La tour, prend garde - Travail et sécurité
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La tour, prend garde - Travail et sécurité
entreprise bâtiment Rénovation La tour, prend garde ! Le chantier de rénovation d’un donjon du XIVe siècle au cœur d’un bourg, dans l’Ain, présente autant de contraintes techniques et de sécurité qu’il compte de métiers intervenant au cours des travaux. De la charpente construite au sol au levage de celle-ci, en passant par l’échafaudage et la maçonnerie, le chantier a fait l’objet, dès la maîtrise d’ouvrage, d’une mise en commun par toutes les entreprises. A mbérieux-en-Dombes, ses 1 500 habitants, ses commerces, son église du XIXe et son château du XIVe siècles. De ce dernier, il ne subsiste pratiquement que quatre tours après qu’un incendie l’a presque entièrement détruit au XVIIe siècle. Quatre tours dont le donjon, qui se trouve aujourd’hui au cœur du bourg. Digne représentant de l’architecture de la Dombes, ce monument entièrement constitué de carrons – briques d’argile caractéristiques de la région – méritait de bénéficier de travaux d’entretien et de recouvrer une toiture partie en fumée quelques siècles plus tôt. Charpentiers, maçons, échafaudeurs, levageurs, autant de métiers intervenant sur le chantier, avec autant de contraintes, et dont il a fallu coordonner les activités et en maîtriser les risques. Huit ans. C’est le temps qu’il aura fallu à la municipalité de ce village de l’Ain, situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Lyon, pour mettre sur pied les travaux de rénovation du donjon. Huit années qui ont été mises à profit pour anticiper le déroulement du chantier et organiser au mieux 46 Travail & Sécurité– Septembre 2010 l’intervention de chaque corps de métier. « Globalement, il y a eu une très bonne prise en compte des problématiques de sécurité dès l’ouverture du marché », martèle Jean-Michel Maisonnas, le coordonnateur SPS des travaux. Dès la conclusion de l’appel d’offres, l’ensemble des sociétés intervenantes se sont réunies pour envisager le déroulement du chantier et permettre à chacun de travailler dans les meilleures conditions et en toute sécurité. Deux mois après le début des travaux, en ce début de mois de juin, le village est en ébullition. La charpente, construite au sol, va rejoindre son emplacement final, 18 m plus haut. Les charpentiers sont à pied d’œuvre, ainsi que l’entreprise de levage, mais également la société qui a installé l’échafaudage, pièce maîtresse du chantier car il détermine les conditions de travail de tous les participants aux travaux. Il s’agit d’ailleurs de l’élément à l’origine de toutes les attentions. Le résultat semble à la hauteur des espérances de chacun : « Un échafaudage d’une excellente facture », n’hésite d’ailleurs pas à déclarer JeanMichel Maisonnas. Au final, un édifice d’une vingtaine de mètres de haut, d’une superficie de 750 m2 et d’un poids de 12 tonnes. Un petit bijou, selon les connaisseurs. « Une Rolls », pour Jean-François Dufour, dirigeant l’entreprise de maçonnerie Barberot, qui intervient sur la tour. Le ciel vu du sol « Notre contrainte première a résidé dans l’impossibilité de s’appuyer sur les toitures des maisons mitoyennes du fait de leur fragilité », explique Alexandre Berry, conducteur de travaux chez Everest, l’entreprise d’échafaudages. Une partie repose au sol, mais l’essentiel du maintien est assuré par les murs de la tour. Épais de 1,20 m, ceux-ci ont été transpercés en différents endroits afin d’accueillir les barres métalliques sur lesquelles s’appuie l’échafaudage. « Nous avons également utilisé les trous de boulins créés par les bâtisseurs de la tour pour leurs propres échafaudages. Cela fait moins de travail pour les ouvriers qui percent les murs, maintenus en rappel, en tenant à bout de bras de grosses perceuses munies de forets de 1,60 m. Et on évite de trop abîmer les murs. » Éléments remarquables de cet équipement de travaux en hauteur : une tour d’accès, un treuil d’une capacité de 500 kg et une plate-forme de 1,20 m de large qui fait tout le tour du bâtiment au dernier étage afin de permettre aux charpentiers et aux couvreurs de travailler dans de bonnes conditions. Revue de chantier • Lieu : Ambérieux-enDombes, Ain • Durée : de mi-mars à fin juillet 2010. • Objet : Rénovation de la façade (5 % des carrons) et construction de la toiture d’un donjon du XIVe siècle. • Budget : 350 000 euros, financés par la commune, le département, la région et l’État. La construction de la charpente qui est levée ce matin-là a débuté un mois et demi auparavant. Un espace dédié a été créé à côté de l’église à quelques mètres de la tour. Outre la réduction des risques liés aux travaux en hauteur, l’adoption de ce mode opératoire présente divers avantages. Le fait d’être au sol diminue drastiquement les manutentions des