Dosage du glyphosate et de l`AMPA dans l`eau

Transcription

Dosage du glyphosate et de l`AMPA dans l`eau
Dosage du glyphosate et de l’AMPA dans l’eau
Comparaison de deux fluorophores : FMOC et NBD-Cl
Determination of glyphosate and AMPA in water
Comparison of two fluorogenic reagents : FMOC and NBD-Cl
R. Colin
1, 2
1
1
2
, E. Le Fur , C. Charrêteur , C. Dufau , J.J. Péron
2
1
: Centre de Génie Industriel, Guidel-Plages, 56520 Guidel, France
: Laboratoire de Biologie et Chimie Moléculaires, Université de Bretagne Sud, rue
Saint-maudé, 56325 Lorient Cedex, France
2
Résumé : Le glyphosate, herbicide non sélectif très largement répandu, et son principal
métabolite l’AMPA, sont deux molécules très solubles dans l’eau et ne peuvent donc pas
être extraites selon des méthodes classiques. Deux méthodes de dosage ont été
développées et comparées, la première pour les dosages de routine, la seconde pour les
dosages de confirmation.
Les deux méthodes comportent une dérivation pré-colonne, la première au FMOC, la
seconde au NBD-Cl, suivie d’une analyse par chromatographie liquide avec détection
fluorimétrique.
Après élimination des interférences, la méthode au FMOC a été validée selon la norme XP
T90-210, sur des échantillons réels. Les essais nous ont permis d’atteindre la limite de
quantification pour le glyphosate et l’AMPA respectivement à 0.06 µg/l et 0.04 µg/l, même
dans des eaux chargées en matières organiques, avec des coefficients de variation
inférieurs à 20%.
La méthode au NBD-Cl nous permet d’atteindre la limite de quantification de 1.0 µg/l pour le
glyphosate et 0.10 µg/l pour l’AMPA. Cela montre que la pré-concentration doit être testée
pour parvenir à 0.10 µg/l pour le glyphosate.
Abstract : Two analytical methods were developed and compared for the determination of
glyphosate and its metabolite AMPA in water. The first method is used for current
determination, the second one is used for confirmation.
The both methods involve a pre-column derivatization step, with FMOC for the first one, and
NBD-Cl for the second one. The quantification is performed by liquid chromatography and
fluorescence detection.
Matrix effects were pointed out but the method with FMOC was validated according to the
French standard XP-T90-210. The limit of quantification for glyphosate and AMPA was
respectively 0.06 µg/l and 0.04 µg/l, with relative standard deviation under 20%.
For the method with NBD-Cl, the limit of quantification was estimated at 1 µg/l level for
glyphosate and 0.1 µg/l level for AMPA, showing that pre-concentration has to be tested to
improve the quantification.
Mots-clés : glyphosate – AMPA – eau - analyse – chromatographie - fluorescence - FMOC
– NBD-Cl
Keywords : glyphosate – AMPA – water - analysis – chromatography - fluorescence –
FMOC – NBD-Cl
8
Introduction
Le glyphosate est une molécule herbicide amphotère, de faible poids moléculaire
(169.1 g/mol.), qui peut exister sous différentes formes ioniques selon l’influence
du pH sur ses groupes fonctionnels (acide carboxylique, acide phosphonique et
amine secondaire), ce qui la rend facilement soluble dans l’eau (12 g/l à 25°C).
Par conséquent, les méthodes d’extraction liquide-liquide conventionnelles ne
peuvent s’appliquer à l’analyse de ce composé. Ajoutons que cette molécule se
dégrade facilement en libérant l’AMPA sous forme d’amine primaire.
Pour doser le glyphosate et l’AMPA nous avons exploité la capacité de deux
fluorophores à réagir dans l’eau sur des amines primaires ou secondaires en
produisant des dérivés fluorescents très sensibles au détecteur fluorimétrique.
1. Méthode de référence
Le FMOC étant très largement évoqué dans la littérature [1, 2, 3] nous avons
choisi, dans un premier temps, de développer et d’améliorer une méthode de
chromatographie liquide [1] en utilisant le FMOC comme réactif de dérivation
précolonne, sans préconcentration de l’échantillon.
