Arithmétique et congruences

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Arithmétique et congruences
Septembre 2006
Lycée Carnot
ECS 4
Mathématiques
A. Troesch
Arithmétique Congruences
1
Congruences
1.1 Dénition
Soit m, n, p des entiers, p 6= 0. On dit que m est congru à n modulo p, et on écrit m ≡ n [p]
ou m ≡ n mod p s'il existe un entier k tel que m = kp + n.
Définition 1.1
(division euclidienne, ou entière) Soit m et p deux entiers, p 6= 0. Alors il existe un unique entier
q ∈ Z et un unique entier r vériant 0 6 r < p tel que m = qp + r. L'entier q est appelé quotient de la division
euclidienne de m par p, r est appelé reste de la division euclidienne de m par p.
Rappel 1.2
Remarque 1.3
par p.
m ≡ n mod p avec 0 6 n < p si et seulement si n est le reste de la division euclidienne de m
Exercice 1 Soit a ∈ N. Montrer que :
si n ≡ m mod p, alors a + n ≡ a + m mod p ;
si n ≡ m mod p, alors an ≡ am mod p.
1.2 Opérations sur les congruences
Proposition 1.4
Soit x, y, x0 , y 0 ∈ Z, n, p ∈ N. Alors :
1. si x ≡ y mod n et x0 ≡ y 0 mod n, alors x + x0 ≡ y + y 0 mod n ;
2. sous les mêmes conditions, x · x0 ≡ y · y 0 mod n ;
3. si x ≡ y mod n, alors xp ≡ y p mod n ;
4. soit P un polynôme à coecients entiers ; si x ≡ y mod n, alors P (x) ≡ P (y) mod n.
Démonstration.
1. Si x ≡ y mod n et x0 ≡ y 0 mod n, alors il existe des entiers k et k 0 tels que x = y + kn et x0 = y 0 + k 0 n.
Ainsi, x + x0 = (y + y 0 ) + (k + k 0 )n. D'après la dénition des congruences, cela implique le résultat.
2. Sur le même principe !
3. Récurrence immédiate sur p ∈ N. L'initialisation au rang 1 immédiate (1 ≡ 1 mod n) ; le rang 1 est
l'hypothèse initiale ; l'hérédité provient du 2.
4. On somme des produits de monômes xp par des coecients. Le résultat découle alors de 1, 2 et 3.
Exercice 2
Montrer que 12! ≡ −1 mod 13.
Exercice 3
Déterminer le chire des unités de 17561791 . Que représentent ces deux nombre ?
Exercice 4
Calculer le reste de la division par 9 de 32111 . Quel est le rapport entre 32 et 111 ?
1.3 Classes de congruences
Une classe de congruence modulo n est un sous-ensemble de Z de la forme {m ∈ Z | m ≡ k
mod n}, pour une valeur xée de k . Il s'agit donc de tous les entiers congrus à une même valeur modulo n.
Définition 1.5
Exemple 1.6
Exercice 5
Les entiers pairs sont une classe de congruence modulo 2 ; les entiers impairs également.
Décrire les classes de congruence modulo 3. Combien y en a-t-il ?
Il y a exactement n classes de congruences modulo n, données par les congruences aux entiers
0, 1, . . . , n − 1. L'ensemble des classes de congruence modulo n forme une partition de Z.
Proposition 1.7
1
Démonstration. Il n'y a pas davantage de classe de congruence. En eet, soit E une classe de congruence donnée
par un entier k : E = {m ∈ Z | m ≡ k mod n}. Soit ` le reste de la division euclidienne de k par n. Alors
E = {m ∈ Z | m ≡ k mod `}, et comme ` ∈ [[0, n − 1]], il s'agit bien d'une des n classes décrites.
Les n classes ainsi dénies sont deux à deux disjointes (donc en particulier distinctes) : en eet, soit deux classes
E = {m ∈ Z | m ≡ k mod k} et F = {m ∈ Z | m ≡ k mod `} pour deux entiers k et ` de [[0, n − 1]].
Supposons qu'il existe x ∈ E ∩ F . Alors x ≡ k mod n et x ≡ ` mod n. Ainsi, le reste de la division euclidienne
de x par n est à la fois k et `, d'où k = `, puis E = F . Par contraposée, si E 6= F , alors E ∩ F = ∅.
