n’y a pas, sauf
très rare exception, de politique d’établissement en
la matière. Il est frappant, à ce sujet de constater que
dans les établissements dotés d’un internat, où la
Ce constat est conforté par les travaux réalisés dans
des pays étrangers : c’est à l’approche des passages
2
Avis du HCéé N° 15 – Mai 2005
les plus difficiles ou les plus sélectifs de la scolarité
que les élèves ou leurs parents ont le plus recours
aux cours particuliers. Par ailleurs, toutes les recherches s’accordent sur un autre constat : l’inégalité
introduite entre les élèves appartenant aux différentes catégories sociales du fait d’un accès inégal à
cette ressource extra-scolaire.
ritaires ou défavorisées, sont fréquemment créés sur
l’initiative d’associations. Leur financement est supporté par diverses instances publiques, en particulier
le Fonds d’Action et de Soutien pour l’Intégration et
la Lutte contre les Discriminations (FASILD), la
Caisse des Dépôts et Consignations, la Caisse Nationale
des Allocations Familiales et les collectivités territoriales. Le coût de revient peut en être estimé à 5 ou 6 euros
par élève, à comparer aux 15 à 20 euros par élève
d’une heure de « colle » en classe préparatoire.
Les effets de ces cours particuliers sur les résultats
semblent réels, mais modestes ; cependant l’aune à
laquelle les évaluent ceux qui en font la dépense doit
être prise en compte. Une amélioration même modeste
peut donner le « coup de pouce » nécessaire à une
orientation désirée et les cours particuliers peuvent
permettre de gérer les tensions familiales liées à la
scolarité, de jouer son rôle de « bons parents ».
w Les devoirs de vacances, destinés surtout aux écoliers
et, dans une moindre mesure, aux collégiens, concerneraient jusqu’à quatre enfants sur cinq. D’après les
travaux disponibles, ils contribueraient à augmenter les
inégalités entre les élèves. Le dispositif « École ouverte », par contre, qui propose aux jeunes de milieu
populaire un accueil à la fois ludique, éducatif et
para-scolaire pendant les vacances pourrait s’avérer
bénéfique, sur les plans scolaire et comportemental,
notamment lorsqu’une session est organisée dans les
quinze jours précédant la rentrée.
En tout état de cause, ces cours particuliers dont la
durée a pu être évaluée à une à deux heures hebdomadaires, peuvent aujourd’hui s’inscrire dans l’ordinaire des scolarités, ceci d’autant plus que la
possibilité d’utiliser le chèque emploi service pour
les financer a encouragé les classes moyennes, et
non pas seulement les plus favorisées, à y avoir
recours et suscité le développement d’un important
secteur commercial dont les arguments de vente
s’appuient largement sur les ambitions et les inquiétudes des parents à l’égard de la scolarité de leurs
enfants. Mais leur succès tient sans doute aussi au
fait que les épreuves proposées aux élèves – en
particulier lors des examens qui sont décisifs pour la
suite d’une scolarité – sont d’abord conçues pour les
bons élèves.
Pour une politique nationale plus efficace et
plus équitable.
A l’issue de ce rapide examen qui montre que le
travail hors de la classe reste un domaine fort mal
connu, alors que des enjeux importants s’y attachent, notamment en termes d’équité, le Haut Conseil estime que les responsables politiques nationaux
doivent « réinvestir » ce domaine qui fait partie intégrante de la politique éducative.
w Apparu dans les années 80, l’accompagnement à
la scolarité fait, quant à lui, l’objet d’orientations
arrêtées au niveau national. Elles ont été élaborées
en concertation entre un grand nombre de ministères
et les associations complémentaires de l’enseignement public : la « charte de l’accompagnement à la
scolarité » définit celui-ci « comme l’ensemble des
actions visant à offrir aux côtés de l’école, l’appui et
les ressources dont les enfants ont besoin pour réussir à l’école, appui qu’ils ne trouvent pas toujours
dans leur environnement familial et social. Ces actions, qui ont lieu en dehors du temps de l’école, sont
centrées sur l’aide aux devoirs et les apports culturels
nécessaires à la réussite scolaire ». Ces actions se
démarquent nettement des opérations commerciales
que sont les cours particuliers et doivent être conçues en portant la plus grande attention à la continuité de l’acte éducatif et aux relations avec l’école.
u Il faut tout d’abord mieux connaître ce domaine
et ses évolutions
w en envisageant un programme d’études sur les
différents dispositifs et le temps qu’y consacrent
les élèves, sur ce qu’en attendent enseignants
et/ou parents, sur l’appréciation de leurs effets sur
les résultats scolaires, les comportements et les
rapports des familles à l’école, ainsi sur leurs coûts
et leurs financements en différenciant ceux-ci par
catégories sociales ;
w en organisant un suivi des évolutions – souvent
rapides – que connaissent des activités ou des produits
extra-scolaires, mais souvent considérés par les parents comme un investissement utile à la scolarité :
jeux éducatifs, logiciels, « e-learning », sans oublier
le « coaching » scolaire.
u Des dispositions immédiates devraient être prises
s’agissant des devoirs et leçons :
L’accompagnement à la scolarité recouvre des dispositifs variés d’aide apportée gratuitement en dehors de l’école, aux écoliers et collégiens issus des
milieux populaires. Si leurs effets sur le comportement à l’école sont en général reconnus comme
positifs, leurs effets sur les résultats des élèves ont
rarement été évalués.
w Une phase d’appropriation et d’exercice individuels des savoirs et savoir-faire est essentielle pour
la réussite des apprentissages. Il est donc indispensable
que les instructions pédagogiques, qui accompagnent les programmes, donnent des orientations explicites en matière de finalités et de charge de travail
des leçons et des devoirs écrits, des résultats attendus
Ces dispositifs, soutenus par les pouvoirs publics nationaux ou locaux, en particulier dans les zones prio3
Avis du HCéé N° 15 – Mai 2005
de ceux-ci et des critères d’évaluation à leur appliquer, et que ces orientations soient effectivement
mises en oeuvre par les maîtres et qu’ils s’assurent
qu’elles sont comprises par les élèves. Ces orientations doivent évidemment être différenciées selon
les degrés et les cycles d’enseignement, et leur mise
au point doit être l’occasion d’éclaicir la question
des devoirs écrits dans le premier degré.
thodes pour apprendre, mémoriser, faire « vite et
bien », qui sont inégalement enseignées à l’école,
mais qui jouent un rôle de plus en plus important au
fur et mesure qu’on avance dans la scolarité. Le
succès des cours particuliers tient à l’attention qu’ils
attachent à les développer chez les élèves.
w Cette dimension doit être explicitement prise en
compte dans la conception et la mise en œuvre des
apprentissages et des progressions scolaires par les
enseignants. L’acquisition de méthodes d’apprentissage et l’aide au travail personnel font partie de leurs
tâches et doivent être explicitement intégrées au
temps scolaire. Elles doivent d’abord se construire
dans la classe, et il faut ensuite organiser, au sein de
l’école et avec des personnels compétents, un temps
et un lieu pour l’exercice et l’entraînement. Ce que
font dans ce domaine un certain nombre d’établissements, à leur initiative, en mettant à profit les
pauses méridiennes ou les permanences mériterait
d’être généralisé
w Cette mise en œuvre ne peut être individuelle et il
est tout aussi indispensable que les leçons et devoirs
fassent l’objet d’une coordination entre disciplines
dans les établissements. Leur organisation et la charge
de travail qu’ils impliquent pour les élèves et, plus
globalement, l’ensemble des exigences à l’égard des
élèves et le temps de travail total que cela implique
pour eux, devraient être une des questions envisagées,
discutées et réglées collectivement et dans la transparence par les équipes pédagogiques. Les inspecteurs
chargés de circonscription du premier degré, comme
les chefs d’établissement devraient y veiller.
w Donner des orientations claires au sujet des devoirs
et leçons permettrait par ailleurs de rendre plus
explicites les finalités et les modalités des actions
d’accompagnement à la scolarité – qui contribuent
à l’équité du système éducatif – de mieux les articuler avec l’école et de préciser les conditions d’évaluation de leurs effets.
Les faits prouvent que si le service public n’assure pas
cette mission éducative, le marché le fait, ce qui
renforce les inégalités. Il y a certainement là une des
clefs de la résorption des inéquités au regard de la
réussite scolaire. A cet égard, la transposition au niveau
de l’école, du collège et du lycée, de dispositifs tels que
ceux mis en place dans le cadre des « conventions
ZEP », passées par l’École des Sciences Politiques avec
des lycées accueillant une proportion importante
d’élèves de milieux populaires peut constituer une
piste de réflexion et d’action. Ces dispositifs, animés
par les enseignants, permettent en effet à ces élèves
d’acquérir des méthodes de travail et de développer
des comportements décisifs pour la réussite.
u Mais il faut aller plus loin et le Haut Conseil
considère qu’il ne faut pas tolérer plus longtemps
des dérives qui entretiennent, voire creusent, les
inégalités.
Laisser les élèves et leurs familles seuls face aux
devoirs et leçons est source d’inéquité. Le recours
croissant à des aides extérieures à la scolarité, payantes mais financées pour une part par des avantages
fiscaux, en témoigne. Cela ne peut laisser indifférents les responsables du système public d’éducation
qui ne sont pas dépourvus de moyens d’action en la
matière. La question qui se pose est en effet celle de
la finalité du service public d’éducation : « faire
réussir tous les élèves » ce n’est pas « faire réussir
certains mieux que d’autres ».
nnn
Les moyens de réaliser cette ambition existent. L’affectation au service public des moyens que la collectivité nationale consacre aujourd’hui à l’aide aux
cours particuliers (notamment par le biais des avantages fiscaux) devrait permettre à ce service public
d’assurer une plus grande efficacité et une plus
grande équité dans la réussite.
w La réussite scolaire suppose la maîtrise d’un ensemble diversifié de savoirs disciplinaires, mais aussi
une maîtrise de savoir-faire, de techniques, de mé-
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général – Tel : 01 55 55 77 41– Mèl : [email protected]
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
4
Avis du HCéé N° 15 – Mai 2005
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
LA FRANCE ET LES ÉVALUATIONS
INTERNATIONALES DES ACQUIS DES ÉLÈVES
Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a jugé
nécessaire d’évaluer la façon dont le système éducatif français et, plus largement la société française,
tirent parti des comparaisons internationales. Il le
fera en deux temps, tout d’abord en s’intéressant aux
enquêtes comparatives des acquis des élèves (et des
adultes) – c’est l’objet de cet avis – puis en envisageant
les indicateurs internationaux de comparaison des systèmes éducatifs. L’intention n’est pas d’évaluer le système éducatif français à l’aune des comparaisons
internationales1, mais d’apprécier la pertinence de ces
comparaisons, d’examiner la part que prend la France
dans l’élaboration de celles-ci et de juger de l’intérêt
qu’on leur accorde dans notre pays.
Pour étayer les discussions qui lui ont permis d’élaborer ce premier avis le Haut Conseil a demandé à
Norberto BOTTANI, directeur du Service de Recherche en Éducation, Département de l’Instruction Publique du Canton de Genève et à Pierre VRIGNAUD,
maître de conférences en psychologie à l’Université
de PARIS X-Nanterre de lui présenter un rapport. Ce
rapport – qui comme tous les rapports commandés
par le Haut Conseil n’engage pas celui-ci, mais
contient les analyses et les propositions des rapporteurs – est public et peut être consulté sur le site du
Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à
la rubrique « publications ».
Les enquêtes comparatives internationales :
un moyen essentiel d’observation et de
conduite des systèmes éducatifs.
Les enquêtes internationales d’évaluation des acquis
des élèves ont aujourd’hui une place incontestable,
(mais qui n’est pas pour autant incontestée) dans
l’ensemble des moyens d’observation et de pilotage
des systèmes éducatifs. Elles sont considérées, à juste
titre, comme un des moyens privilégiés d’appréciation de leurs résultats.
Depuis le début des années soixante, où elles ont été
initiées par des spécialistes de l’éducation, qui ont
créé l’IEA2 pour en assurer la mise en œuvre, ces
enquêtes ont connu un développement important
marqué par trois lignes de force :
w la volonté d’apprécier des compétences ou des
comportements préparant, de façon générale, à la
vie professionnelle et sociale dans le monde d’aujourd’hui, remplace de plus en plus le souci de vérifier
le degré relatif d’atteinte des objectifs affichés par les
programmes scolaires des pays qui y participent. Deux
raisons sont invoquées en ce sens : d’un point de vue
technique, les programmes sont différents d’un pays à
l’autre, ce qui rend les comparaisons difficiles ; d’un
point de vue plus politique, voire idéologique, l’évaluation de compétences considérées comme de portée
universelle apparaît plus pertinente que celle des savoirs scolaires, pour comparer les prestations des systèmes d’enseignement, tout au moins à la fin de la
scolarité obligatoire.
w le souhait de pouvoir apprécier l’évolution des
compétences au fil du temps et de relier l’évolution
de ces compétences à des caractéristiques des systèmes scolaires et sociaux a conduit, d’une part, à
1. Le Haut Conseil a largement eu recours aux comparaisons internationales
pour établir ses « Éléments de diagnostic sur le système scolaire français »,
Avis n°9, octobre 2003.
