JouéClub : dans l`arrière-boutique du Père Noël
Transcription
JouéClub : dans l`arrière-boutique du Père Noël
ENSEIGNE JouéClub Dans l’arrière-boutique du Père Noël Les ventes de Noël représentent plus de 65% des recettes du groupe coopératif. Il a étoffé son réseau de drive pour renforcer l’attractivité et le trafic en magasin. PAR S. LE HÉNAFF C e 7 octobre, un même rituel dans les 312 magasins JouéClub de France : s’assurer que l’édition du catalogue Noël 2014 est parfaitement visible dans les présentoirs positionnés à l’entrée des points de vente et près des caisses avant l’ouverture aux clients. Diffusé à douze millions d’exemplaires, ce catalogue de 450 pages marque le point de départ de l’événement commercial le plus important de l’année : les ventes de Noël. Une période cruciale. « À partir d’aujourd’hui et jusqu’au 24 décembre, les magasins JouéClub vont réaliser entre 65 et 70 % de leur chiffre d’affaires annuel », souligne Alain Bourgeois-Muller, P-dg du groupement coopératif et propriétaire d’un point de vente à Altkirch, dans le Haut-Rhin. En France, JouéClub revendique même la place de numéro un sur son secteur d’activité. « Car à la différence de nos concurrents, Toy’s r Us et la Grande Récré, nous ne vendons que des jeux et jouets », poursuit le dirigeant. Pour l’occasion, cet homme à la carrure imposante a quitté le siège bordelais de l’enseigne pour présenter personnellement à la presse le lancement des festivités au Village JouéClub de Paris. Avec plus de 20 000 références — deux fois plus que la moyenne nationale du réseau — réparties dans 12 boutiques thématiques intégrées au magnifique Passage des Princes, à deux pas du Boulevard Haussmann et des Galeries Lafayettes, ce lieu atypique constitue le vaisseau amiral de la marque. Une véritable caverne d’Ali Baba du jouet, s’étalant sur 2 100 m2, qui affiche un chiffre d’affaires de quelque 12 M€. Soit quatre à six fois plus que la moyenne des magasins. ciation au plan tarifaire, explique Alain Bourgeois-Muller. À fin avril, l’assortiment national est finalisé et chaque adhérent conserve la liberté d’acheter les produits et les volumes qu’il souhaite auprès des fournisseurs référencés. » Un seul impératif : que les 312 magasins du réseau détiennent les 2 140 références présentes dans le catalogue de Noël et appliquent les prix affichés. Cette obligation ne s’applique pas aux 6 000 à 8 000 produits supplémentaires vendus en rayon. Car chez JouéClub, chaque sociétaire est libre de fixer son prix de vente. « La centrale n’impose pas de prix public conseillé. C’est notre mode de fonctionnement depuis 60 ans », reconnaît le P-dg. L’écart maximum constaté entre magasins serait de 3 à 4 euros. Loin d’être neutre donc. Liberté d’achat Si la diffusion du catalogue annonce le début des ventes de Noël, qui commencent à partir des vacances de la Toussaint et montent crescendo les 12 semaines suivantes, avec un pic à partir du 19 décembre « car les achats sont de plus en plus tardifs », tous les points de vente s’y préparent depuis plusieurs mois. Dans un premier temps, entre octobre 2013 et février 2014, des sociétaires ont testé et sélectionné les références pour cet événement. Ensuite, la responsable commerciale de la centrale de référencement a mené les négociations avec l’ensemble des fournisseurs afin d’obtenir les meilleures conditions d’achats et de services pour les magasins. «JouéClub ne dispose pas de centrale d’achat. C’est la mutualisation des commandes des adhérents qui constitue notre puissance de négo- En cadence 573 M€ DE REVENUS PAR AN 40 16 MILLIONS DE CLIENTS SERVIS DÉCEMBRE 2014 - JANVIER 2015 /// ACTEURS URBAINS 36 € PANIER MOYEN ANNUEL 49 € PANIER MOYEN À NOËL Données 2013 JOUÉCLUB EN CHIFFRES... Début mai, les sociétaires effectuent leurs premières commandes de Noël. Pour les produits d’importation en provenance d’Asie — 30 % des ventes —, ils s’adressent directement à la SIDJ, la société d’import de la coopérative. Cette dernière centralise et stocke dès juin l’ensemble des produits dans son entrepôt de Blanquefort, à proximité de Bordeaux. Elle gère également la production et la distribution des marques propres : onze actuellement déclinées en 600 références, fabriquées à plus de 95 % en Asie. En ce début du mois d’octobre, tous les imports et marques propres commandés pour la sortie du catalogue ont déjà été PHOTOS : JOUÉCLUB livrés dans les points de vente. Puis, jusqu’à la mi-décembre, des réassorts bimensuels sont réalisés en fonction des besoins. « Mais à l’approche de Noël, seules 60 % des références sont encore disponibles dans l’entrepôt », précise le P-dg. Il est donc crucial pour chaque sociétaire de ne pas se louper dans ses précommandes en avril. Et plus encore pour celles passées directement auprès des grandes marques (Lego, Mattel, Playmobil…) qui