rapport de stage sur l`égalité femmes-hommes
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rapport de stage sur l`égalité femmes-hommes
UNIVERSITE PARIS 13 – PARIS NORD UFR DROIT, SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES Master Politique et Action Publique Première année L’ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES À L’ASSEMBLÉE NATIONALE Le parcours de la députée Monique Rabin Monique Rabin, députée de la neuvième circonscription de Loire-Atlantique : Assemblée nationale, 106 rue de l’Université 75 007 Paris Permanence parlementaire, 33 rue de l’Hôtel de Ville 44310 Saint Philbert de G.L. Louise BEAUVAIS Tuteur de stage : Monique Rabin Députée Enseignante encadrante : Gwenaëlle Perrier Année 2015-2016 2 Tout d’abord, je tiens à remercier, Monique Rabin qui m’a accueillie en stage et m’a permis de découvrir le rôle d’une députée. Sa disponibilité et l’attention qu’elle m’a portée m’ont été plus que profitables. Un grand merci à toutes ses collaboratrices : Pascale C., Sarah C., Laure D., Linda L., Tiphaine P.. Elles m’ont intégrée à l’équipe, entourée pendant mon stage et confié des tâches. Grâce à elles, j’ai pu également visiter l’Assemblée nationale et avoir accès à sa bibliothèque. Je désire également adresser ma gratitude à Violaine G., collaboratrice de Catherine Coutelle et Pascale F., agente de la délégation aux droits de la femme et pour l’égalité des chances entre les hommes et les femmes qui ont pris de leur temps pour m’expliquer leurs missions au sein de l’Assemblée nationale. Enfin, je souhaite remercier le corps enseignant de l’Université Paris XIII dont Marie Loison-Leruste, Pierre Lefébure et, plus particulièrement, Gwenaëlle Perrier. Je tiens, sincèrement, à la remercier de sa disponibilité, de sa réactivité et des conseils qu’elle m’a donnés aussi bien lors de mon stage que lors de la rédaction de mon mémoire. 3 SOMMAIRE I. LES REGLES FORMELLES ET INFORMELLES RELATIVES AUX ELECTIONS LEGISLATIVES, UNE GARANTIE POUR LA PARITE ? ................................................ 12 Evolution de la législation vers une égalité à l’Assemblée nationale ? .................. 12 A. 1. Genèse et contexte des lois sur la parité.............................................................. 12 2. L’adoption des lois : dispositif et enjeux ............................................................ 14 3. Bilan en demi-teinte ............................................................................................ 15 4. Les stratégies de contournement des partis politiques ........................................ 17 B. Les particularités des élections législatives : des atouts ou des obstacles pour les candidates .......................................................................................................................... 20 II. 1. Une fonction difficile à atteindre et à endosser pour les femmes ....................... 21 2. Les contextes politiques nationaux et locaux ...................................................... 24 LE PROFIL ET LA TRAJECTOIRE DES FEMMES DEPUTEES : LE CAS DE MONIQUE RABIN ............................................................................................................... 29 A. La vie familiale, un élément décisif pour les femmes députées ............................. 29 1. Socialisation primaire des femmes députées....................................................... 29 2. La disponibilité, un critère décisif pour être député.e ......................................... 31 B. Les ressources mobilisées pour devenir députée, une professionnelle de la politique 33 1. Les ressources politiques conventionnelles : l’origine sociale, le niveau de diplôme, le statut professionnel ainsi que les ressources partisanes ............................. 33 2. Des ressources différentes pour les femmes et un champ politique imperméable aux femmes.................................................................................................................... 37 3. C. La dure épreuve de l’éligibilité pour les femmes ................................................ 40 Trajectoire de Monique Rabin par rapport aux trajectoires des députées françaises de 1945 à 2000 .................................................................................................................. 43 1. Présentation de la typologie ................................................................................ 43 4 2. Monique Rabin, une députée de terrain ou une députée de troisième génération ? 45 III. PRATIQUE ET POSITION DES FEMMES DÉPUTÉES ........................................ 47 Persistance de l’inégalité entre les sexes dans l’exercice du pouvoir ..................... 47 A. 1. Des femmes députées de « second rang » ........................................................... 47 2. Etre député, un « métier d’homme » : les représentations du pouvoir politique et leurs impacts sur la prise de parole................................................................................ 51 De nouvelles pratiques politiques ou l’intégration des pratiques traditionnelles ? 3. 54 Action et posture du personnel politique face à l’égalité femmes-hommes et aux B. revendications féministes .................................................................................................. 56 Les initiatives des actrices et des acteurs politiques concernant l’égalité des 1. sexes 57 2. IV. V. Monique Rabin, une prise de conscience progressive ........................................ 59 BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 65 ANNEXES .................................................................................................................... 68 5 INTRODUCTION Le 21 octobre 1945, pour la première fois, en France, des femmes sont élues députées. 70 ans après, à l’Assemblée nationale, un hommage est rendu à ces trente-trois pionnières. Une exposition temporaire mettant en lumière leur parcours est réalisée et inaugurée. A cette occasion, un buste d’Olympe de Gouges, emblème du féminisme, qui a écrit la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791, doit également être installé à l’Assemblée nationale. Dans son discours d’inauguration, la députée Sandrine Mazetier rappelle qu’à l’époque, les femmes représentaient seulement 5,6% des député.e.s et qu’elles s’occupaient de sujets traditionnellement féminins « comme l’éducation, la lutte contre l’alcoolisme ou les droits des enfants adultérins, ou encore le ravitaillement »1. 70 ans plus tard, quelle est la situation concernant la place et la représentation des députées ? Cet événement rappelle que le droit de vote et d’élection des femmes est relativement récent. Cette avancée pour les femmes est le fruit d’une longue lutte des féministes dites de la première vague. L’accès tardif des Françaises à la sphère politique est, en partie, le résultat de leur place dans la société. Au XXe siècle, la société française est encore dite patriarcale, c’est-à-dire, que c’est un « système de subordination des femmes aux hommes dans les sociétés industrielles contemporaines »2. Suite à l’acquisition du droit de vote des femmes, le long processus vers l’égalité des sexes continue. Les mœurs de cette société patriarcale s’assouplissent progressivement. Dans les années 1950-1960, « les femmes investissent le marché du travail »3. En 1965, les femmes peuvent exercer une activité professionnelle sans l’autorisation de leur mari. Dans les années 1960-1970, le nouveau combat des féministes porte sur la libre disposition de son corps et sur l’achèvement de l’égalité civique. En 1975, les femmes acquièrent des droits comme la dépénalisation de l’Intervention Volontaire de Grossesse et l’instauration du divorce par 1 MAZETIER Sandrine, Inauguration de l’exposition « 21 octobre 1945 : les 33 premières femmes élues députées » à l’Assemblée Nationale, Site de la députée MAZETIER Sandrine, octobre 2015, discours d’inauguration. Disponible sur : http://www.sandrinemazetier.fr/inauguration-de-lexposition-21-octobre-1945les-33-premieres-femmes-elues-deputees-a-lassemblee-nationale-14150.html33-premieres-femmes-eluesdeputees-a-lassemblee-nationale-14150.html 2 DELPHY Christine, L’ennemi principal. t.1 : Economie politique du patriarcat, Paris, Syllepse, « Nouvelles questions féministes », 1998, p.7 3 COURPARD Elsa, Les femmes dans la société française depuis 1945, INA et Le Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Parcours pédagogique. Disponible sur : http://fresques.ina.fr/jalons/parcours/0004/les-femmes-dans-la-societe-francaise-depuis-1945.html 6 consentement mutuel. Contrairement à d’autres pays, le mouvement féministe français des années 1970 dit de la deuxième vague utilise un mode d’intervention radical et non institutionnel. Cependant, cette libération des droits des femmes ne semble pas toucher la sphère politique. Effectivement, la représentation des femmes demeure faible notamment à l’Assemblée nationale. Entre 1945 et 1997, le nombre de femmes députées varie entre 1,5% à 6,8%4. A partir des années 1990, les féministes dites de la troisième vague se mobilisent pour la parité en politique et les dirigeants politiques ainsi que les citoyennes et les citoyens prennent conscience de cette inégalité. Pour modifier cette tendance, l’Etat légifère. Il adopte les lois dites sur la parité afin que la situation évolue. Depuis le début des années 2000, l’entrée plus massive des femmes dans l’espace politique fait relativement consensus. Dans ce contexte où l’égalité femmes-hommes semble être acceptée, qu’en est-il réellement concernant l’Assemblée nationale ? En effet, les femmes ont-elles les mêmes chances d’être élues députées que les hommes ou l’accès à cette fonction est-il encore semé d’obstacles pour ces dernières ? Ont-elles le même poids et la même place que les hommes dans l’exercice du pouvoir à l’Assemblée nationale ou sont-elles cantonnées à certaines fonctions ? A travers la trajectoire de Monique Rabin, nous nous demanderons si, l’accès à l’Assemblée nationale et l’exercice de la fonction de députée tendent et évoluent vers l’égalité entre les femmes et les hommes député.e.s. Tout au long de ce mémoire, nous essayerons également de voir si le parcours de Monique Rabin est représentatif de celui des femmes députées ou si ce dernier est spécifique. J’ai effectué le stage de mon master 1 mention Science politique spécialité Politique et Action publique auprès de Monique Rabin, députée de la neuvième circonscription de Loire-Atlantique. Son travail de députée se partage en deux lieux : à l’Assemblée nationale où principalement, elle légifère et contrôle l’exécutif, et sur sa circonscription. En effet, même si un.e député.e doit représenter toutes les Françaises et tous les Français, elle ou il a un lien étroit avec sa circonscription car ce sont les habitants de ce territoire qui l’élisent. En plus des fonctions législatives, Monique Rabin a un rôle de représentation, par exemple, être présente à des événements importants comme les vœux des maires de sa circonscription ou encore être disponible et à l’écoute des acteurs du territoire comme les associations, les entreprises ou les particuliers. J’ai passé seulement trois jours à l’Assemblée nationale. Mon stage s’est principalement déroulé sur la circonscription du Pays de Retz à la permanence 4 ACHIN Catherine, Sexes, genre et politique, Paris, ECONOMICA, « Etudes politiques », 2007, p.169 7 parlementaire qui se situe à Saint Philbert de Grand Lieu5. Dans le cadre de mon stage, j’ai été entourée par les collaboratrices qui m’ont délégué certaines de leurs tâches quotidiennes comme l’envoi de vœux, le recensement des contacts, la création de fiches d’informations sur les différentes communes de la circonscription, la prise en charge de doléances... A côté de ces missions, j’ai travaillé avec Sarah C.6, collaboratrice de Monique Rabin sur un événement concernant l’égalité femme-homme avec les multiples acteurs du territoire. Nous avons réfléchi au format que cela pouvait prendre ainsi qu’aux personnes avec qui l’on pouvait travailler. Ce projet a été enrichi par de nombreux échanges avec Monique Rabin qui nous a expliqué ce qu’elle attendait. Nous avons décidé de réaliser des déplacements dans différents lieux comme un centre de formation d’apprenti.e.s, un collège, un établissement et service d’aide par le travail (ESAT) et de conclure ces déplacements par une soirée débat. Puis, j’ai contacté certains acteurs du territoire pour mettre en œuvre l’événement. Etant donné que mon stage n’a duré qu’un mois, la concrétisation de ce projet n’a pas eu lieu pendant mon stage. Cependant, je continue à entretenir un lien avec Sarah C. concernant l’organisation de l’événement qui devrait avoir lieu en mai. J’ai décidé d’étudier la question de l’égalité entre les sexes à l’Assemblée nationale car j’ai réalisé mon stage de master 1 auprès d’une femme députée. Elle m’a notamment prise en stage pour participer à la mise en place d’un événement en lien avec cette thématique sur la circonscription. Cette question m’intéresse également personnellement. L’année dernière, j’ai effectué un service civique à la Mission Citoyenneté, Egalité et Diversité à la mairie d’Angers. Lors de cette expérience, j’ai notamment été amenée à mettre en place des projets sur l’égalité. Par exemple, j’ai participé à l’organisation d’une table ronde sur l’égalité femmes-hommes dans le domaine du sport et d’une conférence sur la mixité dans l’espace public ainsi qu’à l’animation d’une marche exploratoire avec des femmes d’un quartier angevin en reconstruction. De plus, mon enseignante référente, Gwenaëlle Perrier est une spécialiste de la question de l’égalité femmes-hommes. Ces différents éléments m’ont confortée dans mon choix de travailler sur l’effectivité de l’égalité à l’Assemblée nationale. Mon stage m’a permis de recueillir des matériaux sur ce thème. J’ai pu observer la position de Monique Rabin. Elle a également accepté de s’entretenir avec moi pendant une heure. 5 Annexe 1 6 Sarah C. est principalement présente à l’Assemblée nationale. Elle a étudié à l’Institut d’étude politique de Grenoble et est auprès de Monique Rabin depuis 2012. Elle est, particulièrement, sensible à la question de l’égalité femmes-hommes. 8 Durant mon séjour à l’Assemblée nationale, j’ai pu observer différents rassemblements de député.e.s plus ou moins formels comme une séance à l’hémicycle et une réunion du groupe parlementaire socialiste, républicain et citoyen. Enfin, j’ai eu la chance, grâce à Monique Rabin et sa collaboratrice Sarah C., de m’entretenir avec une agente de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ainsi qu’avec l’une des collaboratrices de Catherine Coutelle, présidente de cette délégation. De plus, différentes données me sont accessibles sur internet comme l’Insee, le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes ou encore le site officiel du Parlement. Enfin, j’ai pris connaissance des différents travaux sur la parité en politique, particulièrement, ceux de Catherine Achin. Tous ces matériaux ont nourri ma réflexion concernant la thématique de l’égalité des sexes à l’Assemblée nationale. J’ai choisi d’étudier ce sujet à travers le parcours de la députée Monique Rabin. En effet, son cas me permet d’illustrer et de discuter les différentes thèses développées par les chercheuses et les chercheurs sur cette thématique. Tout d’abord, il faut se pencher sur les règles qui encadrent les élections législatives pour comprendre pourquoi les femmes représentent, aujourd’hui, environ 27% des député.e.s : qu’est-ce qui facilite leur accès et au contraire, ce qui le freine ? Puis, l’analyse des différents parcours des femmes députées permet de compléter cette explication sur les éléments qui encouragent ou rendent difficile leurs élections. Enfin, dans l’exercice de la fonction de député.e, il est intéressant de voir s’il existe une différence entre les femmes et les hommes parlementaires tant sur leur position, la pratique du pouvoir que sur leur sensibilité à la question de l’égalité et des actions mises en œuvre sur ce thème. 9 Biographie de Monique Rabin Monique Rabin est née en 1954 à Laval. Elle est fille d’un couple de commerçants et l’aînée d’une fratrie de quatre sœurs. Suite à l’obtention de son baccalauréat littéraire, elle suit des études en sciences économiques et obtient un diplôme d’études universitaires générales (DEUG). En 1975, elle est reçue au concours de la fonction publique territoriale de catégorie B et débute sa carrière à la mairie de Rennes. En parallèle de son travail de rédactrice, elle suit une formation dans le cadre de la fonction publique et obtient l’équivalent d’un DEUG en droit public. Au début des années 1980, elle devient, pendant douze ans, collaboratrice d’Edmond Hervé, homme politique socialiste, maire de Rennes et député de l’Ille-et-Vilaine. Au cours de sa carrière, elle passe les concours d’attachée qu’elle réussit. A partir de 1982, dans le cadre d’un dispositif mis en place par la mairie de Rennes pour inciter les agents à travailler moins et mieux répartir le travail, Monique Rabin travaille quatre jours par semaine. En 1994, elle entre à la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire. Pendant trois ans, elle participe au contrôle de villes importantes. En parallèle de sa vie professionnelle, Monique Rabin se marie avec Denis Rabin, directeur de banque. Tout en se déplaçant entre Rennes et Paris, ils habitent à La Limouzinière7, commune se situant entre les deux villes. Suite aux élections cantonales gagnées par Stéphan Beaugé, candidat « sans étiquette » dans premier temps, puis, de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), et en réaction à la présence de ce nouveau candidat sur le territoire, Monique Rabin s’encarte au Parti socialiste en 1998. A cette occasion, elle participe à la création d’une section du Parti socialiste au niveau des communes du Pays de Retz. Pendant une période, elle occupe le poste de secrétaire de section. La décision de s’engager en politique et donc de prendre sa carte au PS est également motivée par le fait qu’elle se sent redevable à la société qui a permis de soigner son mari d’une maladie grave. En 1996, ce dernier reçoit une greffe du cœur. Monique Rabin, habitante de La Limouzinière, se présente pour la première fois, en 2001, aux élections municipales de Saint Philbert de Grand Lieu, commune d’environ 6 500 habitant.e.s à cette époque8. Elle est à la tête d’une liste située à gauche de l’échiquier politique. Elle arrive en deuxième position derrière Yvonnick Gilet, candidat de l’UMP et devant Stéphan Beaugé, candidat « sans étiquette ». Elle est donc élue dans l’opposition. En 2008, elle se présente à nouveau aux élections municipales de Saint Philbert de Grand Lieu. La liste adverse est menée par Yvonnick Gilet et comprend également Stéphan Beaugé. Au deuxième tour, Monique Rabin et son équipe 7 Annexe 1 8 En 2013, la commune de Saint Philbert de Grand Lieu compte environ 8 600 habitant.e.s. 10 gagnent avec deux voix d’avance. Le résultat est contesté par l’équipe d’Yvonnick Gilet. Les élections sont annulées par les tribunaux et de nouvelles sont reconduites. A l’issue de cette nouvelle élection, Monique Rabin et son équipe gagnent avec 59,23% des voix. Yvonnick Gilet se retire de la politique et ne siège pas dans l’opposition. En 2008, lorsqu’elle est élue maire, Monique Rabin choisit de prendre sa retraite professionnelle de manière anticipée, au titre d’un conjoint malade. En 2014, Monique Rabin, maire sortante, se présente à nouveau aux élections municipales contre Stéphan Beaugé. Elle est battue par ce dernier qui obtient 58,83% des suffrages. En parallèle des municipales, Monique Rabin se présente au niveau régional. En 2004, elle est en position éligible sur la liste de gauche présentée aux élections régionales des Pays de la Loire. Elle est conseillère régionale jusqu’en 2010. Aux élections régionales de 2010, elle est en troisième position sur la liste de gauche et première sur celle de Loire-Atlantique. Elle devient deuxième vice-présidente et présidente de la commission Europe, International et coopérations9. En 2012, lorsqu’elle devient députée, elle se retire du Conseil régional. Elle s’est également présentée aux différentes élections législatives depuis 2002. En 2002, elle perd avec 41,11% contre Pierre Hériaud, candidat de l’UMP qui obtient 58,89%. En 2007, elle est battue avec un score de 47% par Philippe Boënnec, candidat de l’UMP qui obtient 53%. Elle gagne celles de 2012 contre Philippe Boënnec, député sortant de droite et maire de Pornic10 avec 53,26%. 