2. L’IEA, International Association for the Evaluation of Educational Achievement, a été créée en 1961.
Avis du HCéé N° 16 – Mai 2005
de plus en plus nombreux élargit l’éventail des niveaux de développement, des cultures, des langues,
etc., dont il faut tenir compte ;
organiser des programmes d’enquêtes qui puissent
fournir des résultats comparables dans le temps et,
d’autre part, à associer aux exercices proposés aux
élèves des questionnements de plus en plus fouillés
sur les moyens et les conditions d’enseignement, les
contextes sociaux, etc. ;
w Les modèles de mesure des compétences mis en
œuvre aujourd’hui par les enquêtes internationales
ont été considérablement raffinés : ils postulent,
pour être valides, des conditions qui peuvent ne pas
toujours être réunies, mais ils ont l’avantage de
faciliter la présentation des résultats des épreuves
sous forme d’échelles de compétences. Ce faisant,
ils incitent à une lecture de ces résultats par les
responsables politiques et le public qui privilégie le
classement, pour ne pas dire le « palmarès » des
pays et des systèmes éducatifs, relativement à tout
autre travail d’interprétation des données, et parfois
au détriment de celui-ci, alors que ces résultats sont
par ailleurs largement mis à la disposition des chercheurs et que l’intérêt majeur de ces enquêtes est
plus dans les questions qu’elles permettent de poser
que dans les réponses qu’elles prétendent apporter ;
w l’OCDE, institution dont la vocation est, à l’origine,
économique plutôt qu’éducative, a progressivement
pris en main la maîtrise d’ouvrage des programmes
les plus importants de telles enquêtes et promeut
largement la diffusion et l’utilisation des résultats de
ces programmes et de ceux réalisés par l’IEA. De son
côté, la Commission européenne, plutôt que de
promouvoir des dispositifs propres pour nourrir les
dispositifs d’indicateurs européens de l’éducation
destinés à évaluer l’avancée du processus de Lisbonne, envisage volontiers d’utiliser les résultats des
enquêtes de l’OCDE
Ces évolutions ont pour ambition de répondre aux
questions que se posent les responsables politiques
quant à leurs systèmes éducatifs et surtout quant à la
contribution de ces systèmes au développement
économique et social ; la participation de pays de
plus en plus nombreux à des enquêtes réalisées sous
l’égide de l’OCDE tend à ériger l’approche méthodologique développée en modèle universel de mesure de la finalité des systèmes éducatifs.
w La réalisation et la coordination d’enquêtes qui,
comme PISA 20033, concernent aujourd’hui plus de
250 000 élèves dans plus de quarante pays, constituent des enjeux économiques particulièrement importants. Elles mettent en jeu des moyens
considérables et requièrent des capacités scientifiques, techniques et logistiques que seules quelques
entreprises ou institutions – pour l’essentiel anglosaxonnes et non-européennes – sont considérées
comme capables de réunir. De plus, le souci de
réaliser des enquêtes dont les résultats soient comparables au fil du temps incite à faire appel à chaque
fois aux mêmes maîtres d’œuvre.
Les enquêtes comparatives internationales :
des « machines » de plus en plus complexes
qui ne sont pas exemptes de défauts et sont
parfois opaques.
Ces évolutions ont conduit à faire de ces enquêtes –
ou plutôt de ces programmes d’enquêtes – de « très
grosses machines », tellement complexes que leurs
fondements et leurs résultats peuvent en devenir
opaques.
Sans entrer ici dans le détail, il faut être conscient
que la mesure des compétences des élèves (et des
adultes) n’a pas la simplicité, la robustesse et l’universalité du système métrique. Dans le domaine de
la psychométrie – ou pour mieux dire de l’édumétrie,
c’est à dire de la mesure en éducation – les mesures
sont des constructions qui résultent de choix politiques et méthodologiques. Ces choix peuvent aussi
avoir des dimensions commerciales.
w les protocoles d’épreuves et les questionnements
proposés résultent de compromis entre pays participants dont les conceptions des compétences en
matière de lecture, de mathématiques, de sciences
ou de comportement scolaire et social, censées correspondre aux exigences du monde d’aujourd’hui,
peuvent être différentes, comme le sont leurs systèmes éducatifs et sociaux. Ces compromis – souvent
d’inspiration plus anglo-saxonne que latine – résultent des rapports de force et des différences d’implication entre les pays et entre leurs experts, et peuvent
être jugés plus ou moins satisfaisants par les uns ou
les autres ;
La France a participé à nombre de ces
enquêtes, mais a joué un faible rôle dans leur
développement et n’a pas pris la mesure des
enjeux et de l’intérêt qui s’y attachent.
w Si la France a participé à une bonne moitié de ces
enquêtes, elle l’a fait de façon plutôt irrégulière au
moins jusqu’à ces dernières années. Cette participation a concerné avant tout des enquêtes centrées sur
w Malgré les progrès considérables accomplis au fur
et à mesure du développement des enquêtes comparatives internationales, il n’est pas possible de
garantir que leurs résultats ne sont pas exempts de
biais de nature diverse, d’autant plus que la volonté
d’étendre les mêmes programmes d’enquêtes, considérés comme ayant valeur universelle, à des pays
3. PISA (le Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) a
été lancé par l’OCDE pour « répondre aux besoins de données sur la
performance des élèves qui soient comparables au plan international ». Il
s’agit d’un programme triennal d’enquêtes portant sur la littératie, la culture
mathématique et la culture scientifique des jeunes de 15 ans, âge retenu
car correspondant le mieux à celui de la fin de la scolarité obligatoire dans
les pays participant au programme. La première enquête a eu lieu en 2000,
la deuxième en 2003.
2
Avis du HCéé N° 16 – Mai 2005
bles de la politique éducative et pédagogique ont
laissé les experts et les techniciens décider de la
participation aux enquêtes et de l’investissement
dans leur conception et leur réalisation. Ainsi, si la
DEP a été l’initiatrice, lors de la présidence française
de l’Union européenne en 1995, de la constitution
d’un réseau européen des responsables des politiques d’évaluation des systèmes éducatifs (RERPESE)
qui a coordonné la réalisation d’enquêtes comparatives entre pays européens 6 et engagé des travaux
méthodologiques originaux montrant qu’il existe des
approches alternatives pour les comparaisons internationales 7, ce réseau n’a jamais bénéficié d’un appui
effectif des responsables politiques du Ministère.
les principaux domaines d’enseignement : la lecture
(on parle aujourd’hui de littératie), les mathématiques et les sciences.
w Alors que les premières participations françaises
ont été le fait d’organismes divers et sont restées
plutôt confidentielles, c’est le Ministère de l’Éducation nationale, par le biais de sa direction de l’évaluation et de la prospective (DEP) qui assure, depuis
le début de la décennie quatre-vingt-dix, la participation de la France à ces enquêtes. Le souci de
disposer d’éléments de comparaison externe permettant de rendre compte des résultats du système
éducatif français a incontestablement été un moteur
important de cette prise en charge par la direction
chargée de l’évaluation au sein du Ministère. Les
résultats de ces enquêtes ont ainsi été systématiquement repris et exploités dans l’état de l’École.
w Le Haut Conseil apprécie l’effort réalisé, au cours
des dernières années, en matière d’analyse et de
diffusion dans le système éducatif comme à l’extérieur de celui-ci, des résultats des dernières enquêtes
et le suivi plus systématique des travaux de conception et de méthode auxquels elles donnent lieu,
notamment depuis le choc qu’a constitué l’enquête
IALS sur les compétences des adultes8. S’il constate
avec intérêt que ces efforts ont donné lieu à la
mobilisation d’un petit réseau d’experts français et à
la constitution, à l’initiative de la DEP, d’un consortium européen qui a répondu à l’appel d’offres lancé
par l’OCDE pour réaliser la première phase du programme PISA, il ne peut s’empêcher de constater
que ces actions n’atteignent pas une masse critique
suffisante pour avoir un impact réel au niveau international, contrairement à ce que développent d’autres pays en la matière.
w Cependant, l’effort le plus important du Ministère
en matière d’évaluation des acquis des élèves a
porté, au cours de la décennie 1990, sur le développement d’un dispositif national d’évaluation, et notamment d’un dispositif d’évaluation diagnostique
dont la finalité première est de faciliter l’évolution
des pratiques enseignantes. Les moyens disponibles
n’ont pas permis de développer parallèlement un
investissement important dans la conception et les
méthodes des évaluations-bilans nationales et plus
encore internationales 4, ceci d’autant plus que, sur
le plan universitaire, s’il existe un savoir-faire français dans le domaine de la mesure en éducation,
comme dans celui de l’éducation comparée, il ne
fait pas l’objet d’une mise en valeur coordonnée.
w Surtout, les responsables politiques et éducatifs
n’ont pas pris conscience des enjeux de ces enquêtes, sur le plan scientifique, comme sur celui du
pilotage du système éducatif, et leur intérêt pour les
méthodes et les résultats de ces travaux a toujours
été faible, comme il l’est pour toutes les évaluations
de notre système éducatif. Ainsi que le Haut Conseil
l’a déjà observé 5, les travaux d’évaluation du système éducatif français, dont certains sont novateurs
et particulièrement intéressants, ne s’inscrivent pas
vraiment dans un dispositif d’évaluation d’ensemble
du système et ne sont pas suffisamment utilisés pour
son orientation. La remarque vaut aussi pour les
enquêtes internationales. De plus, la réticence à
l’évaluation externe, qu’elle soit internationale ou
nationale reste particulièrement forte en France aussi
bien chez les responsables politiques que chez les
professionnels de l’éducation et il est toujours difficile – et souvent considéré comme illégitime – de
soumettre notre École – censée être une des meilleures
du monde – à une évaluation autre que celle issue de
l’intuition immédiate ou de l’expérience personnelle.
Pour prendre sa place dans la conception de
ces enquêtes et tirer le meilleur parti de
l’exploitation de leurs résultats, la France
doit se donner les moyens de promouvoir
une démarche européenne.
w Le Haut Conseil juge que les enquêtes internationales
comparatives des acquis des élèves constituent un
« regard » extérieur qui doit impérativement être associé au « regard » intérieur apporté par les évaluations
et études nationales. Elles doivent donc avoir toute
4. Cette question a été évoquée dans l’avis n°2 du Haut Conseil, « Aprécier
et certifier les acquis des élèves en fin de collège : diplôme et évaluationsbilan », juin 2001.
5. Cf. avis n°3, « Forces et faiblesses de l’évaluation du système éducatif en
France », octobre 2001.
6. Les résultats de la plus récente ont été publiés dans la note « Évaluation
des compétences en anglais des élèves de 15 ans à 16 ans dans sept pays
européens », note évaluation n° 04.01, mars 2004, DEP-MEN, Paris.
7. Voir The use of national reading tests for international comparisons : ways
of overcoming cultural bias, avril 2001, et Culturally balanced assessment
of reading (c-bar), septembre 2003, deux rapports publiés sous l’égide du
Réseau Européen des Responsables des Politiques d’Évaluation des Systèmes Éducatifs.
8. Le ministre français de l’Éducation nationale a pris le parti de ne pas faire
figurer la France dans les publications relatives à l’enquête IALS (International Adult Literacy Survey), enquête sur les compétences des adultes,
réalisée en 1994. L’étonnement provoqué par les résultats français de cette
enquête a conduit à la réalisation de nombreuses expertises nationales et
internationales qui ont confirmé nombre d’interrogations méthodologiques
à son sujet.
w Pour ce qui nous intéresse ici, cela s’est traduit par
un très faible engagement politique et scientifique
français dans la conception des programmes d’enquêtes aussi bien à l’IEA qu’à l’OCDE. Les responsa-
3
Avis du HCéé N° 16 – Mai 2005
leur place dans le dispositif d’évaluation et de pilotage de notre système éducatif, sans que cette place
soit exclusive car, à défaut d’évaluations nationales
directement liées aux objectifs propres de notre système éducatif, le risque pourrait exister de voir ériger
les enquêtes internationales en modèle éducatif universel, voire, en caricaturant quelque peu, de faire
de bons résultats à ces enquêtes la finalité principale
ou unique du système éducatif.
résultats), ce qui suppose un développement important des recherches et des travaux en éducation
comparée et en édumétrie, étayé par les instances
scientifiques dans les disciplines concernées.
w Pour tirer pleinement parti de ces enquêtes et en
exploiter les résultats de façon lucide et sereine, la France
doit s’impliquer beaucoup plus activement dans leur
conception et leur réalisation, ce qui suppose :
Rester frileux au regard des comparaisons internationales d’acquis des élèves serait entretenir l’idée que
notre système éducatif est tellement spécifique qu’il
pourrait se contenter d’une évaluation et d’une régulation internes. Une telle attitude serait d’autant
plus grave que la passivité à l’égard des méthodes et
des analyses des enquêtes internationales et le refus
de considérer celles-ci, pourraient avoir pour résultat de se voir imposer des modèles éducatifs étrangers dans un monde où la concurrence se développe
aussi dans le domaine éducatif.
nnn
– que les responsables politiques français se proposent de peser effectivement dans les choix des organisations internationales en matière de conception,
de calendrier, de moyens consacrés aux enquêtes,
et ceci aussi bien à l’OCDE, qu’au sein de l’Union
européenne. Ils doivent inciter celle-ci à développer
ses propres enquêtes pour renseigner notamment les
indicateurs destinés à rendre compte des objectifs de
Lisbonne ;
La France doit se donner tous les moyens politiques
et scientifiques d’organiser son système éducatif, en
étant plus active à tous points de vue sur la scène
internationale de l’éducation comparée. Elle ne peut
sans doute pas – ou plus – le faire seule. Une priorité
devrait donc être de peser pour le développement
d’un fort pôle européen de conception et de réalisation d’enquêtes comparatives internationales dans le
domaine éducatif.
