Jeff Koons - Fondation Beyeler
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Jeff Koons - Fondation Beyeler
NOTICES DE SALLES 13 mai – 2 septembre 2012 FONDATION BEYELER F SOMMAIRE Introduction 4 SALLE 1 THE NEW 5 SALLE 2 Banality 8 SALLE 3 Banality 9 SALLE 4 Banality 10 SALLE 5 Celebration 12 SALLE 6 Celebration 13 SALLE 7 Celebration 14 SALLE 8 Celebration 16 SALLE 9 Œuvres réalisées après Celebration 17 SCULPTURE FLORALE DANS LE BEROWER PARK – SPLIT-ROCKER 18 Biographie de Jeff Koons 20 Informations supplémentaires 22 Catalogue 23 Plan général des salles 24 Attention : Prière de ne pas toucher aux œuvres d’art ! Des tableaux et des sculptures d’une grande fragilité sont présentés dans cette exposition. Nous vous prions de ne toucher aux œuvres sous aucun prétexte. Ce signe indique les œuvres qui font l’objet d’un commentaire dans les notices qui suivent. Vérifiez bien que le chiffre porté sur le descriptif des œuvres exposées correspond au numéro du texte. 3 Introduction SALLE 1 THE NEW La Fondation Beyeler présente la première exposition de l’artiste américain Jeff Koons (*1955) jamais montée dans un musée suisse. Cela fait plusieurs dizaines d’années que Koons, le plus connu sans doute des artistes vivants, fait sensation avec des œuvres d’art qui jettent un pont entre culture populaire et culture savante. Sur la série The New Depuis les débuts de la carrière de Jeff Koons, ses œuvres voient le jour sous forme de groupes cohérents, auxquels l’artiste octroie systématiquement un titre propre. Le premier ensemble d’œuvres conçu d’emblée comme tel est intitulé The New. Koons l’a élaboré entre 1980 et 1982, tout en poursuivant la réalisation jusqu’en 1987. La première salle de l’exposition est intégralement consacrée à ce premier ensemble, primordial pour l’évolution artistique de Koons. Cette vaste exposition se consacre à trois groupes d’œuvres de première importance – The New, Banality et Celebration –, qui représentent des jalons décisifs de l’évolution artistique de Koons et nous conduisent au cœur de sa création et de sa pensée. The New rassemble les aspirateurs d’esprit readymade de la première période, symboles de nouveauté et de pureté. Banality comprend les sculptures de porcelaine et de bois réalisées selon des méthodes artisanales traditionnelles et qui sont devenues des emblèmes (post-)modernes. Enfin, la série Celebration à laquelle Koons travaille depuis bientôt vingt ans propose des sculptures d’acier étincelantes, uniques dans leur perfection matérielle, ainsi que des peintures de grand format, dans lesquelles l’artiste célèbre l’enfance d’une manière baroque. Dans ses œuvres d’art aussi spectaculaires que subtiles, Koons se penche inlassablement sur des thèmes comme l’innocence, la beauté, la sexualité et le bonheur, qui correspondent à son idée d’un art accessible à tous. Parallèlement à cette exposition, on peut voir dans le parc de la Fondation Beyeler deux sculptures d’extérieur de Jeff Koons dont l’une, Balloon Flower (Blue), installée dans le bassin nord, illustre de façon magistrale l’illusionnisme matériel de Koons. Split-Rocker constitue quant à elle une monumentale sculpture de fleurs formée de plusieurs milliers de vraies plantes, établissant ainsi un dialogue unique entre art et nature. 4 1 • The New Jeff Koons, 1980 L’exposition s’ouvre sur une œuvre à programme, The New Jeff Koons. Elle est formée d’une table lumineuse verticale sur laquelle se trouve une photographie en noir et blanc représentant l’artiste enfant, posant avec assurance à son pupitre devant un album de coloriages. Koons ne célèbre pas seulement l’enfant comme la source de la créativité, mais comme le symbole de l’intégrité, de l’innocence et de la pureté. Ces idées directrices de The New représentent aussi, très généralement, les thèmes centraux de la création de Koons. 