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ETHIQUE et FRANC-MAÇONNERIE Quand je repense à l’évolution des découvertes scientifiques au 20e siècle, je suis frappé de constater, comme vous sans doute, leur nombre et leur importance (pour ne prendre en compte que les progrès scientifiques et techniques, et les grandes catastrophes qui les ont accompagnés) depuis 60 ou 100 ans, en comparant aux 2000 ans qui les ont précédés. Je ne referai pas ici un historique des progrès de la biologie (que vous trouverez en annexe) mais je voudrais rappeler quelques faits : depuis la fin de la 2nde guerre mondiale, on a découvert l’ADN, inventé la contraception, légalisé l’IVG, mis en place la P.M.A., publié les lois de Bioéthique et aujourd’hui le thème encore à la mode et qui fait toujours recette, c’est le clonage. Les grandes catastrophes écologiques, de Seveso à l’Amoco Cadiz, en passant par Bohpal, etc …, ont abouti à l’application de ce fameux principe de précaution sans lequel on ne peut plus rien entreprendre ! Enfin les grandes pandémies, du SIDA au SRAS, (en passant par le Chikungunia), et les épizooties, comme l’ESB, la grippe aviaire sont venues relativiser l’impression que nous avions de notre domination, de notre maîtrise de la nature, de la matière et du vivant. Cela donne à réfléchir. C’est pourquoi depuis quelques années, à la GLDF, comme dans les autres obédiences, nous réfléchissons. Et nous essayons de construire, non pour DIRE l’Ethique, mais bien pour poser des questions, être des agitateurs d’idées, comme cela a toujours été et doit demeurer le rôle des F.M. Devant les progrès extraordinaires de la biologie et de la médecine, des sciences et des techniques, devant l’accélération des connaissances, il est apparu que les Francs-Maçons (de toutes Obédiences) ne pouvaient rester étrangers ou indifférents aux problèmes éthiques qui se posent au monde dans lequel ils vivent. Ethique comme Initiatique sont deux termes très à la mode depuis quelques années et très communément utilisés, à n’importe quelle occasion. On parle de film initiatique, de roman initiatique, d’expérience initiatique, de voyage initiatique, etc … On parle d’éthique dans le sport, dans le commerce, dans les entreprises, dans la politique, etc … et bien sur dans la science et la médecine (bioéthique, sujet que nos SS. et FF. médecins connaissent bien). Nous allons essayer de comprendre, ensemble, ce que tout cela représente effectivement. Comme vous le savez, nous ne sommes ni à la Sorbonne, ni au Collège de France, et ma planche de ce soir « Ethique et F.M. » ne prétend pas être une leçon magistrale. Je vais simplement essayer de vous dire ce qu’un F.M. initié il y a bientôt 30 ans, pense de ce sujet, et je n’engagerai que moi-même, comme c’est l’usage. Je vous dirai, en quelques mots, l’approche d’une définition de l’Ethique. Je vous dirai aussi ce qu’est pour moi la F. M., et j’essayerai de vous faire partager l’idée qu’un F.M. doit mettre un peu d’éthique dans sa vie, même si ce n’est pas facile tous les jours. Je vous dirai enfin pourquoi ce terme « Ethique », plus encore que le terme de « Morale » convient à la démarche initiatique qui est la nôtre. « Un maçon est obligé par sa tenure d’obéir à la Loi morale … qui consiste à être des Hommes bons et loyaux ou Hommes d’Honneur et de Probité… » (art. 1 des Anciennes Obligations des Francs-Maçons). » Cet extrait de nos textes fondateurs souligne d’emblée le rapport entre Ethique et Franc-Maçonnerie. [ Etant médecin, je pourrais dire, à propos de l’Ethique, que je suis tombé dedans quand j’étais petit, même si l’Ethique biomédicale (ou bioéthique) était balbutiante dans les années 60 quand j’ai commencé mes études et qu’elle n’est qu’une partie d’un vaste sujet : l’ÉTHIQUE. Ce cheminement avec l’Ethique pour compagne de route s’est fait, sans doute, de façon spontanée et ne s’est vraiment révélé à moi que le jour de la prestation du serment d’Hippocrate (460-377 avant J. C.), il y a 34 ans cette année. ] C’est la F.M. qui m’a permis de m’exprimer dans ce domaine pour la première fois. En 1981, j’ai eu l’occasion, d’être rapporteur d’une Question à l’Etude des Loges intitulée « Sciences de la vie et respect de l’Homme ». [Jeune médecin (depuis 1972) et jeune maçon (depuis 1977) à l’époque, je fus le rapporteur de cette question fondamentale et bien venue à l’époque dans notre réflexion.] 