HCéé - Haut Conseil de l`Éducation
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HCéé - Haut Conseil de l`Éducation
Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE L’EFFET DE LA RÉDUCTION DE LA TAILLE DES CLASSES SUR LES PROGRÈS DES ÉLÈVES L a question de l’influence de la taille des classes sur l’efficacité de l’enseignement et les progrès des élèves est largement débattue dans notre système éducatif. Il est assez couramment admis qu’une réduction de la taille des classes doit entraîner des effets positifs, et sa revendication fait souvent partie des mesures que les enseignants et les parents d’élèves appellent de leurs vœux. La France a consacré, de fait, des moyens importants à une réduction sensible de la taille des classes : de 1966 à 1999, cette taille a diminué en moyenne de 43,7 élèves à 25,5 (71 %) en maternelle, de 28 à 22,3 élèves (26 %) en élémentaire, de 27,5 à 24,2 élèves (14 %) dans le premier cycle du second degré et de 30,8 à 28,8 élèves (3 %) dans le second cycle général et technologique. Encore cette dernière réduction sous-estime-t-elle l’effort réel, puisque, dans ces lycées, le nombre d’élèves par enseignant a diminué plus nettement, notamment parce que, au sein de classes aussi grandes qu’auparavant, les élèves se voient proposer plus souvent des enseignements en petits groupes ou optionnels (de 1990 à 1995, ce taux est passé de 13,8 élèves pour un enseignant à 11,8, soit une baisse de 17 %). Le même type d’évolution peut être constaté dans la plupart des pays développés. Par ailleurs, des politiques volontaristes de réduction de la taille des classes sont conduites dans certains de ces pays, en particulier aux Etats-Unis. Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a donc décidé – répondant en cela à un souhait du ministre de l’Éducation nationale – de faire le point sur ce que la recherche et les études permettent de conclure sur cette question. Il a, pour ce faire, demandé un rapport de synthèse sur « les recherches sur la baisse de la taille des classes » à Denis MEURET, professeur de sciences de l’éducation à l’université de Bourgogne. Ce rapport est public et disponible ; il peut être consulté sur le site du Haut Conseil de l’évaluation de l’école : http://cisad.adc.education.fr/hcee La discussion à laquelle il a donné lieu au sein du Haut Conseil conduit celui-ci à formuler l’avis suivant. Avis du HCéé N° 1 – Mars 2001 Enfin, on ne dispose guère aujourd’hui de travaux sur l’effet que peut avoir la réduction de la taille des classes sur les enseignants eux-mêmes : leur santé, leur « stress », leur absentéisme, toutes choses susceptibles de contribuer à expliquer la place de cette question dans les plates-formes revendicatives, voire une partie des effets positifs que l’on attribue à une réduction de la taille des classes. Une question qui appelle des recherches et des études dans notre pays L’essentiel des travaux scientifiques de qualité sur lesquels il est aujourd’hui possible d’asseoir des réflexions et des décisions sur ce sujet est réalisé dans d’autres pays – notamment aux Etats-Unis – et porte donc sur d’autres systèmes éducatifs que le nôtre. Une question aussi débattue et dont les enjeux éducatifs et financiers sont particulièrement élevés devrait faire l’objet de davantage de recherches et d’études dans le contexte spécifique du système éducatif français. Une forte réduction de la taille de certaines classes peut avoir des effets positifs Ces études et recherches devraient porter non seulement sur les effets que l’on peut attendre d’une réduction de la taille des classes « en général », mais aussi sur des questionnements plus fins. Bien que souvent conduites dans d’autres contextes que le nôtre, les recherches actuellement disponibles – recherches qui portent surtout sur l’enseignement primaire et secondairement sur le collège – convergent vers quelques conclusions importantes. Ainsi il semble exister un effet positif – mais faible – sur les progrès des élèves, effet observé presqu’uniquement dans les petites classes de l’enseignement primaire, qui semble ne se produire que si l’on procède à une forte réduction de la taille des classes, et qui n’est vraiment visible que pour les enfants de familles défavorisées. Cet effet semble durable, même après que les élèves ont rejoint de grandes classes. Par exemple, alors que les dédoublements de classes sont de plus en plus nombreux et que l’on promeut le travail en groupes de taille réduite et différenciée selon les activités et les moments, ne faut-il pas envisager d’apprécier l’effet de ce type d’alternance entre grands et petits groupes ? Ne faut-il pas étudier cet effet plus particulièrement à certains niveaux réputés difficiles de la scolarité, comme le collège, ou pour certaines activités où la performance du système éducatif français est moyenne, comme l’enseignement des sciences ? Quels sont les mécanismes à l’œuvre lorsque l’on procède à des réductions de la taille des classes ? Quels sont les éventuels bénéfices des élèves (acquis cognitifs ou non) ?Y a-t-il des effets spécifiques – selon les activités ou les disciplines – de la combinaison de tailles plus ou moins réduites des groupes d’élèves et de diverses mesures de politique éducative (aide individualisée aux élèves, technologies de l’information et de la communication en éducation,..). Pour être efficace, une politique de réduction de la taille des classes doit donc être très sélective… Ainsi, si l’on décide de conduire une politique de réduction de la taille des classes, il faut, pour qu’elle ait une chance d’être efficace, qu’elle soit très « ciblée » en direction des seules petites classes du primaire (pour nous le Cours Préparatoire) des écoles où est concentrée la population la plus défavorisée. Encore faut-il, si l’on veut bénéficier des effets positifs d’une telle politique, consentir un effort important – donc coûteux – de réduction de la taille de ces classes, en envisageant d’aller vers des classes ayant nettement moins de 20 élèves. Par ailleurs, constate-t-on une gestion différente par l’enseignant d’un « groupe-classe » plus réduit, une meilleure intégration des élèves au système et à ses règles ? Cela ouvre-t-il la possibilité aux enseignants de développer des pratiques différentes et plus efficaces, et utilisent-ils effectivement cette possibilité ? Cela procure-til une plus grande « sérénité » qui rendrait plus favorables les conditions d’apprentissage ? Il serait donc concevable d’expérimenter une disposition respectant ces trois critères, de l’évaluer au bout de deux ans, puis de l’étendre si 2 Avis du HCéé N° 1 – Mars 2001 elle est aussi efficace que ce que laissent attendre les études. ses – même très sélective – est plus intéressante, par rapport à son coût, c’est-à-dire est plus « efficiente », que d’autres mesures de politique éducative, comme par exemple, l’aide individualisée aux élèves ou des mesures en direction des enseignants (formation, animation, évaluation, etc.). Une telle expérimentation permettrait aussi d’associer à une politique de réduction ciblée de la taille des classes, d’autres mesures, par exemple, une formation des enseignants les mettant à même de tirer le meilleur parti de petites classes en y développant des pratiques adaptées (en effet la seule réduction de la taille des classes ne saurait entraîner mécaniquement le développement de telles pratiques). On dispose de peu de travaux permettant des comparaisons fondées en la matière. Tout au plus peut-on tirer des impressions de recherches conduites – une fois encore – aux États-Unis et qui laissent penser que certaines politiques s’avèrent plutôt plus efficientes, voire efficaces ou équitables, que la réduction de la taille des classes. En tout cas, une politique touchant d’autres niveaux de scolarité ou une politique à visée plus générale n’ont pas, d’après les recherches disponibles, d’effets positifs, ce qui invalide la pratique de réduction de la taille des classes « au fil de l’eau » ou délibérée, telle qu’elle a été réalisée ces dernières années en mettant à profit la baisse démographique. nnn Cela incite, en tout cas, à n’envisager cette politique de réduction de la taille des classes que de la façon très sélective – et dans un premier temps, expérimentale – qui a été évoquée plus haut, et après s’être posé la question de savoir si les sommes qui y seraient consacrées ne peuvent pas être mieux utilisées autrement n …d’autant plus que d’autres politiques peuvent être plus efficientes Il faut, de plus, se poser la question de savoir si une politique de réduction de la taille des clas- 3 Avis du HCéé N° 1 – Mars 2001 LES AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE Cet avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école sur « l’effet de la réduction de la taille des classes sur les progrès des élèves » est la première expression publique de cette nouvelle instance. Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a été créé par Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale, afin de renforcer et de réorganiser un puissant pôle d’évaluation du système éducatif français. Cette instance indépendante est composée de 35 membres nommés pour une durée de trois ans : élus nationaux et territoriaux ; personnels de l’Éducation nationale, parents d’élèves, lycéens, étudiants ; salariés et employeurs ; personnalités françaises et étrangères reconnues pour leurs compétences dans le domaine de l’évaluation du système éducatif. Présidé par Claude THÉLOT, conseiller maître à la Cour des comptes, ce Haut Conseil est chargé de trois grandes missions : – mission d’expertise : en examinant les évaluations produites et diffusées par le ministère et notamment par la direction de la programmation et du développement et toutes évaluations produites par tous organismes publics ou privés ; – mission de synthèse : en tirant, sur un sujet de politique éducative, les enseignements des études et des recherches existantes ; – mission de proposition : en commandant des évaluations spécifiques à des organismes publics ou privés dans des domaines où existent des lacunes. Le Haut Conseil établit un rapport annuel sur l’état de l’évaluation du système éducatif ; ses avis, ses rapports et ses recommandations sont rendus publics. Il intervient dans le débat public pour favoriser une évaluation objective de l’école. Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Claude THÉLOT Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 14 Fax : 01 55 55 77 62 Adresse du site du HCéé : http://cisad.adc.education.fr/hcee ISSN en cours Conception et impression – DPD/BED 4 Avis du HCéé N° 1 – Mars 2001 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE APPRÉCIER ET CERTIFIER LES ACQUIS DES ÉLÈVES EN FIN DE COLLÈGE : DIPLÔME ET ÉVALUATIONS-BILANS. L a fin du collège correspond généralement à la fin de la scolarité obligatoire. Certes, la très large majorité des élèves poursuivent aujourd’hui leur formation initiale bien au-delà, mais la fin du collège constitue un des moments décisifs de leur cursus, celui où, après avoir peu ou prou suivi la même scolarité, ils connaissent une orientation qui les engage vers une formation initiale plus ou moins longue et plus ou moins professionnalisée. Apprécier et certifier les acquis des élèves à ce niveau constitue un double enjeu de politique éducative : il s’agit, d’abord, de vérifier si le système fait accéder tous les élèves à la maîtrise des savoirs, savoir-faire et savoir-être citoyens de base ; il s’agit, en même temps d’évaluer si chacun des élèves a bien acquis les compétences de ce « socle commun ». Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a donc décidé d’examiner les outils qui s’efforcent, dans l’état actuel des choses, de répondre à ces deux aspects : d’une part, les évaluationsbilans des acquis des élèves en fin de troisième que le ministère de l’Éducation nationale a or- ganisées à diverses reprises au cours des deux dernières décennies ; d’autre part, le brevet, auquel la grande majorité des élèves de troisième se présentent. Pour étayer son avis sur ces sujets, il a demandé un rapport de synthèse à Michel SALINES et Pierre VRIGNAUD, rapport public et qui peut être consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee/publication. La discussion à laquelle il a donné lieu au sein du Haut Conseil conduit celui-ci à formuler l’avis suivant, qui devrait contribuer aux réflexions en cours, à la suite des annonces récentes du Ministre sur le collège et le brevet. Le brevet remplit mal les fonctions qui devraient être les siennes, tout en gardant une certaine valeur symbolique. Le brevet n’est plus un diplôme national et a perdu de son sens. Cette formule, brutale, résume le sentiment du Haut Conseil de l’évaluation de l’école. Les conditions actuelles d’organisation et surtout de pilotage de cet Avis du HCéé N° 2 – Juin 2001 que cette certification doit prendre la forme d’un diplôme national de fin de collège qui, par rapport au brevet actuel, retrouve sa valeur et sa dignité. A cette fin, il recommande de s’appuyer sur les principes suivants : examen, ne lui permettent pas de remplir ses fonctions. Vu la forme des épreuves actuelles, les modalités d’élaboration des sujets, les très fortes disparités des appréciations des élèves entre établissements et entre enseignants (disparités qui ne concernent pas le seul contrôle continu), l’absence à peu près générale d’harmonisation de la notation (y compris souvent au plan de chaque département), sans parler de l’hétérogénéité des séries, le brevet peut difficilement apprécier de façon fiable et cohérente les acquis des élèves en fin de troisième et encore moins donner des indications utiles à son orientation. – favoriser un examen unique, ce qui conduit à supprimer les actuelles séries technologiques et professionnelles, peu valorisées (quitte à ce que des élèves puissent repasser tout ou partie des épreuves après avoir quitté le collège) ; – conserver un caractère mixte aux modalités de l’examen, qui associent un contrôle terminal et un contrôle continu, mais à la condition expresse d’en harmoniser au maximum les conditions de réalisation et d’appréciation, afin de dégager ce contrôle continu de contingences locales ; L’absence d’un pilotage national de l’examen est manifeste : il ne fait pas l’objet d’un véritable suivi au niveau national et l’administration centrale ne dispose pas d’un fichier des résultats qui lui permettrait de réaliser des études de nature à alimenter le pilotage du système éducatif, comme elle peut le faire pour le baccalauréat. – veiller à ce que l’obtention du diplôme garantisse bien l’acquisition des savoirs, savoir-faire et savoir-être citoyens de base. Il n’appartient pas au Haut Conseil de définir précisément les épreuves, ni le partage entre celles qui relèveraient du contrôle continu et celles qui relèveraient du contrôle terminal ; cependant, il lui paraît indispensable qu’on évalue toutes les dimensions du socle de base, ce qui implique que les épreuves fassent une place à des dimensions comme les langues vivantes et les compétences à communiquer ; Pour autant, l’administration centrale, comme l’inspection générale de l’éducation nationale, ne se désintéresse pas du brevet : les derniers textes relatifs à celui-ci sont récents (arrêté et circulaire de 1999) et témoignent d’une volonté d’en « recadrer » les pratiques d’organisation et de correction, notamment en ce qui concerne le contrôle continu ; ils en réaffirment le caractère national. Comme c’est trop souvent le cas, ces textes semblent malheureusement peu connus, et ne sont pas appliqués. Il faut certifier ce que sait chaque élève en fin de scolarité obligatoire. – envisager que l’examen puisse donner lieu à des certifications différenciées : d’une part, si l’élève ne maîtrise qu’une partie des compétences du socle commun, cela lui serait validé, même s’il n’obtient pas le diplôme ; d’autre part, certaines compétences ou dimensions ne figurant pas dans le socle pourraient lui être reconnues. La combinaison des deux modalités déboucherait non seulement sur la délivrance ou non du diplôme, mais aussi sur un « profil » ou un « bilan de compétences » maîtrisées par l’élève, et propre à favoriser ultérieurement son orientation et son insertion professionnelles. La mise au point d’épreuves standardisées complétant des « épreuves classiques », épreuves dont le contenu et l’organisation sont à définir, irait dans le sens de ces certifications différenciées ; Cela implique de reconstruire une certification terminale du collège. Le Haut Conseil considère – restaurer une organisation et un suivi effectifs aux plans national et académique : sujets ancrés Cependant, sur le terrain, le brevet reste un examen considéré comme important par beaucoup d’enseignants et d’élèves. Les inspections académiques utilisent parfois ses résultats comme outil de pilotage des collèges. Par ailleurs, il conserve une valeur symbolique forte, notamment aux yeux des familles populaires ou modestes, ceci bien qu’il ne bénéficie plus d’une reconnaissance de la part des employeurs. 2 Avis du HCéé N° 2 – Juin 2001 pédagogiques de la classe de troisième pour déterminer dans quelle mesure les objectifs fixés par les programmes sont atteints. On se place ainsi dans une perspective essentiellement scolaire. et les changements – fréquents – d’objectifs des programmes créent des difficultés pour les comparaisons temporelles. Cela gêne l’utilisation de ces évaluations pour un pilotage à moyen terme du système éducatif dans son ensemble. sur les programmes du collège, harmonisation des conditions de passation et des corrections, tant du contrôle continu que du contrôle terminal, collecte des résultats permettant études et analyses, etc. ; Ainsi rebâtie cette certification de fin de collège serait un élément informatif sur l’élève, susceptible d’intervenir dans son orientation, sans pour autant qu’elle soit sélective pour la poursuite de ses études, d’autant que ce qu’elle évaluera ne sera pas toujours un pré-requis pour la formation ultérieure. Sans entrer dans une analyse technique détaillée, le Haut Conseil de l’évaluation de l’école note que la fiabilité statistique des évaluations-bilans françaises est élevée et a toujours fait l’objet d’une attention soutenue, mais que leur défaut majeur réside dans le manque de référence aux concepts et méthodes fréquemment utilisés pour la mesure en éducation. Par ailleurs des évaluations-bilans assises sur les compétences de base nécessaires dans notre société – ce qui supposerait de préciser ces dernières – ne sont pas disponibles. Elle serait également un élément de pilotage du système, utile à la réflexion et à l’action des équipes pédagogiques, comme à l’appréciation publique des performances des collèges. Le diplôme national du brevet doit en effet permettre d’asseoir des indicateurs permettant des comparaisons fondées entre ces établissements. Cela suppose que le ministère de l’Éducation nationale clarifie les objectifs du collège, et surtout, mette beaucoup plus l’accent qu’il ne l’a fait ces dernières décennies sur le brevet, ce qui serait de nature à favoriser la réussite d’un collège rénové. Il faut suivre l’évolution des acquis de l’ensemble des élèves en fin de scolarité obligatoire. Cela implique d’améliorer et de rendre comparables des évaluations-bilans à ce moment clef de la formation initiale, et ceci en s’appuyant sur l’expérience déjà acquise. La France bénéficie d’une longue tradition des évaluations-bilans en fin de collège, mais celles-ci ne permettent pas vraiment d’apprécier l’évolution dans le temps du niveau des élèves. – en distinguant de façon radicale les évaluations-bilans et les évaluations-diagnostics – particulièrement développées dans le système éducatif français – dont les finalités sont distinctes : les évaluations-diagnostics ont pour objectif de connaître les acquis d’un élève ou d’une classe, à différents moments, afin de mettre en place des mesures pédagogiques adaptées, alors que les évaluations-bilans visent à recueillir des informations d’ensemble sur les acquis des élèves à partir d’un échantillon représentatif, en vue d’établir un bilan, d’étudier une évolution, etc. ; Le système éducatif français dispose, en matière d’évaluations-bilans, d’un matériau important – beaucoup plus important que dans la plupart des autres pays. Il a été publié sous des formes et à des degrés de détail divers selon les enquêtes et les années. Il est fondé sur les résultats à des épreuves standardisées d’échantillons représentatifs d’élèves, et apporte de nombreux éclairages sur ce que savent les élèves en fin de troisième, sans permettre cependant de répondre de façon totalement satisfaisante et complète à la question de savoir ce qu’a été l’évolution des compétences des élèves en fin de scolarité obligatoire au cours des dernières décennies. – en réalisant à périodicité régulière des évaluations-bilans et en alternant, au fil des périodes, les champs de connaissances et de compétences évaluées, de façon à pouvoir suivre l’évolution de chacun d’entre eux, sans mettre en place des dispositifs trop lourds ; La méthode employée consiste principalement à évaluer les acquis correspondant aux objectifs 3 Avis du HCéé N° 2 – Juin 2001 bles aux acteurs et aux responsables du système éducatif, ainsi qu’à l’opinion. – en renforçant la fiabilité de la mesure, par un usage plus grand de la psychométrie et par un souci beaucoup plus marqué de la comparabilité temporelle dans la construction des épreuves, et par une meilleure maîtrise des conditions de passation de ces épreuves ; nnn Il ne faut pas se dissimuler que la mise en œuvre d’un programme aussi ambitieux et le respect des exigences évoquées impliquent de renforcer très sensiblement les moyens que le système éducatif français consacre aujourd’hui à son dispositif d’évaluation. C’est ce que font la plupart des pays étrangers comparables au nôtre n – en envisageant des évaluations assises sur les compétences de base nécessaires dans notre société ; – en améliorant la présentation de leurs résultats, qui doivent être rendus plus compréhensi- Cet avis est le deuxième que rend le Haut Conseil de l’évaluation de l’école, qui s’est déjà exprimé en mars dernier sur « l’effet de la réduction de la taille des classes sur les progrès des élèves ». Trois nouveaux sujets sont actuellement au programme de travail du Haut Conseil et devraient donner lieu à un avis au cours des mois à venir : – les forces et les faiblesses de l’évaluation du système éducatif français ; – les évaluations des lycées et les usages de ces évaluations ; – l’évaluation des enseignements universitaires. Les avis et les rapports établis à la demande du Haut Conseil sont disponibles sur son site Web. Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école est une instance indépendante créée par Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale, afin de renforcer et de réorganiser un puissant pôle d’évaluation du système éducatif français. Il est composé de 35 membres nommés pour une durée de trois ans : élus nationaux et territoriaux ; personnels de l’éducation nationale, parents d’élèves, lycéens, étudiants ; salariés et employeurs ; personnalités françaises et étrangères reconnues pour leurs compétences dans le domaine de l’évaluation du système éducatif. Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Claude THÉLOT Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 14 Fax : 01 55 55 77 62 Adresse du site du HCéé : http://cisad.adc.education.fr/hcee ISSN en cours Conception et impression – DPD/BED 4 Avis du HCéé N° 2 – Juin 2001 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE LES FORCES ET LES FAIBLESSES DE L’ÉVALUATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF FRANÇAIS L ’appréciation des forces et des faiblesses de l’évaluation du système éducatif français peut être considérée comme la tâche permanente du Haut Conseil de l’évaluation de l’école. C’est pourquoi, il lui a paru important, dès sa création, d’esquisser un premier tableau général de ces forces et faiblesses, tableau qui se précisera chaque fois qu’il abordera des thèmes nouveaux et qui devrait évoluer en fonction des échos que rencontreront ses recommandations. Pour étayer son premier avis sur ce sujet d’ensemble, le Haut Conseil a demandé un rapport de synthèse à Claude PAIR, rapport public qui peut être consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». En France, des pratiques diversifiées d’évaluation de l’École sont aujourd’hui largement développées. Les deux formes principales d’évaluation que connaît traditionnellement le système éducatif sont la notation des élèves et l’évaluation individuelle des prestations professionnelles des personnels. Leur validité est certainement discutable et elles n’ont jamais fait l’objet, ellesmêmes, d’une véritable évaluation. Le système éducatif français a préféré, plutôt qu’améliorer ces deux formes traditionnelles, les compléter par des travaux et des outils nouveaux. Les pratiques d’évaluation – et la diffusion des résultats des évaluations – ont ainsi connu un développement important au cours des deux dernières décennies. Aujourd’hui, le système éducatif français présente, relativement à la plupart des systèmes éducatifs étrangers et par rapport aux autres services publics nationaux, une image favorable quant à la variété et à la qualité des évaluations qui y sont conduites. Certains outils ou réalisations y connaissent des développements particuliers, voire originaux, comme les évaluations diagnostiques « de masse » des acquis des élèves, organisées à plusieurs moments clefs de la scolarité, ou les indicateurs de performance des lycées fondés sur une appréciation de la « valeur ajoutée » de ces établissements. Il est vrai Avis du HCéé N° 3 – Octobre 2001 la recherche d’une amélioration de la qualité de ces dispositifs. Il est indispensable de mettre l’accent – et de faire porter les efforts – sur ces conditions. que, dans ce dernier cas, l’appréciation est imparfaite du fait de l’absence d’évaluation des progrès des lycéens. Le coût de l’ensemble de ces travaux d’évaluation devrait être connu et diffusé et le Haut Conseil souhaite qu’il soit apprécié de façon plus fine et plus exhaustive qu’il l’a été jusqu’ici. Promouvoir un meilleur usage des dispositifs existant pour évaluer les politiques conduites et pour piloter le système éducatif à tous les niveaux - national, académique et local - suppose, de la part des évaluateurs, un effort important de communication, de diffusion et de vulgarisation de leurs travaux, de leurs outils et de leurs résultats, et, de la part des responsables et des acteurs, une réelle volonté d’intégrer ces outils et ces résultats dans les processus de régulation du système. Ceci dit, l’évaluation du système éducatif français se présente sous la forme d’un foisonnement de travaux et de dispositifs variés qui se sont ajoutés les uns aux autres, sans constituer véritablement un ensemble organisé et cohérent qui permette de répondre, à la fois et à tous les niveaux, aux deux objectifs de l’évaluation : rendre compte aux citoyens et aux « usagers » de l’état du système éducatif, et donner aux responsables et aux acteurs les moyens d’une régulation et d’un pilotage. Pour encourager cet usage, un effort important en moyens tant humains que matériels est indispensable. Pour ce faire, le Haut Conseil recommande, indépendamment de ce qu’il conclura des thèmes qu’il inscrit à son programme de travail (cf. ci-dessous) : La question majeure, aujourd’hui, est celle du très faible usage de ces évaluations. – que la publication des résultats des travaux et la mise à disposition des outils d’évaluation soient systématiquement accompagnées, d’une part, par des informations qui permettent aux responsables et aux acteurs d’en débattre et de se les approprier et, d’autre part, d’une formation qui leur en facilite l’usage ; La variété des dispositifs en place et la richesse de leurs résultats contrastent avec la faiblesse de leurs usages. A part la notation des élèves qui intervient très fortement, en particulier dans la certification et l’orientation et qui mériterait d’être améliorée, les diverses évaluations sont effet très peu utilisées. Deux exemples de dispositifs dont la nature et les promoteurs sont différents l’illustrent. L’évaluation des personnels, qui mobilise une part importante de la force de travail des corps d’inspection et qui n’est ni assez homogène ni fondée sur les résultats, ne sert guère qu’à la notation « statutaire » de ces personnels et débouche rarement sur des infléchissements de leurs pratiques. Les indicateurs de performance des lycées, régulièrement rendus publics depuis huit ans, n’ont pas encore été utilisés comme point d’appui pour développer un processus de régulation du fonctionnement de ces établissements. – que soit régulièrement établies des synthèses de l’état de la connaissance dans des termes tels qu’elles soient réellement utiles aux responsables et aux acteurs du système éducatif ; – que toute politique ou toute mesure nouvelle envisagée dans le système éducatif soit explicitement articulée avec un ou des dispositifs d’évaluation, et que ses conditions de mise en œuvre précisent l’usage qui doit être fait de ces dispositifs, notamment de ceux existant déjà ; – qu’une formation professionnelle ciblée des enseignants soit développée dans tous les IUFM et en formation continue, notamment sur la question spécifique de la notation et de l’évaluation des élèves. C’est pourquoi le Haut conseil considère que la création des conditions propres à permettre le développement des usages des dispositifs d’évaluation actuels est aujourd’hui un enjeu au moins aussi décisif, en termes de progrès, que En tout état de cause, seul leur usage effectif, permettra aux dispositifs d’évaluation, quels que soient leurs concepteurs, d’être améliorés 2 Avis du HCéé N° 3 – Octobre 2001 et de constituer progressivement un ensemble cohérent au service du pilotage du système. Il faut multiplier les travaux d’évaluation du système éducatif, accroître le nombre et la diversité des lieux où ils peuvent être réalisés. Le dispositif d’évaluation lui-même a des points faibles qui constituent autant de marges de progrès à explorer. Le Haut Conseil ne peut qu’approuver et soutenir la volonté ministérielle clairement affichée de confirmer et renforcer un puissant « pôle d’évaluation » au sein du ministère de l’Éducation nationale. La proximité d’un tel pôle avec les lieux où se décide et se réalise à tous les niveaux l’action éducative est certainement un facteur qui doit favoriser le développement des usages effectifs des travaux réalisés et une bonne adéquation de ceux-ci aux questions que le système éducatif doit résoudre. Tout d’abord, dans le légitime souci de rendre compte, qui constitue l’un des objectifs de l’évaluation, le ministère de l’Éducation nationale a engagé un effort important – et positif – pour apprécier et faire connaître les résultats du système éducatif et de ses composantes. Le fait que ces travaux restent trop peu utilisés pour la régulation et le pilotage tient, pour une part, à ce qu’ils éclairent sur les résultats, mais pas encore – ou tout au moins pas encore assez – sur les processus qui conduisent à ces résultats, processus dont la connaissance et l’analyse sont indispensables pour réguler et agir. L’exemple de l’évaluation des lycées, déjà évoqué plus haut, illustre bien ce constat. Encore faut-il que l’on veille à organiser et exploiter des synergies entre les différentes instances qui, d’une façon ou d’une autre, y contribuent : corps d’inspection, direction de la programmation et du développement, rectorats et organismes tels le Comité national d’évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Au-delà de cette appréciation générale, et sans qu’il soit question ici de prétendre à l’exhaustivité, le Haut Conseil estime que parmi les marges à explorer figurent la question de l’évaluation des pratiques éducatives, pédagogiques ou non, ainsi que celle de l’évaluation des établissements scolaires qui est beaucoup moins abordée en France qu’à l’étranger. L’une et l’autre devraient permettre de mieux apprécier le fonctionnement du système éducatif au plus près des élèves, c’est-à-dire dans les établissements et les classes, là où l’enjeu d’une régulation efficace est le plus essentiel. De ce point de vue, les évaluations des académies qui sont en cours actuellement, et pour lesquelles une approche des inspections générales prend notamment appui sur des données issues des travaux et des dispositifs de la direction de la programmation et du développement, semblent au Haut Conseil une amorce intéressante d’une telle synergie ; ceci d’autant plus que la démarche de contractualisation engagée avec les académies devrait s’articuler avec ces évaluations. Pour sa part, le Haut Conseil se propose de faire un point plus poussé sur certaines de ces questions dont il précisera le contenu au cours des mois qui viennent : Mais il semble également au Haut Conseil qu’il serait souhaitable que d’autres « pôles », de toute nature – universitaires, administratifs ou privés – développent des travaux d’évaluation du système éducatif qui viendraient compléter et conforter ceux conduits au sein du ministère ou à sa périphérie. Ce sont la multiplication de tels travaux, leur confrontation et leur mise en perspective qui permettront, de façon relativement assurée, d’une part, un compte rendu du fonctionnement et des résultats du système éducatif aux « usagers » de l’école et à l’opinion, et, – celle de l’évaluation des lycées ; – celle de l’évaluation des enseignements universitaires ; – celle de l’évaluation des pratiques éducatives ; – celle de l’évaluation des enseignants du premier et du second degrés ; – et celle de l’évaluation des acquis des étudiants. 3 Avis du HCéé N° 3 – Octobre 2001 périphérie, et en dédiant des moyens particuliers à l’animation des dispositifs d’évaluation et aux formations qui doivent les accompagner. d’autre part, une régulation et une amélioration du fonctionnement de ce système. nnn Ensuite, en suscitant le développement de nouveaux pôles d’évaluation et la multiplication des travaux, par exemple grâce à des appels à projets. Promouvoir un usage plus intensif et efficace des évaluations et développer la qualité et la variété de celles-ci à hauteur des besoins impliquent des moyens importants dans plusieurs domaines. Enfin, en favorisant la confrontation et la capitalisation des travaux des uns et des autres, ce à quoi le Haut Conseil s’efforce, pour sa part, de contribuer n Tout d’abord, en renforçant les structures en charge de l’évaluation au sein du ministère et à sa LES AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE Ce troisième avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école, de portée générale, fait suite aux deux avis rendus précédemment sur « l’effet de la réduction de la taille des classes sur les progrès des élèves » (mars 2001) et sur « l’appréciation et la certification des acquis des élèves en fin de collège : diplôme et évaluations-bilans» (juin 2001). Le premier rapport annuel du Haut Conseil de l’évaluation de l’école vient d’être remis au Ministre de l’éducation nationale. Comme tous les avis du Haut Conseil et les rapports qui ont été établis à sa demande, il est public et disponible sur le site http://cisad.adc.education.fr/hcee Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Claude THÉLOT Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 14 Fax : 01 55 55 77 62 Adresse du site du HCéé : http://cisad.adc.education.fr/hcee ISSN en cours Conception et impression – DPD/BED 4 Avis du HCéé N° 3 – Octobre 2001 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE L’ÉVALUATION DES LYCÉES É valuer les établissements scolaires est, par rapport à ce qui se pratique dans nombre de pays comparables, une préoccupation relativement récente en France. C’est pourtant un domaine qui fait l’objet d’une forte demande de la part des usagers de l’École. Ce sont, en effet, la fréquentation d’un établissement et l’appréciation – fondée ou non – du fonctionnement et des résultats de celui-ci, qui donnent un contenu concret à leur opinion sur le système éducatif. C’est, par ailleurs, dans les établissements, que se joue la plus ou moins grande qualité de l’acte éducatif. Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a donc souhaité faire un point sur l’état des travaux d’évaluation et de leur usage à ce sujet. Il l’a fait en envisageant l’évaluation des lycées. Pour étayer ses discussions sur cette question, le Haut Conseil a demandé un rapport de synthèse à Pierre DASTÉ, rapport public qui peut être consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». De nombreux travaux ont été développés ces dernières années, mais une démarche d’évaluation mieux coordonnée et plus globale doit être renforcée. Dans l’état actuel des choses, de nombreuses approches de la question ont été effectuées depuis un peu plus d’une dizaine d’années par différentes instances du ministère de l’Éducation nationale, voire par les collectivités territoriales. Les inspections générales ont conduit les opérations dites des « 100 lycées » d’enseignement général et technologique, d’une part, des « 100 lycées » professionnels, d’autre part ; l’Inspection Générale de l’Administration de l’Education Nationale et de la Recherche réalise un suivi permanent des établissements publics locaux d’enseignement ; l’évaluation des enseignements dans les académies, initiée il y a maintenant deux ans, fait une large place aux établissements. Dans l’académie de Lille, des audits de tous les établissements du second degré ont été effectués sur l’initiative d’un recteur Avis du HCéé N° 4 – Janvier 2002 à l’encontre d’une idéologie largement partagée par les acteurs du système éducatif. et, en Ile de France, une évaluation de la polyvalence des lycées a été tentée. La DEP, puis la DPD, ont mis au point et publient depuis huit ans des indicateurs de performance des lycées d’enseignement général et technologique et des lycées professionnels, fondés sur le déroulement des scolarités et les résultats au baccalauréat de leurs élèves. Ces indicateurs sont exprimés en termes de « valeur ajoutée » de l’établissement. Ils commencent à faire l’objet d’un suivi et d’une exploitation diachronique et ils sont complétés par un ensemble d’indicateurs de pilotage fournis aux établissements. Des rectorats développent parallèlement – et parfois concurremment – de tels dispositifs d’indicateurs. Or, pour accroître l’efficacité d’ensemble du système éducatif et lui assurer un fonctionnement plus équitable, il faut se donner les moyens de rendre équivalente – et la meilleure possible – la qualité du service offert par chaque lycée, c’est-à-dire de faire en sorte que tous fassent progresser tous leurs élèves, et ceci quels que soient le contexte, le niveau d’entrée et les caractéristiques de leurs élèves et les formations qu’ils offrent. Il faut pour cela, dépasser le constat des différences pour avancer des hypothèses d’interprétation et dégager des pistes d’amélioration. Un ensemble de données, d’indicateurs et d’éléments pertinents sur les établissements a ainsi été constitué. Leur élaboration a été l’occasion d’avancées intéressantes, comme la notion et la mise au point d’indicateurs de « valeur ajoutée », mais ils seraient améliorés si l’on pouvait tenir compte du niveau des élèves lorsqu’ils entrent dans un lycée et mesurer leurs progrès au cours de la scolarité dans celui-ci. Par ailleurs, il serait souhaitable de mieux prendre en compte tous les éléments du fonctionnement et tous les objectifs assignés aux lycées : les enseignements, la vie scolaire, l’apprentissage de la citoyenneté, l’orientation, l’insertion, etc.. L’évaluation des lycées doit donc s’appuyer sur des éléments de comparaison qui constituent un stimulant indispensable, et sur des données plus spécifiques, propres au projet et à l’environnement de chaque établissement. Elle doit s’inscrire dans une procédure précise. Le Haut Conseil propose que cette procédure : w fasse appel à une équipe extérieure à l’établissement ; w prenne appui, d’une part, sur les données et indicateurs existant actuellement, étant précisé que ceux-ci doivent évoluer dans le sens évoqué plus haut, et, d’autre part, sur des éléments complémentaires recueillis sur la base d’une grille d’analyse à définir ; De nombreux travaux existent donc, des outils sont disponibles, mais une démarche cohérente et coordonnée qui s’appuierait sur ces outils et ces travaux pour promouvoir une évaluation effective globale de chaque lycée est absente. Cette démarche, qui devrait impliquer une auto-évaluation, mais ne pas s’y limiter, est encore à mettre en place. Le Haut Conseil doit, une fois de plus, déplorer, sur ce sujet, la faible coordination des travaux, l’absence de capitalisation de leurs résultats, et la modestie, pour ne pas dire l’inexistence, de leurs usages, en particulier dans les établissements eux-mêmes. w comporte une auto-évaluation pratiquée par l’établissement ; w donne lieu à débat avec l’équipe éducative et au Conseil d’administration ; w se traduise par un rapport public. Cette procédure d’évaluation devrait se prolonger obligatoirement par un programme d’actions élaboré par le lycée et les autorités de tutelle, et qui les engagerait. Une démarche effective d’évaluation des lycées doit apprécier correctement leur environnement, leurs ressources, leur fonctionnement et leurs résultats, et déboucher sur des actions d’amélioration. Ce programme d’actions devrait, d’une part, être intégré au projet d’établissement prévu par la loi et, d’autre part, être un élément pris en compte pour établir ou infléchir la lettre de mission du chef d’établissement. Tous les lycées n’offrent pas, de fait, la même qualité de service. Si chacun l’admet en privé, le reconnaître officiellement va encore souvent 2 Avis du HCéé N° 4 – Janvier 2002 dont feraient partie les indicateurs de performance, une grille d’analyse qualitative, une liste minimale de documents à consulter, de personnes ou d’instances à rencontrer, etc. ; Le Haut Conseil insiste sur la nécessité de donner à cette démarche un caractère public et ceci pour plusieurs raisons. Si le service public luimême ne fournit pas d’éléments d’évaluation, le marché le fera, et le fera sur des critères qui tendront plus à la promotion de certains lycées qu’à l’amélioration de tous ; publier, c’est ainsi contribuer à la réduction des inégalités. La transparence constitue pour le système – et pour un lycée – une forte incitation à agir ; publier, c’est se donner des atouts pour que l’on tire parti des évaluations, c’est augmenter les chances qu’elles débouchent effectivement sur des programmes d’actions. w des mesures à développer pour permettre aux acteurs des lycées de pratiquer une auto-évaluation effective. C’est au niveau académique que doit être animé le dispositif d’évaluation des lycées. Rendre opérationnelle l’évaluation de plus de 4 000 lycées publics et privés sous contrat ne saurait se réaliser du seul niveau national. C’est au niveau académique que l’on peut effectivement organiser la démarche d’évaluation des lycées, constituer les équipes, combiner et capitaliser les résultats des évaluations. Mettre en place une telle démarche suppose une volonté politique nationale tenace. Une telle démarche, que le Haut Conseil appelle de ses vœux, ne peut être initiée, puis pérennisée, qu’à condition que les responsables politiques nationaux en fassent une obligation pour les lycées et leurs autorités de tutelle. Ceci implique qu’une politique nationale soutienne l’exécution et la réussite des programmes d’actions destinés à remédier aux problèmes constatés à l’occasion de l’évaluation de chaque lycée. Si tel n’était pas le cas le caractère public de ces évaluations risquerait d’accentuer les disparités entre établissements. C’est aussi au niveau académique que l’on peut organiser l’aide et la formation qui permettent à chaque établissement de procéder à son autoévaluation, d’interpréter les évaluations, et de contribuer à l’élaboration de son programme d’actions. C’est ensuite, toujours à ce même niveau académique, que l’on est le mieux à même d’organiser la diffusion et la publication des évaluations des lycées et des programmes d’actions qui en seront issus. C’est également ce même niveau académique qui est déterminant pour promouvoir ces programmes d’action et veiller à leur mise en œuvre. Sur un plan plus technique, les instances nationales du ministère doivent, quant à elles, définir la méthode. Il devrait s’agir : Enfin, c’est au niveau académique que l’on peut, en