Ein Gedi mer morte - Diocèse de Belley-Ars

Transcription

Ein Gedi mer morte - Diocèse de Belley-Ars
Ein Gedi , Israël, Bord de la Mer morte (Lettre arrivée la semaine après
Pâques)
Ces quelques lignes après plusieurs
jours d’errance dans le désert du
Néguev. L’arrivée à Ein Gedi fait figure
d’Oasis voire même de jardin d’Eden.
Dans une région de désert minéral où la
roche est maîtresse et décline toutes les
couleurs ocres et toutes les formes, sur
les bords de la Mer morte, le Kibboutz
d’Ein Gedi, depuis 1956, a relevé le défi
de faire « fleurir le désert ».
Aujourd’hui, 55 ans plus tard, là où il n’y avait que rocaille, s’épanouit, entre
les maisons des kibboutzim, un magnifique parc botanique. Un beau lieu pour
le voyage du Comité de Fleurissement ! Bon d’accord, c’est un peu loin, mais
ça vaut le détour. En tout cas, pour moi, l’arrivée à Ein Gedi m’a donné le
sentiment qu’éprouvent les nomades à la vue d’une Oasis.
A 2 km du kibboutz se trouvent des sources
dont il est fait mention dans la Bible.
C’est là que David vient se cacher pour se
protéger du Roi Saül (dans la bible au Ier Livre
de Samuel Chapitre 24). Les charmes de cette
oasis en plein désert sont aussi chantés dans
le Cantique des Cantiques (1,14).
Ce soir, je fais donc étape dans un lieu
référencé dans la Bible. J’installerai
mon duvet sur les bords de la mer
Morte. Face à moi : la côte Est, côté
Jordanie que j’ai longée il y a une
quinzaine de jours. J’y reconnais le port
du Wadi Mujib et les quelques maisons
(dont le poste de police où l’on m’avait
offert le thé). Je devine aussi la vallée
qui conduit à Karak en s’enfonçant dans les montagnes. Le soleil couchant
donne à la chaîne un relief et des couleurs fascinantes.
Pour la deuxième fois, j’ai
fait « trempette » dans
cette eau dix fois plus
salée que la mer et qui
permet de flotter. Pourtant
la
Mer
Morte
est
confrontée à un problème
vital : alimentée par le
Jourdain (les eaux de ce fleuve utilisées pour l’irrigation) l’apport n’est plus
suffisant. La Mer Morte baisse d’un mètre par an. Côté Israélien, où la pente
est plus douce que côté Jordanien, la côte recule de près de 16 mètres
chaque année. Une estimation prévoit la disparition de cette mer en 2050.
Pour pallier ce problème un canal avec la Mer Rouge serait à l’étude entre
jordaniens et israéliens. Autre particularité du lieu : nous sommes 400 mètres
en dessous du niveau de la mer, et donc cette mer n’a aucun débouché.
Autre problème qu’Israël partage avec ses voisins jordaniens, syriens, et
libanais : l’alimentation en eau douce. C’est un problème d’envergure pour
les années à venir et qui a des conséquences géopolitiques : par exemple la
difficulté de rendre le plateau du Golan à la Syrie puisque s’y trouve une
partie des sources qui alimentent le lac de Tibériade. Malgré les efforts
colossaux sur la technologie de « désalinisation » de l’eau de mer et les trois
grosses usines du pays, Israël importe de Turquie des quantités énormes
d’eau potable et cela à prix d’or. On ne se rend pas compte de la chance que
nous avons chez nous !
Israël et la Jordanie sont deux pays géographiquement « siamois » avec une
frontière quasiment de 400 kms alors que la largeur de chaque pays est
grosso modo d’une centaine de kms. Et pourtant, lors de mon passage de
frontière entre AQABAT et EILAT, j’ai eu l’impression d’un changement de
monde en moins de 5 kms !
Après plus de deux mois dans un pays arabe (Syrie, Jordanie) l’arrivée en
Israël marque le retour au monde occidental. Le plus marquant : on retrouve
la visibilité du monde féminin. Plus de voiles, ici, elles conduisent, tiennent
des magasins, occupent toutes sortes d’emplois, avec toutes sortes de
compétences. A l’exemple de Carol Noah Lévil qui, à la douane, m’a
interrogé pendant plus d’une heure pour savoir les motifs de mon séjour, les
raisons de mon long passage en Syrie, mes antécédents. Dans un français
parfait et une courtoisie très agréable, j’ai eu droit à un examen de passage
serré.
Contrairement à Pascale Hennevois, une autre pèlerine de Jérusalem qui
n’avait pu obtenir qu’un visa de quinze jours pour Israël, j’ai pu décrocher le
visa de trois mois.
On retrouve des magasins à la mode occidentale et des produits comme
chez nous : alcool, kiosques à journaux, publicité : la société de
consommation, pour le meilleur et pour le pire ! Chose étonnante que de voir
les voitures s’arrêter pour laisser les piétons passer. Voici des mois que je
n’avais pas vu cela… voici plus d’une semaine que je n’entends plus l’appel à
la prière depuis le minaret.
On pourrait presque se croire dans un pays d’occident. Mais j’ai croisé en
marchant plusieurs groupes d’ados qui crapahutent dans le désert en sortie
scolaire. En voyant, à chaque fois, deux de leurs accompagnateurs armés
d’un fusil, on se dit que tout n’est pas encore tout à fait comme chez nous.
Je retrouve donc un pays dont l’histoire me fascine : l’histoire biblique
évidemment, mais aussi l’histoire contemporaine de la fondation d’Israël en