Pour cela nous avons focalisé nos efforts sur la réduction des interférences de
matrices.
Le FMOC agit avec le glyphosate ou l’AMPA par attaque du doublet libre de
l’amine secondaire ou primaire sur la fonction chlorure d’acyle du FMOC.
OH
O P
+
H
C
H
(1)
O
C
O
Cl
OH
OH
CH2
O P
NH
OH +
HCl
CH2
CH2
H
C O
C
H
OH
O
C
N
O
CH2
C O
(2)
OH
Fig. n° 1 : Substitution nucléophile du glyphosate (2) avec le FMOC (1)
Le protocole analytique est résumé en figure 2. La prise d'essai requiert seulement
3 ml d'échantillon, qui doit être alcalinisé à l'aide d'un tampon borate. Pour
optimiser la dérivation il faut en effet alcaliniser le milieu réactionnel dans le but de
fixer le doublet libre de l'azote.
9
La dérivation de cette phase aqueuse est rapide, 30 minutes à 20°C, mais une
étape de lavage pré-dérivation à l'éther éthylique est nécessaire pour éliminer le
maximum d'interférents organiques pouvant nuire à la spécificité de la méthode.
Une étape de lavage post-dérivation a également été introduite pour éliminer
l'excès de FMOC présent dans la phase aqueuse, mais en préservant les produits
de la dérivation glyphosate-FMOC et AMPA-FMOC.
Echantillonnage :
3 ml d’échantillon
+ 0.5 ml de tampon Na2B4O7, 10 H2O
0.05 M (pH 9.2)
Lavage :
Ether éthylique 3 ml
Agitation 2 min, décantation 15 min
Dérivation :
Phase aqueuse 1.5 ml
FMOC (1 g/l dans acétonitrile) 250 µl
Acétonitrile 250 µl
30 min à 20°C
Lavage :
Acidification phase aqueuse par tampon
phosphate pH 2 (140 µl)
Ajout 3 ml d’éther éthylique
Agitation 2 min, décantation 1 heure
Récupération phase aqueuse pour analyse
ou congélation
Chromatographie :
Colonne NH2 250 × 3 mm, 5 µm
Phase mobile :
KH2PO4 0.05 M, pH 5.7/ACN, 70/30
Débit 0.42 ml/min
Détection :
Fluorescence
Ex. 260 nm, Em. 310 nm
Fig. n° 2 : Protocole d’analyse du glyphosate et de l’AMPA dans l’eau.
Méthode au FMOC
Le point critique de ce protocole d'analyse est l’étape de lavage pré-dérivation dont
l’utilité est illustrée par le tableau 1.
10
La pente de la droite d’étalonnage couramment déterminé dans de l’eau purifiée
6
(exempte de matières organiques et minérales) est proche 10 pour un
recouvrement de 100%. Si nous analysons une eau de réseau sans lavage prédérivation, la pente est divisée par deux. Par contre, si nous procédons à ce
6
lavage la pente retrouve une valeur proche 10 .
Nature de l’échantillon
Lavage à l’éther
Pente
Recouvrement (%)
Eau purifiée
Eau de réseau
Eau de réseau
Eau de réseau
Eau de réseau
Eau de réseau
Non
Non
Oui
Oui
Oui
Oui
1099856
496771
892332
961443
1040989
953449
100
45
82
88
95
87
Tableau n° 1 : Effet de la matrice organique et du lavage pré-dérivation
Grâce au lavage pré-dérivation, à fortiori dans les eaux naturelles, nous obtenons
des chromatogrammes très exploitables, même à des valeurs de concentrations
inférieures à la limite de qualité des eaux destinées à la consommation humaine
(figure 3).
Pour analyser l’AMPA par cette méthode, il a fallu introduire un lavage postdérivation puisque le temps de rétention de l'AMPA correspondait à la fin du temps
de rétention du FMOC. Les conditions de pH de la phase aqueuse du milieu postdérivation ont donc été optimisées pour éliminer l'excès de FMOC tout en
préservant le glyphosate et l'AMPA dérivés.