2 • New Hoover Quik-Broom, New Hoover Celebrity IV; New Hoover Deluxe Shampoo Polishers; The New; New Hoover Celebrity IIIs, 1980 Les travaux dans lesquels Koons met en scène des aspirateurs et des shampouineuses à moquette neufs, encore inutilisés, sont particulièrement caractéristiques de l’ensemble The New. Ses premiers objets comprenant des aspirateurs ont été montrés dès 1980 sous forme d’installation de vitrine au New Museum of Contemporary Art de New York. Cette vitrine a été reconstituée dans notre exposition à l’aide des objets originaux. On trouve parmi ceux-ci, outre trois travaux comportant des aspirateurs et des shampouineuses suspendus, une table lumineuse affichant l’inscription « The New » (allusion au New Museum), laquelle a également donné son nom à cet ensemble d’œuvres. La notion de « nouveauté » constitue en effet le fondement conceptuel de toute la série The New. Du point de vue de l’histoire de l’art, les appareils ménagers de Koons se rangent dans la tradition du ready-made introduite dans l’art par Marcel Duchamp au début du XXe siècle qui érige au rang d’œuvres d’art des objets (quotidiens) trouvés tels quels. 5 SALLE 1 THE NEW SALLE 1 THE NEW 3 • New Hoover Convertibles, Green, Red, Brown, New Shelton Wet / Dry 10 Gallon Displaced Doubledecker, 1981–1987 L’ensemble The New est dominé par des appareils ménagers tout droit sortis de l’usine qui, allongés ou debout sur des tubes de néon, sont mis en scène dans des vitrines de plexiglas cubiques. Les dimensions des vitrines varient en fonction du nombre, de la présentation et de l’alignement des aspirateurs et/ou des shampouineuses qu’elles contiennent. Les vitrines sont présentées isolément ou empilées dans des combinaisons variées. Par leur disposition rigoureuse, mais aussi par le recours aux néons, elles renvoient indéniablement à la clarté réductrice du Minimal Art. En tant qu’objets, les aspirateurs explicitement inutilisés et donc immaculés incarnent pour Koons « le neuf idéal ». Ils interviennent également comme des signes d’éternité et de pureté, comparables au portrait d’enfant de l’artiste dans The New Jeff Koons (n° 1). 5 • New! New Too!, 1983 Dans la série The New, la célébration du neuf ne trouve pas seulement son expression dans les travaux avec des aspirateurs, mais aussi dans la lithographie de grand format montée sur coton, intitulée New! New Too!. Koons a utilisé comme matériau de départ une affiche publicitaire existante pour une boisson alcoolisée qui venait d’être mise sur le marché, témoignant ainsi de l’intérêt spécifique de l’artiste pour les images et les stratégies visuelles commerciales. Conformément à leur fonction initiale et en association avec les objets de vitrine, ces « affiches » doivent faire immédiatement comprendre au spectateur la teneur fondamentale de la série. La fascination de Koons pour le potentiel de manipulation des images ainsi que son désir de rendre l’œuvre d’art aussi accessible que possible au spectateur y sont tout à fait manifestes. En tant qu’image sur toile, New! New Too! fait également figure de témoignage précoce de l’intérêt de Koons pour la peinture monumentale, qui ne parviendra pourtant à son plein épanouissement que bien des années plus tard dans l’ensemble Celebration (salles 5, 6, 7 et 8). 4 • New Shelton Wet / Drys Tripledecker, 1981 Bien qu’à l’origine, les aspirateurs aient été conçus comme des objets fonctionnels et commerciaux, Koons ne les met pas simplement en scène comme des articles sans vie dans des vitrines qui relèveraient du cercueil. Au contraire, il souligne la qualité biologique et vivante des aspirateurs en les décrivant comme des « machines qui respirent ». Partant des propriétés formelles des tuyaux et des ouvertures, Koons met aussi en relief les caractéristiques androgynes des appareils ménagers qui en font l’incarnation de l’intégrité originelle. Ainsi, chez Koons, les appareils ménagers illustrent également l’idéal d’une association des contraires, soulignée encore sur certains aspirateurs par la désignation de modèle « Wet/Dry » (mouillé-sec) qui apparaît sur le corps de l’objet. 