Soit m ∈ Z, et soit r le reste de la division euclidienne de m par n. Alors m ∈ {x ∈ Z | x ≡ r mod n}. Par
conséquent, tout élément est dans une des n classes de congruence. L'union des classes de congruence est Z.
Ainsi, les classes de congruence sont clairement non vides, deux à deux disjointes et d'union Z, elle forment
donc une partition de Z. On note Z/nZ l'ensemble des classes de congruence modulo n. On utilise pour simplier la
notation suivante : k = {m ∈ Z, m ≡ k mod z}. Ainsi, Z/nZ est un ensemble à n éléments : {0, . . . , n − 1}
Définition 1.8
D'après la propriété 1.4, la classe de congruence modulo n de x + y ne dépend que des classes contenant x et
y : en remplaçant x par un entier situé dans la même classe, et de même pour y , on ne change pas la classe de
x + y . Cela permet de dénir une addition dans Z/nZ : soit X et Y deux classes de congruence dans Z/nZ.
Alors X + Y est la classe de la somme de deux quelconques éléments x ∈ X et y ∈ Y , cette classe ne dépendant
pas du choix de x et y .
De même, on peut dénir une diérence X − Y , et un produit XY sur Z/nZ. En revanche, on ne peut pas
dénir de quotient.
Proposition 1.9
Les propriétés usuelles de l'addition et du produit de Z se transmettent à Z/nZ, à savoir :
1. associativité de + : ∀X, Y, Z ∈ Z/nZ, (X + Y ) + Z = X + (Y + Z),
2. associativité de · : ∀X, Y, Z ∈ Z/nZ, (XY )Z = X(Y Z),
3. commutativité de + : ∀X, Y ∈ Z/nZ, X + Y = Y + X ,
4. commutativité de · : ∀X, Y ∈ Z/nZ, XY = Y X ,
5. existence d'un neutre 0 pour + : ∀X ∈ Z/nZ, X + 0 = 0 + X = X ,
6. existence d'un neutre 1 pour · : ∀X ∈ Z/nZ, X · 1 = 1 · X = X ,
7. existence d'un opposé : pour tout X , −X = {−x, x ∈ X} est une classe de congruence modulo n vériant
X + (−X) = 0,
8. le neutre de l'addition est absorbant pour · : ∀X ∈ Z/nZ, 0 · X = X · 0 = 0,
9. distributivité : ∀X, Y, Z ∈ Z/nZ, X(Y + Z) = XY + XZ .
En revanche, les éléments ne sont pas tous inversibles pour le produit. Remarquez cependant
que contrairement à ce qu'il se passe dans Z, il n'y a en général pas que 1 et −1 qui sont inversibles. Par
−1
exemple, 3 est inversible modulo 5, puisque 3 · 2 = 6 ≡ 1 mod 5, c'est-à-dire 3 · 2 = 1. Ainsi, 3 = 2.
Un moyen de vérier qu'un élément X n'est pas inversible est de montrer l'existence de Y 6= 0 tel que XY = 0.
Si un tel Y existe, X ne peut pas être inversible, sinon : 0 = X −1 XY = 1 · Y = Y , ce qui contredit l'hypothèse
Y 6= 0. Ainsi, 3 n'est pas inversible dans Z/6Z, puisque 3 · 2 = 0.
Remarque 1.10
Déterminer les éléments inversibles dans Z/6Z, dans Z/7Z, dans Z/9Z.
Exercice 6
2
Arithmétique
2.1 Diviseurs
Définition 2.1
que n = d · d .
0
Exemple 2.2
Soit n ∈ Z, et d ∈ N∗ . On dit que d divise n (ou que d est un diviseur de n) s'il existe d0 tel
Les diviseurs de 6 sont 1, 2, 3 et 6.
Remarque 2.3 Tout nombre n admet au moins 1 et lui-même comme diviseur. Ainsi, tout nombre diérent
de 1 admet au moins 2 diviseurs.
Remarque 2.4
d divise n si et seulement si n ≡ 0 mod d.
2
Si d divise n on note d | n. Si d ne divise pas n, on écrit d - n.
Notation 2.5
Exercice 7
Montrer que tout entier n ∈ N∗ divise 0.
Exercice 8
Soit (a, b) ∈ (N∗ )2 . Montrer que si a divise b, alors a 6 b.
Exercice 9
Si a divise x et a divise y , alors a divise αx + βy pour tout (α, β) ∈ Z2 .
Exercice 10
Si d | n et n | m, alors d | m.
