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Au sommaire
Enquête
P.26 CAISSE CENTRALE
D’ACTIVITÉS SOCIALES
Un vrai statut
pour les saisonniers
P.27 MONDIAL
ASSISTANCE FRANCE
300 collaborateurs intégrés
le temps des vacances
P.28 SEMER
La PMI fidélise ses ouvriers
d’été et d’automne
P.29 ENTRETIEN AVEC
RICHARD DETHYRE
« Il faut développer
la pluriactivité
des saisonniers »
TRAVAILLEURS SAISONNIERS
Gérer durablement
les salariés de l’été
Qu’ils soient jeunes, professionnels du tourisme, pluriactifs… les saisonniers impliquent
pour les entreprises des modes de gestion spécifiques en matière
de recrutement, d’intégration et de fidélisation. En jeu : l’amélioration des conditions
d’emploi et la reconnaissance de ces indispensables travailleurs temporaires.

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300 000. Et la saisonnalité « représente 30 % des effectifs des
sociétés d’assistance », indique
Catherine Hénaff, DRH de la
branche.
Si la crise a fait baisser les offres
d’emploi en 2009 – à Nice, le
Negresco a par exemple embauché 30 % de saisonniers en
moins cette année-là – la pente
tend à remonter en 2010, observe Katherine Khodorowsky,
directrice de la communication
du CIDJ, qui organise depuis
une quinzaine d’années des forums jobs d’été.Les embauches,
certes, se réalisent plus tardivement, les professionnels attendant de connaître la tendance
touristique. Mais les emplois
saisonniers représentent tout de
même 37,5 % des intentions
d’embauche de 2010, d’après
l’enquête sur les besoins de
main-d’œuvre réalisée par Pôle
emploi.
L’essentiel
Davantage de
chômeurs longue durée
vec l’été vient le temps
des bureaux désertés,
parfois même des ateliers fermés… ou, au contraire,
le début d’une activité saisonnière intense, réalisée pour une
bonne part par des salariés qui
ne passeront dans l’entreprise
que quelques semaines ou
quelques mois.
Combien sont-ils, ces employés
saisonniers ? Difficile à dire, car
aucun chiffre précis n’existe,
même si les estimations tournent autour de 1,6 à 2 millions
de personnes, dont 800 000 à
1,2 million dans l’agriculture.
D’après le Fafih, l’Opca de l’industrie hôtelière, les saisonniers
d’été du secteur seraient
A
l’été
 Indispensables
dans bon nombre de
secteurs, les saisonniers
constituent une population
hétérogène, souvent jeune.
les entreprises,
 Pour
l’enjeu est de recruter,
d’intégrer et de fidéliser
des salariés qualifiés.
de logements,
 Manque
salaires bas
et précarité : les conditions
de travail des saisonniers
restent globalement
difficiles.
Difficiles à quantifier,les saisonniers ne sont pas plus simples à
qualifier : artisans du cru complétant leur activité (les pluriactifs locaux), professionnels du
tourisme naviguant entre la
montagne l’hiver et la mer l’été
ou jeunes en insertion composent les effectifs saisonniers.
Néanmoins,la crise a fait un peu
bouger les lignes, et l’on voit,
dans les forums de recrutement
saisonniers, de plus en plus de
chômeurs de longue durée venir chercher des CDD d’été.
Entre 2003 et 2005,d’après l’Insee, les étudiants représentaient
la moitié des embauches estivales.Le Groupe Flo s’ouvre largement à cette population,
comme en témoigne Catherine
Augereau Leloup, directrice de
l’emploi et de la formation :
« Pour remplacer les salariés en
congés et assurer les couverts
supplémentaires dus aux ouver-
tures de terrasses, nous accueillons environ 200 étudiants
pour des jobs d’été. La plupart
n’a pas, au départ, un parcours
dans l’hôtellerie, mais certains
se prennent au jeu et s’inscrivent ensuite à l’école hôtelière.
Notre objectif est aussi là : leur
donner envie de rester dans le
secteur. »
Recherche de personnel
très qualifié
Dans les palaces de la Côte
d’Azur, la population n’est pas
la même. Les saisonniers sont
des professionnels de l’hôtellerie et de la restauration,qui viennent chercher dans ces lieux de
prestige une expérience valorisante dans leur quête de poste
fixe. Ce qui ne fait pas du recrutement un exercice facile pour
autant.« Nous recherchons,sur
des métiers en tension, du personnel très qualifié. Dans notre
restaurant étoilé, nous n’avons
pas besoin d’un maître d’hôtel,
mais d’un excellent maître d’hôtel,schématise Giovanni Gulino,
directeur marketing et communication du Negresco, à Nice.