6 7 Salles 2, 3 et 4 Banality Sur la série Banality En 1988, Koons a réalisé sous le titre de Banality une série d’œuvres qui a véritablement fait date et a été présentée simultanément dans des galeries de Cologne, New York et Chicago. Alors que dans la série The New, Koons se livrait à une mise en scène minimaliste de l’objet, il passe enfin définitivement à la sculpture avec Banality, s’orientant davantage vers une esthétique populaire baroque. Dans cette célèbre série, Koons n’a pas seulement défini de nouvelles bases du concept même d’art, il s’est imposé comme une vedette de la scène artistique internationale. Banality rassemble vingt œuvres sculpturales, conçues par l’artiste jusque dans le moindre détail. Koons les a fait réaliser ensuite sous forme d’un tirage de trois pièces plus un exemplaire justificatif par des artisans d’art professionnels, lesquels ont signé très lisiblement chaque œuvre de leur nom, tandis que lui-même apposait sa signature dessous. En tant que groupe, les figures de Banality composent un panorama illustrant le programme artistique de Koons : « Banality devrait inspirer aux gens un sentiment de sécurité par rapport à leur propre passé, les aider à accepter leur passé. Il s’agit pour l’heure de ma tentative la plus directe pour affirmer que l’art ne devrait pas être cette instance séparatrice, discriminatoire entre les hommes. » SALLE 2 Banality 6 • Ushering in Banality, 1988 L’idée maîtresse du groupe Banality – celle de l’acceptation de soi du spectateur par le biais de la prétendue banalité – trouve une expression particulièrement puissante dans la sculpture sur bois polychrome Ushering in Banality, qui imprime une nouvelle direction à la création de Koons. Comme le donne à entendre le titre de l’œuvre, un cochon est « introduit » dans la banalité par deux putti et un petit garçon et devient en même temps le symbole du « banal » dans lequel le spectateur se voit introduit, lui aussi. Chez Koons, la notion de banalité ne se contente pas de prendre une connotation positive, elle est érigée en idéal artistique fondamental. Ce n’est pas pour rien que l’artiste lui-même s’est identifié au petit garçon vêtu de rouge qui suit le cochon et qui incarne la complicité entre homme et animal caractéristique de nombreuses œuvres de cette série. À l’image de The New Jeff Koons (n° 1), dans Ushering in Banality, c’est l’artiste en enfant qui montre la voie. 8 SALLE 2 Banality 7 • Popples, 1988 Plusieurs figures de la série Banality, dont Popples, se rattachent à des jouets d’enfants de type poupée. Par son aspect de peluche cocasse, il représente l’innocence enfantine, alors que sous forme de créature rigide de porcelaine, il contient en même temps quelque chose de monstrueux. Par cette transformation matérielle, en même temps que par son élévation sur un socle, Popples incarne la dissolution de catégories artistiques comme l’« art » et le « kitsch », qui caractérise en général l’œuvre de Koons. L’utilisation de la porcelaine, un article de luxe aristocratique au départ qui a évolué au cours de son histoire pour devenir un matériau bourgeois ordinaire, témoigne de cette « démocratisation » de l’art. SALLE 3 Banality 8 • Buster Keaton, 1988 Les œuvres de Koons se réfèrent régulièrement à des images empruntées à l’histoire de l’art, qu’il transfère sur des figures de la culture populaire. La sculpture sur bois Buster Keaton peut ainsi être interprétée comme une version contemporaine du motif du Christ sur un âne le jour des Rameaux, un motif très répandu dans l’art médiéval. Dans son apparence tragicomique, la sculpture de la vedette du cinéma muet exprime l’alternance permanente entre gaieté et gravité caractéristique de nombreuses œuvres de Koons. Comme dans beaucoup de statues de saints traditionnelles, l’artiste utilise ici le bois pour transmettre aux spectateurs « un sentiment de sécurité, identique à celui que leur offre la religion. » Chez Koons, en effet le matériau répond toujours à un besoin émotionnel. 