rapport de stage sur l`égalité femmes-hommes

Transcription

rapport de stage sur l`égalité femmes-hommes
UNIVERSITE PARIS 13 – PARIS NORD
UFR DROIT, SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES
Master Politique et Action Publique
Première année
L’ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES À
L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Le parcours de la députée Monique Rabin
Monique Rabin, députée de la neuvième circonscription de Loire-Atlantique :
Assemblée nationale, 106 rue de l’Université 75 007 Paris
Permanence parlementaire, 33 rue de l’Hôtel de Ville 44310 Saint Philbert de G.L.
Louise BEAUVAIS
Tuteur de stage :
Monique Rabin
Députée
Enseignante encadrante :
Gwenaëlle Perrier
Année 2015-2016
2
Tout d’abord, je tiens à remercier, Monique Rabin qui m’a accueillie en stage et m’a
permis de découvrir le rôle d’une députée. Sa disponibilité et l’attention qu’elle m’a portée
m’ont été plus que profitables. Un grand merci à toutes ses collaboratrices : Pascale C.,
Sarah C., Laure D., Linda L., Tiphaine P.. Elles m’ont intégrée à l’équipe, entourée pendant
mon stage et confié des tâches. Grâce à elles, j’ai pu également visiter l’Assemblée
nationale et avoir accès à sa bibliothèque.
Je désire également adresser ma gratitude à Violaine G., collaboratrice de
Catherine Coutelle et Pascale F., agente de la délégation aux droits de la femme et pour
l’égalité des chances entre les hommes et les femmes qui ont pris de leur temps pour
m’expliquer leurs missions au sein de l’Assemblée nationale.
Enfin, je souhaite remercier le corps enseignant de l’Université Paris XIII dont
Marie Loison-Leruste, Pierre Lefébure et, plus particulièrement, Gwenaëlle Perrier. Je
tiens, sincèrement, à la remercier de sa disponibilité, de sa réactivité et des conseils qu’elle
m’a donnés aussi bien lors de mon stage que lors de la rédaction de mon mémoire.
3
SOMMAIRE
I.
LES REGLES FORMELLES ET INFORMELLES RELATIVES AUX ELECTIONS
LEGISLATIVES, UNE GARANTIE POUR LA PARITE ? ................................................ 12
Evolution de la législation vers une égalité à l’Assemblée nationale ? .................. 12
A.
1.
Genèse et contexte des lois sur la parité.............................................................. 12
2.
L’adoption des lois : dispositif et enjeux ............................................................ 14
3.
Bilan en demi-teinte ............................................................................................ 15
4.
Les stratégies de contournement des partis politiques ........................................ 17
B.
Les particularités des élections législatives : des atouts ou des obstacles pour les
candidates .......................................................................................................................... 20
II.
1.
Une fonction difficile à atteindre et à endosser pour les femmes ....................... 21
2.
Les contextes politiques nationaux et locaux ...................................................... 24
LE PROFIL ET LA TRAJECTOIRE DES FEMMES DEPUTEES : LE CAS DE
MONIQUE RABIN ............................................................................................................... 29
A.
La vie familiale, un élément décisif pour les femmes députées ............................. 29
1.
Socialisation primaire des femmes députées....................................................... 29
2.
La disponibilité, un critère décisif pour être député.e ......................................... 31
B.
Les ressources mobilisées pour devenir députée, une professionnelle de la politique
33
1.
Les ressources politiques conventionnelles : l’origine sociale, le niveau de
diplôme, le statut professionnel ainsi que les ressources partisanes ............................. 33
2.
Des ressources différentes pour les femmes et un champ politique imperméable
aux femmes.................................................................................................................... 37
3.
C.
La dure épreuve de l’éligibilité pour les femmes ................................................ 40
Trajectoire de Monique Rabin par rapport aux trajectoires des députées françaises
de 1945 à 2000 .................................................................................................................. 43
1.
Présentation de la typologie ................................................................................ 43
4
2.
Monique Rabin, une députée de terrain ou une députée de troisième génération ?
45
III.
PRATIQUE ET POSITION DES FEMMES DÉPUTÉES ........................................ 47
Persistance de l’inégalité entre les sexes dans l’exercice du pouvoir ..................... 47
A.
1.
Des femmes députées de « second rang » ........................................................... 47
2.
Etre député, un « métier d’homme » : les représentations du pouvoir politique et
leurs impacts sur la prise de parole................................................................................ 51
De nouvelles pratiques politiques ou l’intégration des pratiques traditionnelles ?
3.
54
Action et posture du personnel politique face à l’égalité femmes-hommes et aux
B.
revendications féministes .................................................................................................. 56
Les initiatives des actrices et des acteurs politiques concernant l’égalité des
1.
sexes 57
2.
IV.
V.
Monique Rabin, une prise de conscience progressive ........................................ 59
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 65
ANNEXES .................................................................................................................... 68
5
INTRODUCTION
Le 21 octobre 1945, pour la première fois, en France, des femmes sont élues
députées. 70 ans après, à l’Assemblée nationale, un hommage est rendu à ces trente-trois
pionnières. Une exposition temporaire mettant en lumière leur parcours est réalisée et
inaugurée. A cette occasion, un buste d’Olympe de Gouges, emblème du féminisme, qui a
écrit la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791, doit également être
installé à l’Assemblée nationale. Dans son discours d’inauguration, la députée Sandrine
Mazetier rappelle qu’à l’époque, les femmes représentaient seulement 5,6% des député.e.s
et qu’elles s’occupaient de sujets traditionnellement féminins « comme l’éducation, la lutte
contre l’alcoolisme ou les droits des enfants adultérins, ou encore le ravitaillement »1. 70
ans plus tard, quelle est la situation concernant la place et la représentation des députées ?
Cet événement rappelle que le droit de vote et d’élection des femmes est
relativement récent. Cette avancée pour les femmes est le fruit d’une longue lutte des
féministes dites de la première vague. L’accès tardif des Françaises à la sphère politique est,
en partie, le résultat de leur place dans la société. Au XXe siècle, la société française est
encore dite patriarcale, c’est-à-dire, que c’est un « système de subordination des femmes
aux hommes dans les sociétés industrielles contemporaines »2. Suite à l’acquisition du droit
de vote des femmes, le long processus vers l’égalité des sexes continue. Les mœurs de cette
société patriarcale s’assouplissent progressivement. Dans les années 1950-1960, « les
femmes investissent le marché du travail »3. En 1965, les femmes peuvent exercer une
activité professionnelle sans l’autorisation de leur mari. Dans les années 1960-1970, le
nouveau combat des féministes porte sur la libre disposition de son corps et sur
l’achèvement de l’égalité civique. En 1975, les femmes acquièrent des droits comme la
dépénalisation de l’Intervention Volontaire de Grossesse et l’instauration du divorce par
1
MAZETIER Sandrine, Inauguration de l’exposition « 21 octobre 1945 : les 33 premières femmes élues
députées » à l’Assemblée Nationale, Site de la députée MAZETIER Sandrine, octobre 2015, discours
d’inauguration. Disponible sur : http://www.sandrinemazetier.fr/inauguration-de-lexposition-21-octobre-1945les-33-premieres-femmes-elues-deputees-a-lassemblee-nationale-14150.html33-premieres-femmes-eluesdeputees-a-lassemblee-nationale-14150.html
2
DELPHY Christine, L’ennemi principal. t.1 : Economie politique du patriarcat, Paris, Syllepse, « Nouvelles
questions féministes », 1998, p.7
3
COURPARD Elsa, Les femmes dans la société française depuis 1945, INA et Le Ministère de l’éducation
nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Parcours pédagogique. Disponible sur :
http://fresques.ina.fr/jalons/parcours/0004/les-femmes-dans-la-societe-francaise-depuis-1945.html
6
consentement mutuel. Contrairement à d’autres pays, le mouvement féministe français des
années 1970 dit de la deuxième vague utilise un mode d’intervention radical et non
institutionnel. Cependant, cette libération des droits des femmes ne semble pas toucher la
sphère politique. Effectivement, la représentation des femmes demeure faible notamment à
l’Assemblée nationale. Entre 1945 et 1997, le nombre de femmes députées varie entre 1,5%
à 6,8%4. A partir des années 1990, les féministes dites de la troisième vague se mobilisent
pour la parité en politique et les dirigeants politiques ainsi que les citoyennes et les citoyens
prennent conscience de cette inégalité. Pour modifier cette tendance, l’Etat légifère. Il
adopte les lois dites sur la parité afin que la situation évolue. Depuis le début des années
2000, l’entrée plus massive des femmes dans l’espace politique fait relativement consensus.
Dans ce contexte où l’égalité femmes-hommes semble être acceptée, qu’en est-il
réellement concernant l’Assemblée nationale ? En effet, les femmes ont-elles les mêmes
chances d’être élues députées que les hommes ou l’accès à cette fonction est-il encore semé
d’obstacles pour ces dernières ? Ont-elles le même poids et la même place que les
hommes dans l’exercice du pouvoir à l’Assemblée nationale ou sont-elles cantonnées à
certaines fonctions ? A travers la trajectoire de Monique Rabin, nous nous demanderons si,
l’accès à l’Assemblée nationale et l’exercice de la fonction de députée tendent et évoluent
vers l’égalité entre les femmes et les hommes député.e.s. Tout au long de ce mémoire, nous
essayerons également de voir si le parcours de Monique Rabin est représentatif de celui des
femmes députées ou si ce dernier est spécifique.
J’ai effectué le stage de mon master 1 mention Science politique spécialité Politique
et Action publique auprès de Monique Rabin, députée de la neuvième circonscription de
Loire-Atlantique. Son travail de députée se partage en deux lieux : à l’Assemblée nationale
où principalement, elle légifère et contrôle l’exécutif, et sur sa circonscription. En effet,
même si un.e député.e doit représenter toutes les Françaises et tous les Français, elle ou il a
un lien étroit avec sa circonscription car ce sont les habitants de ce territoire qui l’élisent. En
plus des fonctions législatives, Monique Rabin a un rôle de représentation, par exemple, être
présente à des événements importants comme les vœux des maires de sa circonscription ou
encore être disponible et à l’écoute des acteurs du territoire comme les associations, les
entreprises ou les particuliers. J’ai passé seulement trois jours à l’Assemblée nationale. Mon
stage s’est principalement déroulé sur la circonscription du Pays de Retz à la permanence
4
ACHIN Catherine, Sexes, genre et politique, Paris, ECONOMICA, « Etudes politiques », 2007, p.169
7
parlementaire qui se situe à Saint Philbert de Grand Lieu5. Dans le cadre de mon stage, j’ai
été entourée par les collaboratrices qui m’ont délégué certaines de leurs tâches quotidiennes
comme l’envoi de vœux, le recensement des contacts, la création de fiches d’informations
sur les différentes communes de la circonscription, la prise en charge de doléances... A côté
de ces missions, j’ai travaillé avec Sarah C.6, collaboratrice de Monique Rabin sur un
événement concernant l’égalité femme-homme avec les multiples acteurs du territoire. Nous
avons réfléchi au format que cela pouvait prendre ainsi qu’aux personnes avec qui l’on
pouvait travailler. Ce projet a été enrichi par de nombreux échanges avec Monique Rabin
qui nous a expliqué ce qu’elle attendait. Nous avons décidé de réaliser des déplacements
dans différents lieux comme un centre de formation d’apprenti.e.s, un collège, un
établissement et service d’aide par le travail (ESAT) et de conclure ces déplacements par
une soirée débat. Puis, j’ai contacté certains acteurs du territoire pour mettre en œuvre
l’événement. Etant donné que mon stage n’a duré qu’un mois, la concrétisation de ce projet
n’a pas eu lieu pendant mon stage. Cependant, je continue à entretenir un lien avec Sarah C.
concernant l’organisation de l’événement qui devrait avoir lieu en mai.
J’ai décidé d’étudier la question de l’égalité entre les sexes à l’Assemblée nationale
car j’ai réalisé mon stage de master 1 auprès d’une femme députée. Elle m’a notamment
prise en stage pour participer à la mise en place d’un événement en lien avec cette
thématique sur la circonscription. Cette question m’intéresse également personnellement.
L’année dernière, j’ai effectué un service civique à la Mission Citoyenneté, Egalité et
Diversité à la mairie d’Angers. Lors de cette expérience, j’ai notamment été amenée à
mettre en place des projets sur l’égalité. Par exemple, j’ai participé à l’organisation d’une
table ronde sur l’égalité femmes-hommes dans le domaine du sport et d’une conférence sur
la mixité dans l’espace public ainsi qu’à l’animation d’une marche exploratoire avec des
femmes d’un quartier angevin en reconstruction. De plus, mon enseignante référente,
Gwenaëlle Perrier est une spécialiste de la question de l’égalité femmes-hommes. Ces
différents éléments m’ont confortée dans mon choix de travailler sur l’effectivité de l’égalité
à l’Assemblée nationale.
Mon stage m’a permis de recueillir des matériaux sur ce thème. J’ai pu observer la position
de Monique Rabin. Elle a également accepté de s’entretenir avec moi pendant une heure.
5
Annexe 1
6
Sarah C. est principalement présente à l’Assemblée nationale. Elle a étudié à l’Institut d’étude politique de
Grenoble et est auprès de Monique Rabin depuis 2012. Elle est, particulièrement, sensible à la question de
l’égalité femmes-hommes.
8
Durant mon séjour à l’Assemblée nationale, j’ai pu observer différents rassemblements de
député.e.s plus ou moins formels comme une séance à l’hémicycle et une réunion du groupe
parlementaire socialiste, républicain et citoyen. Enfin, j’ai eu la chance, grâce à Monique
Rabin et sa collaboratrice Sarah C., de m’entretenir avec une agente de la Délégation aux
droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ainsi qu’avec
l’une des collaboratrices de Catherine Coutelle, présidente de cette délégation. De plus,
différentes données me sont accessibles sur internet comme l’Insee, le Haut Conseil à
l’Egalité entre les femmes et les hommes ou encore le site officiel du Parlement. Enfin, j’ai
pris connaissance des différents travaux sur la parité en politique, particulièrement, ceux de
Catherine Achin.
Tous ces matériaux ont nourri ma réflexion concernant la thématique de l’égalité des sexes à
l’Assemblée nationale. J’ai choisi d’étudier ce sujet à travers le parcours de la députée
Monique Rabin. En effet, son cas me permet d’illustrer et de discuter les différentes thèses
développées par les chercheuses et les chercheurs sur cette thématique.
Tout d’abord, il faut se pencher sur les règles qui encadrent les élections législatives
pour comprendre pourquoi les femmes représentent, aujourd’hui, environ 27% des
député.e.s : qu’est-ce qui facilite leur accès et au contraire, ce qui le freine ? Puis, l’analyse
des différents parcours des femmes députées permet de compléter cette explication sur les
éléments qui encouragent ou rendent difficile leurs élections. Enfin, dans l’exercice de la
fonction de député.e, il est intéressant de voir s’il existe une différence entre les femmes et
les hommes parlementaires tant sur leur position, la pratique du pouvoir que sur leur
sensibilité à la question de l’égalité et des actions mises en œuvre sur ce thème.
9
Biographie de Monique Rabin
Monique Rabin est née en 1954 à Laval. Elle est fille d’un couple de commerçants et l’aînée
d’une fratrie de quatre sœurs. Suite à l’obtention de son baccalauréat littéraire, elle suit des études en
sciences économiques et obtient un diplôme d’études universitaires générales (DEUG). En 1975, elle
est reçue au concours de la fonction publique territoriale de catégorie B et débute sa carrière à la
mairie de Rennes. En parallèle de son travail de rédactrice, elle suit une formation dans le cadre de la
fonction publique et obtient l’équivalent d’un DEUG en droit public. Au début des années 1980, elle
devient, pendant douze ans, collaboratrice d’Edmond Hervé, homme politique socialiste, maire de
Rennes et député de l’Ille-et-Vilaine. Au cours de sa carrière, elle passe les concours d’attachée
qu’elle réussit. A partir de 1982, dans le cadre d’un dispositif mis en place par la mairie de Rennes
pour inciter les agents à travailler moins et mieux répartir le travail, Monique Rabin travaille quatre
jours par semaine. En 1994, elle entre à la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire.
Pendant trois ans, elle participe au contrôle de villes importantes. En parallèle de sa vie
professionnelle, Monique Rabin se marie avec Denis Rabin, directeur de banque. Tout en se
déplaçant entre Rennes et Paris, ils habitent à La Limouzinière7, commune se situant entre les deux
villes. Suite aux élections cantonales gagnées par Stéphan Beaugé, candidat « sans étiquette » dans
premier temps, puis, de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), et en réaction à la présence
de ce nouveau candidat sur le territoire, Monique Rabin s’encarte au Parti socialiste en 1998. A cette
occasion, elle participe à la création d’une section du Parti socialiste au niveau des communes du
Pays de Retz. Pendant une période, elle occupe le poste de secrétaire de section. La décision de
s’engager en politique et donc de prendre sa carte au PS est également motivée par le fait qu’elle se
sent redevable à la société qui a permis de soigner son mari d’une maladie grave. En 1996, ce
dernier reçoit une greffe du cœur.
Monique Rabin, habitante de La Limouzinière, se présente pour la première fois, en 2001,
aux élections municipales de Saint Philbert de Grand Lieu, commune d’environ 6 500 habitant.e.s à
cette époque8. Elle est à la tête d’une liste située à gauche de l’échiquier politique. Elle arrive en
deuxième position derrière Yvonnick Gilet, candidat de l’UMP et devant Stéphan Beaugé, candidat
« sans étiquette ». Elle est donc élue dans l’opposition. En 2008, elle se présente à nouveau aux
élections municipales de Saint Philbert de Grand Lieu. La liste adverse est menée par Yvonnick
Gilet et comprend également Stéphan Beaugé. Au deuxième tour, Monique Rabin et son équipe
7
Annexe 1
8
En 2013, la commune de Saint Philbert de Grand Lieu compte environ 8 600 habitant.e.s.
10
gagnent avec deux voix d’avance. Le résultat est contesté par l’équipe d’Yvonnick Gilet. Les
élections sont annulées par les tribunaux et de nouvelles sont reconduites. A l’issue de cette nouvelle
élection, Monique Rabin et son équipe gagnent avec 59,23% des voix. Yvonnick Gilet se retire de la
politique et ne siège pas dans l’opposition. En 2008, lorsqu’elle est élue maire, Monique Rabin
choisit de prendre sa retraite professionnelle de manière anticipée, au titre d’un conjoint malade. En
2014, Monique Rabin, maire sortante, se présente à nouveau aux élections municipales contre
Stéphan Beaugé. Elle est battue par ce dernier qui obtient 58,83% des suffrages. En parallèle des
municipales, Monique Rabin se présente au niveau régional. En 2004, elle est en position éligible sur
la liste de gauche présentée aux élections régionales des Pays de la Loire. Elle est conseillère
régionale jusqu’en 2010. Aux élections régionales de 2010, elle est en troisième position sur la liste
de gauche et première sur celle de Loire-Atlantique. Elle devient deuxième vice-présidente et
présidente de la commission Europe, International et coopérations9. En 2012, lorsqu’elle devient
députée, elle se retire du Conseil régional. Elle s’est également présentée aux différentes élections
législatives depuis 2002. En 2002, elle perd avec 41,11% contre Pierre Hériaud, candidat de l’UMP
qui obtient 58,89%. En 2007, elle est battue avec un score de 47% par Philippe Boënnec, candidat de
l’UMP qui obtient 53%. Elle gagne celles de 2012 contre Philippe Boënnec, député sortant de droite
et maire de Pornic10 avec 53,26%.