2.2 Nombres premiers
Définition 2.6
Un entier p ∈ N∗ est dit premier s'il admet exactement deux diviseurs : p et 1.
Remarque 2.7
La dénition implique que 1 n'est pas premier, puisqu'il admet seulement 1 diviseur.
Lemme 2.8
Tout nombre n diérent de 1 est divisible par au moins un nombre premier.
Démonstration. Récurrence forte sur n > 2, initialisation pour n = 2, divisible par 2.
Soit n > 2, et supposons que tout nombre compris entre 2 et n − 1 est divisible par un nombre premier. Alors :
si n est premier, il est divisible par lui-même, donc par un nombre premier ;
si n n'est pas premier, il existe un diviseur d de n, strictement compris entre 1 et n, donc d ∈ [[2, n − 1]]. Par
l'hypothèse de récurrence, d est divisible par un nombre premier, donc n aussi (cf. exercice 10).
Théorème 2.9
Il existe une innité de nombres premiers.
Démonstration. Supposons par l'absurde qu'il n'en existe qu'un nombre ni, disons n. Soit p1 , . . . , pn ces nombres
premiers. Considérons p = p1 · · · pn + 1. Alors, pour tout i ∈ [[1, n]], p ≡ 1 mod pi , donc p n'est pas divisible par
pi . Ainsi, p est un entier strictement plus grand que 1 qui n'est divisible par aucun nombre premier (puisque
p1 , . . . , pn sont par hypothèse les seuls nombres premiers). Cela contredit le lemme précédent. 2.3 pgcd, ppcm
Soit n et m deux entiers positifs non nuls. Le pgcd (plus grand commun diviseur) est le plus
grand entier divisant à la fois n et m. Le ppcm (plus petit commun multiple) est le plus petit entier strictement
positif divisé à la fois par m et n.
Définition 2.10
Remarque 2.11 Le pgcd existe toujours : en eet, l'ensemble des diviseurs communs à m et n est non vide,
puisqu'il contient 1, et est majoré par n (et m), puisque, n étant non nul, tout diviseur lui est inférieur. D'après
la propriété fondamentale de N, cet ensemble admet un plus grand élément.
Un argument similaire justie l'existence du ppcm : l'ensemble des multiples communs strictement positifs est
non vide, car il contient mn, et est minoré par 1.
Soit m et n deux entiers positifs non nuls, et d un entier. Alors :
d | m et d | n ssi d | pgcd(m, n) ;
m | d et n | d ssi ppcm(m, n) | d.
Proposition 2.12
Soit m, n ∈ N∗ , et soit m0 tel que m ≡ m0 mod n. Alors pgcd(m, n) = pgcd(m0 , n).
Cas particulier : si m0 est le reste de la division euclidienne de m par n...
Lemme 2.13
Démonstration. Soit E l'ensemble des diviseurs communs à m et n, et E 0 l'ensemble des diviseurs communs à
m0 et n.
Il existe un entier k tel que m − m0 = kn. Ainsi, si d ∈ E , d divise m et kn, donc aussi m0 . Donc d ∈ E 0 , puis
E ⊂ E 0 . De même E 0 ⊂ E . On en conclut que E = E 0 , et que le plus grand élément de ces deux ensembles est
le même, c'est-à-dire : pgcd(m, n) = pgcd(m0 , n). Théorème 2.14
(Bezout) Soit m, n ∈ N∗ . Alors il existe des entiers a et b tels que am + bn = pgcd(m, n).
Démonstration. On xe n, et on raisonne par récurrence forte sur min(m, n) ∈ N∗ .
Initialisation : si min(m, n) = 1, alors m = 1 ou n = 1, disons m = 1. Ainsi pgcd(m, n) = 1, et le choix a = 1,
b = 0 convient.
3
Hérédité : Soit k > 1, et supposons que pour tout couple (m0 , n0 ) tel que min(m0 , n0 ) < k , il existe a et b tel
que am0 + bn = pgcd(m0 , n). Soit (m, n) tel que min(m, n) = k . Alors :
Si m = n, alors pgcd(m, n) = m, et a = 1, = 0 convient.
Si m > n, soit r le reste de la division de m par n. Alors 1 6 r < n, donc 1 6 r < m = k . On peut
donc appliquer l'hypothèse de récurrence au couple (r, n) : il existe des entiers a0 et b0 tels que a0 r + b0 n =
pgcd(r, n) = pgcd(m, n), la dernière égalité provenant du lemme. De plus, il existe ` tel que m = `n + r.