9 SALLE 3 Banality SALLE 4 Banality 9 • Christ and the Lamb, 1988 Le somptueux travail de miroir intitulé Christ and the Lamb est une image devinette raffinée, dont le seul indice est, au départ, le titre de l’œuvre. Les contours du cadre rococo doré dissimulent la figure de l’enfant Jésus jouant avec un agneau tirée de la célèbre toile de Léonard de Vinci, La Vierge à l’Enfant avec Sainte Anne, qui se trouve aujourd’hui au Louvre. Mais par le jeu du reflet, le spectateur se reconnaît lui-même dans le corps de l’enfant Jésus et se transforme donc en portrait de saint. L’idée fondamentale de Koons d’un art susceptible d’élever le spectateur s’accomplit ainsi dans le médium même de l’œuvre, laquelle est ici tout à la fois objet, sculpture et « peinture ». la composition pures de la pensée sculpturale. Dans le rapport érotique et plein de tension entre femme et animal, Pink Panther séduit également par la multiplicité des angles de vue, qui évoquent ici la tradition maniériste de la « figura serpentinata », figure aux contorsions dynamiques. 10 • Naked, 1988 Dans de nombreuses figures de la série Banality, Koons aborde le problème du sentiment de culpabilité et de la nécessité de s’en affranchir, une des questions centrales de l’existence humaine. La sculpture de porcelaine intitulée Naked représente un garçon et une fille nus, qui se tiennent par les épaules sur un cœur rose, décoré de fleurs multicolores. Le garçon tend un petit bouquet à la fille, mais on aurait peine à dire si celleci accorde plus d’attention au pistil de forme phallique de l’anthurium ou aux parties sexuelles encore peu développées de son compagnon. Tout en faisant allusion à la représentation traditionnelle d’Adam et Eve lors du péché originel, Naked préserve l’état d’innocence paradisiaque des deux enfants. De fait, un grand nombre d’autres figures de Banality reposent sur le lien entre pureté et sexualité, déjà traité dans les travaux mettant en scène des aspirateurs de l’ensemble The New. SALLE 4 Banality 12 • Stacked, 1988 Comme l’annonce le titre de l’œuvre, la sculpture sur bois peint Stacked voit « s’empiler » un cochon, une chèvre, deux chiens et un oiseau dans une construction en forme de tour. Par sa structure, Stacked peut ainsi se comparer aux empilements d’aspirateurs des vitrines de la série The New, le groupe d’œuvres antérieur présenté dans la première salle de l’exposition. Réinterprétation des personnages du conte « Les Musiciens de Brême », cette œuvre sculptée dans le bois selon la tradition artisanale renvoie particulièrement au recours fréquent de Koons à l’art populaire européen, écho de sa revendication d’un art accessible à tous. 13 • Michael Jackson and Bubbles, 1988 Jeff Koons qualifie de « Pietà » contemporaine sa légendaire statue en porcelaine Michael Jackson and Bubbles, devenue elle-même aujourd’hui une icône postmoderne. La superstar érigée en monument, entourée de roses dorées, y pose en héros, tel un Orphée moderne. Il a sur les genoux son singe Bubbles, dont l’air artificiel correspond à celui de son vis-à-vis humain. Par son aspect ambivalent, Michael Jackson incarne en une seule personne l’abrogation des différences sexuelles, ethniques, propres à l’espèce, esthétiques et sociales, et représente donc en même temps l’idéal de Koons d’un art rassemblant toutes les oppositions, un art « antidiscriminatoire », susceptible de toucher le plus vaste public possible. 11 • Pink Panther, 1988 Avec Woman in Tub présentée dans la salle précédente, la figure de pin-up en porcelaine intitulée Pink Panther fait partie des œuvres qui reposent, ainsi que le déclare Koons lui-même, sur le motif de la « masturbation, métaphore de la culpabilité et de la honte culturelles ». C’est précisément de ces sentiments de culpabilité et de honte que l’artiste cherche à affranchir le spectateur en l’invitant à céder à ses préférences esthétiques refoulées. Dans Pink Panther on voit aussi s’exprimer de façon particulièrement flagrante l’intérêt de l’artiste pour la forme et 14 • Wishing Well, 1988 Par l’intervention du miroir, Koons renoue avec un matériau qui inclut le spectateur dans l’œuvre de façon immédiate par son pouvoir réfléchissant. L’utilisation du miroir correspond donc, elle aussi, au concept fondamental de Koons d’un art accessible à tous. L’idée de l’artiste voulant que l’œuvre d’art doive dévoiler les désirs refoulés du spectateur est particulièrement bien illustrée par le travail de miroir de Wishing Well (La fontaine des vœux). Ici, le miroir sert de moyen d’autoréflexion et d’autoséduction au spectateur qui peut s’y reconnaître et s’y « retrouver ». 