9 L’esprit grand ouvert Région Pays de la Loire, Seconde séance d’installation. Le Conseil régional des Pays de la Loire en ordre de marche, 2010. Disponible sur : http://www.paysdelaloire.fr/uploads/tx_oxcsnewsfiles/100409_DP_seance_d_installation_9_avril.pdf 10 Annexe 1 11 I. LES REGLES FORMELLES ET INFORMELLES RELATIVES AUX ELECTIONS LEGISLATIVES, UNE GARANTIE POUR LA PARITE ? Toutes les élections sont encadrées par un certain nombre de règles juridiques. Les député.e.s sont élu.e.s au suffrage universel direct, par le biais d’un scrutin uninominal à deux tours. Elles et ils sont élu.e.s sur un territoire déterminé : la circonscription. Les femmes sont peu représentées en politique et particulièrement à l’Assemblée nationale. Il est intéressant d’étudier les règles formelles et informelles qui régissent les élections législatives ainsi que leurs impacts qui seront illustrés à travers l’élection de Monique Rabin à la fonction de député.e. A. Evolution de la législation vers une égalité à l’Assemblée nationale ? Les lois sur la parité sont issues d’un long processus et leur objectif est de lutter contre la sous-représentation des femmes en politique. Cet objectif est-il rempli concernant l’Assemblée nationale ? 1. Genèse et contexte des lois sur la parité Depuis le 21 avril 1944, les femmes ont le droit de vote et le droit d’être éligibles au même titre que les hommes. Cependant jusqu’à la fin des années 1990, la représentation des femmes dans l’espace politique est faible. En 1995, les conseils municipaux de plus de 3 500 habitants comptent 27,5% de femmes, en 1998, les conseils régionaux, 27,5% et le Sénat 5,6%11. Le nombre de femmes élues à l’Assemblée est particulièrement bas, de 1945 à 1993, il varie entre 1,5% à 6,8%12. Le fait que les femmes soient peu présentes dans la sphère politique n’est pas un phénomène récent. Cependant, ce n’est qu’au début des années 2000 que des mesures sont 11 BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.254 12 ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques », 2007, pp.1-184, p.169 12 prises pour renverser cette tendance : les lois dites « sur la parité ». Elles ont pu voir le jour grâce à trois facteurs principaux : « les pressions des organisations internationales, les mobilisations collectives émanant de l’espace de la cause des femmes, et les calculs opportunistes des élites politiques »13. En effet, progressivement, dans les années 19801990, différentes organisations internationales comme les Nations Unies, le Conseil de l’Europe ou la Commission européenne incitent les pays à tendre vers une égalité femmeshommes dans le champ politique, en mettant en place des « mesures temporaires spéciales »14 : des quotas. La création de quotas en France résulte également des mobilisations collectives et particulièrement des femmes. En 1993, est créé un « mouvement pour la parité » qui regroupe majoritairement des femmes issues de secteurs divers : politiques, associatifs et universitaires. Ce mouvement semble rompre avec le féminisme de la deuxième vague. En effet, il mélange une plus large palette d’actrices, les modes d’intervention sont moins radicaux et la revendication d’une meilleure représentation des femmes devient primordiale. De plus, la loi sur la parité émerge dans un contexte de « crise de la représentation». L’élite politique face à cette crise voit les quotas comme une solution. Dans les années 1980-1990, l’abstention devient de plus en plus forte. Différents acteurs, dont les hommes et les femmes politiques15, se préoccupent de cet enjeu. L’idée selon laquelle les électrices et les électeurs ne se sentent pas représenté.e.s prend de l’ampleur. La perspective d’une représentation paritaire semble être une réponse à ce climat de défiance du personnel politique. L’argument avancé est qu’en entrant massivement dans l’espace politique, les femmes renouvelleront le personnel politique ainsi que la manière d’exercer le pouvoir. De plus, en représentant la moitié du personnel politique, elles permettraient une meilleure représentation de la société civile, composée pour moitié de femmes. Cependant, l’adoption de quotas ne s’est pas réalisée sans difficulté. En 1982, une première loi qui prévoit un quota de 25% de femmes dans les listes municipales est censurée par le Conseil constitutionnel. Cette institution estime que l’adoption de quotas est contraire aux principes constitutionnels de la République, en particulier à « l’universalisme 13 BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.249 14 Ibidem, p.251 15 Ce sont surtout les hommes qui sont préoccupés par la crise de la représentation car de manière générale, les femmes sont sous-représentées en politique. 13 républicain »16. L’article premier de la Constitution indique que les citoyens sont tous égaux devant la loi. A travers les quotas, le Conseil voit la création d’une catégorisation des électeurs qui enfreint cette égalité. 2. L’adoption des lois : dispositif et enjeux Dans ce contexte et malgré les réticences de certains acteurs et certaines actrices, les décideurs français, sous l’égide de Lionel Jospin, premier ministre, souhaitent mettre en œuvre un dispositif contraignant pour que la parité soit atteinte dans l’espace politique. Il faut attendre la révision constitutionnelle de 1999 pour permettre à la loi de « favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives »17. Cette loi modifie la Constitution française pour permettre l’adoption de quotas qui étaient, auparavant, considérés comme inconstitutionnels. Cette réforme est suivie par la promulgation de deux lois dites sur « la parité » le 6 juin et 10 juillet 200018. Selon la loi du 6 juin 2000, la parité doit être stricte pour les scrutins de liste : les partis politiques doivent présenter autant de femmes que d’hommes ; à défaut la liste n’est pas conforme. Ce texte pose une exception pour les député.e.s qui sont élu.e.s par le biais d’un scrutin uninominal à deux tours. La loi « impose aux partis et groupements politiques de présenter 50% de candidats de chacun des deux sexes à 2% près »19. A défaut, les partis et groupements politiques sont sanctionnés financièrement. Contrairement au scrutin de liste, bien que les partis politiques soient sanctionnés, ils ont la possibilité de présenter moins de candidates que de candidats. Par la suite, différents textes de loi concernant la parité sont adoptés afin de perfectionner le dispositif et de l’élargir à tous les types de mandats et à des fonctions non électives. En 2007, la sanction financière pour les partis politiques qui ne respectent pas la parité dans les candidats présentés aux élections législatives est augmentée. 16 BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.252 17 Article premier de la Constitution française. 18 La loi du 10 juillet 2000 porte sur les élections sénatoriales. En fonction du nombre d’habitant.e.s sur le département, les élections sénatoriales ne se déroulent pas de la même manière. Dans les départements où les élections sont au scrutin de liste, la loi indique que les quotas stricts s’appliquent. 19 Législatives 2012 : élection des députées selon des modalités actualisées, Vie publique. Au cœur du débat public, 2012, dossier d’actualité. Disponible sur : http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/legislatives2012/legislatives-2012-election-deputes-selon-modalites-actualisees.html 14 Selon Catherine Achin20, aujourd’hui, la mise en place de quotas pour tendre vers la parité est relativement acceptée. Cependant, les lois de 2000, lors de leur adoption, ont fait l’objet de controverses importantes. Différents arguments en faveur et contre ces lois sont mobilisés. Ce débat est perceptible dans la rédaction des lois et dans les dispositifs adoptés par le Parlement. Tout d’abord, à propos de la réforme constitutionnelle, en première lecture, le Parlement était partagé sur la formulation à adopter : l’Assemblée nationale était pour que « la loi garantisse l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives » et le Sénat pour que « la loi [la] favorise » seulement. La formulation la moins contraignante fut retenue. Concernant les élections législatives, le seuil retenu du nombre de candidates présentées par les partis politiques est 50% et non 40% comme l’avait recommandé le rapport de l’Observatoire de la parité rédigé par Dominique Gillot21. En contrepartie d’un seuil plus bas, les sanctions financières devaient être plus élevées. Le dispositif proposé dans le rapport de l’Observatoire de la parité est moins ambitieux mais plus réaliste et plus contraignant. Les débats qui entourent l’adoption des lois sur la parité permettent, en partie, de comprendre leur impact limité. 3. Bilan en demi-teinte Les effets des lois sur la parité sont à deux vitesses. Suite à l’application de ces lois, des avancées ont pu être notées concernant certains mandats. Dans les conseils municipaux, les conseils régionaux ou encore les délégations françaises au Parlement européen, l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes se réduit22. Lorsque la loi est réellement contraignante, la parité s’améliore. Bien qu’il existe de réels progrès, les effets des lois sur la parité restent relatifs pour un certain nombre de mandats, en particulier, pour les plus prestigieux. La loi est seulement incitative pour les fonctions à responsabilité comme maire ou président de région23. Ils sont donc toujours détenus majoritairement par des hommes. Cela vaut également pour la fonction de député.e. 20 ACHIN Catherine, Tous genres bienvenus, youtube, 2014, vidéo. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=DY3MNrjPh9Y 21 GILLOT Dominique, Vers la parité en politique, Observatoire de la parité, rapport au Premier ministre, 1999 22 ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.184, pp.167-168 23 Lors des élections municipales de 2014, seul 16% des maires sont des femmes et suite aux élections régionales de 2010, seul 7,7% des président.e.s de région sont des femmes. Disponible sur : http://haut-conseilegalite.gouv.fr/parite/reperes-statistiques-47/ 15 A partir des élections législatives de 1997, puis de 2002, le pourcentage de femmes à l’Assemblée nationale dépasse la barre des 10% mais progresse lentement. Lors des élections législatives de 1997, l’enjeu d’une meilleure représentation des femmes est présent. Certains partis politiques avaient déjà pris des décisions dans ce sens. En effet, par exemple, le Parti socialiste (PS) avait décidé de s’imposer un quota de 30% de candidates24. Or le PS a été majoritairement élu aux élections législatives de 1997. Cela explique pourquoi le pourcentage de femmes à l’Assemblée nationale est passé de 6,1% en 1993 à 10,9% en 1997. Suite à l’adoption des lois sur la parité, 12,1% de femmes ont été élues aux élections législatives de 2002, 18,5% en 2007, et 26,9%25 en 2012, c’est-à-dire, un peu plus d’un quart de l’Assemblée. Bien qu’il existe une progression, le pourcentage de femmes à l’Assemblée nationale reste bien en deçà des 50%. Comme le soulignent Mariette Sineau et Vincent Tiberj26, en 2002, premières élections législatives où la loi sur la parité s’appliquait, le nombre de femmes attendues à l’Assemblée pouvait être plus important que 12,1%. En effet, le nombre de femmes dans l’hémicycle a peu augmenté par rapport aux élections législatives de 1997 où les femmes représentaient 10,9% de l’Assemblée. Il est important de rappeler le contexte politique des élections législatives de 2002 : au second tour de l’élection présidentielle de 2012, Jacques Chirac est élu face à Jean-Marie Le Pen, candidat du Front national (FN). Suite aux élections de 2002, l’Assemblée nationale est majoritairement à droite. Or le parti de l’UMP n’est pas celui qui présente le plus de candidates. Mariette Sineau et Vincent Tiberj rappellent, en outre, que la loi sur la parité ne s’applique qu’au moment des candidatures. Sur 39% de femmes qui se sont présentées au premier tour en 2002, seules 12,1% sont finalement élues. Bien qu’il existe une amélioration par rapport aux chiffres de 2002, cette remarque vaut également pour ceux de 2012. Sur 40,1% de candidates, toutes nuances politiques confondues, seules 26,9% sont élu.e.s27. Dans le cas de Monique Rabin, la loi sur la parité facilite sa candidature aux élections législatives. Afin de respecter la loi, le PS réserve, en 2001, en 2007 et 2012, la neuvième circonscription de Loire-Atlantique à une femme. C’est ce qu’elle explique en entretien « En 2002, je me suis portée candidate aux élections législatives et c’était d’autant plus 24 SINEAU Mariette et TIBERJ Vincent, « Candidats et députés français en 2002. Une approche sociale de la représentation », Revue française de science politique, vol.57, 2007, pp. 163-185, p.166 25 BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.227 26 Ibidem, p.166 27 Figure 1 16 facile entre guillemet qu’ils avaient décidé de réserver la circonscription à une femme […] donc j’ai gagné l’investiture de 2002, celle de 2007 et celle de 2012 ». Dans un contexte de mise en application des lois sur la parité, le fait d’être une femme est donc un tremplin pour Monique Rabin, car cela lui permet d’accéder plus facilement à son investiture pour les élections législatives. Une meilleure représentation des femmes en politique et à l’Assemblée nationale est un enjeu consacré en 2000 par la loi sur la parité qui oblige ou contraint financièrement les partis et groupements politiques à tendre vers la parité. 4. Les stratégies de contournement des partis politiques La différence entre le pourcentage d’élues et de candidates peut s’expliquer par les stratégies de contournement des partis politiques. Tout d’abord, certains partis politiques évaluent la situation et réalisent un calcul financier. Le financement public que reçoivent les partis politiques est réparti entre eux en deux temps. La première moitié des crédits est attribuée en fonction du résultat des partis au premier tour des dernières élections législatives. Différents critères entrent en compte lors de ce premier temps dont la règle de présenter autant de femmes que d’hommes aux élections législatives. La seconde moitié des crédits est répartie en fonction de leur représentation au Parlement, proportionnellement au nombre de député.e.s28. Pour certains partis, cela est donc plus avantageux financièrement de payer des sanctions financières que de présenter 50% de candidates. Les partis qui adoptent cette stratégie sont plus fréquemment les partis de gouvernement et/ou les partis de droite. En effet, les partis de gouvernement peuvent se permettre de déroger à l’esprit de la loi car en gagnant de nombreux sièges, ils ont les moyens financiers, contrairement, aux petits partis qui ont peu de sièges et donc peu de ressources. Cependant, une différence peut être marquée entre le PS et Les Républicains. En 2007, l’UMP, en présentant environ 26% de candidates 29, fut sanctionné, sa dotation publique annuelle fut amputée de 4 millions d’euros. Le PS, en présentant environ 45%, fut sanctionné de 500 000 euros30. Bien que le PS n’atteigne pas les 50% de candidates, de manière générale, les partis de gauche sont plus sensibles à la 28 Assemblée nationale, Fiche de synthèse n°15 : Le financement de la vie politique : partis et campagnes électorales, 2014. Disponible sur : http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et- pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/le-depute/le-financement-de-la-vie-politique-partis-et-campagneselectorales 29 Figure 1 30 LÉCHENET Alexandre, « Les manquements à la parité coûtent cher aux partis », Le Monde, 2012 17 question de la parité que les partis de droite. En 2012, les partis de gauche ont présenté 44,8% de candidates contre 38,4% pour les partis de droite31. De plus, la plupart des lois clés relatives à l’égalité des sexes concernant la représentation politique ont été présentées par un gouvernement socialiste. La loi de 1982 retoquée par le Conseil constitutionnel a été portée par le gouvernement de Pierre Mauroy, Premier ministre sous la présidence de François Mitterrand. La loi constitutionnelle de 1999 et les lois sur la parité ont été adoptées sous le gouvernement de Lionel Jospin, homme politique socialiste. Figure 1, Nombre et pourcentage de candidat.e.s et d’élu.e.s par nuances aux élections législatives en 2007 et en 2012 Source Haut Conseil de l’égalité femmes-hommes, juillet 2012, Tableau n°22, p.34. Disponible sur : http://www.haut-conseilegalite.gouv.fr/IMG/pdf/opfh_eleleg_rapt1-250712.pdf Une autre stratégie mise en œuvre par les partis est de réserver les circonscriptions imprenables aux candidates. Le rapport de 2003 de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes expliquent que, pour le PS et l’UMP, trois types de circonscription se dessinent : celles où ils ont un député sortant, celles où ils ont une chance de gagner et enfin, celles qui sont imprenables. Les deux premières sont, généralement, réservées aux candidats hommes. Dans le premier cas, la majorité des député.e.s sortant.e.s sont des 31 Figure 1 18 hommes et donc ils sont reconduits. Dans le deuxième cas, les partis préfèrent « investir des élus locaux enracinés ou d’anciens députés battus en 1997 »32, donc des hommes, car l’entrée massive des femmes en politique est relativement récente. Etant donné que les partis politiques n’ont pas intérêt à être sanctionnés, le dernier type de circonscription est attribué, par défaut, aux femmes. Dans le cas de Monique Rabin, le fait que le PS lui réserve la neuvième circonscription est à double tranchant car en étant réservée pour une femme, cela lui en facilite l’accès. Cependant, la neuvième circonscription est un bastion de droite et est donc difficilement gagnable. Depuis 1986, date de sa création, la circonscription a toujours élu un député de droite : Lucien Richard 1988 à 1993, Pierre Hériaud de 1993 à 2007 et Philippe Boënnec de 2007 à 2012. De fait, Monique Rabin est battue aux élections législatives de 2002 et de 2007. Il existe des améliorations au sein de l’Assemblée nationale mais elles sont limitées par les stratégies adoptées par les partis politiques de gouvernement, particulièrement, Les Républicains. Les partis permettent aux hommes de garder les positions les plus prestigieuses. Etre député, c’est « un métier d’homme »33. Ces stratégies mettent en lumière l’importance du rôle des partis politiques dans la sélection des candidats aux postes électifs. Or dans les partis politiques, les femmes sont sous-représentées. En 2011, au PS, les femmes représentaient environ 30% des effectifs partisans34. Certes, le nombre de femmes encartées est en constante progression depuis la Cinquième République, mais de manière lente et inachevée. De plus, soumis aux lois sur la parité, les partis politiques cherchent des femmes « profanes » qui émanent de la société civile et non des militantes encartées de longue date. Pour comprendre cela, il faut rappeler que les lois sur la parité ont été prises dans un contexte de crise de la représentation. En facilitant l’accès des femmes à la sphère politique, les lois avaient pour objectif de renouveler le personnel politique, c’est-à-dire, mieux représenter la société civile. Monique Rabin est au Parti socialiste, mais elle y est entrée tardivement et, à part secrétaire de section au niveau local, n’y détient pas de position importante. Dans les années 32 ZIMMERMANN Marie-Jo, Pourquoi la parité en politique reste-t-elle un enjeu pour la démocratie française ?, Délégation aux droits des femmes, rapport au Premier ministre, 2003, pp.1-98, p11 33 ACHIN Catherine, « Un “métier d'hommes” ? Les représentations du métier de député à l'épreuve de sa féminisation », Revue française de science politique, vol.55, 2005, pp. 477-499 34 PETITFILS Anne-Sophie, « Partis politiques », in Catherine Achin et al., Dictionnaire. Genre et science politique, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) « Références », 2013, pp. 382-394, p. 383 19 1980, pendant douze ans, Monique Rabin est la collaboratrice d’Edmond Hervé qui est maire et député socialiste. Cependant, elle n’a pris sa carte au Parti socialiste qu’en 1998, notamment pour des raisons liées au contexte politique local philibertin. En 1998, Stéphan Beaugé gagne les élections cantonales contre Michel Lepri, maire de Saint Philbert à l’époque. Monique Rabin s’engage en politique, en partie, en réaction à l’élection de Stéphan Beaugé. Ce dernier est nouveau dans le paysage politique philibertin. Monique Rabin déplore ses pratiques politiques pendant la campagne électorale et le fait qu’il n’indique pas sa couleur politique dans un premier temps : « en 1998 avec l’arrivée de Beaugé à Saint Philbert, le soir de son élection, j’ai vu des gens de gauche et des gens du Front national à sa permanence en train de trinquer ». De plus, elle est consciente que les partis politiques ont un rôle déterminant dans la sélection des candidats : « […] dans la plupart des pays, c’est le système des partis. C’est cela qui t’emmène au pouvoir et ensuite, ce sont les partis qui sont reconnus à l’Assemblée et c’est vrai que ceux qui n’ont pas de parti qui sont non-inscrits, ils n’ont pas de parole entendue ». Elle adhère à celui qui est le plus proche idéologiquement sans pour autant s’y investir complétement. Sur le papier, la parité est considérée comme une valeur importante qu’il faut respecter. Cependant, concernant les élections législatives, les partis politiques contournent l’esprit de la loi qui n’est pas assez contraignante à leurs égards. Quels sont, alors, les autres paramètres qui influencent ces élections, qui peuvent expliquer pourquoi ces élections ne sont pas propices aux femmes et pourquoi parfois certaines femmes sont élues ? B. Les particularités des élections législatives : des atouts ou des obstacles pour les candidates Les lois sur la parité ont pour objectif de permettre aux femmes d’accéder plus facilement à l’Assemblée nationale. Cependant, d’autres critères pesant sur l’éligibilité peuvent freiner ou favoriser l’élection d’une femme à la députation. Et effet, bien que Monique Rabin ait bénéficié des lois sur la parité, elle a pu connaître d’autres éléments qui ont facilité ou freiné son élection aux législatives comme le prestige de la fonction de député, le scrutin uninominal, le résultat de l’élection présidentielle ou le contexte politique local. 