tenant compte de l’environnement et des contraintes, dégager des priorités : quels lycées aider en priorité ? quelles actions mettre en œuvre ? quelles conséquences tirer en matière d’attribution de moyens ? faut-il envisager de revoir les structures de certains lycées, leurs aires de recrutement ? faut-il repenser la politique d’orientation ? etc.. w du déroulement et du rythme de la procédure ; w de la composition de l’équipe extérieure qui devrait comprendre des inspecteurs, des responsables et des enseignants d’autres établissements, et éventuellement d’autres académies, mais aussi des personnes extérieures à l’enseignement scolaire (universitaires, responsables ou salariés d’entreprises, parents, etc.), ainsi que des représentants des collectivités territoriales ; nnn Il semble au Haut Conseil que cette évaluation des lycées, suivie d’une programmation d’actions, devrait devenir une pratique aussi « naturelle » que la préparation de la rentrée pour le système éducatif. Elle permettrait de w des outils qui devraient contribuer à nourrir le travail de l’équipe et le débat avec l’établissement : par exemple, un noyau d’indicateurs 3 Avis du HCéé N° 4 – Janvier 2002 concrétiser ce qui est une obligation légale prévue (article 18 de la loi d’orientation de 1989) et qui n’est pas satisfaite actuellement. Cefaisant, cette démarche contribuerait gran- dement à l’amélioration de l’efficacité et de l’équité de l’éducation dispensée par les lycées d’enseignement général et technologique et par les lycées professionnels.n LES AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE Ce quatrième avis du Haut Conseil de l'évaluation de l'école marque le début de la deuxième année d'existence de cet organisme qui vient de remettre son premier rapport annuel au Ministre de l'éducation nationale. Quatre sujets sont actuellement inscrits à son programme de travail et devraient faire l'objet d'un avis au cours de l'année : – l'évaluation des enseignements universitaires ; – l'évaluation des enseignants des premier et second degrés ; – l'évaluation des acquis des étudiants ; – l'évaluation des pratiques éducatives. L'ensemble des avis du Haut Conseil et des rapports établis à sa demande sont disponibles sur son site : http://cisad.adc.education.fr Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Claude THÉLOT Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 14 Fax : 01 55 55 77 62 Adresse du site du HCéé : http://cisad.adc.education.fr/hcee ISSN en cours Conception et impression – DPD/BED 4 Avis du HCéé N° 4 – Janvier 2002 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE L’ÉVALUATION DES ENSEIGNEMENTS À L’UNIVERSITÉ A près avoir traité trois sujets touchant à l’enseignement scolaire et effectué une première synthèse sur les forces et faiblesses de l’évaluation du système éducatif français, le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a décidé d’aborder l’état de l’évaluation dans l’enseignement supérieur en envisageant l’évaluation des enseignements à l’université. Pour étayer ses discussions sur cette question, le Haut Conseil a demandé un rapport à Jacques D EJEAN, rapport public qui peut être consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». L’évaluation des enseignements à l’université est rare. Lorsqu’elle existe, elle n’est pas soutenue. Une telle évaluation est pourtant prévue par un arrêté de 1997 qui lui assigne deux objectifs : permettre à chaque enseignant de prendre connaissance de l’appréciation des étudiants sur les aspects pédagogiques de son enseignement et permettre une appréciation de l’organisation des études dans chaque cursus de formation. L’arrêté précise que la procédure de cette évaluation sera garantie par une instruction ministérielle et sera mise en place dès la rentrée universitaire 1997-1998. Il envisage certains aspects de cette procédure en disposant notamment que cette évaluation prend en compte l’appréciation des étudiants. Des réalisations intéressantes ont pu être mises en place, mais elles restent très souvent informelles, partielles et confidentielles. Elles ne sont pas connues, ou très peu, y compris dans l’université où elles se déroulent. Il n’en existe aucun recensement, ni diffusion, ni évaluation et il est possible qu’elles aient connu un reflux ces dernières années, à la fois parce qu’elles n’ont pas été suivies d’effets visibles, et parce qu’elles n’ont fait l’objet d’aucune impulsion politique ou administrative. L’instruction ministérielle prévue par l’arrêté de 1997 n’a jamais Avis du HCéé N° 5 – Mars 2002 été prise et l’existence d’une procédure d’évaluation des enseignements ne joue aucun rôle dans les relations entre les universités et le ministère. La responsabilité de celui-ci, en particulier de son administration centrale, dans cette situation est donc grande. Tout cela se traduit par une réflexion insuffisante sur l’évaluation des enseignements, ce qui ne permet pas la constitution de compétences, et par une relative pauvreté des outils et pratiques qui sont mis en place. Le Haut Conseil estime indispensable de remédier à cette situation, pour deux raisons au moins. La première concerne la politique éducative : l’amélioration des enseignements universitaires constitue un enjeu essentiel aujourd’hui si l’on veut voir croître la réussite des étudiants et la qualité des diplômés de l’enseignement supérieur. Les universités et leurs enseignants devraient être incités à s’en préoccuper alors que, depuis plusieurs années, la réussite des étudiants ne progresse guère et, qu’aujourd’hui, leurs effectifs stagnent, voire régressent, dans un conteste marqué par la concurrence européenne et par la concurrence de la formation continue. La seconde touche à la politique générale d’évaluation des services publics : il serait paradoxal, au moment où celle-ci se développe et s’étend, que le service public national d’enseignement supérieur reste à l’écart de ce mouvement. Enfin, lorsque des procédures d’évaluation ont été mises en place, elles s’apparentent plus souvent à une évaluation des formations qu’à une évaluation des enseignements proprement dite. L’une et l’autre sont certes peu dissociables, mais la première, qui concerne une filière ou un diplôme, est plus collective et, de ce fait, mieux acceptée que la seconde, qui risque de remettre en cause chaque enseignant dans sa pratique. Des obstacles importants et des enjeux mal perçus. De nombreux facteurs viennent contrecarrer le développement d’une évaluation des enseignements. On peut citer : la multiplication des tâches que doivent assurer les enseignants-chercheurs, le fait que leur formation et les critères du déroulement de leurs carrières font de l’enseignement une activité secondaire par rapport à la recherche, et la perte des repères traditionnels vis-à-vis des étudiants, dont le nombre a considérablement augmenté et qui sont animés par des projets professionnels très divers. La nécessité, à tous les niveaux, d’une volonté politique effective… Pour que ces enjeux soient effectivement perçus par tous les intéressés, il faut qu’une volonté politique ferme se manifeste d’abord au plus haut niveau. Elle est indispensable pour impulser un débat national qui puisse convaincre tous les intéressés que l’évaluation des enseignements ne s’oppose en rien à l’autonomie des établissements ou au statut des enseignants-chercheurs, mais constitue une nécessité professionnelle et est un gage d’efficacité. Cette volonté politique devrait également manifester que la qualité de l’enseignement, mission essentielle des universités, est déterminante. Pour les universitaires qui ont mis en place une évaluation des enseignements, l’absence de suites de celle-ci, que ce soit dans le domaine de l’aide, de la formation, voire de la carrière, risque de conduire au découragement. Les hésitations et la passivité de l’administration centrale qui n’a jamais cherché à lever les ambiguïtés de l’arrêté de 1997 ni à le mettre en application ont conforté les hésitants et encouragé les opposants. Par ailleurs, chaque université devrait, par un débat interne, préciser et rendre publiques les articulations qu’elle entend établir entre les différentes missions qui lui sont confiées. Ceci permettrait aux enseignants-chercheurs d’éviter d’avoir à faire individuellement les compromis nécessaires pour arbitrer entre un nombre croissant de tâches. Enfin, les enjeux d’une évaluation des enseignements sont trop peu perçus par les responsables politiques et les universitaires eux-mêmes, même quand ils sont sensibles au fait que l’Université doit assumer le double défi de la massification et de la diversification de ses missions. 2 Avis du HCéé N° 5 – Mars 2002 scientifique, culturel et professionnel, d’intégrer pleinement les évaluations des enseignements et des formations à ses évaluations des établissements ; …que des mesures concrètes doivent prolonger. Si une telle volonté politique est nécessaire, elle n’est certainement pas suffisante si l’on veut dépasser le stade du discours. en donnant aux universités qui mettent effectivement en œuvre une évaluation de leurs enseignements, les moyens d’en avoir un « retour » par des formations, des aides, ceci, en particulier, dans le cadre de la politique contractuelle ; u C’est pourquoi, le Haut Conseil propose qu’un ensemble de mesures vienne appuyer cette volonté politique et permette de la traduire en actes. en réfléchissant aux modalités par lesquelles l’évaluation des enseignements devrait avoir des conséquences sur la carrière des enseignants-chercheurs. Il conviendrait au moins d’encourager les universités à utiliser la part des promotions dont elles disposent au profit d’enseignants qui régulent et améliorent leur enseignement grâce à l’évaluation. u Ces mesures devraient d’abord encourager les expériences positives dont un certain nombre de responsables d’universités ou d’unités de formation et de recherche ont pris l’initiative, et en faire des points d’appui pour élaborer les grandes lignes d’une démarche d’évaluation et en proposer les outils : Elles devraient enfin comprendre un effort effectif de formation à l’enseignement des jeunes enseignants-chercheurs au moment où un nombre important de ceux-ci va être recruté pour remplacer les départs en retraite des années prochaines. u en recensant ces expériences, en les reconnaissant et en les valorisant par le biais d’une large publicité, et en soutenant les réseaux et les individus qui les promeuvent ; u en organisant leur mutualisation et en apportant à celles qui le souhaiteraient une assistance extérieure qui viendrait renforcer et conforter l’intervention essentielle des pairs et des étudiants ; nnn Il serait certainement vain, en la matière, de procéder par instruction générale. L’expérience en a déjà prouvé la vanité. En revanche, il semble au Haut Conseil qu’il est possible, en alliant volonté politique et mesures concrètes, de s’appuyer sur ce qui existe pour en démontrer le bien-fondé et l’intérêt, et l’étendre. u en proposant un cadre théorique et des outils (questionnaires, etc.) qui permettent de concrétiser l’intervention des pairs et des étudiants, mais aussi celle de tiers, que le débat national évoqué précédemment aura précisés. Elles devraient ensuite contribuer à leur donner du sens et une valeur importante : Cela suppose certainement une conviction commune, une large concertation et une action combinée du ministère de l’Éducation nationale, du Comité national d’évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, de la Conférence des Présidents d’Université et, bien sûr, des universités elles-mêmes. n en donnant systématiquement une place à l’évaluation des formations et à celle des enseignements, ainsi qu’à leurs résultats, dans les procédures d’habilitation et de contractualisation ; u u en demandant au Comité national d’évaluation des établissements publics à caractère 3 Avis du HCéé N° 5 – Mars 2002 LES AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’EVALUATION DE L’ÉCOLE. Cet avis, le cinquième rendu par le Haut Conseil de l’évaluation de l’école, est le premier à aborder l’état de l’évaluation dans l’enseignement supérieur. Parmi les thèmes que le Haut Conseil se propose de traiter au cours des prochains mois, figure un autre sujet touchant à cet enseignement : l’évaluation des acquis des étudiants. Par ailleurs le Haut Conseil traitera d’ici la fin de l’année 2002 de deux autres questions : l’évaluation des enseignants des premier et second degrés et l’évaluation des pratiques éducatives, également dans les premier et second degrés. Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école est une instance indépendante composée de 35 membres nommés pour une durée de trois ans : élus nationaux et territoriaux ; personnels de l’Éducation nationale, parents d’élèves, lycéens, étudiants ; salariés et employeurs ; personnalités françaises et étrangères reconnues pour leurs compétences dans le domaine de l’évaluation du système éducatif. Il établit un rapport annuel sur l’état de l’évaluation du système éducatif ; ses avis et ses recommandations sont rendus publics. Il intervient dans le débat public pour favoriser une évaluation objective de l’école. L’ensemble des avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école et des rapports établis à sa demande sont disponibles sur son site : http://cisad.adc.education.fr/hcee. Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Claude THÉLOT Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 14 Fax : 01 55 55 77 62 Adresse du site du HCéé : http://cisad.adc.education.fr/hcee ISSN en cours Conception et impression – DPD/BED 4 Avis du HCéé N° 5 – Mars 2002 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE L’ÉVALUATION DES ENSEIGNANTS DES PREMIER ET SECOND DEGRÉS. L e Haut Conseil de l’évaluation de l’école a inscrit à son programme de travail pour 2001-2002, deux sujets qui étaient a priori liés : l’évaluation des enseignants des premier et second degrés et l’évaluation des pratiques enseignantes, également dans les premier et second degrés. Les liens entre ces deux domaines se sont confirmés au fil des travaux et des discussions, et le Haut Conseil a pris le parti de rendre publics en même temps ses avis sur ces deux questions. Il a été d’autant plus incité à prendre ce parti que les rapports qu’il a fait établir pour nourrir ses réflexions sur ces deux sujets se sont avérés complémentaires. Il s’agit des rapports de messieurs Yves CHASSARD et Christian JEANBRAU sur « l’appréciation des enseignants des premier et second degrés » et de messieurs Alain ATTALI et Pascal BRESSOUX sur « l’évaluation des pratiques enseignantes dans les premier et second degrés ». Ces deux rapports – qui comme tous les rapports commandés par le Haut Conseil n’engagent pas celui-ci, mais contiennent les analyses et les propositions des rapporteurs – sont publics et peuvent être consultés sur le site Internet du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee, à la rubrique « publications ». L’évaluation des enseignants est une question difficile à examiner sereinement : elle touche à l’honneur des personnes (évaluateurs, comme évalués) et son abord est très souvent subjectif. Le Haut Conseil constate qu’il est difficile d’établir un diagnostic serein de cette question, pourtant essentielle, puisque les résultats d’un système éducatif sont largement liés aux compétences de ses personnels enseignants et aux conditions dans lesquelles ils les exercent. Avis du HCéé N° 6 – Janvier-Février 2003 Le dispositif actuel – qui est plus un dispositif d’inspection et de notation qu’un dispositif d’évaluation proprement dit – est souvent l’objet de critiques. Considéré comme peu équitable et peu efficace, il entraîne malaise, et parfois souffrance, chez les évalués et les évaluateurs. • Si un échange entre inspecteur et inspecté suit immédiatement l’inspection elle-même, le rapport qui est établi à l’issue de celle-ci parvient parfois très tard et ne fait pas l’objet d’une discussion contradictoire ; il peut en revanche être, comme la note, l’objet de contestations ; Le dispositif actuel n’est pas très juste car tous les personnels ne sont pas « traités » de la même manière, pour différentes raisons : • Le deuxième volet de l’évaluation des enseignants du second degré, c’est-à-dire l’appréciation par le chef d’établissement, est conduit de façon très diverse ; • Les critères d’évaluation précis ne sont pas toujours connus des évalués, et, lorsqu’ils le sont, ils sont définis au plan local, voire individuellement par chaque inspecteur ; • En tout état de cause, toute cette procédure n’incite pas à l’auto-évaluation ; • Les éléments que contiennent les rapports d’inspection font rarement l’objet d’une exploitation cumulative ou synthétique anonyme qui permettrait de s’interroger sur les pratiques et sur les conditions d’exercice du métier, de nourrir la formation initiale et continue, et pourrait constituer un élément de pilotage du système éducatif. • Les conditions des inspections sont différentes selon les lieux d’exercice, les corps, voire les inspecteurs ; • Les conditions de prise en compte des tâches autres que l’enseignement individuel devant élèves (et surtout de la qualité de ces tâches) ne sont pas homogènes ; Le dispositif actuel engendre malaise et parfois souffrance chez les évalués et les évaluateurs : • Les rythmes d’inspection sont dissemblables – et l’intervalle entre deux inspections peut être très long – notamment en raison des nombres respectifs d’inspecteurs et d’inspectés ; il semble que cet intervalle soit de l’ordre de 3/4 ans dans le premier degré et de 6/7 ans dans le second, ce qui, au moins dans ce dernier cas, est beaucoup trop long. • La rareté – et sans doute aussi la brièveté – des inspections en font des événements d’exception qui peuvent être difficiles à vivre et se traduire par une infantilisation des personnels ; • Ceux-ci peuvent se sentir personnellement remis en cause et n’y trouvent souvent, ni la reconnaissance de leur travail, ni l’aide qu’ils pourraient attendre d’une évaluation ; Ces différences et ce « flou » se traduisent par des injustices, car le dispositif de notation a des conséquences non négligeables sur la carrière et les rémunérations des enseignants. • Dans le second degré, l’évaluation annuelle par le chef d’établissement, plus proche des évalués que l’inspecteur, ne compense pas ces impressions ; le fait que cette évaluation soit parallèle à celle de l’inspection ne facilite pas la perception d’une identité professionnelle globale et cohérente ; Le dispositif actuel est peu efficace car il est de peu d’effet sur les pratiques individuelles et collectives des enseignants et ne débouche pas – ou tout au moins pas souvent – sur des éléments d’amélioration et de régulation du système éducatif : • L’inspection individuelle en classe risque de laisser de côté des pans de plus en plus importants de l’exercice du métier (activités interdisciplinaires, travail en équipe, activités dans et hors de l’école ou l’établissement, organisation et suivi des stages, aide à l’orientation des élèves, etc.), de même qu’elle ne permet pas d’évaluer la qualité du travail des enseignants qui n’exercent pas de fonctions enseignantes ; • Du côté des évaluateurs, le malaise existe aussi, surtout dans le second degré semble-t-il : ils vivent souvent les critiques à l’égard du dispositif comme des remises en cause personnelles de leur conscience, de leur dévouement et de leurs compétences professionnels ; • Les inspecteurs peuvent également ressentir une réelle frustration, étant donné que leurs 2 Avis du HCéé N° 6 – Janvier-Février 2002 inspections n’ont pas toujours de conséquences visibles sur les pratiques enseignantes ; – Reconnaître et valoriser l’effort et la réussite, c’est-à-dire l’atteinte des objectifs. • Les multiples tâches des inspecteurs ne contribuent pas à leur donner une identité professionnelle clairement perceptible, et pour limiter le malaise qu’engendre l’inspection ou l’évaluation individuelle des professeurs, certains sont tentés de privilégier leurs autres tâches au détriment des inspections. • Il faut poursuivre en même temps ces quatre objectifs, ce qui est possible, même si leur combinaison ne saurait être permanente. L’observation des pratiques des organisations en matière d’évaluation des personnels montre que celle-ci reste une science inexacte qui doit affronter plusieurs paradoxes : son objet est d’apprécier les prestations des personnels, mais aussi de développer leurs savoir-faire ; elle vise à améliorer la performance collective d’une organisation, mais le moyen qu’elle utilise pour atteindre ce but est le plus souvent l’évaluation de la performance individuelle. Nombre d’organisations sont ainsi conduites à remettre périodiquement en chantier leurs outils et leurs pratiques d’appréciation des personnels. Le Haut Conseil constate que des tentatives d’évolution, a priori intéressantes, telles les évaluations coordonnées organisées dans des collèges et des lycées, sont parfois perçues négativement par les personnels – et sans doute par certains évaluateurs – parce que les objectifs et les modalités n’en ont pas été rendus assez compréhensibles et visibles. Le dispositif actuel doit certainement être revu. Il doit l’être en respectant un certain nombre de principes et de contraintes. • Compte tenu des objectifs multiples de l’évaluation des personnels, il peut être utile que plusieurs évaluateurs interviennent, mais leurs interventions doivent être coordonnées, et les résultats doivent en être synthétisés. Il faut revoir le dispositif en tenant compte d’un ensemble de préalables, d’objectifs et de conditions. • Donner à l’évaluation des personnels une base plus objective exige que les outils et les procédures d’évaluation tiennent compte des identités professionnelles des évalués et des évaluateurs, ce qui suppose que les unes et les autres soient reconnues, donc connues. • L’évaluation des personnels doit être considérée comme une pratique normale. Elle est un élément constitutif du métier et sa qualité est un facteur important de la régulation du système. Elle doit tenir compte du « vécu », de la subjectivité – pour ne pas dire de la sensibilité – des évalués comme des évaluateurs. • Enfin il faut organiser une exploitation synthétique des résultats des évaluations individuelles des personnels pour éclairer les décisions contribuant au pilotage du système éducatif dans son ensemble. • L’évaluation des personnels a quatre objectifs : – Contrôler la qualité du système éducatif, et l’améliorer, c’est-à-dire favoriser l’atteinte de ses objectifs, notamment à travers les progrès et les comportements des élèves, et porter remède à ses points faibles ; Des évolutions sont indispensables à brève échéance. Il serait peu opportun – étant donné le caractère sensible de la question – de prétendre tracer les contours définitifs d’un dispositif d’évaluation des personnels enseignants des premier et second degrés. Cette prétention serait en outre inefficace puisqu’il est de bonne politique qu’une organisation se ré-interroge périodiquement sur les objectifs, les modalités et les outils d’évaluation de ses personnels. – Conseiller, guider, aider et permettre une réflexion individuelle et collective sur les pratiques enseignantes et leur efficacité au regard de cette qualité ; – Encourager et faciliter des parcours à la fois positifs et valorisants pour les personnes et utiles à l’atteinte des objectifs de l’École ; 3 Avis du HCéé N° 6 – Janvier-Février 2003 Des finalités et des modalités à revoir. C’est pourquoi le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a plutôt retenu des lignes d’évolution à partir desquelles des aménagements progressifs de la situation actuelle pourraient être mis en œuvre. • L’évaluation des personnels doit, sans s’y limiter, garder une finalité individuelle, mais celleci ne doit pas se traduire uniquement par des conséquences statutaires. Elle doit déboucher sur une véritable gestion des ressources humaines comprenant des préconisations en matière de formation, de mode d’exercice des fonctions enseignantes, et d’éventuelles évolutions vers d’autres fonctions au sein du service public d’éducation. Une nécessité : formaliser ce que sont aujourd’hui les fonctions enseignantes. Ces fonctions doivent rester structurées par l’enseignement dans la classe ou l’atelier. Les modalités de cet enseignement sont d’ailleurs très différentes selon les niveaux, les voies de formation (générale, technologique ou professionnelle), les établissements et les contextes, ce qui doit être pris en compte dans l’évaluation. Par ailleurs deux dimensions complémentaires devraient être précisées : • Il faut combiner des appréciations fondées sur des regards proches et des appréciations fondées sur des regards plus distanciés, ainsi que des appréciations relatives aux diverses activités exercées dans le cadre de la fonction enseignante. • Les indications pédagogiques et méthodologiques fournies aux enseignants pour les aider à aménager l’organisation des apprentissages – telles par exemple, les recommandations associées aux programmes, et, plus récemment, le livret « lire au CP » destiné aux maîtres de l’école primaire – constituent des « canevas », des « références » proposées aux enseignants ; la pertinence de leur utilisation doit être appréciée en fonction des différents contextes ; La « visite d’inspection » doit rester un élément central – ce qui est logique avec la conception des fonctions enseignantes rappelée plus haut. Il est indispensable de préciser, d’homogénéiser et de rendre publics les critères sur lesquels cette visite d’inspection repose. Par ailleurs, des visites plus fréquentes des inspecteurs – visites qui devraient ne pas se limiter à des inspections individuelles – rendraient l’exercice moins dramatique, aussi bien pour l’évalué que pour l’inspecteur. • D’autres activités – qui diffèrent selon les niveaux d’enseignement, les établissements et les contextes, et dont certaines supposent un travail d’équipe – sont associées à l’enseignement individuel en classe. Il faut les préciser et en définir éventuellement le degré d’obligation, afin qu’elles puissent également être prises en compte dans l’évaluation. En outre, d’autres regards doivent compléter celui de l’inspecteur, notamment celui du chef d’établissement – ce qui est le cas aujourd’hui dans le second degré – mais aussi celui du responsable des institutions de formation dans lesquelles l’enseignant intervient, voire celui de l’enseignant lui-même. Il pourrait également être utile que des regards croisés de collègues incitent à des échanges et à un retour critique sur les pratiques individuelles et collectives. Un intérêt : articuler l’évaluation des personnels et celle de leur école ou établissement d’exercice. Dans le second degré, l’appréciation des enseignants par le chef d’établissement doit être améliorée à court terme : en particulier ses critères doivent être précisés et un entretien systématique qui aurait lieu tous les deux ou trois ans devrait déboucher sur des recommandations. C’est certainement le moyen de bien prendre en compte – et de le faire de façon juste – toutes les dimensions individuelles et collectives des fonctions enseignantes, en situant l’évaluation de chacun dans le contexte de la mise en œuvre du projet, du « programme d’actions » d’une école ou d’un établissement1et de ses résultats, qui ne peuvent, en règle générale, être attribués à l’action d’un seul individu. 1. La proposition d’un tel programme d’actions a été faite par le Haut Conseil de l’évaluation de l’école dans son avis n°4 sur l’évaluation des lycées. Cet avis est disponible sur le site Internet http://cisad.adc.education.fr/hcee 4 Avis du HCéé N° 6 – Janvier-Février 2003 • L’inspecteur devrait synthétiser tous les trois ou quatre ans sa propre évaluation, celle du chef d’établissement et les autres éléments d’appréciation, en un rapport de synthèse qui ne se limiterait pas à une appréciation de l’activité professionnelle et à une note, mais devrait aussi comprendre des conseils en matière d’évolution des pratiques de formation et d’évolution professionnelle. Un des éléments contribuant à l’évaluation de l’école ou de l’établissement et à l’élaboration de son programme d’actions pourrait être un rapport sur les activités et les pratiques d’enseignement dans l’école ou l’établissement, rapport établi à partir d’une synthèse anonymée d’évaluations individuelles et de données de contexte. Un tel rapport devrait également permettre de déterminer des besoins de formation prioritaires. • Toute cette procédure doit être publique et le rapport de synthèse – qui doit, lui, rester confidentiel – devrait faire l’objet d’un droit à « réaction contradictoire » de l’enseignant, pouvant déboucher sur un entretien avec l’inspecteur et le cas échéant avec tout ou partie des autres évaluateurs, entretien à l’issue duquel le rapport, éventuellement amendé, deviendrait définitif et serait versé au dossier de l’enseignant conformément aux procédures statutaires. Une exploitation systématique – également anonyme – des rapports individuels et des rapports d’écoles et d’établissements permettrait par ailleurs d’infléchir les formations, les principes retenus pour la gestion des ressources humaines, ainsi que … les procédures d’évaluation ellesmêmes. nnn Le Haut Conseil est conscient que les propositions de cet avis, qui recherchent une amélioration immédiate des procédures d’évaluation des enseignants des premier et second degrés, sont loin d’épuiser la question. • Cette modalité d’évaluation mériterait d’être appliquée en priorité pour : – les nouveaux enseignants qu’il faut aider lors de leur prise de fonction et qui ne disposent que de peu d’éléments quant aux perspectives qui peuvent s’offrir à eux ; la première évaluation de leur carrière, à conduire au cours de leurs deux premières années d’exercice, ne doit pas du tout dépendre de la sanction de leur formation, mais être fonction de leur pratique professionnelle effective ; Pour que ses propositions soient réellement applicables et suivies d’effets, le Haut Conseil juge nécessaire de mieux connaître et évaluer les tâches des corps d’inspection, puis d’apprécier les conséquences de ces propositions sur les missions, la formation, le recrutement et les conditions de travail de ces corps d’inspection, lesquels devront sans doute être modifiés. – les enseignants qui sont confrontés à des difficultés particulières ; – les enseignants qui le demandent ; il conviendrait de faire suite à une telle demande dans les six mois qui la suivent. Cela lui paraît une priorité. Mais il estime, de plus, que l’encadrement par environ 3 000 inspecteurs des quelque 880 000 enseignants du premier et du second degrés est probablement insuffisant pour contribuer à une véritable politique d’évaluation des personnels. • Mais l’évaluation des personnels a aussi une finalité de pilotage, d’impulsion et de régulation des écoles et des établissements d’une part, du système éducatif dans son ensemble, d’autre part. Plus fondamentalement, il devient indispensable aujourd’hui de dégager les conditions nécessaires à l’instauration d’une vraie politique de gestion des ressources humaines dans notre système éducatif. 5 Avis du HCéé N° 6 – Janvier-Février 2003 LES AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a choisi de rendre public conjointement cet avis sur l’évaluation des enseignants du premier degré et du second degré et un avis sur l’évaluation des pratiques enseignantes dans les premier et second degrés. En effet, il a conduit parrallèlement ses réflexions sur ces deux domaines, en confirmant, au fil des travaux et des discussions, les liens qui les unissent. Le Haut Conseil traitera prochainement de l’évaluation des acquis des étudiants dans l’enseignement supérieur universitaire. Il a également inscrit trois autres thèmes à son programme de travail : – L’appréciation des compétences en lecture/écriture des élèves et des jeunes et de l’évolution dans le temps de ces compétences ; – Qu’évalue-t-on avec les épreuves des baccalauréats professionnels ? – L’évaluation de l’orientation à la fin du collège et du lycée. Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école est une instance indépendante composée de 35 membres nommés pour une durée de trois ans : élus nationaux et territoriaux ; représentants des acteurs du système éducatif ; personnalités françaises et étrangères reconnues pour leurs compétences dans le domaine de l’évaluation du système éducatif. L’ensemble des avis du Haut Conseil et des rapports établis à sa demande sont disponibles sur son site Internet : http://cisad.adc.education.fr/hcee Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Claude THÉLOT Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 14 Fax : 01 55 55 77 62 Courrier électronique : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DPD/BED 6 Avis du HCéé N° 6 – Janvier-Février 2003 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE L’ÉVALUATION DES PRATIQUES ENSEIGNANTES DANS LES PREMIER ET SECOND DEGRÉS L e Haut Conseil de l’évaluation de l’école a inscrit à son programme de travail pour 2001-2002, deux sujets qui étaient a priori liés : l’évaluation des enseignants des premier et second degrés et l’évaluation des pratiques enseignantes, également dans les premier et second degrés. Les liens entre ces deux domaines se sont confirmés au fil des travaux et des discussions, et le Haut Conseil a pris le parti de rendre publics en même temps ses avis sur ces deux questions. Ces deux rapports – qui comme tous les rapports commandés par le Haut Conseil n’engagent pas celui-ci, mais contiennent les analyses et les propositions des rapporteurs – sont publics et peuvent être consultés sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». Il a été d’autant plus incité à prendre ce parti que les rapports qu’il a fait établir pour nourrir ses réflexions sur ces deux sujets se sont avérés complémentaires. Il s’agit des rapports de messieurs Alain ATTALI et Pascal BRESSOUX sur « l’évaluation des pratiques enseignantes dans les premier et second degrés » et de messieurs Yves CHASSARD et Christian JEANBRAU sur « l’appréciation des enseignants des premier et second degrés ». Les pratiques enseignantes, entendues comme l’ensemble des activités par lesquelles les enseignants guident et font travailler les élèves qui leur sont confiés pour leur faire acquérir les savoirs, savoir-faire et savoir-être qui constituent les objectifs de l’École, sont actuellement très mal connues. On ne connaît pas assez bien les pratiques enseignantes effectives Les corps d’inspection réalisent des observations directes de ces pratiques, mais ces observations Avis du HCéé N° 7 – Janvier-Février 2003 ment : la gestion du temps, les retours d’information adressés aux élèves sous certaines formes, les échanges entre élèves et enseignants, ainsi que les échanges entre pairs chez les élèves, et les modalités d’évaluation (devoirs, contrôles, examens, ...) mises en œuvre par les enseignants. sont peu exploitées, sauf pour évaluer individuellement les personnels, et elles sont rarement synthétisées. Ces observations – auxquelles on a pu reprocher autrefois d’être surtout des contrôles de conformité – prennent aujourd’hui mieux en compte le fait que la construction des pratiques s’opère par le biais des relations avec les élèves et considèrent l’ensemble des activités de la classe et, plus largement, le contexte dans lequel exercent les enseignants. Mais ces travaux sont mal connus et sont très peu présents dans les formations. Ils souffrent, comme les observations des inspecteurs, de l’absence d’un cadre méthodologique qui permette, d’une part, de comparer systématiquement et de conforter leurs résultats et, d’autre part, d’en tirer des recommandations propres à nourrir les réflexions et les pratiques des enseignants et à fonder des critères pour l’évaluation et la régulation de ces pratiques. Elles ne sont certainement pas sans incidence sur les pratiques. Mais l’absence d’un cadre méthodologique qui homogénéise ces observations rend l’exercice difficile et variable d’un inspecteur à l’autre, ceci d’autant plus qu’il n’est pas toujours aisé de faire la part, dans ce qui est observé, de pratiques intuitives de l’enseignant dans lesquelles s’exprime sa personnalité et des pratiques qu’il élabore et met en œuvre à partir de ses savoirs professionnels. Il faut développer et capitaliser les observations des pratiques, les études et les recherches permettant d’en apprécier l’efficacité au regard des progrès et des comportements des élèves Or, les observations plus systématiques et plus normalisées qui ont pu être faites, non pas dans le cadre d’inspections mais dans celui de travaux d’études, notamment quant à la gestion du temps effectif d’enseignement proposé aux élèves, font ressortir une grande variabilité des pratiques réelles, tout au moins de certaines d’entre elles, difficile à percevoir et à apprécier lors de trop rares visites d’inspection. Cette grande variabilité résulte du fait que les enseignants ont une réelle marge de manœuvre et doivent faire face à une grande variété de situations. Le développement de ces observations et de ces recherches est une nécessité. Il suppose des contributions de la communauté scientifique, des corps d’encadrement, ainsi que des enseignants eux-mêmes, contributions dont il faut organiser la cohérence et la cumulativité. Pour ce faire, il faut envisager la création progressive d’un « instrument de référence pour l’observation des pratiques enseignantes », qui permettrait à tous les professionnels et à tous les chercheurs de parler le même langage et de présenter leurs observations et leurs résultats de recherche de façon homogène afin d’en permettre la confrontation et la synthèse. On ne connaît pas assez bien l’effet des pratiques sur les progrès et les comportements des élèves Si l’on connaît mal les pratiques enseignantes, on sait qu’elles ont des effets substantiels sur les progrès des élèves. On le sait d’ailleurs surtout grâce à des travaux anglo-saxons car il y a trop peu de travaux sur l’efficacité des pratiques éducatives en France. Cet instrument, élaboré et perfectionné progressivement, devrait constituer un outil structurant pour l’élaboration de grilles d’inspection et d’observation des pratiques destinées aux corps d’inspection. Il devrait par ailleurs s’imposer comme cadre méthodologique, d’une part, aux rapports de synthèse sur les activités et les pratiques d’enseignement que le Haut Conseil a recommandés dans son avis sur l’évaluation des enseignants des premier et second degrés et, d’autre part, aux travaux de recherches sur les pratiques éducatives dans différents contextes. Ces travaux ne débouchent pas sur un modèle universel de « bonnes pratiques », mais mettent en lumière un certain nombre de paramètres qui semblent se révéler comme des éléments essentiels de l’efficacité des pratiques pédagogiques, éléments parmi lesquels on peut citer notam2 Avis du HCéé N° 7 – Janvier-Février 2003 La synthèse et la diffusion de ces résultats auprès des enseignants, des inspecteurs, des chefs d’établissement et des formateurs, leur utilisation plus systématique lors des évaluations des enseignants et leur analyse lors des formations doivent être réalisées au plus tôt. Ces travaux doivent évidemment viser à éclairer les liens entre toutes les pratiques enseignantes et les progrès de tous les élèves. Ils ne doivent pas se limiter à l’appréciation de pratiques considérées, à un instant donné, comme innovantes ou à celle de dispositifs particuliers, mais aborder l’ensemble des pratiques enseignantes dans les différents contextes de la scolarisation. Ils doivent aussi envisager d’autres questions : quels sont les facteurs qui contribuent à ce que les enseignants recourent à telle ou telle pratique ? Quels sont ceux qui empêchent ou freinent l’adoption de pratiques nouvelles ou plus efficaces ? Quels pourraient être les apports de pratiques éducatives élaborées ailleurs que dans le système scolaire ? etc. Mais il semble au Haut Conseil qu’il faut aller au-delà de l’information et de l’organisation d’échanges. Les observations et les résultats disponibles aujourd’hui permettent déjà de dégager des recommandations et des guides pour l’action, et de proposer des repères susceptibles d’aider à organiser plus efficacement le déroulement des activités en classe. L’élaboration d’un instrument de référence pour l’observation des pratiques ne saurait constituer une condition préalable au développement des recherches sur les pratiques enseignantes, mais elle est indispensable pour que ces recherches aient un caractère cumulatif et permettent de dégager des éléments qui contribuent à la professionnalisation des personnels et au pilotage du système éducatif. Il faut que les enseignants puissent connaître ces recommandations et ces guides d’action, apprendre à utiliser ces repères au cours des formations initiale et continue. On pourrait les inciter à les utiliser en leur fournissant, par exemple, des canevas de progressions pédagogiques qu’ils puissent adapter à la diversité des publics qui leur sont confiés et à partir desquels ils puissent développer des échanges et des travaux en commun. C’est pourquoi, le Haut Conseil de l’évaluation de l’école estime qu’un appel en ce sens devrait être lancé d’urgence en direction simultanée de l’inspection générale de l’éducation nationale et des milieux de la recherche en éducation. L’objectif premier en serait, non pas le développement de nouvelles recherches, mais la mise au point, à partir d’une recension et d’une synthèse des travaux et rapports existants, de définitions aussi rigoureuses que possible des notions utilisées pour décrire les pratiques enseignantes. L’adaptation aux situations concrètes d’exercice de la profession, d’exemples fondés sur les résultats de recherches ou d’expériences positives exige une formation de haut niveau. Cela étaye et nourrit la liberté pédagogique de l’enseignant. Pas plus que l’usage des manuels, l’utilisation et l’adaptation de ces exemples ne correspondent à une standardisation des pratiques enseignantes qu’aucune donnée scientifique ne permet de fonder. Au contraire, elles exigent que les enseignants soient accompagnés et aidés, ce qui constitue l’un des objectifs de leur évaluation et doit être l’une des tâches des corps d’inspection qui doivent, par ailleurs, contribuer à élaborer très rapidement de tels repères et guides d’action. Il faut organiser la diffusion des résultats des recherches sur l’efficacité des pratiques enseignantes et former et inciter les enseignants à s’en emparer, notamment lors de leur évaluation et de leurs formations initiale et continue, pour améliorer l’efficacité du système éducatif. L’accompagnement et l’aide des enseignants sont les fonctions essentielles des conseillers pédagogiques tels qu’ils existent aujourd’hui dans le premier degré. Le Haut Conseil propose que, dans le second degré, des fonctions analogues soient confiées à des enseignants confirmés. Conservant pour une part de leur service Sans attendre le développement de recherches à venir, on dispose d’ores et déjà de résultats, dont un aperçu est fourni dans le rapport de messieurs Alain ATTALI et Pascal BRESSOUX. 3 Avis du HCéé N° 7 – Janvier-Février 2003 une activité d’enseignement, ils seraient, dans leur établissement et, de façon plus large, sur le territoire d’un bassin de formation par exemple, en charge d’aider leurs collègues à améliorer leurs pratiques. Si le développement de la connaissance dans ce domaine est indispensable, il semble au Haut Conseil qu’il est dès maintenant possible d’aider nombre d’enseignants à développer des pratiques plus efficaces. nnn L’enjeu en est non seulement celui d’une meilleure efficacité, mais aussi celui de la justice de notre Éducation nationale qui doit s’organiser pour faire progresser tous les élèves dans toutes les écoles et tous les établissements. Au stade de développement atteint par notre système éducatif, une amélioration de ses résultats suppose qu’on accorde une grande attention aux pratiques enseignantes et qu’on se donne les moyens d’en améliorer l’efficacité. LES AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a choisi de rendre public conjointement cet avis sur l’évaluation des pratiques enseignantes dans les premier et second degrés et un avis sur l’évaluation des enseignants du premier degré et du second degré. En effet, les rapports qu’il a fait établir pour nourrir ses réflexions sur ces deux sujets se sont avérés complémentaires et les liens entre ces deux domaines se sont confirmés au fil des travaux et des discusions. Le Haut Conseil traitera prochainement de l’évaluation des acquis des étudiants dans l’enseignement supérieur universitaire. Il a également inscrit trois autres thèmes à son programme de travail : – L’appréciation des compétences en lecture/écriture des élèves et des jeunes et le l’évolution dans le temps de ces compétences ; – Qu’évalue-t’on avec les épreuves des baccalauréats professionnels ? – L’évaluation de l’orientation à la fin du collège et du lycée. Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école est une instance indépendante composée de 35 membres nommés pour une durée de trois ans : élus nationaux et territoriaux ; représentants des acteurs du système éducatif ; personnalités françaises et étrangères reconnues pour leurs compétences dans le domaine de l’évaluation du système éducatif. L’ensemble des avis du Haut Conseil et des rapports établis à sa demande sont disponibles sur son site : http://cisad.adc.education.fr/hcee Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Claude THÉLOT Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 14 Fax : 01 55 55 77 62 Courrier électronique : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DPD/BED 4 Avis du HCéé N° 7 – Janvier-Février 2003 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE L’ÉVALUATION DES ACQUIS DES ÉTUDIANTS A près avoir abordé une première fois le domaine de l’enseignement universitaire avec un avis sur l’évaluation des enseignements, le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a inscrit à son programme de travail la question de l’évaluation des acquis des étudiants. Pour nourrir ses réflexions, il a demandé à Marc ROMAINVILLE, professeur à la faculté de Namur, un rapport sur la question de « l’évaluation des acquis des étudiants dans l’enseignement universitaire ». Ce rapport – qui comme tous les rapports commandés par le Haut Conseil n’engage pas celui-ci, mais reflète les analyses et les propositions du rapporteur – est public et peut être consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee, à la rubrique « publications ». Les connaissances dont on dispose sur les acquis des étudiants sont très fragmentaires. Que savent les étudiants ? Que savent-t-ils faire ? On ne dispose aujourd’hui que de peu de données sur ces questions, que de peu d’enquêtes et d’études, et ceci, aussi bien au plan local que national, voire international. Au plan national, on ne sait pas comparer les acquis des étudiants selon le type d’établissement qu’ils fréquentent (université « traditionnelle », IUT, lycée post-baccalauréat, école, etc..), pas plus qu’on ne peut apprécier ces acquis selon les formes d’enseignement et d’apprentissage qui leur sont proposées (cours magistraux, travaux dirigés, travaux de groupe, recherches personnelles, etc..). Quant aux enquêtes internationales, si elles commencent à avoir largement exploré les niveaux primaire et secondaire, jusquà présent elles n’ont pas abordé l’enseignement supérieur. Il n’existe donc pas de données standardisées qui permettraient des comparaisons inter ou intra-nationales. Il n’existe pas non plus de résultats qui permettraient de confronter des acquis effectifs à des objectifs poursuivis par l’enseignement supérieur. Pourtant, des travaux – réalisés pour l’essentiel dans d’autres pays que la France – fournissent des aperçus fragmentaires sur ce que sont les acquis des étudiants ; ils permettent également de s’interroger sur la perception de ce que sont ou devraient être ces acquis. Des études font ainsi ressortir un écart sensible entre ce que veulent mesurer les examens et ce que les étudiants estiment avoir acquis, d’une part, et ce qu’attendent leurs futurs employeurs, d’autre part : les étudiants et les employeurs mettent plutôt en avant des compétences générales, des savoir-faire (capacités en matière d’organisation personnelle, capacités à faire face aux situations, à traiter des problèmes complexes ; compétences relationnelles, de communication) que les savoirs relevant des finalités académiques de l’enseignement supérieur. Avis du HCéé N° 8 – Avril 2003 Ces impressions peuvent être liées au fait que l’on a fort peu d’études précises sur les compétences acquises dans les disciplines enseignées. Tout au plus peut-on dire que des travaux ponctuels et partiels – essentiellement anglo-saxons – permettent de penser que les étudiants en savent plus en quittant l’enseignement supérieur qu’à l’entrée de celui-ci (ce qui est heureux !). Ces travaux insistent sur le fait que ces étudiants semblent surtout avoir acquis des savoir-faire cognitifs généraux qui leur permettront de continuer à apprendre et à traiter des problèmes nouveaux. En revanche, ils ne permettent pas de dire grand-chose de ce que sont les acquis effectifs par rapport aux ambitions, affichées ou non, des formations qu’ils ont suivies. évalués les étudiants de telle ou telle formation, dans telle ou telle université. Il n’existe généralement pas d’inventaire formalisé des connaissances et des compétences attendues dans la mesure où les formations ne sont pas définies en termes d’objectifs à acquérir, mais en termes de contenus, en fonction de considérations historiques, locales, voire personnelles. C’est donc une évaluation normative – qui cherche à classer les étudiants les uns par rapport aux autres, plutôt qu’à mesurer les compétences acquises par rapport à des objectifs de formation – qui domine. Enfin, dans la mesure où les exigences et les modalités de l’évaluation « pilotent » l’apprentissage, il faut s’interroger sur la perception qu’ont les étudiants des pratiques d’évaluation et sur l’impact de ces pratiques sur la qualité de leurs apprentissages. L’évaluation par restitution – souvent pratiquée dans le premier cycle où les effectifs sont très importants – est peu compatible avec de hautes exigences et, dans l’ensemble, les pratiques d’évaluation actuelles restent avant tout conçues pour tester des connaissances factuelles et des savoirs formels. Les étudiants sont d’ailleurs fort critiques à ce sujet et étudient superficiellement, parce qu’ils savent qu’ils seront interrogés superficiellement. Les pratiques réelles d’évaluation sont mal connues Les tâches d’évaluation occupent une place importante – et de plus en plus importante – dans l’exercice du métier d’enseignant-chercheur, mais on sait peu de choses sur la façon dont ces enseignants-chercheurs s’acquittent de cette mission. De plus, l’évaluation n’est pas considérée comme une des composantes de leur professionnalité. Ces tâches d’évaluation peuvent occuper jusqu’à un tiers de l’année universitaire. Certains attribuent cette lourdeur à la massification et la « modularisation » de l’enseignement universitaire, qui se traduisent par une multiplication d’examens parfois déconnectés les uns des autres, une raréfaction des oraux, des corrections de masse, etc. L’organisation des examens a ainsi relégué au second plan les réflexions pédagogiques sur l’évaluation. Cet état de fait a des effets dommageables, des enjeux importants incitent à le modifier. Il est nécessaire d’apprécier valablement les acquis des étudiants des universités aux yeux des employeurs et au plan européen. Au-delà du fait que l’absence de cette appréciation risque de vider de son sens la valeur nationale des diplômes, elle rend impossible le nécessaire débat sur l’adéquation des acquis des étudiants aux compétences attendues par le monde économique et social. Ceci devient d’autant plus important aujourd’hui que les publics universitaires sont beaucoup plus diversifiés qu’ils l’étaient à l’époque où l’université préparait essentiellement aux fonctions de l’enseignement, de la recherche et du secteur public. Une grande hétérogénéité caractérise les pratiques d’évaluation aussi bien en ce qui concerne les dispositifs et les procédures, que les exigences et les critères, et ceci d’une discipline à l’autre et d’un établissement à l’autre, comme à l’intérieur d’une même filière de formation. Cette hétérogénéité est liée, notamment, au fait que les étudiants reçoivent un enseignement dont les contenus et les objectifs peuvent être très différents selon l’établissement où ils font leurs études. Elle nuit à la qualité de l’évaluation, prive de la possibilité de comparer des résultats et a fortiori d’en suivre l’évolution dans le temps. Il faut donner aux responsables politiques les moyens de piloter les formations et leur évolution et de réguler le fonctionnement et les pratiques des établissements. En effet, il est loin d’être évident qu’il y ait un lien entre la réputation d’une institution d’enseignement supérieur Par ailleurs, ces pratiques sont peu explicites : on ne sait pas vraiment sur quels critères sont 2 Avis du HCéé N° 8 – Avril 2003 les contenus et les objectifs de ceux-ci sont correctement vérifiés et il doit donner sa caution quant à la qualité des processus mis en œuvre au plan local pour valider les acquis. Ce n’est pas la diversité qui est gênante en la matière, mais l’opacité. et les progrès effectifs de ses étudiants. Or, la possibilité de mettre en rapport les progrès des étudiants avec les modalités et les coûts de leur formation est un enjeu essentiel puisque ces modalités et ces coûts sont très différents entre universités, écoles, IUT, lycées post-baccalauréat, etc. Ceci implique, non seulement une connaissance des acquis en fin de formations, mais aussi une appréciation des acquis à l’entrée de ces formations. La qualité des pratiques d’évaluation, leur adéquation aux contenus des formations doivent être prises en compte lors des habilitations, dans le cadre de la contractualisation et, plus généralement, dans toutes les procédures de régulation et de pilotage du service public national d’enseignement supérieur. Les évaluations d’établissements pratiquées par le Comité National d’Évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (CNE) devraient les considérer systématiquement. Une exigence de transparence et de compte rendu s’impose au service public de l’enseignement supérieur comme à tout autre service public. La lisibilité du contenu des formations et de ce que certifient les diplômes est indispensable pour permettre la mobilité des étudiants dans l’espace européen de l’enseignement supérieur. La création de l’Agence européenne de l’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur incite à l’évaluation des acquis des étudiants et, faute pour le service public de la réaliser, le marché s’en chargerait. • Ensuite, le pilotage national du service public de l’enseignement supérieur requiert une meilleure connaissance des acquis – et surtout des progrès – des étudiants, ce qui suppose que l’on soit capable d’évaluer – et de comparer – leurs compétences à l’entrée et à la sortie des différentes institutions d’enseignement supérieur qu’ils fréquentent. Dans le contexte de l’accroissement de l’accès à l’enseignement supérieur, rester ambigu quant aux objectifs des formations et à leurs critères d’évaluation défavorise les « nouveaux » étudiants par rapport à ceux qui connaissent les règles implicites. L’équité, aussi, exige la transparence à cet égard. De même, la transparence de l’évaluation favorise la motivation et l’engagement des étudiants dans l’apprentissage . S’ils doivent passer leur temps à essayer de comprendre les règles, ils n’apprennent pas. Pour ce faire, il faut mettre au point un instrument de pilotage national et local qui ne se substituerait bien évidemment pas aux certifications délivrées par les établissements ; il convient d’explorer la possibilité de réaliser des enquêtes sur échantillon, sur le modèle des évaluations-bilans que réalise la DEP à différents niveaux de la scolarité primaire et secondaire. Ces évaluations-bilans devraient porter notamment sur des compétences générales et de haut niveau, pour lesquelles l’élaboration d’épreuves standardisées s’avère délicate ; des recherches à ce sujet devraient être engagées. Une volonté politique forte doit soutenir la mise en place de dispositifs d’évaluation des acquis des étudiants qui contribuent au pilotage national du service public d’enseignement supérieur et à la qualité des formations qui y sont délivrées. Dans l’immédiat, les collaborations permettant la mise au point d’épreuves communes à l’entrée – voire à la sortie – d’une filière, telle que Message pour les maîtrises de sciences de gestion devraient être encouragées. La simple comparaison des pratiques et des standards au sein d’une filière constituerait un premier pas intéressant. L’évaluation n’est pas indépendante de la façon dont sont conçus les diplômes et les formations ; elle n’est pas non plus indépendante des méthodes, voire des supports d’enseignement. On ne saurait donc l’améliorer en modifiant les seules pratiques d’évaluation. Plus largement, un programme de développement des études sur les résultats et les effets de l’enseignement supérieur mériterait d’être engagé. • Le Haut Conseil est ainsi conduit à insister tout d’abord sur le rôle et la responsabilité politiques qui sont ceux de l’État dans la définition des diplômes nationaux et de leurs conditions de mise en œuvre. Il lui appartient de garantir que • Il convient, enfin, de développer une évaluation locale, efficace, fidèle et transparente, des acquis. 3 Avis du HCéé N° 8 – Avril 2003 Cela implique en priorité de clarifier le contrat pédagogique avec les étudiants en leur proposant une explicitation préalable des exigences requises et des acquis attendus à l’issue de chaque formation et de chaque enseignement. Ce devrait être l’occasion d’un travail d’équipe des enseignants-chercheurs, formalisé sous forme de profils de compétences, étape indispensable pour pouvoir passer d’une évaluation normative à une évaluation critériée et formative. Le Haut Conseil se doit d’insister encore, comme il l’a déjà fait dans son avis sur l’évaluation des enseignements à l’université, sur l’effort à réaliser en matière de formation à l’enseignement des jeunes enseignants-chercheurs. Cette formation devrait faire toute leur place aux questions touchant à l’organisation des formations et des évaluations. Il doit être possible, en la matière, de s’appuyer sur de premières réalisations et cette question devrait figurer dans l’auto-évaluation des établissements, dans leurs processus de régulation et dans l’évaluation de leurs enseignements. Les établissements qui mettent en œuvre de « bonnes pratiques » devraient bénéficier de « retours » dans le cadre de la politique contractuelle. La fiabilité de l’évaluation des acquis et des progrès des étudiants est essentielle pour assurer la qualité des formations délivrées et attester de celle-ci aux yeux des employeurs et de l’ensemble des institutions d’enseignement supérieur, entre lesquelles la mobilité des étudiants est appelée à se développer, en particulier dans le cadre européen. Dans la mesure où les évaluations constituent un moyen de piloter les apprentissages et les activités des étudiants, il faut les infléchir pour inciter les étudiants à acquérir davantage des compétences comme l’autonomie, l’esprit d’initiative, l’esprit critique, les capacités de réflexion et de synthèse, en leur proposant des épreuves synthétiques portant sur plusieurs enseignements, et ceci de façon évidemment différenciée selon les formations et les cycles de l’enseignement supérieur. Mais, au-delà de cette nécessaire amélioration de l’évaluation certificative, le Haut Conseil de l’évaluation de l’école juge indispensable que soient rapidement envisagées des évaluationsbilans permettant d’apprécier et de comparer les progrès que les différentes filières de l’enseignement supérieur assurent à leurs étudiants. Les responsables politiques en ont en effet besoin pour piloter l’évolution de ces filières dont les coûts sont très contrastés. nnn Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 14 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition 4 Avis du HCéé N° 8 – Avril 2003 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE ÉLÉMENTS DE DIAGNOSTIC SUR LE SYSTÈME SCOLAIRE FRANÇAIS É mettre en quelques lignes un avis sur l’ensemble du fonctionnement et des résultats du système scolaire n’est pas sérieusement possible. Aussi, pour que cet avis nourrisse le nécessaire débat entre l’ensemble des acteurs concernés, le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a choisi de ne pas rechercher l’exhaustivité, mais de mettre l’accent sur des problèmes et des enjeux qui lui semblent véritablement engager l’avenir immédiat et plus lointain, en laissant de côté de nombreuses questions de société qui seront forcément débattues. Il l’a fait après avoir pris connaissance d’une première version du rapport de messieurs Hardouin, Hussenet, Septours et Bottani, et en prenant appui sur les travaux réalisés ou synthétisés par la DEP et sur les avis qu’il a rendus au cours des trois dernières années. Il a également fait appel aux comparaisons avec les systèmes éducatifs des pays voisins du nôtre. Chacun d’eux est bien évidemment le résultat d’une histoire ainsi que de son environnement social, culturel et économique, mais la confrontation fait ressortir des points communs et des différences ; elle ouvre surtout des pistes de réflexion qui seront reprises ci-dessous. Le débat est d’autant plus nécessaire que notre pays a donné une réelle priorité à l’éducation à laquelle il consacre aujourd’hui près de 7 % de sa richesse nationale : plus de 100 milliards d’euros au total – un doublement en 25 ans en euros constants – dont les deux tiers proviennent de l’État et un cinquième des collectivités locales. La France apparaît comme un des pays où le lien entre la première qualification acquise en milieu scolaire et la vie professionnelle est le plus fort, à l’entrée dans la vie active comme tout au long de la vie. Alors que le taux de chômage des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur demeure relativement faible et bien inférieur à la moyenne nationale, quelle que soit la conjoncture économique, celui des jeunes peu ou pas qualifiés est l’un des plus élevés des pays développés. Notre pays sait moins que d’autres donner une place aux jeunes sortis précocement du système de formation initiale, et, en France plus qu’ailleurs, la possession d’un diplôme d’enseignement supérieur est une protection durable. C’est sans doute pour cette raison que l’on a parfois accusé – à tort évidemment – le système éducatif de « former des chômeurs ». Les objectifs assignés au système éducatif Pour juger de l’état actuel du système scolaire français, il faut bien connaître son passé et essayer d’anticiper sur ce que l’on attend de lui dans un avenir proche. Si, depuis la révolution française, les évolutions ont été le produit des besoins de la société, si ces besoins ont conduit à assurer le développement du niveau moyen de nos concitoyens, ce n’est véritablement qu’au lendemain de la Libération qu’est apparue une volonté forte de démocratisation, c’est à dire la volonté de réduire le déterminisme social de l’accès aux formations supérieures. En 1989, la Loi d’orientation sur l’éducation disposait en son article 3 deux objectifs importants : « La Nation se fixe comme objectifs de conduire d’ici dix ans l’ensemble d’une classe d’âge au minimum au niveau du certificat d’aptitude professionnelle ou du brevet d’études professionnelles et 80% au niveau du baccalauréat »1. Lorsque ces objectifs ont été fixés, le système scolaire était déjà engagé, depuis plusieurs années, dans une profonde évolution entamée dès le début des années 1980 et qui visait à accélérer la progression des taux de sortie de formation initiale au niveau baccalauréat et plus, et à réduire les taux de sortie de niveau inférieur ou égal à celui du CAP-BEP. L’objectif affiché était de réduire l’écart qui s’était créé avec la plupart des pays de niveau de développement comparable au nôtre et de répondre aux besoins de notre économie. L’ambition était élevée puisqu’en 1982 – 7 ans avant le vote de la Loi d’orientation – 1. L’accès au niveau baccalauréat s’entend comme l’accès à une classe terminale préparant à l’un des baccalauréats. Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003 70% des Français âgés de 25 à 64 ans étaient titulaires du seul certificat d’études primaires ou n’avaient aucun diplôme et que seuls 16% d’entre eux étaient sortis du système éducatif avec un niveau supérieur ou égal à celui du baccalauréat. Taux de bacheliers par génération et taux d’accès au niveau bac 1980-81 1984-85 1994-95 1995-96 2001-02 Bac gén. Où en sommes nous aujourd’hui ? u Les sorties sans qualification n’ont pas été totalement supprimées et elles représentent encore 7 à 8% d’une génération. Elles concernent très majoritairement des jeunes issus de milieux très défavorisés. 18,7 % 19,8 % 37,4 % 34,5 % 32,6 % Bac techno. 7,3 % 9,6 % 17,7 % 17,7 % 17,7 % Bac pro. 0,0 % 0,0 % 8,1 % 9,5 % 11,5 % Total bacheliers 25,0 % 29,4 % 63,2 % 61,7 % 61,8 % Taux d’accès niveau bac 34,4 % 35,0 % 71,2 % 68,5 % 69,2 % Les chiffres ci-dessus montrent une baisse significative des taux de bacheliers généraux par génération (de l’ordre de 5 points), correspondant à un retour de dix ans en arrière (en 1992, 32,4% des jeunes Français obtenaient un baccalauréat général), une stabilité pour les bacheliers technologiques et une poursuite de la progression, mais ralentie, pour les baccalauréats professionnels. Si l’on s’en tient à la définition de la non qualification, c’est à dire la sortie avant la dernière année de CAP ou de BEP, on est passé de 1990 à 2001 de 82.000 à 60.000 sorties annuelles. L’objectif de la loi n’a donc pas été atteint, mais il faut mesurer le chemin parcouru en trente ans : au début des années 1970, c’était près d’un élève sur trois qui était considéré comme sortant sans qualification. Ce changement de tendance du milieu des années 1990 est né d’une baisse des taux de passage de la classe de 3ème du collège vers la classe de 2nde du lycée général et technologique, apparue au début des années 1990. Les difficultés actuelles trouvent donc leur source non seulement au lycée mais également en amont, au collège et à l’école. Elles trouvent aussi leur source en dehors de l’Ecole. Ce chiffre de 60.000 est en tout état de cause trop élevé. Tout doit être mis en œuvre pour le réduire et l’objectif de la loi maintenu, même s’il constitue un idéal qu’aucun système éducatif n’a pu atteindre. Le Haut Conseil tient à rappeler avec force qu’aucune qualification ultérieure ne peut être sérieusement construite sur une formation initiale insuffisante. u Avant d’aller plus loin, la première question à se poser est de savoir si cet état actuel, en apparence stable, est acceptable tant du point de vue de la démocratisation nécessaire que des besoins connus à court et moyen termes. Le Haut conseil signale par ailleurs que la définition française de la non qualification devrait être précisée afin d’éviter bien des confusions 2. En adoptant la nomenclature internationale (Classification Internationale Type de l’Éducation-97), on peut dire aujourd’hui (chiffres de 2001) que 15% d’une génération environ ne valide pas son passage dans le second cycle de l’enseignement secondaire (elle n’obtient donc ni un CAP ou un BEP, ni un baccalauréat) contre une moyenne de l’ordre de 18% pour l’ensemble des pays de l’OCDE (7% au Japon, 28% aux Etats-Unis). Ce chiffre donne une image plus exacte de la population en échec à la sortie du système. La progression des « dix glorieuses » (1985-1995) a réduit le différentiel existant entre la probabilité d’obtenir un baccalauréat suivant que l’on est issu d’un milieu favorisé (cadre) ou au contraire du monde ouvrier. Après une très forte progression de 1985 à 1995 qui a conduit, durant l’année 1994-95, 71.2% de la classe d’âge au niveau du baccalauréat, soit à moins de dix points de la cible (63.2% de cette même classe d’âge obtenant le diplôme lui-même), la croissance s’est brutalement arrêtée et les taux apparaissent aujourd’hui stabilisés autour de 69% pour le niveau bac et de 62% pour l’obtention du diplôme. Aujourd’hui, 87% des enfants de cadres supérieurs obtiennent le baccalauréat contre 45% des enfants d’ouvriers non qualifiés. Cet écart reste important, mais très inférieur à ce qu’il était au début des années 80 où ces taux étaient respectivement de 75% et de 20%. On est donc passé en 20 ans d’un rapport d’un enfant d’ouvrier à près de quatre enfants de cadre à un rapport d’un pour deux ; les inégalités se sont donc réduites. Mais au-delà de la différence de chance d’obtenir le baccalauréat, c’est la nature même du baccalauréat obtenu qui n’est pas identique selon l’origine sociale : pour les enfants de cadres supérieurs, la répartition par génération entre les trois types de baccalauréats, général, technologique et professionnel, est respectivement de 71%, 12% et 4%, alors que cette répartition pour les enfants d’ouvriers est de 16%, 16% et 13%. Après la progression rapide, le système s’est installé depuis les années 1997-1998 dans une apparente stagnation dont il faudra bien analyser les causes et qui, à ce jour, n’a pas suscité de réactions satisfaisantes de la part de l’institution. 2. 60 000 sorties sans qualification, 94 000 sorties sans diplôme ; les deux nombres ne s’additionnent pas et le premier n’est pas totalement inclus dans le second. Si on ne possède pas le baccalauréat, dans la nomenclature française, on peut être un diplômé non qualifié ou un qualifié non diplômé. u S’agissant du second objectif de l’article 3 de la loi d’orientation (80 % d’une génération au niveau du baccalauréat), les chosesapparaissent pluscompliquées. 2 Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003 Ces différences très sensibles ont bien évidemment des conséquences lourdes en termes d’insertion mais surtout de poursuites d’études supérieures. pays, mais nous formons beaucoup plus de diplômés du premier niveau de qualification. nnn u Quels sont les besoins de l’économie en niveaux de qualification ? À partir de l’instant où le système scolaire semble s’installer durablement dans un état qui n’était pas souhaité par le pouvoir politique et qui ne correspond pas aux besoins sociaux et économiques, c’est l’ensemble de notre dispositif qui doit être interpellé. L’estimation de ces besoins est toujours un exercice difficile tant les hypothèses sont nombreuses. Depuis les années 80, le ministère de l’éducation nationale demande à intervalles réguliers au BIPE de tenter, au travers de divers scénarii, d’estimer les besoins à moyen terme de notre pays selon les niveaux de sorties du système éducatif. Ces travaux ont déjà nourri le débat (ils ne sont pas étrangers à la fixation des objectifs de la Loi d’orientation) et ils se sont affinés avec le temps. La scolarité obligatoire. Celle-ci est actuellement organisée en deux temps, séparés par une rupture très (et sans doute trop) marquée : le temps de l’école élémentaire – précédée par l’école maternelle que tous les enfants fréquentent aujourd’hui à partir de trois ans au moins – et le temps du collège – unique – à l’issue duquel la quasi-totalité des élèves poursuivent leur formation selon des voies différenciées. L’examen des différents scenarii établis pour 2010 à partir de diverses hypothèses sur la croissance et le comportement des entreprises (notamment la part accordée aux promotions internes), fait apparaître une grande réactivité aux niveaux de qualification le plus haut et le plus bas : les écarts les plus importants entre scenarii se situent, d’une part, pour les sorties au niveau bac+3 et plus, et d’autre part, pour les sorties au niveau du diplôme national du brevet ou rien. L’école primaire S’agissant de notre enseignement primaire, plusieurs points doivent être notés. u Tout d’abord, l’existence d’une école maternelle pratiquement unique au monde et à laquelle les Français sont très attachés. Mais une conclusion simple peut être tirée : dans tous les scenarii, la nécessité d’augmenter les sorties avec un diplôme d’enseignement supérieur est incontournable et les sorties infra-baccalauréat doivent encore être réduites. Le développement de la scolarisation en maternelle – qui concerne aujourd’hui tous les enfants de trois ans – a joué un rôle incontestable dans l’amélioration des résultats de notre système éducatif. L’efficacité de la scolarisation à partir de deux ans fait l’objet de travaux qui ne convergent pas toujours, est sujette à débats, et il n’est pas certain que nous disposions à ce jour de suffisamment d’éléments pour trancher. D’une façon générale, la recherche scientifique sur les processus cognitifs, sociaux, émotionnels et physiques chez les jeunes enfants, sur les interactions entre leurs différentes modalités d’accueil et le milieu familial, devrait permettre d’éclairer ces débats. La plupart des scenarii conduisent à estimer à 70% d’une génération la proportion de bacheliers nécessaire pour l’année 2010 (contre 61 % aujourd’hui) et à 45% d’une génération celle des diplômés de l’enseignement supérieur (contre 38 % aujourd’hui). A l’opposé, les sorties infra-baccalauréat ne devraient pas excéder 30 % d’une génération. Les futurs bacheliers de 2010 sont, cette année, entrés en classe de 6ème et les futurs diplômés de l’enseignement supérieur de 2010 sont déjà à la fin du collège ou au lycée. u Quel degré de maîtrise des apprentissages fondamentaux ? u Il est à noter enfin que les taux de certification (obtention d’un diplôme) observés aujourd’hui en France dans le second cycle de l’enseignement secondaire, ne nous placent pas dans une situation particulièrement favorable en matière d’accès à l’enseignement supérieur. Sans qu’il soit question de réduire les apprentissages fondamentaux à la seule maîtrise de la langue française (article premier de la Loi d’orientation), on a pris comme indice les compétences en lecture des élèves, envisagées à partir des différentes évaluations conduites aux plans national et international. Avec 61 % d’une génération accédant au baccalauréat, nous sommes en 2001 juste dans la moyenne des pays de l’OCDE (62 % pour l’ensemble de ces pays) ; mais avec 37 % d’une génération obtenant un BEP ou un CAP (dont la moitié en reste à ce niveau) nous sommes très au-dessus de la moyenne OCDE qui est de 9 %. La réponse à la question : « quel est le pourcentage d’élèves qui, à la fin de l’enseignement primaire, maîtrisent la lecture et l’écriture de la langue française ?» est nécessairement complexe et beaucoup de précautions doivent été prises avant de prétendre à une réalité scientifique incontestable. Ainsi, contrairement à une idée reçue, nous ne formons donc pas plus de jeunes susceptibles d’accéder à l’enseignement supérieur que les autres En croisant les évaluations les plus récentes qui permettent de mesurer le degré de compréhension 3 Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003 ressortir d’évolution notable, tant en ce qui concerne la proportion d’élèves en difficulté de lecture (de l’ordre de 15 %) que celle de ceux dont les lacunes sont quasi-générales dans tous les domaines de la lecture (3 à 4 %). de l’écrit, à des âges très différents, on peut avancer les points suivants : – huit à neuf élèves et jeunes sur dix ont, à des degrés divers, une maîtrise de la lecture qui leur permet de bénéficier des enseignements qui leur sont dispensés, puis de participer à la vie sociale et professionnelle ; Le Haut Conseil propose d’évaluer la politique des cycles et d’explorer plus avant, et surtout d’expérimenter – dans l’esprit de ce qui a été réalisé en 2002-2003 au cours préparatoire – des mesures qui devraient intéresser, notamment et sans exclusive, l’ensemble du cycle II, depuis la grande section de maternelle jusqu’au CE1, et non pas le seul CP. Ces mesures ne devraient pas se limiter à l’affectation de moyens 3, mais envisager des actions touchant à l’organisation des apprentissages et à leur progression. – en revanche, à tous les niveaux, 10 à 15% des élèves sont en plus ou moins grande difficulté de compréhension face à l’écrit et près de la moitié de ces derniers peut être considérée en très grande difficulté ; – cette proportion d’élèves en grande et très grande difficulté n’a pas sensiblement augmenté au cours des dernières années, mais elle n’a pas non plus diminué et sur ce point comme sur d’autres, notre système éducatif connaît un palier ; Le développement de la recherche sur les pratiques enseignantes les plus efficaces au regard des progrès des élèves, la diffusion auprès des enseignants de recommandations et de guides pour l’action, de repères susceptibles d’aider à organiser plus efficacement le déroulement des activités en classe, tels qu’ils ont été proposés par le Haut Conseil dans son avis sur l’évaluation des pratiques enseignantes du premier et du second degrés devraient trouver à ce moment-clef du cursus scolaire, un de leurs points d’application prioritaires. – au niveau des comparaisons internationales, l’enquête PIRLS fait apparaître pour la France des résultats qui sont globalement plutôt un peu inférieurs à la moyenne des pays comparables au nôtre (Union européenne et autres pays de l’OCDE). Mais la dispersion des résultats est plus faible en France. Les écarts entre filles et garçons y sont moindres et la proportion de « mauvais lecteurs » y est relativement modeste. u Le début de l’école primaire : un cycle dont les enjeux sont forts. La mise à disposition des personnels intervenant dans ce cycle, d’outils d’évaluation des compétences et des acquis des élèves destinés à repérer et à faire la part entre des difficultés d’apprentissage – qui doivent faire l’objet d’un traitement pédagogique en classe – des dysfonctionnements du développement cognitif – qui impliquent l’intervention de spécialistes du développement de l’enfant – et de problèmes qui peuvent être de nature sociale ou médicale – qui supposent d’autres mesures – permettrait d’agir à l’école et parfois hors de l’école, dès le début des apprentissages, sans attendre que la difficulté se constitue et stigmatise les jeunes élèves. Ces outils sont à développer en prenant appui sur les travaux visant à mieux apprécier les compétences des enfants à différents niveaux de leur développement. Tous les travaux disponibles convergent pour montrer que le moment des apprentissages fondamentaux, ceux qui ont lieu au « cycle II » de l’école primaire, c’est-à-dire à l’articulation entre la dernière année d’école maternelle – la Grande section que tous les enfants fréquentent – et les deux premières années de l’école élémentaire – le CP et le CE1 – est essentiel dans une scolarité. Une lenteur ou une difficulté d’apprentissage au cours préparatoire compromet gravement le déroulement de la carrière scolaire ultérieure, surtout si elle est sanctionnée par un redoublement de cette première année d’école élémentaire, redoublement qui est en contradiction avec la politique des cycles. C’est à ce moment que se constitue un « noyau dur » d’élèves qui, ne maîtrisant pas les procédures élémentaires nécessaires aux apprentissages, ont du mal, à chaque niveau de la scolarité, à bénéficier des enseignements, et constituent vraisemblablement ensuite l’essentiel des jeunes que l’on peut considérer comme en danger d’illettrisme, lorsqu’ils participent à 17 ans à la Journée d’Appel de Préparation à la Défense (JAPD). Cela suppose que les progressions et les objectifs de chaque cycle de l’école soient parfaitement définis en liaison avec la poursuite des apprentissages au collège. Le collège Il est depuis plusieurs années au centre de toutes les polémiques. Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école souhaite donc que l’on observe le plus objectivement possible son fonctionnement et ses performances avant d’en débattre et surtout de trancher. Ce constat n’est pas nouveau, et des mesures ont été prises au cours des dernières décennies : la création des cycles et les politiques successives donnant une priorité forte à la lecture ont permis un maintien des performances des élèves en fin d’école élémentaire, alors même que les redoublements diminuaient. Ce mouvement semble arrêté aujourd’hui et les comparaisons réalisées à l’entrée en 6ème ne font plus Sur 100 élèves entrés en 6ème en 1995, six ans plus tard, en 2001, 59 étaient entrés au lycée général et technologique et 36 au lycée professionnel. Pratiquement aucun n’était encore au collège et seuls 5 étaient 3. Avis n°1 sur l’effet de la réduction des tailles des classes ; avis n°7 sur l’évaluation des pratiques enseignantes dans les premier et second degrés. 4 Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003 sortis du système éducatif. Cela signifie donc que 95 % au moins des élèves parcourent le collège dans sa totalité et accèdent au second cycle (ils étaient 75% un quart de siècle auparavant) sans que les évaluations du ministère de la Défense, qui après avoir concerné tous les garçons touchent maintenant toute une génération, fassent apparaître de baisse de niveau. près de la moitié des catégories sociales les plus favorisées (alors qu’elles ne représentent que 15 % de la population totale des collèges) et un sur cinq accueille en moyenne deux tiers d’élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées (alors qu’elles représentent 45 % de la population totale). Cette situation tient, pour une large part, à la répartition de la population sur le territoire et il est manifeste que le « respect de la sectorisation » ne peut à lui seul la faire évoluer, d’autant plus que ce respect de la sectorisation est souvent « refusé » par les catégories sociales les plus favorisées. Cette question, délicate et complexe, doit être débattue. Si l’on fait le constat que le collège constitue aujourd’hui le dernier segment de la scolarité obligatoire et qu’à la fin de cette scolarité, tous les élèves ont vocation à s’engager dans une formation qualifiante, non limitée aux voies générales des lycées classiques, cinq points méritent d’être soulignés : – les objectifs de fin de collège – ou pour mieux dire, de fin de scolarité obligatoire – devraient être clairement explicités en conciliant deux approches très différentes de l’« empilement académique des disciplines », encore trop fréquent dans nos programmes : quelle doit être « la base commune des savoirs, savoir-faire et savoir-être citoyens de base » que doit détenir un jeune en fin de scolarité obligatoire et quelle doit être la base de compétences sur laquelle il pourra construire ensuite une formation qualifiante ? 4. Cette question devrait faire l’objet d’un traitement particulier dans le cadre du débat national sur l’avenir de l’école : il importe que la société française dise clairement à son École ce qu’elle attend d’elle, pour tous, à ce moment essentiel. Le degré d’atteinte de ces objectifs doit être certifié, pour attester de ce que sait chaque élève en fin de scolarité obligatoire, pour l’aider à s’orienter vers une formation qualifiante, et pour contribuer à l’évaluation de chaque collège. – le caractère « unique » du collège, entendu au sens où tous les élèves le fréquentent et ne s’orientent dans une voie de formation générale, technologique ou professionnelle qu’à l’issue de cette fréquentation, constitue un point fort de notre système éducatif et doit être maintenu. Les comparaisons internationales y incitent en mettant en lumière, d’un coté, la relative faiblesse et les fortes inégalités de résultats que connaissent vers 15 ans les jeunes des pays qui, comme l’Allemagne, pratiquent toujours une orientation précoce vers la fin du primaire, et, d’un autre côté, le bon niveau et la relative homogénéité de résultats que connaissent au même âge, les jeunes des pays qui promeuvent au contraire une scolarité obligatoire continue et uniforme, et souvent sans redoublement. – la rupture est très forte entre notre école primaire et notre collège : beaucoup a été fait pour donner de la cohérence aux programmes de l’une et de l’autre, pour clarifier le fait que les apprentissages doivent se poursuivre au collège, pour aménager l’accueil des nouveaux élèves dans ces établissements, mais il faut sans doute aller plus loin, en s’inspirant là aussi d’exemples étrangers tels que ceux que l’on vient d’évoquer. Cette réflexion essentielle doit être conduite compte tenu de ce que sont aujourd’hui les acquis de nos élèves de 15 ans (étude PISA) : des résultats dans la moyenne des pays de l’OCDE, pour ce qui concerne la lecture (avec, il faut le noter, des résultats relativement meilleurs lorsqu’il s’agit de tâches faciles, comme prélever de l’information dans un texte, et des résultats relativement faibles, lorsqu’il est question de tâches de plus haut niveau, telles que donner son avis et s’emparer d’un texte comme support de réflexion personnelle), au-dessus de la moyenne pour les mathématiques, et tout juste à la moyenne pour les sciences. – il faut aussi expérimenter en fin d’école et en début de collège, en posant les questions des conditions de travail et de vie des élèves et du rapprochement des pratiques enseignantes dans ces établissements. Le moment du début du collège devrait également être un des points d’application prioritaires des recommandations faites par le Haut Conseil au sujet des pratiques enseignantes. Les lycées : la préparation à la vie active ou à l’enseignement supérieur – un autre point, de nature différente, se doit d’être évoqué à propos du collège, celui de la mixité sociale de la population qu’il accueille. Cette question a un double enjeu, un enjeu citoyen (les catégories sociales se côtoient de moins en moins à l’École) et un enjeu scolaire (les effets de contexte ont une influence sur l’enseignement délivré et sur les progrès des élèves). Or, les disparités de fréquentation entre les collèges sont maintenant bien connues et vont plutôt en s’aggravant : un collège sur douze accueille en moyenne des élèves issus pour Le lycée a connu une grande réforme en 1991, mise en œuvre de 1992 à 1996, qui concernait les voies générales et technologiques mais pas la voie professionnelle. L’objectif affiché et poursuivi était d’assurer pour les élèves une meilleure lisibilité de l’articulation de toutes les séries avec l’enseignement supérieur et un rééquilibrage des flux devant 4. Avis n°2 sur l’appréciation et la certification des acquis des élèves en fin de collège : diplôme et évaluations-bilans. 