1981, c’était les années Mitterrand, avant les découvertes qui sont survenues depuis : la P.M.A., le clonage animal, le séquençage du génome humain, les problèmes liés au développement des O.G.M., etc.1 1981, c’était 2 ans avant la création du Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé, qui a fêté ses 20 ans en 2003. Dans la conclusion de son rapport, notre groupe de travail appelait de ses vœux la création d’un « comité de sages ». Nous écrivions, sans savoir que notre idée deviendrait réalité 2 ans plus tard : ‘’ Il faudra (…) une réflexion approfondie et continue par un groupe d’hommes et de femmes, formé non seulement de scientifiques et de politiques, mais aussi de personnes de compétences variées : c’est l’affaire de tous, c’est aussi la nôtre mes chers FF. ‘’. (la création du CCNE, en 1983, a répondu à notre souhait formulé ci-dessus ! !) Ce qui veut dire que l’essentiel est d’avoir des idées, d’être des « agitateurs d’idées » et que, « poursuivant à l’extérieur l’œuvre commencée dans le temple », ces idées finissent par se concrétiser. On peut évoquer, à ce propos, les réalisations (ou la participation) de la maçonnerie française, dans son ensemble, depuis le 19e siècle : l’abolition de l’esclavage en 1848, par notre F. Victor Schoelcher, l’instauration de l’école obligatoire par notre F. Jules Ferry en 1881, la sécurité sociale en 1945, la Déclaration des Droits de l’Homme en 1948, le droit de vote accordé aux femmes, le planning familial en 1956 (qui fête ses 50 ans cette année) avec le Dr Pierre Simon (ancien Grand-maître de la 1 Voir annexe GLDF), la loi Neuwirth en 1973, la loi Veil en 1975, les propositions de H. Caillavet pour le ‘’Droit de mourir dans la dignité‘’ qui ont été reprises, en partie, par la mission Léonetti, puis par le ministre de la santé, avec le vote de la loi sur la fin de vie en 2005, (avec les décrets d’application parus en février 2006), etc. Nous devons continuer d’être présents dans les grands débats de société. Enfin, notre T. R. G.M., A. POZARNIK, nous a fait l’honneur, à quelques FF. . et à moi-même, en septembre 2004, de nous demander de mettre en chantier la création d’un « Groupe de Réflexion Ethique à la G. L. D. F. ». C’est ce Groupe que je représente, ici ce soir. Qu’est ce que l’Ethique ? Un rapide rappel des définitions « classiques » est sans doute utile mais pour autant ne sera pas posé comme base figée de discussion. En effet l’éthique doit être évolutive, comme la morale a évolué au fil des siècles, et elle reste un perpétuel questionnement et non une affirmation « dogmatique » de grands principes. Et les définitions doivent s’imposer d’elles-mêmes, dans le consensus, à la fin d’un travail et non, être imposées en préambule. Tous les dictionnaires arrivent à peu près à une définition commune mais ce qui nous interpelle, nous Francs-Maçons de la Grande Loge de France ce n’est pas tant les définitions que le but : ‘’ mettre de l’Ethique dans sa vie de tous les jours ‘’ et réaliser que, comme Mr Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous sommes amenés à avoir un questionnement éthique permanent parce que nous sommes FrancsMaçons. ETHIQUE : le terme fut introduit dans le langage philosophique par Aristote (qui fut le premier à parler d’une éthique theoria dans les Seconds Analytiques) - adjectif, du grec êthicos, moral et de êthos, mœurs, - nom féminin, science de la morale. et MORALE : adjectif, du latin moralis ; de mores, mœurs nom féminin, partie de la philosophie qui traite des règles de l’action, qu’il faut suivre pour faire le bien et éviter le mal. Ethique et morale sont souvent employés à tour de rôle dans le langage courant, pourtant le français est précis et chaque mot à une signification claire. L’Ethique : « C’est souvent un synonyme de