20 1. Une fonction difficile à atteindre et à endosser pour les femmes La fonction de député.e est ancienne et prestigieuse et donc très convoitée, de plus, les élections législatives sont au scrutin uninominal. Du fait que les femmes se sentent moins compétentes, ces différents facteurs sont de véritables obstacles à leurs élections. a. Une fonction ancienne et prestigieuse très convoitée L’Assemblée nationale reste l’une des assemblées « les plus anciennes et les plus convoitées dans le cursus honorum classique de la professionnalisation politique »35. L’Assemblée nationale est l’une des institutions françaises les plus datées : elle est née avec la révolution. A la fin du XVIIIe, la France est touchée par une crise financière et le peuple refuse de payer des impôts. Le roi Louis XVI suggère que le peuple élise des représentants pour débloquer la situation. Lorsque ces représentants sont élus, ils s’opposent au roi et se proclament Assemblée nationale le 17 juin 1789. Au cours des divers régimes politiques qui suivent, cette institution détient le pouvoir législatif avec plus ou moins de marge de manœuvre. Cependant, son nom varie et cette institution est définitivement nommée Assemblée nationale en 1946. Elle possède un poids et un prestige dans la vie politique française : c’est la première institution « démocratique ». Cependant, il faut rappeler qu’elle s’est affaiblie face aux organes de l’exécutif sous la Cinquième République36. Devenir député est une étape importante dans une carrière politique et notamment pour les « professionnels de la politique ». Selon Max Weber, ce sont ceux qui « vivent pour et de la politique ». En d’autres termes, la politique est alors considérée comme un métier. Les hommes et femmes politiques y consacrent la majorité de leur temps sans occuper d’emploi à côté, elles et ils progressent dans une hiérarchie de postes et elles et ils sont indemnisé.e.s. Dans ce système hiérarchique, la fonction de député.e est convoitée et la majorité des député.e.s sont des professionnel.le.s de la politique. En effet, de nombreux et de nombreuses député.e.s ont déjà acquis une expérience politique et accéder à ce poste s’inscrit dans la continuité de leur carrière politique. Ils ont, auparavant, exercé un ou plusieurs mandats ou cumulent plusieurs mandats dont celui de député : en 2012, 82% des 35 ACHIN Catherine, LÉVÊQUE Sandrine, « Femmes et hommes en politique : comprendre la différence… », Médiapart, Sociologie politique des élections, 2012 36 Secrétariat général de l’Assemblée nationale, Bienvenue à l’Assemblée nationale, 2014, Flyer explicatif 21 député.es exercent au moins un autre mandat électif37. Faire de la politique devient ici une fin en soi et un moyen de subsistance. Le prestige et l’ancienneté liés à la fonction de député.e participent-ils à la lente progression des femmes à l’Assemblée nationale ? Le processus de professionnalisation se déroule sur un temps « long ». En d’autres termes, il faut exercer différents mandats avant de pouvoir candidater aux élections législatives. Or, les femmes sont entrées, récemment, massivement dans le champ politique, elles sont donc moins nombreuses à être des professionnelles de la politique. Les partis politiques, acteurs décisifs dans la sélection des candidatures aux élections législatives, privilégient les professionnels de la politique, c’està-dire, les hommes. Monique Rabin est élue députée aux élections législatives de 2012. A-t-elle gagné grâce aux lois sur la parité ou car elle est devenue une professionnelle de la politique au même titre que les hommes ? Il est important de rappeler qu’elle se présente pour la troisième fois aux élections législatives avant d’être élue. Auparavant, elle a exercé d’autres fonctions politiques : maire à Saint Philbert de Grand Lieu de 2008 à 2014, conseillère et vice-présidente au Conseil régional des Pays de la Loire de 2004 à 2012. Comme l’explique Monique Rabin en entretien, cela a été un atout pour les élections législatives : « […] il y a le fait que je m’étais faite connaître par la région et cetera. ». Progressivement, elle s’est implantée dans le paysage politique du Pays de Retz. Les lois sur la parité semblent participer à son entrée à l’hémicycle. Cependant, il est difficile de connaître le véritable impact de ces lois car le contexte politique local38 est particulier. En effet, est-ce grâce à ces lois que Monique Rabin est élue députée ? Ou bien, comme la circonscription est un bastion de droite, peu d’hommes socialistes se sont investis et ont concurrencé Monique Rabin et cette dernière, au cours des différents mandats locaux qu’elle a exercés, est devenue une candidate sérieuse ? b. Le scrutin uninominal, un réel obstacle ? Les élections législatives se déroulent au scrutin uninominal à deux tours. L’électeur vote pour une ou un candidat.e et sa ou son suppléant.e. Lors du premier tour, la ou le candidat.e doit obtenir la majorité absolue. Si elle ou il ne l’atteint pas, lors du second tour, 37 Cumul des mandats : une pratique restreinte à compter de 2017, Vie publique. Au cœur du débat public, 2015, dossier d’actualité. Disponible sur : http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/cumul-mandats2017/cumul-mandats-pratique-restreinte-compter-2017.html 38 Développé dans les I.B.2.b et II.B.3 22 elle ou il peut être élu.e à la majorité relative. La grande différence avec le scrutin de liste est donc que l’électeur vote pour une seule personne. Cette dernière est seule à faire campagne, il n’existe pas de dynamique de groupe. La compétition politique est plus dure dans le sens où une personne est élue sur ses ressources personnelles et donc peut également être attaquée personnellement. La faible présence de candidates aux élections législatives semble être amplifiée par le mode de scrutin. Laure Bereni et Eléonore Lépinard39 défendent l’idée que le scrutin uninominal est un frein à l’investissement des partis politiques à soutenir les candidatures des femmes. Les partis politiques préfèrent les hommes qui ont de l’expérience due à leur implantation ancienne en politique ou qui militent de manière importante depuis de nombreuses années. Cependant, le cas de la Grande-Bretagne vient nuancer l’idée que le scrutin uninominal est un obstacle pour les partis politiques à soutenir la candidature des femmes. Dans ce pays, le parti travailliste a mis en place une politique volontariste qui consiste à présenter un binôme composé d’une femme et d’un homme pour chaque circonscription. Bien que le scrutin uninominal désavantage les femmes, la volonté politique est également une source de l’inégalité entre les sexes aux élections législatives. En 2002, la première fois que Monique Rabin s’est présentée aux élections législatives, elle m’a expliqué qu’elle n’appréciait pas de se voir sur les affiches en gros plan, toute seule et dans toute la circonscription40. Avant ces élections, elle s’est présentée seulement à celles de 2001 comme maire. Entre ces deux élections, l’engagement est différent car en 2001, elle est soutenue par une équipe et cela même sur les affiches. Pour un candidat, une élection à scrutin uninominal est un pas important. c. Le sentiment de compétence La compétition des élections législatives peut s’avérer forte du fait des caractéristiques développées ci-dessus. Cela peut également freiner les femmes à se présenter. Dans l’ouvrage Sexes, genre et politique41, il est indiqué que, même si la variable genre n’est pas en elle-seule explicative, elle a des effets directs sur le sentiment de compétence. Les femmes se sentent souvent moins compétentes ou, du moins, l’expriment 39 BERENI Laure, LÉPINARD Éléonore, « “Les femmes ne sont pas une catégorie” les stratégies de légitimation de la parité en France », Revue française de science politique, vol.54, 2004, pp. 71-98, p.22 40 Carnet de terrain 41 ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.184, pp.111-115 23 plus facilement que les hommes. Comme développé ci-dessus, les femmes sont souvent des « profanes » ou plutôt ne sont pas des professionnelles de la politique. Comme l’explique Christine Guionnet dans son article « Entrée de femme en politique. L’irréductibilité du genre à l’heure de la parité »42, les variables genre et nouveaux entrants s’imbriquent. En effet, les femmes ont un sentiment d’incompétence autant dû à leur nouvelle position qu’à leur identité féminine. La sphère politique caractérisée par une domination masculine engendre une « violence symbolique » qui permet aux hommes de « développer des dispositions à la professionnalisation politique » et qui entraîne les femmes à des « logiques d’auto-exclusion »43. Ce sentiment peut s’accroître pour les élections législatives car ce sont des élections prestigieuses, convoitées et à scrutin uninominal. Monique Rabin explique qu’elle rencontre des femmes qui se sentent incompétentes pour se présenter à des élections et elle essaie de leur montrer que cela est possible par son parcours. « [J’ai] essayé de susciter des vocations chez des sympathisantes, chez des militantes […] qui ne veulent jamais se mettre dans les listes parce qu’elles estiment qu’elles ne sont pas assez… enfin, ce que j’éprouvais moi-même avant de m’engager c’està-dire “ non ce n’est pas de mon niveau, je ne suis pas faite pour ça, je ne vais pas y arriver”. On se dévalorise énormément, et donc je suis allée pour essayer d’aider des femmes à se dire que oui c’était pour elles aussi. Je pense que je suis assez convaincante. ». En effet, Monique Rabin est convaincante au vu de son parcours. Dès le début, Monique Rabin a été celle qui mobilise, qui rassemble. Aux premières élections auxquelles elle participe, elle se présente en tête de liste. Personne ne vient la « chercher ». Contrairement à une grande partie des femmes qui s’engagent en politique en 2001, elle n’est pas sollicitée par un parti politique pour respecter les quotas paritaires. A côté des stratégies des partis politiques, une autre explication à la faible présence des femmes en politique est qu’elles s’excluent elles-mêmes. 2. Les contextes politiques nationaux et locaux a. Poids de l’élection présidentielle, paramètre à géométrie variable Un autre paramètre qui pèse sur les élections législatives est l’élection présidentielle. Le résultat des élections législatives dépend de celui de l’élection présidentielle. Cela est dû à 42 GUIONNET Christine, « Entrées des femmes en politique. L’irréductibilité du genre à l’heure de la parité », Politix, 2002, vol 15, n°15, pp.113-146 43 ACHIN Catherine et LÉVÊQUE Sandrine, Femmes en politique, Paris, La Découverte, « Collection Repères », 2006, pp.1-122, p.76 24 l’histoire ainsi qu’à la dernière révision constitutionnelle concernant l’élection présidentielle. Selon le principe de la séparation des pouvoirs, l’Assemblée nationale incarne le pouvoir législatif au côté du pouvoir exécutif détenu par le Président de la République, le Premier ministre et le gouvernement et du pouvoir judiciaire détenu par les tribunaux, les différentes juridictions. Historiquement, sous la Troisième et la Quatrième République, le Parlement est un organe fort, le régime politique français est qualifié de parlementaire. Mais du fait des instabilités parlementaires qui créent des blocages, sous la Cinquième République, le Parlement est affaibli au profit du pouvoir exécutif. Le régime français est appelé « semiprésidentiel ». Pour pouvoir gouverner, le Président de la République doit avoir une majorité à l’Assemblée nationale. L’hypothèse suivante est donc que la couleur politique du Président influence les élections législatives. Cependant, la France a connu des cas de cohabitation qui est l’une des raisons de la réforme constitutionnelle relative à la durée du mandat présidentiel. La loi constitutionnelle du 2 octobre 2000 modifie la durée de ce mandat. Il passe d’une durée de sept ans à une durée de cinq ans comme celui des députés. Ainsi, les cycles électoraux concordent. Par conséquent, l’élection présidentielle est suivie des élections législatives quelques semaines plus tard. Selon Sylvain Brouard et Eric Kerrouche, cela correspond au « phénomène de lune de miel parlementaire »44, c’est-à-dire que les élections législatives deviennent une formalité par rapport à l’élection présidentielle. Depuis la révision constitutionnelle, la majorité parlementaire a toujours été de la même couleur politique que celle du Président qui a été élu quelques semaines auparavant. Cela contribue à affaiblir un peu plus le Parlement face à l’exécutif. Ce phénomène n’a pas d’impact direct sur le genre mais sur l’identification partisane. En fonction du contexte politique national, une personne de droite ou de gauche est plus facilement élue au niveau de la circonscription. Pour les dernières élections législatives, dans le cas de Monique Rabin, le contexte politique national lui est favorable. En 2012, François Hollande, candidat du Parti socialiste est élu avec 51,64%45 des voix contre Nicolas Sarkozy. Au niveau de la neuvième circonscription de Loire-Atlantique, Nicolas Sarkozy est devant de quelques voix. Il obtient 44 BROUARD Sylvain et KERROUCHE Éric, « L'effet candidat lors des élections parlementaires. L'exemple des élections législatives 2012 en France », Revue française de science politique, vol.63, 2013, pp. 1113-1136, p. 1116 45 Centre de données socio-politique, Accueil résultats électoraux en France, Science Po. Disponible sur : https://cdsp.sciences-po.fr/AE.php 25 50,17% des voix et François Hollande 49,83%. Cependant, depuis que la neuvième circonscription existe, le contexte de 2012 est le contexte le plus favorables qu’aient connu les élus de gauche. Etant donné que la circonscription a été créée en 1986, la première élection présidentielle qu’elle a connue est celle de 1988. Il est important de signaler que la neuvième circonscription depuis sa création n’a jamais élu ni de député ni de président de gauche. Lors de l’élection présidentielle de François Mitterrand en 1988, les habitants de la circonscription votent en majorité pour son adversaire. Jacques Chirac obtient 52,59% et François Mitterrand 47,41%. Au niveau national, le score est le suivant : François Mitterrand a 53,98% et Jacques Chirac 46,02%. Concernant les élections présidentielles plus récentes, le contexte était le même. En 2007, Ségolène Royal a reçu 46% des votes sur la circonscription et en 2002, aucun candidat de gauche était au second tour à la présidentielle. Par rapport aux élections passées, en 2012, le résultat de la circonscription à l’élection présidentielle est donc plutôt encourageant pour Monique Rabin. Sylvain Brouard et Eric Kerrouche indiquent que ce ne sont pas les seuls facteurs qui influencent l’élection d’un ou d’une député.e. Il existe des facteurs plus locaux et qui s’attachent à la personne du candidat. b. Le contexte local : influence des différents acteurs Les circonscriptions ont, parfois, tendance à voter plus à gauche ou plus à droite. Comme exposé dans le grand A, les partis politiques adoptent une ligne de conduite en fonction du vote des électeurs sur une circonscription. Souvent, les femmes sont donc confrontées à des contextes locaux politiquement complexes. Le contexte politique de la neuvième circonscription semble particulièrement difficile pour une candidate ou un candidat de gauche. En effet, cette circonscription est un bastion de droite. Les électeurs n’ont jamais voté dans leur majorité ni pour un Président de la République de gauche, ni pour un député de gauche. Il est important de décrire la neuvième circonscription pour comprendre le contexte dans lequel ont lieu les élections législatives de 2012. Son découpage date de 198646 et correspond au territoire du Pays de Retz. Elle compte 137 216 habitants47 et trente-sept communes48. La circonscription est 46 La neuvième circonscription a été créée par la loi de 1986 relative à la délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés. 47 INSEE, Loire-Atlantique – 9e circonscription, 2008. Disponible sur : http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?reg_id=0&ref_id=circo_leg-2012&page=donneesdetaillees/circo_leg/circo_leg-2012/tableau/circo_leg_44_9.htm 26 relativement grande, elle s’étend du littoral : de Paimboeuf aux Moutiers en Retz, au canton de Grand Lieu et des limites de l’agglomération nantaises aux frontières du département de la Vendée49. Par ailleurs, ce territoire est marqué par la ruralité. La plus grande ville est Pornic avec un peu moins de 14 000 habitants50. En outre, en 2012, 1,7%51 de la population de plus de 15 ans sont des agriculteurs exploitants sur la circonscription. Or la moyenne nationale est d’environ 1%52. Selon Monique Rabin53, la circonscription est un territoire assez hétérogène. Elle est composée d’une partie anciennement ouvrière relativement proche de Nantes, un littoral où le tourisme est important l’été et où la population est plus âgée et à la retraite et une autre partie plus rurale avec un « esprit vendéen ». Lors de l’entretien, Monique Rabin décrit la circonscription comme « conservatrice » c’est-à-dire « plus fort que dire à droite [voulant] conserver la vie d’avant ». Par conséquent, la circonscription n’est pas forcément propice à des idées de gauche souvent progressistes. De plus, selon les travaux de Lazarfeld et son équipe54 qui ont été depuis enrichis, l’une des explications du vote est qu’il est déterminé par la position sociale des électeurs. Ils montrent notamment que les populations rurales ont plus tendance à voter à droite qu’à gauche. Or la neuvième circonscription est un milieu rural. Par conséquent, l’élection de la ou du candidat.e du parti socialiste est particulièrement difficile sur la circonscription. Cependant, Monique Rabin a été élue aux élections législatives de 2012. Il est important de souligner que c’est la première femme députée et la première députée socialiste du Pays de Retz. La question est de savoir comment Monique Rabin a gagné les élections législatives dans un bastion de droite conservateur ? Différents facteurs entrent en jeu dont le contexte politique du Pays de Retz. Le candidat de l’UMP opposé à Monique Rabin est Philippe 48 La loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) qui comprend notamment la fusion des communes est prise en compte dans les chiffres. 