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Haro sur le CNE ou l’État failli
26/10/2016 05:37:00
Pierre Raymond Dumas
« Aujourd’hui, nous avons une institution relevant du ministère des Travaux publics du
nom du Centre national des équipements (CNE) qui a coûté des millions de dollars à
l’État haïtien », a rappelé le président Privert à l’occasion de la visite du secrétaire
général des Nations unies Ban Ki-moon le samedi 15 octobre. « Tous ces équipements
se trouvent chez certaines personnalités politiques », a-t-il avoué sans citer de noms. «
Tous les équipements du CNE sont abandonnés aux Gonaïves, à Côtes-de-Fer et à
Camp-Perrin. L’État haïtien est privé de ses moyens de rendre les routes accessibles,
pour porter assistance aux victimes », a reconnu, impuissant, pour ne pas dire pleurnichard, le chef de l’Etat
provisoire qui a affirmé que le pays n’a besoin ni de sacs de riz ni de bouteilles d’eau, mais de la reconstruction des
infrastructures routières et agricoles. Certes, il n’est pas un président silencieux, résigné, encore qu’il n’oublie rien
et n’excuse personne. En cherchant à justifier la présence des troupes armées dominicaines sur notre sol pour
sécuriser leurs biens et leurs équipements, son langage, cassant et courageux, apparaît comme un réquisitoire
qu’il dresse sur l’inconséquence des élites dirigeantes et possédantes haïtiennes qui ont péché par déni de
conscience au cours de ces dernières décennies en sous-estimant les défis écologiques et climatiques.
Emphase isolée du discours politique excédé par tant de dérives ? Peut-être pas. Le réquisitoire politique, au plus
haut sommet de l’État, a besoin d’actions vigoureuses. Pris dans l’engrenage de l’après-Matthew, Jocelerme
Privert, à sa manière, n’est pas, comme bon nombre de ses compatriotes, un fataliste. Ses diagnostics sur la mafia
d’État – on sait bien que la plupart des équipements du CNE sont mis à contribution pour des travaux privés liés à
des proches des pouvoirs exécutif et législatif – ne sont pas séparables de ceux sur la corruption, la gabegie
administrative, le gaspillage des biens publics, car la mauvaise gouvernancene pourra être éradiquée sans
changement d’une classe politique aujourd’hui liée inextricablement à elle. Mauvais exemple de l’État de droit en
pleine décadence dans la Caraïbe, Haïti n’est jamais libérée de la transition prédatrice des soudards du Siècle des
baïonnettes. On assiste à une sorte de privatisation malhonnête et criminelle du pouvoir public. Une preuve de plus
– s’il en était besoin – que notre pays est un gâchis, un État chaotique, « failli », peuple en grande partie de
suicidaires et de jouisseurs.
Le CNE mis sur pied sous le premier mandat du président René Préval qui voulait redonner de l’autorité à l’État
devrait servir d’instrument mobile pour intervenir en cas de catastrophes de toutes sortes. Après le passage du 16
août au 7 septembre 2008 de quatre ouragans et tempêtes (Fay, Gustav, Hanna et Ike) et du dévastateur séisme
du 12 janvier 2010, son directeur général, Jude Célestin, qui ne rechigne devant aucun travail, en a apporté une
preuve convaincante avec son travail remarquable de dévouement et d’efficacité. L’image de ce vaillant serviteur
de l’État a fait le tour du monde.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui. La crise humanitaire est aussi un enjeu politique de première importance. On ne
peut pas faire comme si cela n’existe pas. Au lieu de pousser les autorités à mobiliser les ressources, elle est
devenue un facteur de division dévoilant toutes les défaillances et infortunes nationales. Une raison supplémentaire
pour les potentiels présidents de réfléchir sur ce dossier récurrent. Jamais sans doute la situation catastrophique
d’Haïti, menacée en permanence par les cyclones, n’a autant exigé d’eux qu’ils se concentrent sur des problèmes
essentiels (environnementaux et agricoles) ainsi que sur les questions de logement, de transport, d’aménagement
du territoire et de décentralisation. Jamais les risques n’ont été aussi grands, avec le réchauffement climatique et
l’insignifiance de nos moyens de prévention qu’une nouvelle fois nous en soyons des victimes impuissantes.
Pierre Raymond Dumas source le nouvelliste

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