poutres, qui n’ont pas besoin d’être hissées en haut de la tour. Sans compter le coût supplémentaire en termes d’échafaudages : « Il aurait fallu un échafaudage plus large avec une plate-forme encore plus grande pour réceptionner les poutres et pouvoir les manipuler », décrit Marc Emilianof, chef charpentier de la société Les Métiers du bois. Le confort de travail s’en trouve également largement amélioré puisqu’il n’est pas nécessaire pour les quatre charpentiers de monter et descendre régulièrement les escaliers qui donnent accès au dernier étage de l’échafaudage. « Le travail au © Guillaume J. Plisson pour l’INRS Pièce maîtresse du chantier, l’échafaudage a fait l’objet de toutes les attentions. Et, au final, la satisfaction est générale... sol présente aussi l’avantage de permettre de travailler à l’intérieur de la charpente sans échafaudage », précise Olivier Pasquale, le dirigeant de l’entreprise de charpente. Charpente et tuiles La délicate opération de levage des 18 tonnes de bois de la charpente est un événement pour tous les intervenants. Elle représente un tournant dans le déroulement des travaux. Là encore, il s’agit d’une phase dont tous les tenants ont été entièrement anticipés au moment de la maîtrise d’ouvrage. « Dès le début, nous avons été associés aux réunions préparatoires », précise Xavier Énard, chef de chantier de Médiaco, l’entreprise chargée par Les Métiers du bois de procéder à la mise en place de la structure sur le faîte de la tour. De la faisabilité d’une telle opération au cœur d’un village aux rues étroites à la réalisation même du levage, en passant par la mise en sécu- rité des habitants, le démontage des fils électriques et téléphoniques pouvant gêner les mouvements de la flèche de la grue, les points d’élingage sur la charpente, tout a été prévu. « C’est d’ailleurs l’élément fondamental de ce chantier : la mise en commun très tôt de l’ensemble des corps de métiers, charpentier, maçon, échafaudeur, levageur, a permis que tout ce qui a trait à la sécurité et aux manutentions soit pris en compte largement en amont », signale le coordonnateur SPS. Pierre-Alban Doucet, technicien-conseil à la Carsat Rhône-Alpes (ex-CRAM), qui suit le dossier, se félicite, de son côté, de cette situation. « Cette anticipation des risques professionnels dès la maîtrise d’ouvrage est assez exceptionnelle pour être soulignée. D’autant qu’elle s’est faite sans que nous ayons eu à intervenir. Résultat, à part quelques menus détails à peaufiner, je n’ai rien eu à dire lors de ma première visite sur ce chantier. » 11 heures. La charpente est en place sur la tour, une partie des tuiles qui vont la recouvrir est hissée par la même grue. L’autre partie sera montée au fur et à mesure des besoins par le treuil de l’échafaudage. « Nous n’avons pas la place de tout stocker sur la plate-forme, mais je profite de la présence de la grue pour en amener le plus possible en haut », explique Olivier Pasquale. Malheureusement la couverture ne pouvait pas être réalisée au sol. « Bien sûr, cela aurait été plus confortable et moins pénible, mais les tuiles ne sont pas fermement accrochées à la toiture et les risques de chutes lors du levage auraient été trop importants », précise l’un des couvreurs. Les trois maçons, qui ne pouvaient pas intervenir le jour de cette opération un peu particulière, vont pouvoir revenir se mettre à l’ouvrage. Ce sont eux qui, les semaines précédentes, ont réalisé les travaux préparatoires sur la terrasse pour l’assise de la charpente. Leur tâche sur la tour consiste à la reprise de 5 % des carrons sur l’ensemble de la façade. « Le travail n’a rien de particulier, il s’agit juste de reprendre quelques pièces abîmées, de les remplacer et de consolider l’ensemble avec du mortier, déclare Jean-François Dufour. Notre attention s’est surtout portée au départ sur l’échafaudage, qui représente le lieu de travail de mes ouvriers. Mon personnel est d’ailleurs régulièrement formé aux travaux en hauteur et à la réception des échafaudages. » Là encore, les réunions préparatoires dès l’attribution du marché ont permis à l’entreprise Barberot de poser ses exigences en la matière. « Résultat, je n’ai eu à demander que quelques ajustements pour le positionnement de plateaux et de garde-corps », embraye Christophe Joubert, le chef de chantier. La fin des travaux a eu lieu à la fin juillet. Le moment est alors venu de démonter l’échafaudage et de rendre à Ambérieux-en-Dombes la quiétude d’un village de l’Ain. Même si plus rien n’y sera comme avant puisque le point culminant du bourg est maintenant coiffé d’une toiture flambant neuve après être resté tête nue pendant plusieurs siècles. Ambérieux-enDombes, ses 1 500 habitants, ses commerces, son église du XIXe et son château du XIVe siècles. Enfin, presque. Alexis Carlier Travail & Sécurité – Septembre 2010 47