49 50 Annexe 1 INSEE, Commune de Pornic, 2012. Disponible sur : http://www.insee.fr/fr/themes/comparateur.asp?codgeo=COM-44131 51 INSEE, Loire-Atlantique – 9e circonscription, 2008. Disponible sur : http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?reg_id=0&ref_id=circo_leg-2012&page=donneesdetaillees/circo_leg/circo_leg-2012/tableau/circo_leg_44_9.htm 52 INSEE, Population de 15 ans ou plus selon la catégorie socioprofessionnelle en 2014, 2014. Disponible sur : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF02135%C2 53 Carnet de terrain, le 12 janvier 2016 54 BENELSON Bernard, GAUDET Hezel et LAZARSFELD Paul, The people’s choice. How the voter makes up his mind in a presidential campaign, New York, Columbia University Press, 1940 27 Boënnec, maire de Pornic et député sortant et dont le suppléant est Stéphan Beaugé, candidat de l’opposition à Saint Philbert de Grand Lieu. Bien que le ou la député.e sortant.e ait plus de chance d’être réélu.e, Philippe Boënnec a été battu aux élections législatives de 2012. Lors du premier tour, Monique Rabin est arrivée en première position avec quelques voix d’avance devant Philippe Boënnec. Elle a obtenu 37,99% et son adversaire 37,01%. Marguerite Lussaud, candidate du Front national est arrivée en troisième position avec 9,38%. Le reste des candidats ont fait des petits scores de 4% ou moins. Suite au premier tour, Philippe Boënnec est donc en ballotage. Et dans l’entre-deux tours, il appelle les électeurs du Front national à voter pour lui55. Cet appel peut être considéré comme l’une des raisons de sa non réélection. Ce geste a eu beaucoup d’impact comme le titre Ouest France, le jeudi 14 juin 2012, « Législative. Tempête politique en Pays de Retz »56. Différentes personnalités à gauche mais aussi au centre-droit ont été choquées. Dominique Potier, candidat de « Debout la République »57 ainsi que Jean-Michel Pollono, candidat du Centre national des indépendants et des paysans, plutôt conservateur et traditionnel, ont dénoncé et condamné le comportement de Philippe Boënnec. Dans la presse, Monique Rabin explique que « son adversaire a commis une faute, en draguant le Front National »58. Au terme de cette première partie, on peut donc dire que différentes règles et enjeux entourent les élections législatives. Les lois sur la parité tentent de pallier les désavantages auxquels sont confrontées les femmes pour devenir députées. Cependant, ces lois sont limitées et ne semblent pas faire face aux nombreux freins comme la volonté des partis politiques ou aux éléments indépendants comme le poids des contextes nationaux et locaux. A travers l’exemple de Monique Rabin, ces différents éléments ont pu être évoqués et nuancés. Comme beaucoup de députées, Monique Rabin n’a pas été élue seulement grâce aux lois sur la parité. Il faut, maintenant, étudier les différentes trajectoires des député.e.s pour comprendre pourquoi les femmes sont moins présentes à l’Assemblée nationale et comment une personne devient un.e professionnel.le de la politique. 55 Annexe 2 56 ARRAY, « Législative. Tempête politique en Pays de Retz », Ouest France, 2012 57 C’est le parti politique de Nicolas Dupont-Aignan. 58 BOURSIER Nadine, COURAUD Marylise, « Pornic-Pays de Retz (9e) : historique, une députée de gauche rafle un bastion de la droite », Ouest France, 2012 28 II. LE PROFIL ET LA TRAJECTOIRE DES FEMMES DEPUTEES : LE CAS DE MONIQUE RABIN Les effets des lois sur la parité sont relatifs concernant les mandats « dominants »59 dont celui de député.e. Dans un parcours politique, quels sont les facteurs liés à la personne de la candidate qui favorisent ou freinent son accès à l’Assemblée nationale ? La vie familiale, les ressources professionnelles ainsi que l’exercice de mandats politiques sont des éléments déterminants dans une trajectoire politique. A. La vie familiale, un élément décisif pour les femmes députées Selon Anne Muxel, la socialisation politique commence dès l’enfance. Le contexte familial a un impact dans la construction de son lien à la politique. Quel est-il pour les femmes politiques ? De plus, la vie familiale : être mariée, avoir des enfants influence l’investissement politique des femmes. 1. Socialisation primaire des femmes députées Une personne construit son rapport à la politique dès son enfance. L’environnement familial sollicite plus ou moins l’intérêt de l’enfant à la politique. Anne Muxel observe que les garçons sont souvent plus poussés à s’y intéresser que les filles. Leurs socialisations politiques diffèrent et sont inégales. Michel Castra définit la socialisation comme « les mécanismes de transmission de la culture ainsi que la manière dont les individus reçoivent cette transmission et intériorisent les valeurs, les normes et les rôles qui régissent le fonctionnement de la vie sociale60 ». Les auteur.e.s Sylvie Pionchon et Grégory Derville ont, plus précisément, étudié la socialisation des femmes politiques. Ils indiquent qu’elles ont une « socialisation atypique ». « En effet, la socialisation de genre, productrice d’inégalités amène les femmes à intégrer un rôle social qui les exclut de la sphère politique. Ainsi, pour ces auteurs, les femmes politiques auraient été socialisées à partir d’un “projet parental masculin” qui leur assigne “la place du garçon” ce qui leur permettrait “d’acquérir une plus 59 ACHIN Catherine, « Les « liaisons paradoxales » : genre, ordre politique et ordre social en France et en Allemagne », Raisons politiques, vol.15, 2004, pp. 85-96, p.90 60 CASTRA Michel, « Socialisation », Sociologie, Disponible sur : https://sociologie.revues.org/1992 29 grande ambition, condition sine qua non pour affronter la compétition pour les postes de pouvoir”»61. Monique Rabin est l’aînée d’une fratrie de quatre filles. Or, aujourd’hui, elles sont presque toutes engagées politiquement : « Si je vois le bilan aujourd’hui, en 2014, moi, je me présentais comme tête de liste dans une mairie. Ma sœur Annick, juste après moi, elle était dans une liste mais en position non éligible à Château Gonthier et ma sœur Chantal dans une commune de la banlieue de Rennes, elle était dans une liste en position éligible elle. »62. Dans leurs travaux, Anne-Marie Daune-Richard et Catherine Marry63 montrent que les filles qui suivent des études de BTS et DUT techniques dans des secteurs dits « masculins » sont investies « comme des garçons » par leur famille notamment leur père, c’est-à-dire, qu’elles endossent des rôles plutôt considérés sociologiquement comme masculins dans la sphère familiale. Ces filles considérées comme des transfuges occupent cette place pour différentes raisons dont l’absence physique d’un frère. Comme les filières techniques et scientifiques, la politique est une sphère où les hommes sont plus présents que les femmes. L’engagement politique de Monique Rabin et de ses sœurs peut s’expliquer par le fait qu’elles ont été élevées au sein d’une fratrie de sœurs. En l’absence de fils, les attentes parentales qui sont plus fortes à l’encontre des garçons, se sont reportées sur les filles : « le fait qu’on n’ait pas de frère, je pense que ça les a aidés à nous donner une vraie place ». Monique Rabin a la spécificité d’être l’ainée. De plus, comme elles n’ont pas de frère, les rôles sexués sont moins appuyés dans la famille et donc elles ont peut-être moins intériorisé la division sexuée de l’ordre social. Par exemple, Monique Rabin explique dans son entretien qu’elle et ses sœurs faisaient beaucoup de sport, ce qui à l’époque était singulier pour les filles - l’entourage de la famille le faisait d’ailleurs remarquer. Ses parents et notamment son père l’ont laissée vivre sa vie, qu’elle soit une femme ne changeait rien. Les parents de Monique Rabin ne sont pas particulièrement engagés politiquement. Cependant, le père de Monique Rabin aurait voulu être instituteur. Or il a dû reprendre le commerce de ses parents. Il reporte ses projets sur Monique Rabin et ses sœurs. Les parents 61 Groupe de travail « Parité politique », Parité : une culture à développer. Enquête auprès des candidates des élections législatives de 2012. », Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Tome 2, juillet 2012, pp.1-64, p.8 62 Entretien de Monique Rabin 63 DAUNE-RICHARD Anne-Marie et MARRY Catherine, « Autres histoires de transfuges ? Le cas de jeunes filles inscrites dans des formations ‟masculines” de BTS et de DUT industriels », Formation Emploi, vol.29, n°1, 1990, pp.35-50 30 de Monique Rabin veulent que leurs filles fassent des études. Elle explique qu’« il y avait une ambiance à la maison où les études avaient beaucoup d’importance ». Monique Rabin est l’une des premières de son quartier à avoir le baccalauréat. Par ailleurs, Monique Rabin indique qu’elle a été presque à chaque fois déléguée de classe ce qui a fait naître un sentiment de responsabilité selon elle. On peut supposer que cela a participé à ce que Monique Rabin s’engage en politique. 2. La disponibilité, un critère décisif pour être député.e La disponibilité est un facteur important pour s’investir en politique. Or les femmes sont souvent moins disponibles que les hommes. Cette situation fait écho à l’inégale disponibilité des femmes et des hommes dans le champ professionnel. Selon la division des tâches sexuées, les femmes sont assignées au travail reproductif, en lien avec la sphère familiale et les hommes au travail productif, ce qui a trait à la sphère professionnelle64. Cette division du travail s’illustre par l’inégale répartition des tâches domestiques entre les hommes et les femmes. En 2010, par jour, les femmes consacrent environ quatre heures aux tâches domestiques : ménage, courses, soins des enfants, jardinage et bricolage contre deux heures quinze pour les hommes65. Contrairement aux hommes, la majorité des femmes qui ont un emploi sont donc tributaires de la « double journée ». Elles doivent réussir à articuler leur vie professionnelle et leur vie familiale. Les femmes sont confrontées au même problème pour s’investir en politique. Cela nécessite du temps, or celles qui travaillent et qui ont des enfants ont peu de disponibilité à consacrer à la politique. C’est pourquoi les femmes sont souvent écartées ou leur entrée en politique est retardée66. Il existe un autre cas de figure : les femmes qui n’ont pas d’enfant. Dans son livre, Catherine Achin67 explique que les députées sont plus souvent célibataires que les hommes : « 29% vivent seules, contre seulement 8% des députés » et ont moins d’enfants : 19% n’en ont pas, contre 10%. 64 BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.174 65 RICROCH Layla, « En 25 ans, moins de tâches domestiques pour les femmes, l’écart de situation avec les hommes se réduit », Regards sur la parité, INSEE, 2012, pp.1-15, p.4 66 DULONG Delphine et MATONTI Frédérique, « Comment devenir un(e) professionnel(le) de la politique ? » L'apprentissage des rôles au Conseil régional d’Île-de-France, Sociétés & Représentations, n° 24, 2007, pp. 251-267, p.267 67 ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.1-184, p.87 31 Monique Rabin est relativement disponible. Tout d’abord, elle n’a pas d’enfants. De plus, elle est particulièrement soutenue par son mari. Depuis plusieurs années, il ne travaille plus pour des raisons de santé. Cela permet une meilleure répartition des tâches ménagères. Elle évoque même un inversement des rôles dans les tâches domestiques depuis qu’elle est investie en politique et qu’il ne travaille plus : « Denis est devenu homme au foyer, c’est lui qui prépare à manger et qui m’attend »68. Qui-plus-est, son mari est un véritable soutien dans sa carrière politique. Les collaboratrices69 ont, à différentes reprises, évoqué le travail de Denis Rabin comme s’il était un collaborateur à part entière. Ses compétences lui permettent d’être une aide dans certains domaines comme la compilation des contacts. De même, lors de son entretien, Monique Rabin évoque le soutien de son mari lors des campagnes électorales70, par exemple ; il participe aux tractations et est souvent présent aux réunions publiques organisées par Monique Rabin. La vie professionnelle de Monique Rabin lui permet également de s’investir en politique. Depuis 1982, incitée par la mise en place d’un dispositif par la mairie de Rennes, elle ne travaille pas à temps plein : « J’ai toujours travaillé maximum trente-deux heures enfin quatre jours. ». A la mairie de Rennes, un dispositif lié au temps de travail est mis en place : le contrat de solidarité, et incite les agents à travailler en temps partiel. En entretien, elle détaille ce contrat de solidarité : « il a été décidé de proposer aux personnes de travailler trente-deux heures par solidarité pour permettre à la ville d’embaucher. Pour cinq personnes qui prenaient à temps partiel, il y avait une embauche. Et pour nous encourager à travailler moins, […] on était payé 87,5% […] pour 80% travaillé donc ça a été incitateur ». Enfin, à partir de 2008, quand elle devient maire, elle prend sa retraite, de manière anticipée, en raison des problèmes de santé de son mari. Dans ce cadre, elle peut pleinement s’investir en politique. Une « socialisation atypique », une disponibilité importante et le soutien de sa famille sont des avantages importants pour une femme quand elle veut accéder au Parlement. Cependant, d’autres critères entrent en jeu. 68 Carnet de terrain, le 22 janvier 2016, discussion informelle avec Monique Rabin et certaines de ses collaboratrices 69 Carnet de terrain, le 27 janvier, discussion informelle avec Linda L., collaboratrice de Monique Rabin 70 Entretien de Monique Rabin 32 B. Les ressources mobilisées pour devenir députée, une professionnelle de la politique Pour devenir député.e, il faut être un.e professionnel.le de la politique. Certaines ressources sont donc nécessaires. Cependant, sont-elles accessibles à toutes et à tous ? 1. Les ressources politiques conventionnelles : l’origine sociale, le niveau de diplôme, le statut professionnel71 ainsi que les ressources partisanes Les député.e.s reflètent-ils et reflètent-elles la population active tant concernant l’origine sociale, le niveau de diplôme et le statut professionnel ? Ces variables sont souvent liées, c’est pourquoi, seul le niveau d’étude et les professions exercées sont détaillés. Figure 2, Graphique relatif aux catégories socio-professionnelles des député.e.s en 2007 et 2012 par rapport à la population (en%) Source KESLASSY Eric et INSEE. Disponible sur : http://parlement.blog.lemonde.fr/2012/11/25/surprise-les-deputes-ne-sont-pas-representatifs-de-la-population/ 71 BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.231 33 En 2007, 20% des député.e.s n’ont pas fait d’études supérieures courtes ou longues 72. Etant donné qu’en 2012, la moyenne d’âge des député.e.s est de 54,6 ans73, le chiffre retenu concerne la tranche d’âge des 50-64 ans. Sur la population générale de cette tranche, les personnes qui n’ont pas réalisé d’études supérieures courtes ou longues représentent 70%. Ainsi, les député.e.s ont un niveau de diplôme plus élevé par rapport à la population générale. Par ailleurs, en 2012, 81,5% des député.e.s appartiennent à la catégorie des cadres et professions intellectuelles supérieures alors qu’en 2010, seuls 16,7% de la population active appartenait à cette catégorie. Dans l’hémicycle, 0,2% des député.e.s sont des ouvriers et des ouvrières et 2,4% des employé.e.s, contre respectivement 21,3% et 28,9% de la population active. Les cadres et professions intellectuelles supérieures sont surreprésentés à l’Assemblée nationale et les ouvriers et ouvrières et employé.e.s sont sous-représenté.e.s. Le niveau de diplôme et les professions exercées par les député.e.s ne sont pas représentatifs de la population. Selon la profession exercée, une personne a plus ou moins de chance de devenir député.e. En effet, certaines compétences ou ressources professionnelles sont plus facilement convertibles en ressource politique. Par exemple, les cadres ont comme mission de décider et convaincre. Ils développent donc des compétences et des qualités relatives à cette tâche. Ces ressources sont facilement transposables pour le métier de politique. Par ailleurs, en fonction de la profession exercée, une personne est plus ou moins disponible et récupère ou non son emploi à la fin du mandat. Ces deux paramètres influencent une personne dans son investissement en politique. Par exemple, les fonctionnaires sont assurés de retrouver leur emploi à la fin de leur mandat, contrairement, aux ouvriers et ouvrières ou aux employé.e.s. Pour devenir député.e.s, certaines ressources sont plus utiles que d’autres et il existe des voies privilégiées pour accéder à cette fonction. Quelles sont ces filières qui permettent d’atteindre la fonction de député.e et valent-elles également pour les femmes ou est-ce un handicap pour ces dernières qui expliquerait leur sous-représentation ? Mattei Dogan distingue trois types de filières traditionnelles d’accès au mandat de député en lien avec les origines sociales, le niveau de diplôme, la profession exercée et les ressources partisanes. Tout d’abord, la plus ancienne est la filière ascendante 72 INSEE, Niveau de diplôme selon l’âge en 2014, 2014. Disponible sur : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=nattef07232 73 Groupe de travail « Parité politique », Parité : une progression timide et inégalement partagée. Evaluation quantitative des dispositifs paritaires après les élections législatives des 10 et 17 juin 2012, Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Tome 1, juillet 2012, pp.1-52, p.37 34 dite des notables. Elle concerne particulièrement « les médecins, les petits et moyens agriculteurs, les propriétaires terriens héritiers de la vieille noblesse, les industriels, les commerçants »74. Le parti politique n’est pas indispensable, les ressources mobilisées sont liées au capital personnel. Or, historiquement, les femmes ont été sous-représentées dans ces professions et donc exclues du statut de notable75. Aujourd’hui, il existe une certaine féminisation de ces métiers. La deuxième filière dite partisane « s’organise autour du militantisme dans une entreprise politique »76. Les personnes qui accèdent à la députation par cette voie sont, en général, d’une origine sociale plus modeste. Le parti politique est indispensable car il forme les militants. Les ressources mobilisées sont collectives. Or, les partis politiques se sont formés et structurés en l’absence des femmes. Ces dernières ne possédaient pas le droit de vote et d’éligibilité. Cela explique pourquoi elles sont numériquement moins nombreuses que les hommes dans les partis politiques et qu’elles ont des difficultés à s’imposer77. Aujourd’hui, elles représentent environ un tiers des militant.e.s des principales organisations partisanes78. Enfin, la dernière filière, qui est la plus récente, est le « cursus inversé ». Les personnes commencent « par des positions de pouvoir au sommet de la hiérarchie » : à des fonctions électives ou politico-administratives. Elles s’appuient sur des ressources personnelles, des capitaux sociaux et professionnels. Bien que l’Ecole nationale de l’administration (ENA) soit mixte dès sa création, les femmes y sont moins nombreuses. Mariette Sineau79 montre que la faible présence des femmes au sein des élites administratives a pour conséquence de les écarter de la fonction de député.e. En effet, le recrutement des dirigeants politiques se fait de plus en plus par la filière administrative. Les filières traditionnelles d’accès à la fonction de député désavantagent les femmes et expliquent, en partie, leur faible présence. 