10 11 Salles 5, 6, 7 ET 8 Celebration Sur la série Celebration Conçue au départ comme un simple petit projet de calendrier, l’ensemble Celebration constitue à ce jour la série la plus vaste de Koons. Depuis 1994, l’artiste a consacré de longues années à ce projet colossal, qui rassemble des statues monumentales de polyéthylène ou d’acier chromé inoxydable poli, ainsi que des peintures à l’huile de grand format. La genèse de Celebration est marquée par les vicissitudes personnelles de Koons liées à la naissance de son fils, Ludwig Maximilian, en 1992. Avec son côté « fête de l’enfantin », on peut également voir dans cette série Celebration une preuve d’amour du père à l’adresse de son fils qui lui a été enlevé. SALLE 5 Celebration 15 • Cat on a Clothesline (Aqua), 1994–2001 Cat on a Clothesline (Aqua), en polyéthylène, fait partie des premières œuvres de la série Celebration. Comme toutes les statues de Celebration, elle a été réalisée dans un tirage de cinq exemplaires de couleurs différentes. Koons a pris pour modèle la photo d’un chaton suspendu dans une chaussette, qu’il avait utilisée peu auparavant pour un autre projet. Dans Cat on a Clothesline (Aqua), le chat est suspendu à une corde à linge dans une chaussette turquoise entre deux fleurs géantes, et jette autour de lui un regard un peu désemparé. Dans cette représentation plutôt cocasse, Koons reconnaît notamment un motif de crucifixion, intégrant ainsi une fois de plus son œuvre dans la tradition iconographique chrétienne. 12 SALLE 6 Celebration 16 • Play-Doh, 1995–2007 Dans Celebration, Koons franchit le pas décisif conduisant à la peinture qui, pour la première fois, fait son apparition dans son œuvre à égalité avec la sculpture. La majorité des toiles de grand format de Celebration, dont le magistral Play-Doh, reposent sur le même principe fondamental de composition : le sujet central de l’image est mis en scène devant un drapé de papier brillant, dans lequel différentes parties de l’objet, déformées, projettent de nombreux reflets chatoyants. Pour les toiles de Celebration, l’artiste part d’arrangements d’objets qu’il a lui-même composés et qui, photographiés et retravaillés par la suite, sont transférés avec précision sur la toile, agrandis plusieurs fois. Sur le plan esthétique, ces toiles séduisent par un effet « objectif », proprement hyperréaliste, bien que la surface de l’image, conformément au principe de la « peinture selon les chiffres », soit divisée en champs colorés strictement séparés les uns des autres. Dans Play-Doh, Koons transforme un motif enfantin en spectacle puissant et sensuel dans lequel la figure, reflétée à maintes reprises, semble se dissoudre en une composition chromatique presque abstraite. 17 • Party Hat, 1995–97; Cake, 1995–97 Dans Celebration, la plupart des motifs se réfèrent à des fêtes d’enfants, des fêtes d’anniversaire par exemple. C’est également le cas du chapeau en carton coloré de Party Hat ou de la part de gâteau à la crème décoré de Cake, à travers lesquels Koons rend globalement hommage à l’enfance, se rattachant ainsi conceptuellement aux ensembles d’œuvres antérieurs présentés ici, The New et Banality. Dans la simplicité de leur composition et leur immédiateté visuelle, ces images exercent l’effet directement accessible d’une affiche; néanmoins, lorsqu’on les observe de plus près, elles se révèlent d’une grande complexité et d’une différenciation extrême dans leur structure « interne ». De fait, les images de Celebration apparaissent stylistiquement comme une synthèse de l’esthétique minimaliste de The New et de l’opulence baroque de Banality. 