Fig. n° 3 : Chromatogramme de glyphosate (0.07 µg/l) et AMPA (0.08 µg/l) dans
une eau naturelle, obtenu après lavage pré-dérivation et lavage post-dérivation
En plus des matières organiques, nous avons constaté des effets d'ions sur la
spécificité de la méthode.
11
Les pentes obtenues sont différentes selon les caractéristiques minérales des
eaux. La pente la plus faible est obtenue pour une eau d'Evian (TH = 29.4 dgF), la
pente la plus forte est obtenue pour une eau purifiée. Les pentes intermédiaires
correspondent à une eau de réseau et l'eau de Volvic (TH = 5 dgF) (figure 4).
Nous supposons donc que c'est la concentration en ions Ca, Mg qui provoque
notre problème de spécificité.
2500000
area
2000000
1500000
1000000
500000
0
0
0,2
pure water
0,4
0,6
0,8
1
concentration (µg/L)
treated water
Evian mineral water
1,2
1,4
1,6
Volvic mineral water
Fig. n° 4 : Effet de la matrice minérale
Pour s'affranchir de cet effet de matrice nous avons choisi d'effectuer les analyses
par ajouts dosés et nous avons validé la méthode selon la norme XPT-90 210.
La méthode est linéaire sur la gamme 0.10 – 2.00 µg/l avec un coefficient de
variation inférieur à 20%.
Les limites de détection et de quantification sont respectivement de 0.04 µg/l et
0.06 µg/l pour le glyphosate, 0.01 µg/l et 0.04 µg/l pour l’AMPA. La spécificité de la
méthode est résolue par la méthode des ajouts dosés.
2. Méthode alternative
La deuxième partie de notre travail a consisté à développer une méthode de
confirmation, et nous avons focalisé nos efforts sur la fonction amine du
glyphosate et de l'AMPA, potentiellement réactive par attaque du doublet libre de
l'azote sur le site vacant du carbocation [4,5,6,7] (figure 5).
12
O
HO2 C
Cl
O
HO2 C
CH2
NH
CH2
P OH
CH2
P OH
N OH
O
N
N
O
+
N
OH
+
HCl
NO2
NO2
(1)
N CH2
(2)
Fig. n° 5 : Substitution nucléophile aromatique du glyphosate (1) avec l’AMPA (2)
Le protocole analytique est décrit en figure 6.
Echantillonnage :
750 µl d’échantillon
+ 125 µl de tampon Na2B4O7, 10 H2O
0.125 M (pH 9.2)
Dérivation :
250 µl de réactif de d dérivation
(NBD-Cl 4 g/l dans éthanol)
1 heure à 60°C
Après refroidissement, ajout de 100 µl de
HCl 0.5 N
Chromatographie :
Colonne NH2 250 × 3 mm, 5 µm
Phase mobile :
K2HPO4 0.03 M, pH 3/ACN, 50/50
Débit 0.42 ml/min
Détection :
Fluorescence
Ex. 490 nm, Em. 550 nm
Fig. n° 6 : Protocole d’analyse du glyphosate et de l’AMPA dans l’eau. Méthode au
NBD-Cl
Notons que la prise d'essai d'échantillon nécessite un minimum de volume mais
doit être alcalinisée avec un tampon borate pour favoriser la réaction de dérivation
à 60°C ; ajoutons qu’il faut acidifier le milieu réactionnel pour terminer la dérivation
afin d'éviter la production de dérivés secondaires.
Pour optimiser la dérivation au NBD-Cl et obtenir les meilleures conditions
chromatographiques, nous avons synthétisé et isolé le produit de dérivation. Les
pics chromatographiques obtenus avec le produit synthétique pur ont donc été
comparés aux pics obtenus par dérivation in situ.
13
Cette démarche a facilité l’obtention d’un rendement optimal de dérivation in situ
en étudiant séparément le pH, la concentration en NBD-Cl, le temps et la
température de dérivation.
Le point critique a été de déterminer le pH optimum et la concentration en tampon
borate adéquate nécessaire à neutraliser la libération de l'acide engendré lors de
la réaction. La figure 7 montre que la dérivation est proche de 100% pour une
réaction d’une heure à 60°C, avec un tampon borate à 0.125 M.