Même si nous recevons beaucoup de candidatures spontanées, elles sont insuffisantes,
d’autant qu’il y a beaucoup de
palaces en concurrence sur la
Côte d’Azur. »
Au Martinez, à Cannes, une
journée de recrutement est organisée sur place, chaque année,
pour trouver les perles rares.
« Les candidats passent quatre
entretiens, avec le chef de service,la direction du département,
la DRH et,enfin,la direction générale », précise Stéphane Carrière, le DRH de l’hôtel. Un de
ces contrats saisonniers sera
d’ailleurs affecté au service RH,
pour absorber le surcroît
de gestion administrative généré par l’arrivée
des 230 salariés supplémentaires de cet été.
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
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Enquête
Un titre de séjour après vingthuit ans de travail saisonnier
 Ils sont   saisonniers étrangers, venus du Maghreb
pour la plupart, à tourner dans les exploitations agricoles
des Bouches-du-Rhône en enchaînant, parfois depuis
trente ans, des contrats OMI (Office des migrations
internationales). Des contrats systématiquement
renouvelés et prolongés jusqu’à huit mois par
l’administration.
 Pour faire reconnaître les droits de ces salariés,
le Codetras (Collectif de défense des travailleurs étrangers
dans l’agriculture) avait, en , saisi la Halde. Laquelle
avait recommandé, début , la requalification de ces
contrats en CDI. Pour la Haute autorité, «le détournement
abusif des contrats OMI» a conduit à discriminer ces
saisonniers, exclus des «dispositions relatives à l’emploi
et à la protection sociale» (chômage, couverture maladie,
retraite...). La Halde considérait également que ces
saisonniers devaient se voir délivrer un titre de séjour.
Sur ce dernier point, le Conseil d’Etat vient de donner
raison à un saisonnier marocain, employé depuis vingthuit ans dans la même ferme des Bouches-du-Rhône.
Il a condamné en mai dernier l’Etat à lui verser   euros
d’indemnités et à lui attribuer une carte de séjour.
A Disneyland Paris, la particularité tient au nombre des recrutements : chaque année, lors
de la saison haute, 4 500 CDD
viennent gonfler les effectifs de
9 500 permanents, avec un pic
entre juin et août (lire p. 25). Le
parc loge, par ailleurs, 3 000 saisonniers : « C’est un atout stratégique ; sans notre résidence,
nous ne pourrions pas attirer
les populations qui nous inté-
ressent, reconnaît Jean-Noël
Thiollier.Les saisonniers de Disney doivent notamment maîtriser 3 langues, dont le français
et l’anglais. »
Des conditions
de logement difficiles
Mais le cas est exceptionnel, et
il faut souvent faire avec les
moyens à disposition : le Martinez loge une quarantaine de
saisonniers, soit sur place, soit
dans des chambres louées dans
une résidence de la mairie. En
général,les salariés doivent donc
se débrouiller.D’après une étude
de la JOC (Jeunesse ouvrière
chrétienne) réalisée à l’été 2007,
1 jeune saisonnier sur 5 est obligé
de trouver un logement proche
de son emploi ; 13 % affirment
ne pas avoir de bonnes conditions de logement. « Certains
sont contraints de vivre à 6 ou
7 dans un studio pendant toute
la saison. D’autres dorment
chaque nuit dans leur voiture et
vont prendre leur douche le matin sur la plage », pointe l’enquête.Qui souligne aussi les difficultés de déplacement
auxquelles ils sont confrontés.
De fait, chez Elior, qui emploie
chaque année 1 500 contrats
d’été affectés à la restauration
commerciale, notamment sur
les autoroutes,il faut que les saisonniers puissent se rendre sur
leur lieu de travail, confie Catarina Viana-Garcia, responsable
emploi et recrutement.
Le manque de logement et les
difficultés de transport sont régulièrement rappelés par les associations ou les syndicats qui,
dès que commence la saison,informent et sensibilisent sur les
conditions d’emploi des salariés estivaux. Pour la onzième
année, la CFDT sillonnera la
France en juillet et août pour
aller à la rencontre des salariés
et des employeurs concernés.
Car, aussi essentiels soient-ils à
l’activité économique des acteurs du tourisme, des exploitations agricoles,des commerces
locaux et des sites culturels, les
travailleurs de l’été sont aussi
particulièrement exposés.