13 SALLE 6 Celebration SALLE 7 Celebration 18 • Hanging Heart (Gold / Magenta), 1994–2006; Cracked Egg (Blue), 1994–2006 Les œuvres de la série Celebration mettent l’accent sur des objets décoratifs familiers, érigés en statues monumentales d’acier chromé inoxydable poli à l’aide de transformations du matériau et de l’échelle de l’objet initial. On trouve parmi ces objets des cadeaux de Noël ou de Saint-Valentin, qui ont également servi de point de départ au symbolique Hanging Heart. D’autres sujets de la série peuvent se référer à différentes dates majeures du calendrier des fêtes, par exemple Pâques, dans le cas de Cracked Egg. Par leur symbolique, ces motifs évoquent fréquemment des thèmes intemporels comme l’amour, la vie et la fugacité. 20 • Tulips, 1995–2004; Balloon Flower (Blue), 1995–2000 (installée devant la salle comme sculpture d’extérieur dans le bassin nord du parc) Un des leitmotivs de la création de Koons est la fleur – symbole traditionnel de la beauté, de la vie et de l’éphémère. L’artiste lui prête une dimension typiquement érotique. C’est tout aussi vrai des deux sculptures d’acier chromé d’une grande virtuosité : Tulips, installées dans la salle, et Balloon Flower (Blue), qui attire l’attention quand on regarde par la fenêtre. On peut ainsi relever dans les formes de fleurs simples et pourtant ambivalentes des caractéristiques physiques masculines comme féminines. Cela illustre une fois de plus un idéal que les aspirateurs de The New et certaines figures de Banality avaient déjà pris pour thème. Les surfaces immaculées, à l’éclat séducteur, de Tulips et de Balloon Flower (Blue) reflètent la salle et les spectateurs, qui entrent ainsi en relation directe avec l’œuvre d’art. Balloon Flower (Blue) semble presque flotter à la surface de l’eau et exerce, dans cet environnement précis, un effet d’apesanteur particulièrement remarquable. SALLE 7 Celebration 19 • Balloon Dog (Red), 1994–2000 Les objets remplis d’air intéressent Koons depuis ses tout débuts artistiques. L’utilisation d’aspirateurs dans ses travaux précoces relevait déjà de cette sphère. De nombreuses pièces de la série Celebration se rattachent à des figures réalisées en ballons, telles qu’en présentent les clowns de rues. Dans Balloon Dog (Red), l’artiste transforme ainsi un petit chien en baudruche fragile et éphémère en un chien géant d’acier chromé archétypal rempli de promesses d’éternité, que Koons lui-même présente comme un « cheval de Troie ». Dans sa transposition parfaite, Balloon Dog (Red) séduit également par l’illusionnisme matériel unique – la statue semble en effet souple et dénuée de poids, alors qu’elle est en réalité rigide et pèse plusieurs tonnes. 14 21 • Tulips, 1995–98 La juxtaposition immédiate des deux versions de Tulips, l’une sculpturale, l’autre peinte, exprime de façon très visible l’interaction entre peinture et sculpture spécifique et unique de Koons. Celle-ci apparaît aussi à l’intérieur même de l’œuvre d’art : sur la toile Tulips, les nombreux reflets de l’arrière-plan entraînent une multiplication de l’objet dans l’image. L’artiste souligne ainsi la qualité plastique de l’objet peint, de même que, dans la sculpture du même titre, il accentue sa dimension picturale en insistant sur la couleur et la surface. On voit ainsi s’instaurer une remarquable association entre l’art de l’objet, la sculpture et la peinture. 15 SALLE 8 Celebration SALLE 9 Œuvres réalisées après CELEBRATION 22 • Donkey, 1996–1999 Donkey et Shelter (n° 23), deux toiles de grand format présentées dans cette salle, font partie des dernières de la série Celebration. Koons y renonce au papier brillant de l’arrière-plan et se sert d’un plus grand nombre d’éléments qu’il assemble sous forme de collage. On voit apparaître dans ces deux toiles différentes figures de jeux et de jouets qui dominent la composition picturale. Dans Donkey, un adorable petit âne chaussé de tennis jaunes parade devant une accumulation de jouets qui remplissent toute la surface de la toile. À droite, une palette de queues de rechange invite le spectateur à choisir celle qui ira le mieux à l’âne. Le spectateur se transforme ainsi en enfant joueur, et l’œuvre d’art en médiatrice de désirs enfantins. 