morale, en plus chic. En deux mots : la morale commande, l’éthique recommande » écrit A. Comte-Sponville. Ethique et Morale ont la même étymologie, l’une grecque, l’autre latine, et font toutes deux référence aux mœurs, bonnes ou mauvaises, des êtres humains. Que les hommes s’inspirent du code d’Hammourabi, ou du Décalogue, ou qu’ils soient issus d’autres civilisations, extrême-orientales par exemple, ces notions de bien ou de mal se sont imposées depuis la nuit des temps, à leur esprit, pas toujours à leurs actes ! Car, malheureusement, ils continuent de s’entretuer, au nom de ces valeurs. L’Ethique et la Morale sont de nature évolutive selon les époques et les civilisations. L’Ethique est apparue depuis que l’homme pense et s’interroge sur le sens de la vie, sur le pourquoi et le comment des choses. Le premier auteur qui en a fait un ouvrage, ou plus exactement trois est Aristote (385-322 avant J. C.) (qui écrivit l’Ethique à Nicomaque, l’Ethique à Eudème (345 av. JC) et la Grande Ethique). Pour certains, il reste le « père » de l’éthique. Le bonheur est posé comme la fin dernière de l’activité humaine et la vertu comme le moyen pour y parvenir. Suivant l’idée que l’on se fait de la finalité de l’humain sur terre, de son but, et du bien, apparaissent des divergences : Aristote prône le bonheur, Epicure le plaisir, Spinoza, le philosophe de l’éthique, prône la connaissance, Descartes la logique, Kant, le grand philosophe de la morale, prône la volonté ‘’ bonne ‘’, Bergson l’expérience, Marx sacrifie l’individu à la collectivité, d’où l’incontournable pluralité des options philosophiques parfois inconciliables. éthique », comme l’écrit E. Morin, dans son dernier ouvrage, (le 6e tome de « la méthode », paru fin 2004), un questionnement éthique, le besoin d’une nouvelle éthique dans nos civilisations occidentales. La prise de conscience, le sursaut éthique, au 20e siècle sont nés, (je viens de le dire) en partie, au lendemain de la 2e guerre mondiale et après la découverte de l’Holocauste et des « expériences » faites par les médecins allemands sur leurs prisonniers. Pourquoi ce nouveau besoin d’éthique ? pourquoi ce vide d’actions civilisées ressenti de nos jours ? Autrefois, dans les sociétés traditionnelles, le problème ne se posait pas de la même façon, ni avec la même acuité. Les sociétés avaient des repères : la loi du patriarche, la loi du seigneur, du roi, de l’évêque. Les commandements étaient culturels, familiaux ou religieux, ou les trois à la fois. La régression des religions, la régression des solidarités, la désintégration familiale, le chômage, en un mot la crise d’identité de notre civilisation, ont créé ce besoin d’éthique ; le développement de l’individualisme explique ce nouveau besoin de sentiment moral. La crise des fondements éthiques est liée, certainement en partie, à la crise philosophique et au développement des sciences, à la crainte ressentie d’aller trop loin, de mettre en péril l’équilibre humain-univers. La solidarité et la responsabilité dans les sociétés humaines peuvent (et doivent) redevenir les nouvelles valeurs. Dans les sociétés animales archaïques, mammifères, primates et aussi insectes sociaux, ces deux valeurs de solidarité et de responsabilité permettent de faire face à la menace et donc d’assurer la survie de l’espèce. Il en est de même, par « nature », chez l’humain. Il semble même que la notion d’ « altruisme », très développée chez les animaux dits « sociaux », fourmis, abeilles, existe aussi chez les humains (d’après théories post-darwiniennes). Avant d’essayer de relier Ethique et F. M. deux mots sur la F. M. Qu’est ce que la F.M. ? Il n’est pas question de reprendre ici l’historique de la F. M., mais bien de tenter de cerner les valeurs qui la fondent, ainsi nous essaierons de créer un lien entre Ethique et F.M. « La F.M. est un ordre initiatique traditionnel et universel fondé sur la Fraternité. Elle constitue une alliance d’hommes libres et de bonnes mœurs, de toutes « races » (!) de toutes nationalités et de toutes croyances. La F.M. a pour but le perfectionnement de l’humanité ». (Constitutions de la GLDF) Tout est dit en quelques mots. Notre chemin est sans fin et c’est ce qui fait son intérêt. La F.M., vénérable institution née « officiellement » en 1717, en Angleterre, arrivée en France vers 1728, ou 1738 selon les auteurs, s’est développée parce que le terreau était fertile et que les hommes des « Lumières » voulaient prolonger dans les actes les réflexions qui agitaient le milieu « intellectuel » à Londres, depuis Moray et Newton, les fondateurs de la « Royal Society », mais aussi dans le reste de l’Europe. On oublie souvent que l’on voyageait beaucoup à cette époque et que les idées se propageaient assez vite, même sans Internet. Des hommes qui n’avaient aucune vocation à se côtoyer se rencontrèrent donc dans les loges maçonniques, et ce fut là la véritable révolution de l’époque des « Lumières, la rencontre, dans les loges de bourgeois et d’intellectuels, de nobles et de travailleurs manuels, de religieux et de penseurs, d’opératifs et de spéculatifs. Dans ses fameuses Constitutions de 1723, Anderson et ses amis, dont Désaguliers, écrivaient, comme je vous l’ai dit en introduction : « Un Maçon est obligé par sa Tenure d’obéir à la loi morale et s’il comprend bien l’Art, il ne sera jamais un Athée stupide, ni un Libertin irréligieux … Il est considéré maintenant de les soumettre à cette Religion que tous les hommes acceptent … et qui consiste à être des Hommes bons et loyaux ou Hommes d’Honneur et de Probité »… Ainsi, la Maçonnerie devient le Centre d’Union et le Moyen de nouer une véritable Amitié parmi des personnes qui eussent dû demeurer perpétuellement Eloignées. (art. 1 des Anciennes obligations des Francs-Maçons concernant Dieu et la Religion) L’article 3 précise que « les personnes admises comme membre d’une loge doivent être des Hommes bons et loyaux, (répétition de l’article 1) nés libres, ayant l’Age de la maturité d’esprit et de la Prudence, ni Serfs, ni Femmes, ni Hommes immoraux ou scandaleux, mais de bonne réputation ». [ Depuis cette époque la F.M. mixte a vu le jour avec l’ordre international du D.H. et d’autres obédiences, en particulier féminine comme la G.L.F.F. sont nées, après l’époque des Loges d’Adoption (il y a 60 ans) et aujourd’hui au 21e siècle, Anderson ne pourrait plus, à l’heure de la parité et à une époque ou le nombre de femmes est supérieur à celui des hommes, rédiger ses constitutions de la même façon bien sur.] [Etre FM de la GLDF c’est, je cite : « faire le pari du sens de la vie, c’est tenter d’accorder le sens de sa vie au sens de la vie du monde ; c’est avoir conscience de sa matérialité comme de sa spiritualité ». (la GL vous parle PVI N°96, 1995) ] « Qu’est-ce que la démarche maçonnique ? C’est aller vers l’idéal et comprendre le réel ». Y a-t-il plus belle façon de présenter notre méthode de travail ? (nous devons cette citation à notre T.R.F. G. Sch., Gd M. honoris causa de la GLDF à Royaumont en 2000, qui reprenait la très célèbre phrase de Jean Jaurès dans son discours à la jeunesse à Albi en 1903 : « le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel »). [« Les Francs-Maçons de la Grande Loge de France veulent faire du 21e siècle celui du sens. Un sens à concevoir par tous et à construire par chacun ». (Alain G PVI 4e T 1999) Ainsi notre Devise Liberté, Egalité, Fraternité retrouvera sa réalité et la FrancMaçonnerie pourra espérer apporter un début de réponse à nos contemporains en quête de sens et de spiritualité. ] [Que peut bien offrir la F.M. que les autres institutions n’auraient pas ? « D’abord la transmission, par l’initiation, d’un héritage qui rassemble les traditions les plus anciennes de l’Occident, ensuite un lieu de travail et de réflexion, une prise de conscience de notre capacité à nous perfectionner et de changer les choses, un modèle de société où règne l’égalité, enfin une méthode de travail basée sur l’écoute et le respect mutuel ». (J. Barthomeuf PVI 2e T 2000) ] Paul NAUDON écrivait dans « L’humanisme maçonnique » : je cite « la voie initiatique, clef de la Connaissance, est à la fois une méthodologie, une