5 Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003 permettre, d’une part, d’enrayer la diminution du flux des élèves vers les études scientifiques et, d’autre part, l’émergence d’une vraie série littéraire. À l’inverse, la série STT, que l’on a peut-être imprudemment implantée dans au moins trois lycées sur quatre, connaît une évolution excessive ; à l’évidence, l’orientation vers cette voie est moins dictée par un choix des élèves que par des considérations qui laissent à penser que l’on confie implicitement à cette série, la mission de servir d’appoint pour atteindre des objectifs quantitatifs. Une réflexion est nécessaire sur l’ensemble du champ technologique et professionnel tertiaire, notamment sur le lien entre le baccalauréat STT et les baccalauréats professionnels tertiaires. Pour des raisons qui ne sont pas à ce jour bien identifiées et qui sont peut-être extérieures au lycée, les objectifs recherchés n’ont pas été atteints. L’état actuel n’est pas satisfaisant, d’autant plus que par la diminution du nombre des séries, compensée peu à peu par l’émergence d’un panel important d’options et de spécialités, nous sommes parvenus à une architecture à la fois plus complexe et plus coûteuse. Enfin, la série SMS a connu une forte évolution et il devient en conséquence urgent de lui assurer, enfin, de véritables débouchés au-delà du baccalauréat. On doit aussi pointer les difficultés de fonctionnement de la classe de seconde générale et technologique, qui a enregistré une baisse du taux d’accès et qui connaît un taux de redoublement important. Placée entre les deux niveaux d’orientation les plus importants (fin de 3ème et fin de 2nde), elle contribue aux déséquilibres dans les voies générale et technologique sur lesquels nous allons revenir. u Comme il a été dit précédemment, la voie professionnelle et notamment la voie professionnelle courte sous statut scolaire, occupe une place plus importante qu’il n’y paraît. Trop importante ? Comme pour la voie technologique, deux conceptions cohabitent : u La voie générale tout d’abord, a non seulement vu sa progression stoppée mais connaît même un retrait très préoccupant et qui ne peut être accepté. – D’un côté, un grand nombre de diplômes dans le secteur de la production, en général bien adaptés au marché de l’emploi, mais avec une attractivité insuffisante. La série S, qui a fusionné trois anciennes séries (C, D, E), a connu une progression qui reste insuffisante pour fournir tous les étudiants scientifiques souhaités, d’autant plus que cette série a continué à jouer le rôle de série d’excellence préparant à toutes les études supérieures, scientifiques ou non. – De l’autre, le secteur des services accueillant les élèves (trop sans doute) dans des formations plus larges, mais avec une adaptation au marché de l’emploi plus préoccupante. Quant à la voie professionnelle longue (baccalauréat professionnel), elle connaît les mêmes déséquilibres que le niveau CAP-BEP. Beaucoup de diplômes pour peu d’élèves, d’un côté, et peu de diplômes pour trop d’élèves de l’autre : sur plus de cinquante baccalauréats professionnels, trois du domaine tertiaire accueillent à eux seuls près de la moitié des élèves préparant un baccalauréat professionnel ; dans le même temps, les baccalauréats professionnels du secteur du bâtiment et du génie civil accueillent moins de 4% de la totalité des élèves. D’un côté, les filles, de l’autre, les garçons ! La série ES a connu, quant à elle, une véritable explosion quantitative à l’opposé de la série L, qui connaît aujourd’hui, pour des causes à identifier, les plus grandes difficultés. L’évolution du flux de la série L n’est pas acceptable, tant du point de vue de l’intérêt des élèves que de ceux du pays. Une réflexion urgente s’impose et, en tout état de cause, il n’apparaît pas que la suppression – un temps envisagée – des mathématiques constitue une bonne réponse. u La voie technologique a été en apparence simplifiée et elle ne connaît pas aujourd’hui de baisse comparable à celle de la voie générale. Mais il est à noter que cette voie reste profondément marquée par des évolutions très contrastées. Il est dangereux de vouloir continuer à promouvoir un enseignement professionnel de niveau V et IV si l’on n’est pas en mesure d’assurer un fort rééquilibrage en faveur des spécialités à forte professionnalisation, confirmée par l’emploi. D’un côté, les séries STI et STL, dont il faut souligner la mauvaise lisibilité, souffrent d’une attractivité insuffisante malgré un réel potentiel de poursuites d’études supérieures. Un bachelier STI a plus de chances d’obtenir en trois ans un diplôme de l’enseignement supérieur qu’un bachelier ES ou L, et pourtant ces séries continuent de ne pas attirer les lycéens et surtout les lycéennes. La quasi-absence des filles dans les séries STI met bien en évidence les difficultés très persistantes de leur orientation vers les filières scientifiques du type sciences de la matière et sciences pour l’ingénieur, à l’exception notable des sciences du vivant. Enfin, avec à peine plus de 50% des titulaires d’un BEP accueillis, soit dans un baccalauréat technologique, soit dans un baccalauréat professionnel, on maintient un taux de sortie trop élevé au niveau BEP. Il est en conséquence nécessaire, outre le rééquilibrage évoqué plus haut, d’assurer un meilleur accès au niveau baccalauréat pour les titulaires d’un diplôme de niveau V. Les sorties à ce niveau, qui devrait être le niveau minimum de qualification obtenu en formation initiale, apprentissage compris, ne devraient pas, à 6 Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003 terme, excéder 20% d’une génération, les sorties de niveau inférieur étant, elles, réduites à zéro. Enfin, il faut se rappeler que si l’on veut obtenir un plus grand nombre de diplômés de niveau licence et plus (enseignement supérieur long), deux approches non exclusives, sont possibles : L’entrée dans le supérieur – augmenter le nombre de bacheliers généraux qui sont mieux préparés aux études longues ; Dans le cadre de cet avis sur l’état de l’école, le Haut Conseil n’avait pas vocation à s’exprimer longuement sur l’enseignement supérieur, mais souhaite néanmoins attirer l’attention sur deux points. – et/ou assurer une meilleure réussite des bacheliers technologiques (et professionnels ?) dans l’enseignement supérieur et envisager les conditions de leur accès au second cycle. u Il faut tout d’abord réaffirmer que malgré des efforts réels faits depuis plusieurs années, la dépense moyenne par étudiant est relativement faible en France, ceci parce que la dépense en direction des étudiants des universités reste insuffisante : le financement de l’enseignement universitaire français est un des plus médiocres parmi les pays développés comparables. Les personnels Le Haut Conseil a dû, faute de temps, centrer sa réflexion et ses analyses sur le personnel enseignant. Il a déjà eu l’occasion de souligner que les fonctions enseignantes « doivent rester structurées par l’enseignement dans la classe ou l’atelier, [mais que] les modalités de cet enseignement sont … très différentes selon les niveaux, les voies de formation (générale, technologique ou professionnelle), les établissements et les contextes, … et que d’autres activités – qui diffèrent selon les niveaux d’enseignement, les établissements et les contextes, et dont certaines supposent un travail d’équipe – sont associées à l’enseignement individuel en classe. Il a insisté sur la nécessité de « les préciser et d’en définir éventuellement le degré d’obligation »5. Un étudiant à l’université (hors IUT) tous cycles confondus, coûte à la nation à peu près autant qu’un collégien et les deux tiers de ce que coûte un élève préparant un BEP. On peut même estimer que notre pays consacre à ses étudiants de premier cycle universitaire à peu près la moitié de ce qu’il consacre à un collégien et le tiers, au plus, de ce qu’il consacre à un élève de classe préparatoire. Un tel déséquilibre est bien entendu choquant mais surtout révélateur de l’ambition que nous avons pour notre université. u Une université qui fonctionne mieux que l’on veut bien le dire : lorsque l’on parle de l’échec massif en premier cycle, il faut y regarder de plus près : près d’un étudiant sur deux obtient ce diplôme en 2 ans ; ils sont deux tiers au bout de 3 ans et trois quarts après 5 ans (80 % si on ne considère que les bacheliers généraux). – c’est sans doute là un premier point de réflexion majeur : il faut – compte tenu de ce qui a été évoqué plus haut – ouvrir la réflexion sur l’évolution des métiers, en prenant en compte l’évolution de la société, du public accueilli, de la transformation des savoirs et de leurs modes de transmission. Ceci, en précisant les contours et les modes d’exercice des fonctions enseignantes, comme des fonctions des autres personnels, aux différents niveaux du système éducatif, et en les spécifiant mieux par niveau, sans pour autant « enfermer » les carrières enseignantes dans un seul niveau. En effet, il faut noter que les taux de réussite au DEUG sont fortement dépendants de la nature du bac obtenu et, s’il y a problème au niveau des premiers cycles universitaires, c’est du côté des bacheliers technologiques qu’il faut l’analyser : sur cinq bacheliers STT s’inscrivant à l’université en premier cycle, un seul s’inscrira « un jour » en second cycle, soit un taux trois fois inférieur à celui de tous les autres baccalauréats confondus. – il est pour le moins paradoxal, alors que la formation des enseignants est un sujet permanent de débat – et de réformes ! – dans notre pays, que près d’un enseignant sur deux en poste actuellement n’ait pas bénéficié d’une véritable formation initiale, ce qui est le résultat d’un recours excessif à la précarité, plutôt qu’à une véritable programmation des recrutements. Le fait qu’une part importante des corps enseignants sera renouvelée au cours de la décennie doit être l’occasion, à la fois, de revoir les conditions de recrutement et de formation, y compris en IUFM, en fonction des divers contours et modes d’exercices du métier de professeur, et de repenser la façon dont les ressources humaines sont réparties dans notre système éducatif, en faveur de l’enseignement supérieur. Seuls les STS et les IUT sont en mesure d’offrir des poursuites d’études adaptées aux bacheliers STT. Or, si près d’un bachelier STT sur deux trouve une place en STS, moins de 9% d’entre eux sont accueillis dans les IUT, ce qui oblige les autres à tenter leur chance en DEUG, avec les probabilités de réussite extrêmement faibles que l’on vient d’évoquer. Il y a là un problème majeur qui n’évolue pas depuis 20 ans : l’accueil insuffisant des bacheliers STT en IUT (à l’inverse de ce qui se passe pour les bacheliers STI) les conduit à une orientation par défaut vers le premier cycle universitaire, et ceci est une cause essentielle de dysfonctionnement de notre dispositif post-baccalauréat. – enfin, dans le cadre de la formation continue – qui devrait être une obligation professionnelle – une organisation du soutien et des aides à apporter aux 5. Avis n°6 sur l’évaluation des enseignants des premier et second degrés. 7 Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003 enseignants dans l’exercice de leur métier doit être envisagée en liaison avec les recherches sur les pratiques efficaces au regard de la seule aune qui vaille : les progrès des élèves. Le Haut Conseil renvoie à ce sujet à son avis sur l’évaluation des pratiques enseignantes et insiste sur la nécessité de fournir aux enseignants des recommandations et des guides d’action issus des recherches, et de les inciter à les utiliser en fonction de la diversité des publics et afin qu’ils puissent développer des échanges et des travaux en commun. objective, de permettre de faire des choix motivés et efficients et d’arrêter des priorités de politique éducative. Pour conclure Il s’est évidemment avéré impossible d’aborder tous les thèmes ; le Haut Conseil a fait le choix de sélectionner les problèmes qui lui semblent devoir être débattus et de donner son avis sur ces derniers. À la lecture, certains n’hésiteront pas à penser que décidément notre système éducatif est en très grande difficulté et qu’il est temps d’en changer, probablement pour retrouver ce qu’ils croient avoir été un âge d’or où tout allait « pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». L’évaluation Le Haut Conseil a déjà constaté que la variété et la richesse des résultats des dispositifs d’évaluation et de pilotage disponibles aujourd’hui dans notre système éducatif contrastaient avec la faiblesse de leurs usages 6. Pourtant, ceux qui liront sérieusement ce texte y verront la confiance que nous pouvons avoir en notre École et en ses personnels ; nous possédons aujourd’hui un système performant et robuste qui a connu ces dernières années une réussite exceptionnelle mais qui souffre maintenant comme souffrent la plupart des autres systèmes éducatifs comparables. Le haut niveau de performances atteint aujourd’hui par notre système éducatif explique en partie les difficultés qu’il connaît et permet certainement de les surmonter. À ce sujet trois points peuvent également être soulignés : – le Haut Conseil estime que parmi les marges à explorer figurent la question de l’évaluation des pratiques éducatives, pédagogiques ou non, ainsi que celle de l’évaluation des établissements scolaires, beaucoup moins abordée en France qu’à l’étranger, alors que nos établissements sont de plus en plus autonomes 7. L’une et l’autre devraient permettre de mieux apprécier le fonctionnement du système éducatif au plus près des élèves, c’est-à-dire dans les établissements et les classes, là où l’enjeu d’une régulation efficace est le plus essentiel. Notre École n’est pas seule au monde, notre réflexion doit s’inscrire dans notre environnement international et avant tout européen, avec confiance et ambition. – il faut multiplier les travaux de connaissance du fonctionnement du système éducatif et d’évaluation de ses résultats, accroître le nombre et la diversité des lieux où ils peuvent être réalisés. nnn – enfin, le ministère devrait développer une politique systématique d’expérimentations contrôlées. Seules de telles expérimentations sont susceptibles, à condition de prendre le temps nécessaire à leur évaluation 6. Avis n°3 sur les forces et les faiblesses de l’évaluation du système éducatif français. 7. Avis n°4 sur l’évaluation des lycées. Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 14 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition 8 Avis du HCéé N° 9 – Octobre 2003 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE QU’ÉVALUENT LES BACCALAURÉATS PROFESSIONNELS ? L e Haut Conseil de l’évaluation de l’école a décidé, au titre de son programme de travail pour 2002-2003, d’examiner cette question. Il a, pour ce faire, demandé à deux inspecteurs généraux honoraires qui ont participé à la création et à l’évolution des baccalauréats professionnels d’établir un rapport destiné à nourrir ses réflexions. Le rapport de Madame Claudie VUILLET et de Monsieur Dominique SICILIANO – qui comme tous les rapports commandés par le Haut Conseil n’engage pas celuici, mais contient les analyses et les propositions des rapporteurs – est public et peut être consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». Lors des discussions qui ont conduit à émettre cet avis le Haut Conseil a pris le parti, comme l’avaient fait les rapporteurs, d’élargir le sujet et de donner son sentiment, non seulement sur ce qu’évaluent les baccalauréats professionnels, mais aussi sur les évolutions envisagées de ce diplôme et des formations qui y conduisent. Il l’a fait après avoir fait un point sur l’histoire et l’état actuel de ce diplôme et de ces formations. Les baccalauréats professionnels, des diplômes dont la finalité est double, dont la création a permis d’accroître puis de maintenir la proportion de bacheliers dans une génération et qui constituent un ensemble complexe, voire disparate. Le baccalauréat professionnel, diplôme de niveau IV mis en place à titre expérimental à la rentrée 1985, a été officiellement créé par décret du 27 novembre 1985. Il est significatif – et symbolique – que cette création ait été associée à deux mesures importantes pour l’enseignement professionnel : la transformation des lycées d’enseignement professionnel (les LEP) en lycées professionnels (les LP) et la création d’un nouveau corps de professeurs ayant vocation à enseigner dans ces établissements, les professeurs de lycées professionnels (les PLP) recrutés au même niveau que les certifiés. L’accolement des deux termes « baccalauréat » et « professionnel » n’allait pas de soi et la naissance de ce diplôme a été marquée par des Avis du HCéé N° 10 – Novembre 2003 questions sur la légitimité de l’appellation « baccalauréat », et sur le sens à donner au qualificatif « professionnel », notamment quant à la distinction à opérer par rapport au baccalauréat de technicien : en 1985, une présentation officielle du nouveau diplôme affirmait que celui-ci « ne peut avoir de double finalité. La finalité professionnelle est marquée par son titre même, ce qui n’interdit pas, par ses contenus de formation, l’accès à des formations technologiques supérieures » et le décret de 1985, créant le baccalauréat professionnel le définissait comme « un diplôme national qui atteste d’une qualification professionnelle », et ne mentionnait qu’ensuite que « sa possession confère le grade de bachelier ». En revanche, le décret de 1995, qui porte aujourd’hui règlement général du diplôme, lui donne plus explicitement une double finalité en indiquant, dans l’ordre, que sa possession « confère le grade universitaire de bachelier » et « atteste que ses titulaires sont aptes à exercer une activité professionnelle hautement qualifiée ». féminines et un bachelier professionnel sur trois a des parents ouvriers ou inactifs, alors que c’est le cas pour un peu moins d’un bachelier général sur six 1. Que veulent évaluer les baccalauréats professionnels ? C’est incontestablement la finalité professionnelle du diplôme qui est mise en avant en matière d’évaluation. La procédure d’élaboration d’un baccalauréat professionnel et des conditions de sa certification relève entièrement des Commissions Professionnelles Consultatives auxquelles participent des représentants des employeurs et des salariés des branches concernées. Elle est organisée en deux temps : tout d’abord, élaboration d’un « référentiel des activités professionnelles » qui décrit les activités que sera amené à exercer le titulaire du diplôme (il renvoie à la situation de travail), puis élaboration d’un « référentiel de certification » qui renvoie, lui, à la situation d’évaluation. En tout état de cause, le développement du baccalauréat professionnel (plus de 90 000 diplômés à la dernière session) a joué un rôle essentiel dans l’accroissement de la proportion de bacheliers dans les générations : il a contribué pour plus du tiers au doublement de cette proportion entre 1985 – l’année de la création du diplôme – et 2002. C’est même la croissance du nombre de bacheliers professionnels qui a permis, à elle seule, de maintenir cette proportion à un niveau sensiblement constant depuis 1995, alors que la proportion des bacheliers généraux déclinait et que celle des bacheliers technologiques stagnait. Plus d’un bachelier sur six est aujourd’hui un bachelier professionnel. Cette notion de référentiel de certification repose sur une distinction essentielle opérée entre diplôme et cursus de formation. Le référentiel de certification n’énonce – en principe – que les compétences attendues lors de la situation d’évaluation, sans mention aucune d’un programme d’acquisition de ces compétences qui est à construire de façon différente selon le mode d’accès à la certification : formation initiale (scolaire ou par apprentissage), formation continue et, plus récemment, validation des acquis de l’expérience. Le Haut Conseil apprécie tout particulièrement le principe d’une procédure qui conduit à définir un diplôme en termes de compétences attendues de son titulaire, décrites en termes de capacités et de savoir-faire, d’une part, et de connaissances associées, d’autre part. En effet, elle se situe clairement dans la logique d’un pilotage des formations par les compétences attendues au final, et devrait faciliter l’évaluation des diverses voies de formation, comme celle des établissements et des institutions qui les délivrent. Les 44 baccalauréats professionnels actuels regroupent – compte tenu des options – 65 spécialités du domaine de la production et du domaine des services. Ces spécialités ont des définitions qui peuvent être très différentes : certaines se réfèrent à des branches professionnelles, d’autres à des métiers, d’autres encore à des fonctions ou à des domaines de compétence transversaux. Certaines spécialités regroupent quelques centaines d’élèves alors que trois baccalauréats tertiaires regroupent, à eux seuls plus de 40 % des candidats. Enfin, les formations conduisant à ces diplômes sont très majoritairement, soit masculines, soit 1. Sur ces questions, le Haut Conseil renvoie à son avis n° 9 « éléments de diagnostic sur le système scolaire français », octobre 2003. 2 Avis du HCéé N° 10 – Novembre 2003 fessionnelles : 60 % contre 40 %, proportions à peu près semblables à celles en vigueur pour les baccalauréats technologiques ; Mais il constate que la mise en œuvre effective des procédures de certification conduisant à la délivrance du baccalauréat professionnel tend à s’écarter du principe initial. On a progressivement laissé de côté les aspects les plus positifs d’une évaluation fondée sur un référentiel de certification au profit d’une juxtaposition d’épreuves disciplinaires ou par domaine, et ceci au détriment de la finalité professionnelle de la formation. – par ailleurs, cette évaluation de plus en plus séparée des compétences professionnelles et des compétences acquises en enseignement général, ne peut qu’accentuer le développement autonome des disciplines, au détriment de la finalité professionnelle de la formation et de la certification. Sauf exception (en mathématiques et en sciences et, à un degré moindre, en anglais) les épreuves des disciplines générales sont aujourd’hui communes à l’ensemble des spécialités. Qu’évaluent effectivement les baccalauréats professionnels ? Le Haut Conseil est ainsi conduit à faire plusieurs remarques quant à la mise en œuvre effective des procédures de certification conduisant à la délivrance du baccalauréat professionnel : Dans le souci d’affirmer la finalité professionnelle du diplôme, le Haut Conseil recommande que l’on privilégie des protocoles d’évaluation intégrant dans les épreuves professionnelles la vérification de compétences acquises en enseignement général. L’intégration de représentants des « enseignements généraux » dans les Commissions paritaires consultatives devrait faciliter la nécessaire clarification des finalités de l’enseignement général dans les formations professionnelles. – certains parmi les référentiels de certification récents sont plus construits en référence à un programme de formation qu’au référentiel d’activités professionnelles, ce qui est contraire au principe évoqué plus haut ; – de même, le « découpage » des diplômes en « unités de certification », censé faciliter l’accès à ceux-ci par la voie de la formation continue, tend à être opéré en référence aux seules épreuves de l’examen ; Quant aux unités de certification validées par un « contrôle en cours de formation », très justement distingué dans les instructions d’un « traditionnel » contrôle continu , leur pratique devrait être recadrée pour éviter deux écueils extrêmes : une évaluation formative à des fins pédagogiques et une suite de partiels. – dans la quasi-totalité des baccalauréats professionnels, l’option prise d’assurer une meilleure formation générale pour permettre d’affronter les évolutions technologiques a conduit à favoriser les horaires consacrés à l’enseignement général, et ceci alors même que les horaires globaux ont souvent diminué ; Les critères d’évaluation de la formation en milieu professionnel, réalisée, elle aussi par un « contrôle en cours de formation », ce que le Haut Conseil juge très positif, mériteraient d’être précisés à nouveau. On peut en effet se demander si les tuteurs ne privilégient pas dans leurs appréciations le comportement au travail des candidats au détriment des compétences à développer en entreprise. La note de cette unité de certification devrait, conformément aux dispositions réglementaires, toujours émaner conjointement des professeurs – étant rappelé que tous sont concernés quelles que soient leurs disciplines d’enseignement – et des tuteurs. La reprise des « guides de formation en entreprise » initialement conçus pour énumérer les compétences à développer en entreprise – et qui semblent avoir été abandonnés – devrait y contribuer. – cette évolution a été associée à une autre consistant à juxtaposer de plus en plus des épreuves ou des sous-épreuves conçues sur la base des disciplines d’enseignement : disciplines générales, d’un côté, disciplines professionnelles, de l’autre, pour ne plus rechercher des épreuves « fédérant » sur un même support, évaluations de compétences et de connaissances relevant des unes et des autres de ces disciplines ; – la mise au point effective de telles épreuves éviterait que l’on s’interroge sur la légitimité d’une répartition des coefficients qui donne logiquement la prépondérance aux épreuves pro3 Avis du HCéé N° 10 – Novembre 2003 nelles en faveur des spécialités « à forte professionnalisation confirmée par l’emploi » et, d’autre part, d’assurer un meilleur accès au niveau du baccalauréat pour les titulaires d’un diplôme de niveau V, dont le poids est aujourd’hui excessif dans les sorties de formation initiale. Enfin, des enquêtes montrent que les enseignants – comme les tuteurs en entreprise – ne disposent pas toujours d’un retour d’information des jurys, ce qui rend difficile une régulation de la formation en fonction de ses finalités. La prise en compte de ces remarques devrait constituer un guide d’action pour revoir, spécialité par spécialité, les conditions effectives de l’élaboration et de la mise en œuvre des référentiels de certification. Elles devraient également permettre une certification plus ouverte aux différentes voies de formation conduisant au diplôme, notamment à celle de l’acquisition de tout ou partie des compétences par l’expérience. Dans cette logique, il lui semble nécessaire d’évaluer avec soin l’expérimentation d’un accès direct d’élèves de troisième à une formation au baccalauréat professionnel en trois ans. Il lui semble également indispensable de s’assurer que les titulaires d’un baccalauréat professionnel puissent – s’ils le souhaitent et surtout s’ils en ont les capacités – accéder effectivement aux formations supérieures les mieux en rapport avec les compétences attestées par leur grade de bachelier. À cette fin, des dispositifs d’accompagnement devraient leur faciliter un accès immédiat en STS et en IUT, sans allongement de la durée totale des formations correspondantes. nnn On aura compris que toutes ces observations et propositions vont dans le sens d’une réaffirmation de la finalité professionnelle du diplôme. Le Haut Conseil a en effet placé sa réflexion et ses propositions en matière d’amélioration de la certification du baccalauréat professionnel dans la logique de son avis récent proposant des « éléments de diagnostic sur le système scolaire français »2. Le Haut Conseil insiste, en tout état de cause, pour que les responsables de la politique éducative aient un discours clair et explicite quant aux finalités propres du baccalauréat professionnel et à sa position relativement au baccalauréat technologique, notamment dans le secteur tertiaire. Ceci le conduit à rappeler la nécessité, d’une part, de rééquilibrer les formations profession- 2. Avis n ° 9 « éléments de diagnostic sur le système scolaire français », octobre 2003. Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 14 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition Ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche 4 Avis du HCéé N° 10 – Novembre 2003 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE L’ÉVALUATION DES COMPÉTENCES DES ÉLÈVES ET DES JEUNES EN LECTURE ET EN ÉCRITURE ET DE LEUR ÉVOLUTION. L’évaluation des compétences des élèves et des jeunes en lecture et en écriture et de leur évolution. Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a inscrit ce sujet dans son programme de travail pour 2002-2003. Le rapport, destiné à nourrir ses réflexions, a été établi par Mesdames MarieThérèse CÉARD, Inspectrice d’académie-inspectrice pédagogique régionale honoraire, Martine RÉMOND, chercheuse à l’Institut National de la Recherche Pédagogique et maîtresse de conférences à l’IUFM de Créteil, et Michèle VARIER, Inspectrice de l’Éducation nationale honoraire. Comme tous les rapports commandés par le Haut Conseil, il n’engage pas celui-ci, mais contient les analyses et les propositions des rapporteurs ; il peut être consulté sur le site : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». Les discussions qui ont conduit le Haut Conseil à émettre cet avis ont porté moins sur les résultats des évaluations en termes de niveaux de compétences effectivement atteints par les élèves et les jeunes 1 que sur la pertinence des outils disponibles pour apprécier ces niveaux de compétences et sur celle de la diffusion et des usages qu’ils connaissent relativement aux deux finalités assignées par la loi à l’évaluation dans le système éducatif : rendre compte des résultats atteints et donner à ses responsables et à tous ceux qui y travaillent les moyens d’en améliorer le fonctionnement et les résultats. Les compétences en lecture et en écriture : une question dont les enjeux sont essentiels et dont l’abord est délicat. Le Haut Conseil constate que les jugements portés sur le niveau et l’évolution des compétences en lecture et en écriture des élèves et des jeunes sont trop souvent fondés plus sur des impressions, voire des souvenirs personnels, que sur des données objectives. Ils sont fréquemment excessifs, ce qui nuit à une analyse équilibrée permettant de mettre les évolutions en perspective et de cerner les points forts et les points faibles de notre système éducatif dans ce domaine. 1. A ce sujet, on pourra se reporter au rapport des expertes et au n°66 de la revue Éducation & formations qui présente entre autres une synthèse des travaux de la DEP touchant aux compétences en lecture des élèves et des jeunes. Avis du HCéé N° 11 – Décembre 2003 tences atteints posent de nombreuses questions méthodologiques. Or, une évaluation aussi objective que possible de ces compétences et de leur évolution est d’autant plus nécessaire que : La France dispose de très nombreux travaux en matière d’évaluation des compétences en lecture et en écriture. w l’on considère à juste titre que les résultats d’un système éducatif en matière d’apprentissage de la compréhension de l’écrit sont un des critères essentiels pour juger de son efficacité ; La richesse et l’ampleur des dispositifs d’évaluation mis en place depuis maintenant plus de trente ans – pour l’essentiel par la Direction de l’évaluation et de la prospective (DEP) du ministère de l’Éducation nationale – à différents niveaux du système éducatif, mais aussi lors de la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD), méritent d’être soulignées. w ces compétences sont un élément indispensable sur lequel peuvent se construire, s’entretenir et se développer connaissances et compétences dans tous les domaines ; w la maîtrise de la lecture et de l’écriture est aujourd’hui une condition indispensable à une bonne insertion sociale et professionnelle. Ces dispositifs ont incontestablement des aspects très positifs et ont permis de cerner des priorités de politique éducative : Pour autant, cette évaluation n’est pas aisée et la communication de ses résultats – aux responsables politiques comme à la presse et au public – est un exercice difficile et délicat : w du point de vue du pilotage du système, la confrontation de données issues de sources diverses, aux finalités différentes, permet de dégager des convergences et d’avancer de façon plus assurée des hypothèses. En particulier, le fait de disposer de nombreux travaux nationaux permet de pouvoir tirer parti, en les considérant à leur juste place, des comparaisons internationales auxquelles la France participe ; w les compétences qu’un élève ou un jeune doit maîtriser pour être considéré comme sachant lire et écrire peuvent être envisagées de façon différente selon les lieux et les moments ; w les exigences sociales à cet égard ne sont pas les mêmes selon les niveaux et les situations – scolaires, professionnelles, etc. – et ces exigences évoluent dans le temps. L’exemple de l’orthographe est significatif : l’opinion publique française a tendance à ériger son respect en critère majeur de jugement en raison du rôle que tient la dictée dans la tradition scolaire de notre pays, alors que la langue, et surtout son usage, ont évolué et que la société – comme les programmes et les pratiques d’enseignement – mettent aujourd’hui beaucoup plus l’accent sur la capacité à comprendre et à s’exprimer ; w la mise au point d’outils d’évaluation diagnostique – conçus comme des outils professionnels destinés aux enseignants – et largement diffusés auprès de ceux-ci constitue une originalité positive du système français d’évaluation. Mais, dans le même temps, la multiplicité de ces dispositifs, dont les finalités ne sont pas toujours clairement distinguées ou parfaitement perçues, soulève des questions, dont certaines ont déjà été évoquées par le Haut Conseil 2 : w la multiplicité des données disponibles aux plans national et international, données fondées sur des conceptions de la compréhension de l’écrit et sur l’appréciation de compétences qui sont légitimement différentes selon les buts recherchés, rend indispensables des confrontations et des synthèses, plus difficiles à établir et à faire partager que la diffusion de données chiffrées sur « le » niveau de lecture ou le classement d’un pays dans une enquête internationale ; w le foisonnement de dispositifs aux finalités variées, parfois difficiles à expliciter, entraîne des confusions, et peut même conduire à « détourner » certains d’entre eux : l’utilisation fréquente des résultats des évaluations diagnostiques aux fins de pilotage local, voire national en est l’exemple le plus patent ; w le souci de multiplier les évaluations et de proposer aux enseignants des outils de plus en w enfin, la mesure et la comparaison dans l’espace et dans le temps des niveaux de compé- 2. Voir en particulier l’avis n°2 sur l’appréciation et la certification des acquis des élèves en fin de collège : diplôme et évaluations-bilans. 2 Avis du HCéé N° 11 – Décembre 2003 plus nombreux – activités qui sont grosses consommatrices de moyens et de temps – a parfois eu comme conséquence un déficit en matière de synthèses aisément utilisables par les responsables politiques nationaux, régionaux et locaux et propres à rendre compte à la société des résultats de notre système éducatif ; des outils, à en faire percevoir l’intérêt et à en diffuser l’usage ; w enfin, les acquis et les progrès des élèves dans la maîtrise des compétences attendues ne sont pas assez souvent mis en rapport avec les pratiques enseignantes et éducatives et les politiques d’établissement, ce qui rend difficile d’en tirer des orientations en matière de politique éducative 3. Sur ce point aussi, le Haut Conseil note avec intérêt que les évaluations-bilans mises en place par la DEP, comportent des données de contexte et apporteront des éléments de réponse à ces sujets. w en particulier, les responsables de la politique éducative demandent des indicateurs qui leur permettent de suivre l’évolution du niveau des élèves en fonction des objectifs des programmes et des diverses compétences attendues en matière de lecture et d’écriture, ce qui implique la réalisation régulière d’évaluations-bilans aux pointsclefs de la scolarité et une excellente maîtrise des techniques de la mesure en éducation. C’est donc pour l’essentiel ce souci d’une meilleure utilisation qui doit en guider les améliorations. Le Haut Conseil se félicite que sur ces points, les recommandations qu’il avait faites dans son avis n°2 aient été suivies d’effets avec, d’une part, la mise en place par la DEP d’évaluationsbilans en fin d’école et en fin de collège (cette dernière ayant une dimension non seulement nationale, mais aussi académique) et le renforcement des compétences de cette direction dans le domaine de la psychométrie. Les recommandations du Haut Conseil en la matière s’articulent en trois points : Rendre plus explicites et clairement distinguer les finalités des différents dispositifs. Les responsables nationaux, régionaux et locaux du système éducatif, comme les enseignants perçoivent mal les finalités respectives des nombreux dispositifs mis en place, les possibilités et les limites d’utilisation de chacun d’eux : outils d’évaluation diagnostique destinés à aider les enseignants à moduler leurs pratiques ; évaluations-bilans destinées au pilotage et qui peuvent être plus ou moins proches des objectifs de nos programmes, notamment lorsqu’il s’agit d’évaluations comparatives internationales 4. Ils n’en apprécient pas toujours les spécificités relativement aux procédures « traditionnelles » d’évaluations que sont les examens ou les notations. Mais les résultats de ces travaux sont, comme dans d’autres domaines touchant à l’évaluation du système éducatif, trop peu utilisés. On se contentera d’en citer quelques exemples : w la mobilisation des résultats des évaluations pour arrêter des inflexions de la politique éducative et de ses objectifs reste faible et des considérations subjectives prennent souvent le pas sur la prise en compte de ces résultats ; w les évaluations diagnostiques, outils mis à disposition des enseignants, sont encore trop peu mises à profit par ceux-ci et par les réseaux de formation, même si les situations sont contrastées selon le niveau d’enseignement (l’utilisation en est plus intense dans le premier degré) ou selon les contextes (l’utilisation en est plus intense dans les situations difficiles). Le caractère parfois peu ergonomique de certains de ces outils ou de la mise en forme de leurs résultats peut – pour une part – l’expliquer, mais le Haut Conseil y voit aussi une difficulté de notre système éducatif, de ses cadres et des concepteurs Un effort d’information et de formation à ce sujet devrait incomber, à la fois, aux responsables de la politique éducative, aux concepteurs de ces outils, aux cadres du système et au réseau de formation. De même la mise en place d’un nouveau dispositif d’évaluation devrait être systématiquement accompagnée d’une présentation de l’ensemble de ses objectifs. 3. Cette question a déjà été évoquée dans l’avis n°7 sur l’évaluation des pratiques enseignantes dans les premier et second degrés. 4. Le Haut Conseil se propose d’y contribuer en émettant un avis sur l’intérêt et les limites des évaluations internationales. 3 Avis du HCéé N° 11 – Décembre 2003 d’un effort dans la présentation de leurs résultats, des moyens par lesquels ils ont été obtenus et de leurs limites de validité. De même, il incombe à la DEP, non seulement de produire les résultats des différents travaux qu’elle réalise, mais d’en élaborer périodiquement des synthèses destinées, d’une part, aux responsables, d’autre part, au corps social. Rendre ces dispositifs plus fiables. On a souligné plus haut que des recommandations déjà faites à ce sujet étaient suivies de premiers effets dans le programme et les méthodes de travail de la DEP. Dans le domaine de la lecture et de l’écriture, la mise en place d’évaluations de qualité, quels qu’en soient les objectifs, doit associer des compétences en sciences du langage, en psychométrie et en didactique. Ceci vaut tout autant pour les évaluations « scolaires » que pour des évaluations « extra-scolaires », comme celles de la JAPD qui doivent permettre un suivi permanent de l’évolution des compétences des jeunes Français. w En ce qui concerne les évaluations diagnostiques, il est manifeste que pour qu’elles soient utilisées plus largement par les enseignants, qu’elles apportent des éléments de réponse aux problèmes professionnels qu’ils rencontrent et contribuent aux progrès des élèves, il faut les rendre plus ergonomiques dans leur présentation et leur usage, leur donner une place effective dans les formations, et surtout accompagner les enseignants dans leur mise en œuvre et leur exploitation. Mieux répondre aux besoins. w Ceci implique de mieux apprécier les évolutions des compétences dans le temps et dans l’espace. Dans le temps, il s’agit non seulement de mesurer ces évolutions aux niveaux importants du système éducatif (par exemple à la fin de la scolarité obligatoire) mais aussi de mesurer les progrès accomplis par les élèves au cours des différentes étapes de leur scolarité (par exemple, au cours de la scolarité au collège). Dans l’espace, il est nécessaire de disposer de données régionalisées qui permettent de s’assurer de l’équité du service public national d’éducation et facilitent le pilotage académique de la politique éducative. nnn Pour que ces recommandations visant à développer la qualité et la variété des évaluations à hauteur des besoins de pilotage et de transparence du système éducatif et à en promouvoir un usage plus fréquent et efficace, soient effectivement suivies d’effets, le Haut Conseil se doit de rappeler ce qu’il a déjà souligné à plusieurs reprises : la nécessité de renforcer les structures en charge de l’évaluation au sein du ministère et à sa périphérie. w Pour ce faire, le nécessaire développement des évaluations-bilans doit être accompagné Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 41 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition Ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche 4 Avis du HCéé N° 11 – Décembre 2003 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE L’ÉVALUATION DE L’ORIENTATION À LA FIN DU COLLÈGE ET AU LYCÉE P our traiter ce sujet le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a demandé à Maryse HENOQUE, Inspectrice de l’Éducation nationale-information et orientation et à André LEGRAND, professeur des universités, d’établir un rapport destiné à étayer ses réflexions. Ce rapport, qui n’engage que ses auteurs, est disponible sur le site du Haut Conseil : http://www.cisad.adc.education.fr/hcee/. Les débats du Haut Conseil l’ont confirmé dans l’idée qu’une appréciation sereine de l’orientation est délicate. Dans une large mesure, l’orientation concentre les critiques sur le système éducatif et les jugements portés à son sujet sont marqués par une forte affectivité. Ceci pour plusieurs raisons : w tout d’abord, dans notre pays, l’orientation est « scolaire » : elle est mise en œuvre au sein du système éducatif par des personnels de l’Éducation nationale ; w ensuite, elle est généralement connotée négativement puisque les « élèves orientés » sont les élèves en difficulté, voire en échec, ceux que le système scolaire exclut du cursus « normal ». L’image négative attachée à l’enseignement professionnel et technologique y contribue largement ; w enfin, elle est très souvent confondue avec d’autres éléments du fonctionnement du système éducatif, en particulier l’affectation, dont les modalités et les résultats sont parfois jugés peu satisfaisants. Par ailleurs, évaluer l’orientation est un exercice qui implique tout à la fois : w d’évaluer des politiques publiques : la politique éducative bien sûr, mais aussi d’autres politiques qui ont un impact sur l’orientation (par exemple, la politique de l’emploi ou la politique économique), ainsi que l’articulation entre des politiques nationales et des politiques décentralisées, qui contribuent ensemble à arrêter l’offre de formation ; w d’évaluer la qualité et l’adéquation des moyens mis en œuvre pour réaliser l’orientation : ses outils (comme la pertinence des informations sur l’évolution des formations, des emplois et des qualifications), ses procédures (notamment la façon dont sont prises en compte les informations précitées), et le fonctionnement des structures où elle se concrétise, notamment les conseils de classe ; w d’évaluer, enfin, les pratiques des acteurs qui « font l’orientation » : on considère souvent les services d’orientation et les Conseillers d’orientationpsychologues (les COP) comme en étant seuls responsables, alors que leur influence est en réalité très faible, contrairement à celle des chefs d’établissements et des enseignants qui arrêtent les décisions en conseils de classe, ainsi que celle des parents et des élèves eux-mêmes. On ne dispose aujourd’hui que d’éléments partiels d’évaluation de la politique d’orientation. Des connaissances sont bien établies sur les acteurs, sur certains mécanismes et sur des résultats. Ainsi, on connaît assez bien les critères qui s’appliquent, de fait, à l’orientation des élèves en fin de troisième : on sait que les orientations sont très dépendantes de l’âge des élèves et de leur parcours scolaire antérieur ; on sait qu’à valeur scolaire égale, les conseils de classe, Avis du HCéé N° 12 – Mars 2004 non seulement ne corrigent pas les différences d’ambition selon les catégories sociales et le sexe, mais les confirment souvent et peuvent même les renforcer. Il n’y a pas, de ces points de vue, équité ; on sait aussi que les orientations sont largement conditionnées par les politiques d’établissement et les capacités d’accueil disponibles en aval. des acteurs locaux, conséquence de la décentralisation des schémas de formation et de la déconcentration de la carte scolaire. Tout au plus, certains ont-ils pu se bercer de l’illusion que la création de diplômes et de formations pouvait tenir lieu de politique de « gestion des flux », alors que l’on sait pertinemment, par exemple, que, la création de capacités d’accueil en sections STI ou en baccalauréats professionnels du secteur de la production ne suffit pas à y attirer les élèves, sauf à avoir le courage de ne pas ouvrir, voire de fermer, d’autres sections moins porteuses, notamment certaines formations tertiaires fortement féminisées où satisfaire les demandes de l’institution et des élèves n’est pas responsable.1 Mais connaît-on suffisamment les éléments les plus pertinents pour piloter l’orientation ? On sait mal ce que sont les critères effectivement pris en compte par les acteurs essentiels de l’orientation que sont les enseignants, sinon qu’il s’agit essentiellement des résultats scolaires des élèves (résumés par leurs notes) et non d’une appréciation de leurs compétences en relation avec les formations et les professions vers lesquelles on les oriente, formations et professions que les enseignants connaissent d’ailleurs souvent mal. On n’apprécie sans