24 • Elephant, 2003 Les trois sculptures d’acier chromé rassemblées dans cette dernière salle ont vu le jour après la série Celebration. Comme des sentinelles, les deux figures de bande dessinée Elephant et Titi montent la garde devant le fier et puissant Balloon Swan (Magenta) (n° 25) disposé au centre de la pièce. Par rapport à Balloon Swan (Magenta), le petit Elephant paraît d’abord mignon et délicat, mais ses contours permettent également de l’appréhender comme une créature pleine de force, dont les oreilles se transforment en bras musclés. Une fois de plus, Koons s’intéresse ici à l’ambiguïté de la forme. 23 • Shelter, 1996–1998 À l’instar de Donkey (n° 22), Shelter peut se lire comme une surface de projection de désirs enfantins. Au milieu de l’accumulation colorée de figurines hilares disposées devant un paysage de montagne, on voit surgir avec la tête de dinosaure verte à gauche et la tête de poney jaune à droite les deux figures dont les demi visages servent de motif de base à la monumentale sculpture de fleurs Split-Rocker visible dans le parc de la Fondation Beyeler. 16 25 • Balloon Swan (Magenta), 2004–2011 Balloon Swan (Magenta), une réalisation récente exposée ici pour la première fois, se présente comme une sculpture qui recourt encore au langage formel de la série Celebration tout en annonçant déjà l’avenir. Le cygne trône devant nous, tête dressée, et réussit par sa majestueuse corporalité, à attirer sur lui toute l’attention du spectateur : le jouet s’est transformé en figure de culte. 17 SCULPTURE FLORALE DANS LE BEROWER PARK Split-Rocker, 2000–2012 Avec Split-Rocker, c’est une immense sculpture de fleurs de Jeff Koons, composée de plusieurs milliers de vrais végétaux, qui est présentée dans le parc de la Fondation Beyeler. Cette sculpture poursuit de façon originale le dialogue harmonieux entre art et nature qui est devenu une des caractéristiques de la Fondation Beyeler. On a déjà pu voir Split-Rocker en 2000 dans le cloître du Palais des Papes d’Avignon et quelques années plus tard dans les jardins de Versailles (2008). Et voilà que Split-Rocker vient s’épanouir à Riehen. Pour réaliser cette sculpture de fleurs, Koons est parti de deux motifs d’animaux à bascule, un poney et un dinosaure, dont il a commencé par couper les têtes en deux, avant de les recomposer. Les deux moitiés ne se recouvrant pas exactement, il reste par endroits des interstices en forme de fentes qui ouvrent la sculpture et la transforment en une architecture dans laquelle on peut s’abriter. Figure décomposée puis recomposée différemment, regardant à la fois devant elle et latéralement, Split-Rocker se réfère au cubisme d’un Pablo Picasso tout en lui imprimant une nouvelle direction. Par ailleurs, en tant que sculpture florale d’extérieur, Split-Rocker s’inscrit également dans la tradition de l’art baroque des jardins et des topiaires, qui se poursuit encore aujourd’hui dans les parcs de loisirs populaires. Photo: Chris Fanning Par l’association d’un poney et d’un dinosaure, Split-Rocker incarne l’union des contraires, qui s’exprime aussi dans l’idée d’un jouet géant, « monstrueux ». En effet, l’artiste choisit délibérément des fleurs éphémères comme matériau de ce monument prétendument éternel. C’est en grande partie dans cette interaction bien particulière de prétendues oppositions que résident la tension et la force véritables de l’art de Jeff Koons. Jeff Koons, 2012 18 19 Biographie de Jeff Koons 1955 Naissance de Jeff Koons à York en Pennsylvanie, où il passe son enfance. 1972–1976 Études d’art et de design au Maryland Institute College of Art de Baltimore. En 1975, Koons passe un an à la School of the Art Institute de Chicago dans le cadre d’un échange universitaire. L’année suivante, il quitte Chicago pour New York. 1977 Koons travaille au Museum of Modern Art, où il est chargé de recruter de nouveaux adhérents. En 1979, il conçoit son premier ensemble d’œuvres, formé d’une combinaison de ready-mades dans lesquels des figures gonflables sont placées sur et devant des miroirs. 