74 ACHIN Catherine, « Le mystère de la chambre basse ». Comparaison des processus des femmes au Parlement France-Allemagne 1945-2000, Paris, Dalloz, « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2005, pp.1-637, p.149 75 BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.231 76 ACHIN Catherine, « Le mystère de la chambre basse ». Comparaison des processus des femmes au Parlement France-Allemagne 1945-2000, Paris, Dalloz, « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2005, pp.1637p.149 77 BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.240-241 78 Ibidem, p.241 79 Ibidem, p.231 35 Par rapport aux filières conventionnelles d’accès à la fonction de députée, quelle est la trajectoire de Monique Rabin ? Au vu de son parcours professionnel et de son ancrage territorial, elle n’est pas entrée à l’Assemblée nationale par la filière ascendante. En effet, elle n’exerce pas de professions telles que médecin ou avocat. Elle a réalisé un parcours professionnel au sein de la fonction publique territoriale. De plus, elle est née à Laval, puis, elle a travaillé à Rennes et elle se présente à la neuvième circonscription de LoireAtlantique. Son ancrage peut donc être considéré comme récent par rapport à celui développé par les notables. Dans un premier temps, par son nom ou sa profession, elle n’est pas une personnalité connue des Pays de Retz. Elle ne semble pas non plus avoir eu accès à la fonction de député.e par la filière partisane. D’une part, elle ne prend sa carte qu’en 1998 plutôt pour des soucis d’identification lors des élections80 que pour devenir une militante. Cependant, elle occupe le rôle de secrétaire de section. D’autre part, elle explique ellemême qu’elle n’est pas très active dans le parti lors de l’entretien : « Je suis membre, mais je ne suis pas engagée dans la gestion du tout du parti. […] Je dis que je ne suis pas dans les arcanes, c’est-à-dire, que je n’ai pas de temps, sans doute à tort, pour aller m’investir sur les orientations ». Même si le PS a participé à son investiture lors des élections législatives, Monique Rabin ne semble pas avoir été élue, en particulier, grâce aux ressources collectives et partisanes. Enfin, la trajectoire de Monique Rabin ne correspond pas exactement à la filière administrative. Durant sa carrière professionnelle, Monique Rabin a accumulé de multiples compétences facilement convertibles en ressources politiques. Tout d’abord, elle a travaillé comme agent dans une mairie, puis, elle est devenue la collaboratrice d’Edmond Hervé, maire et de Rennes et député de l’Ille-et-Vilaine pendant douze ans. Enfin, elle a également travaillé à la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire pendant trois ans. Cependant, son origine sociale et le niveau de ses études viennent nuancer l’entrée par cette filière. En effet, elle est fille de petits commerçants et elle n’a pas étudié dans de grandes écoles. Ainsi, les ressources et trajectoires conventionnelles relatives à la fonction de député.e.s semblent freiner l’entrée des femmes. Or, depuis les lois sur la parité, de plus en plus de femmes rentrent à l’Assemblée nationale. Empruntent-elles de plus en plus ces filières traditionnelles ou mobilisent-elles d’autres ressources et voies d’accès ? 80 Développé dans le I.A.4. 36 2. Des ressources différentes pour les femmes et un champ politique imperméable aux femmes Il est intéressant d’observer la répartition professionnelle des femmes parlementaires et de la comparer à celle des hommes. Catherine Achin explique que cette comparaison permet de « connaître les ressources professionnelles aisément convertibles ou transposables pour le métier parlementaire en fonction du genre »81. Les travaux de Catherine Achin portent sur les élections législatives de 2002. Elle observe que les députées sont « sous représentées parmi les professions libérales, les dirigeants d’entreprises et les cadres de la fonction publique »82 et « surreprésentées dans les catégories des sans profession et dans celles des professeurs et professions scientifiques ». Catherine Achin émet deux hypothèses concernant la professionnalisation politique de ces femmes députées. Dans la première, devenir députée est une « session de rattrapage »83, en d’autres termes, auparavant, elles ont dû contenir leur ambition du fait d’une vie de famille prenante ou d’obstacles dans leur vie professionnelle. Dans la seconde, ce sont des femmes qui ont exercé des métiers dits « féminins » et qui transposent leurs compétences à la fonction de député.e. Catherine Achin indique également que certaines professions au sein desquelles les député.e.s sont traditionnellement recruté.e.s se sont féminisées comme « les professions juridiques, les professions libérales, des journalistes et des cadres supérieurs d’entreprise »84. Cependant, la part des femmes parlementaires issues de ces professions reste réduite. Malgré la féminisation de certaines professions favorisant l’accès à la fonction de députée, le champ politique reste, lui, verrouillé. Catherine Achin conclut que l’entrée à l’Assemblée nationale des hommes et des femmes ne s’effectue pas de la même manière. L’analyse peut-elle être vérifiée pour les élections de 2012 ? Avant de croiser les chiffres de 2012 avec l’étude de Catherine Achin, il faut préciser que les catégories ne sont pas exactement les mêmes et les chiffres de Catherine Achin sont plus détaillés ce qui limite et rend difficile la comparaison. Certains chiffres ne sont pas exploités car ils sont trop bas et ne permettent pas d’être représentatifs. 81 ACHIN Catherine, « Un “métier d'hommes” ? Les représentations du métier de député à l'épreuve de sa féminisation », Revue française de science politique, vol.55, 2005, pp. 477-499, p.9 82 Ibidem, p.10 83 Ibidem, p.12 84 Ibidem, p.11 37 Figure 3, Tableau relatif aux professions exercées par les député.e.s en 2012 Professions Total H F %H85 %F86 Cadre secteur privé 83 54 29 12,80 18,83 Cadre secteur public 88 62 26 14,69 16,88 Employé-e-s secteur privé 6 3 3 0,71 1,95 Employé-e-s secteur public 5 2 3 0,47 1,95 Indépendant-e-s 38 30 8 7,11 5,19 Ouvrier/ère secteur privé 0 0 0 0,00 0,00 Permanent-e-s politique 44 37 7 8,77 4,55 Professions enseignement 50 33 17 7,82 11,04 Professions juridiques 37 33 4 7,82 2,60 Professions libérales 13 9 4 2,13 2,60 Professions médicales 34 26 8 6,16 5,19 Professions (autres) 91 66 25 15,64 16,23 Retraité-e-s libéral 7 6 1 1,42 0,65 Retraité-e-s privé 22 19 3 4,50 1,95 Retraité-e-s public 53 39 14 9,24 9,09 Retraité-e-s (autres) 5 3 2 0,71 1,30 Total 576 422 154 100 100 Source Louise Beauvais et Haut Conseil de l’égalité femmes-hommes, juillet 2012, Tableau n°30, p.38. Disponible sur : http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/opfh_eleleg_rapt1-250712.pdf Sur 154 députées femmes, environ 19% sont cadres dans le secteur privé contre, sur 422 députés hommes, environ 13%. Proportionnellement à leur nombre, elles sont également environ 11% à travailler dans une profession liée à l’enseignement contre 8% chez les députés hommes. Proportionnellement à leurs nombres à l’Assemblée, les femmes, cadres du secteur privé et exerçant une profession de l’enseignement sont sur-représentées par rapport aux hommes. En outre, elles sont seulement un peu moins de 5% à être des permanentes politiques contre un peu moins de 9% chez les hommes. Puis, elles sont un peu moins de 3% à venir d’une profession juridique contre un peu moins de 8% des hommes. 85 Pourcentage des hommes députés exerçant X profession par rapport à tous les hommes députés. 86 Pourcentage des femmes députées exerçant X profession par rapport à toutes les femmes députées. 38 Enfin elles sont environ 2% à être retraitées du secteur privé contre 4,5% des hommes. Ainsi, elles sont sous-représentées chez les permanents politiques, les professions juridiques et les retraité.e.s du secteur privé par rapport aux députés hommes. Les femmes exerçant une profession liée à l’enseignement sont plus représentées. Cela semble vérifier la théorie de Catherine Achin concernant les femmes ambitieuses qui voient la politique et son évolution dans le champ politique comme une « session de rattrapage ». Cependant, le pourcentage des femmes qui enseignent des matières plutôt scientifiques n’est pas renseigné. En outre, le faible nombre des femmes émanant des professions juridiques par rapport aux hommes vient vérifier le fait que le champ politique est imperméable et les règles encadrant cet espace sont difficilement modifiables. Les femmes accèdent à l’Assemblée nationale via d’autres types de filières de recrutement. En effet, comme l’expose le rapport de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes87, l’un des viviers de recrutement des femmes en politique est l’ancrage associatif et local. Suite aux lois sur la parité, les partis politiques souhaitent recruter des femmes représentant la société civile notamment via l’implantation associative et locale pour rompre avec l’image « des hommes d’appareil ». De plus, comme le souligne Christine Guionnet, dans un contexte de crise où les « établis » sont critiqués, les femmes, considérées comme « outsiders », ont pu convertir leurs capitaux professionnels ou associatifs en ressource politique. L’argument mobilisé est de faire de la politique autrement. Cependant, lorsque la compétition politique est plus présente, ces ressources peuvent se retourner contre les candidates. Quels sont les ressources et les facteurs qui ont permis et suscité l’envie de Monique Rabin de se présenter ? Au début de sa carrière, Monique Rabin est rédactrice dans la fonction publique territoriale, puis elle évolue et devient attachée, c’est-à-dire, cadre de la fonction publique territoriale. Elle a également été collaboratrice d’un député pendant douze ans. Enfin, elle a travaillé à la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire. Ces différentes expériences professionnelles lui ont permis de développer des compétences et un réseau, convertibles en ressources politiques. En acquérant ces ressources, elle se sent plus légitime à s’engager en politique. « J’étais donc fonctionnaire territoriale et à un moment, j’ai intégré le secrétariat d’Edmond Hervé, maire de Rennes. Pour moi, c’est une personne 87 Groupe de travail « Parité politique », Parité : une culture à développer. Enquête auprès des candidates des élections législatives de 2012. », Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Tome 2, juillet 2012, pp.1-64, p.8 39 exceptionnelle qui m’a énormément tirée vers le haut. Je ne pensais pas du tout m’engager parce que je pensais que ce n’était vraiment pas pour moi. Je pensais qu’il fallait être beaucoup plus solide intellectuellement, politiquement et cætera, et travailler à ces côtés, cela m’a vraiment donné envie de m’engager ». Elle met en avant un autre élément qui a participé à son investissement en politique : « j’avais décidé à titre personnel de trouver une expression à mon besoin de reconnaissance de ce que l’Etat m’avait donné. La société française nous a donné à Denis et moi la sécurité sociale qui a permis de le soigner […]. Au début, on avait pensé à l’association et mais cela n’allait pas assez loin pour moi. ». A travers cet extrait d’entretien, « l’ambition » est perceptible dans le sens où le secteur associatif est trop restrictif pour elle. Cela peut être rapproché de l’analyse de Catherine Achin concernant les femmes qui réalisent leur ambition à travers une carrière politique considérée comme une « session de rattrapage ». Elle n’appartient pas au profil des femmes profanes. Et en effet, pour devenir députée, il faut souvent faire preuve de témérité et d’expérience face à la compétition politique. 3. La dure épreuve de l’éligibilité pour les femmes L’accès à la fonction de député.e n’est pas évident, a fortiori pour une femme. En effet, les trajectoires conventionnelles les désavantagent. Pour devenir députée, les ressources associatives ne suffisent pas. Il faut également passer l’épreuve de l’éligibilité pour que les partis politiques soutiennent l’investiture88. Un ou une député.e est investi.e par le parti politique s’il ou elle a été élu.e auparavant pour un autre mandat ou s’il ou elle a obtenu un score honorable à d’autres élections. Pour devenir un professionnel de la politique, il faut exercer différents mandats et avoir des responsabilités. Pour les femmes, cet exercice est souvent encore plus éprouvant. En effet, elles peuvent avoir accès à des postes considérés comme importants à condition de ne pas « perturber l’équilibre local »89 souvent masculin. De plus, comme expliqué auparavant, les femmes sont souvent présentées dans des circonscriptions ingagnables. Elles sont confrontées à des compétitions politiques difficiles. 88 Groupe de travail « Parité politique », Parité : une culture à développer. Enquête auprès des candidates des élections législatives de 2012. », Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Tome 2, juillet 2012, pp.1-64, pp.19-20 89 Ibidem 40 Figure 4, Tableau relatif aux différentes élections et mandats politiques de Monique Rabin Source Louise Beauvais et entretien avec Monique Rabin Avant d’être élue députée en 2012, Monique Rabin s’est présentée à six élections de différents niveaux dont deux fois aux élections législatives. Sur ces six élections, elle en a gagné trois : deux au niveau régional et une au niveau communal. Cela montre qu’avant d’être élue députée en 2012, Monique Rabin a déjà une longue carrière politique et qu’elle s’est ancrée, progressivement, sur le territoire des Pays de Retz. En outre, il faut souligner que le contexte politique est complexe et difficile pour une femme socialiste notamment au niveau de la commune et au niveau de la circonscription90. En effet, Monique Rabin se présente sur un territoire où le parti de droite est fort et où l’opposition de gauche est faible. Dans ce contexte, les élections municipales de 200191 marquent le passage d’une 90 Développé dans le I.B.2. 91 En 2001, elle arrive en deuxième position avec 30% des voix aux élections municipales. Bien qu’elle ne soit pas élue, elle marque le paysage politique du territoire. Il est important d’indiquer que le contexte politique de Saint Philbert de Grand Lieu devient tendu à partir de 2001. En effet, la commune de Saint Philbert de Grand Lieu n’a pas connu d’alternance depuis quarante ans. Quelques notables du centre-droit se sont succédés : de 1971 à 1995, Claude Vincendeau et de 1995 à 2001, Michel Lepri. En 1998, l’arrivée d’un nouveau candidat, Stéphan Beaugé bouleverse cet ordre en gagnant les élections cantonales. Lors des élections de 2001, le maire sortant se retire. Les élections se jouent entre Yvonnick Gilet, le poulain du maire sortant, Stéphan Beaugé, conseiller départemental qui indique que toutes les sensibilités politiques sont présentes sur sa liste et Monique Rabin, collaboratrice d’Edmond Hervé et candidate de gauche. La campagne est particulièrement difficile et 41 compétition politique faible où les notables de droite se succèdent à une compétition agressive entre différents acteurs dont les valeurs et les pratiques politiques sont très différentes. Par ailleurs, Monique Rabin subit des discriminations genrées dans un univers masculin de droite. Par exemple, lors d’un conseil municipal, Stéphan Beaugé a désigné Monique Rabin par l’expression « dictateur en jupon qui ne sait pas gérer sa commune »92. Cependant, suite à des élections sous tension93, elle est élue maire de Saint Philbert de Grand Lieu en 2008. Cet exploit participe à son accessibilité à la fonction de député.e. En parallèle, à partir 2004, elle débute un parcours politique au niveau de la région. En 2004, Monique Rabin est élue conseillère régionale des Pays de la Loire. Elle exerce un mandat politique, pour la première fois, en tant qu’élue de la majorité. Puis, en 2010, elle est à la tête de la liste socialiste de la Loire-Atlantique aux élections régionales. Il faut noter qu’elle est la seule femme socialiste à la tête d’une liste d’un département dans les Pays de la Loire. Lors de l’entretien, elle indique pour quelles raisons elle dirige cette liste « Je sais qu’ils me faisaient confiance, ils pensaient que j’avais la capacité, mais je crois surtout qu’il y avait une concurrence entre trois hommes qui auraient pu diriger la liste et donc ils ont résolu le problème en me choisissant ». Un film a été réalisé par France 3 sur ces élections et aucune fois, Monique Rabin ou une femme n’apparaît alors qu’elle est numéro trois sur la liste globale. Suite aux élections, elle devient la deuxième vice-présidente du conseil régional. Sur les neuf commissions sectorielles, Monique Rabin est la seule femme présidente d’une commission alors qu’elles sont autant de femmes vices-présidentes que d’hommes94. Ces différents éléments montrent que les femmes sont peu présentes au sommet de la hiérarchie et qu’il est difficile pour une femme de s’imposer pendant les élections et à des postes à responsabilité. Au cours de son parcours politique, Monique Rabin est devenu une candidate tendue. La présence de Stéphan Beaugé n’est pas appréciée par les deux autres candidats. Yvonnick Gilet déclare, à la réunion publique qui suit son élection, « Pendant cette campagne, des tracts orduriers ont terni l’image de la commune. Il est souhaitable que la sérénité revienne. Et il faut maintenant travailler en bonne intelligence, sans arrière-pensée ». 92 FRISSONG Michel, « Monique Rabin réagit aux propos de Stéphan Beaugé », Ouest France, 2013 93 Monique Rabin bat de deux voix la liste menée par Yvonnick Gilet dont Stéphane Beaugé fait partie. Les élections sont annulées en raison d’irrégularités. Lors des secondes élections, la victoire de Monique Rabin se fait avec un écart de voix plus important. Ces élections montrent combien la compétition est rude et que même si Monique Rabin a gagné, son assise politique est mince. 94 L’esprit grand ouvert Région Pays de la Loire, Seconde séance d’installation. Le Conseil régional des Pays de la Loire en ordre de marche, 2010. Disponible sur : http://www.paysdelaloire.fr/uploads/tx_oxcsnewsfiles/100409_DP_seance_d_installation_9_avril.pdf 42 crédible aux yeux des membres du PS. Elle devient maire d’une commune imprenable et elle a des responsabilités importantes au Conseil régional. Le PS la soutient dans ses différentes investitures aux élections législatives sur la neuvième circonscription d’autant qu’aucun autre candidat potentiel du PS n’est présent. L’absence de concurrent s’explique par le fait que la circonscription est difficilement gagnable. Face à un contexte politique local particulièrement difficile, elle réussit un nouvel exploit, celui d’être élue députée. Il faut rappeler que c’est la troisième fois qu’elle se présente aux élections législatives. A travers toutes ces élections, Monique Rabin s’est ancrée sur le territoire et s’est professionnalisée en exerçant des postes à responsabilités. Elle a donc été investie par le Parti socialiste d’autant plus qu’elle ne concurrence pas d’autres acteurs politiques socialistes masculins. C. Trajectoire de Monique Rabin par rapport aux trajectoires des députées françaises de 1945 à 2000 Catherine Achin a développé une typologie sur les processus d’entrée des femmes françaises élues entre 1945 et 2000 à l’Assemblée nationale. La trajectoire de Monique Rabin peut-elle être classée dans cette typologie et si oui, où ? 