métaphysique et une éthique, c'est-à-dire qu’elle correspond à tous les objectifs essentiels auxquels religions et philosophies ont toujours prétendu apporter une réponse ». Ethique et F.M. Dès la création de la F.M. l’idée qu’il existait une loi morale et que les Francs-Maçons devaient être libres et de bonnes mœurs jetait les bases du travail que nous poursuivons inlassablement près de 3 siècles plus tard. Franc-Maçonnerie et bonnes mœurs, aujourd’hui je peux dire Franc-Maçonnerie et Ethique, sont liés depuis la naissance de l’ « Idée maçonnique », comme l’a écrit Henri Tort Nouguès, notre ancien G. M. Comment aborder l’Ethique dans les mots et dans les actes quand on est F. M. ? Comment la méthode maçonnique peut-elle nous aider, nous et vous, qui essayons d’être des « cherchants », des curieux de tout, à comprendre l’Ethique et à la faire passer dans nos actes quotidiens ? De nombreux auteurs ont laissé des écrits pour, en quelque sorte « théoriser » l’Ethique. Mais, pour nous, humains du 21e siècle, et particulièrement pour nous F. M., l’Ethique ne peut être théorique. Elle est et doit être pratique, un questionnement permanent et pas seulement une théorie. Elle est évolutive et présente dans nos esprits et dans nos actes. C’est ainsi que « poursuivant à l’extérieur l’œuvre commencée dans nos temples » nous avons à expliquer et à appliquer l’Ethique autour de nous. La méthode maçonnique est particulièrement bien adaptée à notre but qui est l’amélioration de la condition humaine. En effet, depuis toujours, la F. M. réunit dans ses temples des femmes et des hommes de toutes origines, de toutes ethnies, de toutes conditions sociales, de toutes croyances, ou sans croyance du tout, qui n’avaient pas vocation à se rencontrer autrement. La méthode maçonnique aide à progresser, degré par degré, tournée vers l’avenir, mais s’appuyant sur les traditions et le passé dont elle s’enrichit. Elle permet à chaque individu de progresser, à son rythme, d’essayer de se perfectionner pour ensuite espérer améliorer la société dans laquelle il vit, en y rayonnant des acquis maçonniques. Si notre action n’est pas toujours visible, nos mots et nos actes doivent essayer d’éveiller chez nos semblables une prise de conscience et une volonté d’être meilleurs. Les F. M. remettent inlassablement à l’étude les questions fondamentales à débattre : Qui suis-je ? D’où viens-je ? Où vais-je ? et Pourquoi ? Je crois avoir compris, aujourd’hui, mieux que le jour de prestation du serment d’Hippocrate, ce que signifie la notion de responsabilité. Parlant quotidiennement avec mes patients, je crois savoir ce qu’est l’usage des mots, des idées, des dits et des non dits, l’importance des silences, de la communication non verbale. Travaillant également, depuis 30 ans, dans un centre de reclassement professionnel pour adultes handicapés, je crois percevoir ce que sont le bonheur et le malheur, la compassion et l’amour de l’humanité, la solidarité. Il est difficile de définir les fondements naturels d’une Ethique universelle, acceptée par tous les humains, quelle que soit leur ethnie et leur civilisation d’origine, leurs coutumes. Et il faut éviter de vouloir imposer « sa » vision de l’Ethique, ce qui conduirait tout droit au dogmatisme. On a vu de tous temps, et on voit encore, l’exemple de cette incompréhension lorsque des armées envahissent un pays dont ils ignorent à peu près tout, dont ils ne comprennent pas la culture ni le mode de vie ou de pensée et qu’ils veulent imposer leur façon de voir le bien et le mal. Ce fut le cas lors des grandes invasions de l’antiquité au moyen age, c’est le cas, encore aujourd’hui. [L’Ethique universelle pourrait naître d’un certain nombre de postulats ou de fondements et rassemblerait des notions communes à toute l’humanité : - l’Ethique de conviction dit que la notion de bien et de mal s’impose à la conscience de chacun - l’Ethique de progrès s’appuie sur la notion d’évolution de comportements : * le progrès scientifique : on en voit tous les jours les effets à travers les avancées de la science, en général, et de la médecine