1979 Koons commence à travailler avec des appareils ménagers qu’il fixe sur des tubes fluorescents pour une série baptisée ultérieurement Pre-New. Création de la première œuvre mettant en scène un aspirateur. Koons travaille comme agent de change à Wall Street pour financer la production de ses œuvres. 1980 Pour sa première présentation, Koons aménage une vitrine au New Museum of Contemporary Art de New York qui sera le point de départ de la série The New. 1983 Koons conçoit les premiers aquariums pour l’ensemble d’œuvres Equilibrium. 1985 Première exposition individuelle de Koons à la galerie International With Monument de New York. 1986 Naissance des séries Luxury and Degradation et Statuary. Toutes les sculptures y sont en acier chromé inoxydable. 1987 Koons est invité à Skulptur Projekte Münster pour lequel il crée Kiepenkerl en acier chromé inoxydable. 1988 La nouvelle série Banality de Koons est présentée simultanément dans trois grandes galeries de Cologne, New York et Chicago. Ces sculptures de porcelaine et de bois laissent la critique perplexe. 20 1991 La série Made in Heaven est présentée à Cologne et New York. Les travaux représentant l’artiste en pleine étreinte amoureuse avec Ilona Staller, alias la Cicciolina, sont éreintés par la critique. Koons épouse Ilona Staller. 1992 Koons réalise la monumentale sculpture de fleurs Puppy devant le château de Bad Arolsen aux environs de Kassel. Vastes rétrospectives dans des musées d’Amsterdam, Stuttgart, San Francisco et Minneapolis. 1993 Inspiré par son jeune fils Ludwig Maximilian, Koons élabore l’importante série Celebration, qui rassemble sculptures colorées en acier chromé et en polyéthylène et toiles. Il se sépare d’Ilona Staller. Début d’une longue bataille pour obtenir la garde de son fils. 1999 Koons commence sa nouvelle série Easyfun, regroupant sculptures murales et peintures. 2000 Koons réalise Split-Rocker, sa deuxième sculpture de fleurs, présentée pour la première fois au Palais des Papes d’Avignon. Il commence la nouvelle série de peintures Easyfun-Ethereal. 2002 Début de la nouvelle série Popeye mêlant sculptures et peintures. Koons épouse Justine Wheeler. 2004 L’œuvre de Koons fait l’objet de rétrospectives à New York ainsi qu’à Oslo et Helsinki. 2006 Début du travail de Koons sur sa nouvelle série Hulk Elvis. 2008 De grandes expositions sont consacrées à Koons à Chicago, New York, Berlin ainsi qu’au château de Versailles. Début du travail sur un nouvel ensemble d’œuvres intitulé Antiquity. 2012 Première exposition de Koons dans un musée suisse à la Fondation Beyeler; une autre exposition Koons sera montée un peu plus tard à Francfort-sur-le-Main. 21 INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES CatalogUE Notices de salles Textes : Raphaël Bouvier Rédaction : Ioana Jimborean Traduction : Odile Demange Vos réactions sont les bienvenues sur [email protected] Téléchargement gratuit de l’application Split-Rocker pour iPhone et iPad à partir du 8.6.2012 Clip Jeff Koons QR code generated on http://qrcode.littleidiot.be Suivez-nous: www.fondationbeyeler.ch/fr/news www.facebook.com/FondationBeyeler JEFF KOONS Catalogue de l’exposition, publié aux éditions Hatje Cantz 212 pages, 80 illustrations, CHF 68,– Avec un entretien de Theodora Vischer avec Jeff Koons et des contributions de Raphaël Bouvier et Günther Vogt. twitter.com/Fond_Beyeler FONDATION BEYELER Baselstrasse 101, CH-4125 Riehen / Bâle www.fondationbeyeler.ch 22 23 ATTENTION : Veuillez ne pas toucher les œuvres ! Cette exposition présente des œuvres d’une extrême fragilité. Nous vous prions de n’y toucher en aucun cas. Video 2 5 Jardin d'hiver 8 7 1 Foyer JEFF KOONS Collection THE NEW 1 Ascenseur Calder Gallery (à partir du 25.5.2012) BANALITY 3 BANALITY 2 Ascenseur JEFF KOONS COLLECTION BEYELER et œuvres de la DAROS COLLECTION 6 Philippe Parreno (à partir du 10.6.2012) 4 3 Entrée Musée Art Shop 4 BANALITY Philippe Parreno 20 Souterrain Philippe Parreno (à partir du 10.6.2012) 5 CELEBRATION 8 CELEBRATION 9 Œuvres réalisées après CELEBRATION CELEBRATION 7 CELEBRATION 6 Souterrain 21 Matisse Acanthes 22 Philippe Parreno (à partir du 10.6.2012) BALLOON FLOWER (BLUE) Bassin nord