doute pas à sa juste place le rôle des familles, rôle important puisque les décisions prises le sont en référence à leurs demandes, elles-mêmes fonction de leur degré de maîtrise des enjeux liés aux carrières scolaires. On dispose, enfin, de peu de choses sur l’impact des actions d’information en direction des élèves, alors que l’on s’accorde à estimer que le déficit d’information sur les métiers et les qualifications est très important. Parallèlement, alors que le principe de « l’éducation à l’orientation » est excellent, l’insistance mise sur le « projet personnel de l’élève » – dont le principe est également excellent – peut avoir des effets pervers, en reportant sur les élèves eux-mêmes – notamment sur les plus faibles d’entre eux et les moins favorisés socialement – la responsabilité de leur orientation, voire de l’échec de celle-ci, alors qu’elle en exonère l’institution. Celle-ci a, dans une certaine mesure, demandé aux élèves d’assumer ce qu’elle n’osait plus dire ou faire. Le changement de statut des conseillers d’orientation, devenus, au début des années quatre-vingt-dix, conseillers d’orientation-psychologues, a coïncidé avec l’affaiblissement du pilotage national. Il est de fait que la dimension psychologique de l’orientation – dimension qui lui est indispensable – est plus développée en France que dans la plupart des pays comparables, et le Haut Conseil se demande si ceci n’a pas constitué, pour certains responsables, un moyen d’accompagner le déclin du pilotage national. La modestie des créations d’emploi et des recrutements, contrairement à ce qui s’est passé pour les autres corps, illustre bien les interrogations du ministère quant au rôle joué par les COP. On constate enfin que l’autonomie des acteurs est grande en la matière et que les pratiques locales et les politiques d’établissement sont très diverses, qu’il s’agisse des décisions d’orientation proprement dites ou de la préparation de celles-ci par l’information ou l’éducation à l’orientation, sans qu’une évaluation effective en soit faite. La question essentielle : celle du pilotage national de la politique. Le pilotage de la politique d’orientation consiste à gérer la contradiction entre deux objectifs qui s’entrecroisent en permanence : celui de la « gestion des flux » qui vise à répartir les élèves entre les différentes formations existantes et celui du « projet individuel » qui veut donner à un jeune les moyens d’effectuer progressivement ses choix de formation et de carrière en fonction de ses compétences et de ses souhaits. La façon dont cette contradiction – qui est au centre de la politique de formation – a été gérée, a sensiblement évolué au fil du temps, comme le montre l’approche historique développée par les rapporteurs auxquels le Haut Conseil a fait appel. Le Haut Conseil estime, en tout cas, qu’il ne serait pas légitime que l’État central fasse porter aux COP la responsabilité de son défaut de pilotage de la politique, ni qu’il prenne argument du fait que les services d’orientation sont extérieurs aux établissements scolaires pour les décentraliser. Clarifier les objectifs et les missions La politique d’orientation est un élément constitutif de la politique éducative. Les responsables de celleci doivent donc en rappeler les deux objectifs indissociables : « gestion des flux », qui devra prendre en compte les évolutions des besoins économiques et sociaux, et « construction progressive d’un projet Comme ces rapporteurs, celui-ci estime que le pilotage national de la politique est aujourd’hui et depuis plusieurs années très largement défaillant. Dans ce domaine comme dans d’autres, les responsables nationaux de la politique éducative n’ont pas su concilier la conduite d’une politique dont les objectifs sont fixés au niveau national et l’autonomie 1. Voir en particulier les avis n° 9 et 10 du Haut Conseil relatifs respectivement aux « éléments de diagnostic sur le système scolaire français » et à « ce qu’évaluent les baccalauréats professionnels » 2 Avis du HCéé N° 12 – Mars 2004 individuel ». La contradiction entre ceux-ci est incontournable et doit être gérée. Autrement dit, même si l’orientation est définie comme « le résultat d’un processus continu d’élaboration d’un projet personnel de formation que l’élève … mène en fonction de ses aspirations et de ses capacités »2, le projet de l’élève peut et doit être infléchi en fonction de ses connaissances, de ses aptitudes et de l’évolution des besoins économiques et sociaux. Parallèlement, l’État et les collectivités territoriales doivent veiller à ce que l’offre de formation corresponde bien à cette évolution, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui. qualifiés. Par ailleurs, d’autres sont ouvertes sans que la nécessité en soit avérée. S’agissant des études et recherches, il faut synthétiser et diffuser les connaissances accumulées dont on a vu qu’elles ne sont pas négligeables ; il faut compléter celles-ci par une meilleure vision des critères et des processus effectifs de l’orientation, qui ne sont pas les mêmes en fin de premier cycle, au cours de la scolarité lycéenne et lors de l’accès à l’enseignement supérieur. w En ce qui concerne les outils de l’orientation, des améliorations sensibles doivent être apportées tout au long de la procédure. Seule, une telle clarification peut permettre de préciser les missions des instances et des personnels chargés de l’orientation, de définir les procédures et les outils à mettre en œuvre et, pour ce qui nous concerne plus particulièrement ici, d’évaluer la politique d’orientation sous les différents aspects évoqués plus haut. Dans le domaine de l’information tout d’abord, les ressources sont nombreuses, mais pas toujours exploitables ni exploitées, et elles sont souvent peu concrètes pour les jeunes et leurs familles. Les connaissances en la matière tant des enseignants que des COP doivent être développées et une évaluation de l’impact des différentes modalités de cette information doit être régulièrement organisée. w En ce qui concerne le pilotage national, il est indispensable de mieux connaître et de suivre les résultats des politiques conduites et des pratiques mises en œuvre aux plans régional et local. Le ministère doit disposer d’un ensemble d’indicateurs qui lui permette d’apprécier le degré d’atteinte d’objectifs nationaux, compte tenu de l’impact de l’autonomie dont sont légitimement dotés les acteurs déconcentrés. La plupart des données disponibles s’intéressent essentiellement aux objectifs globaux de l’orientation, mais elles laissent souvent de côté, d’une part, l’articulation avec les politiques régionales et locales et, d’autre part, les objectifs centrés sur l’élève. Ces données ne permettent pas toujours d’apprécier de façon fine l’équité des procédures et des décisions d’orientation. Dans le domaine de l’appréciation des compétences des élèves, ensuite on a déjà souligné à plusieurs reprises que les critères scolaires, voire disciplinaires y étaient dominants. Le Haut Conseil rappelle à ce sujet une des propositions qu’il a faites au sujet du brevet, en suggérant « que l’examen puisse donner lieu à des certifications différenciées […] qui déboucheraient sur un « profil » ou un « bilan de compétences » maîtrisées par l ‘élève, et propre à favoriser ultérieurement son orientation et son insertion professionnelle » 3. Par ailleurs, ce doit être un des apports essentiels des COP que de compléter l’évaluation des acquis scolaires des élèves par une évaluation de leurs « compétences transversales », et ils doivent assumer la responsabilité d’intervenir dans les débats conduisant aux décisions d’orientation en fonction des données issues de cette évaluation. Le ministère doit se donner les moyens : – de faire connaître à tous les acteurs les objectifs fixés par la Nation ; – de mettre en capacité les acteurs locaux relevant de son champ de travailler efficacement avec les autres partenaires en charge de ces questions, dans le respect des prérogatives de chacun. w Dans le domaine des missions et des pratiques des acteurs, enfin, deux voies de progrès doivent être explorées : la première touche aux relations entre les personnels de l’Éducation nationale et les autres personnels chargés de l’information et de l’orientation. La mutualisation des outils et des informations doit être renforcée ; la VAE et le développement de la formation tout au long de la vie doivent inciter à ouvrir les services d’information et d’orientation sur les partenaires extérieurs ; la seconde, plus interne au système éducatif, concerne les relations entre les fonctions des professeurs et celles des conseillers d’orientation. Considérant qu’une véritable orientation doit être fondée sur la combinaison de la valeur scolaire et de compétences générales, d’une part, et compte tenu de l’expérience de certains pays étrangers, L’État, en lien avec les collectivités territoriales, doit se donner les moyens de vérifier l’atteinte des objectifs et veiller à l’équité sur l’ensemble du territoire. En particulier, les établissements, du second degré comme du supérieur, ne subissent aucune conséquences de leurs choix quant à l’orientation des jeunes qui les quittent ou de ceux qu’ils accueillent. Les décisions de carte scolaire et d’implantation des formations peuvent constituer un moyen efficace de les sensibiliser. Cela d’autant plus que l’État et les autorités régionales doivent veiller à ce que les orientations débouchent sur des affectations cohérentes. En effet, trop souvent des formations demeurent offertes et accueillent des élèves malgré leur inadaptation aux besoins, uniquement parce qu’elles existent et qu’il y a des enseignants 2. Article 1er du décret du 14 juin 1990. 3. Avis n° 2 « Apprécier et certifier les acquis des élèves en fin de collège : diplôme et évaluations-bilans », juin 2001. 3 Avis du HCéé N° 12 – Mars 2004 d’autre part, le Haut Conseil estime que ces fonctions doivent rester séparées dans la mise en œuvre de l’orientation scolaire. Pour autant, les COP doivent être plus proches des élèves et les chefs d’établissement doivent avoir les moyens d’assurer un travail d’équipe associant les COP et les personnels d’enseignement et d’éducation. diverses et complémentaires : psychologie, connaissances fines de l’organisation des formations scolaires et extra-scolaires, du contexte économique et social, du monde du travail, etc.. Une reflexion est certainement nécessaire sur une diversification des recrutements ainsi que sur des recrutements internes spécifiques, notamment d’enseignants. Il est également indispensable d’opérer des rapprochements entre la formation des COP et celle dont les enseignants bénéficient dans les IUFM. S’agissant des professeurs et des personnels d’éducation, ils doivent recevoir une formation à la pratique de l’orientation. Quant aux professeurs principaux qui prennent une part active à l’éducation à l’orientation, leurs fonctions doivent être prises en compte lors de leur évaluation professionnelle. nnn Pour les COP, le Haut Conseil estime tout à fait anormal qu’ils ne bénéficient guère de formation continue et qu’ils ne fassent plus l’objet d’une évaluation professionnelle. Il regrette que l’évaluation des services d’orientation se limite, essentiellement, à un comptage des visites qu’ils reçoivent et des entretiens qu’ils assurent, sans référence ni à leur contribution aux objectifs de la politique d’orientation, ni à une « démarche qualité », alors que la qualité de l’accueil est un élément déterminant de leur efficacité. Il regrette également que ces services n’associent plus, comme ils le faisaient autrefois, des personnels aux expériences et aux compétences À la fin de cet avis, le Haut Conseil, voudrait surtout insister sur les enjeux de la politique d’orientation et donc, de son évaluation. Pour ce faire, il se contentera de rappeler qu’il a, dans son avis récent relatif aux « éléments de diagnostic sur le système scolaire français » insisté sur la nécessité pour notre pays et notre système éducatif d’orienter plus de jeunes vers des diplômes bien adaptés au marché de l’emploi et sur celle d’augmenter le nombre des sorties avec un diplôme d’enseignement supérieur et de réduire encore celles de niveau infra-baccalauréat. Un pilotage national effectif de la politique d’orientation est indispensable pour atteindre ces objectifs. Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 3/5 boulevard Pasteur 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 41 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition Ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche 4 Avis du HCéé N° 12 – Mars 2004 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE LE TRAITEMENT DE LA GRANDE DIFFICULTÉ SCOLAIRE AU COLLÈGE ET À LA FIN DE LA SCOLARITÉ OBLIGATOIRE. Ce sujet fait partie d’un ensemble de questions touchant aux mesures de lutte contre la difficulté scolaire que le Haut Conseil a inscrit à son programme de travail pour 2004-2005. Le présent avis doit ainsi être associé à l’avis n°14, relatif au redoublement au cours de la scolarité obligatoire. Pour examiner cette question, le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a demandé à André HUSSENET, Inspecteur général de l’éducation nationale d’établir un rapport destiné à nourrir ses réflexions. Le rapport que celui-ci a élaboré en collaboration avec Philippe SANTANA, Inspecteur d’académieinspecteur pédagogique régional – qui comme tous les rapports commandés par le Haut Conseil n’engage pas celui-ci, mais contient les analyses et les propositions des rapporteurs – est public et peut être consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». L’échec scolaire en fin de scolarité obligatoire : des enjeux élevés, une question d’efficacité et d’équité. La notion d’échec scolaire en fin de scolarité obligatoire est relativement récente. Deux raisons l’expliquent : pendant longtemps la difficulté scolaire a été considérée comme imputable à l’élève lui-même, et non à l’École qui se trouvait ainsi dispensée de lui rechercher des remèdes ; une scolarité difficile et non sanctionnée par un diplôme, n’était pas incompatible avec une bonne insertion sociale et professionnelle. Il en va différemment aujourd’hui, la responsabilité de l’échec n’est plus renvoyée au seul élève mais concerne directement le système éducatif : la loi affiche un objectif de réussite et de qualification pour tous et l’unicité du collège induit la nécessité de reconnaître et de traiter la grande difficulté scolaire. Le fait qu’il faille poursuivre sa formation initiale au-delà de la fin de la scolarité obligatoire pour obtenir une qualification1et surtout une qualification attestée par un diplôme puisque le diplôme national du brevet, qui s’obtient en fin de scolarité obligatoire, n’est pas reconnu comme une qualification, pénalise doublement les élèves en difficulté : l’École se préoccupe plus de ceux qui poursuivent leurs études que de ceux qui les abandonnent ; les risques d’exclusion sociale et professionnelle de ces derniers sont élevés et le sont d’autant plus qu’en France l’enjeu de la qualification (et d’un diplôme certifiant celle-ci) sur l’emploi, est plus fort qu’ailleurs. Au risque de paraître paradoxal, on pourrait dire que les élèves en difficulté sont victimes des succès du système éducatif. En effet des progrès considérables ont été accomplis par celui-ci au cours des dernières décennies : en même temps que croissaient les proportions de jeunes quittant la formation initiale avec des qualifications de plus en plus élevées, celle des 1. Rappelons que le Haut Conseil a émis des réserves dans son diagnostic sur le système éducatif français (avis n°9 d’octobre 2003) sur la définition de la qualification telle qu’elle est retenue en France : actuellement, cette définition permet de considérer comme qualifié au niveau V ou au niveau IV, un jeune sans diplôme, même lorsqu’il n’a pas présenté ou n’a pas obtenu, soit le CAP ou le BEP, soit le baccalauréat, après avoir suivi un cursus préparant à l’un ou aux autres de ces diplômes. Avis du HCéé N° 13 – Novembre 2004 ou telle caractéristique socio-démographique. On sait aussi, notamment grâce aux comparaisons internationales, que le souci de promouvoir les plus faibles ne compromet pas la réussite des meilleurs : les pays dans lesquels les performances des élèves faibles et celles des élèves forts sont les plus proches les unes des autres sont ceux qui ont les performances moyennes les plus élevées. jeunes le quittant sans qualification ou sans diplôme a sensiblement diminué. Faire partie de ces derniers est d’autant plus pénalisant que leurs possibilités d’insertion se sont réduites. De plus, les jeunes concernés appartiennent massivement aux catégories sociales défavorisées et sont souvent victimes de situations de pauvreté et de discrimination : la pauvreté est la première cause du grand échec scolaire et d’autres politiques que la politique éducative sont à mettre en cause. Mais, si la difficulté scolaire ne peut être imputée au seul système éducatif, elle questionne directement celui-ci, non seulement sur son efficacité (l’échec scolaire a un coût élevé pour le système et se traduit par un manque à gagner en termes de développement économique) mais aussi sur son équité ; elle l’interroge également sur sa capacité à assurer à la fois l’instruction et l’épanouissement des jeunes : l’élève qui n’est pas dans la norme scolaire vit cette situation dans la souffrance et parfois la révolte. Enfin, il faut constater que le système éducatif français soutient honorablement la comparaison avec ses principaux voisins quant aux sorties du système marquées par un échec, – ce qui est encourageant – mais qu’il ne progresse plus depuis une dizaine d’années – ce qui ne doit pas décourager. Les politiques éducatives ont mis en place des dispositifs de lutte contre l’échec scolaire, mais les ont accumulés sans les évaluer. Puisqu’elle désigne les élèves en échec, l’École considère de sa responsabilité de prendre des mesures ou de mettre en place des dispositifs qui ont pour ambition de rapprocher ces derniers des conditions de la réussite. Il n’est pas question, dans cet avis, d’en donner une liste exhaustive ; on renverra pour cela à l’étude détaillée qu’en a faite André HUSSENET, en mettant notamment en rapport ces dispositifs et ces mesures et les conceptions de la difficulté scolaires sur lesquelles ils sont fondés. Une proportion de jeunes en échec qui n’est pas tolérable. C’est en tout cas l’École qui définit les conditions qui, tout au long du cursus de la scolarité obligatoire, permettent de considérer qu’un élève réussit ; ce faisant, elle désigne, par défaut, ceux qui sont en échec. C’est ainsi qu’on peut proposer une, ou plutôt plusieurs, approches quantitatives de la proportion de jeunes touchés : si l’on pose que sont en échec ceux qui quittent l’école sans qualification ou diplôme délivré par celle-ci, on retiendra que sont concernés de 14 à 20 % des sortants, selon que l’on considère comme qualifiés ou non les sortants non diplômés des niveaux V et IV 2 ; si l’on considère que sont potentiellement en échec ceux qui, d’une façon ou d’une autre échappent à l’unicité du collège, on constatera que ce sont environ 10 % des jeunes d’une génération qui sont accueillis dans d’autres structures que les classes de 4ème et de 3ème générales ; si l’on se fonde sur la persistance des difficultés de lecture tout au long de la scolarité et à la fin de celle-ci, ce sont, selon le niveau d’exigence retenu, de 5 à 15 % des jeunes qui ne maîtrisent pas cette compétence essentielle à la vie professionnelle et sociale et à la poursuite d’une formation tout au long de la vie. En revanche, plusieurs points méritent d’être soulignés : – Les réformes de structures, les dispositifs, les aménagements de méthodes destinés à lutter contre l’échec scolaire ont été particulièrement nombreux et variés au cours des trente dernières années ; leur ampleur est très diverse selon la nature et l’importance de la difficulté à laquelle ils sont supposés remédier : le redoublement a touché au moins 40% des élèves lorsqu’ils atteignent 15 ans ; l’éducation prioritaire concerne aujourd’hui près d’un écolier et d’un collégien sur cinq ; les SEGPA accueillent des élèves considérés en grande difficulté scolaire et les dispositifs-relais (qui ont été conçus pour remédier aux risques de déscolarisation et non pour accueillir les élèves perturbateurs ou violents) regroupent temporairement moins de cinq mille collégiens ; – Á l’école, le redoublement des premières années de la scolarité élémentaire, qui reste une forme de prise en charge individuelle très utilisée, s’avère inefficace, voire contre-productif 3 ; Si ces décomptes ne sont pas exempts d’arbitraire, leur convergence permet de prendre la mesure d’un enjeu qui ne concerne pas le seul système scolaire, mais toute la société : il ne peut être question politiquement, socialement et économiquement de continuer à tolérer que quelque 15 % des jeunes quittent la formation initiale avec un sentiment d’échec et sans une maîtrise convenable des compétences sur lesquelles peut se construire une formation continuée. – Depuis 1975, la volonté de traiter les difficultés des élèves dans le cadre du collège unique, sans ségrégation, et en évitant de reconstituer des filières a systématiquement été réaffirmée, mais on a plus recouru aux aménagements de structures et à la mise en place de dispositifs qui peuvent, de fait, contredire 2. Cf. note 1 page précédente. 3. Cf. l’avis n°14 sur le redoublement permet-il de résoudre les difficultés rencontrées au cours de la scolarité obligatoire ? S’en tenir là serait d’autant plus intolérable qu’il n’y a en la matière, ni fatalité, ni déterminisme qui serait lié à telle 2 Avis du HCéé N° 13 – Novembre 2004 parés entre eux, y compris pour les plus importants et les plus coûteux comme l’éducation prioritaire et la pratique du redoublement. cette volonté, qu’à des évolutions de contenus et de méthodes ; – En effet, s’agissant des contenus et des méthodes, l’organisation et le fonctionnement du collège restent très proches de ceux du lycée et sont fortement marqués par le poids des enseignements disciplinaires. Dans ce contexte, les recommandations qui font appel à l’initiative et à l’autonomie des établissements : limiter les apprentissages à l’essentiel des programmes (sans que l’on dise ce qu’est cet essentiel !), mettre en œuvre une pédagogie différenciée, individualiser les apprentissages, mettre l’accent sur les méthodes de travail, développer l’interdisciplinarité, travailler en équipe, apparaissent quelque peu gratuites. Quant aux évaluations pratiquées par les enseignants, elles restent trop souvent uniquement sommatives et sanctionnent plus qu’elles encouragent. Piloter, rechercher l’efficacité, donner des outils. Des lignes d’action se dégagent de ces éléments de diagnostic. – Tout d’abord, il faut sans cesse rappeler – à l’ensemble du corps social comme aux acteurs du système éducatif – que la lutte contre l’échec scolaire est non seulement nécessaire, étant donné ses enjeux, mais qu’elle est possible. Le grand échec scolaire étant, pour une part, lié à la pauvreté, cette lutte ne saurait relever du seul système scolaire, mais il est hors de question que celui-ci renvoie l’action à d’autres ou se contente d’adopter une attitude compassionnelle. Il faut surtout que des objectifs de politique éducative soient affichés en conséquence, qu’on se donne les moyens d’en évaluer l’atteinte et d’organiser la complémentarité des acteurs – notamment les enseignants – qui doivent recevoir l’information et la formation nécessaires. – Contrairement à des systèmes éducatifs voisins, la France utilise peu la notion d’élèves « à besoins éducatifs particuliers » et la circonscrit aux élèves handicapés dont elle a, jusqu’à une période récente, organisé la scolarité quasi-uniquement dans des structures spécialisées. Or, il semble que le fait qu’un système éducatif retienne une définition plus extensive des « besoins éducatifs particuliers » (jusqu’à 17 % des élèves en Finlande contre 3,5 % en France) le conduise à être plus sensible aux différences et aux difficultés individuelles et, partant, l’incite à diversifier et à individualiser plus finement les réponses à ces besoins particuliers. – En matière de lutte contre l’échec scolaire, il faut à la fois prévenir – on sait à ce sujet que les débuts de la scolarité, en particulier le cycle des apprentissages fondamentaux, sont décisifs – et remédier – ce qui implique de développer les recherches sur « les élèves en difficultés qui s’en sortent », et sur le rôle que jouent dans la réussite ou l’échec, la motivation, l’estime de soi, et les conditions propices à leur développement. A ce titre, il faut reconnaître que le redoublement des premières années de l’école primaire, conçu et mis en œuvre comme une remédiation, devrait être fortement remis en question. Plus généralement, il n’est pas admissible de laisser penser à un élève qu’il « n’arrivera à rien » alors que l’on sait que croire en sa réussite – et lui permettre de croire en celle-ci – est un facteur d’efficacité de l’enseignement. – La question de la certification, par un diplôme reconnu, des compétences des jeunes en fin de scolarité obligatoire a, ces dernières années, été largement négligée : dans l’état actuel des choses, le système éducatif français se désintéresse du Certificat de Formation Générale, diplôme qui pourrait attester des acquis d’une partie au moins des élèves les plus faibles, les valoriser et leur donner droit à des équivalences reconnues pour poursuivre une formation ultérieure ; de même, le diplôme national du brevet, n’est pas considéré comme qualifiant pour ceux qui l’obtiennent 4. – En termes d’organisation scolaire, le principe doit être de diversifier pour promouvoir et non pour éliminer. Une réflexion et des recherches sur la diversité des « élèves à besoins éducatifs particuliers » 5 appuyées sur un repérage fin de ces besoins doivent conduire à individualiser sans ségréguer, à développer de véritables plans éducatifs individuels (mis en œuvre à l’École avec les parents et en association avec les collectivités territoriales et des partenaires locaux) et à diversifier les points d’appui des apprentissages. Repérer les « besoins éducatifs particuliers » implique de développer les outils d’évaluation nécessaires et d’en bien situer les objectifs : ils n’ont pas pour finalité de classer ou de sanctionner mais de mettre en lumière des différences dont il est normal de tenir compte. Ainsi, de nombreux dispositifs ont été mis en place au fil des ans, ce qui témoigne de la préoccupation du système éducatif et de ses responsables quant à l’échec scolaire. Mais ces dispositifs – qui ont souvent changé de nom plus que de contenu – ont été accumulés et juxtaposés les uns aux autres sans être véritablement pensés en référence à une conception d’ensemble de la scolarité obligatoire et à une définition claire de ses objectifs. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles ils ont rarement été évalués et encore moins com4. Cf. avis n°2, l’appréciation et la certification des acquis des élèves en fin de collège : diplôme et évaluations-bilans 5. Comme indiqué plus haut, ce terme est utilisé ici dans le sens qui est le sien dans les études internationales. Il ne renvoie pas à l’éducation spécialisée telle que nous l’entendons en France, mais à toutes les spécificités individuelles et sociales que l’école devrait connaître et prendre en compte pour organiser les apprentissages. – Même s’ils se sont développés dans des contextes historiques et sociaux différents du nôtre, des systèmes 3 Avis du HCéé N° 13 – Novembre 2004 éducatifs étrangers plus sensibles aux différences, pratiquant moins l’« enfermement » dans des structures spécifiques, et mettant plus en avant l’épanouissement de l’enfant et la valorisation de l’élève, peuvent, à ce sujet, nourrir la réflexion et l’expérimentation. Ces systèmes éducatifs mettent l’accent – en matière de prévention de la difficulté scolaire – tout autant sur les moyens d’aider les enseignants dont les élèves connaissent des difficultés, que sur les dispositifs d’aide aux élèves eux-mêmes. Fournir aux enseignants les outils de remédiation dont ils ne disposent pas encore, faire en sorte que des personnels spécialisés puissent les appuyer plutôt que les suppléer auprès des élèves doivent contribuer à éviter de traiter « à part » les élèves en difficulté. ficulté scolaire ». Le Haut Conseil suggère à ce sujet de donner sa pleine signification à la politique des cycles – fort peu suivie et évaluée jusqu’ici – et de faire prioritairement le point sur les nombreux dispositifs et les diverses pratiques qui concernent de très nombreux élèves : le redoublement 7, l’éducation prioritaire, les SEGPA, le soutien scolaire, etc.. Les dispositifs mis en place avec les collectivités territoriales et les associations, en particulier en matière d’accompagnement à la scolarité, doivent également être examinés dans ce cadre. De même un programme de recherches sur les facteurs qui peuvent expliquer la réussite des plus démunis serait de nature à nourrir réflexions et expérimentations. – Le Haut Conseil se doit de rappeler une nouvelle fois que, sur cette question comme sur de nombreuses autres, le pilotage national n’est pas toujours ce qu’il devrait être : au-delà de la réaffirmation des objectifs politiques, évoquée plus haut, il incombe aux responsables nationaux de donner aux établissements et aux enseignants les moyens d’exercer à bon escient l’autonomie qu’ils leur accordent, en précisant ce que sont les objectifs essentiels des programmes, en leur donnant des outils pour en apprécier l’atteinte et en définissant les conditions de leur certification ; en évaluant les établissements, non seulement sur leur capacité à dégager une élite, mais aussi sur leurs succès dans la promotion de tous leurs élèves ; en différenciant la politique de soutien et d’aide aux établissements en fonction des difficultés qu’ils rencontrent ; enfin en fournissant aux équipes enseignantes des repères pour organiser plus efficacement le déroulement des activités en classe 6. nnn La lutte contre le grand échec scolaire constitue indéniablement une priorité sociale et économique. Pour que notre système éducatif reparte sur la voie du progrès, il est impératif que tous les élèves maîtrisent, en fin de scolarité obligatoire, les compétences et les connaissances indispensables, non seulement à la poursuite d’une formation initiale la plus élevée possible, mais également au retour en formation continue à quelques moments clés de leur vie professionnelle. Elle suppose notamment de manière incontournable, de prendre en compte, dès le début de la scolarité obligatoire, les besoins et les rythmes d’apprentissage particuliers de chaque élève. – Enfin, lutter contre l’échec implique d’évaluer régulièrement les objectifs de réussite de tous et l’efficacité des politiques de « traitement de la dif- 6. Cf. avis n°7, l’évaluation des pratiques enseignantes dans les premier et second degrés 7. Cf. avis n°14 sur l’impact du redoublement sur le traitement des difficultés scolaires au cours de la scolarité obligatoire. Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 41 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 4 Avis du HCéé N° 13 – Novembre 2004 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE LE REDOUBLEMENT PERMET-IL DE RÉSOUDRE LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES AU COURS DE LA SCOLARITÉ OBLIGATOIRE ? Cette question s’inscrit dans l’ensemble des avis concernant l’évaluation des mesures de lutte contre la difficulté scolaire que le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a inscrit à son programme de travail pour 2004-2005. Le présent avis vient ainsi compléter l’avis n°13, relatif au « traitement de la grande difficulté scolaire au collège et à la fin de la scolarité obligatoire. »1 Pour l’examiner, le Haut Conseil a demandé à JeanJacques PAUL et à Thierry TRONCIN, de l’Institut de recherche sur l’éducation (IREDU) de l’Université de Bourgogne d’établir un rapport de synthèse destiné à nourrir ses réflexions. Ce rapport – qui comme tous les rapports commandés par le Haut Conseil n’engage pas celui-ci, mais contient les analyses et les propositions des rapporteurs – est public et peut être consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». Le Haut Conseil s’est également fait présenter les derniers travaux de la Direction de l’évaluation et de la prospective (DEP) du Ministère sur le sujet 2 et a repris ceux réalisés il y a maintenant plus de vingt ans au Ministère par Claude SEIBEL et Jacqueline LEVASSEUR.3 Le redoublement, une pratique en diminution mais qui reste profondément ancrée dans le système éducatif français. Le système éducatif français a toujours recouru au redoublement. La nécessité d’« apprécier la capacité de l’élève à passer dans la classe ou le cycle supérieur » est liée au mode d’organisation des apprentissages qui reste relativement rigide – et qui repose sur une conception très linéaire du développement de l’enfant : un groupe d’élèves reçoit un enseignement simultané et doit suivre, de façon aussi homogène que possible, un rythme de progression fondé sur une succession de programmes annuels. Cette pratique est ancrée dans la « mentalité éducative » française et on a du mal à imaginer qu’elle ne soit pas universelle. On ignore d’ailleurs souvent que nombre de pays organisent la promotion automatique d’un même groupe d’âge tout au long de la scolarité obligatoire et mettent en place, pour les élèves qui rencontrent des difficultés, des programmes spécifiques avec l’aide éventuelle d’un personnel spécialisé. La France reste ainsi l’un des pays européens où les redoublements sont le plus fréquents et où en conséquence la proportion d’élèves en retard par rapport à une « norme d’âge » est aussi élevée : près de 20 % des élèves ont redoublé au moins une fois et sont donc déclarés en retard en fin d’école primaire 1. Il ne ne sera donc question ici que du redoublement à l’école et au collège et non du redoublement au lycée qui mériterait une étude particulière, notamment en fin de 2nde et de 1ère. 2. Le redoublement au cours de la scolarité obligatoire : nouvelles analyses, mêmes constats, par Olivier COSNEFROY et Thierry ROCHER, article à paraître dans la revue Éducation & formations, n°70, daté de décembre 2004, MENESR-DEP, Paris, consultable sur : http/www.education.gouv.fr/stateval/revue.htm 3. Les apprentisages instrumentaux et le passage du cours préparatoire au cours élémentaire, par Claude SEIBEL et Jacqueline LEVASSEUR, Éducation & formations, n°2, janvier, février, mars 1983, MEN, Paris et CP-CE1, de la continuité des apprentissages, document de travail, 1984, MEN, Paris. Avis du HCéé N° 14 – Décembre 2004 et il fait perdre une année aux redoublants qui sont ensuite stigmatisés par ce retard tout au long de leur carrière scolaire. et 38 % le sont en classe de troisième. Cependant la fréquence des redoublements a sensiblement diminué au cours des dernières décennies, surtout dans le premier degré, et notamment à la fin des deux premières classes de l’enseignement élémentaire : en 1960, plus de la moitié des élèves de CM2 étaient en retard (près de 20 % avaient deux ans de retard ou plus) ; en 1990, c’était le cas d’un peu plus du quart d’entre eux (et un peu plus de 5 % seulement avaient deux ans de retard ou plus). Mais, depuis le milieu de la décennie 1990, cette diminution semble avoir atteint un plancher et près d’un élève sur cinq est toujours en retard en CM2. (Les retards de deux ans ou plus sont, eux, devenus très faibles et concernent un peu plus de 1 % des élèves). Quant au collège, le redoublement a évolué au cours de la période : après avoir augmenté aux paliers d’orientation de fin de 5ème et de fin de 3ème, au moment de la mise en place du collège unique, il a ensuite diminué pour être aujourd’hui stabilisé mais il produit pratiquement autant de retard scolaire que l’école primaire. w quel que soit le moment du cursus scolaire, les élèves ayant redoublé ont, en moyenne, des résultats nettement moins bons que ceux qui n’ont pas redoublé. w cet écart s’observe dès le CP, tout au long du parcours scolaire, mais il tend à augmenter avec la précocité du redoublement et une donnée majeure est le caractère particulièrement pénalisant du redoublement précoce sur la carrière scolaire ultérieure. u Le redoublement affecte négativement la motivation et les comportements des élèves, il les stigmatise : w à niveau de compétence égal, les élèves en retard sont moins motivés et se sous-évaluent. Or, ces éléments motivationnels sont liés à la réussite scolaire et peuvent expliquer, en retour, les moins bonnes performances des élèves en retard. w ce constat permet de souligner le caractère paradoxal d’arguments souvent évoqués en faveur du redoublement : celui-ci – ne serait-ce que par sa menace – contraindrait les élèves à travailler ; en fait, il les décourage plutôt et ceci dès leur plus jeune âge (on sait que les élèves français sont parmi les plus anxieux !). Il est tout aussi paradoxal d’invoquer le manque de maturité comme motif du redoublement et de contraindre les élèves censés être peu mûrs à quitter leur groupe d’âge pour les mêler à des condisciples plus jeunes. L’institution a en effet réagi devant l’ampleur des retards scolaires, à la fois en assouplissant la scansion en années de la scolarité obligatoire par la mise en place de cycles, et en attirant ponctuellement l’attention sur le caractère excessif des redoublements en fin de certains cycles ou de certaines classes. Les doutes sur l’efficacité de cette pratique ont conduit les responsables politiques à insister, sans succès, sur le fait que le redoublement ne devait pas se traduire par une répétition à l’identique d’une année scolaire ou d’un cycle, mais par un « maintien » aménagé dans cette année ou ce cycle. w à niveau égal en fin de 3ème, les élèves en retard obtiennent de moins bonnes notes que les élèves à l’heure, sont moins ambitieux que ceux-ci et sont plus souvent orientés en filière professionnelle (80% des élèves admis en BEP ont au moins une année de retard alors qu’ils sont moins d’un tiers parmi les admis en seconde générale et technologique). Le redoublement n’est pas une seconde chance pour les élèves. Contrairement à une idée qui reste largement répandue, aussi bien chez les parents que chez les enseignants, le redoublement ne constitue pas une seconde chance pour les élèves rencontrant des difficultés. Il leur est généralement nuisible du point de vue de leurs progrès cognitifs, de leur motivation à l’égard de l’école et de leur orientation. De plus il est inéquitable. Toutes les recherches disponibles – étrangères, comme françaises – convergent à ce sujet, ce qui est loin d’être toujours le cas en matière d’éducation 4. Leurs principales conclusions – illustrées par les études les plus récentes – peuvent être ainsi résumées : u Le redoublement est inéquitable : w à niveau égal en fin de CM2 (apprécié par une procédure standardisée), un élève redoublera ou non selon la classe qu’il fréquente. Cela ne signifie pas que les enseignants prendraient des décisions arbitraires, au contraire ces décisions sont cohérentes : ce sont bien les élèves jugés les moins bons par chaque enseignant qui redoublent, mais chaque enseignant en juge à l’aune de sa classe, sans disposer d’un « étalon » homogène. w toujours à niveau égal en fin de CM2, les élèves déjà en retard redoublent moins que les autres, tout simplement parce que l’on évite – pour des raisons légitimes – les redoublements multiples. On retrouve le même constat au collège. u Le redoublement est inefficace du point de vue des progrès des élèves : w un élève faible ayant redoublé le CP n’obtient pas de meilleurs résultats – ou obtient des résultats moindres – en début de CE2 que son camarade de même niveau et de profil de compétences identique au départ, mais qui, lui, n’a pas redoublé. Par rapport à la promotion automatique dans la classe supérieure, le redoublement du CP n’offre ainsi aucun avantage w une autre inégalité est manifestement liée à la conception rigide et uniforme du rythme des apprentissages qui 4. On sait par exemple que les recherches et les expérimentations concernant les effets d’une réduction de la taille des classes sur les progrès des élèves ne conduisent pas à des conclusions homogènes. 2 Avis du HCéé N° 14 – Décembre 2004 caractérise le fonctionnement du système éducatif français : le nombre des redoublements précoces augmente de façon pratiquement linéaire selon le mois de naissance des enfants ; ils redoublent d’autant plus qu’ils sont nés en fin d’année civile, ce qui ne devrait pas se produire si la politique des cycles était effectivement mise en pratique. parmi les meilleurs du monde, alors que les élèves en retard – qui auraient eu, en moyenne, de meilleurs résultats s’ils n’avaient pas redoublé – ont des performances très sensiblement inférieures. w la pratique du redoublement pèse sur les dépenses du système éducatif, et ceci pour des résultats peu probants, on l’a vu : le chiffrage du coût réel du redoublement est certainement difficile à effectuer mais une estimation de l’ordre de 2 milliards d’euros semble un minimum réaliste. w enfin, les politiques mises en œuvre en matière de redoublement sont différentes selon les circonscriptions primaires et les écoles, comme selon les collèges. Le résultat en est globalement inéquitable : des différences, non justifiées par le niveau des élèves existent selon les catégories sociales au détriment des moins favorisées, et selon le sexe au détriment des garçons. Le Haut Conseil constate ainsi une nouvelle fois – comme il l’avait déjà fait dans son avis sur la politique d’orientation 5 – que des décisions qui engagent de façon décisive l’avenir des jeunes restent excessivement corrélées à l’origine sociale, à l’âge et au sexe. Comme l’origine sociale et l’âge sont deux paramètres très liés, les élèves d’origine modeste sont doublement pénalisés et cela contribue à la segmentation sociale qui intervient au lycée après le collège. w on doit à ce sujet s’interroger sur les pratiques de pilotage et de gestion de notre système éducatif. La mise en œuvre de la politique des cycles n’a certainement ni été assez soutenue, ni évaluée. L’allocation des moyens aux écoles et aux collèges en fonction, pour l’essentiel, de leur nombre d’élèves, quel que soit l’âge de ceux-ci, revient à favoriser relativement – ou pour le moins à ne pas pénaliser – les établissements qui font le plus redoubler. Une politique nationale est indispensable en matière de redoublement. Bien que les données rappelées ci-dessus soient bien établies, la conviction que le redoublement en cours de scolarité obligatoire est utile aux élèves – au moins à certains d’entre eux – reste particulièrement vivace dans notre système éducatif, et encore plus largement dans la société française. Les parents, notamment les plus modestes, en sont encore plus convaincus que les enseignants et il faut, une nouvelle fois, souligner les différences importantes de comportement des familles suivant les catégories sociales et le désarroi des plus défavorisées d’entre elles. En fait, la comparaison, en fin de scolarité obligatoire, des performances moyennes des élèves d’une même tranche d’âge selon qu’ils sont en retard ou non, fait systématiquement apparaître un déficit en défaveur des premiers. Non seulement ils n’ont pas rattrapé le niveau de leurs camarades, y compris de ceux qui n’avaient pas de meilleurs résultats au départ, mais leur carrière scolaire est fortement compromise dans un système qui fonctionne « à la norme d’âge ». Autrement dit, on rend plutôt service à un élève faible en ne le faisant pas redoubler : il ne sera sans doute pas parmi les meilleurs en fin de scolarité obligatoire, mais il ne sera pas moins compétent – au contraire – que son camarade ayant redoublé et il ne se verra ni marqué ni stigmatisé par un retard. La question essentielle est donc moins celle – pourtant fréquemment débattue – de savoir qui peut prendre ou accepter la décision d’un redoublement – conseil des maîtres, conseils de classe et chef d’établissement ou bien parents d’élèves – que celle de l’utilité d’une telle décision pour l’élève et pour le système éducatif. Le redoublement obère les résultats d’ensemble du système éducatif : Si l’on ajoute que la pratique effective du redoublement est très différente selon les lieux et les circonstances et que le recours plus ou moins massif à cette pratique est très sensible à l’injonction des responsables éducatifs, qu’il s’agisse des responsables locaux ou des responsables nationaux 6, il est tout aussi essentiel, sauf à admettre l’inéquité, qu’un discours ferme et cohérent soit tenu sur ce sujet au plan national. Au-delà de ses conséquences individuelles, la pratique du redoublement freine l’efficacité d’ensemble de notre système éducatif. w les évaluations internationales (notamment PISA) montrent que les pays adeptes de la promotion automatique arrivent, globalement, en tête des « palmarès » internationaux et que la dispersion de leurs résultats n’est pas plus élevée qu’ailleurs, au contraire. À l’inverse, certains pays qui pratiquent massivement le redoublement affichent de faibles performances moyennes, la France se caractérisant par une dispersion des performances particulièrement importante. 