Pour vérifier l'efficacité de nos conditions ainsi déterminées, nous avons préparé
des échantillons d'eau pure dopée par du glyphosate et d’autres échantillons d’eau
pure dopée par du glyphosate dérivé de synthèse.
Les comparaisons ont été effectuées en déterminant le facteur de réponse obtenu
en analyse (représentant le rapport de l'aire des pics (u.a.)/quantité de glyphosate
injecté). Le facteur moyen obtenu pour les échantillons dopés par du glyphosate
6
est proche de 2.2×10 u.a./ng ; celui obtenu pour les échantillons dopés par du
6
glyphosate de synthèse est proche de 2.3×10 u.a./ng. Le coefficient de variation
obtenu est proche de 6%.
Cela montre que la dérivation in situ est réalisée efficacement dans les conditions
requises.
Yield of the derivatization
120
100
80
60
40
20
0
0
1
2
3
4
Time (hours)
pH 9,25;C = 0,025 M
pH 9,75;C = 0,025 M
pH 9,25;C = 0,125 M
Fig . n° 7 : Optimisation de la concentration en tampon borate et du pH
Par ailleurs, nous avons optimisé les conditions de séparation (voir
chromatogramme présenté en figure 8). Ainsi, par rapport à la méthode au FMOC,
la phase mobile a été modifiée :
La proportion de phase aqueuse dans la phase mobile a été diminuée pour réduire
le temps de rétention du glyphosate (comportement de type phase inverse).
Le KH2PO4 a été remplacé par le K2HPO4. Cela a permis, pour une même
concentration en tampon, d'augmenter la force ionique de la phase mobile et par
conséquent d'augmenter sa force éluante (comportement de type échange d’ions).
14
Fig. n° 8 : Chromatogramme de glyphosate 17 µg/l et AMPA 0.8 µg/l dans l’eau
purifiée
Conclusion
Notre laboratoire dispose d’une méthode de routine validée et largement éprouvée
pour analyser le glyphosate et l’AMPA, à des teneurs inférieures à 0.10 µg/l, sans
étape d’extraction ou de purification.
Cette méthode donne de meilleurs résultats que la méthode au NBD-Cl. En effet,
la comparaison FMOC/NBD-Cl nous fournit un rapport de réponse proche de 10 en
faveur de la méthode FMOC pour le glyphosate et un rapport de réponse proche
de 2.5 en faveur de la méthode FMOC pour l'AMPA.
Cela implique que la méthode au NBD-Cl est envisageable seulement après préconcentration.
Bibliographie
1. Sancho, J.V.; Hernandez, F.; Lopez, F.J.; Hogendoorn, E.A.; Dijkman, E.; Van
Zoonen, P., J. Chromatogr. A, 1996, 737, 75-83.
2. Gausch, R.; Leuenberger, U.; Muller, U., Z. Lebensm Unters Forsch, 1989, 188,
36-38.
3. Miles, C.J.; Wallace, L.R.; Moye, H.A, J. Assoc. Off. Anal. Chem., 1986, 69,
458-461.
15
4. Junichi, G., In: Detection Oriented Derivatization Techniques in Liquid
Chromatography, Lingeman, H.; Underberg, W.J.M., Ed. Chromatographic
Science Series 48, New York, 1990, Chapter 9, 323-358 (and references
therein).
5. Haugland, R.P., Handbook of Fluorescent Probes and Research Chemicals,
Molecular Probes, Europe BV, Leiden, The Netherlands, 1996, Chapter 1.8, 3945 (and references therein).
6. Yamaguchi, M; Ishida J., In: Modern Derivatization Methods for Separation
Sciences, Toshimasa Toyo’oka, Ed. John Wiley & Sons Ltd., 1999, Chapter 3,
99-165 (and references therein).
th
7. Cochrane, W.P.; Cohen H.; Greenhalgh R.; Lanouette M., Abstracts of the 5
International Congress of Pesticide Chemistry (IUPAC), VII, C-11, 1982.
16

Documents pareils