9
L’esprit grand ouvert Région Pays de la Loire, Seconde séance d’installation. Le Conseil régional des Pays
de
la
Loire
en
ordre
de
marche,
2010.
Disponible
sur :
http://www.paysdelaloire.fr/uploads/tx_oxcsnewsfiles/100409_DP_seance_d_installation_9_avril.pdf
10
Annexe 1
11
I.
LES
REGLES
FORMELLES
ET
INFORMELLES
RELATIVES AUX ELECTIONS LEGISLATIVES, UNE
GARANTIE POUR LA PARITE ?
Toutes les élections sont encadrées par un certain nombre de règles juridiques. Les
député.e.s sont élu.e.s au suffrage universel direct, par le biais d’un scrutin uninominal à
deux tours. Elles et ils sont élu.e.s sur un territoire déterminé : la circonscription. Les
femmes sont peu représentées en politique et particulièrement à l’Assemblée nationale. Il est
intéressant d’étudier les règles formelles et informelles qui régissent les élections
législatives ainsi que leurs impacts qui seront illustrés à travers l’élection de Monique Rabin
à la fonction de député.e.
A. Evolution de la législation vers une égalité à l’Assemblée nationale ?
Les lois sur la parité sont issues d’un long processus et leur objectif est de lutter contre
la sous-représentation des femmes en politique. Cet objectif est-il rempli concernant
l’Assemblée nationale ?
1. Genèse et contexte des lois sur la parité
Depuis le 21 avril 1944, les femmes ont le droit de vote et le droit d’être éligibles au
même titre que les hommes. Cependant jusqu’à la fin des années 1990, la représentation des
femmes dans l’espace politique est faible. En 1995, les conseils municipaux de plus de
3 500 habitants comptent 27,5% de femmes, en 1998, les conseils régionaux, 27,5% et le
Sénat 5,6%11. Le nombre de femmes élues à l’Assemblée est particulièrement bas, de 1945 à
1993, il varie entre 1,5% à 6,8%12.
Le fait que les femmes soient peu présentes dans la sphère politique n’est pas un
phénomène récent. Cependant, ce n’est qu’au début des années 2000 que des mesures sont
11
BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études
sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.254
12
ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques », 2007, pp.1-184,
p.169
12
prises pour renverser cette tendance : les lois dites « sur la parité ». Elles ont pu voir le jour
grâce à trois facteurs principaux : « les pressions des organisations internationales, les
mobilisations collectives émanant de l’espace de la cause des femmes, et les calculs
opportunistes des élites politiques »13. En effet, progressivement, dans les années 19801990, différentes organisations internationales comme les Nations Unies, le Conseil de
l’Europe ou la Commission européenne incitent les pays à tendre vers une égalité femmeshommes dans le champ politique, en mettant en place des « mesures temporaires
spéciales »14 : des quotas. La création de quotas en France résulte également des
mobilisations collectives et particulièrement des femmes. En 1993, est créé un « mouvement
pour la parité » qui regroupe majoritairement des femmes issues de secteurs divers :
politiques, associatifs et universitaires. Ce mouvement semble rompre avec le féminisme de
la deuxième vague. En effet, il mélange une plus large palette d’actrices, les modes
d’intervention sont moins radicaux et la revendication d’une meilleure représentation des
femmes devient primordiale. De plus, la loi sur la parité émerge dans un contexte de
« crise de la représentation». L’élite politique face à cette crise voit les quotas comme une
solution. Dans les années 1980-1990, l’abstention devient de plus en plus forte. Différents
acteurs, dont les hommes et les femmes politiques15, se préoccupent de cet enjeu. L’idée
selon laquelle les électrices et les électeurs ne se sentent pas représenté.e.s prend de
l’ampleur. La perspective d’une représentation paritaire semble être une réponse à ce climat
de défiance du personnel politique. L’argument avancé est qu’en entrant massivement dans
l’espace politique, les femmes renouvelleront le personnel politique ainsi que la manière
d’exercer le pouvoir. De plus, en représentant la moitié du personnel politique, elles
permettraient une meilleure représentation de la société civile, composée pour moitié de
femmes. Cependant, l’adoption de quotas ne s’est pas réalisée sans difficulté. En 1982, une
première loi qui prévoit un quota de 25% de femmes dans les listes municipales est censurée
par le Conseil constitutionnel. Cette institution estime que l’adoption de quotas est contraire
aux principes constitutionnels de la République, en particulier à « l’universalisme
13
BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études
sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.249
14
Ibidem, p.251
15
Ce sont surtout les hommes qui sont préoccupés par la crise de la représentation car de manière générale, les
femmes sont sous-représentées en politique.
13
républicain »16. L’article premier de la Constitution indique que les citoyens sont tous égaux
devant la loi. A travers les quotas, le Conseil voit la création d’une catégorisation des
électeurs qui enfreint cette égalité.
2. L’adoption des lois : dispositif et enjeux
Dans ce contexte et malgré les réticences de certains acteurs et certaines actrices, les
décideurs français, sous l’égide de Lionel Jospin, premier ministre, souhaitent mettre en
œuvre un dispositif contraignant pour que la parité soit atteinte dans l’espace politique. Il
faut attendre la révision constitutionnelle de 1999 pour permettre à la loi de « favoriser
l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives »17.
Cette loi modifie la Constitution française pour permettre l’adoption de quotas qui étaient,
auparavant, considérés comme inconstitutionnels. Cette réforme est suivie par la
promulgation de deux lois dites sur « la parité » le 6 juin et 10 juillet 200018. Selon la loi du
6 juin 2000, la parité doit être stricte pour les scrutins de liste : les partis politiques doivent
présenter autant de femmes que d’hommes ; à défaut la liste n’est pas conforme. Ce texte
pose une exception pour les député.e.s qui sont élu.e.s par le biais d’un scrutin uninominal à
deux tours. La loi « impose aux partis et groupements politiques de présenter 50% de
candidats de chacun des deux sexes à 2% près »19. A défaut, les partis et groupements
politiques sont sanctionnés financièrement. Contrairement au scrutin de liste, bien que les
partis politiques soient sanctionnés, ils ont la possibilité de présenter moins de candidates
que de candidats.
Par la suite, différents textes de loi concernant la parité sont adoptés afin de
perfectionner le dispositif et de l’élargir à tous les types de mandats et à des fonctions non
électives. En 2007, la sanction financière pour les partis politiques qui ne respectent pas la
parité dans les candidats présentés aux élections législatives est augmentée.
16
BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études
sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.252
17
Article premier de la Constitution française.
18
La loi du 10 juillet 2000 porte sur les élections sénatoriales. En fonction du nombre d’habitant.e.s sur le
département, les élections sénatoriales ne se déroulent pas de la même manière. Dans les départements où les
élections sont au scrutin de liste, la loi indique que les quotas stricts s’appliquent.
19
Législatives 2012 : élection des députées selon des modalités actualisées, Vie publique. Au cœur du débat
public, 2012, dossier d’actualité. Disponible sur : http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/legislatives2012/legislatives-2012-election-deputes-selon-modalites-actualisees.html
14
Selon Catherine Achin20, aujourd’hui, la mise en place de quotas pour tendre vers la
parité est relativement acceptée. Cependant, les lois de 2000, lors de leur adoption, ont fait
l’objet de controverses importantes. Différents arguments en faveur et contre ces lois sont
mobilisés. Ce débat est perceptible dans la rédaction des lois et dans les dispositifs adoptés
par le Parlement. Tout d’abord, à propos de la réforme constitutionnelle, en première
lecture, le Parlement était partagé sur la formulation à adopter : l’Assemblée nationale était
pour que « la loi garantisse l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux
et aux fonctions électives » et le Sénat pour que « la loi [la] favorise » seulement. La
formulation la moins contraignante fut retenue. Concernant les élections législatives, le seuil
retenu du nombre de candidates présentées par les partis politiques est 50% et non 40%
comme l’avait recommandé le rapport de l’Observatoire de la parité rédigé par Dominique
Gillot21. En contrepartie d’un seuil plus bas, les sanctions financières devaient être plus
élevées. Le dispositif proposé dans le rapport de l’Observatoire de la parité est moins
ambitieux mais plus réaliste et plus contraignant. Les débats qui entourent l’adoption des
lois sur la parité permettent, en partie, de comprendre leur impact limité.
3. Bilan en demi-teinte
Les effets des lois sur la parité sont à deux vitesses. Suite à l’application de ces lois, des
avancées ont pu être notées concernant certains mandats. Dans les conseils municipaux, les
conseils régionaux ou encore les délégations françaises au Parlement européen, l’écart entre
le nombre de femmes et d’hommes se réduit22. Lorsque la loi est réellement contraignante,
la parité s’améliore. Bien qu’il existe de réels progrès, les effets des lois sur la parité restent
relatifs pour un certain nombre de mandats, en particulier, pour les plus prestigieux. La loi
est seulement incitative pour les fonctions à responsabilité comme maire ou président de
région23. Ils sont donc toujours détenus majoritairement par des hommes. Cela vaut
également pour la fonction de député.e.
20
ACHIN
Catherine,
Tous
genres
bienvenus,
youtube,
2014,
vidéo.
Disponible
sur :
https://www.youtube.com/watch?v=DY3MNrjPh9Y
21
GILLOT Dominique, Vers la parité en politique, Observatoire de la parité, rapport au Premier ministre,
1999
22
ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.184,
pp.167-168
23
Lors des élections municipales de 2014, seul 16% des maires sont des femmes et suite aux élections
régionales de 2010, seul 7,7% des président.e.s de région sont des femmes. Disponible sur : http://haut-conseilegalite.gouv.fr/parite/reperes-statistiques-47/
15
A partir des élections législatives de 1997, puis de 2002, le pourcentage de femmes à
l’Assemblée nationale dépasse la barre des 10% mais progresse lentement. Lors des
élections législatives de 1997, l’enjeu d’une meilleure représentation des femmes est
présent. Certains partis politiques avaient déjà pris des décisions dans ce sens. En effet, par
exemple, le Parti socialiste (PS) avait décidé de s’imposer un quota de 30% de candidates24.
Or le PS a été majoritairement élu aux élections législatives de 1997. Cela explique
pourquoi le pourcentage de femmes à l’Assemblée nationale est passé de 6,1% en 1993 à
10,9% en 1997. Suite à l’adoption des lois sur la parité, 12,1% de femmes ont été élues aux
élections législatives de 2002, 18,5% en 2007, et 26,9%25 en 2012, c’est-à-dire, un peu plus
d’un quart de l’Assemblée. Bien qu’il existe une progression, le pourcentage de femmes à
l’Assemblée nationale reste bien en deçà des 50%. Comme le soulignent Mariette Sineau et
Vincent Tiberj26, en 2002, premières élections législatives où la loi sur la parité s’appliquait,
le nombre de femmes attendues à l’Assemblée pouvait être plus important que 12,1%. En
effet, le nombre de femmes dans l’hémicycle a peu augmenté par rapport aux élections
législatives de 1997 où les femmes représentaient 10,9% de l’Assemblée. Il est important de
rappeler le contexte politique des élections législatives de 2002 : au second tour de
l’élection présidentielle de 2012, Jacques Chirac est élu face à Jean-Marie Le Pen, candidat
du Front national (FN). Suite aux élections de 2002, l’Assemblée nationale est
majoritairement à droite. Or le parti de l’UMP n’est pas celui qui présente le plus de
candidates. Mariette Sineau et Vincent Tiberj rappellent, en outre, que la loi sur la parité ne
s’applique qu’au moment des candidatures. Sur 39% de femmes qui se sont présentées au
premier tour en 2002, seules 12,1% sont finalement élues. Bien qu’il existe une amélioration
par rapport aux chiffres de 2002, cette remarque vaut également pour ceux de 2012. Sur
40,1% de candidates, toutes nuances politiques confondues, seules 26,9% sont élu.e.s27.
Dans le cas de Monique Rabin, la loi sur la parité facilite sa candidature aux élections
législatives. Afin de respecter la loi, le PS réserve, en 2001, en 2007 et 2012, la neuvième
circonscription de Loire-Atlantique à une femme. C’est ce qu’elle explique en entretien
« En 2002, je me suis portée candidate aux élections législatives et c’était d’autant plus
24
SINEAU Mariette et TIBERJ Vincent, « Candidats et députés français en 2002. Une approche sociale de la
représentation », Revue française de science politique, vol.57, 2007, pp. 163-185, p.166
25
BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études
sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.227
26
Ibidem, p.166
27
Figure 1
16
facile entre guillemet qu’ils avaient décidé de réserver la circonscription à une femme […]
donc j’ai gagné l’investiture de 2002, celle de 2007 et celle de 2012 ». Dans un contexte de
mise en application des lois sur la parité, le fait d’être une femme est donc un tremplin pour
Monique Rabin, car cela lui permet d’accéder plus facilement à son investiture pour les
élections législatives.
Une meilleure représentation des femmes en politique et à l’Assemblée nationale est un
enjeu consacré en 2000 par la loi sur la parité qui oblige ou contraint financièrement les
partis et groupements politiques à tendre vers la parité.
4. Les stratégies de contournement des partis politiques
La différence entre le pourcentage d’élues et de candidates peut s’expliquer par les
stratégies de contournement des partis politiques.
Tout d’abord, certains partis politiques évaluent la situation et réalisent un calcul
financier. Le financement public que reçoivent les partis politiques est réparti entre eux en
deux temps. La première moitié des crédits est attribuée en fonction du résultat des partis au
premier tour des dernières élections législatives. Différents critères entrent en compte lors
de ce premier temps dont la règle de présenter autant de femmes que d’hommes aux
élections législatives. La seconde moitié des crédits est répartie en fonction de leur
représentation au Parlement, proportionnellement au nombre de député.e.s28. Pour certains
partis, cela est donc plus avantageux financièrement de payer des sanctions financières que
de présenter 50% de candidates. Les partis qui adoptent cette stratégie sont plus
fréquemment les partis de gouvernement et/ou les partis de droite. En effet, les partis de
gouvernement peuvent se permettre de déroger à l’esprit de la loi car en gagnant de
nombreux sièges, ils ont les moyens financiers, contrairement, aux petits partis qui ont peu
de sièges et donc peu de ressources. Cependant, une différence peut être marquée entre le
PS et Les Républicains. En 2007, l’UMP, en présentant environ 26% de candidates 29, fut
sanctionné, sa dotation publique annuelle fut amputée de 4 millions d’euros. Le PS, en
présentant environ 45%, fut sanctionné de 500 000 euros30. Bien que le PS n’atteigne pas les
50% de candidates, de manière générale, les partis de gauche sont plus sensibles à la
28
Assemblée nationale, Fiche de synthèse n°15 : Le financement de la vie politique : partis et campagnes
électorales,
2014.
Disponible
sur :
http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-
pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/le-depute/le-financement-de-la-vie-politique-partis-et-campagneselectorales
29
Figure 1
30
LÉCHENET Alexandre, « Les manquements à la parité coûtent cher aux partis », Le Monde, 2012
17
question de la parité que les partis de droite. En 2012, les partis de gauche ont présenté
44,8% de candidates contre 38,4% pour les partis de droite31. De plus, la plupart des lois
clés relatives à l’égalité des sexes concernant la représentation politique ont été présentées
par un gouvernement socialiste. La loi de 1982 retoquée par le Conseil constitutionnel a été
portée par le gouvernement de Pierre Mauroy, Premier ministre sous la présidence de
François Mitterrand. La loi constitutionnelle de 1999 et les lois sur la parité ont été adoptées
sous le gouvernement de Lionel Jospin, homme politique socialiste.
Figure 1, Nombre et pourcentage de candidat.e.s et d’élu.e.s par nuances
aux élections législatives en 2007 et en 2012
Source Haut Conseil de l’égalité femmes-hommes, juillet 2012, Tableau n°22, p.34. Disponible sur : http://www.haut-conseilegalite.gouv.fr/IMG/pdf/opfh_eleleg_rapt1-250712.pdf
Une autre stratégie mise en œuvre par les partis est de réserver les circonscriptions
imprenables aux candidates. Le rapport de 2003 de l’Observatoire de la parité entre les
femmes et les hommes expliquent que, pour le PS et l’UMP, trois types de circonscription
se dessinent : celles où ils ont un député sortant, celles où ils ont une chance de gagner et
enfin, celles qui sont imprenables. Les deux premières sont, généralement, réservées aux
candidats hommes. Dans le premier cas, la majorité des député.e.s sortant.e.s sont des
31
Figure 1
18
hommes et donc ils sont reconduits. Dans le deuxième cas, les partis préfèrent « investir des
élus locaux enracinés ou d’anciens députés battus en 1997 »32, donc des hommes, car
l’entrée massive des femmes en politique est relativement récente. Etant donné que les
partis politiques n’ont pas intérêt à être sanctionnés, le dernier type de circonscription est
attribué, par défaut, aux femmes.
Dans le cas de Monique Rabin, le fait que le PS lui réserve la neuvième circonscription
est à double tranchant car en étant réservée pour une femme, cela lui en facilite l’accès.
Cependant, la neuvième circonscription est un bastion de droite et est donc difficilement
gagnable. Depuis 1986, date de sa création, la circonscription a toujours élu un député de
droite : Lucien Richard 1988 à 1993, Pierre Hériaud de 1993 à 2007 et Philippe Boënnec de
2007 à 2012. De fait, Monique Rabin est battue aux élections législatives de 2002 et de
2007.
Il existe des améliorations au sein de l’Assemblée nationale mais elles sont limitées par
les stratégies adoptées par les partis politiques de gouvernement, particulièrement, Les
Républicains. Les partis permettent aux hommes de garder les positions les plus
prestigieuses. Etre député, c’est « un métier d’homme »33. Ces stratégies mettent en lumière
l’importance du rôle des partis politiques dans la sélection des candidats aux postes électifs.
Or dans les partis politiques, les femmes sont sous-représentées. En 2011, au PS, les
femmes représentaient environ 30% des effectifs partisans34. Certes, le nombre de femmes
encartées est en constante progression depuis la Cinquième République, mais de manière
lente et inachevée. De plus, soumis aux lois sur la parité, les partis politiques cherchent des
femmes « profanes » qui émanent de la société civile et non des militantes encartées de
longue date. Pour comprendre cela, il faut rappeler que les lois sur la parité ont été prises
dans un contexte de crise de la représentation. En facilitant l’accès des femmes à la sphère
politique, les lois avaient pour objectif de renouveler le personnel politique, c’est-à-dire,
mieux représenter la société civile.