– que les responsables politiques et scientifiques
français donnent les moyens aussi bien au Ministère
(à la DEP et aux responsables de la politique éducative) qu’aux milieux de la recherche, de participer
activement à la conception des enquêtes, à la définition de leurs protocoles et à l’exploitation de leurs
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 41
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
4
Avis du HCéé N° 16 – Mai 2005
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
FRANCE AND INTERNATIONAL
EVALUATION OF STUDENT ACHIEVEMENT
France’s Haut Conseil de l’évaluation de l’école (High
Council for the Evaluation of Education), deeming it
necessary to evaluate how the French education system and, more broadly speaking, French society, fares
in international comparison surveys, has done so in a
two-phase process. First, it has looked at the comparative surveys on student (and adult) learning – the focus
of this opinion – then, considered the international
comparison indicators on educational systems. The
intention is not to assess the French educational system
against other systems worldwide,1 but to measure the
extent to which such comparisons are useful, examine
the part France plays in devising the said comparisons
and determine how much interest is given to them in
the country.
To bear out the discussions that led to the drafting of
this first opinion, the High Council asked Norberto
Bottani, Director of the Unit for Research in Education, at the Department of Public Instruction in the
Canton of Geneva, and Pierre Vrignaud, Professor of
Psychology at the University of Paris X-Nanterre, to
present it with a report. The said report – which, like
all reports commissioned by the High Council, does
not necessarily reflect its opinion, but rather contains
the analyses and suggestions of the report’s authors
– is public and may be read on the High Council’s
site: http://cisad.adc.education.fr/hcee under the
« Publications » section.
International comparison surveys:
an essential means for observing
and steering educational systems
International student achievement assessments have
become an incontestable (albeit not uncontested)
means of observing and steering educational systems.
They are considered – and rightfully so – as one of the
preferred ways of appraising their results.
Since the early 1960s, when they were initiated by
the educational specialists who founded the IEA 2 to
deal with implementation aspects, surveys of this
kind have developed widely, bringing out three broad trends:
w rather than looking at the extent to which participating countries succeed in achieving the objectives
set out by their school curricula there is an increasing
move to attempt to evaluate the skills or behaviours
preparing learners, in general, for professional and
social life in today’s world, . Two reasons are often
put forth to explain this: from a technical standpoint,
the curricula differ from country to country, making
1. The High Council made extensive use of international comparison data
to establish its «Diagnostic Information on the French School System»,
Opinion 9, October 2003.
2. IEA, International Association for the Evaluation of Educational Achievement, was founded in 1961.
Avis du HCéé N° 16 – May 2005
comparison difficult; while, from a more political, or
even ideological standpoint, it seems more appropriate to evaluate skills considered within everyone’s
reach rather than to look at academic achievement,
when comparing the benefits of teaching systems, at
least at the end of the compulsory school years.
impossible to guarantee that their results are free
from bias of various kinds, especially as the desire to
extend the same survey programmes, considered of
universal value, to an increasing number of countries, extends the range of levels of development,
cultures, languages, etc. which must be taken into
account;
w the desire to be able to evaluate changes in skills
levels over time and to connect such changes to the
features of school and social systems has led, first, to
the creation of survey programmes capable of yielding results that are comparable over time and,
second, to increasingly detailed surveys about teaching
resources and conditions, social environment, etc , in
addition to the tasks asked of the students ;
w The skill measurement models currently implemented by international survey programmes have
been considerably refined: they assume, in order to
be valid, a number of conditions not always found
side by side, but offer the advantage of making it
easier to show test results in the form of competency
scales. As such, they incite political leaders and the
public to read the results more as a ranking, if not as
a «hit parade» of countries and education systems,
as compared to all other forms of data interpretation,
and sometimes at the expense of those forms, even
as the results are made widely available to the
research community and though the benefits of such
surveys lie more in the questions they raise, rather
than in the responses they claim to provide;
w the OECD, an institution whose original purpose
was more economic than educational, has gradually
taken over control of the most important programmes in such surveys and broadly promotes the dissemination and use of results of those programmes
and those carried out by the IEA. Meanwhile, the
European Commission, rather than promoting specific systems to feed into Europe’s indicator systems on
education, intended to evaluate progress in the Lisbon Process, is willing to use the results from OECD
surveys.
w Conducting and coordinating surveys which, like
PISA 2003 , now include over 250 000 students in over
forty countries, hold particularly large economic stakes. They put considerable resources in the balance
and require scientific, technical and logistical ability
that only a few companies or institutions – for the most
part Anglo-American and non-European – are considered capable of bringing together. Moreover, the
desire to carry out surveys whose results are comparable over time encourages going back to the same
survey designers each time.
The above changes aspire to respond to the questions that political leaders have raised with regard to
their educational systems, above all, with regard to
the contribution of the said systems to economic and
social development; the participation of an ever-increasing number of countries in surveys carried out
under the aegis of the OECD has naturally led to the
construction of a methodological approach developed as a universal model measuring the end-purpose
of educational systems.
Without going into detail, it is important to be aware
that measurements of student (and adult) skills levels
are not as simple, robust and universal as the metric
system. In the field of psychometrics – or, to use a
better-suited term, edumetrics, meaning educational
metrics – the measurements are constructions that
result from political and methodological choices.
Those choices can also have commercial dimensions.
International comparison surveys: an
increasingly complex «machinery»not freefrom
flaws and sometimes lacking in transparency.
The developments described above have turned such
surveys – or rather such survey programmes – into «a
huge machinery», so complex that its foundations and
results can end up lacking transparency.
France has taken part in a large number
of such surveys, but has played a minor
role in developing them and has not
grasped the magnitude of what is at
stake and the value tied to it.
w The test protocols and questions used are the result
of compromise between the participating countries,
whose conceptions of skills in the fields of reading,
mathematics, the sciences or behaviour in schools
or society, intended to reflect the demands of the
world today, can be different, as are their educational and social systems. Such compromises – often
rooted more in Anglo-American, rather than Latin,
thought – results from the power balances and differing degrees of involvement between the countries
and their experts, and can be deemed more or less
satisfactory by any of the various parties involved;
w While France has participated in a good half of the
surveys, it has done so in a rather haphazard manner,
at least up until the last few years. Its participation has
been in connection, most of all, with surveys focusing
on the main areas of education: reading (or literacy, as
is said today), mathematics and the sciences.
w Whereas France’s first few times participating were
spurred by various organisations and remained relatively low-key, since the 1990s, the Ministry of National
w Despite the considerable progress achieved as international comparison surveys have developed, it is
2
Avis du HCéé N° 16 – May 2005
international comparison,6 the network never reserved actual support from the Ministry’s political leaders.
Education, through its Evaluation and Forecasting
Directorate (DEP), has steered France’s involvement
in the surveys. Its desire to have external comparison
information in order to report data on the French
educational system was undeniably one of the major
drivers in the Ministry’s decision to put its Evaluation
Directorate in charge of this. The results of the
surveys have consistently been reported and interpreted in The State of Education.
w The High Council appreciates the efforts made,
over recent years, with regard to analysing and circulating, both within and outside the education system, the results of the latest surveys and the more
recurring follow-up of the design and methodological work carried out as a result of this, in particular
since the major jolt delivered with the IALS survey
on adult competencies7. While it notes, with interest, that the said efforts did lead to the mobilisation
of a small network of French experts and the creation, at the DEP’s initiative, of an European consortium that answered the call for tender launched by
the OECD to carry out the first phase of the PISA
programme, it cannot help note that the said actions
do not achieve sufficient critical mass to have a real
impact at the international level, unlike what other
countries are developing in the same area.
w However, the Ministry’s most significant effort with
regard to evaluating student achievement came,
over the course of the 1990s, with the development
of a diagnostic evaluation system, the prime purpose
of which is to facilitate the development of teaching
practices. The resources available have not been
enough to develop, at the same time, significant
investments in evaluation-appraisal design and
methods at the national level, and even less so at the
international level,3 especially as, where universities
are considered, France’s know-how in educational
metrics, while existent, as in the field of comparative
education surveys, has not been promoted in a coordinated manner.
To take on its role in designing surveys of this
kind and derive full benefit from making use
of their results, France needs to equip itself
with the resources needed to promote an
European approach.
w Most of all, political and educational leaders have
not realised the full implications of the surveys,
whether from a scientific standpoint or with regard
to how the educational system is steered, and they
have always had little interest for the methods and
results of such surveys, as for all evaluations of our
education system. As the High Council has already
observed,4 the surveys carried out to evaluate the
French educational system, some of which are innovative and of particular interest, do not really fit into
an overall approach to evaluate the system and are
not used enough to guide it. This also applies to
international surveys. Moreover, France’s reluctance
to carry out external evaluations, whether international or national, remains particularly strong, whether
amongst political decision-makers or educational
professionals, and it is always difficult – and often
considered unfounded – to subject our Schooling
System – supposed to be one of the best in the world
– to evaluation other than that arising from immediate intuition or personal experience.
w The High Council feels that the international comparison surveys of student achievement form an
outsider’s «view» which it is vital to combine with
an insider’s view, provided by national evaluations
and surveys. For this reason, their full value as part
of the evaluation and steering scheme for our education system needs to be recognised, though not to
the exclusion of other tools, as a lack of national
evaluations dealing directly with the objectives specific to our education system could lead to a situation
in which international surveys are set as a universal
educational model, or even, exaggerating slightly,
where good performance in such surveys becomes
the final or only objective of the education system.
w In order to take full advantage of the surveys and
use their results in a clear-headed and calm manner,
France needs to become much more actively involved
in designing and carrying them out. This will require
that:
w As concerns the topic at hand, this has led to very
little involvement on the part of France’s political and
scientific communities in designing survey programmes, whether at the IEA or at the OECD. Those
responsible for educational and teaching policy left
the experts and technicians to decide about participating in surveys and investing in their design and
conduct. To illustrate, whereas the DEP did initiate,
during France’s Presidency of the European Union
in 1995, the creation of the European Network of
policy-makers for the evaluation of education systems (RERPESE), which coordinated the conduct of
comparative surveys between European countries 5
and launched original methodological research
showing that there exist alternative approaches for
3. This question was raised in the High Council’s Opinion No. 2, Assessing
and Certifying Student Achievement Upon Completion of Lower Secondary
School: Diploma and Evaluation-Report., June 2001.
4. See Opinion No. 3, Strengths and Weaknesses of Evaluating the Educational System in France, October 2001.
5. The results of the most recent survey were published in the memorandum
entitled, «Evaluation of English Skills in Students Aged 15 to 16 in Seven
European Countries», Evaluation Memorandum 04-01, March 2004, DEPMEN, PARIS.
6. See The use of National Reading Tests for International Comparisons:
Ways of Overcoming Cultural Bias, April 2001, and Culturally Balanced
Assessment of Reading (C-Bar), September 2003, two reports published
under the aegis of the European Network of Heads of Evaluation Policy on
Educational Systems.
7. The French Minister of National Education has chosen not to have France
included in publications regarding the International Adult Literacy Survey,
carried out in 1994. The astonishment sparked by France’s results in the
survey led a number of national and international audits to be carried out,
confirming a number of the methodological questions raised on the topic.
3
Avis du HCéé N° 16 – May 2005
w France’s political leaders offer to actually exert
their influence in the choices that international organisations make with regard to the design, timeframe and resources devoted to the surveys, whether
at the OECD or in the European Union. They will
need to incite the latter to develop its own surveys
in order to feed into the indicators designed to report
on the Lisbon objectives;
Remaining hesitant with regard to international comparisons of student achievement would be keeping
alive the idea that our educational system is so
specific that it could deal with internal evaluation
and regulation alone. Such an attitude would be all
the more regrettable as passivity with regard to the
methods and analyses of international surveys and
refusal to give consideration to the said surveys
could result in having foreign educational models
impressed upon France, in a world where competition is also developing in the educational field.
w France’s political and scientific leaders provide
resources both to the Ministry (the DEP and the heads
of educational policy) and the research community,
so that they may play an active part in designing the
surveys, defining their protocols and using their results), this assuming major development in research
and comparative surveys on education and in edumetrics, supported by the scientific authorities in the
relevant fields.
France needs to equip itself with the political and
scientific tools needed to organise its education system, by being more active in every respect on the
international comparative educational scene. It is
very much likely that it cannot – or can no longer –
do this alone. One of its priorities will thus need to
be urging for the development of a strong European
hub to design and carry out international comparative studies in the field of education.
nnn
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 41
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
4
Avis du HCéé N° 16 – May 2005
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
L’APPRENTISSAGE AU SEIN
DE L’ÉDUCATION NATIONALE
L
e ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a sollicité
le Haut Conseil de l’évaluation de l’école afin
de connaître « à travers la diversité des expériences
et des évaluations qui ont été conduites en ce domaine, … quelle contribution l’éducation nationale
pourrait apporter afin que [la] voie de l’apprentissage s’insère de manière plus cohérente dans l’ensemble du dispositif de formation professionnelle ».
