William Turner au Grand Palais à Paris

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William Turner au Grand Palais à Paris
Turner au Grand Palais, l'éblouissement en peinture
Avec ses soleils aveuglants et ses brouillards de pois, William Turner s’est fait remarquer parmi les peintres britanniques du début du
XIXe siècle. Une exposition lui est consacrée au Grand Palais, à Paris.
Par Priscille LAFITTE
e Calais, « La plage de Calais, à marée basse, des poissardes récoltant des appâts »,william Turner, 1830
Cinq ans après la monumentale « Monet, Whistler, Turner », réunion des trois maîtres de la peinture du XIXe siècle lors d’une
exposition au Grand Palais, Joseph Mallord William Turner (1775-1851) revient à Paris. Toujours au Grand Palais. Mais seul cette
fois.
En 2005, les conservateurs de l’exposition avaient pris le pari de faire assumer à Turner la paternité du courant impressionniste. Cette
nouvelle exposition rend justice aux multiples influences qui ont permis au maître britannique de brosser des paysages éblouissants.
William Turner se tourne vers la peinture très jeune – il expose ses œuvres dans les vitrines de son père, barbier dans le quartier
bohème de Covent Garden à Londres – et voue dès le début de sa carrière une immense admiration au Français Claude Gellée, dit Le
Lorrain, peintre paysagiste du XVIIe siècle. « Lorrain est le premier à représenter le soleil directement dans sa peinture ; il le fait de
façon filtrée, adoucie, explique le commissaire de l’exposition, Guillaume Faroult. Turner va retirer le filtre et laisser la lumière
envahir les images, les irradier, les inonder, les dissoudre. Jusqu’à une forme d’abstraction. Turner est un modèle pour les
impressionnistes, puis pour la peinture abstraite. »
Les peintures de Turner font fureur, déjà du vivant de l’artiste. Il n’a que 27 ans lorsqu’il est admis membre à part entière de la Royal
Academy, marque de la reconnaissance précoce de son talent et de son ambition. « Il a un appétit de succès et, par-dessus tout, de
peinture, décrit Guillaume Faroult. Il veut étendre le champ d’investigation de la peinture. Lui qui vient d’un milieu social modeste a
intégré tous les codes de reconnaissance de l’élite sociale : la maîtrise de la littérature, du bien-parlé. Il ne maîtrise pas le ‘bien-écrit’ il s’y efforce en donnant des titres à rallonge à ses peintures. Mais il connaît les codes de la peinture. Et il va faire de la littérature en
peinture. » Tout comme Lorrain, Turner parvient à raconter des histoires dans des tableaux paysagistes.
Souvent, Turner agace. Epris de compétition, il rivalise d’ingéniosité avec les autres prodiges de son temps – comme le jeune
Ecossais David Wilkie. « Les artistes redoutaient de voir leurs peintures accrochées à côté de celles de Turner et affirmaient que
c’était aussi préjudiciable que le voisinage d’une fenêtre ouverte. Car ses œuvres attiraient le regard dès qu’on entrait dans une
salle », remarque le peintre George Dunlop Leslie dans ses mémoires intitulées « The Inner life of the Royal Academy » (Londres,
1914).
John Constable, autre grand peintre britannique du paysage, a fait les frais de l’ambition du talentueux William. Lors de l’exposition
de 1832 à la Royal Academy, sa grande composition « Inauguration du Pont de Waterloo » est restée dans l’ombre du tableau
« Helvoetsluys » proposé par Turner : à la dernière minute, ce dernier avait rajouté, au milieu des bateaux aux tons pastels et froids,
une bouée vermillon qui attirait les regards des connaisseurs...