Monique Rabin est au Parti socialiste, mais elle y est entrée tardivement et, à part
secrétaire de section au niveau local, n’y détient pas de position importante. Dans les années
32
ZIMMERMANN Marie-Jo, Pourquoi la parité en politique reste-t-elle un enjeu pour la démocratie
française ?, Délégation aux droits des femmes, rapport au Premier ministre, 2003, pp.1-98, p11
33
ACHIN Catherine, « Un “métier d'hommes” ? Les représentations du métier de député à l'épreuve de sa
féminisation », Revue française de science politique, vol.55, 2005, pp. 477-499
34
PETITFILS Anne-Sophie, « Partis politiques », in Catherine Achin et al., Dictionnaire. Genre et science
politique, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) « Références », 2013, pp. 382-394, p. 383
19
1980, pendant douze ans, Monique Rabin est la collaboratrice d’Edmond Hervé qui est
maire et député socialiste. Cependant, elle n’a pris sa carte au Parti socialiste qu’en 1998,
notamment pour des raisons liées au contexte politique local philibertin. En 1998, Stéphan
Beaugé gagne les élections cantonales contre Michel Lepri, maire de Saint Philbert à
l’époque. Monique Rabin s’engage en politique, en partie, en réaction à l’élection de
Stéphan Beaugé. Ce dernier est nouveau dans le paysage politique philibertin. Monique
Rabin déplore ses pratiques politiques pendant la campagne électorale et le fait qu’il
n’indique pas sa couleur politique dans un premier temps : « en 1998 avec l’arrivée de
Beaugé à Saint Philbert, le soir de son élection, j’ai vu des gens de gauche et des gens du
Front national à sa permanence en train de trinquer ». De plus, elle est consciente que les
partis politiques ont un rôle déterminant dans la sélection des candidats : « […] dans la
plupart des pays, c’est le système des partis. C’est cela qui t’emmène au pouvoir et ensuite,
ce sont les partis qui sont reconnus à l’Assemblée et c’est vrai que ceux qui n’ont pas de
parti qui sont non-inscrits, ils n’ont pas de parole entendue ». Elle adhère à celui qui est le
plus proche idéologiquement sans pour autant s’y investir complétement.
Sur le papier, la parité est considérée comme une valeur importante qu’il faut respecter.
Cependant, concernant les élections législatives, les partis politiques contournent l’esprit de
la loi qui n’est pas assez contraignante à leurs égards. Quels sont, alors, les autres
paramètres qui influencent ces élections, qui peuvent expliquer pourquoi ces élections ne
sont pas propices aux femmes et pourquoi parfois certaines femmes sont élues ?
B. Les particularités des élections législatives : des atouts ou des
obstacles pour les candidates
Les lois sur la parité ont pour objectif de permettre aux femmes d’accéder plus
facilement à l’Assemblée nationale. Cependant, d’autres critères pesant sur l’éligibilité
peuvent freiner ou favoriser l’élection d’une femme à la députation. Et effet, bien que
Monique Rabin ait bénéficié des lois sur la parité, elle a pu connaître d’autres éléments qui
ont facilité ou freiné son élection aux législatives comme le prestige de la fonction de
député, le scrutin uninominal, le résultat de l’élection présidentielle ou le contexte politique
local.
20
1. Une fonction difficile à atteindre et à endosser pour les femmes
La fonction de député.e est ancienne et prestigieuse et donc très convoitée, de plus, les
élections législatives sont au scrutin uninominal. Du fait que les femmes se sentent moins
compétentes, ces différents facteurs sont de véritables obstacles à leurs élections.
a. Une fonction ancienne et prestigieuse très convoitée
L’Assemblée nationale reste l’une des assemblées « les plus anciennes et les plus
convoitées dans le cursus honorum classique de la professionnalisation politique »35.
L’Assemblée nationale est l’une des institutions françaises les plus datées : elle est née avec
la révolution. A la fin du XVIIIe, la France est touchée par une crise financière et le peuple
refuse de payer des impôts. Le roi Louis XVI suggère que le peuple élise des représentants
pour débloquer la situation. Lorsque ces représentants sont élus, ils s’opposent au roi et se
proclament Assemblée nationale le 17 juin 1789. Au cours des divers régimes politiques qui
suivent, cette institution détient le pouvoir législatif avec plus ou moins de marge de
manœuvre. Cependant, son nom varie et cette institution est définitivement nommée
Assemblée nationale en 1946. Elle possède un poids et un prestige dans la vie politique
française : c’est la première institution « démocratique ». Cependant, il faut rappeler qu’elle
s’est affaiblie face aux organes de l’exécutif sous la Cinquième République36.
Devenir député est une étape importante dans une carrière politique et notamment
pour les « professionnels de la politique ». Selon Max Weber, ce sont ceux qui « vivent pour
et de la politique ». En d’autres termes, la politique est alors considérée comme un métier.
Les hommes et femmes politiques y consacrent la majorité de leur temps sans occuper
d’emploi à côté, elles et ils progressent dans une hiérarchie de postes et elles et ils sont
indemnisé.e.s. Dans ce système hiérarchique, la fonction de député.e est convoitée et la
majorité des député.e.s sont des professionnel.le.s de la politique. En effet, de nombreux et
de nombreuses député.e.s ont déjà acquis une expérience politique et accéder à ce poste
s’inscrit dans la continuité de leur carrière politique. Ils ont, auparavant, exercé un ou
plusieurs mandats ou cumulent plusieurs mandats dont celui de député : en 2012, 82% des
35
ACHIN Catherine, LÉVÊQUE Sandrine, « Femmes et hommes en politique : comprendre la différence… »,
Médiapart, Sociologie politique des élections, 2012
36
Secrétariat général de l’Assemblée nationale, Bienvenue à l’Assemblée nationale, 2014, Flyer explicatif
21
député.es exercent au moins un autre mandat électif37. Faire de la politique devient ici une
fin en soi et un moyen de subsistance.
Le prestige et l’ancienneté liés à la fonction de député.e participent-ils à la lente
progression des femmes à l’Assemblée nationale ? Le processus de professionnalisation se
déroule sur un temps « long ». En d’autres termes, il faut exercer différents mandats avant
de pouvoir candidater aux élections législatives. Or, les femmes sont entrées, récemment,
massivement dans le champ politique, elles sont donc moins nombreuses à être des
professionnelles de la politique. Les partis politiques, acteurs décisifs dans la sélection des
candidatures aux élections législatives, privilégient les professionnels de la politique, c’està-dire, les hommes.
Monique Rabin est élue députée aux élections législatives de 2012. A-t-elle gagné
grâce aux lois sur la parité ou car elle est devenue une professionnelle de la politique au
même titre que les hommes ? Il est important de rappeler qu’elle se présente pour la
troisième fois aux élections législatives avant d’être élue. Auparavant, elle a exercé d’autres
fonctions politiques : maire à Saint Philbert de Grand Lieu de 2008 à 2014, conseillère et
vice-présidente au Conseil régional des Pays de la Loire de 2004 à 2012. Comme l’explique
Monique Rabin en entretien, cela a été un atout pour les élections législatives : « […] il y a
le fait que je m’étais faite connaître par la région et cetera. ». Progressivement, elle s’est
implantée dans le paysage politique du Pays de Retz. Les lois sur la parité semblent
participer à son entrée à l’hémicycle. Cependant, il est difficile de connaître le véritable
impact de ces lois car le contexte politique local38 est particulier. En effet, est-ce grâce à ces
lois que Monique Rabin est élue députée ? Ou bien, comme la circonscription est un bastion
de droite, peu d’hommes socialistes se sont investis et ont concurrencé Monique Rabin et
cette dernière, au cours des différents mandats locaux qu’elle a exercés, est devenue une
candidate sérieuse ?
b. Le scrutin uninominal, un réel obstacle ?
Les élections législatives se déroulent au scrutin uninominal à deux tours. L’électeur
vote pour une ou un candidat.e et sa ou son suppléant.e. Lors du premier tour, la ou le
candidat.e doit obtenir la majorité absolue. Si elle ou il ne l’atteint pas, lors du second tour,
37
Cumul des mandats : une pratique restreinte à compter de 2017, Vie publique. Au cœur du débat public,
2015, dossier d’actualité. Disponible sur : http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/cumul-mandats2017/cumul-mandats-pratique-restreinte-compter-2017.html
38
Développé dans les I.B.2.b et II.B.3
22
elle ou il peut être élu.e à la majorité relative. La grande différence avec le scrutin de liste
est donc que l’électeur vote pour une seule personne. Cette dernière est seule à faire
campagne, il n’existe pas de dynamique de groupe. La compétition politique est plus dure
dans le sens où une personne est élue sur ses ressources personnelles et donc peut également
être attaquée personnellement.
La faible présence de candidates aux élections législatives semble être amplifiée par
le mode de scrutin. Laure Bereni et Eléonore Lépinard39 défendent l’idée que le scrutin
uninominal est un frein à l’investissement des partis politiques à soutenir les candidatures
des femmes. Les partis politiques préfèrent les hommes qui ont de l’expérience due à leur
implantation ancienne en politique ou qui militent de manière importante depuis de
nombreuses années. Cependant, le cas de la Grande-Bretagne vient nuancer l’idée que le
scrutin uninominal est un obstacle pour les partis politiques à soutenir la candidature des
femmes. Dans ce pays, le parti travailliste a mis en place une politique volontariste qui
consiste à présenter un binôme composé d’une femme et d’un homme pour chaque
circonscription. Bien que le scrutin uninominal désavantage les femmes, la volonté politique
est également une source de l’inégalité entre les sexes aux élections législatives.
En 2002, la première fois que Monique Rabin s’est présentée aux élections
législatives, elle m’a expliqué qu’elle n’appréciait pas de se voir sur les affiches en gros
plan, toute seule et dans toute la circonscription40. Avant ces élections, elle s’est présentée
seulement à celles de 2001 comme maire. Entre ces deux élections, l’engagement est
différent car en 2001, elle est soutenue par une équipe et cela même sur les affiches. Pour un
candidat, une élection à scrutin uninominal est un pas important.
c. Le sentiment de compétence
La compétition des élections législatives peut s’avérer forte du fait des
caractéristiques développées ci-dessus. Cela peut également freiner les femmes à se
présenter. Dans l’ouvrage Sexes, genre et politique41, il est indiqué que, même si la variable
genre n’est pas en elle-seule explicative, elle a des effets directs sur le sentiment de
compétence. Les femmes se sentent souvent moins compétentes ou, du moins, l’expriment
39
BERENI Laure, LÉPINARD Éléonore, « “Les femmes ne sont pas une catégorie” les stratégies de
légitimation de la parité en France », Revue française de science politique, vol.54, 2004, pp. 71-98, p.22
40
Carnet de terrain
41
ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.184,
pp.111-115
23
plus facilement que les hommes. Comme développé ci-dessus, les femmes sont souvent des
« profanes » ou plutôt ne sont pas des professionnelles de la politique. Comme l’explique
Christine Guionnet dans son article « Entrée de femme en politique. L’irréductibilité du
genre à l’heure de la parité »42, les variables genre et nouveaux entrants s’imbriquent. En
effet, les femmes ont un sentiment d’incompétence autant dû à leur nouvelle position qu’à
leur identité féminine. La sphère politique caractérisée par une domination masculine
engendre une « violence symbolique » qui permet aux hommes de « développer des
dispositions à la professionnalisation politique » et qui entraîne les femmes à des « logiques
d’auto-exclusion »43. Ce sentiment peut s’accroître pour les élections législatives car ce sont
des élections prestigieuses, convoitées et à scrutin uninominal.
Monique Rabin explique qu’elle rencontre des femmes qui se sentent incompétentes
pour se présenter à des élections et elle essaie de leur montrer que cela est possible par son
parcours. « [J’ai] essayé de susciter des vocations chez des sympathisantes, chez des
militantes […] qui ne veulent jamais se mettre dans les listes parce qu’elles estiment
qu’elles ne sont pas assez… enfin, ce que j’éprouvais moi-même avant de m’engager c’està-dire “ non ce n’est pas de mon niveau, je ne suis pas faite pour ça, je ne vais pas y
arriver”. On se dévalorise énormément, et donc je suis allée pour essayer d’aider des
femmes à se dire que oui c’était pour elles aussi. Je pense que je suis assez convaincante. ».
En effet, Monique Rabin est convaincante au vu de son parcours. Dès le début, Monique
Rabin a été celle qui mobilise, qui rassemble. Aux premières élections auxquelles elle
participe, elle se présente en tête de liste. Personne ne vient la « chercher ». Contrairement à
une grande partie des femmes qui s’engagent en politique en 2001, elle n’est pas sollicitée
par un parti politique pour respecter les quotas paritaires.
A côté des stratégies des partis politiques, une autre explication à la faible présence des
femmes en politique est qu’elles s’excluent elles-mêmes.
2. Les contextes politiques nationaux et locaux
a. Poids de l’élection présidentielle, paramètre à géométrie variable
Un autre paramètre qui pèse sur les élections législatives est l’élection présidentielle. Le
résultat des élections législatives dépend de celui de l’élection présidentielle. Cela est dû à
42
GUIONNET Christine, « Entrées des femmes en politique. L’irréductibilité du genre à l’heure de la parité »,
Politix, 2002, vol 15, n°15, pp.113-146
43
ACHIN Catherine et LÉVÊQUE Sandrine, Femmes en politique, Paris, La Découverte, « Collection
Repères », 2006, pp.1-122, p.76
24
l’histoire ainsi qu’à la dernière révision constitutionnelle concernant l’élection
présidentielle.
Selon le principe de la séparation des pouvoirs, l’Assemblée nationale incarne le pouvoir
législatif au côté du pouvoir exécutif détenu par le Président de la République, le Premier
ministre et le gouvernement et du pouvoir judiciaire détenu par les tribunaux, les différentes
juridictions. Historiquement, sous la Troisième et la Quatrième République, le Parlement est
un organe fort, le régime politique français est qualifié de parlementaire. Mais du fait des
instabilités parlementaires qui créent des blocages, sous la Cinquième République, le
Parlement est affaibli au profit du pouvoir exécutif. Le régime français est appelé « semiprésidentiel ». Pour pouvoir gouverner, le Président de la République doit avoir une majorité
à l’Assemblée nationale. L’hypothèse suivante est donc que la couleur politique du
Président influence les élections législatives. Cependant, la France a connu des cas de
cohabitation qui est l’une des raisons de la réforme constitutionnelle relative à la durée du
mandat présidentiel. La loi constitutionnelle du 2 octobre 2000 modifie la durée de ce
mandat. Il passe d’une durée de sept ans à une durée de cinq ans comme celui des députés.
Ainsi, les cycles électoraux concordent. Par conséquent, l’élection présidentielle est suivie
des élections législatives quelques semaines plus tard. Selon Sylvain Brouard et Eric
Kerrouche, cela correspond au « phénomène de lune de miel parlementaire »44, c’est-à-dire
que les élections législatives deviennent une formalité par rapport à l’élection présidentielle.
Depuis la révision constitutionnelle, la majorité parlementaire a toujours été de la même
couleur politique que celle du Président qui a été élu quelques semaines auparavant. Cela
contribue à affaiblir un peu plus le Parlement face à l’exécutif. Ce phénomène n’a pas
d’impact direct sur le genre mais sur l’identification partisane. En fonction du contexte
politique national, une personne de droite ou de gauche est plus facilement élue au niveau
de la circonscription.
Pour les dernières élections législatives, dans le cas de Monique Rabin, le contexte
politique national lui est favorable. En 2012, François Hollande, candidat du Parti socialiste
est élu avec 51,64%45 des voix contre Nicolas Sarkozy. Au niveau de la neuvième
circonscription de Loire-Atlantique, Nicolas Sarkozy est devant de quelques voix. Il obtient
44
BROUARD Sylvain et KERROUCHE Éric, « L'effet candidat lors des élections parlementaires. L'exemple
des élections législatives 2012 en France », Revue française de science politique, vol.63, 2013, pp. 1113-1136,
p. 1116
45
Centre de données socio-politique, Accueil résultats électoraux en France, Science Po. Disponible sur :
https://cdsp.sciences-po.fr/AE.php
25
50,17% des voix et François Hollande 49,83%. Cependant, depuis que la neuvième
circonscription existe, le contexte de 2012 est le contexte le plus favorables qu’aient connu
les élus de gauche. Etant donné que la circonscription a été créée en 1986, la première
élection présidentielle qu’elle a connue est celle de 1988. Il est important de signaler que la
neuvième circonscription depuis sa création n’a jamais élu ni de député ni de président de
gauche. Lors de l’élection présidentielle de François Mitterrand en 1988, les habitants de la
circonscription votent en majorité pour son adversaire. Jacques Chirac obtient 52,59% et
François Mitterrand 47,41%. Au niveau national, le score est le suivant : François
Mitterrand a 53,98% et Jacques Chirac 46,02%. Concernant les élections présidentielles
plus récentes, le contexte était le même. En 2007, Ségolène Royal a reçu 46% des votes sur
la circonscription et en 2002, aucun candidat de gauche était au second tour à la
présidentielle. Par rapport aux élections passées, en 2012, le résultat de la circonscription à
l’élection présidentielle est donc plutôt encourageant pour Monique Rabin.
Sylvain Brouard et Eric Kerrouche indiquent que ce ne sont pas les seuls facteurs qui
influencent l’élection d’un ou d’une député.e. Il existe des facteurs plus locaux et qui
s’attachent à la personne du candidat.
b. Le contexte local : influence des différents acteurs
Les circonscriptions ont, parfois, tendance à voter plus à gauche ou plus à droite.
Comme exposé dans le grand A, les partis politiques adoptent une ligne de conduite en
fonction du vote des électeurs sur une circonscription. Souvent, les femmes sont donc
confrontées à des contextes locaux politiquement complexes.
Le contexte politique de la neuvième circonscription semble particulièrement
difficile pour une candidate ou un candidat de gauche. En effet, cette circonscription est un
bastion de droite. Les électeurs n’ont jamais voté dans leur majorité ni pour un Président de
la République de gauche, ni pour un député de gauche. Il est important de décrire la
neuvième circonscription pour comprendre le contexte dans lequel ont lieu les élections
législatives de 2012. Son découpage date de 198646 et correspond au territoire du Pays de
Retz. Elle compte 137 216 habitants47 et trente-sept communes48. La circonscription est
46
La neuvième circonscription a été créée par la loi de 1986 relative à la délimitation des circonscriptions pour
l’élection des députés.
47
INSEE,
Loire-Atlantique
–
9e
circonscription,
2008.