Pour répondre à cette sollicitation le Haut Conseil
s’est adressé au Centre d’études et de recherches sur
les qualifications (CEREQ) dont deux chercheurs, Damien BROCHIER et Jean-Jacques ARRIGHI, ont élaboré un rapport qui a nourri ses réflexions à ce sujet. Ce
rapport – qui comme tous les rapports commandés par
le Haut Conseil n’engage pas celui-ci, mais reflète les
analyses et les propositions des rapporteurs – est
public et peut être consulté sur le site du Haut
Conseil http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ».
L’apprentissage a connu un développement
important et une élévation de niveau au
cours de la dernière décennie.
Les préparations au CAP qui regroupaient près des
deux tiers des apprentis en 1999 en représentent
moins de la moitié en 2003 ; les BEP, seule formation
de niveau V dont les effectifs ont augmenté restent
loin derrière. Au total, le nombre d’apprentis préparant un diplôme de niveau V a diminué et un peu
plus de six apprentis sur dix sont dans ce cas aujourd’hui, contre huit sur dix en 1995.
C’est aux niveaux supérieurs que la croissance des
effectifs s’est manifestée : les jeunes préparant le
baccalauréat professionnel ont vu leur nombre augmenter de 130 % et représentent aujourd’hui près
d’un apprenti sur dix, soit pratiquement autant que
ceux préparant un diplôme professionnel traditionnel du niveau IV (brevet professionnel, brevet de
maîtrise, brevet de technicien, etc..) ; le nombre de
ceux préparant un BTS a cru de plus de 140 % et
près d’un apprenti sur huit suit aujourd’hui cette
formation. Mais ce sont les formations supérieures à
Bac + 2 qui ont connu – et de loin – la plus forte
croissance au cours de la période : les effectifs des
formations de niveaux I et II ont plus que quadruplé
et près de 6 % des apprentis sont aujourd’hui engagés dans de telles formations 1.
Globalement, l’apprentissage a accru ses effectifs de
près d’un quart depuis 1995 et ce sont aujourd’hui
(en 2003-2004) quelque 360 000 jeunes qui suivent,
des formations par apprentissage ; mais depuis
1999, les effectifs d’apprentis sont restés à peu près
constants, et l’on est loin de l’objectif de 500 000
apprentis qui vient d’être réaffiché par la Loi de
programmation pour la cohésion sociale.
Le niveau des apprentis s’est ainsi élevé d’un double
point de vue : d’une part, la proportion de ceux qui
préparent un diplôme au moins égal au baccalauréat
a plus que doublé depuis 1995, et dépasse très
sensiblement le tiers des effectifs ; d’autre part, les
apprentis qui restent les plus nombreux, ceux qui
préparent des diplômes de niveau V – CAP, BEP et
autres – ont, pour la majorité d’entre eux, suivi une
La répartition des effectifs par niveau a sensiblement
évolué au cours de la période.
1. Ce développement est dû à l’engagement d’un petit nombre d’établissements d’enseignement supérieur, et notamment de quelques universités
nouvelles.
Avis du HCéé N° 17 – Juillet 2005
scolarité complète en collège, ce qui était loin d’être
le cas auparavant.
accueillent pratiquement autant d’apprentis que les
EPLE de l’Éducation nationale.
Mais, cette élévation du « niveau de l’apprentissage »
connaît des limites parce que la majorité des apprentis
préparent des diplômes qui conduisent rarement à des
poursuites d’études : au niveau V, les CAP dominent
très largement par rapport aux BEP qui permettent
d’envisager ensuite une préparation au baccalauréat
professionnel, et au niveau IV, le baccalauréat professionnel, qui peut déboucher sur la préparation d’un
BTS, ne rassemble pas plus d’apprentis que les préparations aux diplômes traditionnels de ce même niveau.
Alors que la Loi quinquennale de 1993 en faisait une
priorité, les effectifs de l’apprentissage organisé par les
établissements secondaires publics sous tutelle du ministère de l’éducation nationale n’ont pratiquement
pas augmenté depuis 1995 ; dans le même temps les
CFA rattachés aux établissements sous tutelle du ministère de l’agriculture voyaient les leurs croître de 50 %.
C’est aux niveaux supérieurs que les formations offertes
par les établissements de l’Éducation nationale ont le
plus augmenté, et ceci dans des proportions comparables à celles de l’ensemble de l’apprentissage. Le
développement de l’apprentissage public a ainsi connu les mêmes évolutions que l’ensemble du secteur :
l’Éducation nationale n’offre pas de spécialités de formation particulières, les CAP y restent pratiquement
majoritaires et elle connaît la même élévation du
niveau des apprentis que l’ensemble du secteur de
l’apprentissage.
On peut cependant noter que plus de quatre sur dix
des apprentis inscrits en première année de préparation d’un diplôme de niveau IV proviennent aujourd’hui de l’apprentissage de niveau V. Mais,
contrairement à ce que l’on constate dans d’autres
pays, l’apprentissage ne constitue pas vraiment, en
France, une voie de formation grâce à laquelle on
pourrait obtenir progressivement des diplômes de
plus en plus élevés dans une filière professionnelle,
et, tout comme pour la formation professionnelle
sous statut scolaire, les poursuites d’études jusqu’au
niveau IV restent insuffisantes.
Mais, dans le même temps, le dispositif de l’Education
nationale a connu des évolutions sensibles. Les structures proposant des formations par apprentissage se
sont multipliées du fait, à la fois, de la création de
nouveaux CFA dans les EPLE, et de la mise en place de
nouvelles structures issues de la Loi quinquennale (les
Sections d’apprentissage et les Unités de formation par
apprentissage). On trouve au moins une structure de
formation dans toutes les académies métropolitaines à
l’exception de la Corse, et la carte de l’offre a considérablement évolué : dans certaines régions où la part de
l’Éducation nationale était traditionnellement forte,
celle-ci a diminué ; le mouvement est inverse dans
d’autres, où l’Education nationale était moins présente.
Mais les disparités restent très importantes : la part de
l’Éducation nationale, nulle ou pratiquement nulle
dans quelques régions, s’élève jusqu’à près de la moitié
des effectifs d’apprentis en Alsace (ce qui correspond
à une tradition ancienne) et en Limousin (ce qui est plus
récent).
En termes de spécialités, l’offre de formation a peu
évolué au cours des dix dernières années, tout au
moins jusqu’au baccalauréat. Aucune spécialité nouvelle n’a été ouverte en CAP ou BEP, et deux seulement
l’ont été au niveau du baccalauréat. En revanche, dans
le supérieur, de nombreuses spécialités, principalement du tertiaire administratif et commercial, ont été
créées au cours de la période. Le baccalauréat sépare
ainsi deux types d’apprentissage, l’un relativement
traditionnel, l’autre plus dynamique, en réponse à une
demande croissante de qualifications supérieures.
L’apprentissage constitue une voie de
formation professionnelle importante, mais
les établissements de l’éducation nationale
n’y ont qu’une part marginale.
Toujours globalement, l’apprentissage constitue une
voie de formation professionnelle importante, tout au
moins dans le second cycle secondaire : au niveau V,
comme au niveau IV, il regroupe plus du quart (28 %)
de l’ensemble des effectifs des formations professionnelles du second degré, ce qui est loin d’être négligeable.
Lacomplexité du dispositif de l’apprentissage
doit inciter l’Éducation nationale à clarifier
sa posture à son égard.
L’apprentissage met en relation de nombreux acteurs,
qui peuvent, chacun, jouer plusieurs rôles, et son
développement repose sur un partenariat décentralisé.
Mais l’apprentissage organisé dans le cadre des établissements rattachés au ministère de l’éducation nationale reste marginal : pour les niveaux V et IV, les
apprentis qui fréquentent un Centre de Formation
d’Apprentis (CFA) géré par un Établissement Public
Local d’Enseignement (EPLE) ou un établissement privé
sous contrat, ou bien une section d’apprentissage,
représentent un peu plus de 6 % de l’ensemble des
apprentis, soit moins de 2 % des jeunes en formation
professionnelle du second degré. À eux seuls, les CFA
des établissements publics locaux d’enseignement et
de formation sous tutelle du Ministère de l’Agriculture
Ÿ L’apprentissage est une formation professionnelle
dont le développement s’inscrit dans les Programmes
Régionaux De Formation que pilotent les régions ;
celles-ci ont, en outre, une compétence de plein exercice dans le domaine de l’apprentissage et conventionnent les CFA et les financent au moins en partie.
Ÿ L’apprenti est un jeune en formation initiale, dont
la formation et la certification relèvent du ministère
de l’Éducation nationale (ou de celui de l’Agriculture
dans son domaine de compétence).
2
Avis du HCéé N° 17 – Juillet 2005
Ÿ Mais, il ne peut y avoir apprentissage que si une
entreprise recrute l’apprenti, lui verse un salaire et le
place sous la responsabilité d’un tuteur pour sa formation sur le lieu de travail. En outre, que l’entreprise
emploie ou non des apprentis, elle s’acquitte de la taxe
d’apprentissage à l’organisme – et si elle le désire à
l’établissement – de son choix. Elle peut – seule ou
associée à d’autres au sein d’une branche professionnelle – proposer l’ouverture de nouveaux CFA ;
dans le domaine à plusieurs titres : tout d’abord, il
doit donner toute leur place aux formations professionnelles au sein de l’ensemble des formations
initiales du service public national d’éducation et
veiller à l’équité de l’offre sur le territoire ; ensuite,
il exerce, via le ministère de l’Éducation nationale,
une tutelle sur les formations par apprentissage et
contribue à en impulser le développement ; enfin,
les établissements scolaires sont opérateurs sur le
« marché » de l’apprentissage.
Ÿ le Centre de Formation d’Apprentis (qui n’a pas la
personnalité morale et dépend d’un organisme gestionnaire) est le point d’articulation de l’ensemble :
il délivre la formation générale et peut, soit piloter
un ensemble homogène de formations pour des
apprentis du même secteur, soit accueillir individuellement des apprentis que lui adressent les entreprises du voisinage ;
Toutes ces fonctions s’exercent en partenariat avec
les régions et les entreprises, mais leur logique n’est
pas la même. Les deux premières participent du
pilotage d’ensemble de la politique de formation
initiale, alors que la troisième concerne la participation des établissements sous tutelle du Ministère de
l’éducation à la formation professionnelle.
Les établissements de l’Éducation nationale interviennent en tant que gestionnaires de CFA ; deux
formules qui associent une branche professionnelle
à un ou plusieurs EPLE, ont été créées par la Loi de
1993 pour favoriser le développement de l’apprentissage dans les établissements : la Section d’Apprentissage et l’Unité de Formation par Apprentissage.
Ceci a permis aux rectorats et aux établissements –
qui ont souvent dû faire face aux réticences d’enseignants des lycées professionnels qui considèrent
l’apprentissage comme un concurrent des formations professionnelles sous statut scolaire – de
s’adapter à la diversité des situations.
Ÿ Sur un plan général, l’Éducation nationale pourrait
s’interroger davantage quant à l’organisation et à la
qualité des formations professionnelles – qu’elles
soient sous statut scolaire ou par apprentissage – et
à leur développement à tous les niveaux du système
éducatif. On ne saurait atteindre les niveaux de
qualification nécessaires aujourd’hui dans un pays
comme le nôtre sans leur donner toute leur place
dans l’ensemble des formations initiales, et ceci de
façon adaptée dans chaque région. Il est manifeste
que certaines académies ont fait de ce développement un axe de leur politique, alors que d’autres ont
pu le négliger.
Cette complexité n’a pas empêché le développement de l’apprentissage et son extension à des domaines de formation nouveaux, en particulier aux
niveaux supérieurs de formation. Mais la diversité
des objectifs poursuivis par les entreprises et l’attention insuffisante qu’elles portent à la dimension régionale des contrats d’objectifs, dont dépend en
définitive l’évolution du nombre, des spécialités et
des niveaux des contrats d’apprentissage, rend le
développement du secteur difficile à programmer.
Il ne s’agit pas uniquement de valoriser l’apprentissage par des campagnes de communication, mais de
l’envisager comme une voie « normale » de formation initiale, alors qu’il est aujourd’hui considéré
comme une sortie du système éducatif et que les
enseignants et les conseils d’orientation sont loin de
connaître toutes les possibilités qu’il offre.
La contribution de la formation professionnelle, et
en son sein de l’apprentissage, à la diminution des
sorties sans qualification, comme le développement
de filières permettant aux apprentis de viser des
niveaux de qualification supérieurs au niveau V dans
leur spécialité devraient constituer des domaines
prioritaires d’action pour les académies.
Par ailleurs, les régions, en charge de la formation
professionnelle sous toutes ses formes, peuvent
adopter, pour des raisons légitimes de cohérence de
l’offre de formation et de rationalisation de son
financement, des politiques plus ou moins actives en
matière de développement de l’apprentissage
Ÿ Sur le plan de la tutelle des formations par apprentissage – quel qu’en soit le gestionnaire – l’animation, l’évaluation et le contrôle pédagogique
devraient être la priorité des académies, qui pourraient laisser aux régions le contrôle administratif et
financier de l’activité des CFA.
Dans ces conditions, l’affichage d’objectifs nationaux d’augmentation du nombre des apprentis risque d’être vain si une volonté politique claire, tant
au niveau central qu’au niveau académique, ne
soutient pas fermement la mise en œuvre de dispositifs qui s’organisent de façon déconcentrée.