Ainsi : a0 m + (b0 − a0 `)n = pgcd(m, n). Il sut de prendre a = a0 et b = b0 − a0 `.
Si m < n, on fait le même raisonnement en inversant le rôle de m et n.
Lemme 2.15 (Gauss) Soit a, b et c trois entiers strictement positifs tels que a et c soient premiers entre eux
(c'est-à-dire que leur pgcd est égal à 1). Si c divise ab, alors c divise b.
Démonstration. Puisque a et c sont premiers entre eux, d'après le théorème de Bezout, il existe des entiers u
et v tels que au + cv = 1. Ainsi, abu = b − cvb, d'où b = abu + cvb. Or, c divise ab, donc abu, et c divise cvb.
Donc c divise b. Si p est un nombre premier, dire que p est premier avec a est équivalent à dire que p ne divise pas a. On obtient :
Corollaire 2.16
Soit p un nombre premier. Si p divise ab, alors p divise a ou p divise b.
2.4 Théorème fondamental de l'arithmétique
Tout entier n ∈ N∗ se décompose de manière unique comme un produit de nombres premiers
(à l'ordre près des facteurs).
Théorème 2.17
Démonstration. On opère par récurrence forte sur l'entier n.
Initialisation : Pour n = 1, le résultat est immédiat (produit vide, et c'est la seule façon d'exprimer 1 comme
produit de nombres premiers, puisque les autres produits sont au moins égaux à 2)
Hérédité : Soit n > 2 ; on suppose acquis l'existence et l'unicité de la décomposition pour tout m vériant
1 6 m < n. L'entier n admet un plus petit diviseur p > 1 (éventuellement lui-même). Ce diviseur est premier,
sinon il admettrait lui-même un diviseur p0 tel que 1 < p0 < p, et p0 diviserait aussi n, ce qui contredit la
n
minimalité de p. Considérons l'entier m = . Alors 1 6 m < n. On peut donc appliquer l'hypothèse de
p
récurrence à l'entier m : il est produit de nombres premiers. On obtient une décomposition de n en rajoutant
à cette décomposition le facteur premier p. Cela montre l'existence de la décomposition.
Montrons maintenant l'unicité de la décomposition de n. Soit n = p1 · · · pk = p01 · · · p0` deux décompositions de
n. Alors p (le plus petit diviseur premier de n) apparaît dans les deux décompositions. En eet si p n'apparaît
pas dans la première décomposition, les pi étant premiers et distincts de p, on aurait p - pi , et en utilisant à
plusieurs reprises la contraposée du lemme de Gauss, p ne divise pas leur produit n, d'où une contradiction.
Quitte à changer l'ordre des facteurs, on peut supposer que p = p1 . De même, quitte à changer l'ordre des
facteurs, on peut supposer que p = p01 . Soit m = p2 · · · pk = p02 · · · p0k . L'entier m vérie : m ∈ [[1, n − 1]] ;
d'après l'hypothèse de récurrence, il admet donc une unique décomposition en facteurs de nombres premiers (à
l'ordre près des facteurs). Par conséquent quitte à changer l'ordre des facteurs, on obtient : k = `, et pour tout
i ∈ [[2, k]], pi = p0i . Ainsi, les deux décompositions de n étaient identiques. D'où l'unicité de la décomposition.
La propriété étant héréditaire, elle est vraie pour tout n ∈ N∗ , d'après le principe de récurrence. 2.5 Nombres premiers entre eux
Définition 2.18
Deux nombres a et b sont dits premiers entre eux si pgcd(a, b) = 1.
Définition 2.19
(fonction ϕ d'Euler) Soit n ∈ N∗ . On note ϕ(n) le nombre d'entiers m ∈ [[1, n − 1]] premiers
avec n.
Exercice 11
Soit p un entier premier. Déterminer ϕ(p), ϕ(pk ).
Un entier m est inversible modulo n si et seulement si il existe m0 tel que m · m0 ≡ 1 mod n.
Autrement dit, s'il existe m0 ∈ Z/nZ tel que m · m0 = 1. La classe m0 est appelée inverse de m.
Définition 2.20
Exercice 12
Soit p premier. Justier que tous les éléments non nuls de Z/pZ sont inversibles.
Exercice 13 (Wilson) Soit p un nombre premier. Montrer que (p−1)! ≡ −1 mod p (regrouper chaque facteur
avec son inverse).
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