CFDT : la Scop oui, au cas par cas

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CFDT : la Scop oui, au cas par cas
)Ouvertures(
entretien
CFDT : la Scop oui,
au cas par cas
Quelle place pour les délégués syndicaux dans les Scop ? Quel dialogue social ? Quelles pistes de
collaboration possibles pour mieux pérenniser les entreprises et l’emploi ? La CFDT nous livre son
point de vue par la voix de Marcel Grignard, secrétaire général adjoint auprès de François Chérèque.
La France est-elle vouée à une
logique binaire d’affrontement
entre employeurs et salariés ?
L’histoire sociale française est marquée par cette logique d’affrontement,
et plus encore que ses voisins européens. Je suis convaincu que ce schéma
est obsolète. Il y a aujourd’hui plus de
proximité entre le salarié et le patron
d’une petite entreprise qu’entre le salarié de la petite entreprise et le salarié
d’une grande entreprise. Aujourd’hui où
la compétitivité des entreprises repose
bien plus sur l’implication des salariés
et leur ingéniosité, il faut chercher les
moyens d’une coopération renforcée.
De ce point de vue, que
pensez-vous du modèle Scop ?
Je connais assez peu la réalité des Scop.
Mais j’y vois un avantage et une difficulté. L’avantage majeur, c’est la vision globale de l’intérêt partagé. Chaque salarié
est a priori partie prenante de la vie et
la mort de son entreprise. En tout cas, il
y est attaché. La difficulté, c’est de gérer
la contradiction de la double nature du
salarié qui est associé de l’entreprise et
soumis aux décisions hiérarchiques. Ça
ne doit pas être simple tous les jours.
Y a-t-il pour vous contradiction
entre la défense des salariés et la
logique Scop de salarié associé ?
Non. Nous sommes présents dans les
entreprises les plus diverses, notamment avec des salariés actionnaires. A
chaque fois, nous avons des salariés
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PARTICIPER Avril . Mai . Juin 2011
Les sections syndicales sontelles en veille par rapport à des
emplois qui seraient fragilisés ou
menacés ?
Oui. L’évolution de l’emploi est une de
leurs préoccupations majeures, on l’a
particulièrement vu au plus fort de la
crise. Mais ils considèrent qu’ils sont
mal informés de la situation de l’entreprise. L’incertitude vécue par les entreprises est souvent perçue par nos militants comme un prétexte à ne pas tout
leur dire. En outre, le cadre de débat
dans les entreprises avec les salariés
sur les questions économiques est loin
d’être satisfaisant. Les discussions sont
plus formelles que réelles notamment
parce que l’information n’arrive pas au
bon moment ou ce n’est pas la bonne.
Enfin, nous avons aussi à faire des efforts de formation de nos délégués pour
la compréhension de situations de plus
en plus complexes. Les causes ne sont
pas univoques.
Constatez-vous des possibilités
de reprise d’entreprise par les
salariés ?
Pendant la crise, on a vu des employeurs
et des représentants des salariés qui
étaient capables de beaucoup d’innovations sociales pour franchir un cap
difficile. Je me rappelle une entreprise
de l’Est de la France avec un chômage
partiel important. L’employeur accepte
que ce chômage partiel soit utilisé pour
former les salariés, notamment ceux de
la production. Et pour ne pas pénaliser
la production, l’encadrement est venu
pallier les absences des salariés partis
en formation. Les médias en ont peu
parlé, mais pendant la crise, il y a eu
un effort considérable de recherche de
solutions au service de l’emploi. Face à
un problème d’avenir, la reprise d’activités par les salariés reste une solution
PARTICIPER Avril . Mai . Juin 2011
Le parcours de Marcel Grignard
Marcel Grignard est depuis 5 ans l’un des neuf secrétaires généraux
de la CFDT, adjoint du secrétaire général François Chérèque. Après
20 ans comme salarié et délégué syndical dans une entreprise de
© Patrick Gaillardin
avec des statuts et une relation très
divers. Le fait que les salariés de Scop
soient pour partie propriétaires de leur
entreprise n’efface pas leur statut de salarié. Il y a donc besoin d’une représentation collective des salariés. C’est dans
la confrontation avec l’employeur que
ça devient plus compliqué. Mais quand
vous êtes salarié d’une association gérée par des bénévoles, a fortiori dans le
champ du social, c’est aussi compliqué.
la métallurgie, Marcel Grignard restera 13 ans à la Fédération de la
métallurgie, dont 5 ans en tant que secrétaire général. Ses missions à la
Confédération couvrent le dialogue social, la représentativité syndicale,
relations avec les autres organisations syndicales et le patronat.
marginale. Cette piste vient souvent à
l’esprit. Mais deux facteurs expliquent
la difficulté à repartir : d’une part l’absence de manager, de personnes qui ont
la vision, la capacité de prendre en main
cette responsabilité. Ca se passe notamment dans les entreprises familiales qui
périclitent après échec du ou des successeurs du patron parti en retraite. Et
puis le problème du capital. On a vu
beaucoup d’entreprises où il y avait des
savoir-faire, des marchés et qui périclitent quand même faute de manager
ou de capital.
Notre réseau des Scop pourrait-il
vous appuyer pour identifier les
cas possibles de reprise d’entreprise par les salariés ?
Je suis positif et prudent à la fois. Il y
a des situations d’entreprise où la solution Scop aurait été possible et où nos
équipes syndicales n’ont pas tenté de
la mettre en œuvre. A l’inverse, je me
méfie quand nos représentants proposent la Scop comme LA solution. En
effet, nos responsables ne se trouvent
pas toujours dans une situation qui leur
permet d’apprécier ce qui est possible
ou pas. Le rapport à l’entreprise est
ambivalent et quand il faut tenter de
sauver les emplois, on oublie les limites
qu’on y voyait quelques mois plus tôt.
Les situations sont complexes.
Vous évoquez la difficulté à trouver
des managers. Les responsables
syndicaux ne constituent-ils pas un
terreau de managers potentiels ?
Oui, un représentant syndical qui fait
bien son travail acquiert des compétences d’ordre managérial. Des délégués
syndicaux connaissent parfaitement
l’entreprise, ses forces, ses faiblesses et
par ailleurs connaissent bien leurs collègues CFDT des entreprises de la même
branche et des concurrents. Ils ont des
repères que n’ont pas des dirigeants parachutés par des fonds d’investissement
pour trois ou quatre ans. Pour autant, la
CFDT a d’abord vocation à défendre des
salariés et non à former des managers.
Le représentant syndical n’a-t-il
pas aussi un rôle de formation
et d’information interne sur les
règles du droit social, particulièrement dans les PME ?
C’est vrai. Ils peuvent jouer un rôle pédagogique fondamental auprès des salariés comme du dirigeant. Bon nombre
de dirigeants de PME sont bons dans
leur métier, mais ne sont pas forcément gestionnaires ou aptes à animer
une équipe. Qui plus est, la vie des PME
n’est pas facile et le dirigeant a parfois
du mal à assumer toutes les fonctions ;
il n’a pas toujours l’information utile. Propos recueillis par Pierre Liret
La CFDT en bref
• 833 000 adhérents dans tous les métiers,
dont 65% dans le secteur privé,
• 1° organisation en nombre d’adhérents,
• 2° en nombre de suffrages recueillis dans
les entreprises
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