représentent 70 % des ventes et livrent directement chaque magasin. « Dès le mois de mai, nous avons préenregistré nos commandes et planifié les cadences de livraison pour Noël, que nous nous engageons à respecter durant trois mois, même si des ajustements sont toujours possibles en fonction du niveau de vente », explique Arnaud Galle, directeur du Village de Paris. Progressivement, les pages de l’agenda d’approvisionnement du magasin se noircissent. Par rapport à l’activité du mois de septembre, le nombre quotidien de camions de livraison est multiplié par 4 et le nombre de palettes à réceptionner par 9 en décembre au Village parisien. Pour gérer ces approvisionnements en provenance d’une quarantaine de fournisseurs, l’équipe de manutention passe de trois à sept personnes. Sur l’ensemble du réseau, ce sont quelque 1 000 intérimaires qui vont être recrutés en renfort. Tous formés en interne pour assurer l’ensemble des tâches : de la mise en rayon à l’information des consommateurs. Un renfort indispensable pour absorber le surplus d’activité. Entre le 10 et 24 décembre 2013, le Village parisien a ainsi enregistré plus de 49 000 passages en caisse, soit plus de dix fois le trafic de juin dernier. Cette hausse de fréquentation s’accompagne d’une augmentation du panier moyen tout aussi significative : 43 € en décembre contre 28 € six mois plus tôt. 250 drive Les clients parisiens ayant opté pour le click and collect — les achats sont effectués sur le site JouéClubdrive et retirés au Passage des princes —, ont même dépensé près du double : 74 € en moyenne. Lancé en 2011, ce service est désormais proposé par 120 points de vente à Noël, contre une quarantaine il y a un an. « Nous visons les 250 drive en 2015. Selon nos estimations, l’adoption de cette solution peut générer de 3 à 5 % de chiffre d’affaires supplémentaires par magasin », avance Alain Bourgeois-Muller. D’autant que son déploiement s’accompagne d’une évolution de joueclub.fr. Lancé en 1997, ce site marchand génère 5 % des ventes du groupe coopératif. Jusqu’à présent, toutes les commandes passées sur le net étaient traitées et expédiées chez les particuliers depuis un entrepôt bordelais géré par la coopérative. « Ayant constaté que la lecture du catalogue et la recherche de magasins constituaient les deux principales actions des internautes sur le site, nous avons décidé d’intégrer l’offre de retrait en magasin aux solutions de livraison pour toutes les commandes issues en ligne », explique le P-dg. Grâce à la géolocalisation, le client peut choisir entre 3 magasins situés dans un rayon de 30 kilomètres maximum autour de chez lui, visualiser la disponibilité des produits, puis procéder à son achat en ligne et à son retrait quand il le souhaite. En choisissant cette option, l’internaute bascule automatiquement dans l’univers marchand du magasin sélectionné. Lequel réalise l’ensemble de la prestation et, surtout, procède directement à l’encaissement de la commande. Cette synergie multicanal vise à privilégier les ventes et le trafic en magasin. Reste que cette alternative pose des interrogations sur la pérennité de l’activité marchande de joueclub.fr et de son entrepôt. « Un bilan sera tiré d’ici un à deux ans », confirme Alain Bourgeois-Muller. En attendant, les sociétaires sont fortement encouragés à déployer le drive et à l’intégrer à toutes nouvelles implantations. Une expansion territoriale que l’enseigne entend maintenir au rythme annuel d’une quinzaine d’ouvertures. RECONQUÉRIR LES CŒURS DE VILLES Il y a quinze ans, les magasins de centre-ville représentaient 80 % du chiffre d’affaires de l’enseigne. Aujourd’hui, c’est la proportion réalisée par les points de ventes implantés en périphérie. Mais à l’heure du retour à un commerce de proximité, JouéClub entend bien reconquérir les centres urbains. Depuis trois ans, le groupement coopératif réfléchit à un concept reprenant l’esprit d’une «boutique». Il a même créé une commission ad hoc. « Il s’agirait d’un magasin généraliste proposant une offre resserrée, autour de 6 000 références, présentée sur une surface de plus ou moins 300 m2. Tout en rappelant leur lien avec la marque JouéClub, ces boutiques pourraient avoir leur propre identité », note Alain Bourgeois-Muller. Reste que les obstacles à surmonter pour mener ce projet à terme sont nombreux. Déjà, en recherchant des surfaces de 300 à 400 m2 en zone n° 1, JouéClub se trouve en concurrence directe avec les enseignes alimentaires qui convoient les mêmes emplacements. Pour l’heure, le groupe s’abstient donc de toute annonce prématurée. Et s’il dispose de trois Village JouéClub dans les centres de Paris, Lyon et Lille, aucune autre création intramuros n’est annoncée. Le dernier ayant, d’ailleurs, ouvert en périphérie... ACTEURS URBAINS /// DÉCEMBRE 2014 - JANVIER 2015 41