Un statut précaire
Les autres points noirs de l’emploi saisonnier ? « Les heures
supplémentaires non payées,les
amplitudes horaires, et le travail au noir, égrène Hervé Garnier, secrétaire national CFDT
en charge de la politique des
jeunes. Mais aussi le contenu du
travail : souvent,des jeunes pensent faire un petit boulot sympa
et se rendent compte que celui
qu’on leur demande est beaucoup plus pénible. Cette première expérience avec le monde
du travail peut s’avérer terrible
pour eux. »
Mais la caractéristique principale de l’emploi saisonnier reste
sa précarité (lire interview p.29),
certes plus ou moins bien vécue, selon qu’on est étudiant en
Alain Ménard, avocat associé au cabinet Racine
« Le contrat saisonnier ne peut pas être utilisé pour remplacer un salarié absent »
E & C : Quelles sont les spécificités
des contrats saisonniers ?
A. M. : Le contrat de travail saisonnier
est autorisé dans un certain nombre
de métiers, dès lors qu’il s’agit
d’une activité amenée à se répéter
de façon prévisible, régulière,
et cyclique. C’est en fait une forme
particulière de CDD, mais qui ne
comprend pas de prime de précarité.
Contrairement au CDD classique,
il ne peut pas être utilisé pour
remplacer un salarié absent, ni pour
faire face à un accroissement d’activité.
Par conséquent, il n’est pas nécessaire

de faire figurer une date fixe de fin
de contrat.
E & C : Que risque un employeur
qui remplace un CDD classique
par un contrat saisonnier ?
A. M. : Le recours au CDD saisonnier
est sous haute surveillance de la part
des inspecteurs du travail et des juges.
Si on abuse de ce type de contrat,
il y a un risque de voir les salariés
réclamer la prime de précarité ou la
requalification en CDI. Mais ce n’est pas
évident de faire la part des choses
entre le surcroît d’activité et
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la saisonnalité : à Paris, un restaurant
n’a pas d’activité saisonnière ;
à La Baule, si. Mais à Marseille ?
C’est plus difficile de trancher.
Dans le doute, par exemple, si l’on
n’est pas sûr que l’activité aura
une période de pointe l’année suivante,
mieux vaut recourir au CDD classique.
Les entreprises doivent se reporter
à leur convention collective.
Elles peuvent aussi se rapprocher
des chambres des métiers locales pour
se renseigner sur les usages dans
la région et la profession.
PROPOS RECUEILLIS PAR E. S.
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quête d’un salaire d’appoint
entre deux années d’étude, ou
professionnel itinérant, enchaînant contrats courts et périodes
de galère. L’Insee, qui a étudié
les jobs d’été sur le littoral aquitain en 2006,montre que les saisonniers gagnent en moyenne
7,90 euros de l’heure. Surtout,
la fidélité n’est pas récompensée : « Les saisonniers qui reviennent chez le même employeur à la saison suivante ne
sont pas mieux rémunérés en
moyenne que l’ensemble des
saisonniers », souligne l’étude.
Seuls les personnels de service
dans les hôtels voient leur paye
augmenter (de 60 centimes de
l’heure) lorsqu’ils rempilent
pour une deuxième année.
Prise de conscience
Néanmoins, Hervé Garnier
constate que,lorsque les équipes
CFDT vont à la rencontre des
employeurs, les relations sont
de moins en moins conflictuelles. Et, localement, des initiatives existent pour tenter
d’encadrer le travail saisonnier.
En Charente-Maritime, une
convention a été signée en 2008
entre les professionnels de l’hôtellerie de plein air, des hôtels
cafés restaurants, les syndicats
et les pouvoirs publics (lire encadré). Depuis 2007, le Fafih finance 21 heures de formation
par an aux saisonniers ; 1 500
personnes en ont bénéficié.Autant de pistes que le 1er forum
social des saisonniers se propose de faire partager fin 2010
(lire p. 29). Et qui pourraient
trouver une résonance auprès
du député des Vosges François
Vannson, à qui Laurent Wauquiez a confié en début d’année
une mission sur le développement de l’emploi en zone de
montagne. Dans ce cadre, précise Camille d’Olonne, chargée
de mission au ministère de
l’Emploi, « les questions de la
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déprécarisation des saisonniers,
du développement de la formation et de la compatibilité des
emplois d’été et d’hiver seront
étudiées ». En d’autres termes,
il s’agit de jeter les bases d’une
meilleure sécurisation des parcours.