Disponible
sur :
http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?reg_id=0&ref_id=circo_leg-2012&page=donneesdetaillees/circo_leg/circo_leg-2012/tableau/circo_leg_44_9.htm
26
relativement grande, elle s’étend du littoral : de Paimboeuf aux Moutiers en Retz, au canton
de Grand Lieu et des limites de l’agglomération nantaises aux frontières du département de
la Vendée49. Par ailleurs, ce territoire est marqué par la ruralité. La plus grande ville est
Pornic avec un peu moins de 14 000 habitants50. En outre, en 2012, 1,7%51 de la population
de plus de 15 ans sont des agriculteurs exploitants sur la circonscription. Or la moyenne
nationale est d’environ 1%52. Selon Monique Rabin53, la circonscription est un territoire
assez hétérogène. Elle est composée d’une partie anciennement ouvrière relativement
proche de Nantes, un littoral où le tourisme est important l’été et où la population est plus
âgée et à la retraite et une autre partie plus rurale avec un « esprit vendéen ». Lors de
l’entretien, Monique Rabin décrit la circonscription comme « conservatrice » c’est-à-dire
« plus fort que dire à droite [voulant] conserver la vie d’avant ». Par conséquent, la
circonscription n’est pas forcément propice à des idées de gauche souvent progressistes. De
plus, selon les travaux de Lazarfeld et son équipe54 qui ont été depuis enrichis, l’une des
explications du vote est qu’il est déterminé par la position sociale des électeurs. Ils montrent
notamment que les populations rurales ont plus tendance à voter à droite qu’à gauche. Or la
neuvième circonscription est un milieu rural. Par conséquent, l’élection de la ou du
candidat.e du parti socialiste est particulièrement difficile sur la circonscription. Cependant,
Monique Rabin a été élue aux élections législatives de 2012. Il est important de souligner
que c’est la première femme députée et la première députée socialiste du Pays de Retz.
La question est de savoir comment Monique Rabin a gagné les élections législatives
dans un bastion de droite conservateur ? Différents facteurs entrent en jeu dont le contexte
politique du Pays de Retz. Le candidat de l’UMP opposé à Monique Rabin est Philippe
48
La loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) qui comprend
notamment la fusion des communes est prise en compte dans les chiffres.
49
50
Annexe 1
INSEE,
Commune
de
Pornic,
2012.
Disponible
sur :
http://www.insee.fr/fr/themes/comparateur.asp?codgeo=COM-44131
51
INSEE,
Loire-Atlantique
–
9e
circonscription,
2008.
Disponible
sur :
http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?reg_id=0&ref_id=circo_leg-2012&page=donneesdetaillees/circo_leg/circo_leg-2012/tableau/circo_leg_44_9.htm
52
INSEE, Population de 15 ans ou plus selon la catégorie socioprofessionnelle en 2014, 2014. Disponible
sur : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF02135%C2
53
Carnet de terrain, le 12 janvier 2016
54
BENELSON Bernard, GAUDET Hezel et LAZARSFELD Paul, The people’s choice. How the voter makes
up his mind in a presidential campaign, New York, Columbia University Press, 1940
27
Boënnec, maire de Pornic et député sortant et dont le suppléant est Stéphan Beaugé,
candidat de l’opposition à Saint Philbert de Grand Lieu. Bien que le ou la député.e sortant.e
ait plus de chance d’être réélu.e, Philippe Boënnec a été battu aux élections législatives de
2012. Lors du premier tour, Monique Rabin est arrivée en première position avec quelques
voix d’avance devant Philippe Boënnec. Elle a obtenu 37,99% et son adversaire 37,01%.
Marguerite Lussaud, candidate du Front national est arrivée en troisième position avec
9,38%. Le reste des candidats ont fait des petits scores de 4% ou moins. Suite au premier
tour, Philippe Boënnec est donc en ballotage. Et dans l’entre-deux tours, il appelle les
électeurs du Front national à voter pour lui55. Cet appel peut être considéré comme l’une des
raisons de sa non réélection. Ce geste a eu beaucoup d’impact comme le titre Ouest France,
le jeudi 14 juin 2012, « Législative. Tempête politique en Pays de Retz »56. Différentes
personnalités à gauche mais aussi au centre-droit ont été choquées. Dominique Potier,
candidat de « Debout la République »57 ainsi que Jean-Michel Pollono, candidat du Centre
national des indépendants et des paysans, plutôt conservateur et traditionnel, ont dénoncé et
condamné le comportement de Philippe Boënnec. Dans la presse, Monique Rabin explique
que « son adversaire a commis une faute, en draguant le Front National »58.
Au terme de cette première partie, on peut donc dire que différentes règles et enjeux
entourent les élections législatives. Les lois sur la parité tentent de pallier les désavantages
auxquels sont confrontées les femmes pour devenir députées. Cependant, ces lois sont
limitées et ne semblent pas faire face aux nombreux freins comme la volonté des partis
politiques ou aux éléments indépendants comme le poids des contextes nationaux et locaux.
A travers l’exemple de Monique Rabin, ces différents éléments ont pu être évoqués et
nuancés. Comme beaucoup de députées, Monique Rabin n’a pas été élue seulement grâce
aux lois sur la parité. Il faut, maintenant, étudier les différentes trajectoires des député.e.s
pour comprendre pourquoi les femmes sont moins présentes à l’Assemblée nationale et
comment une personne devient un.e professionnel.le de la politique.
55
Annexe 2
56
ARRAY, « Législative. Tempête politique en Pays de Retz », Ouest France, 2012
57
C’est le parti politique de Nicolas Dupont-Aignan.
58
BOURSIER Nadine, COURAUD Marylise, « Pornic-Pays de Retz (9e) : historique, une députée de gauche
rafle un bastion de la droite », Ouest France, 2012
28
II.
LE PROFIL ET LA TRAJECTOIRE DES FEMMES
DEPUTEES : LE CAS DE MONIQUE RABIN
Les effets des lois sur la parité sont relatifs concernant les mandats « dominants »59 dont
celui de député.e. Dans un parcours politique, quels sont les facteurs liés à la personne de la
candidate qui favorisent ou freinent son accès à l’Assemblée nationale ? La vie familiale, les
ressources professionnelles ainsi que l’exercice de mandats politiques sont des éléments
déterminants dans une trajectoire politique.
A. La vie familiale, un élément décisif pour les femmes députées
Selon Anne Muxel, la socialisation politique commence dès l’enfance. Le contexte
familial a un impact dans la construction de son lien à la politique. Quel est-il pour les
femmes politiques ? De plus, la vie familiale : être mariée, avoir des enfants influence
l’investissement politique des femmes.
1. Socialisation primaire des femmes députées
Une personne construit son rapport à la politique dès son enfance. L’environnement
familial sollicite plus ou moins l’intérêt de l’enfant à la politique. Anne Muxel observe que
les garçons sont souvent plus poussés à s’y intéresser que les filles. Leurs socialisations
politiques diffèrent et sont inégales. Michel Castra définit la socialisation comme « les
mécanismes de transmission de la culture ainsi que la manière dont les individus reçoivent
cette transmission et intériorisent les valeurs, les normes et les rôles qui régissent le
fonctionnement de la vie sociale60 ». Les auteur.e.s Sylvie Pionchon et Grégory Derville ont,
plus précisément, étudié la socialisation des femmes politiques. Ils indiquent qu’elles ont
une « socialisation atypique ». « En effet, la socialisation de genre, productrice d’inégalités
amène les femmes à intégrer un rôle social qui les exclut de la sphère politique. Ainsi, pour
ces auteurs, les femmes politiques auraient été socialisées à partir d’un “projet parental
masculin” qui leur assigne “la place du garçon” ce qui leur permettrait “d’acquérir une plus
59
ACHIN Catherine, « Les « liaisons paradoxales » : genre, ordre politique et ordre social en France et en
Allemagne », Raisons politiques, vol.15, 2004, pp. 85-96, p.90
60
CASTRA Michel, « Socialisation », Sociologie, Disponible sur : https://sociologie.revues.org/1992
29
grande ambition, condition sine qua non pour affronter la compétition pour les postes de
pouvoir”»61.
Monique Rabin est l’aînée d’une fratrie de quatre filles. Or, aujourd’hui, elles sont
presque toutes engagées politiquement : « Si je vois le bilan aujourd’hui, en 2014, moi, je
me présentais comme tête de liste dans une mairie. Ma sœur Annick, juste après moi, elle
était dans une liste mais en position non éligible à Château Gonthier et ma sœur Chantal
dans une commune de la banlieue de Rennes, elle était dans une liste en position éligible
elle. »62. Dans leurs travaux, Anne-Marie Daune-Richard et Catherine Marry63 montrent que
les filles qui suivent des études de BTS et DUT techniques dans des secteurs dits
« masculins » sont investies « comme des garçons » par leur famille notamment leur père,
c’est-à-dire, qu’elles endossent des rôles plutôt considérés sociologiquement comme
masculins dans la sphère familiale. Ces filles considérées comme des transfuges occupent
cette place pour différentes raisons dont l’absence physique d’un frère. Comme les filières
techniques et scientifiques, la politique est une sphère où les hommes sont plus présents que
les femmes. L’engagement politique de Monique Rabin et de ses sœurs peut s’expliquer par
le fait qu’elles ont été élevées au sein d’une fratrie de sœurs. En l’absence de fils, les
attentes parentales qui sont plus fortes à l’encontre des garçons, se sont reportées sur les
filles : « le fait qu’on n’ait pas de frère, je pense que ça les a aidés à nous donner une vraie
place ». Monique Rabin a la spécificité d’être l’ainée. De plus, comme elles n’ont pas de
frère, les rôles sexués sont moins appuyés dans la famille et donc elles ont peut-être moins
intériorisé la division sexuée de l’ordre social. Par exemple, Monique Rabin explique dans
son entretien qu’elle et ses sœurs faisaient beaucoup de sport, ce qui à l’époque était
singulier pour les filles - l’entourage de la famille le faisait d’ailleurs remarquer. Ses parents
et notamment son père l’ont laissée vivre sa vie, qu’elle soit une femme ne changeait rien.
Les parents de Monique Rabin ne sont pas particulièrement engagés politiquement.
Cependant, le père de Monique Rabin aurait voulu être instituteur. Or il a dû reprendre le
commerce de ses parents. Il reporte ses projets sur Monique Rabin et ses sœurs. Les parents
61
Groupe de travail « Parité politique », Parité : une culture à développer. Enquête auprès des candidates des
élections législatives de 2012. », Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Tome 2, juillet
2012, pp.1-64, p.8
62
Entretien de Monique Rabin
63
DAUNE-RICHARD Anne-Marie et MARRY Catherine, « Autres histoires de transfuges ? Le cas de jeunes
filles inscrites dans des formations ‟masculines” de BTS et de DUT industriels », Formation Emploi, vol.29,
n°1, 1990, pp.35-50
30
de Monique Rabin veulent que leurs filles fassent des études. Elle explique qu’« il y avait
une ambiance à la maison où les études avaient beaucoup d’importance ». Monique Rabin
est l’une des premières de son quartier à avoir le baccalauréat. Par ailleurs, Monique Rabin
indique qu’elle a été presque à chaque fois déléguée de classe ce qui a fait naître un
sentiment de responsabilité selon elle. On peut supposer que cela a participé à ce que
Monique Rabin s’engage en politique.
2. La disponibilité, un critère décisif pour être député.e
La disponibilité est un facteur important pour s’investir en politique. Or les femmes sont
souvent moins disponibles que les hommes. Cette situation fait écho à l’inégale disponibilité
des femmes et des hommes dans le champ professionnel. Selon la division des tâches
sexuées, les femmes sont assignées au travail reproductif, en lien avec la sphère familiale et
les hommes au travail productif, ce qui a trait à la sphère professionnelle64. Cette division du
travail s’illustre par l’inégale répartition des tâches domestiques entre les hommes et les
femmes. En 2010, par jour, les femmes consacrent environ quatre heures aux tâches
domestiques : ménage, courses, soins des enfants, jardinage et bricolage contre deux heures
quinze pour les hommes65. Contrairement aux hommes, la majorité des femmes qui ont un
emploi sont donc tributaires de la « double journée ». Elles doivent réussir à articuler leur
vie professionnelle et leur vie familiale. Les femmes sont confrontées au même problème
pour s’investir en politique. Cela nécessite du temps, or celles qui travaillent et qui ont des
enfants ont peu de disponibilité à consacrer à la politique. C’est pourquoi les femmes sont
souvent écartées ou leur entrée en politique est retardée66. Il existe un autre cas de figure :
les femmes qui n’ont pas d’enfant. Dans son livre, Catherine Achin67 explique que les
députées sont plus souvent célibataires que les hommes : « 29% vivent seules, contre
seulement 8% des députés » et ont moins d’enfants : 19% n’en ont pas, contre 10%.
64
BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études
sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.174
65
RICROCH Layla, « En 25 ans, moins de tâches domestiques pour les femmes, l’écart de situation avec les
hommes se réduit », Regards sur la parité, INSEE, 2012, pp.1-15, p.4
66
DULONG Delphine et MATONTI Frédérique, « Comment devenir un(e) professionnel(le) de la politique ?
» L'apprentissage des rôles au Conseil régional d’Île-de-France, Sociétés & Représentations, n° 24, 2007, pp.
251-267, p.267
67
ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.1-184,
p.87
31
Monique Rabin est relativement disponible. Tout d’abord, elle n’a pas d’enfants. De
plus, elle est particulièrement soutenue par son mari. Depuis plusieurs années, il ne travaille
plus pour des raisons de santé. Cela permet une meilleure répartition des tâches ménagères.
Elle évoque même un inversement des rôles dans les tâches domestiques depuis qu’elle est
investie en politique et qu’il ne travaille plus : « Denis est devenu homme au foyer, c’est lui
qui prépare à manger et qui m’attend »68. Qui-plus-est, son mari est un véritable soutien
dans sa carrière politique. Les collaboratrices69 ont, à différentes reprises, évoqué le travail
de Denis Rabin comme s’il était un collaborateur à part entière. Ses compétences lui
permettent d’être une aide dans certains domaines comme la compilation des contacts. De
même, lors de son entretien, Monique Rabin évoque le soutien de son mari lors des
campagnes électorales70, par exemple ; il participe aux tractations et est souvent présent aux
réunions publiques organisées par Monique Rabin.
La vie professionnelle de Monique Rabin lui permet également de s’investir en
politique. Depuis 1982, incitée par la mise en place d’un dispositif par la mairie de Rennes,
elle ne travaille pas à temps plein : « J’ai toujours travaillé maximum trente-deux heures
enfin quatre jours. ». A la mairie de Rennes, un dispositif lié au temps de travail est mis en
place : le contrat de solidarité, et incite les agents à travailler en temps partiel. En entretien,
elle détaille ce contrat de solidarité : « il a été décidé de proposer aux personnes de
travailler trente-deux heures par solidarité pour permettre à la ville d’embaucher. Pour
cinq personnes qui prenaient à temps partiel, il y avait une embauche. Et pour nous
encourager à travailler moins, […] on était payé 87,5% […] pour 80% travaillé donc ça a
été incitateur ». Enfin, à partir de 2008, quand elle devient maire, elle prend sa retraite, de
manière anticipée, en raison des problèmes de santé de son mari. Dans ce cadre, elle peut
pleinement s’investir en politique.
Une « socialisation atypique », une disponibilité importante et le soutien de sa famille
sont des avantages importants pour une femme quand elle veut accéder au Parlement.
Cependant, d’autres critères entrent en jeu.
68
Carnet de terrain, le 22 janvier 2016, discussion informelle avec Monique Rabin et certaines de ses
collaboratrices
69
Carnet de terrain, le 27 janvier, discussion informelle avec Linda L., collaboratrice de Monique Rabin
70
Entretien de Monique Rabin
32
B. Les ressources mobilisées pour devenir députée, une professionnelle
de la politique
Pour devenir député.e, il faut être un.e professionnel.le de la politique. Certaines
ressources sont donc nécessaires. Cependant, sont-elles accessibles à toutes et à tous ?
1. Les ressources politiques conventionnelles : l’origine sociale, le niveau de
diplôme, le statut professionnel71 ainsi que les ressources partisanes
Les député.e.s reflètent-ils et reflètent-elles la population active tant concernant l’origine
sociale, le niveau de diplôme et le statut professionnel ? Ces variables sont souvent liées,
c’est pourquoi, seul le niveau d’étude et les professions exercées sont détaillés.
Figure 2, Graphique relatif aux catégories socio-professionnelles des député.e.s en 2007
et 2012 par rapport à la population (en%)
Source KESLASSY Eric et INSEE. Disponible sur :
http://parlement.blog.lemonde.fr/2012/11/25/surprise-les-deputes-ne-sont-pas-representatifs-de-la-population/
71
BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études
sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.231
33
En 2007, 20% des député.e.s n’ont pas fait d’études supérieures courtes ou longues 72.
Etant donné qu’en 2012, la moyenne d’âge des député.e.s est de 54,6 ans73, le chiffre retenu
concerne la tranche d’âge des 50-64 ans. Sur la population générale de cette tranche, les
personnes qui n’ont pas réalisé d’études supérieures courtes ou longues représentent 70%.
Ainsi, les député.e.s ont un niveau de diplôme plus élevé par rapport à la population
générale. Par ailleurs, en 2012, 81,5% des député.e.s appartiennent à la catégorie des cadres
et professions intellectuelles supérieures alors qu’en 2010, seuls 16,7% de la population
active appartenait à cette catégorie. Dans l’hémicycle, 0,2% des député.e.s sont des ouvriers
et des ouvrières et 2,4% des employé.e.s, contre respectivement 21,3% et 28,9% de la
population active. Les cadres et professions intellectuelles supérieures sont surreprésentés à
l’Assemblée nationale et les ouvriers et ouvrières et employé.e.s sont sous-représenté.e.s. Le
niveau de diplôme et les professions exercées par les député.e.s ne sont pas représentatifs de
la population. Selon la profession exercée, une personne a plus ou moins de chance de
devenir député.e. En effet, certaines compétences ou ressources professionnelles sont plus
facilement convertibles en ressource politique. Par exemple, les cadres ont comme mission
de décider et convaincre. Ils développent donc des compétences et des qualités relatives à
cette tâche. Ces ressources sont facilement transposables pour le métier de politique. Par
ailleurs, en fonction de la profession exercée, une personne est plus ou moins disponible et
récupère ou non son emploi à la fin du mandat. Ces deux paramètres influencent une
personne dans son investissement en politique. Par exemple, les fonctionnaires sont assurés
de retrouver leur emploi à la fin de leur mandat, contrairement, aux ouvriers et ouvrières ou
aux employé.e.s. Pour devenir député.e.s, certaines ressources sont plus utiles que d’autres
et il existe des voies privilégiées pour accéder à cette fonction.
Quelles sont ces filières qui permettent d’atteindre la fonction de député.e et valent-elles
également pour les femmes ou est-ce un handicap pour ces dernières qui expliquerait leur
sous-représentation ? Mattei Dogan distingue trois types de filières traditionnelles d’accès
au mandat de député en lien avec les origines sociales, le niveau de diplôme, la profession
exercée et les ressources partisanes. Tout d’abord, la plus ancienne est la filière ascendante
72
INSEE,
Niveau
de
diplôme
selon
l’âge
en
2014,
2014.