en particulier * le progrès spirituel, loin de tout dogme religieux, dont la recherche de « spiritualité laïque » en maçonnerie est un exemple *. le progrès affectif : compassion et refus de la souffrance ; le problème de la fin de vie (quelque qu’en soit l’âge ! nouveau-né en réanimation ou vieillard grabataire) et de son accompagnement sera un des grands débats de société à venir. - l’Ethique de responsabilité (développée en son temps par H. Jonas) oblige à connaître et à maîtriser les conséquences des ses actes. C’est particulièrement vrai pour les problèmes d’environnement, d’écologie, etc… car il n’y a pas de liberté sans responsabilité. C’est aussi un grand débat et une prise de conscience tout à fait d’actualité. - L’Ethique de société pose la notion du respect de la personne humaine dans tous les domaines : identité, intégrité physique et psychologique, égalité des chances, respect de la Dignité Humaine. - Enfin et c’est sans doute, pour nous F.M., un domaine où nous devrions être innovants et servir de modèles : l’Ethique d’Humanisme, fondée sur la notion de fraternité, qui est la base de nos constitutions et de nos principes. ] Pourtant quelques notions permettraient, si elles étaient mises en pratique dans les actes de la vie courante, de « faire à autrui tout le bien que nous voudrions qu’il nous fut fait à nous-mêmes », ou comme disait Kant : « Agis toujours de manière à réduire autant que possible le mal qu’il y a dans le monde ». La F. M. nous offre des outils pour parvenir à ce but. C’est là qu’apparaît l’Ethique de transmission : les outils symboliques permettent à des F. M. répartis sur la surface de la terre de se reconnaître, de se comprendre à demi-mot, car ils ont la même méthode de travail et les mêmes buts : la perfectibilité de l’individu pour l’amélioration du monde dans lequel ils vivent. Quant à l’Ethique du futur, si on pense qu’elle peut exister, c’est à nous, à vous aussi, de la définir, d’en mesurer les contours. Elle rejoint la notion de responsabilité particulière vis-à-vis des générations futures. Edgar Morin propose deux pistes : Régénérer, solidariser et responsabiliser l’individu, la société, le monde. Ne pas séparer l’Ethique de la démocratie. C’est notre droit et notre devoir de contrôler la vie de la cité, en respectant les minorités et la pluralité. Sans oublier l’horreur étalée à la une des medias, journaux ou TV, et même d’Internet (qui devient un instrument de propagande et de diffusion des idéologies, au lieu d’être un instrument qui relie les hommes, au sens ancien de « religare » qu’ont sans doute oublié les religions), il n’est pas possible de continuer à désespérer, et sans être des utopistes naïfs nous devons raisonnablement croire en l’Homme et à sa perfectibilité ainsi qu’à la fin du cauchemar. J’ai bien conscience, à la fin de cet exposé d’avoir plus posé de questions que d’avoir apporté de réponses, mais n’est-ce pas notre rôle : donner à réfléchir plutôt que d’apporter des réponses toutes faites. Et puis, dans notre Groupe Ethique qui travaille depuis presque 2 ans, nous voyons venir nous rejoindre de plus en plus de « jeunes » maçons. C’est très encourageant pour l’avenir. C’est peut-être cela la vraie transmission. Conclusion « L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne. » écrivait René Char. Nous qui voulons être les « Fils de la Lumière », nous faisons nôtre cette réflexion et nous devons continuer de remettre, inlassablement, l’ouvrage sur le métier. Marcel Proust écrivait « Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux ». Essayons ensemble d’avoir de nouveaux yeux, de voir aussi avec le cœur et cheminons ensemble vers la Lumière. Nous prouverons ainsi que la FM a encore un but et un idéal et qu’elle n’est pas en déclin. Alors soyons réalistes et exigeons l’impossible, soyons utopistes et allons vers l’idéal, soyons conscients du réel et agissons pour construire la femme et l’homme que nous voulons pour demain. Annexes Bibliographie succincte M. Canto-Sperber Dictionnaire d’Ethique et de philosophie morale, PUF 2004 Collectif Encyclopédie