5. L’évaluation de l’orientation à la fin du collège et du lycée, avis du HCéé n°12, mars 2004. 6. Tout recteur, inspecteur d’académie ou inspecteur chargé d’une circonscription du premier degré a pu constater qu’un rappel de sa part face à des taux de redoublement jugés excessifs, était rapidement suivi d’effets ; au plan national, on peut citer entre autres exemples, la circulaire de juin 1998 qui rappelait que « le redoublement n’est pas en lui-même un gage de succès... [et qu’] il peut même décourager certains élèves ». Elle a eu un effet immédiat sous forme d’une baisse de près de deux points du taux de redoublement en 6ème. w ces mêmes évaluations font ressortir que nos élèves à l’heure à la fin de leur scolarité obligatoire sont 3 Avis du HCéé N° 14 – Décembre 2004 les outils de remédiation dont ils ne disposent pas encore. Il serait certainement contre-productif, et peu crédible d’interdire autoritairement le redoublement, et de pratiquer la promotion automatique, comme le font certain pays, mais le redoublement, tout particulièrement à l’issue des premières années d’école primaire, ne doit être utilisé qu’en dernier recours. Une telle injonction n’a de sens – et ne peut être comprise – qu’accompagnée de mesures de plusieurs ordres : w Le Haut Conseil estime enfin, que pour porter remède à cette pratique dont on a montré le caractère préjudiciable aux élèves, alors que la plupart des parents et des enseignants la considèrent comme bénéfique, une mesure radicale pourrait aider les équipes éducatives à s’interroger sur son efficacité. Il faudrait que les moyens, dégagés jusqu’ici par la prise en compte des redoublants au même titre que les autres élèves lors de l’allocation des dotations aux écoles et aux collèges, ne soient plus attribués qu’à l’issue de la négociation d’un projet alternatif prévoyant d’autres mesures de lutte contre les difficultés des élèves. Un tel dispositif n’aurait bien sûr de sens et d’efficacité qu’à condition que les écoles et les établissements soient aidés dans la mise au point de leurs projets. S’il reconnaît qu’une telle mesure est délicate à mettre en œuvre, le Haut Conseil estime qu’elle devrait inciter les équipes éducatives à n’envisager le redoublement que comme l’ultime recours qu’il doit être. w Faire reculer le redoublement implique d’abandonner le principe du « tout ou rien », et de reconnaître que des élèves – en proportion qui peut être importante en certains endroits – ont des « besoins éducatifs particuliers » qu’il faut aider les équipes éducatives à repérer et à traiter. On ne saurait, dans ce domaine, « laisser le terrain se débrouiller seul », ne serait-ce que parce que la promotion automatique d’un même groupe d’âge se traduit mécaniquement par une hétérogénéité plus importante des groupes d’élèves, ce qui implique des pratiques différentes, plus diversifiées, et sans doute plus collectives. w Dans le domaine de la formation et de l’information, une diffusion résolue des résultats convergents des recherches et études sur le redoublement doit être organisée, aussi bien dans les formations des personnels d’encadrement, d’inspection et d’enseignement, qu’auprès de l’ensemble du corps social. Il faut dire clairement ce que l’on sait à ce sujet, donner des repères. nnn Les moyens dégagés seraient ainsi consacrés à la lutte contre la difficulté scolaire. En effet, la question qui est posée à notre système éducatif, à propos du redoublement au cours de la scolarité obligatoire, est en fait celle de sa capacité à résorber cette grande difficulté scolaire. Puisqu’il est avéré que faire répéter aux élèves une année scolaire ne résout en rien leurs difficultés, voire les enfonce dans celles-ci, c’est vers d’autres solutions qu’il faut se tourner, comme le propose le Haut Conseil dans son avis sur le « traitement de la grande difficulté scolaire au collège et à la fin de la scolarité obligatoire. ». w Dans le domaine de la recherche, un programme ambitieux doit permettre de compléter nos connaissances, notamment pour ce qui touche aux différences de rythmes d’acquisition et à l’individualisation des premiers apprentissages. L’innovation et la recherche doivent impliquer les enseignants concernés, en particulier ceux des premières années de la scolarité obligatoire, pour mettre au point et utiliser Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 41 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 4 Avis du HCéé N° 14 – Décembre 2004 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE LE TRAVAIL DES ÉLÈVES POUR L’ÉCOLE, EN DEHORS DE L’ÉCOLE Après avoir rendu un avis sur le traitement du grand échec scolaire1, le Haut Conseil a souhaité faire un point sur les questions touchant au « travail des élèves pour l’école, en dehors de l’école », dont le rôle dans la réussite scolaire est souvent considéré comme déterminant. Il a demandé à Dominique GLASMAN, professeur de sociologie à l’Université de Savoie, de lui présenter un rapport sur les connaissances disponibles sur le sujet. Ce rapport n’engage pas le Haut Conseil, mais contient les analyses et les propositions du rapporteur ; il est public et peut être consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc. education.fr/hcee à la rubrique « publications ». De quoi parle-t-on ? Lorsqu’il a inscrit ce sujet à son programme de travail, le Haut Conseil en a retenu une définition générale : le projet était de faire un état des connaissances sur les tâches liées à l’activité scolaire que les élèves ont à faire en dehors des heures de cours et sur l’efficacité de ces tâches au regard des résultats et des progrès scolaires. La question s’est très vite posée d’une définition plus précise du sujet et d’une délimitation plus explicite de son champ. S’il est clair que lorsqu’il quitte l’école, le collège ou le lycée (l’enseignement supérieur ne sera pas évoqué ici) l’élève n’en a pas fini avec l’École, les tâches liées à la scolarité qu’il peut encore avoir à faire relèvent de finalités et de degrés d’obligation différents : certaines sont explicitement prescrites par l’École et sont en principe directement liées aux apprentissages réalisés en classe (devoirs et leçons) ; d’autres sont choisies volontairement par les élèves ou leurs familles et visent plutôt à mieux se préparer à affronter la scolarité et les épreuves scolaires, à anticiper sur les apprentissages ou à compenser des points faibles ou des manques (cours particuliers, accompagnement à la scolarité, devoirs de vacances). La frontière n’est pas parfaitement étanche entre les unes et les autres. Par exemple, les devoirs de vacances qui relèvent plutôt de la seconde finalité, peuvent être recommandés par des enseignants, et l’accompagnement à la scolarité s’organise souvent à partir d’une aide aux devoirs. Mais, une approche d’ensemble de la question se justifie plus fondamentalement par le fait que les tâches obligatoires et les taches facultatives tendent à devenir les unes et les autres des tâches considérées comme indispensables par ceux qui veulent parvenir aux filières les plus prestigieuses ou qui, simplement conscients des enjeux scolaires, veulent se prémunir contre les difficultés ou l’échec. Le travail hors de l’école devient ainsi un bon indice de l’évolution du système éducatif, des inégalités qui le traversent et de l’image qu’ont les parents et les élèves – tout au moins partie d’entre eux – des conditions de la réussite scolaire. Il peut être aussi considéré comme un signe de ce que l’école ne prend pas suffisamment en charge. Les questions se posent donc des limites à donner au travail scolaire hors de l’école et des critères à retenir pour en évaluer l’efficacité 2. Une chose est sûre, ses enjeux sont devenus importants, pour l’institution scolaire et les élèves, bien sûr, mais aussi pour le secteur commercial qui se développe grandement dans ce domaine depuis plus d’une dizaine d’années. 1. Avis n°13, le traitement de la grande difficulté scolaire au collège et à la fin de la scolarité obligatoire, novembre 2004. 2. De ce point de vue, les enquêtes comparatives internationales n’apportent que peu d’éléments concluants, faute de pouvoir distinguer des pratiques très différentes de travail hors scolarité, allant des devoirs traditionnels aux véritables écoles parrallèles que connaissent certains pays. Avis du HCéé N° 15 – Mai 2005 présence des élèves pourrait être mise à profit, la coordination n’est généralement pas meilleure et les conditions données aux élèves pour faire leurs devoirs sont peu favorables. Par commodité, on distinguera ci-après travail obligatoire et tâches facultatives. Les leçons et les devoirs, un univers mal connu et sans pilotage. w On sait aussi que le fait de donner des leçons et devoirs peut ne pas être uniquement guidé par le souci de soutenir et stimuler l’appropriation des connaissances par les élèves, mais aussi par des considérations d’image aux yeux des parents, voire des collègues. En effet, les devoirs jouent un rôle important dans les relations entre les parents et l’école. Les leçons et devoirs sont, pour les parents, une manière de se tenir au courant de ce qui se fait à l’école et de vérifier qu’« on y travaille sérieusement ». Sur ce terrain, les différences peuvent évidemment être fortes selon les territoires et les milieux sociaux. Les collectivités territoriales et nombre d’associations partenaires de l’Ecole ont pris en compte cette demande et développé, en direction des jeunes des milieux populaires, non seulement une aide aux devoirs, mais aussi des apports méthodologiques et culturels nécessaires à la réussite. Ils viennent immédiatement à l’esprit lorsqu’on évoque la question du travail scolaire hors de la classe. Le moins que l’on puisse dire est que l’on sait finalement peu de choses à leur égard, alors que l’institution les considère comme un prolongement « naturel » des activités en classe et que les enseignants font souvent de leur exécution par les élèves et de l’attention que leur portent les familles, un critère important d’appréciation de la qualité du travail des élèves et de l’intérêt que leurs parents et eux-mêmes attachent aux obligations scolaires. w L’institution en sait peu au sujet des leçons et devoirs. De plus, elle tient peut-être d’autant moins à savoir, qu’elle sait par ailleurs que les orientations qu’elle a pu définir en ce qui concerne leurs modalités, voire leurs finalités, ne sont pas toujours respectées. C’est patent dans le premier degré où, selon la réglementation, les devoirs à la maison sont proscrits (les leçons ne le sont pas) alors qu’au su de tous, ils sont présents et admis, voire encouragés dans de très nombreuses écoles. w Enfin, on en sait fort peu quant à l’efficacité globale que peuvent avoir devoirs et leçons dans les résultats des apprentissages, cette efficacité étant évidemment très dépendante de leurs finalités, de leur contenu et de leurs modalités. w On sait, tout d’abord, peu de choses quant au temps que consacrent les élèves à leurs leçons et à leurs devoirs, quant aux conditions dans lesquelles ils peuvent effectuer ces obligations, voire quant au sens qu’ils leur donnent. Si l’on sait que temps, conditions et sens peuvent être différents selon les catégories sociales et selon les caractéristiques des élèves, on ignore l’ampleur de ces différences. On a en revanche tout lieu de penser que les enseignants, comme l’institution apprécient mal le temps que les élèves passent à faire leurs devoirs et à apprendre leurs leçons et que ceux-ci se plaignent parfois de la charge de travail que représentent ces devoirs et leçons et du manque de coordination dans les « commandes » qui leur sont passées par les divers enseignants. Il leur est, de plus, souvent difficile de comprendre ce qu’on attend d’eux. Les cours particuliers et les dispositifs d’accompagnement scolaire : des secteurs en développement. Ils ont des points communs : ils sont facultatifs au regard des strictes obligations de la scolarité, et ils ont connu des développements importants au cours des dernières années, mais ils diffèrent sur plusieurs points essentiels : les premiers relèvent du secteur marchand, les seconds sont généralement gratuits pour ceux auxquels ils s’adressent, qui sont en priorité les enfants des familles les plus éloignées de l’école. De plus, contrairement aux premiers, les seconds attachent une grande importance à développer des liens avec les enseignants. w On dispose de peu d’éléments d’ensemble sur les cours particuliers, mais des enquêtes ponctuelles montrent qu’ils peuvent concerner un quart des lycéens. Ceci dit cette proportion varie considérablement selon les établissements (les élèves des « grands lycées » sont plus concernés que les autres), ceux de certaines filières le sont plus que d’autres et la fréquentation des cours particuliers est d’autant plus importante que l’on se rapproche des niveaux où se décident les orientations. Il semble que ce soit surtout des questions d’ambition scolaire, de choix de la « bonne » orientation, qui incitent à fréquenter ces cours, plus que la qualité réelle ou supposée des enseignants. w On n’en sait guère plus quant aux finalités qu’assignent les enseignants aux devoirs et leçons, aux consignes dont ils les accompagnent, à la place qu’ils leur donnent dans leurs évaluations. En revanche, on sait que, dans le second degré tout au moins, la coordination des devoirs et de ce qu’ils impliquent pour les élèves, la détermination des critères d’évaluation de ceux-ci et plus largement les finalités qui leur sont assignées dans le processus d’enseignement-apprentissage font rarement l’objet d’une approche collective chez les enseignants d’une même classe ou d’un même niveau et qu’il n’y a pas, sauf très rare exception, de politique d’établissement en la matière. Il est frappant, à ce sujet de constater que dans les établissements dotés d’un internat, où la Ce constat est conforté par les travaux réalisés dans des pays étrangers : c’est à l’approche des passages 2 Avis du HCéé N° 15 – Mai 2005 les plus difficiles ou les plus sélectifs de la scolarité que les élèves ou leurs parents ont le plus recours aux cours particuliers. Par ailleurs, toutes les recherches s’accordent sur un autre constat : l’inégalité introduite entre les élèves appartenant aux différentes catégories sociales du fait d’un accès inégal à cette ressource extra-scolaire. ritaires ou défavorisées, sont fréquemment créés sur l’initiative d’associations. Leur financement est supporté par diverses instances publiques, en particulier le Fonds d’Action et de Soutien pour l’Intégration et la Lutte contre les Discriminations (FASILD), la Caisse des Dépôts et Consignations, la Caisse Nationale des Allocations Familiales et les collectivités territoriales. Le coût de revient peut en être estimé à 5 ou 6 euros par élève, à comparer aux 15 à 20 euros par élève d’une heure de « colle » en classe préparatoire. Les effets de ces cours particuliers sur les résultats semblent réels, mais modestes ; cependant l’aune à laquelle les évaluent ceux qui en font la dépense doit être prise en compte. Une amélioration même modeste peut donner le « coup de pouce » nécessaire à une orientation désirée et les cours particuliers peuvent permettre de gérer les tensions familiales liées à la scolarité, de jouer son rôle de « bons parents ». w Les devoirs de vacances, destinés surtout aux écoliers et, dans une moindre mesure, aux collégiens, concerneraient jusqu’à quatre enfants sur cinq. D’après les travaux disponibles, ils contribueraient à augmenter les inégalités entre les élèves. Le dispositif « École ouverte », par contre, qui propose aux jeunes de milieu populaire un accueil à la fois ludique, éducatif et para-scolaire pendant les vacances pourrait s’avérer bénéfique, sur les plans scolaire et comportemental, notamment lorsqu’une session est organisée dans les quinze jours précédant la rentrée. En tout état de cause, ces cours particuliers dont la durée a pu être évaluée à une à deux heures hebdomadaires, peuvent aujourd’hui s’inscrire dans l’ordinaire des scolarités, ceci d’autant plus que la possibilité d’utiliser le chèque emploi service pour les financer a encouragé les classes moyennes, et non pas seulement les plus favorisées, à y avoir recours et suscité le développement d’un important secteur commercial dont les arguments de vente s’appuient largement sur les ambitions et les inquiétudes des parents à l’égard de la scolarité de leurs enfants. Mais leur succès tient sans doute aussi au fait que les épreuves proposées aux élèves – en particulier lors des examens qui sont décisifs pour la suite d’une scolarité – sont d’abord conçues pour les bons élèves. Pour une politique nationale plus efficace et plus équitable. A l’issue de ce rapide examen qui montre que le travail hors de la classe reste un domaine fort mal connu, alors que des enjeux importants s’y attachent, notamment en termes d’équité, le Haut Conseil estime que les responsables politiques nationaux doivent « réinvestir » ce domaine qui fait partie intégrante de la politique éducative. w Apparu dans les années 80, l’accompagnement à la scolarité fait, quant à lui, l’objet d’orientations arrêtées au niveau national. Elles ont été élaborées en concertation entre un grand nombre de ministères et les associations complémentaires de l’enseignement public : la « charte de l’accompagnement à la scolarité » définit celui-ci « comme l’ensemble des actions visant à offrir aux côtés de l’école, l’appui et les ressources dont les enfants ont besoin pour réussir à l’école, appui qu’ils ne trouvent pas toujours dans leur environnement familial et social. Ces actions, qui ont lieu en dehors du temps de l’école, sont centrées sur l’aide aux devoirs et les apports culturels nécessaires à la réussite scolaire ». Ces actions se démarquent nettement des opérations commerciales que sont les cours particuliers et doivent être conçues en portant la plus grande attention à la continuité de l’acte éducatif et aux relations avec l’école. u Il faut tout d’abord mieux connaître ce domaine et ses évolutions w en envisageant un programme d’études sur les différents dispositifs et le temps qu’y consacrent les élèves, sur ce qu’en attendent enseignants et/ou parents, sur l’appréciation de leurs effets sur les résultats scolaires, les comportements et les rapports des familles à l’école, ainsi sur leurs coûts et leurs financements en différenciant ceux-ci par catégories sociales ; w en organisant un suivi des évolutions – souvent rapides – que connaissent des activités ou des produits extra-scolaires, mais souvent considérés par les parents comme un investissement utile à la scolarité : jeux éducatifs, logiciels, « e-learning », sans oublier le « coaching » scolaire. u Des dispositions immédiates devraient être prises s’agissant des devoirs et leçons : L’accompagnement à la scolarité recouvre des dispositifs variés d’aide apportée gratuitement en dehors de l’école, aux écoliers et collégiens issus des milieux populaires. Si leurs effets sur le comportement à l’école sont en général reconnus comme positifs, leurs effets sur les résultats des élèves ont rarement été évalués. w Une phase d’appropriation et d’exercice individuels des savoirs et savoir-faire est essentielle pour la réussite des apprentissages. Il est donc indispensable que les instructions pédagogiques, qui accompagnent les programmes, donnent des orientations explicites en matière de finalités et de charge de travail des leçons et des devoirs écrits, des résultats attendus Ces dispositifs, soutenus par les pouvoirs publics nationaux ou locaux, en particulier dans les zones prio3 Avis du HCéé N° 15 – Mai 2005 de ceux-ci et des critères d’évaluation à leur appliquer, et que ces orientations soient effectivement mises en oeuvre par les maîtres et qu’ils s’assurent qu’elles sont comprises par les élèves. Ces orientations doivent évidemment être différenciées selon les degrés et les cycles d’enseignement, et leur mise au point doit être l’occasion d’éclaicir la question des devoirs écrits dans le premier degré. thodes pour apprendre, mémoriser, faire « vite et bien », qui sont inégalement enseignées à l’école, mais qui jouent un rôle de plus en plus important au fur et mesure qu’on avance dans la scolarité. Le succès des cours particuliers tient à l’attention qu’ils attachent à les développer chez les élèves. w Cette dimension doit être explicitement prise en compte dans la conception et la mise en œuvre des apprentissages et des progressions scolaires par les enseignants. L’acquisition de méthodes d’apprentissage et l’aide au travail personnel font partie de leurs tâches et doivent être explicitement intégrées au temps scolaire. Elles doivent d’abord se construire dans la classe, et il faut ensuite organiser, au sein de l’école et avec des personnels compétents, un temps et un lieu pour l’exercice et l’entraînement. Ce que font dans ce domaine un certain nombre d’établissements, à leur initiative, en mettant à profit les pauses méridiennes ou les permanences mériterait d’être généralisé w Cette mise en œuvre ne peut être individuelle et il est tout aussi indispensable que les leçons et devoirs fassent l’objet d’une coordination entre disciplines dans les établissements. Leur organisation et la charge de travail qu’ils impliquent pour les élèves et, plus globalement, l’ensemble des exigences à l’égard des élèves et le temps de travail total que cela implique pour eux, devraient être une des questions envisagées, discutées et réglées collectivement et dans la transparence par les équipes pédagogiques. Les inspecteurs chargés de circonscription du premier degré, comme les chefs d’établissement devraient y veiller. w Donner des orientations claires au sujet des devoirs et leçons permettrait par ailleurs de rendre plus explicites les finalités et les modalités des actions d’accompagnement à la scolarité – qui contribuent à l’équité du système éducatif – de mieux les articuler avec l’école et de préciser les conditions d’évaluation de leurs effets. Les faits prouvent que si le service public n’assure pas cette mission éducative, le marché le fait, ce qui renforce les inégalités. Il y a certainement là une des clefs de la résorption des inéquités au regard de la réussite scolaire. A cet égard, la transposition au niveau de l’école, du collège et du lycée, de dispositifs tels que ceux mis en place dans le cadre des « conventions ZEP », passées par l’École des Sciences Politiques avec des lycées accueillant une proportion importante d’élèves de milieux populaires peut constituer une piste de réflexion et d’action. Ces dispositifs, animés par les enseignants, permettent en effet à ces élèves d’acquérir des méthodes de travail et de développer des comportements décisifs pour la réussite. u Mais il faut aller plus loin et le Haut Conseil considère qu’il ne faut pas tolérer plus longtemps des dérives qui entretiennent, voire creusent, les inégalités. Laisser les élèves et leurs familles seuls face aux devoirs et leçons est source d’inéquité. Le recours croissant à des aides extérieures à la scolarité, payantes mais financées pour une part par des avantages fiscaux, en témoigne. Cela ne peut laisser indifférents les responsables du système public d’éducation qui ne sont pas dépourvus de moyens d’action en la matière. La question qui se pose est en effet celle de la finalité du service public d’éducation : « faire réussir tous les élèves » ce n’est pas « faire réussir certains mieux que d’autres ». nnn Les moyens de réaliser cette ambition existent. L’affectation au service public des moyens que la collectivité nationale consacre aujourd’hui à l’aide aux cours particuliers (notamment par le biais des avantages fiscaux) devrait permettre à ce service public d’assurer une plus grande efficacité et une plus grande équité dans la réussite. w La réussite scolaire suppose la maîtrise d’un ensemble diversifié de savoirs disciplinaires, mais aussi une maîtrise de savoir-faire, de techniques, de mé- Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général – Tel : 01 55 55 77 41– Mèl : [email protected] Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 4 Avis du HCéé N° 15 – Mai 2005 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE LA FRANCE ET LES ÉVALUATIONS INTERNATIONALES DES ACQUIS DES ÉLÈVES Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école a jugé nécessaire d’évaluer la façon dont le système éducatif français et, plus largement la société française, tirent parti des comparaisons internationales. Il le fera en deux temps, tout d’abord en s’intéressant aux enquêtes comparatives des acquis des élèves (et des adultes) – c’est l’objet de cet avis – puis en envisageant les indicateurs internationaux de comparaison des systèmes éducatifs. L’intention n’est pas d’évaluer le système éducatif français à l’aune des comparaisons internationales1, mais d’apprécier la pertinence de ces comparaisons, d’examiner la part que prend la France dans l’élaboration de celles-ci et de juger de l’intérêt qu’on leur accorde dans notre pays. Pour étayer les discussions qui lui ont permis d’élaborer ce premier avis le Haut Conseil a demandé à Norberto BOTTANI, directeur du Service de Recherche en Éducation, Département de l’Instruction Publique du Canton de Genève et à Pierre VRIGNAUD, maître de conférences en psychologie à l’Université de PARIS X-Nanterre de lui présenter un rapport. Ce rapport – qui comme tous les rapports commandés par le Haut Conseil n’engage pas celui-ci, mais contient les analyses et les propositions des rapporteurs – est public et peut être consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». Les enquêtes comparatives internationales : un moyen essentiel d’observation et de conduite des systèmes éducatifs. Les enquêtes internationales d’évaluation des acquis des élèves ont aujourd’hui une place incontestable, (mais qui n’est pas pour autant incontestée) dans l’ensemble des moyens d’observation et de pilotage des systèmes éducatifs. Elles sont considérées, à juste titre, comme un des moyens privilégiés d’appréciation de leurs résultats. Depuis le début des années soixante, où elles ont été initiées par des spécialistes de l’éducation, qui ont créé l’IEA2 pour en assurer la mise en œuvre, ces enquêtes ont connu un développement important marqué par trois lignes de force : w la volonté d’apprécier des compétences ou des comportements préparant, de façon générale, à la vie professionnelle et sociale dans le monde d’aujourd’hui, remplace de plus en plus le souci de vérifier le degré relatif d’atteinte des objectifs affichés par les programmes scolaires des pays qui y participent. Deux raisons sont invoquées en ce sens : d’un point de vue technique, les programmes sont différents d’un pays à l’autre, ce qui rend les comparaisons difficiles ; d’un point de vue plus politique, voire idéologique, l’évaluation de compétences considérées comme de portée universelle apparaît plus pertinente que celle des savoirs scolaires, pour comparer les prestations des systèmes d’enseignement, tout au moins à la fin de la scolarité obligatoire. w le souhait de pouvoir apprécier l’évolution des compétences au fil du temps et de relier l’évolution de ces compétences à des caractéristiques des systèmes scolaires et sociaux a conduit, d’une part, à 1. Le Haut Conseil a largement eu recours aux comparaisons internationales pour établir ses « Éléments de diagnostic sur le système scolaire français », Avis n°9, octobre 2003. 2. L’IEA, International Association for the Evaluation of Educational Achievement, a été créée en 1961. Avis du HCéé N° 16 – Mai 2005 de plus en plus nombreux élargit l’éventail des niveaux de développement, des cultures, des langues, etc., dont il faut tenir compte ; organiser des programmes d’enquêtes qui puissent fournir des résultats comparables dans le temps et, d’autre part, à associer aux exercices proposés aux élèves des questionnements de plus en plus fouillés sur les moyens et les conditions d’enseignement, les contextes sociaux, etc. ; w Les modèles de mesure des compétences mis en œuvre aujourd’hui par les enquêtes internationales ont été considérablement raffinés : ils postulent, pour être valides, des conditions qui peuvent ne pas toujours être réunies, mais ils ont l’avantage de faciliter la présentation des résultats des épreuves sous forme d’échelles de compétences. Ce faisant, ils incitent à une lecture de ces résultats par les responsables politiques et le public qui privilégie le classement, pour ne pas dire le « palmarès » des pays et des systèmes éducatifs, relativement à tout autre travail d’interprétation des données, et parfois au détriment de celui-ci, alors que ces résultats sont par ailleurs largement mis à la disposition des chercheurs et que l’intérêt majeur de ces enquêtes est plus dans les questions qu’elles permettent de poser que dans les réponses qu’elles prétendent apporter ; w l’OCDE, institution dont la vocation est, à l’origine, économique plutôt qu’éducative, a progressivement pris en main la maîtrise d’ouvrage des programmes les plus importants de telles enquêtes et promeut largement la diffusion et l’utilisation des résultats de ces programmes et de ceux réalisés par l’IEA. De son côté, la Commission européenne, plutôt que de promouvoir des dispositifs propres pour nourrir les dispositifs d’indicateurs européens de l’éducation destinés à évaluer l’avancée du processus de Lisbonne, envisage volontiers d’utiliser les résultats des enquêtes de l’OCDE Ces évolutions ont pour ambition de répondre aux questions que se posent les responsables politiques quant à leurs systèmes éducatifs et surtout quant à la contribution de ces systèmes au développement économique et social ; la participation de pays de plus en plus nombreux à des enquêtes réalisées sous l’égide de l’OCDE tend à ériger l’approche méthodologique développée en modèle universel de mesure de la finalité des systèmes éducatifs. w La réalisation et la coordination d’enquêtes qui, comme PISA 20033, concernent aujourd’hui plus de 250 000 élèves dans plus de quarante pays, constituent des enjeux économiques particulièrement importants. Elles mettent en jeu des moyens considérables et requièrent des capacités scientifiques, techniques et logistiques que seules quelques entreprises ou institutions – pour l’essentiel anglosaxonnes et non-européennes – sont considérées comme capables de réunir. De plus, le souci de réaliser des enquêtes dont les résultats soient comparables au fil du temps incite à faire appel à chaque fois aux mêmes maîtres d’œuvre. Les enquêtes comparatives internationales : des « machines » de plus en plus complexes qui ne sont pas exemptes de défauts et sont parfois opaques. Ces évolutions ont conduit à faire de ces enquêtes – ou plutôt de ces programmes d’enquêtes – de « très grosses machines », tellement complexes que leurs fondements et leurs résultats peuvent en devenir opaques. Sans entrer ici dans le détail, il faut être conscient que la mesure des compétences des élèves (et des adultes) n’a pas la simplicité, la robustesse et l’universalité du système métrique. Dans le domaine de la psychométrie – ou pour mieux dire de l’édumétrie, c’est à dire de la mesure en éducation – les mesures sont des constructions qui résultent de choix politiques et méthodologiques. Ces choix peuvent aussi avoir des dimensions commerciales. w les protocoles d’épreuves et les questionnements proposés résultent de compromis entre pays participants dont les conceptions des compétences en matière de lecture, de mathématiques, de sciences ou de comportement scolaire et social, censées correspondre aux exigences du monde d’aujourd’hui, peuvent être différentes, comme le sont leurs systèmes éducatifs et sociaux. Ces compromis – souvent d’inspiration plus anglo-saxonne que latine – résultent des rapports de force et des différences d’implication entre les pays et entre leurs experts, et peuvent être jugés plus ou moins satisfaisants par les uns ou les autres ; La France a participé à nombre de ces enquêtes, mais a joué un faible rôle dans leur développement et n’a pas pris la mesure des enjeux et de l’intérêt qui s’y attachent. w Si la France a participé à une bonne moitié de ces enquêtes, elle l’a fait de façon plutôt irrégulière au moins jusqu’à ces dernières années. Cette participation a concerné avant tout des enquêtes centrées sur w Malgré les progrès considérables accomplis au fur et à mesure du développement des enquêtes comparatives internationales, il n’est pas possible de garantir que leurs résultats ne sont pas exempts de biais de nature diverse, d’autant plus que la volonté d’étendre les mêmes programmes d’enquêtes, considérés comme ayant valeur universelle, à des pays 3. PISA (le Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) a été lancé par l’OCDE pour « répondre aux besoins de données sur la performance des élèves qui soient comparables au plan international ». Il s’agit d’un programme triennal d’enquêtes portant sur la littératie, la culture mathématique et la culture scientifique des jeunes de 15 ans, âge retenu car correspondant le mieux à celui de la fin de la scolarité obligatoire dans les pays participant au programme. La première enquête a eu lieu en 2000, la deuxième en 2003. 2 Avis du HCéé N° 16 – Mai 2005 bles de la politique éducative et pédagogique ont laissé les experts et les techniciens décider de la participation aux enquêtes et de l’investissement dans leur conception et leur réalisation. Ainsi, si la DEP a été l’initiatrice, lors de la présidence française de l’Union européenne en 1995, de la constitution d’un réseau européen des responsables des politiques d’évaluation des systèmes éducatifs (RERPESE) qui a coordonné la réalisation d’enquêtes comparatives entre pays européens 6 et engagé des travaux méthodologiques originaux montrant qu’il existe des approches alternatives pour les comparaisons internationales 7, ce réseau n’a jamais bénéficié d’un appui effectif des responsables politiques du Ministère. les principaux domaines d’enseignement : la lecture (on parle aujourd’hui de littératie), les mathématiques et les sciences. w Alors que les premières participations françaises ont été le fait d’organismes divers et sont restées plutôt confidentielles, c’est le Ministère de l’Éducation nationale, par le biais de sa direction de l’évaluation et de la prospective (DEP) qui assure, depuis le début de la décennie quatre-vingt-dix, la participation de la France à ces enquêtes. Le souci de disposer d’éléments de comparaison externe permettant de rendre compte des résultats du système éducatif français a incontestablement été un moteur important de cette prise en charge par la direction chargée de l’évaluation au sein du Ministère. Les résultats de ces enquêtes ont ainsi été systématiquement repris et exploités dans l’état de l’École. w Le Haut Conseil apprécie l’effort réalisé, au cours des dernières années, en matière d’analyse et de diffusion dans le système éducatif comme à l’extérieur de celui-ci, des résultats des dernières enquêtes et le suivi plus systématique des travaux de conception et de méthode auxquels elles donnent lieu, notamment depuis le choc qu’a constitué l’enquête IALS sur les compétences des adultes8. S’il constate avec intérêt que ces efforts ont donné lieu à la mobilisation d’un petit réseau d’experts français et à la constitution, à l’initiative de la DEP, d’un consortium européen qui a répondu à l’appel d’offres lancé par l’OCDE pour réaliser la première phase du programme PISA, il ne peut s’empêcher de constater que ces actions n’atteignent pas une masse critique suffisante pour avoir un impact réel au niveau international, contrairement à ce que développent d’autres pays en la matière. w Cependant, l’effort le plus important du Ministère en matière d’évaluation des acquis des élèves a porté, au cours de la décennie 1990, sur le développement d’un dispositif national d’évaluation, et notamment d’un dispositif d’évaluation diagnostique dont la finalité première est de faciliter l’évolution des pratiques enseignantes. Les moyens disponibles n’ont pas permis de développer parallèlement un investissement important dans la conception et les méthodes des évaluations-bilans nationales et plus encore internationales 4, ceci d’autant plus que, sur le plan universitaire, s’il existe un savoir-faire français dans le domaine de la mesure en éducation, comme dans celui de l’éducation comparée, il ne fait pas l’objet d’une mise en valeur coordonnée. w Surtout, les responsables politiques et éducatifs n’ont pas pris conscience des enjeux de ces enquêtes, sur le plan scientifique, comme sur celui du pilotage du système éducatif, et leur intérêt pour les méthodes et les résultats de ces travaux a toujours été faible, comme il l’est pour toutes les évaluations de notre système éducatif. Ainsi que le Haut Conseil l’a déjà observé 5, les travaux d’évaluation du système éducatif français, dont certains sont novateurs et particulièrement intéressants, ne s’inscrivent pas vraiment dans un dispositif d’évaluation d’ensemble du système et ne sont pas suffisamment utilisés pour son orientation. La remarque vaut aussi pour les enquêtes internationales. De plus, la réticence à l’évaluation externe, qu’elle soit internationale ou nationale reste particulièrement forte en France aussi bien chez les responsables politiques que chez les professionnels de l’éducation et il est toujours difficile – et souvent considéré comme illégitime – de soumettre notre École – censée être une des meilleures du monde – à une évaluation autre que celle issue de l’intuition immédiate ou de l’expérience personnelle. Pour prendre sa place dans la conception de ces enquêtes et tirer le meilleur parti de l’exploitation de leurs résultats, la France doit se donner les moyens de promouvoir une démarche européenne. w Le Haut Conseil juge que les enquêtes internationales comparatives des acquis des élèves constituent un « regard » extérieur qui doit impérativement être associé au « regard » intérieur apporté par les évaluations et études nationales. Elles doivent donc avoir toute 4. Cette question a été évoquée dans l’avis n°2 du Haut Conseil, « Aprécier et certifier les acquis des élèves en fin de collège : diplôme et évaluationsbilan », juin 2001. 5. Cf. avis n°3, « Forces et faiblesses de l’évaluation du système éducatif en France », octobre 2001. 6. Les résultats de la plus récente ont été publiés dans la note « Évaluation des compétences en anglais des élèves de 15 ans à 16 ans dans sept pays européens », note évaluation n° 04.01, mars 2004, DEP-MEN, Paris. 7. Voir The use of national reading tests for international comparisons : ways of overcoming cultural bias, avril 2001, et Culturally balanced assessment of reading (c-bar), septembre 2003, deux rapports publiés sous l’égide du Réseau Européen des Responsables des Politiques d’Évaluation des Systèmes Éducatifs. 8. Le ministre français de l’Éducation nationale a pris le parti de ne pas faire figurer la France dans les publications relatives à l’enquête IALS (International Adult Literacy Survey), enquête sur les compétences des adultes, réalisée en 1994. L’étonnement provoqué par les résultats français de cette enquête a conduit à la réalisation de nombreuses expertises nationales et internationales qui ont confirmé nombre d’interrogations méthodologiques à son sujet. w Pour ce qui nous intéresse ici, cela s’est traduit par un très faible engagement politique et scientifique français dans la conception des programmes d’enquêtes aussi bien à l’IEA qu’à l’OCDE. Les responsa- 3 Avis du HCéé N° 16 – Mai 2005 leur place dans le dispositif d’évaluation et de pilotage de notre système éducatif, sans que cette place soit exclusive car, à défaut d’évaluations nationales directement liées aux objectifs propres de notre système éducatif, le risque pourrait exister de voir ériger les enquêtes internationales en modèle éducatif universel, voire, en caricaturant quelque peu, de faire de bons résultats à ces enquêtes la finalité principale ou unique du système éducatif. résultats), ce qui suppose un développement important des recherches et des travaux en éducation comparée et en édumétrie, étayé par les instances scientifiques dans les disciplines concernées. w Pour tirer pleinement parti de ces enquêtes et en exploiter les résultats de façon lucide et sereine, la France doit s’impliquer beaucoup plus activement dans leur conception et leur réalisation, ce qui suppose : Rester frileux au regard des comparaisons internationales d’acquis des élèves serait entretenir l’idée que notre système éducatif est tellement spécifique qu’il pourrait se contenter d’une évaluation et d’une régulation internes. Une telle attitude serait d’autant plus grave que la passivité à l’égard des méthodes et des analyses des enquêtes internationales et le refus de considérer celles-ci, pourraient avoir pour résultat de se voir imposer des modèles éducatifs étrangers dans un monde où la concurrence se développe aussi dans le domaine éducatif. nnn – que les responsables politiques français se proposent de peser effectivement dans les choix des organisations internationales en matière de conception, de calendrier, de moyens consacrés aux enquêtes, et ceci aussi bien à l’OCDE, qu’au sein de l’Union européenne. Ils doivent inciter celle-ci à développer ses propres enquêtes pour renseigner notamment les indicateurs destinés à rendre compte des objectifs de Lisbonne ; La France doit se donner tous les moyens politiques et scientifiques d’organiser son système éducatif, en étant plus active à tous points de vue sur la scène internationale de l’éducation comparée. Elle ne peut sans doute pas – ou plus – le faire seule. Une priorité devrait donc être de peser pour le développement d’un fort pôle européen de conception et de réalisation d’enquêtes comparatives internationales dans le domaine éducatif. – que les responsables politiques et scientifiques français donnent les moyens aussi bien au Ministère (à la DEP et aux responsables de la politique éducative) qu’aux milieux de la recherche, de participer activement à la conception des enquêtes, à la définition de leurs protocoles et à l’exploitation de leurs Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 41 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 4 Avis du HCéé N° 16 – Mai 2005 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE FRANCE AND INTERNATIONAL EVALUATION OF STUDENT ACHIEVEMENT France’s Haut Conseil de l’évaluation de l’école (High Council for the Evaluation of Education), deeming it necessary to evaluate how the French education system and, more broadly speaking, French society, fares in international comparison surveys, has done so in a two-phase process. First, it has looked at the comparative surveys on student (and adult) learning – the focus of this opinion – then, considered the international comparison indicators on educational systems. The intention is not to assess the French educational system against other systems worldwide,1 but to measure the extent to which such comparisons are useful, examine the part France plays in devising the said comparisons and determine how much interest is given to them in the country. To bear out the discussions that led to the drafting of this first opinion, the High Council asked Norberto Bottani, Director of the Unit for Research in Education, at the Department of Public Instruction in the Canton of Geneva, and Pierre Vrignaud, Professor of Psychology at the University of Paris X-Nanterre, to present it with a report. The said report – which, like all reports commissioned by the High Council, does not necessarily reflect its opinion, but rather contains the analyses and suggestions of the report’s authors – is public and may be read on the High Council’s site: http://cisad.adc.education.fr/hcee under the « Publications » section. International comparison surveys: an essential means for observing and steering educational systems International student achievement assessments have become an incontestable (albeit not uncontested) means of observing and steering educational systems. They are considered – and rightfully so – as one of the preferred ways of appraising their results. Since the early 1960s, when they were initiated by the educational specialists who founded the IEA 2 to deal with implementation aspects, surveys of this kind have developed widely, bringing out three broad trends: w rather than looking at the extent to which participating countries succeed in achieving the objectives set out by their school curricula there is an increasing move to attempt to evaluate the skills or behaviours preparing learners, in general, for professional and social life in today’s world, . Two reasons are often put forth to explain this: from a technical standpoint, the curricula differ from country to country, making 1. The High Council made extensive use of international comparison data to establish its «Diagnostic Information on the French School System», Opinion 9, October 2003. 