Disponible
sur :
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=nattef07232
73
Groupe de travail « Parité politique », Parité : une progression timide et inégalement partagée. Evaluation
quantitative des dispositifs paritaires après les élections législatives des 10 et 17 juin 2012, Observatoire de la
parité entre les femmes et les hommes, Tome 1, juillet 2012, pp.1-52, p.37
34
dite des notables. Elle concerne particulièrement « les médecins, les petits et moyens
agriculteurs, les propriétaires terriens héritiers de la vieille noblesse, les industriels, les
commerçants »74. Le parti politique n’est pas indispensable, les ressources mobilisées sont
liées au capital personnel. Or, historiquement, les femmes ont été sous-représentées dans ces
professions et donc exclues du statut de notable75. Aujourd’hui, il existe une certaine
féminisation de ces métiers. La deuxième filière dite partisane « s’organise autour du
militantisme dans une entreprise politique »76. Les personnes qui accèdent à la députation
par cette voie sont, en général, d’une origine sociale plus modeste. Le parti politique est
indispensable car il forme les militants. Les ressources mobilisées sont collectives. Or, les
partis politiques se sont formés et structurés en l’absence des femmes. Ces dernières ne
possédaient pas le droit de vote et d’éligibilité. Cela explique pourquoi elles sont
numériquement moins nombreuses que les hommes dans les partis politiques et qu’elles ont
des difficultés à s’imposer77. Aujourd’hui, elles représentent environ un tiers des militant.e.s
des principales organisations partisanes78. Enfin, la dernière filière, qui est la plus récente,
est le « cursus inversé ». Les personnes commencent « par des positions de pouvoir au
sommet de la hiérarchie » : à des fonctions électives ou politico-administratives. Elles
s’appuient sur des ressources personnelles, des capitaux sociaux et professionnels. Bien que
l’Ecole nationale de l’administration (ENA) soit mixte dès sa création, les femmes y sont
moins nombreuses. Mariette Sineau79 montre que la faible présence des femmes au sein des
élites administratives a pour conséquence de les écarter de la fonction de député.e. En effet,
le recrutement des dirigeants politiques se fait de plus en plus par la filière administrative.
Les filières traditionnelles d’accès à la fonction de député désavantagent les femmes et
expliquent, en partie, leur faible présence.
74
ACHIN Catherine, « Le mystère de la chambre basse ». Comparaison des processus des femmes au
Parlement France-Allemagne 1945-2000, Paris, Dalloz, « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2005, pp.1-637,
p.149
75
BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études
sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.231
76
ACHIN Catherine, « Le mystère de la chambre basse ». Comparaison des processus des femmes au
Parlement France-Allemagne 1945-2000, Paris, Dalloz, « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2005, pp.1637p.149
77
BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études
sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.240-241
78
Ibidem, p.241
79
Ibidem, p.231
35
Par rapport aux filières conventionnelles d’accès à la fonction de députée, quelle est la
trajectoire de Monique Rabin ? Au vu de son parcours professionnel et de son ancrage
territorial, elle n’est pas entrée à l’Assemblée nationale par la filière ascendante. En effet,
elle n’exerce pas de professions telles que médecin ou avocat. Elle a réalisé un parcours
professionnel au sein de la fonction publique territoriale. De plus, elle est née à Laval, puis,
elle a travaillé à Rennes et elle se présente à la neuvième circonscription de LoireAtlantique. Son ancrage peut donc être considéré comme récent par rapport à celui
développé par les notables. Dans un premier temps, par son nom ou sa profession, elle n’est
pas une personnalité connue des Pays de Retz. Elle ne semble pas non plus avoir eu accès à
la fonction de député.e par la filière partisane. D’une part, elle ne prend sa carte qu’en 1998
plutôt pour des soucis d’identification lors des élections80 que pour devenir une militante.
Cependant, elle occupe le rôle de secrétaire de section. D’autre part, elle explique ellemême qu’elle n’est pas très active dans le parti lors de l’entretien : « Je suis membre, mais je
ne suis pas engagée dans la gestion du tout du parti. […] Je dis que je ne suis pas dans les
arcanes, c’est-à-dire, que je n’ai pas de temps, sans doute à tort, pour aller m’investir sur
les orientations ». Même si le PS a participé à son investiture lors des élections législatives,
Monique Rabin ne semble pas avoir été élue, en particulier, grâce aux ressources collectives
et partisanes. Enfin, la trajectoire de Monique Rabin ne correspond pas exactement à la
filière administrative. Durant sa carrière professionnelle, Monique Rabin a accumulé de
multiples compétences facilement convertibles en ressources politiques. Tout d’abord, elle a
travaillé comme agent dans une mairie, puis, elle est devenue la collaboratrice d’Edmond
Hervé, maire et de Rennes et député de l’Ille-et-Vilaine pendant douze ans. Enfin, elle a
également travaillé à la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire pendant trois
ans. Cependant, son origine sociale et le niveau de ses études viennent nuancer l’entrée par
cette filière. En effet, elle est fille de petits commerçants et elle n’a pas étudié dans de
grandes écoles.
Ainsi, les ressources et trajectoires conventionnelles relatives à la fonction de député.e.s
semblent freiner l’entrée des femmes. Or, depuis les lois sur la parité, de plus en plus de
femmes rentrent à l’Assemblée nationale. Empruntent-elles de plus en plus ces filières
traditionnelles ou mobilisent-elles d’autres ressources et voies d’accès ?
80
Développé dans le I.A.4.
36
2. Des ressources différentes pour les femmes et un champ politique imperméable
aux femmes
Il est intéressant d’observer la répartition professionnelle des femmes parlementaires et
de la comparer à celle des hommes. Catherine Achin explique que cette comparaison permet
de « connaître les ressources professionnelles aisément convertibles ou transposables pour le
métier parlementaire en fonction du genre »81. Les travaux de Catherine Achin portent sur
les élections législatives de 2002. Elle observe que les députées sont « sous représentées
parmi les professions libérales, les dirigeants d’entreprises et les cadres de la fonction
publique »82 et « surreprésentées dans les catégories des sans profession et dans celles des
professeurs et professions scientifiques ». Catherine Achin émet deux hypothèses
concernant la professionnalisation politique de ces femmes députées. Dans la première,
devenir députée est une « session de rattrapage »83, en d’autres termes, auparavant, elles ont
dû contenir leur ambition du fait d’une vie de famille prenante ou d’obstacles dans leur vie
professionnelle. Dans la seconde, ce sont des femmes qui ont exercé des métiers dits
« féminins » et qui transposent leurs compétences à la fonction de député.e. Catherine Achin
indique également que certaines professions au sein desquelles les député.e.s sont
traditionnellement recruté.e.s se sont féminisées comme « les professions juridiques, les
professions libérales, des journalistes et des cadres supérieurs d’entreprise »84. Cependant, la
part des femmes parlementaires issues de ces professions reste réduite. Malgré la
féminisation de certaines professions favorisant l’accès à la fonction de députée, le champ
politique reste, lui, verrouillé. Catherine Achin conclut que l’entrée à l’Assemblée nationale
des hommes et des femmes ne s’effectue pas de la même manière.
L’analyse peut-elle être vérifiée pour les élections de 2012 ? Avant de croiser les
chiffres de 2012 avec l’étude de Catherine Achin, il faut préciser que les catégories ne sont
pas exactement les mêmes et les chiffres de Catherine Achin sont plus détaillés ce qui limite
et rend difficile la comparaison. Certains chiffres ne sont pas exploités car ils sont trop bas
et ne permettent pas d’être représentatifs.
81
ACHIN Catherine, « Un “métier d'hommes” ? Les représentations du métier de député à l'épreuve de sa
féminisation », Revue française de science politique, vol.55, 2005, pp. 477-499, p.9
82
Ibidem, p.10
83
Ibidem, p.12
84
Ibidem, p.11
37
Figure 3, Tableau relatif aux professions exercées par les député.e.s en 2012
Professions
Total
H
F
%H85
%F86
Cadre secteur privé
83
54
29
12,80
18,83
Cadre secteur public
88
62
26
14,69
16,88
Employé-e-s secteur privé
6
3
3
0,71
1,95
Employé-e-s secteur public
5
2
3
0,47
1,95
Indépendant-e-s
38
30
8
7,11
5,19
Ouvrier/ère secteur privé
0
0
0
0,00
0,00
Permanent-e-s politique
44
37
7
8,77
4,55
Professions enseignement
50
33
17
7,82
11,04
Professions juridiques
37
33
4
7,82
2,60
Professions libérales
13
9
4
2,13
2,60
Professions médicales
34
26
8
6,16
5,19
Professions (autres)
91
66
25
15,64
16,23
Retraité-e-s libéral
7
6
1
1,42
0,65
Retraité-e-s privé
22
19
3
4,50
1,95
Retraité-e-s public
53
39
14
9,24
9,09
Retraité-e-s (autres)
5
3
2
0,71
1,30
Total
576
422
154
100
100
Source Louise Beauvais et Haut Conseil de l’égalité femmes-hommes, juillet 2012, Tableau n°30, p.38.
Disponible sur : http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/opfh_eleleg_rapt1-250712.pdf
Sur 154 députées femmes, environ 19% sont cadres dans le secteur privé contre, sur 422
députés hommes, environ 13%. Proportionnellement à leur nombre, elles sont également
environ 11% à travailler dans une profession liée à l’enseignement contre 8% chez les
députés hommes. Proportionnellement à leurs nombres à l’Assemblée, les femmes, cadres
du secteur privé et exerçant une profession de l’enseignement sont sur-représentées par
rapport aux hommes. En outre, elles sont seulement un peu moins de 5% à être des
permanentes politiques contre un peu moins de 9% chez les hommes. Puis, elles sont un peu
moins de 3% à venir d’une profession juridique contre un peu moins de 8% des hommes.
85
Pourcentage des hommes députés exerçant X profession par rapport à tous les hommes députés.
86
Pourcentage des femmes députées exerçant X profession par rapport à toutes les femmes députées.
38
Enfin elles sont environ 2% à être retraitées du secteur privé contre 4,5% des hommes.
Ainsi, elles sont sous-représentées chez les permanents politiques, les professions juridiques
et les retraité.e.s du secteur privé par rapport aux députés hommes. Les femmes exerçant
une profession liée à l’enseignement sont plus représentées. Cela semble vérifier la théorie
de Catherine Achin concernant les femmes ambitieuses qui voient la politique et son
évolution dans le champ politique comme une « session de rattrapage ». Cependant, le
pourcentage des femmes qui enseignent des matières plutôt scientifiques n’est pas
renseigné. En outre, le faible nombre des femmes émanant des professions juridiques par
rapport aux hommes vient vérifier le fait que le champ politique est imperméable et les
règles encadrant cet espace sont difficilement modifiables.
Les femmes accèdent à l’Assemblée nationale via d’autres types de filières de
recrutement. En effet, comme l’expose le rapport de l’Observatoire de la parité entre les
femmes et les hommes87, l’un des viviers de recrutement des femmes en politique est
l’ancrage associatif et local. Suite aux lois sur la parité, les partis politiques souhaitent
recruter des femmes représentant la société civile notamment via l’implantation associative
et locale pour rompre avec l’image « des hommes d’appareil ». De plus, comme le souligne
Christine Guionnet, dans un contexte de crise où les « établis » sont critiqués, les femmes,
considérées comme « outsiders », ont pu convertir leurs capitaux professionnels ou
associatifs en ressource politique. L’argument mobilisé est de faire de la politique
autrement. Cependant, lorsque la compétition politique est plus présente, ces ressources
peuvent se retourner contre les candidates.
Quels sont les ressources et les facteurs qui ont permis et suscité l’envie de Monique
Rabin de se présenter ? Au début de sa carrière, Monique Rabin est rédactrice dans la
fonction publique territoriale, puis elle évolue et devient attachée, c’est-à-dire, cadre de la
fonction publique territoriale. Elle a également été collaboratrice d’un député pendant douze
ans. Enfin, elle a travaillé à la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire. Ces
différentes expériences professionnelles lui ont permis de développer des compétences et un
réseau, convertibles en ressources politiques. En acquérant ces ressources, elle se sent plus
légitime à s’engager en politique. « J’étais donc fonctionnaire territoriale et à un moment,
j’ai intégré le secrétariat d’Edmond Hervé, maire de Rennes. Pour moi, c’est une personne
87
Groupe de travail « Parité politique », Parité : une culture à développer. Enquête auprès des candidates des
élections législatives de 2012. », Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Tome 2, juillet
2012, pp.1-64, p.8
39
exceptionnelle qui m’a énormément tirée vers le haut. Je ne pensais pas du tout m’engager
parce que je pensais que ce n’était vraiment pas pour moi. Je pensais qu’il fallait être
beaucoup plus solide intellectuellement, politiquement et cætera, et travailler à ces côtés,
cela m’a vraiment donné envie de m’engager ». Elle met en avant un autre élément qui a
participé à son investissement en politique : « j’avais décidé à titre personnel de trouver une
expression à mon besoin de reconnaissance de ce que l’Etat m’avait donné. La société
française nous a donné à Denis et moi la sécurité sociale qui a permis de le soigner […]. Au
début, on avait pensé à l’association et mais cela n’allait pas assez loin pour moi. ». A
travers cet extrait d’entretien, « l’ambition » est perceptible dans le sens où le secteur
associatif est trop restrictif pour elle. Cela peut être rapproché de l’analyse de Catherine
Achin concernant les femmes qui réalisent leur ambition à travers une carrière politique
considérée comme une « session de rattrapage ».
Elle n’appartient pas au profil des femmes profanes. Et en effet, pour devenir députée, il
faut souvent faire preuve de témérité et d’expérience face à la compétition politique.
3. La dure épreuve de l’éligibilité pour les femmes
L’accès à la fonction de député.e n’est pas évident, a fortiori pour une femme. En
effet, les trajectoires conventionnelles les désavantagent. Pour devenir députée, les
ressources associatives ne suffisent pas. Il faut également passer l’épreuve de l’éligibilité
pour que les partis politiques soutiennent l’investiture88. Un ou une député.e est investi.e par
le parti politique s’il ou elle a été élu.e auparavant pour un autre mandat ou s’il ou elle a
obtenu un score honorable à d’autres élections. Pour devenir un professionnel de la
politique, il faut exercer différents mandats et avoir des responsabilités. Pour les femmes,
cet exercice est souvent encore plus éprouvant. En effet, elles peuvent avoir accès à des
postes considérés comme importants à condition de ne pas « perturber l’équilibre local »89
souvent masculin. De plus, comme expliqué auparavant, les femmes sont souvent présentées
dans des circonscriptions ingagnables. Elles sont confrontées à des compétitions politiques
difficiles.
88
Groupe de travail « Parité politique », Parité : une culture à développer. Enquête auprès des candidates des
élections législatives de 2012. », Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Tome 2, juillet
2012, pp.1-64, pp.19-20
89
Ibidem
40
Figure 4, Tableau relatif aux différentes élections et mandats politiques de Monique Rabin
Source Louise Beauvais et entretien avec Monique Rabin
Avant d’être élue députée en 2012, Monique Rabin s’est présentée à six élections de
différents niveaux dont deux fois aux élections législatives. Sur ces six élections, elle en a
gagné trois : deux au niveau régional et une au niveau communal. Cela montre qu’avant
d’être élue députée en 2012, Monique Rabin a déjà une longue carrière politique et qu’elle
s’est ancrée, progressivement, sur le territoire des Pays de Retz. En outre, il faut souligner
que le contexte politique est complexe et difficile pour une femme socialiste notamment au
niveau de la commune et au niveau de la circonscription90. En effet, Monique Rabin se
présente sur un territoire où le parti de droite est fort et où l’opposition de gauche est faible.
Dans ce contexte, les élections municipales de 200191 marquent le passage d’une
90
Développé dans le I.B.2.
91
En 2001, elle arrive en deuxième position avec 30% des voix aux élections municipales. Bien qu’elle ne soit
pas élue, elle marque le paysage politique du territoire. Il est important d’indiquer que le contexte politique de
Saint Philbert de Grand Lieu devient tendu à partir de 2001. En effet, la commune de Saint Philbert de Grand
Lieu n’a pas connu d’alternance depuis quarante ans. Quelques notables du centre-droit se sont succédés : de
1971 à 1995, Claude Vincendeau et de 1995 à 2001, Michel Lepri. En 1998, l’arrivée d’un nouveau candidat,
Stéphan Beaugé bouleverse cet ordre en gagnant les élections cantonales. Lors des élections de 2001, le maire
sortant se retire. Les élections se jouent entre Yvonnick Gilet, le poulain du maire sortant, Stéphan Beaugé,
conseiller départemental qui indique que toutes les sensibilités politiques sont présentes sur sa liste et Monique
Rabin, collaboratrice d’Edmond Hervé et candidate de gauche. La campagne est particulièrement difficile et
41
compétition politique faible où les notables de droite se succèdent à une compétition
agressive entre différents acteurs dont les valeurs et les pratiques politiques sont très
différentes. Par ailleurs, Monique Rabin subit des discriminations genrées dans un univers
masculin de droite. Par exemple, lors d’un conseil municipal, Stéphan Beaugé a désigné
Monique Rabin par l’expression « dictateur en jupon qui ne sait pas gérer sa commune »92.
Cependant, suite à des élections sous tension93, elle est élue maire de Saint Philbert de
Grand Lieu en 2008. Cet exploit participe à son accessibilité à la fonction de député.e. En
parallèle, à partir 2004, elle débute un parcours politique au niveau de la région. En 2004,
Monique Rabin est élue conseillère régionale des Pays de la Loire. Elle exerce un mandat
politique, pour la première fois, en tant qu’élue de la majorité. Puis, en 2010, elle est à la
tête de la liste socialiste de la Loire-Atlantique aux élections régionales. Il faut noter qu’elle
est la seule femme socialiste à la tête d’une liste d’un département dans les Pays de la Loire.
Lors de l’entretien, elle indique pour quelles raisons elle dirige cette liste « Je sais qu’ils me
faisaient confiance, ils pensaient que j’avais la capacité, mais je crois surtout qu’il y avait
une concurrence entre trois hommes qui auraient pu diriger la liste et donc ils ont résolu le
problème en me choisissant ». Un film a été réalisé par France 3 sur ces élections et aucune
fois, Monique Rabin ou une femme n’apparaît alors qu’elle est numéro trois sur la liste
globale. Suite aux élections, elle devient la deuxième vice-présidente du conseil régional.
Sur les neuf commissions sectorielles, Monique Rabin est la seule femme présidente d’une
commission alors qu’elles sont autant de femmes vices-présidentes que d’hommes94. Ces
différents éléments montrent que les femmes sont peu présentes au sommet de la hiérarchie
et qu’il est difficile pour une femme de s’imposer pendant les élections et à des postes à
responsabilité. Au cours de son parcours politique, Monique Rabin est devenu une candidate
tendue. La présence de Stéphan Beaugé n’est pas appréciée par les deux autres candidats. Yvonnick Gilet
déclare, à la réunion publique qui suit son élection, « Pendant cette campagne, des tracts orduriers ont terni
l’image de la commune. Il est souhaitable que la sérénité revienne. Et il faut maintenant travailler en bonne
intelligence, sans arrière-pensée ».
92
FRISSONG Michel, « Monique Rabin réagit aux propos de Stéphan Beaugé », Ouest France, 2013
93
Monique Rabin bat de deux voix la liste menée par Yvonnick Gilet dont Stéphane Beaugé fait partie. Les
élections sont annulées en raison d’irrégularités. Lors des secondes élections, la victoire de Monique Rabin se
fait avec un écart de voix plus important. Ces élections montrent combien la compétition est rude et que même
si Monique Rabin a gagné, son assise politique est mince.