Les enjeux d’un suivi et d’une animation de qualité
de la formation et du travail des apprentis sont
décisifs étant donné les taux d’abandon élevés et les
ruptures de contrat que connaît cette formation.
Mais ceci pose au moins deux questions, mal résolues aujourd’hui :
– celle de l’affirmation du rôle d’expertise et d’animation de l’ensemble des formations par apprentissage des Services Académiques d’Inspection de
Piloter la formation professionnelle, impulser
ledéveloppementdel’apprentissage,promouvoir
l’apprentissage public.
Dans ce contexte, l’État se doit de clarifier ses politiques et ses modes d’action : il intervient en effet
3
Avis du HCéé N° 17 – Juillet 2005
remettre en cause les modalités partenariales de
mise en œuvre du dispositif, mais compte tenu du
fait que l’apprentissage est financé aux trois quarts
par des fonds publics, l’Éducation nationale devrait
promouvoir des formations que les tendances spontanées de développement de l’apprentissage négligent : tout d’abord, des formations de niveau V en
visant prioritairement le renouvellement de la main
d’œuvre des petites entreprises et certains métiers de
l’artisanat, de l’hôtellerie-restauration, de l’agroalimentaire et des services qui ont aujourd’hui du mal
à recruter 2. Effort devrait être fait pour que ces
formations puissent se prolonger à des niveaux supérieurs. Une telle orientation devrait être de nature
à lever les inquiétudes de certains professeurs de
lycées professionnels qui s’opposent au développement de l’apprentissage public et craignent qu’un
développement de celui-ci entraîne une diminution
des effectifs des lycées professionnels.
l’Apprentissage, dont la capacité de dialogue avec
tous les acteurs de l’apprentissage est légitimement
reconnue ; il leur sera d’autant plus aisé et efficace
d’exercer cette fonction qu’elle sera clairement distinguée de la coordination académique de l’apprentissage public et que cette dernière sera prise en
charge par une autre structure ;
– celle de la mobilisation effective de l’ensemble des
corps d’inspection sur l’évaluation et le contrôle
pédagogique de l’apprentissage : la marginalisation
des anciens inspecteurs de l’apprentissage est loin
d’avoir été réglée par leur intégration dans le corps
des Inspecteurs de l’Éducation nationale ; elle s’est
traduite par une régression du contrôle réel de la
formation des apprentis, notamment en entreprise.
De plus, inciter les entreprises à accueillir des apprentis implique de les convaincre que cet accueil
est intéressant pour elles, ce qui suppose de développer les travaux d’évaluation dans ce domaine.
Ÿ Quant au développement de l’apprentissage public, celui dans lequel interviennent directement des
établissements sous tutelle de l’Éducation nationale,
il suppose – au-delà de la volonté politique qui vient
d’être évoquée – que des questions de nature technique soient résolues, mais aussi que des priorités
soient clairement affichées :
– Sur le plan technique, des freins au développement
des CFA sous tutelle de l’Éducation nationale doivent être levés et il faut poursuivre et consolider les
progrès réalisés ces dernières années pour instaurer
des procédures stables de gestion de ces centres ; en
particulier, les enseignants titulaires doivent pouvoir
effectuer une partie, voire tout leur service, en apprentissage. De même, il faut donner à ces centres
une existence institutionnelle plus pérenne, et un
cadre juridique nouveau devrait offrir une possibilité
plus assurée de créer des CFA permettant de fédérer
des unités d’apprentissages situées dans plusieurs
établissements.
– Sur le plan politique, l’Éducation nationale doit
préciser ses objectifs propres en matière de développement de l’apprentissage et œuvrer pour une plus
grande équité territoriale. Sans qu’il soit question de
nnn
Pour contribuer au développement de l’apprentissage, qui pourrait être une voie d’excellence, et faire
en sorte que ce développement s’inscrive dans les
objectifs fixés par la Loi à notre système de formation
initiale : résorber les sorties sans qualifications et
accroître les taux d’accès aux qualifications élevées,
l’Éducation nationale doit, en partenariat avec les
régions et les entreprises, intervenir à trois niveaux :
celui du développement de la formation professionnelle, celui du développement de la formation professionnelle par apprentissage et celui de la part que
prennent dans ce développement, les établissements
dont elle a la tutelle. Atteindre l’objectif particulièrement ambitieux d’une augmentation de près de
40 % du nombre actuel d’apprentis suppose qu’elle
ait la capacité d’articuler ces trois politiques partenariales de façon cohérente, au plan national et
surtout au plan local.
2. À l’inverse, lorsque l’apprentissage a de réelles difficultés à se développer
dans un secteur, il faut s’interroger sur la pertinence de la formation au
regard des emplois visés.
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 41
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
4
Avis du HCéé N° 17 – Juillet 2005
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
LES DISPOSITIFS D’INDICATEURS
INTERNATIONAUX DE L’ÉDUCATION
L
e Haut Conseil de l’évaluation de l’école a jugé
nécessaire d’évaluer la façon dont le système
éducatif français et, plus largement la société
française, tirent parti des comparaisons internationales dans le domaine de l’éducation. C’est pourquoi
après avoir envisagé dans son avis n°161 les enquêtes internationales qui évaluent les compétences
acquises par les élèves, le Haut Conseil a examiné
les dispositifs d’indicateurs internationaux de l’éducation qui visent à comparer les ressources humaines
et matérielles, l’organisation et le fonctionnement des
systèmes éducatifs. Comme il l’a fait pour les enquêtes
comparatives des acquis des élèves, il s’est intéressé
non seulement à la conception et à la signification
de ces indicateurs, mais également à la participation
de la France à leur élaboration et à son attitude à leur
égard.
Pour étayer les discussions qui lui ont permis d’élaborer cet avis le Haut Conseil a demandé à JeanRichard CYTERMANN, professeur associé à l’École
des Hautes Études en Sciences Sociales et à Marc
DEMEUSE, professeur à l’Institut d’Administration
Scolaire de la Faculté de Psychologie et des Sciences
de l’Éducation de l’Université de Mons-Hainaut
(Belgique) de lui présenter un rapport. Ce rapport –
qui comme tous les rapports commandés par le Haut
Conseil n’engage pas celui-ci, mais contient les analyses et les propositions des rapporteurs – est public
et peut être consulté sur le site du Haut Conseil :
http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique
« publications ».
Les publications d’indicateurs internationaux
sur l’éducation ont été considérablement
développéesparplusieursinstancesinternationales
au cours des dernières décennies.
La question de la comparaison des caractéristiques
des systèmes éducatifs et surtout de la mise en
rapport de leurs résultats avec les facteurs susceptibles d’expliquer leurs performances n’est pas nouvelle et dès la fin des années cinquante, les
chercheurs qui allaient créer l’IEA s’en préoccupaient, en lien avec leurs efforts pour organiser et
développer les évaluations internationales des acquis des élèves 2.
Comme cela a été le cas pour ces évaluations, ces
préoccupations avant tout scientifiques ont progressivement été relayées, au cours des années quatrevingts, par des demandes des responsables
politiques et administratifs des systèmes éducatifs,
qui développaient dans leurs pays des dispositifs
d’évaluation et souhaitaient disposer de points de
comparaison.
Ces demandes ont conduit les institutions internationales – pour ce qui nous intéresse le plus ici, l’OCDE
d’abord, l’Union européenne ensuite – à s’efforcer de
définir des indicateurs de l’éducation comparables
1. Avis n°16 du Haut Conseil de l’évaluation de l’école, La France et les
évaluations internationales des acquis des élèves, mai 2005.
2. Voir avis n°16. L’IEA, International association for the Evaluation of
educational Achievement, a été créée en 1961.
Avis du HCéé N° 18 – Juillet 2005
d’un pays à l’autre, à recueillir auprès des pays les
données nécessaires à leur calcul, et à les publier.
Ce dispositif est aujourd’hui tout à fait opérationnel
et régulier, puisque chaque année, les pays comme
le nôtre fournissent par le biais d’un questionnaire
unique, les données nécessaires à la constitution des
bases de données qui permettront à l’OCDE, à l’Union
européenne et à l’UNESCO de produire leurs indicateurs de l’éducation 3.
s’intéressent véritablement à ces indicateurs que
lorsque ceux-ci leur apportent un scoop, ce qui, en
matière d’éducation est peu fréquent.
Ceci dit, les indicateurs internationaux sont assez fréquemment invoqués par les responsables de la politique éducative, et certains d’entre eux ont pris une
place importante dans les débats sur l’éducation,
comme par exemple, la dépense moyenne consacrée
en à un étudiant ou la proportion de jeunes quittant le
système éducatif avec un diplôme d’enseignement
supérieur. Cependant, c’est plus souvent pour justifier
une décision ou une revendication que pour éclairer
des orientations politiques par une mise en perspective
internationale du système éducatif français que les
indicateurs sont utilisés.
Si tous les indicateurs produits par ces institutions
ont d’abord eu et ont toujours pour vocation de
constituer des bases de réflexion et d’action pour les
responsables politiques et des données d’études
pour les chercheurs, certains d’entre eux prennent,
dans le contexte du processus de Lisbonne et de la
méthode de collaboration ouverte arrêtée par le
Conseil européen en mars 2000, un caractère plus
engageant pour les pays de l’Union européenne,
puisqu’ils doivent permettre d’asseoir des « comparaisons significatives entre pays européens sur la
base de critères de référence (benchmarks) en fonction des objectifs arrêtés en commun ».
Cette distance à l’égard des indicateurs touche tout
autant les indicateurs nationaux que ceux proposant
des comparaisons internationales ; elle tient sans
doute pour une part à la méfiance à l’égard des
approches évaluatives de l’éducation que le Haut
Conseil a déjà regrettée à diverses reprises, mais
aussi à de réelles difficultés à utiliser et à interpréter
certains d’entre eux.
La France a très largement participé à la
création de ces dispositifs d’indicateurs
internationaux, mais leur utilisation reste
modeste.
Des questions techniques et de présentation
qui peuvent poser des problèmes politiques.
Concevoir et présenter des indicateurs internationaux n’est pas une tâche facile : ils doivent non
seulement avoir un sens en termes politiques, c’està-dire, rendre compte de facteurs pertinents pour la
description et la gouvernance des systèmes éducatifs, mais aussi reposer sur des sources et des modes
de calcul suffisamment homogènes d’un pays à l’autre pour que leur comparaison soit valide, et suffisamment stables pour que leur évolution puisse être
appréciée valablement.
Dans son avis sur « La France et les évaluations
internationales des acquis des élèves », le Haut Conseil a vivement regretté que notre pays ait trop peu
participé au développement des enquêtes internationales sur les acquis des élèves et n’ait pas suffisamment investi dans le domaine de l’édumétrie. Il n’en
est pas de même ici, et la France – forte de très réelles
compétences dans le domaine statistique et dotée
d’un excellent système d’informations sur l’éducation – a pris et prend toujours une large place dans
la conception et le développement des dispositifs
d’indicateurs internationaux de l’éducation.
Si de réels progrès ont été réalisés suite aux efforts
déployés par les pays et les institutions internationales,
on est encore loin du compte et les questions objectives
que posent toujours la confection d’indicateurs prennent une dimension plus aiguë sur le plan technique
et peuvent avoir des enjeux politiques particulièrement
élevés, lorsque l’on se situe dans un contexte de
comparaisons internationales.
C’est la Direction de l’évaluation et de la prospective
(DEP) qui l’a fait en même temps qu’elle créait et
développait un dispositif national d’indicateurs sur
le système éducatif qui donne lieu à la publication
régulière de l’état de l’École, dont la première livraison, en 1991, a été contemporaine de celle du
premier Regards sur l’éducation par l’OCDE.
Il en est ainsi de problèmes déjà difficiles à traiter de
façon claire et compréhensible par tous dans un
cadre national, tels le partage entre dépenses d’enseignement et dépenses de recherche dans l’enseignement supérieur, l’appréciation objective du
temps de travail total des enseignants, lorsque leurs
obligations de service ne sont définies strictement
qu’en ce qui concerne les heures d’enseignement
L’état de l’École, qui est très largement diffusé et dont
la pertinence et la qualité sont légitimement reconnues, donne une place importante aux comparaisons internationales en intégrant des indicateurs
internationaux de l’OCDE et de l’Union européenne. Ceci peut expliquer que l’écho rencontré en
France par les publications de ces institutions soit
généralement moins grand que dans les pays qui ont
pris le parti de publier une « lecture nationale » des
indicateurs internationaux, en particulier de ceux de
l’OCDE 4. Il est par ailleurs de fait que les médias ne
3. Ceux-ci sont publiés par l’OCDE dans Regards sur l’éducation, par
l’Union européenne (Eurydice) dans les Chiffres clés de l’éducation, et par
l’Institut de Statistiques de l’UNESCO dans le Recueil des données mondiales sur l’éducation.
4. C’est par exemple le cas en Belgique, aussi bien pour la Communauté
française que pour la Communauté flamande.
2
Avis du HCéé N° 18 – Juillet 2005
dans certains pays en recensant les élèves ayant
obtenu un diplôme de fin de cycle, et le sont, dans
d’autres, en prenant en compte tous les élèves inscrits dans le cycle jusqu’à la fin de celui-ci.
devant les élèves ou, pour évoquer à nouveau ici une
question sur laquelle le Haut Conseil a déjà attiré
l’attention, la définition d’un jeune achevant sa formation initiale sans avoir acquis un niveau de qualification considéré comme suffisant.
