en PDF - Consistoire de Paris

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La paracha de la semaine est la section hebdomadaire de la Torah, lue rituellement chaque Chabbat, dans toutes les synagogues à travers le monde
Ces cours ont été dispensés dans le cadre de journées d'études organisées à la mémoire du regretté Grand Rabbin de Paris David Messas (zatsal),
par et à l'initiative de son fils, rav Ariel Messas, en la synagogue Beth Hamidrach Maguen David - Ahavat Shalom, fondée par son père zatsal en
2005.
PARACHAT KI TISSA
Rabbin Yonathan Benisty*
Je voudrai tout d’abord remercier Rav Ariel pour m’avoir fait l’honneur de me permettre de dire un dvar
Torah, léilouï nichmat, pour l’élévation de l’âme, de notre maître à tous, Rabbi David Messas zatsal.
Lorsque Rav Ariel m’a sollicité pour intervenir au cours de cette journée d’étude, j’ai accepté
immédiatement car j’ai personnellement un devoir de hakarat hatov, de reconnaissance envers Rabbi David
Messas zatsal. Certes, du fait de mon jeune âge, je n l’ai que trop peu connu.
Mais Rabbi David Messas zatsal m’a fortement impressionné par sa personnalité et ses qualités, et ce sur
deux points en particulier. Le premier, c’est son réel amour du prochain.
Il y a deux ans, lors d’une émission de radio, à la veille de Roch Hachanah, en souhaitant chanah tovah à
toute la communauté, il prononça une phrase qui m’accompagne chaque jour. Il cita la phrase célèbre
prononcée par Joseph : ét ahaï anokhi mévakech, « Mes frères que je recherche ». Rabbi David Messas
zatsal aimait son prochain et à démontrer qu’il était possible d’aimer son prochain.
Le second point : la justesse de ses conseils. J’eus la chance qu’il me reçoive dans son bureau pour prendre
conseils auprès de lui concernant des orientations importantes dans ma vie. Il m’a alors donné les plus
beaux conseils. Il avait anticipé la situation au-delà de la problématique présente et me donna ainsi le
meilleur des conseils.
Le sujet principal de la parachah Ki tissa est la faute du veau d’or.
Cette parachah expose aussi également mitsvot, quatre positives et cinq négatives, comme le dénombre le
Séfer hahinoukh.
Il s’agit du mahatsit hachekel, l’obligation de donner à la caisse du Temple un demi-sicle d’argent
permettant d’acheter le nécessaire pour les sacrifices journaliers, le bois, le sel, les animaux, ainsi que les
ingrédients des pains de prépositions et le salaire des boulangers qui devaient les réaliser.
La deuxième mitsva est le kidouch yadaïm veraglaïm, la sanctification des pieds et des mains. Elle
concerne les kohanim qui devaient se laver les mains et les pieds avant le service.
La troisième mitsva est celle d’oindre le kohen gadol avec l’huile d’onction.
La quatrième mitsva interdit à tout profane d’utiliser l’huile d’onction, réservée aux seules kohanim.
Puis, figure l’interdiction de confectionner l’huile d’onction et la kétoret, les encens, dans les mêmes
proportions que celles prévues pour le Temple, pour des utilisations profanes.
Il est dit dans la Guémara Kéritout que l’huile d’onction fabriquée par Moché fut la seule huile d’onction à
avoir jamais été réalisée. Plus personne après Moché n’en réalisa de nouveau, même pour les besoins du
Temple.
C’est l’huile fabriquée par Moché qui servira lors de la reconstruction du troisième Temple à Jérusalem.
Une des dernières mitsvot évoquée dans cette paracha est la chémita, l’obligation pour tous les
propriétaires terriens de laisser leurs champs en jachère une année tous les sept ans.
Cette paracha se termine avec l’interdiction de manger un plat composé avec un mélange de lait et de
viande.
Cette loi est répétée à trois reprises dans la Torah. Cela indique selon pour un commentaire talmudique
l’existence de trois commandements liés à cette interdiction : l’interdiction de cuire, de consommer et de
tirer profit d’un mélange de lait et de viande.
Abordons à présent le commentaire sur la Paracha Ki tissa
Dans la paracha Ki tissa, il est dit : Le peuple vit que Moché tardait à descendre avec les tables de loi …
Ils fabriquèrent un veau de métal … et dirent : Voici tes dieux, Israël, qui t’ont fait monter du pays
d’Egypte.
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Rachi, dans son commentaire sur ce verset, s’interroge sur l’emploi du terme : « tes dieux » et non du
terme : « notre D.ieu ». Il explique alors que c’est le érev rav, une population composée d’égyptiens, que
Moché accepta d’associer aux enfants d’Israël qui fut à l’initiative du veau d’or.
Plus tard, D.ieu reprocha à Moché de les avoir acceptés au sein du peuple en disant : Va, descends car,
« ton » peuple, que « tu » as fait monter du pays d’Egypte, s’est corrompu.
Hachem parla à Moché de la sorte, car c’est lui qui permit à ces égyptiens de s’associer au peuple juif ;
égyptiens qui entrainèrent les enfants d’Israël à fabriquer le veau d’or.