2. IEA, International Association for the Evaluation of Educational Achievement, was founded in 1961. Avis du HCéé N° 16 – May 2005 comparison difficult; while, from a more political, or even ideological standpoint, it seems more appropriate to evaluate skills considered within everyone’s reach rather than to look at academic achievement, when comparing the benefits of teaching systems, at least at the end of the compulsory school years. impossible to guarantee that their results are free from bias of various kinds, especially as the desire to extend the same survey programmes, considered of universal value, to an increasing number of countries, extends the range of levels of development, cultures, languages, etc. which must be taken into account; w the desire to be able to evaluate changes in skills levels over time and to connect such changes to the features of school and social systems has led, first, to the creation of survey programmes capable of yielding results that are comparable over time and, second, to increasingly detailed surveys about teaching resources and conditions, social environment, etc , in addition to the tasks asked of the students ; w The skill measurement models currently implemented by international survey programmes have been considerably refined: they assume, in order to be valid, a number of conditions not always found side by side, but offer the advantage of making it easier to show test results in the form of competency scales. As such, they incite political leaders and the public to read the results more as a ranking, if not as a «hit parade» of countries and education systems, as compared to all other forms of data interpretation, and sometimes at the expense of those forms, even as the results are made widely available to the research community and though the benefits of such surveys lie more in the questions they raise, rather than in the responses they claim to provide; w the OECD, an institution whose original purpose was more economic than educational, has gradually taken over control of the most important programmes in such surveys and broadly promotes the dissemination and use of results of those programmes and those carried out by the IEA. Meanwhile, the European Commission, rather than promoting specific systems to feed into Europe’s indicator systems on education, intended to evaluate progress in the Lisbon Process, is willing to use the results from OECD surveys. w Conducting and coordinating surveys which, like PISA 2003 , now include over 250 000 students in over forty countries, hold particularly large economic stakes. They put considerable resources in the balance and require scientific, technical and logistical ability that only a few companies or institutions – for the most part Anglo-American and non-European – are considered capable of bringing together. Moreover, the desire to carry out surveys whose results are comparable over time encourages going back to the same survey designers each time. The above changes aspire to respond to the questions that political leaders have raised with regard to their educational systems, above all, with regard to the contribution of the said systems to economic and social development; the participation of an ever-increasing number of countries in surveys carried out under the aegis of the OECD has naturally led to the construction of a methodological approach developed as a universal model measuring the end-purpose of educational systems. Without going into detail, it is important to be aware that measurements of student (and adult) skills levels are not as simple, robust and universal as the metric system. In the field of psychometrics – or, to use a better-suited term, edumetrics, meaning educational metrics – the measurements are constructions that result from political and methodological choices. Those choices can also have commercial dimensions. International comparison surveys: an increasingly complex «machinery»not freefrom flaws and sometimes lacking in transparency. The developments described above have turned such surveys – or rather such survey programmes – into «a huge machinery», so complex that its foundations and results can end up lacking transparency. France has taken part in a large number of such surveys, but has played a minor role in developing them and has not grasped the magnitude of what is at stake and the value tied to it. w The test protocols and questions used are the result of compromise between the participating countries, whose conceptions of skills in the fields of reading, mathematics, the sciences or behaviour in schools or society, intended to reflect the demands of the world today, can be different, as are their educational and social systems. Such compromises – often rooted more in Anglo-American, rather than Latin, thought – results from the power balances and differing degrees of involvement between the countries and their experts, and can be deemed more or less satisfactory by any of the various parties involved; w While France has participated in a good half of the surveys, it has done so in a rather haphazard manner, at least up until the last few years. Its participation has been in connection, most of all, with surveys focusing on the main areas of education: reading (or literacy, as is said today), mathematics and the sciences. w Whereas France’s first few times participating were spurred by various organisations and remained relatively low-key, since the 1990s, the Ministry of National w Despite the considerable progress achieved as international comparison surveys have developed, it is 2 Avis du HCéé N° 16 – May 2005 international comparison,6 the network never reserved actual support from the Ministry’s political leaders. Education, through its Evaluation and Forecasting Directorate (DEP), has steered France’s involvement in the surveys. Its desire to have external comparison information in order to report data on the French educational system was undeniably one of the major drivers in the Ministry’s decision to put its Evaluation Directorate in charge of this. The results of the surveys have consistently been reported and interpreted in The State of Education. w The High Council appreciates the efforts made, over recent years, with regard to analysing and circulating, both within and outside the education system, the results of the latest surveys and the more recurring follow-up of the design and methodological work carried out as a result of this, in particular since the major jolt delivered with the IALS survey on adult competencies7. While it notes, with interest, that the said efforts did lead to the mobilisation of a small network of French experts and the creation, at the DEP’s initiative, of an European consortium that answered the call for tender launched by the OECD to carry out the first phase of the PISA programme, it cannot help note that the said actions do not achieve sufficient critical mass to have a real impact at the international level, unlike what other countries are developing in the same area. w However, the Ministry’s most significant effort with regard to evaluating student achievement came, over the course of the 1990s, with the development of a diagnostic evaluation system, the prime purpose of which is to facilitate the development of teaching practices. The resources available have not been enough to develop, at the same time, significant investments in evaluation-appraisal design and methods at the national level, and even less so at the international level,3 especially as, where universities are considered, France’s know-how in educational metrics, while existent, as in the field of comparative education surveys, has not been promoted in a coordinated manner. To take on its role in designing surveys of this kind and derive full benefit from making use of their results, France needs to equip itself with the resources needed to promote an European approach. w Most of all, political and educational leaders have not realised the full implications of the surveys, whether from a scientific standpoint or with regard to how the educational system is steered, and they have always had little interest for the methods and results of such surveys, as for all evaluations of our education system. As the High Council has already observed,4 the surveys carried out to evaluate the French educational system, some of which are innovative and of particular interest, do not really fit into an overall approach to evaluate the system and are not used enough to guide it. This also applies to international surveys. Moreover, France’s reluctance to carry out external evaluations, whether international or national, remains particularly strong, whether amongst political decision-makers or educational professionals, and it is always difficult – and often considered unfounded – to subject our Schooling System – supposed to be one of the best in the world – to evaluation other than that arising from immediate intuition or personal experience. w The High Council feels that the international comparison surveys of student achievement form an outsider’s «view» which it is vital to combine with an insider’s view, provided by national evaluations and surveys. For this reason, their full value as part of the evaluation and steering scheme for our education system needs to be recognised, though not to the exclusion of other tools, as a lack of national evaluations dealing directly with the objectives specific to our education system could lead to a situation in which international surveys are set as a universal educational model, or even, exaggerating slightly, where good performance in such surveys becomes the final or only objective of the education system. w In order to take full advantage of the surveys and use their results in a clear-headed and calm manner, France needs to become much more actively involved in designing and carrying them out. This will require that: w As concerns the topic at hand, this has led to very little involvement on the part of France’s political and scientific communities in designing survey programmes, whether at the IEA or at the OECD. Those responsible for educational and teaching policy left the experts and technicians to decide about participating in surveys and investing in their design and conduct. To illustrate, whereas the DEP did initiate, during France’s Presidency of the European Union in 1995, the creation of the European Network of policy-makers for the evaluation of education systems (RERPESE), which coordinated the conduct of comparative surveys between European countries 5 and launched original methodological research showing that there exist alternative approaches for 3. This question was raised in the High Council’s Opinion No. 2, Assessing and Certifying Student Achievement Upon Completion of Lower Secondary School: Diploma and Evaluation-Report., June 2001. 4. See Opinion No. 3, Strengths and Weaknesses of Evaluating the Educational System in France, October 2001. 5. The results of the most recent survey were published in the memorandum entitled, «Evaluation of English Skills in Students Aged 15 to 16 in Seven European Countries», Evaluation Memorandum 04-01, March 2004, DEPMEN, PARIS. 6. See The use of National Reading Tests for International Comparisons: Ways of Overcoming Cultural Bias, April 2001, and Culturally Balanced Assessment of Reading (C-Bar), September 2003, two reports published under the aegis of the European Network of Heads of Evaluation Policy on Educational Systems. 7. The French Minister of National Education has chosen not to have France included in publications regarding the International Adult Literacy Survey, carried out in 1994. The astonishment sparked by France’s results in the survey led a number of national and international audits to be carried out, confirming a number of the methodological questions raised on the topic. 3 Avis du HCéé N° 16 – May 2005 w France’s political leaders offer to actually exert their influence in the choices that international organisations make with regard to the design, timeframe and resources devoted to the surveys, whether at the OECD or in the European Union. They will need to incite the latter to develop its own surveys in order to feed into the indicators designed to report on the Lisbon objectives; Remaining hesitant with regard to international comparisons of student achievement would be keeping alive the idea that our educational system is so specific that it could deal with internal evaluation and regulation alone. Such an attitude would be all the more regrettable as passivity with regard to the methods and analyses of international surveys and refusal to give consideration to the said surveys could result in having foreign educational models impressed upon France, in a world where competition is also developing in the educational field. w France’s political and scientific leaders provide resources both to the Ministry (the DEP and the heads of educational policy) and the research community, so that they may play an active part in designing the surveys, defining their protocols and using their results), this assuming major development in research and comparative surveys on education and in edumetrics, supported by the scientific authorities in the relevant fields. France needs to equip itself with the political and scientific tools needed to organise its education system, by being more active in every respect on the international comparative educational scene. It is very much likely that it cannot – or can no longer – do this alone. One of its priorities will thus need to be urging for the development of a strong European hub to design and carry out international comparative studies in the field of education. nnn Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 41 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 4 Avis du HCéé N° 16 – May 2005 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE L’APPRENTISSAGE AU SEIN DE L’ÉDUCATION NATIONALE L e ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a sollicité le Haut Conseil de l’évaluation de l’école afin de connaître « à travers la diversité des expériences et des évaluations qui ont été conduites en ce domaine, … quelle contribution l’éducation nationale pourrait apporter afin que [la] voie de l’apprentissage s’insère de manière plus cohérente dans l’ensemble du dispositif de formation professionnelle ». Pour répondre à cette sollicitation le Haut Conseil s’est adressé au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) dont deux chercheurs, Damien BROCHIER et Jean-Jacques ARRIGHI, ont élaboré un rapport qui a nourri ses réflexions à ce sujet. Ce rapport – qui comme tous les rapports commandés par le Haut Conseil n’engage pas celui-ci, mais reflète les analyses et les propositions des rapporteurs – est public et peut être consulté sur le site du Haut Conseil http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». L’apprentissage a connu un développement important et une élévation de niveau au cours de la dernière décennie. Les préparations au CAP qui regroupaient près des deux tiers des apprentis en 1999 en représentent moins de la moitié en 2003 ; les BEP, seule formation de niveau V dont les effectifs ont augmenté restent loin derrière. Au total, le nombre d’apprentis préparant un diplôme de niveau V a diminué et un peu plus de six apprentis sur dix sont dans ce cas aujourd’hui, contre huit sur dix en 1995. C’est aux niveaux supérieurs que la croissance des effectifs s’est manifestée : les jeunes préparant le baccalauréat professionnel ont vu leur nombre augmenter de 130 % et représentent aujourd’hui près d’un apprenti sur dix, soit pratiquement autant que ceux préparant un diplôme professionnel traditionnel du niveau IV (brevet professionnel, brevet de maîtrise, brevet de technicien, etc..) ; le nombre de ceux préparant un BTS a cru de plus de 140 % et près d’un apprenti sur huit suit aujourd’hui cette formation. Mais ce sont les formations supérieures à Bac + 2 qui ont connu – et de loin – la plus forte croissance au cours de la période : les effectifs des formations de niveaux I et II ont plus que quadruplé et près de 6 % des apprentis sont aujourd’hui engagés dans de telles formations 1. Globalement, l’apprentissage a accru ses effectifs de près d’un quart depuis 1995 et ce sont aujourd’hui (en 2003-2004) quelque 360 000 jeunes qui suivent, des formations par apprentissage ; mais depuis 1999, les effectifs d’apprentis sont restés à peu près constants, et l’on est loin de l’objectif de 500 000 apprentis qui vient d’être réaffiché par la Loi de programmation pour la cohésion sociale. Le niveau des apprentis s’est ainsi élevé d’un double point de vue : d’une part, la proportion de ceux qui préparent un diplôme au moins égal au baccalauréat a plus que doublé depuis 1995, et dépasse très sensiblement le tiers des effectifs ; d’autre part, les apprentis qui restent les plus nombreux, ceux qui préparent des diplômes de niveau V – CAP, BEP et autres – ont, pour la majorité d’entre eux, suivi une La répartition des effectifs par niveau a sensiblement évolué au cours de la période. 1. Ce développement est dû à l’engagement d’un petit nombre d’établissements d’enseignement supérieur, et notamment de quelques universités nouvelles. Avis du HCéé N° 17 – Juillet 2005 scolarité complète en collège, ce qui était loin d’être le cas auparavant. accueillent pratiquement autant d’apprentis que les EPLE de l’Éducation nationale. Mais, cette élévation du « niveau de l’apprentissage » connaît des limites parce que la majorité des apprentis préparent des diplômes qui conduisent rarement à des poursuites d’études : au niveau V, les CAP dominent très largement par rapport aux BEP qui permettent d’envisager ensuite une préparation au baccalauréat professionnel, et au niveau IV, le baccalauréat professionnel, qui peut déboucher sur la préparation d’un BTS, ne rassemble pas plus d’apprentis que les préparations aux diplômes traditionnels de ce même niveau. Alors que la Loi quinquennale de 1993 en faisait une priorité, les effectifs de l’apprentissage organisé par les établissements secondaires publics sous tutelle du ministère de l’éducation nationale n’ont pratiquement pas augmenté depuis 1995 ; dans le même temps les CFA rattachés aux établissements sous tutelle du ministère de l’agriculture voyaient les leurs croître de 50 %. C’est aux niveaux supérieurs que les formations offertes par les établissements de l’Éducation nationale ont le plus augmenté, et ceci dans des proportions comparables à celles de l’ensemble de l’apprentissage. Le développement de l’apprentissage public a ainsi connu les mêmes évolutions que l’ensemble du secteur : l’Éducation nationale n’offre pas de spécialités de formation particulières, les CAP y restent pratiquement majoritaires et elle connaît la même élévation du niveau des apprentis que l’ensemble du secteur de l’apprentissage. On peut cependant noter que plus de quatre sur dix des apprentis inscrits en première année de préparation d’un diplôme de niveau IV proviennent aujourd’hui de l’apprentissage de niveau V. Mais, contrairement à ce que l’on constate dans d’autres pays, l’apprentissage ne constitue pas vraiment, en France, une voie de formation grâce à laquelle on pourrait obtenir progressivement des diplômes de plus en plus élevés dans une filière professionnelle, et, tout comme pour la formation professionnelle sous statut scolaire, les poursuites d’études jusqu’au niveau IV restent insuffisantes. Mais, dans le même temps, le dispositif de l’Education nationale a connu des évolutions sensibles. Les structures proposant des formations par apprentissage se sont multipliées du fait, à la fois, de la création de nouveaux CFA dans les EPLE, et de la mise en place de nouvelles structures issues de la Loi quinquennale (les Sections d’apprentissage et les Unités de formation par apprentissage). On trouve au moins une structure de formation dans toutes les académies métropolitaines à l’exception de la Corse, et la carte de l’offre a considérablement évolué : dans certaines régions où la part de l’Éducation nationale était traditionnellement forte, celle-ci a diminué ; le mouvement est inverse dans d’autres, où l’Education nationale était moins présente. Mais les disparités restent très importantes : la part de l’Éducation nationale, nulle ou pratiquement nulle dans quelques régions, s’élève jusqu’à près de la moitié des effectifs d’apprentis en Alsace (ce qui correspond à une tradition ancienne) et en Limousin (ce qui est plus récent). En termes de spécialités, l’offre de formation a peu évolué au cours des dix dernières années, tout au moins jusqu’au baccalauréat. Aucune spécialité nouvelle n’a été ouverte en CAP ou BEP, et deux seulement l’ont été au niveau du baccalauréat. En revanche, dans le supérieur, de nombreuses spécialités, principalement du tertiaire administratif et commercial, ont été créées au cours de la période. Le baccalauréat sépare ainsi deux types d’apprentissage, l’un relativement traditionnel, l’autre plus dynamique, en réponse à une demande croissante de qualifications supérieures. L’apprentissage constitue une voie de formation professionnelle importante, mais les établissements de l’éducation nationale n’y ont qu’une part marginale. Toujours globalement, l’apprentissage constitue une voie de formation professionnelle importante, tout au moins dans le second cycle secondaire : au niveau V, comme au niveau IV, il regroupe plus du quart (28 %) de l’ensemble des effectifs des formations professionnelles du second degré, ce qui est loin d’être négligeable. Lacomplexité du dispositif de l’apprentissage doit inciter l’Éducation nationale à clarifier sa posture à son égard. L’apprentissage met en relation de nombreux acteurs, qui peuvent, chacun, jouer plusieurs rôles, et son développement repose sur un partenariat décentralisé. Mais l’apprentissage organisé dans le cadre des établissements rattachés au ministère de l’éducation nationale reste marginal : pour les niveaux V et IV, les apprentis qui fréquentent un Centre de Formation d’Apprentis (CFA) géré par un Établissement Public Local d’Enseignement (EPLE) ou un établissement privé sous contrat, ou bien une section d’apprentissage, représentent un peu plus de 6 % de l’ensemble des apprentis, soit moins de 2 % des jeunes en formation professionnelle du second degré. À eux seuls, les CFA des établissements publics locaux d’enseignement et de formation sous tutelle du Ministère de l’Agriculture L’apprentissage est une formation professionnelle dont le développement s’inscrit dans les Programmes Régionaux De Formation que pilotent les régions ; celles-ci ont, en outre, une compétence de plein exercice dans le domaine de l’apprentissage et conventionnent les CFA et les financent au moins en partie. L’apprenti est un jeune en formation initiale, dont la formation et la certification relèvent du ministère de l’Éducation nationale (ou de celui de l’Agriculture dans son domaine de compétence). 2 Avis du HCéé N° 17 – Juillet 2005 Mais, il ne peut y avoir apprentissage que si une entreprise recrute l’apprenti, lui verse un salaire et le place sous la responsabilité d’un tuteur pour sa formation sur le lieu de travail. En outre, que l’entreprise emploie ou non des apprentis, elle s’acquitte de la taxe d’apprentissage à l’organisme – et si elle le désire à l’établissement – de son choix. Elle peut – seule ou associée à d’autres au sein d’une branche professionnelle – proposer l’ouverture de nouveaux CFA ; dans le domaine à plusieurs titres : tout d’abord, il doit donner toute leur place aux formations professionnelles au sein de l’ensemble des formations initiales du service public national d’éducation et veiller à l’équité de l’offre sur le territoire ; ensuite, il exerce, via le ministère de l’Éducation nationale, une tutelle sur les formations par apprentissage et contribue à en impulser le développement ; enfin, les établissements scolaires sont opérateurs sur le « marché » de l’apprentissage. le Centre de Formation d’Apprentis (qui n’a pas la personnalité morale et dépend d’un organisme gestionnaire) est le point d’articulation de l’ensemble : il délivre la formation générale et peut, soit piloter un ensemble homogène de formations pour des apprentis du même secteur, soit accueillir individuellement des apprentis que lui adressent les entreprises du voisinage ; Toutes ces fonctions s’exercent en partenariat avec les régions et les entreprises, mais leur logique n’est pas la même. Les deux premières participent du pilotage d’ensemble de la politique de formation initiale, alors que la troisième concerne la participation des établissements sous tutelle du Ministère de l’éducation à la formation professionnelle. Les établissements de l’Éducation nationale interviennent en tant que gestionnaires de CFA ; deux formules qui associent une branche professionnelle à un ou plusieurs EPLE, ont été créées par la Loi de 1993 pour favoriser le développement de l’apprentissage dans les établissements : la Section d’Apprentissage et l’Unité de Formation par Apprentissage. Ceci a permis aux rectorats et aux établissements – qui ont souvent dû faire face aux réticences d’enseignants des lycées professionnels qui considèrent l’apprentissage comme un concurrent des formations professionnelles sous statut scolaire – de s’adapter à la diversité des situations. Sur un plan général, l’Éducation nationale pourrait s’interroger davantage quant à l’organisation et à la qualité des formations professionnelles – qu’elles soient sous statut scolaire ou par apprentissage – et à leur développement à tous les niveaux du système éducatif. On ne saurait atteindre les niveaux de qualification nécessaires aujourd’hui dans un pays comme le nôtre sans leur donner toute leur place dans l’ensemble des formations initiales, et ceci de façon adaptée dans chaque région. Il est manifeste que certaines académies ont fait de ce développement un axe de leur politique, alors que d’autres ont pu le négliger. Cette complexité n’a pas empêché le développement de l’apprentissage et son extension à des domaines de formation nouveaux, en particulier aux niveaux supérieurs de formation. Mais la diversité des objectifs poursuivis par les entreprises et l’attention insuffisante qu’elles portent à la dimension régionale des contrats d’objectifs, dont dépend en définitive l’évolution du nombre, des spécialités et des niveaux des contrats d’apprentissage, rend le développement du secteur difficile à programmer. Il ne s’agit pas uniquement de valoriser l’apprentissage par des campagnes de communication, mais de l’envisager comme une voie « normale » de formation initiale, alors qu’il est aujourd’hui considéré comme une sortie du système éducatif et que les enseignants et les conseils d’orientation sont loin de connaître toutes les possibilités qu’il offre. La contribution de la formation professionnelle, et en son sein de l’apprentissage, à la diminution des sorties sans qualification, comme le développement de filières permettant aux apprentis de viser des niveaux de qualification supérieurs au niveau V dans leur spécialité devraient constituer des domaines prioritaires d’action pour les académies. Par ailleurs, les régions, en charge de la formation professionnelle sous toutes ses formes, peuvent adopter, pour des raisons légitimes de cohérence de l’offre de formation et de rationalisation de son financement, des politiques plus ou moins actives en matière de développement de l’apprentissage Sur le plan de la tutelle des formations par apprentissage – quel qu’en soit le gestionnaire – l’animation, l’évaluation et le contrôle pédagogique devraient être la priorité des académies, qui pourraient laisser aux régions le contrôle administratif et financier de l’activité des CFA. Dans ces conditions, l’affichage d’objectifs nationaux d’augmentation du nombre des apprentis risque d’être vain si une volonté politique claire, tant au niveau central qu’au niveau académique, ne soutient pas fermement la mise en œuvre de dispositifs qui s’organisent de façon déconcentrée. Les enjeux d’un suivi et d’une animation de qualité de la formation et du travail des apprentis sont décisifs étant donné les taux d’abandon élevés et les ruptures de contrat que connaît cette formation. Mais ceci pose au moins deux questions, mal résolues aujourd’hui : – celle de l’affirmation du rôle d’expertise et d’animation de l’ensemble des formations par apprentissage des Services Académiques d’Inspection de Piloter la formation professionnelle, impulser ledéveloppementdel’apprentissage,promouvoir l’apprentissage public. Dans ce contexte, l’État se doit de clarifier ses politiques et ses modes d’action : il intervient en effet 3 Avis du HCéé N° 17 – Juillet 2005 remettre en cause les modalités partenariales de mise en œuvre du dispositif, mais compte tenu du fait que l’apprentissage est financé aux trois quarts par des fonds publics, l’Éducation nationale devrait promouvoir des formations que les tendances spontanées de développement de l’apprentissage négligent : tout d’abord, des formations de niveau V en visant prioritairement le renouvellement de la main d’œuvre des petites entreprises et certains métiers de l’artisanat, de l’hôtellerie-restauration, de l’agroalimentaire et des services qui ont aujourd’hui du mal à recruter 2. Effort devrait être fait pour que ces formations puissent se prolonger à des niveaux supérieurs. Une telle orientation devrait être de nature à lever les inquiétudes de certains professeurs de lycées professionnels qui s’opposent au développement de l’apprentissage public et craignent qu’un développement de celui-ci entraîne une diminution des effectifs des lycées professionnels. l’Apprentissage, dont la capacité de dialogue avec tous les acteurs de l’apprentissage est légitimement reconnue ; il leur sera d’autant plus aisé et efficace d’exercer cette fonction qu’elle sera clairement distinguée de la coordination académique de l’apprentissage public et que cette dernière sera prise en charge par une autre structure ; – celle de la mobilisation effective de l’ensemble des corps d’inspection sur l’évaluation et le contrôle pédagogique de l’apprentissage : la marginalisation des anciens inspecteurs de l’apprentissage est loin d’avoir été réglée par leur intégration dans le corps des Inspecteurs de l’Éducation nationale ; elle s’est traduite par une régression du contrôle réel de la formation des apprentis, notamment en entreprise. De plus, inciter les entreprises à accueillir des apprentis implique de les convaincre que cet accueil est intéressant pour elles, ce qui suppose de développer les travaux d’évaluation dans ce domaine. Quant au développement de l’apprentissage public, celui dans lequel interviennent directement des établissements sous tutelle de l’Éducation nationale, il suppose – au-delà de la volonté politique qui vient d’être évoquée – que des questions de nature technique soient résolues, mais aussi que des priorités soient clairement affichées : – Sur le plan technique, des freins au développement des CFA sous tutelle de l’Éducation nationale doivent être levés et il faut poursuivre et consolider les progrès réalisés ces dernières années pour instaurer des procédures stables de gestion de ces centres ; en particulier, les enseignants titulaires doivent pouvoir effectuer une partie, voire tout leur service, en apprentissage. De même, il faut donner à ces centres une existence institutionnelle plus pérenne, et un cadre juridique nouveau devrait offrir une possibilité plus assurée de créer des CFA permettant de fédérer des unités d’apprentissages situées dans plusieurs établissements. – Sur le plan politique, l’Éducation nationale doit préciser ses objectifs propres en matière de développement de l’apprentissage et œuvrer pour une plus grande équité territoriale. Sans qu’il soit question de nnn Pour contribuer au développement de l’apprentissage, qui pourrait être une voie d’excellence, et faire en sorte que ce développement s’inscrive dans les objectifs fixés par la Loi à notre système de formation initiale : résorber les sorties sans qualifications et accroître les taux d’accès aux qualifications élevées, l’Éducation nationale doit, en partenariat avec les régions et les entreprises, intervenir à trois niveaux : celui du développement de la formation professionnelle, celui du développement de la formation professionnelle par apprentissage et celui de la part que prennent dans ce développement, les établissements dont elle a la tutelle. Atteindre l’objectif particulièrement ambitieux d’une augmentation de près de 40 % du nombre actuel d’apprentis suppose qu’elle ait la capacité d’articuler ces trois politiques partenariales de façon cohérente, au plan national et surtout au plan local. 2. À l’inverse, lorsque l’apprentissage a de réelles difficultés à se développer dans un secteur, il faut s’interroger sur la pertinence de la formation au regard des emplois visés. Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 41 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 4 Avis du HCéé N° 17 – Juillet 2005 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE LES DISPOSITIFS D’INDICATEURS INTERNATIONAUX DE L’ÉDUCATION L e Haut Conseil de l’évaluation de l’école a jugé nécessaire d’évaluer la façon dont le système éducatif français et, plus largement la société française, tirent parti des comparaisons internationales dans le domaine de l’éducation. C’est pourquoi après avoir envisagé dans son avis n°161 les enquêtes internationales qui évaluent les compétences acquises par les élèves, le Haut Conseil a examiné les dispositifs d’indicateurs internationaux de l’éducation qui visent à comparer les ressources humaines et matérielles, l’organisation et le fonctionnement des systèmes éducatifs. Comme il l’a fait pour les enquêtes comparatives des acquis des élèves, il s’est intéressé non seulement à la conception et à la signification de ces indicateurs, mais également à la participation de la France à leur élaboration et à son attitude à leur égard. Pour étayer les discussions qui lui ont permis d’élaborer cet avis le Haut Conseil a demandé à JeanRichard CYTERMANN, professeur associé à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales et à Marc DEMEUSE, professeur à l’Institut d’Administration Scolaire de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de l’Université de Mons-Hainaut (Belgique) de lui présenter un rapport. Ce rapport – qui comme tous les rapports commandés par le Haut Conseil n’engage pas celui-ci, mais contient les analyses et les propositions des rapporteurs – est public et peut être consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». Les publications d’indicateurs internationaux sur l’éducation ont été considérablement développéesparplusieursinstancesinternationales au cours des dernières décennies. La question de la comparaison des caractéristiques des systèmes éducatifs et surtout de la mise en rapport de leurs résultats avec les facteurs susceptibles d’expliquer leurs performances n’est pas nouvelle et dès la fin des années cinquante, les chercheurs qui allaient créer l’IEA s’en préoccupaient, en lien avec leurs efforts pour organiser et développer les évaluations internationales des acquis des élèves 2. Comme cela a été le cas pour ces évaluations, ces préoccupations avant tout scientifiques ont progressivement été relayées, au cours des années quatrevingts, par des demandes des responsables politiques et administratifs des systèmes éducatifs, qui développaient dans leurs pays des dispositifs d’évaluation et souhaitaient disposer de points de comparaison. Ces demandes ont conduit les institutions internationales – pour ce qui nous intéresse le plus ici, l’OCDE d’abord, l’Union européenne ensuite – à s’efforcer de définir des indicateurs de l’éducation comparables 1. Avis n°16 du Haut Conseil de l’évaluation de l’école, La France et les évaluations internationales des acquis des élèves, mai 2005. 2. Voir avis n°16. L’IEA, International association for the Evaluation of educational Achievement, a été créée en 1961. Avis du HCéé N° 18 – Juillet 2005 d’un pays à l’autre, à recueillir auprès des pays les données nécessaires à leur calcul, et à les publier. Ce dispositif est aujourd’hui tout à fait opérationnel et régulier, puisque chaque année, les pays comme le nôtre fournissent par le biais d’un questionnaire unique, les données nécessaires à la constitution des bases de données qui permettront à l’OCDE, à l’Union européenne et à l’UNESCO de produire leurs indicateurs de l’éducation 3. s’intéressent véritablement à ces indicateurs que lorsque ceux-ci leur apportent un scoop, ce qui, en matière d’éducation est peu fréquent. Ceci dit, les indicateurs internationaux sont assez fréquemment invoqués par les responsables de la politique éducative, et certains d’entre eux ont pris une place importante dans les débats sur l’éducation, comme par exemple, la dépense moyenne consacrée en à un étudiant ou la proportion de jeunes quittant le système éducatif avec un diplôme d’enseignement supérieur. Cependant, c’est plus souvent pour justifier une décision ou une revendication que pour éclairer des orientations politiques par une mise en perspective internationale du système éducatif français que les indicateurs sont utilisés. Si tous les indicateurs produits par ces institutions ont d’abord eu et ont toujours pour vocation de constituer des bases de réflexion et d’action pour les responsables politiques et des données d’études pour les chercheurs, certains d’entre eux prennent, dans le contexte du processus de Lisbonne et de la méthode de collaboration ouverte arrêtée par le Conseil européen en mars 2000, un caractère plus engageant pour les pays de l’Union européenne, puisqu’ils doivent permettre d’asseoir des « comparaisons significatives entre pays européens sur la base de critères de référence (benchmarks) en fonction des objectifs arrêtés en commun ». Cette distance à l’égard des indicateurs touche tout autant les indicateurs nationaux que ceux proposant des comparaisons internationales ; elle tient sans doute pour une part à la méfiance à l’égard des approches évaluatives de l’éducation que le Haut Conseil a déjà regrettée à diverses reprises, mais aussi à de réelles difficultés à utiliser et à interpréter certains d’entre eux. La France a très largement participé à la création de ces dispositifs d’indicateurs internationaux, mais leur utilisation reste modeste. Des questions techniques et de présentation qui peuvent poser des problèmes politiques. Concevoir et présenter des indicateurs internationaux n’est pas une tâche facile : ils doivent non seulement avoir un sens en termes politiques, c’està-dire, rendre compte de facteurs pertinents pour la description et la gouvernance des systèmes éducatifs, mais aussi reposer sur des sources et des modes de calcul suffisamment homogènes d’un pays à l’autre pour que leur comparaison soit valide, et suffisamment stables pour que leur évolution puisse être appréciée valablement. Dans son avis sur « La France et les évaluations internationales des acquis des élèves », le Haut Conseil a vivement regretté que notre pays ait trop peu participé au développement des enquêtes internationales sur les acquis des élèves et n’ait pas suffisamment investi dans le domaine de l’édumétrie. Il n’en est pas de même ici, et la France – forte de très réelles compétences dans le domaine statistique et dotée d’un excellent système d’informations sur l’éducation – a pris et prend toujours une large place dans la conception et le développement des dispositifs d’indicateurs internationaux de l’éducation. Si de réels progrès ont été réalisés suite aux efforts déployés par les pays et les institutions internationales, on est encore loin du compte et les questions objectives que posent toujours la confection d’indicateurs prennent une dimension plus aiguë sur le plan technique et peuvent avoir des enjeux politiques particulièrement élevés, lorsque l’on se situe dans un contexte de comparaisons internationales. C’est la Direction de l’évaluation et de la prospective (DEP) qui l’a fait en même temps qu’elle créait et développait un dispositif national d’indicateurs sur le système éducatif qui donne lieu à la publication régulière de l’état de l’École, dont la première livraison, en 1991, a été contemporaine de celle du premier Regards sur l’éducation par l’OCDE. Il en est ainsi de problèmes déjà difficiles à traiter de façon claire et compréhensible par tous dans un cadre national, tels le partage entre dépenses d’enseignement et dépenses de recherche dans l’enseignement supérieur, l’appréciation objective du temps de travail total des enseignants, lorsque leurs obligations de service ne sont définies strictement qu’en ce qui concerne les heures d’enseignement L’état de l’École, qui est très largement diffusé et dont la pertinence et la qualité sont légitimement reconnues, donne une place importante aux comparaisons internationales en intégrant des indicateurs internationaux de l’OCDE et de l’Union européenne. Ceci peut expliquer que l’écho rencontré en France par les publications de ces institutions soit généralement moins grand que dans les pays qui ont pris le parti de publier une « lecture nationale » des indicateurs internationaux, en particulier de ceux de l’OCDE 4. Il est par ailleurs de fait que les médias ne 3. Ceux-ci sont publiés par l’OCDE dans Regards sur l’éducation, par l’Union européenne (Eurydice) dans les Chiffres clés de l’éducation, et par l’Institut de Statistiques de l’UNESCO dans le Recueil des données mondiales sur l’éducation. 4. C’est par exemple le cas en Belgique, aussi bien pour la Communauté française que pour la Communauté flamande. 