Fidéliser les saisonniers
Pour les entreprises, la question
se pose davantage en termes de
fidélisation et de qualification.
D’où le soin qui peut être apporté aux formations lors de la
prise de poste. « Les jeunes qui
prennent un poste de chargé
d’assistance, mais ne se destinent pas forcément au départ à
ce type de métier, suivent en général 15 jours de formation,
dont une phase de mise en situation », assure Catherine
Hénaff.
D’où, aussi, l’importance d’inciter les salariés à revenir la saison suivante. Au Martinez,
« chaque saisonnier a une évaluation de fin de mission. S’il a
donné satisfaction, et s’il le souhaite, nous lui garantissons de
retrouver son poste la saison
suivante », explique Stéphane
Carrière, qui envisage de faire
un questionnaire de satisfaction
auprès du personnel, y compris
des saisonniers. Une centaine
d’entre eux reviennent chaque
année travailler dans le palace
cannois.
Et, lorsque les entreprises ouvrent des postes permanents,
les saisonniers sont naturellement sollicités.Chez Elior,10 %
des contrats d’été sont transformés en CDI. Au groupe Flo, les
étudiants peuvent se voir proposer des contrats à l’année,
compatibles avec leurs horaires
de cours.Mais encore faut-il que
la conjoncture s’y prête : Disneyland Paris a recruté en CDI
600 saisonniers en 2008 et…
aucun en 2009. ■
ÉLODIE SARFATI
Une convention à faire vivre
sur le terrain
 En mai , en Charente-Maritime, une convention
de l’emploi saisonnier est signée entre les syndicats,
la Fédération départementale de l’hôtellerie de plein air
(FDHPA), l’Union des métiers et des industries
de l’hôtellerie (Umih ), le service public de l’emploi,
la préfecture, la direction du travail, le conseil général
et le CIL (collecteur du  % logement). Objectif : redorer
l’image des entreprises du secteur qui peinent à recruter
et à fidéliser, en améliorant les conditions d’emploi
et de travail des saisonniers accueillis.
 Au-delà du rappel des droits et devoirs de chacun, la
convention crée une carte de suivi médical et un passeport
de compétences destiné à faciliter la reconnaissance
et la professionnalisation des saisonniers. Trois passeports
existent à ce jour, précise Annie Rocheteau, secrétaire
du l’union départementale CFDT pour les métiers
de la cuisine, ceux du service et ceux de l’accueil.
 Mais il faut maintenant faire vivre la convention,
reconnaissent les signataires, c’est-à-dire « faire le
représentant de commerce auprès des adhérents », illustre
Raymond Moreau, président de la FDHPA , qui souligne
que ceux-ci ne sont pas toujours réceptifs. Cinq d’entre eux
ont signé la convention en , et Raymond Moreau
en espère dix fois plus cette année. De son côté, la CFDT
distribuera la convention et le passeport compétences
lors de la déclinaison locale de sa campagne nationale
pour les saisonniers.
Disneyland Paris recrute
au-delà des frontières
 En juin s’est achevée la campagne de recrutement
des saisonniers de Disneyland Paris. Un véritable tour
d’Europe, démarré six mois plus tôt – juste avant le début
de la saison février-septembre. « Pour recruter
  personnes, il faut en rencontrer   et donc
en solliciter   à  , ce qui n’est pas possible
à l’échelle de la région », explique Jean-Noël Thiollier,
directeur du recrutement et des rémunérations,
qui n’hésite pas à faire l’analogie entre recrutement
de masse et chaîne logistique.
 De fait, les recrutements se déroulent dans
une douzaine de pays soigneusement sélectionnés,
en fonction du taux de chômage local – et donc
de la demande potentielle –, du taux de pénétration
de l’industrie des loisirs – indice des compétences
disponibles – et de la réputation de la marque.
 La suite de la procédure est tout autant millimétrée :
au bout de sept jours, le candidat obtient la réponse
du parc. Si celle-ci est positive, « nous envoyons un e-mail
de confirmation avec la proposition de poste dans
les  heures. Le candidat a ensuite  heures
pour confirmer son intérêt. Puis nous éditons le contrat
et nous l’invitons aux sessions de formation, qui durent
six jours et jusqu’à cinq semaines pour le personnel
de la centrale de réservation. » Un tuteur accompagne
ensuite les nouvelles recrues et valide ou non
la période d’essai.
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