Palace en état de siège sur la Croisette de Cannes (REPORTAGE

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Palace en état de siège sur la Croisette de Cannes (REPORTAGE
Palace en état de siège sur la Croisette de Cannes (REPORTAGE) AFP
Sophie MAKRIS
CANNES (Alpes-Maritimes) - Devant l'hôtel Hilton de Cannes, il ne manque plus que les
barricades: direction et salariés veulent empêcher l'ancien bailleur, la société suisse Noga, de
reprendre possession du palace à la faveur d'un conflit de propriété kafkaïen.
Les banderoles qui encadrent l'entrée de l'établissement détonnent sur la luxueuse Croisette:
"Stop à la saga Noga"; "Jesta investit, Noga démolit"; "M. le préfet, pensez à nos famille";
"M. le préfet, notre avenir est entre vos mains".
Une fois n'est pas coutume, les 250 salariés du Hilton et son nouveau propriétaire, le fonds
d'investissement immobilier canadien Jesta Capital, semblent parler d'une même voix. Jesta
Capital a racheté le palace aux enchères il y a un an pour 84,5 millions d'euros.
Leur crainte commune: une expulsion de Jesta et le retour aux commandes de Noga, ainsi
que l'ordonne une récente décision du tribunal de grande instance de Grasse saisi par la
société suisse.
"Au moment de la vente, Jesta a commis deux erreurs: nous mettre dehors en oubliant de
nous signifier officiellement le jugement d'adjudication, comme le prévoit la loi. Croire
qu'ils pouvaient gérer l'hôtel alors qu'ils n'ont acheté que les murs", explique Nessim Gaon,
84 ans, patron de Noga, joint à Genève.
Ces irrégularités présumées sont au coeur, depuis un an, d'une guerre juridique dans
laquelle même les tribunaux semblent perdre leur latin: la cour d'appel d'Aix-en-Provence a
d'abord demandé à Jesta de réintégrer Noga dans l'hôtel... afin de procéder à son expulsion
dans les formes.
Noga a ensuite obtenu que son expulsion soit suspendue en attendant un autre jugement en
appel. Le tribunal de Grasse somme aujourd'hui Jesta de quitter l'hôtel faute d'avoir respecté
le premier jugement et procédé à la dite expulsion.
"C'est kafkaïen, ubuesque et dramatique", résume Pierre Hozé, conseil du fonds
d'investissement. C'est très simple, rétorque Nessim Gaon: "le sous-préfet doit nous
accorder le concours de la force publique pour réintégrer l'hôtel", soit un établissement de
40.000 m2, quelque 240 chambres, une galerie marchande, plusieurs salles de conférence,
un théâtre de 850 places ainsi qu'un casino exploité par le groupe Barrière.
Le sous-préfet de Grasse, Claude Serra, tente de temporiser: "Nous devons déférer à
l'octroi de la force publique pour faire exécuter le jugement, sauf s'il y a un risque manifeste
de trouble à l'ordre public, c'est le cas ici".
Les employés du Hilton ont en effet prévenu: "nous ferons obstruction à toute intervention
des forces de l'ordre", assène Mohamed Ali, secrétaire du CE. Les salariés craignent de voir
leurs contrats de travail pris dans ce tourbillon juridique, réclamés par l'un puis revendiqués
par l'autre. S'y ajoute une confiance limitée dans les capacités de gestion de Noga, contraint
de vendre le palace aux enchères en raison de lourdes dettes.
"Pour combien de temps vont-ils revenir ? Quinze jours, un mois, un an, avant de nous
revendre ?", s'interroge un représentant du personnel qui souhaite garde l'anonymat.
"De toute façon, Hilton qui est partenaire dans l'exploitation de l'hôtel, ne veut plus
travailler avec Noga, affirme Jesta Capital. Le retour de Noga signifierait le départ de
Hilton". Et une crise majeure pour le palace de la Croisette à l'orée de la saison estivale et du
60e anniversaire du festival de Cannes.

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