2 Avis du HCéé N° 18 – Juillet 2005 dans certains pays en recensant les élèves ayant obtenu un diplôme de fin de cycle, et le sont, dans d’autres, en prenant en compte tous les élèves inscrits dans le cycle jusqu’à la fin de celui-ci. devant les élèves ou, pour évoquer à nouveau ici une question sur laquelle le Haut Conseil a déjà attiré l’attention, la définition d’un jeune achevant sa formation initiale sans avoir acquis un niveau de qualification considéré comme suffisant. La présentation des indicateurs constitue, par ellemême, un parti pris politique qui en oriente la lecture et l’interprétation : Regards sur l’éducation de l’OCDE présente chaque indicateur selon un ordre croissant ou décroissant de sa valeur dans les pays, ce qui incite, comme les commentaires qui leur sont associés, à une lecture comparative indicateur par indicateur, alors que les Chiffres clés de l’éducation de l’Union européenne présentent toujours les valeurs des indicateurs dans l’ordre alphabétique des pays et les assortissent de nombreux éléments de contexte, ce qui incite à une lecture qui prenne plus en compte les caractéristiques et l’environnement de chaque système éducatif lors de la comparaison. Les définitions et les sources sur lesquelles sont fondés les indicateurs internationaux ne sont pas toujours homogènes, restent souvent obscures et ne sont pas toujours affichées. Ainsi, la mise au point d’une nomenclature internationale des niveaux et filières d’enseignement 5 a constitué un progrès, mais le classement des formations délivrées dans chaque pays dans ce cadre unique reste à la discrétion de chacun d’eux, ne fait pas l’objet d’un véritable débat international et n’est certainement pas homogène. Ajoutons que pour ce qui concerne la France, cette classification est peu utilisée pour présenter les indicateurs nationaux et que le classement des formations secondaires françaises dans la nomenclature internationale est contestable 6 ; Mieux articuler les différentes productions d’indicateurs, travailler plus leur interprétation et les faire « parler politique ». Selon les définitions et les conventions retenues, des indicateurs dont l’intitulé et la finalité politique sont proches présentent une valeur différente selon l’organisme qui le calcule : c’est le cas d’un indicateur essentiel, celui mesurant les sorties sans diplôme qui s’établit à 20 % des sortants du système éducatif ou à 16 % selon le dispositif d’indicateurs auquel on s’adresse. Ces différences peuvent être parfaitement légitimes, mais il faut alors les justifier et les expliciter aux plans politique et technique ; Le Haut Conseil constate que des progrès importants sont engagés, aussi bien au plan national qu’international pour améliorer la qualité des indicateurs, en préciser les objectifs et les limites. Cet effort doit, évidemment, être poursuivi et se concrétiser par la production et la diffusion de dossiers méthodologiques sur la conception et les sources de chaque indicateur. Les points évoqués ci-dessus doivent constituer autant de domaines à améliorer. Mais ces améliorations ne suffisent pas. Le souci louable d’améliorer la qualité technique et la pertinence politique des indicateurs se traduit par des changements de définition et de présentation des indicateurs d’une année à l’autre, ce qui nuit à leur comparabilité dans le temps et à l’élaboration de séries temporelles ; Elles doivent être associées au souci d’articuler entre eux des dispositifs d’indicateurs qui se multiplient dans le domaine de l’éducation et dont les enjeux politiques sont de plus en plus importants, aussi bien au plan international, notamment dans le cadre de la méthode de collaboration ouverte de l’Union européenne, qu’au plan national, avec la mise en place des indicateurs des projets annuels de performances qui vont accompagner les programmes des Lois de finances. Il ne faut pas que des indicateurs qui laissent entendre qu’ils donnent la même information ne soient pas les mêmes dans les dispositifs proposés par des institutions différentes. La nécessaire pluralité des indicateurs ne doit pas se traduire pas une confusion ; Le sens politique de certains indicateurs, la signification de ce qu’ils mesurent peuvent faire l’objet d’interprétations erronées, lorsque des indicateurs qui apprécient en fait des phénomènes différents, sont présentés – ou compris – comme étant très proches les uns des autres : c’est le cas, par exemple, de la « taille des classes », d’un côté, du « nombre d’élèves par enseignant », d’un autre côté ; Des indicateurs ou le commentaire qui leur est associé, peuvent être tout à fait discutables : c’est le cas lorqu’on laisse entendre qu’un indice significatif des dépenses en matière d’éducation serait le « traitement statutaire moyen par heure d’enseignement », calculé en rapportant des salaires théoriques en milieu de carrière (qui peuvent être très différents des salaires moyens que perçoivent les enseignants, compte tenu de leur âge et ancienneté effectives) au nombre moyen d’heures d’enseignement devant élèves (qui ne constituent qu’une partie – différente selon les pays – de leur charge de travail effective) ; Des pans entiers des systèmes éducatifs sont à l’heure actuelle extrêmement mal décrits par les indicateurs internationaux, comme la formation tout 5. Il s’agit de la CITE, la Classification Internationale Type de l’Éducation. 6. Les baccalauréats technologiques y sont classés, comme les baccalauréats généraux, parmi les formations conduisant à des formations supérieures longues et les baccalauréats professionnels y sont considérés comme une formation conduisant à des études supérieures courtes. Une application stricte de la vocation de nos baccalauréats dans la nomenclature CITE conduirait à faire apparaître une situation relativement moins favorable de la France quant aux possibilités de poursuite d’études à la fin de l’enseignement secondaire Il en est de même lorsque les décomptes d’élèves ou d’étudiants arrivés en fin de cycle sont réalisés 3 Avis du HCéé N° 18 – Juillet 2005 La présentation et la diffusion des dispositifs d’indicateurs reste à améliorer, notamment en direction des enseignants, qui font parfois preuve à leur égard, comme à celui d’autres approches évaluatives, d’un refus de principe au motif que l’on ne saurait mesurer ni la qualité, ni les résultats de l’acte éducatif. Elle reste aussi à améliorer en direction des responsables qui, de leur côté, ne doivent pas céder à la tentation de n’utiliser les indicateurs que lorsqu’ils peuvent appuyer ou illustrer leurs décisions, mais doivent en faire des outils d’évaluation de leurs politiques. au long de la vie. Des données essentielles – souvent évoquées de façon très idéologique dans les débats internationaux sur l’éducation – sont très mal appréciées et comparées, comme le degré de décentralisation et de déconcentration des systèmes éducatifs et les niveaux auxquels s’y prennent les décisions, ainsi que, dans le domaine des dépenses pour l’éducation, les dépenses des ménages et des entreprises et, plus généralement les dépenses autres que les dépenses publiques. Il faut viser plus loin que la seule amélioration de la qualité technique des indicateurs ; ceux-ci doivent être de plus en plus assortis de considérations qui éclairent les choix de politique éducative et faire l’objet de mises en perspective les uns par rapport aux autres. Un indicateur dont le sens d’évolution souhaitable n’apparaît pas immédiatement peut être dangereux et il est indispensable que les responsables et les acteurs de l’éducation aient les moyens d’apprécier correctement la portée de leurs évolutions ; nnn On n’imagine pas aujourd’hui d’évaluer et gouverner les systèmes éducatifs sans mise en perspective internationale. Comme les enquêtes comparatives des acquis des élèves, les dispositifs d’indicateurs internationaux permettent de poser des questions, mais ne sauraient par eux-mêmes apporter de réponses aux problèmes que peuvent connaître les systèmes éducatifs. Il faut être conscient que le compromis entre la description homogène, donc simplificatrice, de systèmes éducatifs qui peuvent être très divers, et le souci de ne pas déformer l’appréciation de ces réalités diverses est difficile à trouver. D’où l’importance, pour éviter toute ambiguïté et pallier le risque d’interprétation erronée, de rendre parfaitement clairs les concepts politiques qui sous-tendent les indicateurs et les sources qui les alimentent et de développer les travaux qui permettent de les interpréter. Ceci suppose le développement d’études – aussi bien au Ministère de l’Éducation nationale, tout particulièrement à la DEP – que dans les milieux de la recherche en éducation – qui permettent de situer les indicateurs dans un cadre conceptuel qui ait un sens pour les décideurs. Il ne suffit pas, par exemple, d’apprécier les tailles de classe et les traitements des enseignants, il faut aussi pouvoir mettre en rapport, au regard des objectifs des systèmes éducatifs, les évolutions respectives des uns et des autres. Les études internationales à ces sujets doivent s’appuyer sur des travaux nationaux permettant de prendre en compte les contextes d’évolution des différents systèmes éducatifs ; Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 41 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 4 Avis du HCéé N° 18 – Juillet 2005 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE INTERNATIONAL INDICATOR SYSTEMS IN EDUCATION France’s Haut Conseil de l’évaluation de l’école (High Council for the Evaluation of Education) has deemed it necessary to evaluate how the French educational system and, more broadly speaking, French society, uses in international comparison surveys. For this reason, after giving consideration, in its Opinion No. 16,1 to international surveys focusing on student achievement, the High Council looked at international indicator systems in education, designed to compare the human and material resources, organisation and working of educational systems. As it did for the surveys comparing student achievement, it looked not only at the indicators’ design and meaning, but also at France’s participation in devising them and its attitude with respect to them. To bear out the discussions that led to the drafting of this first opinion, the High Council asked Jean-Richard Cytermann, associate professor at France’s Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales and Marc Demeuse, professor at the Institut d’Administration Scolaire at the Psychology and Educational Sciences Department of the University of Mons-Hainaut (Belgium), to present it with a report. The said report – which, like all reports commissioned by the High Council, does not necessarily reflect its opinion, but rather contains the analyses and suggestions of the report’s authors – is public and may be read on the High Council’s site: http://cisad.adc. education.fr/hcee under the «Publications»section. The publication of international indicators on education has been developed considerably by a number of international authorities over the past few decades. The issue of comparing the features of educatio systems and, more importantly, weighing the results against the factors likely to explain performance levels is nothing new. Starting from the very end of the 1950s, the researchers who were about to create the IEA were already looking at the issue, in connection with their efforts to organise and develop international evaluation of student achievement 2. As was the case with the international comparative surveys of student achievement, the said concerns, above all scientific, were gradually carried forth, over the course of the 1980s, through requests on the part of political and administrative heads of education systems, who were developing evaluation systems in their countries and wished to have references for comparison. Those requests led the international institutions – of the greatest interest to us here are the OECD, then the European Union – to strive to define educational indicators capable of being used for comparison 1. Opinion No. 16, Haut Conseil de l’évaluation de l’école, France and International Evaluation of Student Achievement, May 2005, France. 2. See Opinion No. 16. The IEA, International Association for the Evaluation of Educational Achievement, was founded in 1961. Avis du HCéé N° 18 – July 2005 such as the average expenditure per student or the percentage of young people exiting the educational system with a higher education diploma. However, it is more often to justify a decision or claim than to enlighten political decision-making by putting the French educational system in perspective that the indicators are used. The distance that French policymakers have kept with respect to the indicators applies both to national indicators and those offered by international comparisons; it is probably due in part to cautiousness with regard to evaluation-based approaches over which the High Council has already expressed regret on a number of occasions, but also real issues in using and interpreting some of them. from one country to another, and gathering from each country the data needed to calculate and publish them. The system is now fully operational and recurring, in that each year, countries comparable to ours provide, using a single questionnaire, the data necessary to set up the databases that will allow the OECD, European Union and UNESCO to produce their educational indicators 3. While all of the indicators produced by the above institutions have always been intended, first and foremost, to form the foundation for thinking and action on the part of political leaders, and research data for researchers, some of them take on a more binding dimension for European Union countries, against the background of the Lisbon Process and the open cooperation method determined by the European Council in March 2000, in that they must help buttress «significant comparisons between European countries on the basis of benchmarks, according to jointly-determined objectives». Technical and format-related questions that can raise political issues. Designing and presenting international indicators is not an easy task: they must not only be meaningful in political terms, in other words, provide information on factors than can be used to describe and govern educational systems, but also be based on sources and calculation methods that are homogenous enough from one country to the next so that the comparison can be valid, and stable enough that trends can be assessed in a valid manner. France participated very extensively in creating the international indicator systems, but uses them only to a modest extent. In its opinion on «France and International Evaluation of Student Achievement», the High Council expressed heartfelt regret that our country participated too little in developing international surveys on student achievement and has not invested enough in the field of edumetrics. The same cannot be said here, and France – highly skilled in the field of statistics and equipped with an excellent information system on education – has played and continues to play an important part in designing and developing international indicator systems on education. While real progress has been accomplished following the efforts deployed by the countries involved and international institutions, the target is still far from being attained and the objective questions that always arise when designing indicators take on a more acute dimension from the technical standpoint and can have particularly high political stakes, when taken in the context of international comparisons. It did so through the Evaluation and Forecasting Directorate (DEP), which concurrently created and developed a national indicator system on the education system. That system gave rise to the regular publication of The State of Education, the first edition of which came out in 1991, making it coincide with the OECD’s first Education at a glance. This is also the case of problems already difficult to handle clearly and comprehensibly by all parties involved in a national setting, such as dividing costs in tertiary education between teaching and research, objectively assessing instructors’ total work time when their required hours are defined only in terms of time spent teaching the students, or, to bring up once again an issue to which the High Council has already called attention, the definition of a young person completing initial training without having reached a level of qualification deemed sufficient. The State of Education, which is very widely circulated and rightfully recognised as cogent and of high quality, gives significant focus to international comparisons, integrating the international indicators designed by the OECD and the European Union. This can explain why in France’s the impact of the publications of such institutions is generally less than in countries that have chosen to publish a «national interpretation» of the international indicators, in particular those of the OECD 4. Moreover, it can be noted that the media only devote real attention to the said indicators when they offer a «scoop», something infrequent in the field of education. w The definitions and sources on which international indicators are based are not always uniform, often remain unclear and are not always published. In that respect, the international nomenclature on teaching levels and degree programmes5 was a form of progress. However, when it comes to ranking the training programmes offered in each country within that 3. These are published by the OECD in Education at a glance, the European Union (Eurydice) in Key Data on Education in Europe, and UNESCO’s Statistics Institute, in its. 4. This is true, for instance, of Belgium, whether in the French community, or the Flemish community. 5. SCED, the International Standard Classification.of EDucation That being said, international indicators are quite frequently cited by policymakers, and some of them have become important in debate on education, 2 Avis du HCéé N° 18 – July 2005 alphabetical order, by country, and arrange a large number of background facts around them, inciting the reader to give much more consideration to the features and background of each educational system when comparing. single framework, the countries are left to decide whether they will do so, are not expected to comply with an international standard when they do so, and certainly do not adopt a uniform approach. It should be added that, as far as France is concerned, the classification system is not frequently used to present national indicators and that the ranking of French secondary school programmes in the international nomenclature has every reason to be challenged 6. Better connect the various indicator production systems, fine-tune their interpretation more and make them «talk politicy». w Depending on the definitions and conventions used, indicators that are similar in name and political purpose will have a different value depending on the organisation calculating them: this is true of a vital indicator, the one used to determine how many students exit the system without a diploma – the figure can be 20% or 16%, depending on the type of indicator used. The differences can be fully legitimate, but then need to be justified and clarified from a political and technical standpoint; The High Council notes that significant progress is underway, both at the national and international levels to improve indicator quality and clarify their objectives and limits. Those efforts must, obviously, continue and give rise to the production and circulation of methodological booklets on the design process and sources from which each indicator arose. Each of the points mentioned above needs to be viewed as another area for improvement. However, that improvement alone will not be enough. w The merit-worthy desire to improve the technical quality and political relevance of published indicators has led to changes in definition and indicator format from one year to the next, making it difficult to compare them over time and preventing the elaboration of time series; w It needs to be combined with careful efforts to connect the increasing number of indicator systems in the field of education, for which the political stakes are ever-higher, both at the international level, especially as concerns the European Union’s open cooperation programme, and at the national level, with the definition of annual performance project indicators that are to accompany the Finance Budget programmes. It is important that indicators that appear to provide the same information not be the same in the systems set forth by different institutions. It is vital that the much-needed variety in indicator types not lead to confusion; w The political meaning of certain indicators and the significance of what they measure can be interpreted wrongly, when indicators that actually assess different phenomena are presented as being very similar to one another: this is true, for example, of «class size», on the one hand, and «number of students per teacher», on the other; w Some indicators have every reason to be challenged: this is true when it is implied that a significant index on education expenditure would be «contractual average salary per hour of teaching time», determined by comparing the theoretical salary at mid-career (which can be very different from the average salary paid to the teachers, considering their age and actual service time) with the average number of hours spent teaching before the students (which is only a part – differing from country to country – of their actual workload); w Entire sections of educational systems are currently very poorly described by international indicators, as is the case with lifelong training. Essential data – often discussed very ideologically in international debates on education – are poorly assessed and compared, such as the degree of decentralisation or delegation existent in an educational system and the levels at which decision-making occurs, as well as, in the field of educational expenditure, household and enterprise expenditure and, more broadly speaking, expenditure other than that of the public sector. w The same is true when calculating how many students have reached the end of a given training programme – in some cases, the figure used refers to the number of students who have earned a diploma, while in others, all of the students registered for the training programme and having attended until the completion point are counted. w It is essential to aim further than simply improving the technical quality of indicators; they need to be, more and more frequently, combined with considerations that enlighten educational policy decisions and be put into perspective with one another. An indicator that does not appear to be developing in the right direction immediately can prove dangerous, and it is vital that educational decision-makers Indicator format is, in and of itself, a political stance that influences how the data are approached and interpreted: the OECD’s Education at a glance presents the indicators in increasing or decreasing order between the countries, inciting the reader, along with the comments made, to compare data indicator by indicator, while the European Union’s Key Data on Education consistently show the indicators in 6. Technological baccalaureates are included in the classification, along with general baccalaureates, as training programmes leading to long tertiary education programmes, while vocational baccalaureates are considered a training programme that leads to short tertiaryeducation programmes. If strictly applied, the ISCED nomenclature would make it appear that France offers a less favourable outlook, compared to other countries, as regards educational opportunities upon completion of secondary schooling. 3 Avis du HCéé N° 18 – July 2005 must agree to use them as tools for evaluating their own policies. and players be given the resources to correctly assess the ramifications of such developments; w This assumes that studies will be developed – both at the Ministry of National Education, particularly at DEP, and in the educational research community – such that the indicators can be placed in a conceptual setting that is meaningful to decision-makers. It is not enough, for instance, to appraise classroom size and teacher salaries; it is also necessary to be able to connect, with regard to the objectives of the educational systems, the respective developments of each indicator. International studies on these topics need to be based on research at the national level, making it possible to take into account the background against which each education system develops; nnn Today, it is inconceivable to evaluate and govern educational systems without looking at the international perspective. Like comparative surveys on student achievement, international indicator systems make it possible to raise questions, but cannot, in and of themselves, provide answers to the issues that educational systems can encounter. It is important to be aware that the compromise between a uniform, and thus simplified, description of education systems that can be highly diverse, and the desire not to distort the portrayal of those same diverse situations is a difficult one to achieve. Hence the importance, in order to prevent any form of ambiguity and remedy the risk of faulty interpretation, of making perfectly clear the political concepts that underlie the indicators and sources that feed into them, and develop the research required to interpret them. w Indicator format and circulation remain to be improved, in particular with regard to teachers, who sometimes refuse them outright, as they have done with other approaches to evaluation, claiming that neither the quality or outcomes of education can ever be measured. They also need to be improved with regard to decision-makers, who must not give in to the temptation of using indicators only when they can support or illustrate their decisions, but Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 41 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 4 Avis du HCéé N° 18 – July 2005 Haut Conseil de l’évaluation de l’école HCéé AVIS DU HAUT CONSEIL DE L’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE QUELLE POLITIQUE LINGUISTIQUE POUR QUEL ENSEIGNEMENT DES LANGUES ? Le Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a demandé au Haut Conseil de l’évaluation de l’école de formuler un avis sur l’enseignement des langues étrangères et plus particulièrement sur le statut spécifique de l’anglais comme première langue vivante étrangère 1. Pour répondre à cette sollicitation, le Haut Conseil a demandé à François GRIN, professeur à l’Université de Genève et directeur adjoint du Service de la recherche en éducation du canton de Genève, de lui présenter une étude sur l’enseignement des langues étrangères comme politique publique. Cette étude – qui comme tous les rapports commandés par le Haut Conseil n’engage pas celui-ci, mais reflète les analyses et les propositions du rapporteur – est publique et peut être consultée sur le site du Haut Conseil http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ». Le point de départ de cet avis : prendre en compte l’environnement linguistique. La question de l’enseignement des langues intéresse évidemment les systèmes éducatifs en ce qu’ils sont directement responsables de la qualité et de l’efficacité de cet enseignement. Et l’on sait que sur ces points le système éducatif français doit s’interroger sur ses piètres résultats 2. Mais ce n’est pas cet aspect de la politique éducative qui sera abordé ici, pas plus que celui du pilotage de la politique des langues à l’Éducation nationale et de sa cohérence interne 3. Par ailleurs, cet avis s’en tient à la question des langues vivantes étrangères et ne traite ni des langues régionales, ni des langues maternelles des populations immigrées ou d’origine immigrée, ni a fortiori des langues anciennes. Conformément au souhait du ministre, il s’efforce d’aborder de front la contradiction que connaît notre système éducatif pris entre la demande sociale du « tout-à-l’anglais » et l’affirmation politique de la « diversité de l’offre »4. Pour ce faire, il s’intéresse à l’environnement linguistique – environnement européen, voire mondial – dans lequel nous vivons (et surtout dans lequel nous voulons ou pouvons vivre). En effet, cet environnement linguistique conditionne largement les pratiques en matière d’enseignement des langues. On se situe donc en amont de l’enseignement des langues, pour envisager quelles langues étrangères enseigner en fonction des orientations retenues pour la politique linguistique au plan européen ou des contraintes qu’impose celle-ci. 1. « La maîtrise d’une langue étrangère devient, dans le cadre européen, une des conditions nécessaires à une insertion professionnelle réussie et l’incapacité à s’exprimer ou à échanger dans une langue autre que le français constitue désormais un handicap important. Dans ce contexte, l’enseignement des langues étrangères, de l’école élémentaire au lycée, constitue un véritable sujet de préoccupation, notamment si l’on se réfère aux résultats obtenus par les élèves français lors des opérations internationales d’évaluation. Aussi, je souhaiterais qu’à la lumière de ces résultats et des expériences qui ont pu être conduites dans certains pays étrangers, le Haut-Conseil de l’Évaluation de l’École puisse formuler un avis sur ce sujet et plus particulièrement sur le statut spécifique de l’anglais comme première langue vivante étrangère ainsi que sur le niveau le mieux adapté pour débuter l’apprentissage d’une seconde langue vivante ». Lettre du Ministre au Président du Haut Conseil en date du 23 septembre 2004. 2. La note d’évaluation de la DEP n°04.01 de mars 2004 « Évaluation des compétences en anglais des élèves de 15 ans à 16 ans dans sept pays européens » rend compte de l’évolution négative des compétences en anglais des élèves français entre 1996 et 2002. 3. Un rapport récent des inspections générales « Pilotage et cohérence de la carte des langues », avril 2005, aborde ces questions. 4. « La demande sociale mène au quasi-monopole de l’anglais et de l’espagnol ; elle parvient aussi à faire créer dans certains établissements des options sélectives dans des langues peu enseignées et à mettre en place des stratégies d’évitement de la carte scolaire », rapport des Inspections générales, cité note 3. Avis du HCéé N° 19 – Octobre 2005 ment de l’anglais et de la production de matériel pédagogique pour son enseignement ; w Une économie de temps et d’argent dans la communication internationale pour les anglophones, alors que les locuteurs non-natifs doivent tous faire l’effort d’apprendre l’anglais, de s’exprimer en anglais et d’accepter des messages émis dans cette langue ; w Une économie de temps et d’argent pour les anglophones, qui n’ont guère d’effort à faire pour apprendre d’autres langues ; w La possibilité pour les anglophones d’investir dans d’autres domaines les ressources qu’ils n’ont pas besoin de consacrer à l’apprentissage des langues étrangères ; w Une position dominante des anglophones dans toute situation de négociation, de concurrence ou de conflit se déroulant en anglais. Faut-il laisser jouer la « dynamique des langues » ? Sans entrer dans le détail, ce pourquoi on pourra se reporter au rapport de François GRIN, il faut constater que lorsqu’une langue est, au sein d’un groupe, celle qui est susceptible de rassembler le plus de locuteurs (qu’elle soit pour eux la langue maternelle ou une langue étrangère), elle tendra à être retenue spontanément comme langue d’échange au sein du groupe parce que ce sera la solution la plus économique. Plus une langue se trouvera dans cette position dans des groupes divers et nombreux, plus ceux qui ne la pratiquent pas auront intérêt à l’apprendre et plus son statut hégémonique de langue d’échange se trouvera renforcé. C’est en partant de ce constat – parfaitement fondé, tant d’un point de vue pragmatique que théorique – que pratiquement tous les élèves de France demandent à apprendre l’anglais, que la commission nationale du débat sur l’avenir de l’École a préconisé que « l’anglais de communication internationale, qui n’est plus une langue parmi d’autres, ni simplement la langue de nations particulièrement influentes » 5 soit une des compétences du « socle commun des indispensables » que tous les élèves devraient acquérir,6 et … que les réunions de l’Union européenne qui ne bénéficient pas d’un service de traduction simultanée adoptent systématiquement l’anglais comme langue de travail, nonobstant toutes les déclarations officielles sur le multilinguisme européen. L’existence même de ces effets de transferts est peu connue et ils n’ont pas fait l’objet d’évaluations détaillées, mais les estimations réalisées par le rapporteur indiquent que ces montants se chiffrent annuellement en milliards d’Euros 8. Dans tout autre domaine de la politique publique, de tels transferts seraient immédiatement considérés comme inacceptables. En tout état de cause, si une telle hégémonie linguistique devait se renforcer encore, la France y perdrait, ainsi que tous les États non-anglophones de l’Union européenne, voire au-delà des frontières de l’Union. Les données du choix d’une politique linguistique. Pour prendre la mesure des effets de cette « dynamique des langues » et de ses conséquences sur l’usage des autres langues – notamment le français – dans la communication européenne, on peut rappeler qu’en 1997, anglais et français avaient la même part dans la rédaction originelle des documents du Conseil de l’Union européenne (41 et 42 % respectivement). Six ans après en 2002 (donc avant l’élargissement de l’Union européenne) la part de l’anglais était quatre fois supérieure à celle du français (73 % contre 18 %) 7. C’est compte tenu de ces éléments que le Haut Conseil propose d’éclairer les choix de politique linguistique de la France, d’abord, de sa politique d’enseignement des langues, ensuite. Pour ce faire, il a examiné simultanément deux questions : Existe-t-il des politiques linguistiques qui, compte tenu des effets de transferts qui viennent d’être évoqués, s’avéreraient plus économiques pour la France (et pour les pays non-anglophones) que la politique vers laquelle nous tendons automatiquement aujourd’hui, celle du « tout-à l’anglais » ? Si de telles politiques existent, à quelles conditions peuvent-elles être envisagées ? Faut-il accepter la fatalité de cette « dynamique des langues », étant précisé que ce n’est pas la langue anglaise en tant que telle qui pose question, mais l’hégémonie linguistique, quelle que soit la langue au profit de laquelle elle s’exerce ? w La comparaison des coûts de deux scénarios avec la politique du « tout-à-l’anglais » a permis de répondre à la première question : Pour examiner cette question, il faut en prendre en compte tous les enjeux. Ils ne se résument pas à des questions de communication et n’ont pas que des aspects symboliques, même si ceux-ci sont réels en termes de pouvoir ; ils ont des dimensions économiques importantes et l’hégémonie linguistique entraîne des transferts au profit du ou des pays dont la langue est en position hégémonique. En effet, cette hégémonie se traduit par les conséquences suivantes : 5. Le Haut Conseil s’interroge sur ce que recouvre la notion d’anglais de communication internationale et surtout sur ce qui différencierait son enseignement de l’enseignement actuel de l’anglais. Il retient en revanche l’idée que l’enseignement actuel de l’anglais, comme celui de toutes les autres langues vivantes étrangères, doit être davantage orienté sur la communication orale et écrite qu’il ne l’est aujourd’hui. 6. Pour la réussite de tous les élèves, Rapport de la commission nationale du débat sur l’école présidée par Claude Thélot. 7. Secrétariat général du Conseil de l’Union européenne, cité dans « Les impostures des apôtres de la communication » de Charles Durand, Panoramiques, n°69, 4ème trimestre 2004. 8. On peut estimer à 10 milliards d’Euros au minimum, l’avantage que les Britanniques tirent de la préséance actuelle de l’anglais. w Une position de quasi-monopole sur les marchés de la traduction et de l’interprétation vers l’anglais, de la rédaction de textes en anglais, de l’enseigne2 Avis du HCéé N° 19 – Octobre 2005 tous, en garantissent l’effectivité au plan européen. À défaut, ce scénario reviendra rapidement, comme on le voit aujourd’hui, au scénario du « tout-à l’anglais ». Un premier scénario est le plurilinguisme, défini comme un régime linguistique qui suppose que la communication intra-européenne est organisée de façon telle qu’elle se déroule effectivement dans plusieurs langues, et qu’il est ainsi mis fin à l’hégémonie de l’anglais. Promouvoir le plurilinguisme en Europe pour maintenir un enseignement effectivement multilingue. Un second scénario peut constituer une référence théorique : c’est celui dans lequel une langue qui n’est celle de personne, donc celle de tout le monde, comme voulait l’être l’espéranto, serait adoptée comme langue de communication internationale. S’il constate qu’un raisonnement économique devrait conduire à promouvoir une langue de communication universelle, le Haut Conseil sait qu’une telle orientation n’est pas concevable dans l’état actuel des choses en Europe, notamment parce qu’une telle langue ne peut être associée à aucune sphère linguistique et culturelle. En revanche, il estime que tout devrait être mis en œuvre pour rendre effectif, avant qu’il ne soit trop tard, le scénario du « plurilinguisme », qui ne réduit pas les coûts, mais supprime les transferts inéquitables. Du point de vue économique, pour notre pays, comme pour tout pays non anglophone de l’Europe, ce dernier scénario serait incontestablement le meilleur : il éviterait tous les transferts inéquitables auxquels donne lieu le « tout-à-l’anglais » puisque chacun devrait consentir un effort symétrique pour traduire et interpréter entre la langue de communication internationale et sa langue maternelle, et il impliquerait des coûts d’enseignement moindres, l’apprentissage d’une telle langue étant plus aisé et plus rapide que celui de l’anglais et de tout autre langue. Toutefois, étant donné les forces à l’œuvre dans la dynamique des langues, ce scénario exige des mesures d’accompagnement pour être viable et ne pas revenir à bref délai au « tout-à-l’anglais ». Ces mesures ne peuvent être qu’européennes : plurilinguisme effectif des institutions internationales, trilinguisme obligatoire pour leur personnel, droit pour tout État d’exiger que l’étiquetage des produits et des prescriptions d’usage se fasse en sa langue, etc.. Une réflexion et une action collectives devraient être engagées, dans le cadre d’une politique européenne volontariste, combinant mesures réglementaires et incitatives, pour imaginer, définir et organiser la mise en œuvre effective du plurilinguisme, comme on a pu le faire pour la circulation des travailleurs, la mise en place de l’Euro ou d’autres sujets. Il est suivi – de loin – par le scénario du plurilinguisme, qui est moins coûteux que le « tout-à-l’anglais », mais l’est sensiblement plus que le scénario de référence : il ne permet pas d’économies sur l’enseignement des langues (hypothèse étant faite que l’enseignement de tout autre langue que l’anglais coûte aussi cher que l’enseignement de ce dernier), mais il évite des transferts inéquitables si l’on admet que le plurilinguisme donnerait à chaque langue, dans les échanges, un poids équivalent au poids démographique de la communauté qui la parle 9. La réponse à la première question incite donc à envisager la faisabilité d’un scénario alternatif au « tout-à l’anglais ». Pour que cette politique puisse voir le jour, il faut sans doute montrer aux autres États européens qu’ils y ont tous – à l’exception des anglophones – intérêt et que le plurilinguisme constitue pour eux une solution plus économique que la situation vers laquelle on tend spontanément … mais à condition que tous s’astreignent à en respecter les règles. w Mais, en matière d’environnement linguistique, comme en matière d’environnement écologique, les décisions n’ont d’effet que si elles sont prises et assumées collectivement par tous les pays. De même qu’un pays ne sera pas protégé d’une nuisance en essayant de l’éradiquer seul alors que ses voisins ne le font pas, un pays qui décrèterait le plurilinguisme chez lui alors que ceux avec lesquels il échange pratiquent tous la même langue de communication internationale, verrait ses efforts réduits à néant par le jeu de la « dynamique des langues ». C’est – répétons-le une fois de plus – ce qui se passe actuellement pour la France et, plus largement, pour toute l’Europe, nonobstant toutes les déclarations sur le plurilinguisme. La politique d’enseignement des langues qui sous-tendrait une telle politique linguistique consisterait, dans chaque pays, en l’enseignement obligatoire de deux, voire trois langues étrangères – qui ne devraient pas comprendre systématiquement l’anglais – ce qui implique que chaque pays favorise l’enseignement des langues de ses principaux partenaires, ceci pour une part à travers la multiplication d’accords bilatéraux. Dans une telle logique, les indicateurs de pilotage de la politique d’enseignement des langues en France ne devraient pas envisager le seul suivi de l’enseignement de l’allemand, mais au moins celui de toutes les « grandes langues européennes ». Un scénario alternatif n’est donc sérieusement envisageable qu’à condition que des mesures prises de façon coordonnée par l’ensemble des États et respectées par 9. En fait, il est sans doute plus réaliste d’imaginer que quelques « grandes » langues, par exemple l’allemand, l’anglais, l’espagnol et le français bénéficieraient d’un avantage relatif dans la communication intra-européenne. Cela se traduirait par quelques transferts en faveur des pays parlant ces langues. Mais une telle politique d’enseignement des langues ne peut avoir de sens, et ne peut être juste, que dans un environnement européen effectivement plurilingue. À 3 Avis du HCéé N° 19 – Octobre 2005 défaut, le pays qui s’y risquerait seul serait perdant, et – ce qui serait particulièrement inéquitable – ceux qui, dans le pays concerné auraient été poussés à n’apprendre que des langues autres que la langue hégémonique s’en trouveraient lésés. Le Haut Conseil note par ailleurs que, comme l’ont montré des évaluations récentes de la direction de l’évaluation et de la prospective, les compétences en langue vivante des élèves sont d’autant meilleures que l’enseignement en a été précoce 10. En conséquence, il propose : nnn w que la France continue à ne donner ni caractère obligatoire, ni primauté à l’enseignement de l’anglais,11 ce qui n’aurait de toute façon guère de conséquences pratiques puisque la plupart des élèves l’apprennent déjà, mais ce qui aurait des conséquences politiques particulièrement importantes puisque notre pays cautionnerait et renforcerait ainsi l’hégémonie linguistique vers laquelle tend l’Europe ; w que la France, qui doit affirmer sa volonté de s’opposer au monopole d’une seule langue de communication internationale, s’emploie à démontrer à ses partenaires l’intérêt qu’ils auraient, comme elle, à se donner les moyens de promouvoir un plurilinguisme effectif en Europe, afin de ne pas subir les effets négatifs du « tout-à-l’anglais » ; w que dans la logique de cette position, elle promeuve l’enseignement d’au moins deux langues vivantes étrangères pour tous les élèves, en modulant l’offre compte-tenu, notamment, des voisinages régionaux et en assurant la continuité de cet enseignement tout au long de la scolarité ; w que l’enseignement de toutes les langues vivantes étrangères soit plus orienté sur la communication orale et écrite qu’il ne l’est aujourd’hui, sans négliger pour autant ce qui, dans cet enseignement, contribue à développer la dimension culturelle du plurilinguisme. Le Haut Conseil constate ainsi : w que la « diversité de l’offre linguistique » déclarée et pratiquée par notre système éducatif est largement illusoire, puisqu’elle ne peut prendre appui sur un plurilinguisme volontariste et effectif au niveau européen. Laisser les choses en l’état conduit de façon inexorable à faire de l’anglais la première langue dominante (et une langue que tous les élèves non anglophones auraient tort de ne pas apprendre) mais aussi à rendre peu attractif l’apprentissage d’une autre langue que l’anglais, en France comme dans les autres pays européens ; w que, au plan économique, comme au plan symbolique, l’hégémonie de l’anglais dans les échanges intra-européens – et mondiaux – a des conséquences négatives : elle coûte cher à la France, ainsi qu’à la très grande majorité des autres États de l’Union et procure parallèlement aux pays anglophones d’incontestables avantages ; w qu’une politique plurilingue serait encore concevable en Europe dans les faits et non seulement dans les déclarations d’intention, mais à la condition expresse de bénéficier d’une adhésion et d’une coopération résolues et constantes de l’ensemble des États de l’Union ; w que la défense, et a fortiori, la promotion du français et de la francophonie, comme celles des autres langues européennes en voie d’être dominées, n’a de sens et n’est réalisable que dans le cadre de la promotion de la diversité linguistique dans les échanges intra-européens et internationaux. 10. Notes d’évaluation n°05-06 à 05-10, Les compétences des élèves de fin d’école et de fin de collège en langues vivantes, septembre 2005, DEP-MENESR, Paris. 11. Il s’agit là d’une position largement majoritaire, étant précisé que des organisations représentées au Haut Conseil estiment que l’anglais devrait faire partie du socle commun des compétences et des connaissances que tous les élèves devraient maîtriser, comme le préconise le rapport de la commission nationale du débat sur l’école présidée par Claude Thélot. Avis du Haut Conseil de l’évaluation de l’école Directeur de la publication : Christian FORESTIER Secrétariat général : 61/65, rue Dutot 75015 – PARIS Tel : 01 55 55 77 41 Mèl : [email protected] ISSN en cours Conception et impression – DEP/Bureau de l’édition Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 4 Avis du HCéé N° 19 – Octobre 2005