94
L’esprit grand ouvert Région Pays de la Loire, Seconde séance d’installation. Le Conseil régional des Pays
de
la
Loire
en
ordre
de
marche,
2010.
Disponible
sur :
http://www.paysdelaloire.fr/uploads/tx_oxcsnewsfiles/100409_DP_seance_d_installation_9_avril.pdf
42
crédible aux yeux des membres du PS. Elle devient maire d’une commune imprenable et
elle a des responsabilités importantes au Conseil régional. Le PS la soutient dans ses
différentes investitures aux élections législatives sur la neuvième circonscription d’autant
qu’aucun autre candidat potentiel du PS n’est présent. L’absence de concurrent s’explique
par le fait que la circonscription est difficilement gagnable. Face à un contexte politique
local particulièrement difficile, elle réussit un nouvel exploit, celui d’être élue députée.
Il faut rappeler que c’est la troisième fois qu’elle se présente aux élections législatives.
A travers toutes ces élections, Monique Rabin s’est ancrée sur le territoire et s’est
professionnalisée en exerçant des postes à responsabilités. Elle a donc été investie par le
Parti socialiste d’autant plus qu’elle ne concurrence pas d’autres acteurs politiques
socialistes masculins.
C. Trajectoire de Monique Rabin par rapport aux trajectoires des
députées françaises de 1945 à 2000
Catherine Achin a développé une typologie sur les processus d’entrée des femmes
françaises élues entre 1945 et 2000 à l’Assemblée nationale. La trajectoire de Monique
Rabin peut-elle être classée dans cette typologie et si oui, où ?
1. Présentation de la typologie
Dans sa thèse, Catherine Achin étudie et compare les processus d’entrée des femmes
allemandes et françaises à la chambre basse entre 1945 et 2000. Le travail qu’elle a effectué
concernant le cas français est intéressant pour ce mémoire. En recoupant différentes
informations relatives aux députées françaises, elle établit une typologie des trajectoires
empruntées par les femmes pour accéder à l’Assemblée nationale. Une trajectoire se
caractérise par « la structure de ses capitaux, de son appartenance partisane et de sa période
d’élection »95. En France, elle définit quatre types de trajectoires : « les résistantes », « les
femmes alibi », « les députées de terrain » et « les énarques ».
95
ACHIN Catherine, « Le mystère de la chambre basse ». Comparaison des processus des femmes au
Parlement France-Allemagne 1945-2000, Paris, Dalloz, « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2005, pp.637,
p.224
43
La catégorie des « résistantes » correspond aux trajectoires des femmes qui accèdent
à la fonction de député.e suite à l’acquisition du droit d’éligibilité, juste après la Seconde
guerre mondiale. Elles ont converti « en politique les capitaux acquis sur le terrain de la
résistance »96. Cela concerne, en particulier, les communistes. L’exposition dédiée aux
premières femmes députées mentionnée en introduction permet d’ailleurs de voir que sur les
33 députées, on compte 17 communistes. Concernant la trajectoire des « résistantes », une
partie importante des députées se sont investies ou s’investissent dans les partis politiques
ou les associations. Enfin, parmi les députées relevant de cette catégorie, elles n’occupent
pas, pour la majorité d’entre elles, de postes importants au sein de l’Assemblée nationale.
Catherine Achin utilise la dénomination de « députée de second rang ».Toutes les autres
trajectoires relatives aux députées des années 1945 à 2000 se sont développées à partir des
années 1970.
Le deuxième type de trajectoire est celle des « femmes alibi ». Cela concerne les
femmes qui sont souvent élues « pour une seule législature en tant que suppléant du
titulaire »97. Elles ont peu de ressources politiques comme la pratique d’un autre mandat
électif et n’occupent pas de responsabilité au sein de l’hémicycle. Cela concerne,
principalement, les socialistes et les gaullistes.
« Les femmes de terrain ou les laboureuses du local » ont pour caractéristique une
forte assise territoriale. Elles ont exercé au moins trois mandats au niveau local,
départemental ou régional. Dans l’étude de Catherine Achin, cette trajectoire concerne 38%
de députées socialistes, 32% des gaullistes, 13% des communistes et 12% des députées
issues de la droite libérale. En plus, d’avoir un mandat avant d’être députée, certaines se
sont investies dans le secteur associatif et/ou dans les partis politiques. Pour certaines,
d’autres facteurs ont joué comme un héritage politique familial ou un passage à de hautes
fonctions non électives. Les femmes classées dans cette catégorie entrent au Parlement après
une longue expérience politique. Elles n’exercent pas longtemps et sont souvent des
« députées de second rang ».
Enfin, la dernière trajectoire est celle des « énarques ». Les femmes qui entrent par
cette voie ne sont pas nombreuses. Cette catégorie fait écho à la filière administrative
présentée ci-dessus. Les femmes ont pu bénéficier de cette filière à partir de 1981 et elles
s’engagent principalement au Parti socialiste. Leur caractéristique principale est qu’elles ont
96
Op.cit., pp.225-226
97
Op.cit., p.236
44
un niveau de diplôme élevé : certaines sont diplômées de l’ENA. Elles sont souvent « issues
de milieux sociaux très privilégiés ». Avant de devenir députées, elles ont exercé des
fonctions importantes soit électives soit politico-administratives. Ce ne sont pas des
« députées de second rang », cependant, elles ne restent pas longtemps au pouvoir en tant
que députées.
2. Monique Rabin, une députée de terrain ou une députée de troisième génération ?
Tout d’abord, il faut préciser que les travaux de Catherine Achin portent sur les députées
de 1945 à 2000, c’est-à-dire, avant les lois sur la parité. Les nouvelles règles qui entourent
les élections législatives peuvent avoir introduit d’autres types de trajectoire. En prenant en
compte cette information, il est intéressant de confronter la trajectoire de Monique Rabin à
cette typologie.
Les trajectoires « Les résistantes », « Les femmes alibis » et « Les énarques » peuvent
être facilement écartées. En effet, Monique Rabin est née en 1954, elle n’a donc pas connu
la Seconde guerre mondiale. Par ailleurs, elle n’a pas eu accès à la fonction de députée en
tant que suppléante dont le titulaire se serait retiré. Par ailleurs, elle a une certaine
expérience politique, contrairement à la trajectoire « Les femmes alibis ». Enfin, elle n’est
pas issue d’un milieu privilégié. Et bien qu’elle ait fait des études dans le supérieur, elle n’a
pas le haut niveau de diplôme caractéristique de la trajectoire des « énarques ».
Le parcours de Monique Rabin a le plus de similitudes avec la catégorie « Les
laboureuses du local ». En effet, elle est devenue députée grâce aux capitaux politiques
qu’elle a pu acquérir et développer à travers l’exercice de différents mandats électifs :
conseillère municipale dans l’opposition, puis, maire de la commune de Saint Philbert de
Grand Lieu et conseillère régionale, puis, vice-présidente du conseil régional des Pays de la
Loire. Cependant, contrairement à la députée Henriette Martinez illustrant la trajectoire
« exemplaire » de la députée de terrain, Monique Rabin a été modérément active dans le
milieu associatif et militant de son territoire. Alors que l’ « investissement [d’Henriette
Martinez] dans la vie associative de la commune s’accélère parallèlement à sa progression
au sein du RPR [Rassemblement pour la République] afin, selon ses propres mots, de “tout
faire pour se rendre indispensable à la vie locale” ». De même, contrairement à Henriette de
Martinez, Monique Rabin n’est pas native de la région et a exercé sa profession en dehors
du Pays de Retz. Son investissement sur le territoire est donc principalement politique. Elle
explique, par exemple, que lorsqu’elle était au Conseil régional, elle était, en particulier,
sollicitée pour réaliser les déplacements qui se déroulaient au Sud Loire. Par ailleurs, un
45
paramètre participant à l’élection de Monique Rabin n’est pas pris en compte dans la
typologie de Catherine Achin : les lois sur la parité. Le parti socialiste a facilité l’investiture
de Monique Rabin aux élections législatives sur la neuvième circonscription car il devait
respecter les quotas paritaires. Les lois sur la parité incitent les partis à présenter autant de
femmes que d’hommes à ces élections sous peine de sanctions financières. De même,
concernant les autres mandats, les lois sur la parité favorisent l’élection des femmes ce qui
peut leur permettre de s’implanter sur un territoire et avoir accès, in fine, à la fonction de
député.e.
Il serait intéressant d’étendre les travaux de Catherine Achin aux femmes élues députées
à partir de 2002 afin de voir si d’autres trajectoires types se dessinent telles que « les
femmes députées issues des lois sur la parité ».
Suite à cette deuxième partie, on peut dire que l’accès à la fonction de député.e est plus
difficile pour les femmes. Les lois sur la parité ont des effets limités et contrairement aux
hommes, les femmes ne sont pas prédisposées à entrer dans le champ politique. Cependant,
comme de nombreuses députées, son élection s’est construite dans le temps. Grâce à ces
compétences et qualités personnelles, son parcours politique et à certaines circonstances,
Monique Rabin réussit progressivement à s’implanter sur le territoire du Pays de Retz et à
devenir une candidate sérieuse pour les élections législatives de 2012.
Après avoir observé, l’inégale accès des femmes et des hommes à la fonction de
député.e, il est intéressant de se demander, s’il existe une différence entre les sexes dans
l’exercice du pouvoir et les conséquences que cela impliquent.
46
III.
PRATIQUE ET POSITION DES FEMMES DÉPUTÉES
Bien que les femmes parlementaires soient un peu plus nombreuses sur les bancs de
l’Assemblée depuis les lois sur la parité, existe-t-il une différence entre les femmes et les
hommes dans l’exercice de leur fonction de député.e qui engendrerait une inégalité entre les
sexes ? Les modalités de l’exercice du pouvoir sont-elles également un frein pour les
femmes parlementaires ? Le cas de Monique Rabin représente-t-il la situation de la majorité
des députées ou est-il spécifique ?
A. Persistance de l’inégalité entre les sexes dans l’exercice du pouvoir
Toutes et tous les député.e.s n’ont pas la même position ou le même poids au sein de
l’Assemblée nationale. Différents éléments définissent l’importance du député.e comme la
commission à laquelle elle ou il appartient, si elle ou il occupe une fonction particulière au
sein des différentes instances mais également, les représentations collectives du pouvoir
politique. La question est de savoir s’il existe un lien entre le genre et la position occupée et
si ces éléments ont un impact dans l’exercice du pouvoir. Les femmes députées apportentelles d’autres règles du jeu ou s’inscrivent-elles dans les pratiques traditionnelles ?
1. Des femmes députées de « second rang »98
Un.e député.e est considéré.e comme appartenant à l’élite ou du moins aux
« député.e.s intermédiaires »99 lorsqu’elle ou il occupe des fonctions importantes au sein du
bureau de l’Assemblée, de sa commission ou de son groupe parlementaire telles que
président.e, vice-président.e, secrétaire, rapporteur.e général.e100, questeur.e101, président.e
de commission ou président.e de groupe. En outre, la commission à laquelle le ou la
député.e appartient est un autre indicateur de l’importance de sa position. Celles qui
98
ACHIN Catherine, « Le mystère de la chambre basse ». Comparaison des processus des femmes au
Parlement France-Allemagne 1945-2000, Paris, Dalloz, « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2005, pp.637,
p.193
99
Ibidem, p.195
100
Le rapporteur.e général.e est un.e député.e de l’opposition élu.e au sein de la commission des finances. Il a
pour fonction de présenter les lois de finances ainsi que de faire le lien entre le Gouvernement et l’Assemblée.
101
Les trois questeurs, sous la haute direction du Bureau, sont chargés des services financiers et administratifs
de l'Assemblée. Ils participent à la logistique de l’Assemblée nationale.
47
touchent les domaines régaliens et/ou qui sont permanentes sont les plus prestigieuses. Cela
regroupe les commissions : des affaires étrangères, des lois, de la défense nationale et des
forces armées et, enfin, des finances102.
En 2007, le bureau de l’Assemblée nationale comprend quatre femmes
parlementaires sur vingt-deux député.e.s et en 2012, sept sur vingt-deux103. Le Président de
l’Assemblée est un homme durant les deux mandatures. Par ailleurs, sur six groupes
parlementaires104, seul le groupe Ecologiste compte une femme présidente : Cécile Duflot.
Les femmes sont sous-représentées dans les positions de pouvoir. Concernant la répartition
des député.e.s dans les commissions105, les femmes sont 46,5% à la Commission des affaires
culturelles et de l’éducation, 43,1% à celle des affaires sociales et 30,1% à la Commission
des affaires économiques. Par contre, elles sont 15,1% à la Commission des finances et
15,9% à la Commission de la défense nationales et des forces armées. Elles sont sousreprésentées dans les commissions dites régaliennes et surreprésentées dans les
commissions qui ont un lien avec le rôle sexué des femmes dans la société et généralement
considérées comme moins centrales.
Figure 5, Composition du bureau de l’Assemblée nationale, par sexe, en 2007 et 2012
Source Haut Conseil de l’égalité femmes-hommes, juillet 2012, Tableau n°39, p.46. Disponible sur : http://www.haut-conseilegalite.gouv.fr/IMG/pdf/opfh_eleleg_rapt1-250712.pdf
102
ACHIN Catherine, « Un “métier d'hommes” ? Les représentations du métier de député à l'épreuve de sa
féminisation », Revue française de science politique, vol.55, 2005, pp. 477-499, p.489
103
Figure 5
104
Les non-inscrits ne sont pas pris en compte car ils ne forment pas de groupe parlementaire.
105
Figure 6
48
Figure 6, Composition des commissions de l’Assemblée nationale en 2012
Source Haut Conseil de l’égalité femmes-hommes, juillet 2012, Tableau n°41, p.47. Disponible sur : http://www.haut-conseilegalite.gouv.fr/IMG/pdf/opfh_eleleg_rapt1-250712.pdf
Catherine Achin explique dans l’article « Un “métier d'hommes” ? Les
représentations du métier de député à l'épreuve de sa féminisation » que la répartition des
femmes et des hommes député.e.s dans les diverses commissions est décidée par le groupe
parlementaire auquel elles ou ils appartiennent. Différents critères entrent en ligne de
compte : l’intérêt personnel du parlementaire, son ancienneté ou son poids politique, ses
compétences, son origine sociale. La chercheuse distingue trois types de discours,
développés par les députées françaises, entre 1945 et 2000, par rapport à leur attribution de
commission. Catherine Achin essaie de savoir si les compétences des députées qui
déterminent leur commission sont « projetées » sur les femmes parlementaires ou si elles
sont revendiquées par ces dernières. Tout d’abord, certaines députées veulent siéger dans
des commissions « relevant de compétences féminines traditionnelles » comme l’éducation,
le social. Puis, d’autres demandent à être dans des commissions précises et parfois
« prestigieuses » qui ont un lien avec leurs compétences professionnelles ou leur
circonscription. Enfin, certaines n’ont pas pu exprimer leur choix. La faible présence des
femmes dans certaines commissions et à certains postes fait écho à la division sexuée
verticale et horizontale qui existe dans de nombreux espaces dont la sphère professionnelle.
En effet, souvent dans leur carrière, les femmes ont moins de possibilités d’évoluer. Elles
sont aussi compétentes que les hommes mais elles sont confrontées à un « plafond de
49
verre »106. Les femmes n’ont pas accès et/ou sont peu présentes aux postes de direction, au
sommet de la hiérarchie. Ce phénomène de la division verticale sexuée s’explique par de
nombreux facteurs diffus dont les attentes d’une figure masculine concernant les postes de
direction. La division horizontale sexuée correspond au fait que les femmes et les hommes
sont respectivement cantonnés à certaines tâches, certains domaines. Les femmes sont
souvent assimilées à la sphère privée : l’éducation des enfants, les tâches domestiques. Ce
sont des domaines également considérés comme moins importants et moins valorisants que
les domaines investis par les hommes. Le champ politique n’échappe pas à cet ordre social.
Monique Rabin a une situation particulière car son souhait a été réalisé : elle fait
partie de la commission des finances alors que c’est son premier mandat de députée et
qu’elle n’a pas fait de grandes écoles. Cela est remarquable car la commission a été, pendant
longtemps, composée seulement d’hommes : « En y entrant, je savais que c’était un lieu de
sexisme puisque les premières femmes sont entrées à la fin des années 1980 ». En 2012,
cette commission « reste un bastion particulièrement masculin »107. Elle est composée de 11
femmes et 62 hommes. En tant que nouvelle élue, Monique Rabin a dû se battre pour entrer
dans cette commission « moi quand j’ai demandé la commission des finances, on m’a
proposé d’entrer à la commission de la défense. Donc j’ai dit non, parce qu’il n’y a pas de
sous-marin dans le lac de Grand Lieu et ni dans le port de Pornic. J’ai refusé et j’ai refusé
très fermement ». Elle explique que cette commission était et est très convoitée notamment
car « autrefois, il y avait des avantages à être à la commission des finances c’est-à-dire que
les projets locaux financés par la réserve parlementaire étaient réservés aux membres de la
commission des finances donc tous les autres, même, en ignoraient quasiment l’existence ».
Tendre vers la parité à l’Assemblée nationale est une valeur admise par la majorité des
hommes et les femmes politiques. Le fait que les partis politiques soient attentifs au respect
de la parité, autant pour des raisons idéologiques que d’affichage, a pu participer à l’entrée
de Monique Rabin à la Commission des finances, qui est composée majoritairement
d’hommes : « Je pense que c’est parce que le groupe avait un peu la honte de pas avoir
beaucoup de femmes ». Monique Rabin souligne également que les député.e.s et notamment
les femmes ne sont pas choisies au hasard, ce sont des femmes brillantes et connues qui sont
106
BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études
sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.357, p.205
107
Groupe de travail « Parité politique », Parité : une progression timide et inégalement partagée. Evaluation
quantitative des dispositifs paritaires après les élections législatives des 10 et 17 juin 2012, Observatoire de la
parité entre les femmes et les hommes, Tome 1, juillet 2012, p.47
50
sélectionnées. Et de manière générale, la commission est composée de nombreux anciens
ministres, d’hommes et de femmes politiques connus. Sur les cinq femmes envoyées par le
PS dans la commission des finances, trois possèdent des ressources personnelles très
importantes : « Karine Berger major de Polytechnique, Valérie Rabault qui a aussi un
parcours universitaire de dingue et qui était cadre supérieur à la BNP Paribas et les deux
ont écrit un ouvrage ensemble sur les Trente Glorieuses, elles étaient très connues et déjà
très engagées dans le parti socialiste, ce sont des économistes de renom déjà […] et Carole
Delga qui est devenue Présidente de la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon ».
Ainsi, la présence de Monique Rabin au sein de la commission des finances
constitue une notable exception.