La présentation des indicateurs constitue, par ellemême, un parti pris politique qui en oriente la lecture
et l’interprétation : Regards sur l’éducation de l’OCDE
présente chaque indicateur selon un ordre croissant ou
décroissant de sa valeur dans les pays, ce qui incite,
comme les commentaires qui leur sont associés, à une
lecture comparative indicateur par indicateur, alors
que les Chiffres clés de l’éducation de l’Union européenne présentent toujours les valeurs des indicateurs
dans l’ordre alphabétique des pays et les assortissent
de nombreux éléments de contexte, ce qui incite à une
lecture qui prenne plus en compte les caractéristiques
et l’environnement de chaque système éducatif lors de
la comparaison.
Ÿ Les définitions et les sources sur lesquelles sont
fondés les indicateurs internationaux ne sont pas
toujours homogènes, restent souvent obscures et ne
sont pas toujours affichées. Ainsi, la mise au point
d’une nomenclature internationale des niveaux et
filières d’enseignement 5 a constitué un progrès, mais
le classement des formations délivrées dans chaque
pays dans ce cadre unique reste à la discrétion de
chacun d’eux, ne fait pas l’objet d’un véritable débat
international et n’est certainement pas homogène.
Ajoutons que pour ce qui concerne la France, cette
classification est peu utilisée pour présenter les indicateurs nationaux et que le classement des formations
secondaires françaises dans la nomenclature internationale est contestable 6 ;
Mieux articuler les différentes productions
d’indicateurs, travailler plus leur interprétation
et les faire « parler politique ».
Ÿ Selon les définitions et les conventions retenues,
des indicateurs dont l’intitulé et la finalité politique
sont proches présentent une valeur différente selon
l’organisme qui le calcule : c’est le cas d’un indicateur essentiel, celui mesurant les sorties sans diplôme qui s’établit à 20 % des sortants du système
éducatif ou à 16 % selon le dispositif d’indicateurs
auquel on s’adresse. Ces différences peuvent être
parfaitement légitimes, mais il faut alors les justifier
et les expliciter aux plans politique et technique ;
Le Haut Conseil constate que des progrès importants
sont engagés, aussi bien au plan national qu’international pour améliorer la qualité des indicateurs, en
préciser les objectifs et les limites.
Cet effort doit, évidemment, être poursuivi et se
concrétiser par la production et la diffusion de dossiers méthodologiques sur la conception et les sources de chaque indicateur. Les points évoqués
ci-dessus doivent constituer autant de domaines à
améliorer. Mais ces améliorations ne suffisent pas.
Ÿ Le souci louable d’améliorer la qualité technique
et la pertinence politique des indicateurs se traduit
par des changements de définition et de présentation
des indicateurs d’une année à l’autre, ce qui nuit à
leur comparabilité dans le temps et à l’élaboration
de séries temporelles ;
Ÿ Elles doivent être associées au souci d’articuler
entre eux des dispositifs d’indicateurs qui se multiplient dans le domaine de l’éducation et dont les
enjeux politiques sont de plus en plus importants,
aussi bien au plan international, notamment dans le
cadre de la méthode de collaboration ouverte de
l’Union européenne, qu’au plan national, avec la
mise en place des indicateurs des projets annuels de
performances qui vont accompagner les programmes des Lois de finances. Il ne faut pas que des
indicateurs qui laissent entendre qu’ils donnent la
même information ne soient pas les mêmes dans les
dispositifs proposés par des institutions différentes.
La nécessaire pluralité des indicateurs ne doit pas se
traduire pas une confusion ;
Ÿ Le sens politique de certains indicateurs, la signification de ce qu’ils mesurent peuvent faire l’objet
d’interprétations erronées, lorsque des indicateurs
qui apprécient en fait des phénomènes différents,
sont présentés – ou compris – comme étant très
proches les uns des autres : c’est le cas, par exemple,
de la « taille des classes », d’un côté, du « nombre
d’élèves par enseignant », d’un autre côté ;
Ÿ Des indicateurs ou le commentaire qui leur est
associé, peuvent être tout à fait discutables : c’est le
cas lorqu’on laisse entendre qu’un indice significatif
des dépenses en matière d’éducation serait le « traitement statutaire moyen par heure d’enseignement », calculé en rapportant des salaires théoriques
en milieu de carrière (qui peuvent être très différents
des salaires moyens que perçoivent les enseignants,
compte tenu de leur âge et ancienneté effectives) au
nombre moyen d’heures d’enseignement devant élèves (qui ne constituent qu’une partie – différente
selon les pays – de leur charge de travail effective) ;
Ÿ Des pans entiers des systèmes éducatifs sont à
l’heure actuelle extrêmement mal décrits par les
indicateurs internationaux, comme la formation tout
5. Il s’agit de la CITE, la Classification Internationale Type de l’Éducation.
6. Les baccalauréats technologiques y sont classés, comme les baccalauréats généraux, parmi les formations conduisant à des formations supérieures longues et les baccalauréats professionnels y sont considérés comme
une formation conduisant à des études supérieures courtes. Une application
stricte de la vocation de nos baccalauréats dans la nomenclature CITE
conduirait à faire apparaître une situation relativement moins favorable de
la France quant aux possibilités de poursuite d’études à la fin de l’enseignement secondaire
Ÿ Il en est de même lorsque les décomptes d’élèves
ou d’étudiants arrivés en fin de cycle sont réalisés
3
Avis du HCéé N° 18 – Juillet 2005
Ÿ La présentation et la diffusion des dispositifs d’indicateurs reste à améliorer, notamment en direction
des enseignants, qui font parfois preuve à leur égard,
comme à celui d’autres approches évaluatives, d’un
refus de principe au motif que l’on ne saurait mesurer
ni la qualité, ni les résultats de l’acte éducatif. Elle
reste aussi à améliorer en direction des responsables
qui, de leur côté, ne doivent pas céder à la tentation
de n’utiliser les indicateurs que lorsqu’ils peuvent
appuyer ou illustrer leurs décisions, mais doivent en
faire des outils d’évaluation de leurs politiques.
au long de la vie. Des données essentielles – souvent
évoquées de façon très idéologique dans les débats
internationaux sur l’éducation – sont très mal appréciées
et comparées, comme le degré de décentralisation
et de déconcentration des systèmes éducatifs et les
niveaux auxquels s’y prennent les décisions, ainsi
que, dans le domaine des dépenses pour l’éducation,
les dépenses des ménages et des entreprises et, plus
généralement les dépenses autres que les dépenses
publiques.
Ÿ Il faut viser plus loin que la seule amélioration de
la qualité technique des indicateurs ; ceux-ci doivent
être de plus en plus assortis de considérations qui
éclairent les choix de politique éducative et faire l’objet
de mises en perspective les uns par rapport aux autres.
Un indicateur dont le sens d’évolution souhaitable
n’apparaît pas immédiatement peut être dangereux et
il est indispensable que les responsables et les acteurs
de l’éducation aient les moyens d’apprécier correctement la portée de leurs évolutions ;
nnn
On n’imagine pas aujourd’hui d’évaluer et gouverner les systèmes éducatifs sans mise en perspective
internationale. Comme les enquêtes comparatives
des acquis des élèves, les dispositifs d’indicateurs
internationaux permettent de poser des questions,
mais ne sauraient par eux-mêmes apporter de réponses aux problèmes que peuvent connaître les systèmes éducatifs. Il faut être conscient que le
compromis entre la description homogène, donc
simplificatrice, de systèmes éducatifs qui peuvent
être très divers, et le souci de ne pas déformer
l’appréciation de ces réalités diverses est difficile à
trouver. D’où l’importance, pour éviter toute ambiguïté et pallier le risque d’interprétation erronée, de
rendre parfaitement clairs les concepts politiques qui
sous-tendent les indicateurs et les sources qui les
alimentent et de développer les travaux qui permettent de les interpréter.
Ÿ Ceci suppose le développement d’études – aussi bien
au Ministère de l’Éducation nationale, tout particulièrement à la DEP – que dans les milieux de la recherche
en éducation – qui permettent de situer les indicateurs
dans un cadre conceptuel qui ait un sens pour les
décideurs. Il ne suffit pas, par exemple, d’apprécier les
tailles de classe et les traitements des enseignants, il
faut aussi pouvoir mettre en rapport, au regard des
objectifs des systèmes éducatifs, les évolutions respectives des uns et des autres. Les études internationales à
ces sujets doivent s’appuyer sur des travaux nationaux
permettant de prendre en compte les contextes
d’évolution des différents systèmes éducatifs ;
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 41
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
4
Avis du HCéé N° 18 – Juillet 2005
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
INTERNATIONAL INDICATOR SYSTEMS
IN EDUCATION
France’s Haut Conseil de l’évaluation de l’école
(High Council for the Evaluation of Education) has
deemed it necessary to evaluate how the French
educational system and, more broadly speaking,
French society, uses in international comparison
surveys. For this reason, after giving consideration,
in its Opinion No. 16,1 to international surveys
focusing on student achievement, the High Council
looked at international indicator systems in education, designed to compare the human and material
resources, organisation and working of educational
systems. As it did for the surveys comparing student
achievement, it looked not only at the indicators’
design and meaning, but also at France’s participation in devising them and its attitude with respect to
them.
To bear out the discussions that led to the drafting of
this first opinion, the High Council asked Jean-Richard Cytermann, associate professor at France’s
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales and
Marc Demeuse, professor at the Institut d’Administration Scolaire at the Psychology and Educational
Sciences Department of the University of Mons-Hainaut (Belgium), to present it with a report. The said
report – which, like all reports commissioned by the
High Council, does not necessarily reflect its opinion, but rather contains the analyses and suggestions of the report’s authors – is public and may be
read on the High Council’s site: http://cisad.adc.
education.fr/hcee under the «Publications»section.
The publication of international indicators
on education has been developed
considerably by a number of international
authorities over the past few decades.
The issue of comparing the features of educatio
systems and, more importantly, weighing the results
against the factors likely to explain performance
levels is nothing new. Starting from the very end of
the 1950s, the researchers who were about to create
the IEA were already looking at the issue, in connection with their efforts to organise and develop international evaluation of student achievement 2.
As was the case with the international comparative
surveys of student achievement, the said concerns,
above all scientific, were gradually carried forth,
over the course of the 1980s, through requests on the
part of political and administrative heads of education systems, who were developing evaluation systems in their countries and wished to have references
for comparison.
Those requests led the international institutions – of
the greatest interest to us here are the OECD, then
the European Union – to strive to define educational
indicators capable of being used for comparison
1. Opinion No. 16, Haut Conseil de l’évaluation de l’école, France and
International Evaluation of Student Achievement, May 2005, France.
2. See Opinion No. 16. The IEA, International Association for the Evaluation
of Educational Achievement, was founded in 1961.
Avis du HCéé N° 18 – July 2005
such as the average expenditure per student or the
percentage of young people exiting the educational
system with a higher education diploma. However,
it is more often to justify a decision or claim than to
enlighten political decision-making by putting the
French educational system in perspective that the
indicators are used. The distance that French policymakers have kept with respect to the indicators
applies both to national indicators and those offered
by international comparisons; it is probably due in
part to cautiousness with regard to evaluation-based
approaches over which the High Council has already expressed regret on a number of occasions, but
also real issues in using and interpreting some of
them.
from one country to another, and gathering from
each country the data needed to calculate and publish them. The system is now fully operational and
recurring, in that each year, countries comparable to
ours provide, using a single questionnaire, the data
necessary to set up the databases that will allow the
OECD, European Union and UNESCO to produce
their educational indicators 3.
While all of the indicators produced by the above
institutions have always been intended, first and
foremost, to form the foundation for thinking and
action on the part of political leaders, and research
data for researchers, some of them take on a more
binding dimension for European Union countries,
against the background of the Lisbon Process and the
open cooperation method determined by the European Council in March 2000, in that they must
help buttress «significant comparisons between European countries on the basis of benchmarks, according to jointly-determined objectives».
Technical and format-related questions that
can raise political issues.
Designing and presenting international indicators is
not an easy task: they must not only be meaningful
in political terms, in other words, provide information on factors than can be used to describe and
govern educational systems, but also be based on
sources and calculation methods that are homogenous enough from one country to the next so that the
comparison can be valid, and stable enough that
trends can be assessed in a valid manner.
France participated very extensively in
creating the international indicator systems,
but uses them only to a modest extent.
In its opinion on «France and International Evaluation of Student Achievement», the High Council
expressed heartfelt regret that our country participated too little in developing international surveys on
student achievement and has not invested enough in
the field of edumetrics. The same cannot be said
here, and France – highly skilled in the field of
statistics and equipped with an excellent information
system on education – has played and continues to
play an important part in designing and developing
international indicator systems on education.
While real progress has been accomplished following the efforts deployed by the countries involved and international institutions, the target is still far
from being attained and the objective questions that
always arise when designing indicators take on a
more acute dimension from the technical standpoint
and can have particularly high political stakes, when
taken in the context of international comparisons.
It did so through the Evaluation and Forecasting
Directorate (DEP), which concurrently created and
developed a national indicator system on the education system. That system gave rise to the regular
publication of The State of Education, the first edition
of which came out in 1991, making it coincide with
the OECD’s first Education at a glance.