1. Présentation de la typologie Dans sa thèse, Catherine Achin étudie et compare les processus d’entrée des femmes allemandes et françaises à la chambre basse entre 1945 et 2000. Le travail qu’elle a effectué concernant le cas français est intéressant pour ce mémoire. En recoupant différentes informations relatives aux députées françaises, elle établit une typologie des trajectoires empruntées par les femmes pour accéder à l’Assemblée nationale. Une trajectoire se caractérise par « la structure de ses capitaux, de son appartenance partisane et de sa période d’élection »95. En France, elle définit quatre types de trajectoires : « les résistantes », « les femmes alibi », « les députées de terrain » et « les énarques ». 95 ACHIN Catherine, « Le mystère de la chambre basse ». Comparaison des processus des femmes au Parlement France-Allemagne 1945-2000, Paris, Dalloz, « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2005, pp.637, p.224 43 La catégorie des « résistantes » correspond aux trajectoires des femmes qui accèdent à la fonction de député.e suite à l’acquisition du droit d’éligibilité, juste après la Seconde guerre mondiale. Elles ont converti « en politique les capitaux acquis sur le terrain de la résistance »96. Cela concerne, en particulier, les communistes. L’exposition dédiée aux premières femmes députées mentionnée en introduction permet d’ailleurs de voir que sur les 33 députées, on compte 17 communistes. Concernant la trajectoire des « résistantes », une partie importante des députées se sont investies ou s’investissent dans les partis politiques ou les associations. Enfin, parmi les députées relevant de cette catégorie, elles n’occupent pas, pour la majorité d’entre elles, de postes importants au sein de l’Assemblée nationale. Catherine Achin utilise la dénomination de « députée de second rang ».Toutes les autres trajectoires relatives aux députées des années 1945 à 2000 se sont développées à partir des années 1970. Le deuxième type de trajectoire est celle des « femmes alibi ». Cela concerne les femmes qui sont souvent élues « pour une seule législature en tant que suppléant du titulaire »97. Elles ont peu de ressources politiques comme la pratique d’un autre mandat électif et n’occupent pas de responsabilité au sein de l’hémicycle. Cela concerne, principalement, les socialistes et les gaullistes. « Les femmes de terrain ou les laboureuses du local » ont pour caractéristique une forte assise territoriale. Elles ont exercé au moins trois mandats au niveau local, départemental ou régional. Dans l’étude de Catherine Achin, cette trajectoire concerne 38% de députées socialistes, 32% des gaullistes, 13% des communistes et 12% des députées issues de la droite libérale. En plus, d’avoir un mandat avant d’être députée, certaines se sont investies dans le secteur associatif et/ou dans les partis politiques. Pour certaines, d’autres facteurs ont joué comme un héritage politique familial ou un passage à de hautes fonctions non électives. Les femmes classées dans cette catégorie entrent au Parlement après une longue expérience politique. Elles n’exercent pas longtemps et sont souvent des « députées de second rang ». Enfin, la dernière trajectoire est celle des « énarques ». Les femmes qui entrent par cette voie ne sont pas nombreuses. Cette catégorie fait écho à la filière administrative présentée ci-dessus. Les femmes ont pu bénéficier de cette filière à partir de 1981 et elles s’engagent principalement au Parti socialiste. Leur caractéristique principale est qu’elles ont 96 Op.cit., pp.225-226 97 Op.cit., p.236 44 un niveau de diplôme élevé : certaines sont diplômées de l’ENA. Elles sont souvent « issues de milieux sociaux très privilégiés ». Avant de devenir députées, elles ont exercé des fonctions importantes soit électives soit politico-administratives. Ce ne sont pas des « députées de second rang », cependant, elles ne restent pas longtemps au pouvoir en tant que députées. 2. Monique Rabin, une députée de terrain ou une députée de troisième génération ? Tout d’abord, il faut préciser que les travaux de Catherine Achin portent sur les députées de 1945 à 2000, c’est-à-dire, avant les lois sur la parité. Les nouvelles règles qui entourent les élections législatives peuvent avoir introduit d’autres types de trajectoire. En prenant en compte cette information, il est intéressant de confronter la trajectoire de Monique Rabin à cette typologie. Les trajectoires « Les résistantes », « Les femmes alibis » et « Les énarques » peuvent être facilement écartées. En effet, Monique Rabin est née en 1954, elle n’a donc pas connu la Seconde guerre mondiale. Par ailleurs, elle n’a pas eu accès à la fonction de députée en tant que suppléante dont le titulaire se serait retiré. Par ailleurs, elle a une certaine expérience politique, contrairement à la trajectoire « Les femmes alibis ». Enfin, elle n’est pas issue d’un milieu privilégié. Et bien qu’elle ait fait des études dans le supérieur, elle n’a pas le haut niveau de diplôme caractéristique de la trajectoire des « énarques ». Le parcours de Monique Rabin a le plus de similitudes avec la catégorie « Les laboureuses du local ». En effet, elle est devenue députée grâce aux capitaux politiques qu’elle a pu acquérir et développer à travers l’exercice de différents mandats électifs : conseillère municipale dans l’opposition, puis, maire de la commune de Saint Philbert de Grand Lieu et conseillère régionale, puis, vice-présidente du conseil régional des Pays de la Loire. Cependant, contrairement à la députée Henriette Martinez illustrant la trajectoire « exemplaire » de la députée de terrain, Monique Rabin a été modérément active dans le milieu associatif et militant de son territoire. Alors que l’ « investissement [d’Henriette Martinez] dans la vie associative de la commune s’accélère parallèlement à sa progression au sein du RPR [Rassemblement pour la République] afin, selon ses propres mots, de “tout faire pour se rendre indispensable à la vie locale” ». De même, contrairement à Henriette de Martinez, Monique Rabin n’est pas native de la région et a exercé sa profession en dehors du Pays de Retz. Son investissement sur le territoire est donc principalement politique. Elle explique, par exemple, que lorsqu’elle était au Conseil régional, elle était, en particulier, sollicitée pour réaliser les déplacements qui se déroulaient au Sud Loire. Par ailleurs, un 45 paramètre participant à l’élection de Monique Rabin n’est pas pris en compte dans la typologie de Catherine Achin : les lois sur la parité. Le parti socialiste a facilité l’investiture de Monique Rabin aux élections législatives sur la neuvième circonscription car il devait respecter les quotas paritaires. Les lois sur la parité incitent les partis à présenter autant de femmes que d’hommes à ces élections sous peine de sanctions financières. De même, concernant les autres mandats, les lois sur la parité favorisent l’élection des femmes ce qui peut leur permettre de s’implanter sur un territoire et avoir accès, in fine, à la fonction de député.e. Il serait intéressant d’étendre les travaux de Catherine Achin aux femmes élues députées à partir de 2002 afin de voir si d’autres trajectoires types se dessinent telles que « les femmes députées issues des lois sur la parité ». Suite à cette deuxième partie, on peut dire que l’accès à la fonction de député.e est plus difficile pour les femmes. Les lois sur la parité ont des effets limités et contrairement aux hommes, les femmes ne sont pas prédisposées à entrer dans le champ politique. Cependant, comme de nombreuses députées, son élection s’est construite dans le temps. Grâce à ces compétences et qualités personnelles, son parcours politique et à certaines circonstances, Monique Rabin réussit progressivement à s’implanter sur le territoire du Pays de Retz et à devenir une candidate sérieuse pour les élections législatives de 2012. Après avoir observé, l’inégale accès des femmes et des hommes à la fonction de député.e, il est intéressant de se demander, s’il existe une différence entre les sexes dans l’exercice du pouvoir et les conséquences que cela impliquent. 46 III. PRATIQUE ET POSITION DES FEMMES DÉPUTÉES Bien que les femmes parlementaires soient un peu plus nombreuses sur les bancs de l’Assemblée depuis les lois sur la parité, existe-t-il une différence entre les femmes et les hommes dans l’exercice de leur fonction de député.e qui engendrerait une inégalité entre les sexes ? Les modalités de l’exercice du pouvoir sont-elles également un frein pour les femmes parlementaires ? Le cas de Monique Rabin représente-t-il la situation de la majorité des députées ou est-il spécifique ? A. Persistance de l’inégalité entre les sexes dans l’exercice du pouvoir Toutes et tous les député.e.s n’ont pas la même position ou le même poids au sein de l’Assemblée nationale. Différents éléments définissent l’importance du député.e comme la commission à laquelle elle ou il appartient, si elle ou il occupe une fonction particulière au sein des différentes instances mais également, les représentations collectives du pouvoir politique. La question est de savoir s’il existe un lien entre le genre et la position occupée et si ces éléments ont un impact dans l’exercice du pouvoir. Les femmes députées apportentelles d’autres règles du jeu ou s’inscrivent-elles dans les pratiques traditionnelles ? 1. Des femmes députées de « second rang »98 Un.e député.e est considéré.e comme appartenant à l’élite ou du moins aux « député.e.s intermédiaires »99 lorsqu’elle ou il occupe des fonctions importantes au sein du bureau de l’Assemblée, de sa commission ou de son groupe parlementaire telles que président.e, vice-président.e, secrétaire, rapporteur.e général.e100, questeur.e101, président.e de commission ou président.e de groupe. En outre, la commission à laquelle le ou la député.e appartient est un autre indicateur de l’importance de sa position. Celles qui 98 ACHIN Catherine, « Le mystère de la chambre basse ». Comparaison des processus des femmes au Parlement France-Allemagne 1945-2000, Paris, Dalloz, « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2005, pp.637, p.193 99 Ibidem, p.195 100 Le rapporteur.e général.e est un.e député.e de l’opposition élu.e au sein de la commission des finances. Il a pour fonction de présenter les lois de finances ainsi que de faire le lien entre le Gouvernement et l’Assemblée. 101 Les trois questeurs, sous la haute direction du Bureau, sont chargés des services financiers et administratifs de l'Assemblée. Ils participent à la logistique de l’Assemblée nationale. 47 touchent les domaines régaliens et/ou qui sont permanentes sont les plus prestigieuses. Cela regroupe les commissions : des affaires étrangères, des lois, de la défense nationale et des forces armées et, enfin, des finances102. En 2007, le bureau de l’Assemblée nationale comprend quatre femmes parlementaires sur vingt-deux député.e.s et en 2012, sept sur vingt-deux103. Le Président de l’Assemblée est un homme durant les deux mandatures. Par ailleurs, sur six groupes parlementaires104, seul le groupe Ecologiste compte une femme présidente : Cécile Duflot. Les femmes sont sous-représentées dans les positions de pouvoir. Concernant la répartition des député.e.s dans les commissions105, les femmes sont 46,5% à la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, 43,1% à celle des affaires sociales et 30,1% à la Commission des affaires économiques. Par contre, elles sont 15,1% à la Commission des finances et 15,9% à la Commission de la défense nationales et des forces armées. Elles sont sousreprésentées dans les commissions dites régaliennes et surreprésentées dans les commissions qui ont un lien avec le rôle sexué des femmes dans la société et généralement considérées comme moins centrales. Figure 5, Composition du bureau de l’Assemblée nationale, par sexe, en 2007 et 2012 Source Haut Conseil de l’égalité femmes-hommes, juillet 2012, Tableau n°39, p.46. Disponible sur : http://www.haut-conseilegalite.gouv.fr/IMG/pdf/opfh_eleleg_rapt1-250712.pdf 102 ACHIN Catherine, « Un “métier d'hommes” ? Les représentations du métier de député à l'épreuve de sa féminisation », Revue française de science politique, vol.55, 2005, pp. 477-499, p.489 103 Figure 5 104 Les non-inscrits ne sont pas pris en compte car ils ne forment pas de groupe parlementaire. 105 Figure 6 48 Figure 6, Composition des commissions de l’Assemblée nationale en 2012 Source Haut Conseil de l’égalité femmes-hommes, juillet 2012, Tableau n°41, p.47. Disponible sur : http://www.haut-conseilegalite.gouv.fr/IMG/pdf/opfh_eleleg_rapt1-250712.pdf Catherine Achin explique dans l’article « Un “métier d'hommes” ? Les représentations du métier de député à l'épreuve de sa féminisation » que la répartition des femmes et des hommes député.e.s dans les diverses commissions est décidée par le groupe parlementaire auquel elles ou ils appartiennent. Différents critères entrent en ligne de compte : l’intérêt personnel du parlementaire, son ancienneté ou son poids politique, ses compétences, son origine sociale. La chercheuse distingue trois types de discours, développés par les députées françaises, entre 1945 et 2000, par rapport à leur attribution de commission. Catherine Achin essaie de savoir si les compétences des députées qui déterminent leur commission sont « projetées » sur les femmes parlementaires ou si elles sont revendiquées par ces dernières. Tout d’abord, certaines députées veulent siéger dans des commissions « relevant de compétences féminines traditionnelles » comme l’éducation, le social. Puis, d’autres demandent à être dans des commissions précises et parfois « prestigieuses » qui ont un lien avec leurs compétences professionnelles ou leur circonscription. Enfin, certaines n’ont pas pu exprimer leur choix. La faible présence des femmes dans certaines commissions et à certains postes fait écho à la division sexuée verticale et horizontale qui existe dans de nombreux espaces dont la sphère professionnelle. En effet, souvent dans leur carrière, les femmes ont moins de possibilités d’évoluer. Elles sont aussi compétentes que les hommes mais elles sont confrontées à un « plafond de 49 verre »106. Les femmes n’ont pas accès et/ou sont peu présentes aux postes de direction, au sommet de la hiérarchie. Ce phénomène de la division verticale sexuée s’explique par de nombreux facteurs diffus dont les attentes d’une figure masculine concernant les postes de direction. La division horizontale sexuée correspond au fait que les femmes et les hommes sont respectivement cantonnés à certaines tâches, certains domaines. Les femmes sont souvent assimilées à la sphère privée : l’éducation des enfants, les tâches domestiques. Ce sont des domaines également considérés comme moins importants et moins valorisants que les domaines investis par les hommes. Le champ politique n’échappe pas à cet ordre social. Monique Rabin a une situation particulière car son souhait a été réalisé : elle fait partie de la commission des finances alors que c’est son premier mandat de députée et qu’elle n’a pas fait de grandes écoles. Cela est remarquable car la commission a été, pendant longtemps, composée seulement d’hommes : « En y entrant, je savais que c’était un lieu de sexisme puisque les premières femmes sont entrées à la fin des années 1980 ». En 2012, cette commission « reste un bastion particulièrement masculin »107. Elle est composée de 11 femmes et 62 hommes. En tant que nouvelle élue, Monique Rabin a dû se battre pour entrer dans cette commission « moi quand j’ai demandé la commission des finances, on m’a proposé d’entrer à la commission de la défense. Donc j’ai dit non, parce qu’il n’y a pas de sous-marin dans le lac de Grand Lieu et ni dans le port de Pornic. J’ai refusé et j’ai refusé très fermement ». Elle explique que cette commission était et est très convoitée notamment car « autrefois, il y avait des avantages à être à la commission des finances c’est-à-dire que les projets locaux financés par la réserve parlementaire étaient réservés aux membres de la commission des finances donc tous les autres, même, en ignoraient quasiment l’existence ». Tendre vers la parité à l’Assemblée nationale est une valeur admise par la majorité des hommes et les femmes politiques. Le fait que les partis politiques soient attentifs au respect de la parité, autant pour des raisons idéologiques que d’affichage, a pu participer à l’entrée de Monique Rabin à la Commission des finances, qui est composée majoritairement d’hommes : « Je pense que c’est parce que le groupe avait un peu la honte de pas avoir beaucoup de femmes ». Monique Rabin souligne également que les député.e.s et notamment les femmes ne sont pas choisies au hasard, ce sont des femmes brillantes et connues qui sont 106 BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.357, p.205 107 Groupe de travail « Parité politique », Parité : une progression timide et inégalement partagée. Evaluation quantitative des dispositifs paritaires après les élections législatives des 10 et 17 juin 2012, Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Tome 1, juillet 2012, p.47 50 sélectionnées. Et de manière générale, la commission est composée de nombreux anciens ministres, d’hommes et de femmes politiques connus. Sur les cinq femmes envoyées par le PS dans la commission des finances, trois possèdent des ressources personnelles très importantes : « Karine Berger major de Polytechnique, Valérie Rabault qui a aussi un parcours universitaire de dingue et qui était cadre supérieur à la BNP Paribas et les deux ont écrit un ouvrage ensemble sur les Trente Glorieuses, elles étaient très connues et déjà très engagées dans le parti socialiste, ce sont des économistes de renom déjà […] et Carole Delga qui est devenue Présidente de la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon ». Ainsi, la présence de Monique Rabin au sein de la commission des finances constitue une notable exception. 2. Etre député, un « métier d’homme » : les représentations du pouvoir politique et leurs impacts sur la prise de parole Les auteur.e.s Laure Bereni, Sébastien Chauvin, Alexandre Jaunait et Anne Revillard développent l’idée que le pouvoir politique est défini comme neutre, universel. Cependant, dans les consciences, les hommes incarnent le pouvoir. Ces chercheurs et chercheuses expliquent que « l’expression “femme politique” apparaît, à bien des égards, comme un oxymore »108. Cette représentation est encore plus présente pour les fonctions dominantes comme celle de député.e. Etant donné que les femmes ont acquis tardivement le droit de vote et d’éligibilité, le style corporel du personnel politique a été cristallisé, dans la conscience collective, comme masculin. Selon Elsa Dorlin et Catherine Achin, le style des hommes politiques ne doit être « ni trop investi, ni trop peu investi ». De plus, les qualités et les compétences caractérisant les hommes et les femmes politiques sont celles qui « ont été traditionnellement monopolisées par les hommes : charisme, disponibilité, aisance oratoire, combativité, maîtrise technique… »109. Comment les femmes politiques sont-elles représentées dans l’espace politique ? Elles sont cantonnées à certains rôles. Catherine Achin et Elsa Dorlin distinguent trois figures de femmes qui entrent dans des bastions de pouvoir masculins : « la king », « la régente » et « l’intrigante ». Ces représentations reposent sur des stéréotypes : l’image de la femme maternelle ou celle de la femme séductrice. Ces figures sont parfois autant mobilisées par les femmes pour exister en politique que projetées sur ces dernières. La première figure consiste à ce que les femmes 108 BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.233 109 Ibidem 51 incarnent l’autre sexe, elles adoptent les apparats et codes masculins. Cela permet aux femmes de se rendre invisibles parmi les hommes dans la sphère politique. La deuxième figure renvoie à la mère et à ses compétences et qualités comme le sens moral, la discrétion... Dans certaines situations, la mobilisation de ces ressources porte ses fruits. Par exemple, « dans les moments de crise politique, la figure de la mère peut fonctionner comme une image providentielle et ouvrir l’accès, exceptionnellement, au sommet du pouvoir »110. Enfin, la dernière renvoie à l’idée que « la position politique est attribuée à son pouvoir de séduction et à sa sexualité ». Cette dernière figure peut, rarement, être convertible en ressource politique, contrairement aux deux premières dans certaines situations. « L’intrigante » est plutôt projetée sur les femmes que mobilisée par ces dernières. Au-delà du fait que ces représentations collectives influencent les élections des femmes à la fonction de député.e, quel poids ont ces représentations dans l’exercice du pouvoir ? Ces conceptions du pouvoir politique semblent avoir un impact dans la prise de parole des député.e.s dans les lieux formels et informels. Au sein de l’hémicycle, la prise de parole est très règlementée : un ou une député.e dispose de deux minutes pour poser sa question ou faire sa remarque. S’il ou elle dépasse le temps imparti, le président de l’Assemblée lui coupe la parole. De manière générale, le président de l’Assemblée a comme mission de maintenir l’ordre et le respect lors des débats dans l’hémicycle. Dans ces lieux formels, grâce aux normes qui encadrent les interventions des député.e.s, les femmes députées semblent pouvoir exercer leur fonction au même titre qu’un homme. Cependant, les représentations n’ont pas disparu. En effet, certains événements machistes et sexistes rappellent que ces représentations existent toujours. En effet, par exemple, Cécile Duflot est venue habillée en robe à l’Assemblée nationale, ce qui lui a valu des remarques lorsqu’elle a pris la parole. Cette situation illustre parfaitement la figure de « l’intrigante » et renvoie au fait que le personnel politique est incarné par le corps d’un homme et non celui d’une femme. Cependant, dans les coulisses de l’Assemblée, les prises de parole ne sont pas réglementées : « Et au groupe socialiste, quand on a la possibilité de s’exprimer […], on lève la main, mais, moi, je pense que Bruno Leroux111, il donne la parole comme il le veut ». Ces prises de parole peuvent faire l’objet d’inégalité entre les sexes. Monique Rabin a le 110 BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357, p.237 111 C’est le président du groupe parlementaire socialiste, républicain et citoyen. 