de la philosophie, LDP 2002 Collectif La philosophie de A à Z, Hatier 1994 A. Comte-Sponville Dictionnaire philosophique, PUF 2001 A. Comte-Sponville et Luc Ferry La sagesse des modernes, Pocket 1999 A Jacquard Petite philosophie à l’usage des non philosophes, LDP 2003 E. Levinas Ethique et infini, LDP 2004 E. Morin Ethique 6e volume de La Méthode, Seuil 2004 Chronologie L’Antiquité grecque inaugure en quelque sorte la biologie avec Hippocrate (médecine), Aristote (philosophie et naturalisme) et Galien (philosophie). Après une longue stagnation (liée en partie aux interdits de l’Eglise de toucher aux cadavres), la biologie reprend sa marche au 16e siècle. Vers 1590, l’invention du microscope, par le hollandais Zacharias Jansen, ouvre une nouvelle dimension aux sciences de la vie. Il faudra ensuite attendre le 19e siècle pour que soit énoncée la théorie cellulaire de la biologie. La théorie de la génération spontanée est combattue par l’allemand Wirshow, avant que Louis Pasteur n’y porte le coup de grâce. Les théories de l’évolution (Lamarck, Darwin et de Vries) préfigurent la découverte empirique des lois de l’hérédité. C’est Gregor Mendel, moine autrichien, qui avait franchi l’étape cruciale sur le chemin de la génétique moderne au milieu du 19è siècle, en 1865. Depuis lors, la génétique est restée mendélienne. Ses travaux furent repris en 1900 par Hugo de Vries, Carl Correns et Erich von Tschermak. Claude Bernard est un précurseur de la biochimie moléculaire quand il définit la notion de milieu intérieur. 1905 : le biologiste William Bateson donna le nom de « génétique » à la science nouvelle qui se préoccupe de la transmission des caractères héréditaires. 1910 : Thomas Morgan découvre que les chromosomes sont le support des gènes. (Nobel en 1933) 1926 : le généticien Herman Muller découvre le rôle mutagène des rayons X. 1940 : Goeorge Beadle et Edward Tatum, et le français Boris Ephrussi établissent la correspondance entre un gène et une activité enzymatique. Les progrès médicaux et techniques, et les grandes catastrophes écologiques depuis 60 ans. 1944 : Oswald Avery, Colin McLeod et McLyn McCarthy démontrent que le support des chromosomes est faits d’ADN et que le support de l’hérédité est l’A.DN. 1953 : J. Watson et F. Crick élucident la structure de l’ADN, et le code génétique. (Nobel 1962) 1956 : le planning familial en 1956 (qui fête ses 50 ans cette année) 1965 : Jacob, Lwoff et Monod montrent le rôle de l’ARN messager dans le code génétique. (Nobel) 1973 : la loi Neuwirth 1975 : loi Veil sur l’IVG 1976 : F. Sanger et W. Gilbert : séquençage de l’ADN (Nobel 1980), catastrophe de Seveso en Italie 1978 : Louise Brown, 1er bébé éprouvette, débuts de la FIV en Angleterre 1981 : apparition du SIDA, abolition de la peine de mort en France 1992 : 1ère greffe d’un cœur artificiel 1986 : catastrophe de Tchernobyl en Ukraine 1987 : l’Association Française contre les Myopathies (AFM) lance le premier Téléthon. 1988 : création de l’Organisation du Génome Humain (HUGO), 1990 : lancement du Human Genome project (HGP) par les américains et les britanniques, pour séquencer le génome humain et localiser tous les gènes, 1ère thérapie génique humaine (USA) 1991 : le scandale du sang contaminé en France 1992 : 1er sommet de la terre à RIO 1994 : la 1ère loi de Bioéthique, J.F. Mattei 1996 : 1ère carte complète du génome humain, la « vache folle », interdiction de l’amiante en France 1997 : naissance du 1er mammifère cloné : Dolly en Ecosse 1998 : l’Europe dit non au clonage humain 1999 : naufrage du pétrolier Erika au large de la Bretagne, 2 tempêtes hors normes le 26 et 28 décembre 2000 : interdiction des farines animales en Europe 2001 : 1er clonage humain « thérapeutique » (USA) 2002 : la loi Kouchner sur le droit des malades, début de l’épidémie de SRAS 2003 : l’affaire Vincent Humbert (non-lieu en 2006) 2004 : la révision des lois de Bioéthique, le clonage reste hors la loi, le Tsunami en Asie du Sud 2005 : les cyclones aux USA, les tremblements de terre au Pakistan et ailleurs … 2006 : la grippe aviaire, le Chikungunya * * *