This is also the case of problems already difficult to
handle clearly and comprehensibly by all parties
involved in a national setting, such as dividing costs
in tertiary education between teaching and research,
objectively assessing instructors’ total work time
when their required hours are defined only in terms
of time spent teaching the students, or, to bring up
once again an issue to which the High Council has
already called attention, the definition of a young
person completing initial training without having
reached a level of qualification deemed sufficient.
The State of Education, which is very widely circulated and rightfully recognised as cogent and of high
quality, gives significant focus to international comparisons, integrating the international indicators designed by the OECD and the European Union. This
can explain why in France’s the impact of the publications of such institutions is generally less than in
countries that have chosen to publish a «national
interpretation» of the international indicators, in particular those of the OECD 4. Moreover, it can be
noted that the media only devote real attention to the
said indicators when they offer a «scoop», something
infrequent in the field of education.
w The definitions and sources on which international
indicators are based are not always uniform, often
remain unclear and are not always published. In that
respect, the international nomenclature on teaching
levels and degree programmes5 was a form of progress. However, when it comes to ranking the training programmes offered in each country within that
3. These are published by the OECD in Education at a glance, the European
Union (Eurydice) in Key Data on Education in Europe, and UNESCO’s
Statistics Institute, in its.
4. This is true, for instance, of Belgium, whether in the French community,
or the Flemish community.
5. SCED, the International Standard Classification.of EDucation
That being said, international indicators are quite
frequently cited by policymakers, and some of them
have become important in debate on education,
2
Avis du HCéé N° 18 – July 2005
alphabetical order, by country, and arrange a large
number of background facts around them, inciting
the reader to give much more consideration to the
features and background of each educational system
when comparing.
single framework, the countries are left to decide
whether they will do so, are not expected to comply
with an international standard when they do so, and
certainly do not adopt a uniform approach. It should
be added that, as far as France is concerned, the
classification system is not frequently used to present
national indicators and that the ranking of French
secondary school programmes in the international
nomenclature has every reason to be challenged 6.
Better connect the various indicator production
systems, fine-tune their interpretation more and
make them «talk politicy».
w Depending on the definitions and conventions
used, indicators that are similar in name and political
purpose will have a different value depending on the
organisation calculating them: this is true of a vital
indicator, the one used to determine how many
students exit the system without a diploma – the
figure can be 20% or 16%, depending on the type
of indicator used. The differences can be fully legitimate, but then need to be justified and clarified
from a political and technical standpoint;
The High Council notes that significant progress is
underway, both at the national and international
levels to improve indicator quality and clarify their
objectives and limits.
Those efforts must, obviously, continue and give rise
to the production and circulation of methodological
booklets on the design process and sources from
which each indicator arose. Each of the points mentioned above needs to be viewed as another area for
improvement. However, that improvement alone
will not be enough.
w The merit-worthy desire to improve the technical
quality and political relevance of published indicators has led to changes in definition and indicator
format from one year to the next, making it difficult
to compare them over time and preventing the elaboration of time series;
w It needs to be combined with careful efforts to
connect the increasing number of indicator systems
in the field of education, for which the political
stakes are ever-higher, both at the international level,
especially as concerns the European Union’s open
cooperation programme, and at the national level,
with the definition of annual performance project
indicators that are to accompany the Finance Budget
programmes. It is important that indicators that appear to provide the same information not be the same
in the systems set forth by different institutions. It is
vital that the much-needed variety in indicator types
not lead to confusion;
w The political meaning of certain indicators and the
significance of what they measure can be interpreted
wrongly, when indicators that actually assess different phenomena are presented as being very similar to one another: this is true, for example, of «class
size», on the one hand, and «number of students per
teacher», on the other;
w Some indicators have every reason to be challenged: this is true when it is implied that a significant
index on education expenditure would be «contractual average salary per hour of teaching time», determined by comparing the theoretical salary at
mid-career (which can be very different from the
average salary paid to the teachers, considering their
age and actual service time) with the average number of hours spent teaching before the students
(which is only a part – differing from country to
country – of their actual workload);
w Entire sections of educational systems are currently
very poorly described by international indicators, as is
the case with lifelong training. Essential data – often
discussed very ideologically in international debates
on education – are poorly assessed and compared,
such as the degree of decentralisation or delegation
existent in an educational system and the levels at
which decision-making occurs, as well as, in the field
of educational expenditure, household and enterprise
expenditure and, more broadly speaking, expenditure
other than that of the public sector.
w The same is true when calculating how many
students have reached the end of a given training
programme – in some cases, the figure used refers to
the number of students who have earned a diploma,
while in others, all of the students registered for the
training programme and having attended until the
completion point are counted.
w It is essential to aim further than simply improving
the technical quality of indicators; they need to be,
more and more frequently, combined with considerations that enlighten educational policy decisions
and be put into perspective with one another. An
indicator that does not appear to be developing in
the right direction immediately can prove dangerous, and it is vital that educational decision-makers
Indicator format is, in and of itself, a political stance
that influences how the data are approached and
interpreted: the OECD’s Education at a glance presents the indicators in increasing or decreasing order
between the countries, inciting the reader, along
with the comments made, to compare data indicator
by indicator, while the European Union’s Key Data
on Education consistently show the indicators in
6. Technological baccalaureates are included in the classification, along
with general baccalaureates, as training programmes leading to long tertiary
education programmes, while vocational baccalaureates are considered a
training programme that leads to short tertiaryeducation programmes. If
strictly applied, the ISCED nomenclature would make it appear that France
offers a less favourable outlook, compared to other countries, as regards
educational opportunities upon completion of secondary schooling.
3
Avis du HCéé N° 18 – July 2005
must agree to use them as tools for evaluating their
own policies.
and players be given the resources to correctly assess
the ramifications of such developments;
w This assumes that studies will be developed – both
at the Ministry of National Education, particularly at
DEP, and in the educational research community –
such that the indicators can be placed in a conceptual
setting that is meaningful to decision-makers. It is not
enough, for instance, to appraise classroom size and
teacher salaries; it is also necessary to be able to
connect, with regard to the objectives of the educational systems, the respective developments of each indicator. International studies on these topics need to be
based on research at the national level, making it
possible to take into account the background against
which each education system develops;
nnn
Today, it is inconceivable to evaluate and govern
educational systems without looking at the international perspective. Like comparative surveys on student achievement, international indicator systems
make it possible to raise questions, but cannot, in
and of themselves, provide answers to the issues that
educational systems can encounter. It is important to
be aware that the compromise between a uniform,
and thus simplified, description of education systems
that can be highly diverse, and the desire not to
distort the portrayal of those same diverse situations
is a difficult one to achieve. Hence the importance,
in order to prevent any form of ambiguity and remedy the risk of faulty interpretation, of making perfectly clear the political concepts that underlie the
indicators and sources that feed into them, and
develop the research required to interpret them.
w Indicator format and circulation remain to be
improved, in particular with regard to teachers, who
sometimes refuse them outright, as they have done
with other approaches to evaluation, claiming that
neither the quality or outcomes of education can
ever be measured. They also need to be improved
with regard to decision-makers, who must not give
in to the temptation of using indicators only when
they can support or illustrate their decisions, but
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 41
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
4
Avis du HCéé N° 18 – July 2005
Haut Conseil
de l’évaluation de l’école
HCéé
AVIS
DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE
QUELLE POLITIQUE LINGUISTIQUE POUR
QUEL ENSEIGNEMENT DES LANGUES ?
Le Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a demandé au
Haut Conseil de l’évaluation de l’école de formuler
un avis sur l’enseignement des langues étrangères et
plus particulièrement sur le statut spécifique de l’anglais comme première langue vivante étrangère 1.
Pour répondre à cette sollicitation, le Haut Conseil
a demandé à François GRIN, professeur à l’Université de Genève et directeur adjoint du Service de la
recherche en éducation du canton de Genève, de lui
présenter une étude sur l’enseignement des langues
étrangères comme politique publique. Cette étude –
qui comme tous les rapports commandés par le Haut
Conseil n’engage pas celui-ci, mais reflète les analyses et les propositions du rapporteur – est publique
et peut être consultée sur le site du Haut Conseil
http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique
« publications ».
Le point de départ de cet avis : prendre en
compte l’environnement linguistique.
La question de l’enseignement des langues intéresse
évidemment les systèmes éducatifs en ce qu’ils sont
directement responsables de la qualité et de l’efficacité de cet enseignement. Et l’on sait que sur ces
points le système éducatif français doit s’interroger
sur ses piètres résultats 2.
Mais ce n’est pas cet aspect de la politique éducative
qui sera abordé ici, pas plus que celui du pilotage
de la politique des langues à l’Éducation nationale
et de sa cohérence interne 3. Par ailleurs, cet avis s’en
tient à la question des langues vivantes étrangères et
ne traite ni des langues régionales, ni des langues
maternelles des populations immigrées ou d’origine
immigrée, ni a fortiori des langues anciennes.
Conformément au souhait du ministre, il s’efforce
d’aborder de front la contradiction que connaît notre
système éducatif pris entre la demande sociale du
« tout-à-l’anglais » et l’affirmation politique de la
« diversité de l’offre »4. Pour ce faire, il s’intéresse à
l’environnement linguistique – environnement européen, voire mondial – dans lequel nous vivons (et
surtout dans lequel nous voulons ou pouvons vivre).
En effet, cet environnement linguistique conditionne
largement les pratiques en matière d’enseignement des
langues. On se situe donc en amont de l’enseignement
des langues, pour envisager quelles langues étrangères
enseigner en fonction des orientations retenues pour
la politique linguistique au plan européen ou des
contraintes qu’impose celle-ci.
1. « La maîtrise d’une langue étrangère devient, dans le cadre européen,
une des conditions nécessaires à une insertion professionnelle réussie et
l’incapacité à s’exprimer ou à échanger dans une langue autre que le
français constitue désormais un handicap important. Dans ce contexte,
l’enseignement des langues étrangères, de l’école élémentaire au lycée,
constitue un véritable sujet de préoccupation, notamment si l’on se réfère
aux résultats obtenus par les élèves français lors des opérations internationales d’évaluation. Aussi, je souhaiterais qu’à la lumière de ces résultats et
des expériences qui ont pu être conduites dans certains pays étrangers, le
Haut-Conseil de l’Évaluation de l’École puisse formuler un avis sur ce sujet
et plus particulièrement sur le statut spécifique de l’anglais comme première
langue vivante étrangère ainsi que sur le niveau le mieux adapté pour
débuter l’apprentissage d’une seconde langue vivante ». Lettre du Ministre
au Président du Haut Conseil en date du 23 septembre 2004.
2. La note d’évaluation de la DEP n°04.01 de mars 2004 « Évaluation des
compétences en anglais des élèves de 15 ans à 16 ans dans sept pays
européens » rend compte de l’évolution négative des compétences en anglais
des élèves français entre 1996 et 2002.
3. Un rapport récent des inspections générales « Pilotage et cohérence de
la carte des langues », avril 2005, aborde ces questions.
4. « La demande sociale mène au quasi-monopole de l’anglais et de l’espagnol ;
elle parvient aussi à faire créer dans certains établissements des options
sélectives dans des langues peu enseignées et à mettre en place des stratégies
d’évitement de la carte scolaire », rapport des Inspections générales, cité note 3.
Avis du HCéé N° 19 – Octobre 2005
ment de l’anglais et de la production de matériel
pédagogique pour son enseignement ;
w Une économie de temps et d’argent dans la communication internationale pour les anglophones, alors que
les locuteurs non-natifs doivent tous faire l’effort d’apprendre l’anglais, de s’exprimer en anglais et d’accepter des messages émis dans cette langue ;
w Une économie de temps et d’argent pour les
anglophones, qui n’ont guère d’effort à faire pour
apprendre d’autres langues ;
w La possibilité pour les anglophones d’investir dans
d’autres domaines les ressources qu’ils n’ont pas
besoin de consacrer à l’apprentissage des langues
étrangères ;
w Une position dominante des anglophones dans
toute situation de négociation, de concurrence ou
de conflit se déroulant en anglais.
Faut-il laisser jouer
la « dynamique des langues » ?
Sans entrer dans le détail, ce pourquoi on pourra se
reporter au rapport de François GRIN, il faut constater que lorsqu’une langue est, au sein d’un groupe,
celle qui est susceptible de rassembler le plus de
locuteurs (qu’elle soit pour eux la langue maternelle
ou une langue étrangère), elle tendra à être retenue
spontanément comme langue d’échange au sein du
groupe parce que ce sera la solution la plus économique. Plus une langue se trouvera dans cette position dans des groupes divers et nombreux, plus ceux
qui ne la pratiquent pas auront intérêt à l’apprendre
et plus son statut hégémonique de langue d’échange
se trouvera renforcé.
C’est en partant de ce constat – parfaitement fondé,
tant d’un point de vue pragmatique que théorique –
que pratiquement tous les élèves de France demandent à apprendre l’anglais, que la commission nationale du débat sur l’avenir de l’École a préconisé que
« l’anglais de communication internationale, qui
n’est plus une langue parmi d’autres, ni simplement
la langue de nations particulièrement influentes » 5
soit une des compétences du « socle commun des
indispensables » que tous les élèves devraient acquérir,6 et … que les réunions de l’Union européenne
qui ne bénéficient pas d’un service de traduction simultanée adoptent systématiquement l’anglais comme
langue de travail, nonobstant toutes les déclarations
officielles sur le multilinguisme européen.