52 sentiment que les femmes ont ou prennent moins la parole et sont plus facilement coupées par leurs homologues masculins. Lors des réunions du groupe parlementaire socialiste, républicain et citoyen, elle déplore également qu’une seule femme soit à la tribune : « Seybah, elle est députée socialiste de Paris, elle est noire, elle est femme assez jeune. Elle a eu un bébé pendant le mandat, elle est avocate d’affaire donc c’est un super alibi pour le parti socialiste ». Selon Monique Rabin, la parole est principalement prise par les hommes députés. En outre, Monique Rabin explique que dans sa commission, c’est particulièrement difficile de s’exprimer car elle est composée de député.e.s qui ont du poids et qui sont connus : « Tu avais déjà neuf membres du gouvernement sortant de Nicolas Sarkozy qui étaient là donc ça pèse aussi. Et puis, à la commission des finances, on avait, en 2012, […] beaucoup d’anciens ministres aussi de notre côté qui pèsent, dont la parole est forte. S’ils lèvent la main, on va leur donner la main sans doute plus facilement qu’à moi ». Catherine Achin et alii112 indiquent qu’au-delà du genre, la variable qui pèse sur l’aisance orale en public est d’être un ou une nouvel.le élu.e. Lorsqu’une personne exerce pour la première fois un mandat, au début de celui-ci, cette ou ce nouvel.le élu.e éprouve des difficultés à l’oral. Par contre, les auteur.e.s expliquent que les hommes même novices sont plus sollicités que les femmes à prendre la parole, consciemment et inconsciemment. Les femmes participent au fait qu’elles aient moins la parole car, pour ces dernières, c’est un exercice difficile et cela plus que pour les hommes. Elles évitent donc l’exercice. Or, parler en public est « une étape importante et nécessaire pour faire carrière » et « un moment clé dans la formation et l’apprentissage du métier de politique »113. Enfin dans des lieux informels, il existe toujours des attitudes ouvertement sexistes et machistes. Par exemple, une des collaboratrices de Monique Rabin a raconté114 qu’à l’Assemblée nationale, elle est entrée dans un ascenseur avec trois députés et l’un d’eux lui a demandé si elle n’avait pas peur de monter avec eux, sous-entendu seulement avec des hommes. Il a explicitement indiqué qu’il faisait référence aux agressions sexuelles qui se sont déroulées à Cologne le soir du nouvel an. Comme de nombreuses députées, dans la pratique du pouvoir, Monique Rabin est confrontée aux représentations liées aux rôles sexués. Les hommes incarnent le pouvoir 112 ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.184, pp.119-120 113 Ibidem 114 Carnet de terrain, le 13 janvier 2016 53 politique, ce qui est une difficulté supplémentaire pour les femmes. Face à l’entrée plus massive des femmes, les règles du jeu de la sphère politique évoluent-elles ? 3. De nouvelles pratiques politiques ou l’intégration des pratiques traditionnelles ? Un des arguments avancés lors de l’adoption des lois sur la parité a été que les femmes renouvelleraient le personnel politique et qu’elles feraient de la politique autrement. Qu’en est-il des députées ? Apportent-elles d’autres pratiques ou, au contraire, intègrentelles les règles du jeu traditionnelles ? Un des objectifs qui anime les députés est d’être reconduit aux prochaines élections. Or la monopolisation du pouvoir est l’un des facteurs de la professionnalisation de la classe politique. Ce phénomène est dénoncé par un certain nombre d’électeurs et d’électrices qui déplorent le non renouvellement du personnel politique. Or, dans la durée, les femmes exercent moins de mandats de député.e que les hommes. « Au regard de la faible féminisation de l'Assemblée nationale, […] à ce jour, seules 10 femmes élues de cette XIVème législature ont fait 4 mandats successifs contre 97 hommes »115. Une autre pratique qui contribue à ce que les députés soient reconduits est le cumul de différents mandats. Est-ce que les femmes rompent avec cette pratique ? En 2009, sur les 108 députées, 64,8% d'entre-elles ont un mandat en plus de leur mandat de député.e alors que sur les 468 députés, 56,0% d'entre eux exercent un autre mandat. Cependant, ils sont 28,0% à cumuler deux autres mandats contre 15,7% pour les femmes. Même si les femmes détiennent moins de mandats que les hommes, elles pratiquent le cumul de mandats. En effet, elles sont soumises aux règles du champ politique au même titre que les hommes. Or l’un des critères pour être élu.e député.e est d’exercer un ou plusieurs mandats politiques supplémentaires. A partir de 2008 et jusqu’en 2014, Monique Rabin cumule deux mandats. Entre 2008 et 2010, elle est maire et conseillère régionale et entre 2010 et 2012, elle est maire et viceprésidente au Conseil régional. Lorsque Monique Rabin est élue députée, elle décide de se retirer du Conseil régional mais de rester maire. Elle décide peut-être de maintenir son mandat de maire et non celui de vice-président car l’enjeu politique est plus fort au niveau de la commune et pour une députée, maintenir un mandat au plus près des électeurs est plus important. A partir de 2014, elle n’est plus députée-maire car elle est battue aux élections 115 Groupe de travail « Parité politique », Parité : une progression timide et inégalement partagée. Evaluation quantitative des dispositifs paritaires après les élections législatives des 10 et 17 juin 2012, Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Tome 1, juillet 2012, pp.1-52, p.3 54 municipales. Au cours de son parcours politique, Monique Rabin pratique le cumul de mandats. Cependant, elle limite cette pratique à deux mandats. En 2016, elle a rejoint la communauté Parlement et citoyens qui a pour objectif de renouveler les pratiques politiques actuelles et de faciliter le dialogue entre les électrices et les électeurs et les député.e.s. Sur ce site, l’une des propositions de Monique Rabin pour regagner la confiance des électeurs et des électrices est de supprimer le cumul de plus de deux mandats 116. Sa conception et sa pratique de la politique se rejoignent sur le fait qu’il faut limiter et encadrer le cumul des mandats. Les femmes députées sont-elles plus solidaires entre elle ? Dans le livre Sexes genre et politique117, il est expliqué que les nouvelles élues, notamment aux élections municipales, ont tendance à se réunir pour partager leurs difficultés. Cette initiative se réalise moins parce que ce sont des femmes que parce qu’elles sont novices en politique. De plus, il est indiqué que les relations entre les femmes restent souvent des relations de pouvoir où la solidarité n’a pas forcément sa place et cela est d’autant plus vrai pour les mandats dominants. Au niveau de l’Assemblée, la compétition politique est forte. L’hypothèse qui peut être avancée est qu’il existe peu de solidarité entre les femmes. Concernant cette question, il faut distinguer deux situations : la solidarité au sein et hors du groupe parlementaire. Monique Rabin a le sentiment que les femmes socialistes sont solidaires entre elles. Elle explique : « Moi, je trouve qu’il y a quand même une solidarité, parce que de fait c’est nous qui sommes les plus présentes. On est 37% dans notre groupe, et il y a plus que quatre femmes sur dix souvent dans l’hémicycle surtout tard la nuit. On est plus souvent dans l’hémicycle, on se regarde et on se compte, et on se dit ras-le-bol. Quand il y en a une qui n’en peut plus à une heure du matin et qui va se coucher. On n’accepte pas que le groupe dise : “ Ah non, non, tu restes dans l’hémicycle puisqu’il faut qu’on soit nombreux et tout ” parce que nous on fait notre boulot, on est là donc on défend celle qui est fatiguée. ». Cependant, elle regrette que la solidarité entre les députées soit faible. En effet, les relations entre les députées restent des relations de pouvoir avec une compétitivité politique forte. Dans ce cadre, lorsque les femmes n’appartiennent pas au même groupe, il semble difficile qu’elles développent une solidarité. Par exemple, ce lien ne s’est pas 116 RABIN Monique, Monique Rabin, députée de Loire-Atlantique rejoint la communauté, Parlement et citoyens, 2016. Disponible sur : https://www.parlement-et-citoyens.fr/blog/monique-rabin-deputee-de-deloire-atlantique-rejoint-la-communaute 117 ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.184, p.136 55 exprimé dans le cas suivant : « Par contre notre solidarité ne s’exprime pas assez. Alors c’est vrai que c’était plus en début de mandat, mais moi, je regretterai toute ma vie de ne pas m'être levée quand il y a eu des observations sur la robe que portait Cécile Duflot parce que d’habitude, elle était en pantalon, là, elle vient avec une robe donc on aurait dû toutes se lever et partir.». Le fait que Monique Rabin n’appartienne pas au même groupe parlementaire que Cécile Duflot l’a peut-être freinée à réagir. Est-ce que les femmes député.e.s sont plus assidues que les hommes députés ? Monique Rabin explique que les femmes député.e.s sont plus présentes à l’Assemblée nationale. Selon une lettre d’information parlementaire rédigée par l’équipe de Monique Rabin en septembre 2015, Monique Rabin fait partie des dix député.e.s les plus assidu.e.s à l’Assemblée nationale, elle compte à son actif, 40 semaines d’activités à l’Assemblée nationale. Dans son entretien, Monique Rabin rappelle les paroles de Marie Jacq, députée du Finistère de 1978 à 1993 « il faut toujours que l’on [les femmes] soit meilleure pour gagner et cela nécessite beaucoup plus de travail et nous, on a la ténacité c’est pour cela qu’on y arrivera un jour ». D’après Monique Rabin, une pratique particulière se dessine, celle d’être plus présente et de travailler davantage que les hommes. Cependant, cette pratique est ambivalente. D’une part, elle semble tenir au fait que cela soit des femmes et qu’elles doivent prouver, selon les critères traditionnels, qu’elles sont capables. D’autre part, cependant, elles peuvent apprendre et se former lors de ces moments. De plus, lors de la campagne électorale, leur forte présence dans l’hémicycle qui est appréciée par les électeurs, peut être un argument pour se faire réélire. Ainsi, comme toutes et tous les député.e.s, Monique Rabin est soumise aux règles du champ politique ce qui limite l’émergence de nouvelles pratiques politiques. Comment est traité le thème de l’égalité entre les sexes au sein de l’Assemblée nationale et particulièrement, auprès des femmes parlementaires ? B. Action et posture du personnel politique face à l’égalité femmeshommes et aux revendications féministes Face aux inégalités entre les sexes, comment réagit le personnel politique ? Est-il touché par cette cause ? Met-il en place des actions en lien avec ce sujet ? Les réponses à ces 56 questions varient en fonction du type d’actrice ou d’acteur politique pris.e en compte. Pour ce qui concerne Monique Rabin, sa sensibilité évolue au fil de son mandat. 1. Les initiatives des actrices et des acteurs politiques concernant l’égalité des sexes Depuis les élections de 2012, présidentielle et législatives, le pouvoir semble plus attentif et sensible à la thématique de l’égalité. Les députées, qui subissent des discriminations, sont-elles aussi sensibilisées à la question ? a. 2012, un élan vers l’égalité dans l’organisation de l’Assemblée nationale ? Malgré un bilan plutôt négatif concernant l’égalité réelle entre les femmes et les hommes député.e.s, l’objectif d’une Assemblée nationale paritaire semble faire consensus. En effet, depuis les lois de 2000, d’autres lois118 ont été prises dans ce sens. En outre, d’autres actions s’inscrivant dans cette perspective ont pu voir le jour grâce à l’élan créé par l’élection du candidat socialiste à la présidence. Suite à son élection, un comité interministériel aux droits des femmes s’est réuni pour définir un plan d’action sur plusieurs années. L’organisation d’un tel comité n’avait pas eu lieu depuis une douzaine d’années 119. Cette initiative a été prise sans qu’il existe de normes contraignantes. Par ailleurs, suite à la victoire de François Hollande à l’élection présidentielle, le PS a remporté la majorité parlementaire. Or, ce parti présente plus de femmes députées que le parti de l’UMP. De plus, la droite qui était majoritaire depuis 2002 à l’Assemblée nationale est moins active dans le domaine de l’égalité femmes-hommes. En 2012, diverses actions sont prises ayant pour objectif de réduire les inégalités. Par exemple, malgré une forte présence masculine, les fonctions à responsabilité au sein des commissions se féminisent. En 2012, 37,5% des président.e.s des commissions sont des femmes120 alors qu’elles sont 27% de femmes parlementaires. Depuis le 1er octobre 2015, « Frédérique Massat est présidente à la commission des affaires économiques, c’est la première fois que l’on a la parité à la tête des 118 Les lois de 2003 introduisent des modalités concernant la parité dans le mode de scrutin des élections régionales, européennes et sénatoriales. La loi de 2007 perfectionne les dispositifs relatifs à la parité concernant les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitant.e.s, les élections cantonales, les élections législatives et les exécutifs régionaux et municipaux. La loi de 2008 facilite l’égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général. La loi constitutionnelle de 2008 relative à la modernisation des institutions de la Ve République favorise la parité dans les responsabilités professionnelles et sociales. 119 Gouvernement, Faire progresser l’égalité des droits. Les mesures en faveur de l’égalité femmes-hommes. Disponible sur : http://www.gouvernement.fr/action/les-mesures-en-faveur-de-l-egalite-femmes-hommes 120 Figure 5 57 commissions permanentes de l’Assemblée »121. Dans son discours lors de l’inauguration de l’exposition sur les 33 premières femmes députées, Sandrine Mazetier rappelle que depuis 1945, « trois femmes ont été élues questeures, dont une actuellement et 8 femmes ont été présidentes de commission depuis 1958, dont 5 depuis 2012 ». En outre, en 2013, Claude Barthelone, président de l’Assemblée nationale, a nommé un « référent égalité femmeshommes » que les député.e.s, les agent.e.s, les collaboratrices et les collaborateurs peuvent solliciter en cas de problème. D’autres éléments montrent que l’égalité femmes-hommes est un thème qui préoccupe l’Assemblée nationale. La délégation aux droits de la femme et pour l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, créée en 1999, a, en 2012, eu de nouveau un interlocuteur de plein exercice au gouvernement ce qui a permis un « répondant gouvernemental »122. Cependant, au-fur-et-à-mesure du mandat présidentiel, il n’existe plus de structure spécifique aux droits des femmes, ce volet a été intégré au Ministère de la famille, de l’enfance et des droits des femmes. Il faut souligner que cette thématique est inscrite au côté de la famille et de l’enfance, domaines dits « féminins ». Cela est un progrès relatif car les femmes sont toujours assimilées à certains rôles sexués. Selon la collaboratrice de Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits de la femme et pour l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, l’enjeu de l’égalité femmeshommes s’institutionnalise. Avant 2012, cette délégation réalisait plutôt un travail de sensibilisation sur des sujets déconnectés de l’actualité législative123. Après 2012, la délégation devient de plus en plus incontournable dans le travail législatif et elle balaie de nombreux sujets souvent peu associés à l’inégalité des sexes comme les femmes et le numérique ou encore les femmes et le réchauffement climatique124. Cependant, il faut relativiser ces propos car ils sont rapportés par des acteurs de l’Assemblée nationale. b. Les députées sont-elles plus sensibles à la question de l’égalité femmeshommes ? Les députées sont-elles moteur concernant l’égalité femmes-hommes ? Tout d’abord, de manière générale, même si certaines femmes politiques dénoncent l’inégalité entre les 121 Entretien avec la collaboratrice Violaine G. 122 Ibidem 123 Ibidem 124 Entretien Pascale F., une agente de la délégation des droits de la femme et de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. 58 sexes, la plupart du temps, elles ne se déclarent pas comme féministes125. En effet, le féminisme a mauvaise presse et est stigmatisé du fait de l’histoire du mouvement féministe français. Dans les années 1970, en France, le mouvement féministe s’est développé en dehors des partis politiques et a « mis en œuvre une stratégie radicale »126. En outre, les postures des députées face à l’égalité femmes-hommes sont variées. Catherine Achin explique que celles qui ont obtenu sans difficulté les commissions prestigieuses qu’elles voulaient, « nient l’existence de discriminations de genre »127. Plus globalement, les femmes qui adoptent la figure du « king » ont cette tendance. Ayant adopté les codes et les ressources dits masculins, elles ressentent moins cette discrimination. Dans leur ouvrage Sexes, genre et politique, Catherine Achin et alii expliquent que les discours et les gestes ouvertement machistes sont moins présents. La contrepartie est « la censure des revendications féministes »128. Les comportements sexistes existent toujours mais sont moins visibles. Dans ce cadre, il est demandé aux femmes politiques féministes de « neutraliser la charge conflictuelle »129 de leurs revendications. Au niveau de l’Assemblée nationale, certaines initiatives « politiquement correctes » ont été prises pour rendre visible la thématique de l’inégalité entre les sexes. Par exemple, à l’occasion de l’exposition sur les 33 premières femmes députées à l’Assemblée nationale, les députées femmes ont été prises en photo dans l’hémicycle en hommage aux premières femmes parlementaires mais également pour dénoncer le fait que leur faible nombre persiste. 