1948. L’Etat d’Israël qui stigmatise beaucoup de problèmes du Moyen Orient
n’a guère que 60 ans et son histoire est hors du commun. Ne pas la
connaître, c’est assurément ne rien comprendre à la problématique actuelle.
Hier c’est un lieu mythique de l’histoire ancienne d’Israël que j’ai retrouvé :
MASSADA. Après une journée de marche dans le désert de Néguev, au
détour d’une montée est apparue, grandiose sur son éperon rocheux aux
falaises
vertigineuses,
la
citadelle
antique
de
MASSADA.
http://terres.bibliques.pagespersoorange.fr/palestine_tb/massada/massada.htm
Construite sous l’antiquité pour contrôler le passage sur la rive occidentale
de la Mer Morte, le Roi Hérode le Grand fortifia cette citadelle et en fit l’une
de ses plate-formes.
Mais, c’est en l’an 70 après J.C. que ce lieu va vivre sa page la plus illustre :
après que les romains aient maté dans le sang une nouvelle rébellion du
peuple juif, un groupe de résistants et leur famille se fortifie au sommet de
Massada. 15 000 légionnaires vont mettre le siège à cet ultime bastion de la
résistance juive. Pendant 8 mois, le millier de zélotes (ces juifs nationalistes)
va tenir tête aux légions romaines. Et lorsque, finalement, les romains
investissent la place, après notamment la construction d’une rampe
gigantesque, ils ne trouveront que des corps sans vie : plutôt que d’être pris
et de tomber en esclavage, ils avaient préféré se donner la mort… cadre
grandiose, histoire tragique. Ici , rien n’est petit !
Depuis 60 ans le mythe de Massada est cultivé par la Nation. Les jeunes
soldats, garçons et filles, qui effectuent pendant trois années leur service
militaire, montent sur cet éperon rocheux aux ruines évocatrices et font
raisonner cette formule : « plus jamais MASSADA », sous entendu : « plus
jamais nous ne serons vaincus ».
En lisant ces lignes, ne croyez pas que les Israéliens soient bellicistes : ceux
que j’ai rencontrés ne sont ni dans la peur ni dans la tension (au moins de ce
que j’en ai vu jusqu’à maintenant). Le contact est facile, en anglais, mais
aussi en français.
Une des trois bonnes surprises, est de trouver des sentiers de randonnée
balisés et de vraies cartes topographiques. Ce n’était pas arrivé depuis la
Slovénie, Je peux donc quitter le bord des routes : ô joie !
Ce matin j’ai rencontré David et Léon, deux israéliens de Tel Aviv, retraités,
qui marchent pendant quatre jours. Ils m’ont préparé le café au milieu du
désert. Léon parlait un peu le français, juif né au Maroc, il est venu à 6 ans en
Israël ; ses parents parlent français entre eux. A ma grande surprise, à Eilat,
dans les magasins, je trouvais autant de choses écrites en russe qu’en
anglais. De fait, depuis les années 90, ce sont essentiellement des juifs
originaires de l’ancien bloc soviétique qui sont arrivés ici.
Je découvre une nouvelle fois tant de choses nouvelles qu’il m’est difficile de
mettre tout cela par écrit.
L’hébreu est mon quatrième alphabet sur mon parcours après le latin, le
cyrillique et l’arabe. Comme ce dernier il s’écrit de droite à gauche.
Heureusement, je retrouve nos chiffres… pour le prix, c’est bien pratique ;
d’ailleurs ici, le coût de la vie est assez élevé.
Demain, je dois franchir un Check Point et entre dans les territoires
palestiniens autour de Jéricho la ville de Zachée.
Dans trois ou quatre jours, je verrai les remparts de Jérusalem. Pourtant je ne
souhaite pas y rentrer tout de suite. Je compte avant me rendre à Bethléem
et au séminaire de Beth Jala. Et, si tout s’intègre comme je le souhaite, je
ferai mon entrée dans El Kuds… la ville sainte Yerushaláyim, le dimanche
des Rameaux. Toute une symbolique !
Un jeune couple d’étudiants en médecine m’attend à Jérusalem. Depuis
plusieurs mois, ils marchent sur mes traces. Istanbul, Ankara, ils ont été
invités par la même famille que moi. Informé de leur présence, je leur avais
laissé un message à Antioche. Mais comme ils ne sont pas descendu au sud
de la Jordanie et ont rejoint Jérusalem depuis Amman, les voilà arrivés
pendant que je crapahute encore. Je serai heureux de les rejoindre et
partager, avec d’autres, nos histoires de pèlerins.
Après Jérusalem, comme les Apôtres après la Résurrection du Seigneur, je
me rendrai en Galilée.
Sur la carte j’ai repéré un chemin pédestre balisé qui relie Nazareth, Cana,
Capharnaüm , et le lac de Tibériade. Encore quelques dizaines de kilomètres
pour s’imprégner de ces lieux de foi.
La nuit tombe, et elle sera sans la lune ce soir. Je vais aller installer mon
bivouac et prier les psaumes des complies en ce lieu ou David fut
pourchassé par Saül. Et… dans la veillée qui suivra, après avoir relue la
journée écoulée, mon intercession auprès du Seigneur présentera ceux qui
au loin me sont chers. Les Marboziens, ceux de Bény, de Pirajoux et bien
d’autres y ont leur place ; soyez en sûr.
Que le Seigneur vous accompagne vous aussi.
Père Luc
« Foi et Courage »

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