2. Etre député, un « métier d’homme » : les représentations du pouvoir politique et
leurs impacts sur la prise de parole
Les auteur.e.s Laure Bereni, Sébastien Chauvin, Alexandre Jaunait et Anne Revillard
développent l’idée que le pouvoir politique est défini comme neutre, universel. Cependant,
dans les consciences, les hommes incarnent le pouvoir. Ces chercheurs et chercheuses
expliquent que « l’expression “femme politique” apparaît, à bien des égards, comme un
oxymore »108. Cette représentation est encore plus présente pour les fonctions dominantes
comme celle de député.e. Etant donné que les femmes ont acquis tardivement le droit de
vote et d’éligibilité, le style corporel du personnel politique a été cristallisé, dans la
conscience collective, comme masculin. Selon Elsa Dorlin et Catherine Achin, le style des
hommes politiques ne doit être « ni trop investi, ni trop peu investi ». De plus, les qualités et
les compétences caractérisant les hommes et les femmes politiques sont celles qui « ont été
traditionnellement monopolisées par les hommes : charisme, disponibilité, aisance oratoire,
combativité, maîtrise technique… »109. Comment les femmes politiques sont-elles
représentées dans l’espace politique ? Elles sont cantonnées à certains rôles. Catherine
Achin et Elsa Dorlin distinguent trois figures de femmes qui entrent dans des bastions de
pouvoir masculins : « la king », « la régente » et « l’intrigante ». Ces représentations
reposent sur des stéréotypes : l’image de la femme maternelle ou celle de la femme
séductrice. Ces figures sont parfois autant mobilisées par les femmes pour exister en
politique que projetées sur ces dernières. La première figure consiste à ce que les femmes
108
BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études
sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.233
109
Ibidem
51
incarnent l’autre sexe, elles adoptent les apparats et codes masculins. Cela permet aux
femmes de se rendre invisibles parmi les hommes dans la sphère politique. La deuxième
figure renvoie à la mère et à ses compétences et qualités comme le sens moral, la
discrétion... Dans certaines situations, la mobilisation de ces ressources porte ses fruits. Par
exemple, « dans les moments de crise politique, la figure de la mère peut fonctionner
comme une image providentielle et ouvrir l’accès, exceptionnellement, au sommet du
pouvoir »110. Enfin, la dernière renvoie à l’idée que « la position politique est attribuée à son
pouvoir de séduction et à sa sexualité ». Cette dernière figure peut, rarement, être
convertible en ressource politique, contrairement aux deux premières dans certaines
situations. « L’intrigante » est plutôt projetée sur les femmes que mobilisée par ces
dernières.
Au-delà du fait que ces représentations collectives influencent les élections des
femmes à la fonction de député.e, quel poids ont ces représentations dans l’exercice du
pouvoir ? Ces conceptions du pouvoir politique semblent avoir un impact dans la prise de
parole des député.e.s dans les lieux formels et informels. Au sein de l’hémicycle, la prise de
parole est très règlementée : un ou une député.e dispose de deux minutes pour poser sa
question ou faire sa remarque. S’il ou elle dépasse le temps imparti, le président de
l’Assemblée lui coupe la parole. De manière générale, le président de l’Assemblée a comme
mission de maintenir l’ordre et le respect lors des débats dans l’hémicycle. Dans ces lieux
formels, grâce aux normes qui encadrent les interventions des député.e.s, les femmes
députées semblent pouvoir exercer leur fonction au même titre qu’un homme. Cependant,
les représentations n’ont pas disparu. En effet, certains événements machistes et sexistes
rappellent que ces représentations existent toujours. En effet, par exemple, Cécile Duflot est
venue habillée en robe à l’Assemblée nationale, ce qui lui a valu des remarques lorsqu’elle a
pris la parole. Cette situation illustre parfaitement la figure de « l’intrigante » et renvoie au
fait que le personnel politique est incarné par le corps d’un homme et non celui d’une
femme. Cependant, dans les coulisses de l’Assemblée, les prises de parole ne sont pas
réglementées : « Et au groupe socialiste, quand on a la possibilité de s’exprimer […], on
lève la main, mais, moi, je pense que Bruno Leroux111, il donne la parole comme il le veut ».
Ces prises de parole peuvent faire l’objet d’inégalité entre les sexes. Monique Rabin a le
110
BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études
sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.237
111
C’est le président du groupe parlementaire socialiste, républicain et citoyen.
52
sentiment que les femmes ont ou prennent moins la parole et sont plus facilement coupées
par leurs homologues masculins. Lors des réunions du groupe parlementaire socialiste,
républicain et citoyen, elle déplore également qu’une seule femme soit à la tribune :
« Seybah, elle est députée socialiste de Paris, elle est noire, elle est femme assez jeune. Elle
a eu un bébé pendant le mandat, elle est avocate d’affaire donc c’est un super alibi pour le
parti socialiste ». Selon Monique Rabin, la parole est principalement prise par les hommes
députés. En outre, Monique Rabin explique que dans sa commission, c’est particulièrement
difficile de s’exprimer car elle est composée de député.e.s qui ont du poids et qui sont
connus : « Tu avais déjà neuf membres du gouvernement sortant de Nicolas Sarkozy qui
étaient là donc ça pèse aussi. Et puis, à la commission des finances, on avait, en 2012, […]
beaucoup d’anciens ministres aussi de notre côté qui pèsent, dont la parole est forte. S’ils
lèvent la main, on va leur donner la main sans doute plus facilement qu’à moi ». Catherine
Achin et alii112 indiquent qu’au-delà du genre, la variable qui pèse sur l’aisance orale en
public est d’être un ou une nouvel.le élu.e. Lorsqu’une personne exerce pour la première
fois un mandat, au début de celui-ci, cette ou ce nouvel.le élu.e éprouve des difficultés à
l’oral. Par contre, les auteur.e.s expliquent que les hommes même novices sont plus
sollicités que les femmes à prendre la parole, consciemment et inconsciemment. Les
femmes participent au fait qu’elles aient moins la parole car, pour ces dernières, c’est un
exercice difficile et cela plus que pour les hommes. Elles évitent donc l’exercice. Or, parler
en public est « une étape importante et nécessaire pour faire carrière » et « un moment clé
dans la formation et l’apprentissage du métier de politique »113. Enfin dans des lieux
informels, il existe toujours des attitudes ouvertement sexistes et machistes. Par exemple,
une des collaboratrices de Monique Rabin a raconté114 qu’à l’Assemblée nationale, elle est
entrée dans un ascenseur avec trois députés et l’un d’eux lui a demandé si elle n’avait pas
peur de monter avec eux, sous-entendu seulement avec des hommes. Il a explicitement
indiqué qu’il faisait référence aux agressions sexuelles qui se sont déroulées à Cologne le
soir du nouvel an.
Comme de nombreuses députées, dans la pratique du pouvoir, Monique Rabin est
confrontée aux représentations liées aux rôles sexués. Les hommes incarnent le pouvoir
112
ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.184,
pp.119-120
113
Ibidem
114
Carnet de terrain, le 13 janvier 2016
53
politique, ce qui est une difficulté supplémentaire pour les femmes. Face à l’entrée plus
massive des femmes, les règles du jeu de la sphère politique évoluent-elles ?
3. De nouvelles pratiques politiques ou l’intégration des pratiques traditionnelles ?
Un des arguments avancés lors de l’adoption des lois sur la parité a été que les
femmes renouvelleraient le personnel politique et qu’elles feraient de la politique autrement.
Qu’en est-il des députées ? Apportent-elles d’autres pratiques ou, au contraire, intègrentelles les règles du jeu traditionnelles ? Un des objectifs qui anime les députés est d’être
reconduit aux prochaines élections. Or la monopolisation du pouvoir est l’un des facteurs de
la professionnalisation de la classe politique. Ce phénomène est dénoncé par un certain
nombre d’électeurs et d’électrices qui déplorent le non renouvellement du personnel
politique. Or, dans la durée, les femmes exercent moins de mandats de député.e que les
hommes. « Au regard de la faible féminisation de l'Assemblée nationale, […] à ce jour,
seules 10 femmes élues de cette XIVème législature ont fait 4 mandats successifs contre 97
hommes »115.
Une autre pratique qui contribue à ce que les députés soient reconduits est le cumul
de différents mandats. Est-ce que les femmes rompent avec cette pratique ? En 2009, sur les
108 députées, 64,8% d'entre-elles ont un mandat en plus de leur mandat de député.e alors
que sur les 468 députés, 56,0% d'entre eux exercent un autre mandat. Cependant, ils sont
28,0% à cumuler deux autres mandats contre 15,7% pour les femmes. Même si les femmes
détiennent moins de mandats que les hommes, elles pratiquent le cumul de mandats. En
effet, elles sont soumises aux règles du champ politique au même titre que les hommes. Or
l’un des critères pour être élu.e député.e est d’exercer un ou plusieurs mandats politiques
supplémentaires.
A partir de 2008 et jusqu’en 2014, Monique Rabin cumule deux mandats. Entre 2008
et 2010, elle est maire et conseillère régionale et entre 2010 et 2012, elle est maire et viceprésidente au Conseil régional. Lorsque Monique Rabin est élue députée, elle décide de se
retirer du Conseil régional mais de rester maire. Elle décide peut-être de maintenir son
mandat de maire et non celui de vice-président car l’enjeu politique est plus fort au niveau
de la commune et pour une députée, maintenir un mandat au plus près des électeurs est plus
important. A partir de 2014, elle n’est plus députée-maire car elle est battue aux élections
115
Groupe de travail « Parité politique », Parité : une progression timide et inégalement partagée. Evaluation
quantitative des dispositifs paritaires après les élections législatives des 10 et 17 juin 2012, Observatoire de la
parité entre les femmes et les hommes, Tome 1, juillet 2012, pp.1-52, p.3
54
municipales. Au cours de son parcours politique, Monique Rabin pratique le cumul de
mandats. Cependant, elle limite cette pratique à deux mandats. En 2016, elle a rejoint la
communauté Parlement et citoyens qui a pour objectif de renouveler les pratiques politiques
actuelles et de faciliter le dialogue entre les électrices et les électeurs et les député.e.s. Sur ce
site, l’une des propositions de Monique Rabin pour regagner la confiance des électeurs et
des électrices est de supprimer le cumul de plus de deux mandats 116. Sa conception et sa
pratique de la politique se rejoignent sur le fait qu’il faut limiter et encadrer le cumul des
mandats.
Les femmes députées sont-elles plus solidaires entre elle ? Dans le livre Sexes genre
et politique117, il est expliqué que les nouvelles élues, notamment aux élections municipales,
ont tendance à se réunir pour partager leurs difficultés. Cette initiative se réalise moins parce
que ce sont des femmes que parce qu’elles sont novices en politique. De plus, il est indiqué
que les relations entre les femmes restent souvent des relations de pouvoir où la solidarité
n’a pas forcément sa place et cela est d’autant plus vrai pour les mandats dominants. Au
niveau de l’Assemblée, la compétition politique est forte. L’hypothèse qui peut être avancée
est qu’il existe peu de solidarité entre les femmes.
Concernant cette question, il faut distinguer deux situations : la solidarité au sein et
hors du groupe parlementaire. Monique Rabin a le sentiment que les femmes socialistes sont
solidaires entre elles. Elle explique : « Moi, je trouve qu’il y a quand même une solidarité,
parce que de fait c’est nous qui sommes les plus présentes. On est 37% dans notre groupe,
et il y a plus que quatre femmes sur dix souvent dans l’hémicycle surtout tard la nuit. On est
plus souvent dans l’hémicycle, on se regarde et on se compte, et on se dit ras-le-bol. Quand
il y en a une qui n’en peut plus à une heure du matin et qui va se coucher. On n’accepte pas
que le groupe dise : “ Ah non, non, tu restes dans l’hémicycle puisqu’il faut qu’on soit
nombreux et tout ” parce que nous on fait notre boulot, on est là donc on défend celle qui
est fatiguée. ». Cependant, elle regrette que la solidarité entre les députées soit faible. En
effet, les relations entre les députées restent des relations de pouvoir avec une compétitivité
politique forte. Dans ce cadre, lorsque les femmes n’appartiennent pas au même groupe, il
semble difficile qu’elles développent une solidarité. Par exemple, ce lien ne s’est pas
116
RABIN Monique, Monique Rabin, députée de Loire-Atlantique rejoint la communauté, Parlement et
citoyens, 2016. Disponible sur : https://www.parlement-et-citoyens.fr/blog/monique-rabin-deputee-de-deloire-atlantique-rejoint-la-communaute
117
ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.184,
p.136
55
exprimé dans le cas suivant : « Par contre notre solidarité ne s’exprime pas assez. Alors
c’est vrai que c’était plus en début de mandat, mais moi, je regretterai toute ma vie de ne
pas m'être levée quand il y a eu des observations sur la robe que portait Cécile Duflot parce
que d’habitude, elle était en pantalon, là, elle vient avec une robe donc on aurait dû toutes
se lever et partir.». Le fait que Monique Rabin n’appartienne pas au même groupe
parlementaire que Cécile Duflot l’a peut-être freinée à réagir.
Est-ce que les femmes député.e.s sont plus assidues que les hommes députés ?
Monique Rabin explique que les femmes député.e.s sont plus présentes à l’Assemblée
nationale. Selon une lettre d’information parlementaire rédigée par l’équipe de Monique
Rabin en septembre 2015, Monique Rabin fait partie des dix député.e.s les plus assidu.e.s à
l’Assemblée nationale, elle compte à son actif, 40 semaines d’activités à l’Assemblée
nationale. Dans son entretien, Monique Rabin rappelle les paroles de Marie Jacq, députée du
Finistère de 1978 à 1993 « il faut toujours que l’on [les femmes] soit meilleure pour gagner
et cela nécessite beaucoup plus de travail et nous, on a la ténacité c’est pour cela qu’on y
arrivera un jour ». D’après Monique Rabin, une pratique particulière se dessine, celle d’être
plus présente et de travailler davantage que les hommes. Cependant, cette pratique est
ambivalente. D’une part, elle semble tenir au fait que cela soit des femmes et qu’elles
doivent prouver, selon les critères traditionnels, qu’elles sont capables. D’autre part,
cependant, elles peuvent apprendre et se former lors de ces moments. De plus, lors de la
campagne électorale, leur forte présence dans l’hémicycle qui est appréciée par les
électeurs, peut être un argument pour se faire réélire.
Ainsi, comme toutes et tous les député.e.s, Monique Rabin est soumise aux règles du
champ politique ce qui limite l’émergence de nouvelles pratiques politiques. Comment est
traité le thème de l’égalité entre les sexes au sein de l’Assemblée nationale et
particulièrement, auprès des femmes parlementaires ?
B. Action et posture du personnel politique face à l’égalité femmeshommes et aux revendications féministes
Face aux inégalités entre les sexes, comment réagit le personnel politique ? Est-il touché
par cette cause ? Met-il en place des actions en lien avec ce sujet ? Les réponses à ces
56
questions varient en fonction du type d’actrice ou d’acteur politique pris.e en compte. Pour
ce qui concerne Monique Rabin, sa sensibilité évolue au fil de son mandat.
1. Les initiatives des actrices et des acteurs politiques concernant l’égalité des sexes
Depuis les élections de 2012, présidentielle et législatives, le pouvoir semble plus
attentif et sensible à la thématique de l’égalité. Les députées, qui subissent des
discriminations, sont-elles aussi sensibilisées à la question ?
a. 2012, un élan vers l’égalité dans l’organisation de l’Assemblée nationale ?
Malgré un bilan plutôt négatif concernant l’égalité réelle entre les femmes et les
hommes député.e.s, l’objectif d’une Assemblée nationale paritaire semble faire consensus.
En effet, depuis les lois de 2000, d’autres lois118 ont été prises dans ce sens. En outre,
d’autres actions s’inscrivant dans cette perspective ont pu voir le jour grâce à l’élan créé par
l’élection du candidat socialiste à la présidence. Suite à son élection, un comité
interministériel aux droits des femmes s’est réuni pour définir un plan d’action sur plusieurs
années. L’organisation d’un tel comité n’avait pas eu lieu depuis une douzaine d’années 119.
Cette initiative a été prise sans qu’il existe de normes contraignantes. Par ailleurs, suite à la
victoire de François Hollande à l’élection présidentielle, le PS a remporté la majorité
parlementaire. Or, ce parti présente plus de femmes députées que le parti de l’UMP. De
plus, la droite qui était majoritaire depuis 2002 à l’Assemblée nationale est moins active
dans le domaine de l’égalité femmes-hommes. En 2012, diverses actions sont prises ayant
pour objectif de réduire les inégalités. Par exemple, malgré une forte présence masculine,
les fonctions à responsabilité au sein des commissions se féminisent. En 2012, 37,5% des
président.e.s des commissions sont des femmes120 alors qu’elles sont 27% de femmes
parlementaires. Depuis le 1er octobre 2015, « Frédérique Massat est présidente à la
commission des affaires économiques, c’est la première fois que l’on a la parité à la tête des
118
Les lois de 2003 introduisent des modalités concernant la parité dans le mode de scrutin des élections
régionales, européennes et sénatoriales. La loi de 2007 perfectionne les dispositifs relatifs à la parité
concernant les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitant.e.s, les élections cantonales,
les élections législatives et les exécutifs régionaux et municipaux. La loi de 2008 facilite l’égal accès des
femmes et des hommes au mandat de conseiller général. La loi constitutionnelle de 2008 relative à
la
modernisation des institutions de la Ve République favorise la parité dans les responsabilités professionnelles
et sociales.
119
Gouvernement, Faire progresser l’égalité des droits. Les mesures en faveur de l’égalité femmes-hommes.
Disponible sur : http://www.gouvernement.fr/action/les-mesures-en-faveur-de-l-egalite-femmes-hommes
120
Figure 5
57
commissions permanentes de l’Assemblée »121. Dans son discours lors de l’inauguration de
l’exposition sur les 33 premières femmes députées, Sandrine Mazetier rappelle que depuis
1945, « trois femmes ont été élues questeures, dont une actuellement et 8 femmes ont été
présidentes de commission depuis 1958, dont 5 depuis 2012 ». En outre, en 2013, Claude
Barthelone, président de l’Assemblée nationale, a nommé un « référent égalité femmeshommes » que les député.e.s, les agent.e.s, les collaboratrices et les collaborateurs peuvent
solliciter en cas de problème. D’autres éléments montrent que l’égalité femmes-hommes est
un thème qui préoccupe l’Assemblée nationale. La délégation aux droits de la femme et
pour l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, créée en 1999, a, en 2012, eu de
nouveau un interlocuteur de plein exercice au gouvernement ce qui a permis un « répondant
gouvernemental »122. Cependant, au-fur-et-à-mesure du mandat présidentiel, il n’existe plus
de structure spécifique aux droits des femmes, ce volet a été intégré au Ministère de la
famille, de l’enfance et des droits des femmes. Il faut souligner que cette thématique est
inscrite au côté de la famille et de l’enfance, domaines dits « féminins ». Cela est un progrès
relatif car les femmes sont toujours assimilées à certains rôles sexués. Selon la
collaboratrice de Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits de la femme et
pour l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, l’enjeu de l’égalité femmeshommes s’institutionnalise. Avant 2012, cette délégation réalisait plutôt un travail de
sensibilisation sur des sujets déconnectés de l’actualité législative123. Après 2012, la
délégation devient de plus en plus incontournable dans le travail législatif et elle balaie de
nombreux sujets souvent peu associés à l’inégalité des sexes comme les femmes et le
numérique ou encore les femmes et le réchauffement climatique124. Cependant, il faut
relativiser ces propos car ils sont rapportés par des acteurs de l’Assemblée nationale.
b. Les députées sont-elles plus sensibles à la question de l’égalité femmeshommes ?