2. Monique Rabin, une prise de conscience progressive Monique Rabin explique que sa prise de conscience concernant les discriminations faites aux femmes a été progressive. « LB : On voit que donc tu es sensible à l’égalité hommefemme, est-ce que ça a toujours été le cas ou est-ce que ta vision a évolué sur ce sujet-là ? MR : Donc non effectivement, ça n’a pas toujours été le cas parce que comme mes parents et notamment mon père m’ont laissée vivre ma vie d’enfant, de jeune et de jeune adulte, que je sois une femme ou un homme ça n’a rien changé, que mon mari me laisse beaucoup de 125 ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.184, p.146 126 Ibidem, p.146 127 ACHIN Catherine, « Un “métier d'hommes” ? Les représentations du métier de député à l'épreuve de sa féminisation », Revue française de science politique, vol.55, 2005, pp. 477-499, p.489 128 ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.184, p.145 129 Ibidem, p.145 59 place ça m’a rien changé donc je n’étais pas aussi consciente que je le suis avant ce mandat de la difficulté d’être une femme. Alors je l’ai ressenti, en fait, comme vice-présidente de la région et cela a été amplifié comme députée ». La prise de conscience s’est manifestée à partir du moment où elle a exercé des fonctions impliquant des responsabilités en politique. Par exemple, elle a eu des difficultés à s’imposer autant auprès de ses collègues élu.e.s que des cadres de la fonction publique. Elle explique que le directeur général des services du Conseil régional la regardait de manière un peu condescendante et les agent.e.s oubliaient plus souvent de la convier aux réunions. Avant, lorsqu’elle occupait des positions moins importantes, elle ne ressentait pas les discriminations qui existaient : « donc pendant six ans, j’ai été conseillère régionale simple et donc n’étant pas porteuse de responsabilité je ne me suis pas rendu compte qu’on me les donnait pas ». Ce sentiment est exacerbé lorsqu’elle devient députée. Ce cheminement s’illustre à travers la politique qu’elle mène en tant que députée. Dans un premier temps, cette thématique n’est pas un axe particulier de sa politique. Dans un de ses tracts, entre les deux tours des élections législatives de 2012, elle évoque certains thèmes : « éducation, emploi, économie, santé, logement, agriculture, handicap »130 mais l’égalité entre les sexes n’apparaît pas. Suite aux élections, elle décide de rejoindre la commission des finances, commission que l’on peut considérer comme éloignée des préoccupations relatives à l’égalité. Par ailleurs, élue sur une circonscription qu’elle désigne comme conservatrice, elle n’a pas forcément intérêt à porter cette cause qui peut être considérée comme progressiste. Tous ces facteurs ne la poussent pas à s’investir dans cette politique. Cependant, la situation change progressivement au cours de son mandat. D’une part, à travers son travail parlementaire, comme expliqué ci-dessus, elle est violemment confrontée à des discriminations. D’autre part, sans ce que cela soit volontaire, selon ses dires, Monique Rabin a une équipe composée exclusivement de femmes. Ses collaboratrices sont toutes plus ou moins sensibles à la question de l’égalité entre les sexes. La présence de ces femmes dans son entourage l’a sensibilisée à la cause des femmes et l’a incitée à agir. Tout d’abord, elle essaye par son attitude de faire évoluer la situation : « tu discutes avec un ministre, un autre député homme passe, il te coupe la parole, il parle au ministre de son sujet “Non mais t’en fais pas Monique, j’en ai pas pour longtemps”. J’ai accepté pendant deux ans mais maintenant je me rebelle, je suis vraiment contente, je me dis dans mon bilan personnel de mandat je me dis que j’aurai au moins appris ça, à me battre ». Par ailleurs, 130 Annexe 3 60 Monique Rabin et son équipe mettent en place des actions en lien avec ce thème. Par exemple, dans le cadre des visites de l’Assemblée nationale qu’elles organisent, une classe de 3ème du Collège Condorcet a travaillé sur la thématique de l’égalité femmes-hommes en politique. Les élèves ont réalisé des interviews de Monique Rabin, notamment sur le fait qu’elle soit une femme en politique. En janvier 2016, elle décide de me recruter en tant que stagiaire pour mettre en place un projet sur les femmes et leurs parcours dans la perspective du 8 mars, « Journée internationale des droits des femmes ». Cet acte montre qu’elle accorde de l’importance à cette thématique et qu’elle veut agir sur la circonscription. Sur le modèle des « Journées territoire » où elle se rend à différents endroits de la circonscription, notamment dans des entreprises, elle veut mettre en place des « Journées de la citoyenneté » dont le premier thème est l’égalité femmes-hommes. Elle effectue plusieurs déplacements : dans deux collèges, dans un centre de formation d’apprenti.e.s et dans un établissement et service d’aide par le travail (ESAT) afin d’aborder l’inégalité des sexes dans différents domaines : en politique, dans le champ professionnel et concernant le handicap. Le but est de recueillir les impressions des différents publics et de les sensibiliser à la question. Ces déplacements aboutissent à une soirée-débat pour échanger sur ce thème avec la population. Contrairement à la majorité des femmes, Monique Rabin accède à la commission des finances qui est traditionnellement un bastion masculin. Cependant, comme la plupart des femmes, elle est confrontée à des difficultés notamment concernant la prise de parole parce que les femmes ne présentent pas les qualités et le style corporel attendus. Par ailleurs, au cours de son mandat, Monique Rabin prend conscience de cette inégalité entre les sexes et comme de nombreuses députées, souhaite agir pour renverser cette tendance. 61 CONCLUSION Au fil de ce mémoire, nous avons essayé de comprendre pourquoi, bien que les femmes composent la moitié de l’humanité, l’Assemblée nationale n’est composée que de 27% de députées. Tout d’abord, nous avons vu que cette sous-représentation est, progressivement, devenue une préoccupation des dirigeants politiques qui ont légiféré en la matière. Cependant, malgré l’adoption de lois sur la parité, les candidates à la fonction de député.e restent confrontées à de multiples obstacles résultant des règles formelles et informelles qui encadrent les élections législatives. Puis, nous nous sommes interrogé sur les profils et les trajectoires des député.e.s. Nous avons constaté que pour devenir député.e, il faut avoir un certain profil et emprunter certaines trajectoires. Or les hommes sont prédisposés à prendre ces chemins, contrairement, aux femmes qui doivent se battre et s’adapter pour réussir à entrer dans le champ politique et à gravir les échelons. Le cas de la députée Monique Rabin a permis d’illustrer ces différentes observations et analyses. Monique Rabin fait partie de la génération des députées qui ont bénéficié des lois sur la parité. Comme de nombreuses candidates aux élections législatives, elle a dû affronter un contexte politique local défavorable à sa couleur politique car les partis politiques privilégient les candidatures des femmes dans les circonscriptions imprenables. Malgré cet obstacle et en se présentant pour la troisième fois, elle réussit se faire élire. Par conséquent, les lois sur la parité ont-elles été les seuls facteurs à son élection ? Elles ont été un tremplin à la candidature de Monique Rabin, cependant, il faut souligner qu’elle a également été élue grâce à un contexte politique national favorable et sur ses ressources personnelles issues de sa carrière professionnelle et de son parcours politique sur le territoire. Il est intéressant de souligner que pour de nombreuses députées, les lois sur la parité ne peuvent pas être en elles-seules la raison de leur élection, il faut, à côté, disposer de multiples ressources politiques et de volonté pour s’imposer. Puis, nous nous sommes questionné sur l’égalité entre les femmes et les hommes parlementaires après les élections, en d’autre termes, si, dans l’exercice de leur fonction, elles et ils ont le même poids. Or ce statut dépend de leur position, de leur pratique du pouvoir ou encore des représentations projetées ou intégrées par ces derniers. Nous avons vu que les femmes parlementaires subissent la même division sexuée qui existe dans le champ professionnel. Les femmes sont moins présentes au sommet de la hiérarchie et elles sont cantonnées à certains domaines dits féminins. Contrairement à la majorité des députées qui exercent leur premier mandat, Monique Rabin a voulu et a réussi à entrer dans la 62 commission des finances, un bastion masculin. La faible représentation des femmes socialistes à la commission des finances vient contredire l’engagement du PS pour la parité. Ce contexte a donc participé à l’entrée de Monique Rabin à cette commission. Cependant, elle tient sa position, principalement, grâce à sa volonté et à ses ressources professionnelles en matière de finance. Elle se sent assez légitime pour demander fermement cette commission. Par ailleurs, même si l’on peut observer que la pratique politique des femmes diffère quelque peu des hommes, elles sont soumises aux mêmes règles et relations de pouvoir. Pour se professionnaliser, elles ont aussi tendance à cumuler au moins un mandat supplémentaire. Enfin, étant donné que les députées sont confrontées à des inégalités liées à leur genre, nous nous sommes interrogé sur leur sensibilité concernant la question de l’égalité femmes-hommes. Selon le profil et les trajectoires des députées, cette sensibilité varie. Cependant, globalement, les règles politiques neutralisent la charge conflictuelle des revendications féministes. En matière d’égalité femmes-hommes, la sensibilité de Monique Rabin a évolué au fil de son parcours politique. Ne ressentant pas de discriminations au cours de ses premiers mandats politiques, elle n’affiche pas l’égalité femmes-hommes comme une priorité dans son action politique dans un premier temps. Cependant, en exerçant des mandats à responsabilité et notamment celui de député.e, elle ressent cette inégalité. D’ailleurs, cette thématique devient un axe fort dans sa politique en 2016. De manière générale, nous pouvons conclure que même s’il existe de vraies améliorations concernant l’égalité femmes-hommes à l’Assemblée nationale, la sphère politique reste verrouillée, c’est-à-dire que les règles encadrant ce champ sont difficilement modifiables. Les partis, acteurs incontournables en politique, par leurs pratiques rendent difficiles toutes évolutions vers une égalité des sexes à l’Assemblée nationale. Cependant, il faudrait peut-être encore attendre quelques années avant de voir l’impact des lois sur la parité. Par ailleurs, nous avons pu constater que la socialisation des femmes et des hommes politiques est primordiale dans la représentation des rôles sexués. Pour voir des changements, la société civile doit continuer elle aussi à tendre vers l’égalité afin de modifier ces représentations. Les femmes autant que les hommes doivent pouvoir incarner le pouvoir politique. Le chemin vers une égalité entre les hommes et les femmes en politique semble être encore long. Un signe fort vers l’égalité serait qu’au sommet de la hiérarchie politique où la compétition est la plus forte, les femmes soient présentes. Or, la France n’a connu qu’une femme Premier ministre, Édith Cresson et seulement pendant quelques mois au début des 63 années 1990 et seule Ségolène Royal est arrivée au second tour à l’élection présidentielle de 2007. A l’aube de l’élection présidentielle de 2017, il s’avère que la majorité des candidatures déclarées sont celles d’hommes… 64 IV. BIBLIOGRAPHIE 1. Documents académiques a. Ouvrages - ACHIN Catherine, « Le mystère de la chambre basse ». Comparaison des processus des femmes au Parlement France-Allemagne 1945-2000, Paris, Dalloz, « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2005, pp.1-637 - ACHIN Catherine et alii, Sexes, genre et politique, Paris, Economica, « Etudes politiques » 2007, pp.1-184 - ACHIN Catherine et LÉVÊQUE Sandrine, Femmes en politique, Paris, La Découverte, « Collection Repères », 2006, pp.1-122 - BENELSON Bernard, GAUDET Hezel et LAZARSFELD Paul, The people’s choice. How the voter makes up his mind in a presidential campaign, New York, Columbia University Press, 1940 - BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, REVILLARD Anne, Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, « Ouvertures politiques », 2012, pp.1-357 - DELPHY Christine, L’ennemi principal. t.1 : Economie politique du patriarcat, Paris, Syllepse, « Nouvelles questions féministes », 1998 b. Articles - ACHIN Catherine, « Les « liaisons paradoxales » : genre, ordre politique et ordre social en France et en Allemagne », Raisons politiques, vol.15, 2004, pp. 85-96 - ACHIN Catherine, « Un “métier d'hommes” ? Les représentations du métier de député à l'épreuve de sa féminisation », Revue française de science politique, vol.55, 2005, pp. 477499 - ACHIN Catherine, LÉVÊQUE Sandrine, « Femmes et hommes en politique : comprendre la différence… », Médiapart, Sociologie politique des élections, 2012 - BERENI Laure, LÉPINARD Éléonore, « “Les femmes ne sont pas une catégorie” les stratégies de légitimation de la parité en France », Revue française de science politique, vol.54, 2004, pp. 71-98 65 - BROUARD Sylvain et KERROUCHE Éric, « L'effet candidat lors des élections parlementaires. L'exemple des élections législatives 2012 en France », Revue française de science politique, vol.63, 2013, pp. 1113-1136 - DAUNE-RICHARD Anne-Marie et MARRY Catherine, « Autres histoires de transfuges ? Le cas de jeunes filles inscrites dans des formations ‟masculines” de BTS et de DUT industriels », Formation Emploi, vol.29, n°1, 1990, pp.35-50 - DULONG Delphine et MATONTI Frédérique, « Comment devenir un(e) professionnel(le) de la politique ? » L'apprentissage des rôles au Conseil régional d’Île-de-France, Sociétés & Représentations, n° 24, 2007, pp. 251-267 - GUIONNET Christine, « L’irréductibilité du genre à l’heure de la parité », Politix, vol.15, n°60, 2002, pp.113-146 - PETITFILS Anne-Sophie, « Partis politiques », in Catherine Achin et al., Dictionnaire. Genre et science politique, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) « Références », 2013, pp. 382-394 - SINEAU Mariette et TIBERJ Vincent, « Candidats et députés français en 2002. Une approche sociale de la représentation », Revue française de science politique, vol.57, 2007, pp. 163-185 2. Documents non académiques - ACHIN Catherine, Tous genres bienvenus, youtube, 2014, vidéo - ARRAY, « Législative. Tempête politique en Pays de Retz », Ouest France, 2012 - Assemblée nationale, Fiche de synthèse n°15 : Le financement de la vie politique : partis et campagnes électorales, 2014 - BOURSIER Nadine et COURAUD Marylise, « Pornic-Pays de Retz (9e) : historique, une députée de gauche rafle un bastion de la droite », Ouest France, octobre 2013 - CASTRA Michel, « Socialisation », Sociologie - Centre de données socio-politique, Accueil résultats électoraux en France, Science Po - COURPARD Elsa, Les femmes dans la société française depuis 1945, INA et Le Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Parcours pédagogique - Cumul des mandats : une pratique restreinte à compter de 2017, Vie publique. Au cœur du débat public, 2015, dossier d’actualité. - FRISSONG Michel, « Monique Rabin réagit aux propos de Stéphan Beaugé », Ouest France, 2013 66 - GILLOT Dominique, Vers la parité en politique, Observatoire de la parité, rapport au Premier ministre, 1999 - Gouvernement, Faire progresser l’égalité des droits. Les mesures en faveur de l’égalité femmes-hommes - Groupe de travail « Parité politique », Parité : une culture à développer. Enquête auprès des candidates des élections législatives de 2012. », Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Tome 2, juillet 2012, pp.1-64 - Groupe de travail « Parité politique », Parité : une progression timide et inégalement partagée. Evaluation quantitative des dispositifs paritaires après les élections législatives des 10 et 17 juin 2012, Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Tome 1, juillet 2012, p.52 - INSEE, Commune de Pornic, 2012 - INSEE, Loire-Atlantique – 9e circonscription, 2008 - INSEE, Niveau de diplôme selon l’âge en 2014, 2014 - INSEE, Population de 15 ans ou plus selon la catégorie socioprofessionnelle en 2014, 2014 - MAZETIER Sandrine, Inauguration de l’exposition « 21 octobre 1945 : les 33 premières femmes élues députées » à l’Assemblée Nationale, Site de la députée MAZETIER Sandrine, octobre 2015, discours d’inauguration - L’esprit grand ouvert Région Pays de la Loire, Seconde séance d’installation. Le Conseil régional des Pays de la Loire en ordre de marche, 2010 - LÉCHENET Alexandre, « Les manquements à la parité coûtent cher aux partis », Le Monde, 2012 - Législatives 2012 : élection des députées selon des modalités actualisées, Vie publique. Au cœur du débat public, 2012, dossier d’actualité - RABIN Monique, Monique Rabin, députée de Loire-Atlantique rejoint la communauté, Parlement et citoyens, 2016 - RICROCH Layla, « En 25 ans, moins de tâches domestiques pour les femmes, l’écart de situation avec les hommes se réduit », Regards sur la parité, INSEE, 2012, pp.1-15 - Secrétariat général de l’Assemblée nationale, Bienvenue à l’Assemblée nationale, 2014, flyer explicatif - ZIMMERMANN Marie-Jo, Pourquoi la parité en politique reste-t-elle un enjeu pour la démocratie française ?, Délégation aux droits des femmes, rapport au Premier ministre, 2003, pp.1-98 67 V. ANNEXES Annexe 1, La neuvième circonscription de Loire-Atlantique Source Site internet de Monique Rabin [consulté le 4 mars 2016] 68 Annexe 2, Tract de Philippe Boënnec entre les deux tours des élections législatives de 2012 Source Philippe Boënnec 69 Annexe 2, Tract de Monique Rabin entre les deux tours des élections législatives de 2012 Source Monique Rabin 70 Dans le cadre de mon master 1 mention Science politique spécialité Politique et Action publique, j’ai réalisé un stage d’un mois auprès de Monique Rabin, députée de la neuvième circonscription de Loire-Atlantique. Ce mémoire est l’aboutissement d’une réflexion qui se nourrit de cette expérience. En effet, il traite de la question de l’égalité femmes-hommes au sein de l’Assemblée nationale à travers le parcours de Monique Rabin. Dans les années 2000, suite à de longs débats, le gouvernement de Lionel Jospin adopte les lois dites « sur la parité » qui encadrent notamment les élections législatives. Seize ans plus tard, quels sont les effets de ces lois ? En 2016, l’Assemblée est composée d’environ 27% de femmes : une avancée par rapport aux chiffres des années 1990 mais à modérer car encore en-dessous des 50% attendus. Ce mémoire s’attache à observer les différents facteurs qui expliquent cette lente progression. Ces paramètres sont illustrés et questionnés à travers le parcours politique de Monique Rabin et de son élection aux législatives de 2012. Dans quelles mesures Monique Rabin a-t-elle bénéficié des effets des lois sur la parité ? D’autres éléments ont-ils joué dans son élection comme les contextes politiques au niveau local et au niveau national ou ses ressources personnelles ? Par ailleurs, le fait que l’Assemblée soit paritaire n’assure pas l’égalité entre les député.e.s femmes et hommes dans l’exercice du pouvoir. En effet, par la position et la pratique du pouvoir, les député.e.s n’ont pas le même poids. En outre, depuis les années 2000, de plus en plus de femmes sont assises aux bancs de l’Assemblée, importent-elles de nouvelles pratiques politiques ou doivent-elles se conformer aux pratiques politiques traditionnelles ? Enfin, du fait de certaines difficultés à entrer dans l’hémicycle, les femmes députées sont-elles particulièrement sensibles au thème de l’égalité femmes-hommes ? Ces différentes questions sont étudiées à travers l’action politique de Monique Rabin qui exerce son premier mandat de député.e depuis 2012. Plus globalement, il faut se demander si le cas de Monique Rabin est spécifique ou représentatif des femmes députées ? 71