L’existence même de ces effets de transferts est peu
connue et ils n’ont pas fait l’objet d’évaluations détaillées, mais les estimations réalisées par le rapporteur
indiquent que ces montants se chiffrent annuellement
en milliards d’Euros 8. Dans tout autre domaine de la
politique publique, de tels transferts seraient immédiatement considérés comme inacceptables.
En tout état de cause, si une telle hégémonie linguistique devait se renforcer encore, la France y perdrait,
ainsi que tous les États non-anglophones de l’Union
européenne, voire au-delà des frontières de l’Union.
Les données du choix
d’une politique linguistique.
Pour prendre la mesure des effets de cette « dynamique
des langues » et de ses conséquences sur l’usage des
autres langues – notamment le français – dans la
communication européenne, on peut rappeler qu’en
1997, anglais et français avaient la même part dans la
rédaction originelle des documents du Conseil de
l’Union européenne (41 et 42 % respectivement). Six
ans après en 2002 (donc avant l’élargissement de
l’Union européenne) la part de l’anglais était quatre fois
supérieure à celle du français (73 % contre 18 %) 7.
C’est compte tenu de ces éléments que le Haut
Conseil propose d’éclairer les choix de politique
linguistique de la France, d’abord, de sa politique
d’enseignement des langues, ensuite.
Pour ce faire, il a examiné simultanément deux
questions : Existe-t-il des politiques linguistiques
qui, compte tenu des effets de transferts qui viennent
d’être évoqués, s’avéreraient plus économiques
pour la France (et pour les pays non-anglophones)
que la politique vers laquelle nous tendons automatiquement aujourd’hui, celle du « tout-à l’anglais » ?
Si de telles politiques existent, à quelles conditions
peuvent-elles être envisagées ?
Faut-il accepter la fatalité de cette « dynamique des
langues », étant précisé que ce n’est pas la langue
anglaise en tant que telle qui pose question, mais
l’hégémonie linguistique, quelle que soit la langue
au profit de laquelle elle s’exerce ?
w La comparaison des coûts de deux scénarios avec
la politique du « tout-à-l’anglais » a permis de répondre à la première question :
Pour examiner cette question, il faut en prendre en
compte tous les enjeux. Ils ne se résument pas à des
questions de communication et n’ont pas que des
aspects symboliques, même si ceux-ci sont réels en
termes de pouvoir ; ils ont des dimensions économiques importantes et l’hégémonie linguistique entraîne
des transferts au profit du ou des pays dont la langue
est en position hégémonique. En effet, cette hégémonie
se traduit par les conséquences suivantes :
5. Le Haut Conseil s’interroge sur ce que recouvre la notion d’anglais de
communication internationale et surtout sur ce qui différencierait son
enseignement de l’enseignement actuel de l’anglais. Il retient en revanche
l’idée que l’enseignement actuel de l’anglais, comme celui de toutes les
autres langues vivantes étrangères, doit être davantage orienté sur la
communication orale et écrite qu’il ne l’est aujourd’hui.
6. Pour la réussite de tous les élèves, Rapport de la commission nationale
du débat sur l’école présidée par Claude Thélot.
7. Secrétariat général du Conseil de l’Union européenne, cité dans « Les
impostures des apôtres de la communication » de Charles Durand, Panoramiques, n°69, 4ème trimestre 2004.
8. On peut estimer à 10 milliards d’Euros au minimum, l’avantage que les
Britanniques tirent de la préséance actuelle de l’anglais.
w Une position de quasi-monopole sur les marchés
de la traduction et de l’interprétation vers l’anglais,
de la rédaction de textes en anglais, de l’enseigne2
Avis du HCéé N° 19 – Octobre 2005
tous, en garantissent l’effectivité au plan européen.
À défaut, ce scénario reviendra rapidement, comme
on le voit aujourd’hui, au scénario du « tout-à l’anglais ».
Un premier scénario est le plurilinguisme, défini
comme un régime linguistique qui suppose que la
communication intra-européenne est organisée de
façon telle qu’elle se déroule effectivement dans
plusieurs langues, et qu’il est ainsi mis fin à l’hégémonie de l’anglais.
Promouvoir le plurilinguisme
en Europe pour maintenir un enseignement
effectivement multilingue.
Un second scénario peut constituer une référence
théorique : c’est celui dans lequel une langue qui
n’est celle de personne, donc celle de tout le monde,
comme voulait l’être l’espéranto, serait adoptée
comme langue de communication internationale.
S’il constate qu’un raisonnement économique devrait conduire à promouvoir une langue de communication universelle, le Haut Conseil sait qu’une telle
orientation n’est pas concevable dans l’état actuel
des choses en Europe, notamment parce qu’une telle
langue ne peut être associée à aucune sphère linguistique et culturelle. En revanche, il estime que tout
devrait être mis en œuvre pour rendre effectif, avant
qu’il ne soit trop tard, le scénario du « plurilinguisme », qui ne réduit pas les coûts, mais supprime
les transferts inéquitables.
Du point de vue économique, pour notre pays, comme
pour tout pays non anglophone de l’Europe, ce dernier
scénario serait incontestablement le meilleur : il éviterait tous les transferts inéquitables auxquels donne lieu
le « tout-à-l’anglais » puisque chacun devrait consentir
un effort symétrique pour traduire et interpréter entre
la langue de communication internationale et sa langue maternelle, et il impliquerait des coûts d’enseignement moindres, l’apprentissage d’une telle langue
étant plus aisé et plus rapide que celui de l’anglais et
de tout autre langue.
Toutefois, étant donné les forces à l’œuvre dans la
dynamique des langues, ce scénario exige des mesures
d’accompagnement pour être viable et ne pas revenir
à bref délai au « tout-à-l’anglais ». Ces mesures ne
peuvent être qu’européennes : plurilinguisme effectif
des institutions internationales, trilinguisme obligatoire
pour leur personnel, droit pour tout État d’exiger que
l’étiquetage des produits et des prescriptions d’usage
se fasse en sa langue, etc.. Une réflexion et une action
collectives devraient être engagées, dans le cadre
d’une politique européenne volontariste, combinant
mesures réglementaires et incitatives, pour imaginer,
définir et organiser la mise en œuvre effective du
plurilinguisme, comme on a pu le faire pour la circulation des travailleurs, la mise en place de l’Euro ou
d’autres sujets.
Il est suivi – de loin – par le scénario du plurilinguisme,
qui est moins coûteux que le « tout-à-l’anglais », mais
l’est sensiblement plus que le scénario de référence : il
ne permet pas d’économies sur l’enseignement des
langues (hypothèse étant faite que l’enseignement de
tout autre langue que l’anglais coûte aussi cher que
l’enseignement de ce dernier), mais il évite des transferts inéquitables si l’on admet que le plurilinguisme
donnerait à chaque langue, dans les échanges, un
poids équivalent au poids démographique de la communauté qui la parle 9.
La réponse à la première question incite donc à
envisager la faisabilité d’un scénario alternatif au
« tout-à l’anglais ».
Pour que cette politique puisse voir le jour, il faut
sans doute montrer aux autres États européens qu’ils
y ont tous – à l’exception des anglophones – intérêt
et que le plurilinguisme constitue pour eux une
solution plus économique que la situation vers laquelle on tend spontanément … mais à condition
que tous s’astreignent à en respecter les règles.
w Mais, en matière d’environnement linguistique,
comme en matière d’environnement écologique, les
décisions n’ont d’effet que si elles sont prises et
assumées collectivement par tous les pays. De même
qu’un pays ne sera pas protégé d’une nuisance en
essayant de l’éradiquer seul alors que ses voisins ne
le font pas, un pays qui décrèterait le plurilinguisme
chez lui alors que ceux avec lesquels il échange
pratiquent tous la même langue de communication
internationale, verrait ses efforts réduits à néant par
le jeu de la « dynamique des langues ». C’est –
répétons-le une fois de plus – ce qui se passe actuellement pour la France et, plus largement, pour toute
l’Europe, nonobstant toutes les déclarations sur le
plurilinguisme.
La politique d’enseignement des langues qui sous-tendrait une telle politique linguistique consisterait, dans
chaque pays, en l’enseignement obligatoire de deux,
voire trois langues étrangères – qui ne devraient pas
comprendre systématiquement l’anglais – ce qui implique que chaque pays favorise l’enseignement des
langues de ses principaux partenaires, ceci pour une
part à travers la multiplication d’accords bilatéraux.
Dans une telle logique, les indicateurs de pilotage de
la politique d’enseignement des langues en France ne
devraient pas envisager le seul suivi de l’enseignement
de l’allemand, mais au moins celui de toutes les « grandes langues européennes ».
Un scénario alternatif n’est donc sérieusement envisageable qu’à condition que des mesures prises de façon
coordonnée par l’ensemble des États et respectées par
9. En fait, il est sans doute plus réaliste d’imaginer que quelques « grandes »
langues, par exemple l’allemand, l’anglais, l’espagnol et le français bénéficieraient d’un avantage relatif dans la communication intra-européenne.
Cela se traduirait par quelques transferts en faveur des pays parlant ces
langues.
Mais une telle politique d’enseignement des langues ne
peut avoir de sens, et ne peut être juste, que dans un
environnement européen effectivement plurilingue. À
3
Avis du HCéé N° 19 – Octobre 2005
défaut, le pays qui s’y risquerait seul serait perdant,
et – ce qui serait particulièrement inéquitable – ceux
qui, dans le pays concerné auraient été poussés à
n’apprendre que des langues autres que la langue
hégémonique s’en trouveraient lésés.
Le Haut Conseil note par ailleurs que, comme l’ont
montré des évaluations récentes de la direction de
l’évaluation et de la prospective, les compétences en
langue vivante des élèves sont d’autant meilleures
que l’enseignement en a été précoce 10.
En conséquence, il propose :
nnn
w que la France continue à ne donner ni caractère
obligatoire, ni primauté à l’enseignement de l’anglais,11 ce qui n’aurait de toute façon guère de
conséquences pratiques puisque la plupart des élèves l’apprennent déjà, mais ce qui aurait des conséquences politiques particulièrement importantes
puisque notre pays cautionnerait et renforcerait ainsi
l’hégémonie linguistique vers laquelle tend l’Europe ;
w que la France, qui doit affirmer sa volonté de
s’opposer au monopole d’une seule langue de communication internationale, s’emploie à démontrer à
ses partenaires l’intérêt qu’ils auraient, comme elle,
à se donner les moyens de promouvoir un plurilinguisme effectif en Europe, afin de ne pas subir les
effets négatifs du « tout-à-l’anglais » ;
w que dans la logique de cette position, elle promeuve l’enseignement d’au moins deux langues vivantes étrangères pour tous les élèves, en modulant
l’offre compte-tenu, notamment, des voisinages régionaux et en assurant la continuité de cet enseignement tout au long de la scolarité ;
w que l’enseignement de toutes les langues vivantes
étrangères soit plus orienté sur la communication
orale et écrite qu’il ne l’est aujourd’hui, sans négliger
pour autant ce qui, dans cet enseignement, contribue à développer la dimension culturelle du plurilinguisme.
Le Haut Conseil constate ainsi :
w que la « diversité de l’offre linguistique » déclarée
et pratiquée par notre système éducatif est largement
illusoire, puisqu’elle ne peut prendre appui sur un
plurilinguisme volontariste et effectif au niveau européen. Laisser les choses en l’état conduit de façon
inexorable à faire de l’anglais la première langue
dominante (et une langue que tous les élèves non
anglophones auraient tort de ne pas apprendre) mais
aussi à rendre peu attractif l’apprentissage d’une
autre langue que l’anglais, en France comme dans
les autres pays européens ;
w que, au plan économique, comme au plan symbolique, l’hégémonie de l’anglais dans les échanges
intra-européens – et mondiaux – a des conséquences
négatives : elle coûte cher à la France, ainsi qu’à la
très grande majorité des autres États de l’Union et
procure parallèlement aux pays anglophones d’incontestables avantages ;
w qu’une politique plurilingue serait encore concevable en Europe dans les faits et non seulement dans
les déclarations d’intention, mais à la condition expresse de bénéficier d’une adhésion et d’une coopération résolues et constantes de l’ensemble des États
de l’Union ;
w que la défense, et a fortiori, la promotion du
français et de la francophonie, comme celles des
autres langues européennes en voie d’être dominées, n’a de sens et n’est réalisable que dans le cadre
de la promotion de la diversité linguistique dans les
échanges intra-européens et internationaux.
10. Notes d’évaluation n°05-06 à 05-10, Les compétences des élèves de
fin d’école et de fin de collège en langues vivantes, septembre 2005,
DEP-MENESR, Paris.
11. Il s’agit là d’une position largement majoritaire, étant précisé que des
organisations représentées au Haut Conseil estiment que l’anglais devrait
faire partie du socle commun des compétences et des connaissances que
tous les élèves devraient maîtriser, comme le préconise le rapport de la
commission nationale du débat sur l’école présidée par Claude Thélot.
Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Directeur de la publication : Christian FORESTIER
Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS
Tel : 01 55 55 77 41
Mèl : [email protected]
ISSN en cours
Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
4
Avis du HCéé N° 19 – Octobre 2005