Les députées sont-elles moteur concernant l’égalité femmes-hommes ? Tout d’abord,
de manière générale, même si certaines femmes politiques dénoncent l’inégalité entre les
121
Entretien avec la collaboratrice Violaine G.
122
Ibidem
123
Ibidem
124
Entretien Pascale F., une agente de la délégation des droits de la femme et de l’égalité des chances entre les
hommes et les femmes.
58
sexes, la plupart du temps, elles ne se déclarent pas comme féministes125. En effet, le
féminisme a mauvaise presse et est stigmatisé du fait de l’histoire du mouvement féministe
français. Dans les années 1970, en France, le mouvement féministe s’est développé en
dehors des partis politiques et a « mis en œuvre une stratégie radicale »126. En outre, les
postures des députées face à l’égalité femmes-hommes sont variées. Catherine Achin
explique que celles qui ont obtenu sans difficulté les commissions prestigieuses qu’elles
voulaient, « nient l’existence de discriminations de genre »127. Plus globalement, les femmes
qui adoptent la figure du « king » ont cette tendance. Ayant adopté les codes et les
ressources dits masculins, elles ressentent moins cette discrimination. Dans leur ouvrage
Sexes, genre et politique, Catherine Achin et alii expliquent que les discours et les gestes
ouvertement machistes sont moins présents. La contrepartie est « la censure des
revendications féministes »128. Les comportements sexistes existent toujours mais sont
moins visibles. Dans ce cadre, il est demandé aux femmes politiques féministes de
« neutraliser la charge conflictuelle »129 de leurs revendications. Au niveau de l’Assemblée
nationale, certaines initiatives « politiquement correctes » ont été prises pour rendre visible
la thématique de l’inégalité entre les sexes. Par exemple, à l’occasion de l’exposition sur les
33 premières femmes députées à l’Assemblée nationale, les députées femmes ont été prises
en photo dans l’hémicycle en hommage aux premières femmes parlementaires mais
également pour dénoncer le fait que leur faible nombre persiste.
2. Monique Rabin, une prise de conscience progressive
Monique Rabin explique que sa prise de conscience concernant les discriminations faites
aux femmes a été progressive. « LB : On voit que donc tu es sensible à l’égalité hommefemme, est-ce que ça a toujours été le cas ou est-ce que ta vision a évolué sur ce sujet-là ?
MR : Donc non effectivement, ça n’a pas toujours été le cas parce que comme mes parents
et notamment mon père m’ont laissée vivre ma vie d’enfant, de jeune et de jeune adulte, que
je sois une femme ou un homme ça n’a rien changé, que mon mari me laisse beaucoup de
125
ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.184,
p.146
126
Ibidem, p.146
127
ACHIN Catherine, « Un “métier d'hommes” ? Les représentations du métier de député à l'épreuve de sa
féminisation », Revue française de science politique, vol.55, 2005, pp. 477-499, p.489
128
ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.184,
p.145
129
Ibidem, p.145
59
place ça m’a rien changé donc je n’étais pas aussi consciente que je le suis avant ce mandat
de la difficulté d’être une femme. Alors je l’ai ressenti, en fait, comme vice-présidente de la
région et cela a été amplifié comme députée ». La prise de conscience s’est manifestée à
partir du moment où elle a exercé des fonctions impliquant des responsabilités en politique.
Par exemple, elle a eu des difficultés à s’imposer autant auprès de ses collègues élu.e.s que
des cadres de la fonction publique. Elle explique que le directeur général des services du
Conseil régional la regardait de manière un peu condescendante et les agent.e.s oubliaient
plus souvent de la convier aux réunions. Avant, lorsqu’elle occupait des positions moins
importantes, elle ne ressentait pas les discriminations qui existaient : « donc pendant six ans,
j’ai été conseillère régionale simple et donc n’étant pas porteuse de responsabilité je ne me
suis pas rendu compte qu’on me les donnait pas ». Ce sentiment est exacerbé lorsqu’elle
devient députée.
Ce cheminement s’illustre à travers la politique qu’elle mène en tant que députée. Dans
un premier temps, cette thématique n’est pas un axe particulier de sa politique. Dans un de
ses tracts, entre les deux tours des élections législatives de 2012, elle évoque certains
thèmes : « éducation, emploi, économie, santé, logement, agriculture, handicap »130 mais
l’égalité entre les sexes n’apparaît pas. Suite aux élections, elle décide de rejoindre la
commission des finances, commission que l’on peut considérer comme éloignée des
préoccupations relatives à l’égalité. Par ailleurs, élue sur une circonscription qu’elle désigne
comme conservatrice, elle n’a pas forcément intérêt à porter cette cause qui peut être
considérée comme progressiste. Tous ces facteurs ne la poussent pas à s’investir dans cette
politique. Cependant, la situation change progressivement au cours de son mandat. D’une
part, à travers son travail parlementaire, comme expliqué ci-dessus, elle est violemment
confrontée à des discriminations. D’autre part, sans ce que cela soit volontaire, selon ses
dires, Monique Rabin a une équipe composée exclusivement de femmes. Ses collaboratrices
sont toutes plus ou moins sensibles à la question de l’égalité entre les sexes. La présence de
ces femmes dans son entourage l’a sensibilisée à la cause des femmes et l’a incitée à agir.
Tout d’abord, elle essaye par son attitude de faire évoluer la situation : « tu discutes avec un
ministre, un autre député homme passe, il te coupe la parole, il parle au ministre de son
sujet “Non mais t’en fais pas Monique, j’en ai pas pour longtemps”. J’ai accepté pendant
deux ans mais maintenant je me rebelle, je suis vraiment contente, je me dis dans mon bilan
personnel de mandat je me dis que j’aurai au moins appris ça, à me battre ». Par ailleurs,
130
Annexe 3
60
Monique Rabin et son équipe mettent en place des actions en lien avec ce thème. Par
exemple, dans le cadre des visites de l’Assemblée nationale qu’elles organisent, une classe
de 3ème du Collège Condorcet a travaillé sur la thématique de l’égalité femmes-hommes en
politique. Les élèves ont réalisé des interviews de Monique Rabin, notamment sur le fait
qu’elle soit une femme en politique. En janvier 2016, elle décide de me recruter en tant que
stagiaire pour mettre en place un projet sur les femmes et leurs parcours dans la perspective
du 8 mars, « Journée internationale des droits des femmes ». Cet acte montre qu’elle
accorde de l’importance à cette thématique et qu’elle veut agir sur la circonscription. Sur le
modèle des « Journées territoire » où elle se rend à différents endroits de la
circonscription, notamment dans des entreprises, elle veut mettre en place des « Journées de
la citoyenneté » dont le premier thème est l’égalité femmes-hommes. Elle effectue plusieurs
déplacements : dans deux collèges, dans un centre de formation d’apprenti.e.s et dans un
établissement et service d’aide par le travail (ESAT) afin d’aborder l’inégalité des sexes
dans différents domaines : en politique, dans le champ professionnel et concernant le
handicap. Le but est de recueillir les impressions des différents publics et de les sensibiliser
à la question. Ces déplacements aboutissent à une soirée-débat pour échanger sur ce thème
avec la population.
Contrairement à la majorité des femmes, Monique Rabin accède à la commission des
finances qui est traditionnellement un bastion masculin. Cependant, comme la plupart des
femmes, elle est confrontée à des difficultés notamment concernant la prise de parole parce
que les femmes ne présentent pas les qualités et le style corporel attendus. Par ailleurs, au
cours de son mandat, Monique Rabin prend conscience de cette inégalité entre les sexes et
comme de nombreuses députées, souhaite agir pour renverser cette tendance.
61
CONCLUSION
Au fil de ce mémoire, nous avons essayé de comprendre pourquoi, bien que les
femmes composent la moitié de l’humanité, l’Assemblée nationale n’est composée que de
27% de députées. Tout d’abord, nous avons vu que cette sous-représentation est,
progressivement, devenue une préoccupation des dirigeants politiques qui ont légiféré en la
matière. Cependant, malgré l’adoption de lois sur la parité, les candidates à la fonction de
député.e restent confrontées à de multiples obstacles résultant des règles formelles et
informelles qui encadrent les élections législatives. Puis, nous nous sommes interrogé sur
les profils et les trajectoires des député.e.s. Nous avons constaté que pour devenir député.e,
il faut avoir un certain profil et emprunter certaines trajectoires. Or les hommes sont
prédisposés à prendre ces chemins, contrairement, aux femmes qui doivent se battre et
s’adapter pour réussir à entrer dans le champ politique et à gravir les échelons. Le cas de la
députée Monique Rabin a permis d’illustrer ces différentes observations et analyses.
Monique Rabin fait partie de la génération des députées qui ont bénéficié des lois sur la
parité. Comme de nombreuses candidates aux élections législatives, elle a dû affronter un
contexte politique local défavorable à sa couleur politique car les partis politiques
privilégient les candidatures des femmes dans les circonscriptions imprenables. Malgré cet
obstacle et en se présentant pour la troisième fois, elle réussit se faire élire. Par conséquent,
les lois sur la parité ont-elles été les seuls facteurs à son élection ? Elles ont été un tremplin
à la candidature de Monique Rabin, cependant, il faut souligner qu’elle a également été élue
grâce à un contexte politique national favorable et sur ses ressources personnelles issues de
sa carrière professionnelle et de son parcours politique sur le territoire. Il est intéressant de
souligner que pour de nombreuses députées, les lois sur la parité ne peuvent pas être en
elles-seules la raison de leur élection, il faut, à côté, disposer de multiples ressources
politiques et de volonté pour s’imposer.
Puis, nous nous sommes questionné sur l’égalité entre les femmes et les hommes
parlementaires après les élections, en d’autre termes, si, dans l’exercice de leur fonction,
elles et ils ont le même poids. Or ce statut dépend de leur position, de leur pratique du
pouvoir ou encore des représentations projetées ou intégrées par ces derniers. Nous avons
vu que les femmes parlementaires subissent la même division sexuée qui existe dans le
champ professionnel. Les femmes sont moins présentes au sommet de la hiérarchie et elles
sont cantonnées à certains domaines dits féminins. Contrairement à la majorité des députées
qui exercent leur premier mandat, Monique Rabin a voulu et a réussi à entrer dans la
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commission des finances, un bastion masculin. La faible représentation des femmes
socialistes à la commission des finances vient contredire l’engagement du PS pour la parité.
Ce contexte a donc participé à l’entrée de Monique Rabin à cette commission. Cependant,
elle tient sa position, principalement, grâce à sa volonté et à ses ressources professionnelles
en matière de finance. Elle se sent assez légitime pour demander fermement cette
commission. Par ailleurs, même si l’on peut observer que la pratique politique des femmes
diffère quelque peu des hommes, elles sont soumises aux mêmes règles et relations de
pouvoir. Pour se professionnaliser, elles ont aussi tendance à cumuler au moins un mandat
supplémentaire.
Enfin, étant donné que les députées sont confrontées à des inégalités liées à leur
genre, nous nous sommes interrogé sur leur sensibilité concernant la question de l’égalité
femmes-hommes. Selon le profil et les trajectoires des députées, cette sensibilité varie.
Cependant, globalement, les règles politiques neutralisent la charge conflictuelle des
revendications féministes. En matière d’égalité femmes-hommes, la sensibilité de Monique
Rabin a évolué au fil de son parcours politique. Ne ressentant pas de discriminations au
cours de ses premiers mandats politiques, elle n’affiche pas l’égalité femmes-hommes
comme une priorité dans son action politique dans un premier temps. Cependant, en
exerçant des mandats à responsabilité et notamment celui de député.e, elle ressent cette
inégalité. D’ailleurs, cette thématique devient un axe fort dans sa politique en 2016.
De manière générale, nous pouvons conclure que même s’il existe de vraies
améliorations concernant l’égalité femmes-hommes à l’Assemblée nationale, la sphère
politique reste verrouillée, c’est-à-dire que les règles encadrant ce champ sont difficilement
modifiables. Les partis, acteurs incontournables en politique, par leurs pratiques rendent
difficiles toutes évolutions vers une égalité des sexes à l’Assemblée nationale. Cependant, il
faudrait peut-être encore attendre quelques années avant de voir l’impact des lois sur la
parité. Par ailleurs, nous avons pu constater que la socialisation des femmes et des hommes
politiques est primordiale dans la représentation des rôles sexués. Pour voir des
changements, la société civile doit continuer elle aussi à tendre vers l’égalité afin de
modifier ces représentations. Les femmes autant que les hommes doivent pouvoir incarner
le pouvoir politique.
Le chemin vers une égalité entre les hommes et les femmes en politique semble être
encore long. Un signe fort vers l’égalité serait qu’au sommet de la hiérarchie politique où la
compétition est la plus forte, les femmes soient présentes. Or, la France n’a connu qu’une
femme Premier ministre, Édith Cresson et seulement pendant quelques mois au début des
63
années 1990 et seule Ségolène Royal est arrivée au second tour à l’élection présidentielle de
2007. A l’aube de l’élection présidentielle de 2017, il s’avère que la majorité des
candidatures déclarées sont celles d’hommes…
64
IV.
BIBLIOGRAPHIE
1. Documents académiques
a. Ouvrages
- ACHIN Catherine, « Le mystère de la chambre basse ». Comparaison des processus des
femmes au Parlement France-Allemagne 1945-2000, Paris, Dalloz, « Nouvelle bibliothèque
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b. Articles
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science politique, vol.63, 2013, pp. 1113-1136
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Le cas de jeunes filles inscrites dans des formations ‟masculines” de BTS et de DUT
industriels », Formation Emploi, vol.29, n°1, 1990, pp.35-50
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de la politique ? » L'apprentissage des rôles au Conseil régional d’Île-de-France, Sociétés
& Représentations, n° 24, 2007, pp. 251-267
- GUIONNET Christine, « L’irréductibilité du genre à l’heure de la parité », Politix, vol.15,
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2. Documents non académiques
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- ARRAY, « Législative. Tempête politique en Pays de Retz », Ouest France, 2012
- Assemblée nationale, Fiche de synthèse n°15 : Le financement de la vie politique : partis
et campagnes électorales, 2014
- BOURSIER Nadine et COURAUD Marylise, « Pornic-Pays de Retz (9e) : historique, une
députée de gauche rafle un bastion de la droite », Ouest France, octobre 2013
- CASTRA Michel, « Socialisation », Sociologie
- Centre de données socio-politique, Accueil résultats électoraux en France, Science Po
- COURPARD Elsa, Les femmes dans la société française depuis 1945, INA et Le Ministère
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pédagogique
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du débat public, 2015, dossier d’actualité.
- FRISSONG Michel, « Monique Rabin réagit aux propos de Stéphan Beaugé », Ouest
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66
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femmes-hommes
- Groupe de travail « Parité politique », Parité : une culture à développer. Enquête auprès
des candidates des élections législatives de 2012. », Observatoire de la parité entre les
femmes et les hommes, Tome 2, juillet 2012, pp.1-64
- Groupe de travail « Parité politique », Parité : une progression timide et inégalement
partagée. Evaluation quantitative des dispositifs paritaires après les élections législatives
des 10 et 17 juin 2012, Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Tome 1,
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- INSEE, Commune de Pornic, 2012
- INSEE, Loire-Atlantique – 9e circonscription, 2008
- INSEE, Niveau de diplôme selon l’âge en 2014, 2014
- INSEE, Population de 15 ans ou plus selon la catégorie socioprofessionnelle en 2014,
2014
- MAZETIER Sandrine, Inauguration de l’exposition « 21 octobre 1945 : les 33 premières
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octobre 2015, discours d’inauguration
-
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régional des Pays de la Loire en ordre de marche, 2010
- LÉCHENET Alexandre, « Les manquements à la parité coûtent cher aux partis », Le
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- Législatives 2012 : élection des députées selon des modalités actualisées, Vie publique.
Au cœur du débat public, 2012, dossier d’actualité
- RABIN Monique, Monique Rabin, députée de Loire-Atlantique rejoint la communauté,
Parlement et citoyens, 2016
- RICROCH Layla, « En 25 ans, moins de tâches domestiques pour les femmes, l’écart de
situation avec les hommes se réduit », Regards sur la parité, INSEE, 2012, pp.1-15
- Secrétariat général de l’Assemblée nationale, Bienvenue à l’Assemblée nationale, 2014,
flyer explicatif
- ZIMMERMANN Marie-Jo, Pourquoi la parité en politique reste-t-elle un enjeu pour la
démocratie française ?, Délégation aux droits des femmes, rapport au Premier ministre,
2003, pp.1-98
67
V.
ANNEXES
Annexe 1, La neuvième circonscription de Loire-Atlantique
Source Site internet de Monique Rabin [consulté le 4 mars 2016]
68
Annexe 2, Tract de Philippe Boënnec entre les deux tours
des élections législatives de 2012
Source Philippe Boënnec
69
Annexe 2, Tract de Monique Rabin entre les deux tours
des élections législatives de 2012
Source Monique Rabin
70
Dans le cadre de mon master 1 mention Science politique spécialité Politique et
Action publique, j’ai réalisé un stage d’un mois auprès de Monique Rabin, députée de la
neuvième circonscription de Loire-Atlantique. Ce mémoire est l’aboutissement d’une
réflexion qui se nourrit de cette expérience. En effet, il traite de la question de l’égalité
femmes-hommes au sein de l’Assemblée nationale à travers le parcours de Monique Rabin.
Dans les années 2000, suite à de longs débats, le gouvernement de Lionel Jospin
adopte les lois dites « sur la parité » qui encadrent notamment les élections législatives.
Seize ans plus tard, quels sont les effets de ces lois ? En 2016, l’Assemblée est composée
d’environ 27% de femmes : une avancée par rapport aux chiffres des années 1990 mais à
modérer car encore en-dessous des 50% attendus. Ce mémoire s’attache à observer les
différents facteurs qui expliquent cette lente progression. Ces paramètres sont illustrés et
questionnés à travers le parcours politique de Monique Rabin et de son élection aux
législatives de 2012. Dans quelles mesures Monique Rabin a-t-elle bénéficié des effets des
lois sur la parité ? D’autres éléments ont-ils joué dans son élection comme les contextes
politiques au niveau local et au niveau national ou ses ressources personnelles ?
Par ailleurs, le fait que l’Assemblée soit paritaire n’assure pas l’égalité entre les
député.e.s femmes et hommes dans l’exercice du pouvoir. En effet, par la position et la
pratique du pouvoir, les député.e.s n’ont pas le même poids. En outre, depuis les années
2000, de plus en plus de femmes sont assises aux bancs de l’Assemblée, importent-elles de
nouvelles pratiques politiques ou doivent-elles se conformer aux pratiques politiques
traditionnelles ? Enfin, du fait de certaines difficultés à entrer dans l’hémicycle, les femmes
députées sont-elles particulièrement sensibles au thème de l’égalité femmes-hommes ? Ces
différentes questions sont étudiées à travers l’action politique de Monique Rabin qui exerce
son premier mandat de député.e depuis 2012. Plus globalement, il faut se demander si le cas
de Monique Rabin est spécifique ou représentatif des femmes députées ?
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