Rabbi Haïm Shmulevitz dans le Sihot Moussar s’interroge sur l’attitude de ces égyptiens. Comment de telles
personnes ayant vécu de si nombreux miracles, les plaies en Egypte, la traversée de la mer rouge, des
personnes ayant assisté au don de la Torah, purent trébucher et tomber si bas avec la faute du veau d’or ?
Cet étonnement est renforcé par un Midrach qui enseigne qu’une simple servante eut des visions
prophétiques plus grandes encore que celles qu’eut plus tard le prophète Ezéchiel lors de sa vision du char
céleste.
La réponse à cette interrogation réside en ce que le midrach ne nous dit pas ce qu’il est advenu de cette
servante?
Est-elle devenue une tsadéket, une femme d’exception, une juste ? Le midrach ne nous donne aucune
information sur son devenir. Cela laisse penser que malheureusement, cette servante demeura une simple
servante !
Ainsi, il est possible d’assister au plus grand des miracles, il est possible de voir son émotion religieuse être
élevée à des niveaux paroxystiques.
Cependant, ces événements uniques n’inviteront à changer et à se rapprocher de D .ieu que ceux dont cette
volonté se trouve ancrée au fond d’eux-mêmes.
A l’inverse, il est possible de demeurer identique à soi-même, même face au plus grand des miracles, si on
ne cherche pas à s’approcher de D.ieu et à évoluer.
Cette même idée se retrouve dans un verset du Livre de Daniel que nous lisons lors des Sélihot, lors de la
récitations des prières supplémentaires dites tous les jours non fériés avant les offices quotidiens, dès
quarante jours avant Kippour.
Lékha Hachem hatsédaka, vélanou bochet hapanim. A toi, Hachem, appartient la justice, sur nos visages
réside la honte.
Ce verset fait référence à Mikha, bébé encastré dans un mur, entre les briques par des égyptiens qui fut
sauvé in extrémis par Moché.
Mikha assista au miracle de la mer rouge. Et, faisant preuve d’une effronterie inimaginable, prit avec lui, à
la vue de tous, une idole qu’il garda dans l’une de ses poches. Mikha eut également l’audace, après avoir
assisté au matan Torah, au don de la Torah, à la Théophanie, non seulement de participer à la faute du
veau d’or, mais plus encore, d’en être à l’origine.
Pourquoi Mikha ne changea-t-il pas devant de tels miracles ? Comment expliquer un tel comportement ?
Comme précédemment, si l’on ne souhaite pas s’améliorer, les plus grands miracles, les plus beaux discours
rabbiniques, laissent impassibles.
Illustrons cela par un machal, une parabole.
Un empereur entendit parler d’un sage doté de la capacité à interpréter la forme des nuages, le chant des
oiseaux et de lire les pensées humaines.
Il le convoqua et demanda à le tester. Le sage accepta de relever ce défi. L’empereur cacha alors un oiseau
dans ses mains et demanda au sage s’il était mort ou vivant.
Le sage était importuné. Répondre que l’oiseau était vivant pourrait mener l’empereur à tuer cet oiseau
d’un simple geste et à infirmer de la sorte sa réponse. Affirmer que l’oiseau était mort pourrait conduire
l’empereur à laisser l’oiseau vivant et lui permettre de démontrer de la sorte que ses dons étaient
inexistants. Après quelques minutes de réflexion, le sage dit au roi : « Empereur, la réponse réside entre
vos mains, car tout dépend de votre bon vouloir ».
C’est pour cette raison que même si nous assistions à des miracles extraordinaires, si la volonté de
s’améliorer est absente, de tels miracles nous laissent indifférents.
Souvent, certaines personnes repoussent l’échéance du changement, au mariage, à la venue au monde du
premier enfant, mais ils demeurent les mêmes. De telles personnes se leurrent, ne changent pas car elles
manquent de volonté.
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La paracha livre ce message d’honnêteté intellectuelle envers soi-même, un des messages que j’eus la
chance de recevoir de Rabbi David Messas zatsal.
* RABBIN YONATHAN BENISTY
Né à Drancy en 1982, le Rabbin Yonathan Benisty est depuis décembre 2007, Rabbin de la Synagogue « 6e arrondissement et Rive
Gauche de Paris. Sa communauté se trouvant au cœur du Quartier Latin, sa fonction rabbinique s’est naturellement orientée vers
les étudiants juifs de la région parisienne. Le Rabbin Yonathan Benisty a suivi sa scolarité à Merkaz Hatorah. Après avoir obtenu son
baccalauréat, il étudie un an à la Yéchiva Keter Chalom en Israël dirigée par le Rav Samuel. Puis, il intègre le Séminaire Israélite de
France de la Rue Vauquelin dirigé par le Rav Michel Gugenheim et obtient son diplôme rabbinique en 2008. Le Rabbin Benisty est
également titulaire d’un master II d’hébreu de l’université Paris VIII et se prépare au CAPEJ de l’Institut André Neher.
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