Corrigé du DM n°3 - College Plaisance

Transcription

Corrigé du DM n°3 - College Plaisance
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CRÉON – La vie n'est pas ce que tu crois. C'est une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre
leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. Retiens-la. Tu verras, cela deviendra une petite
chose dure et simple qu'on grignote, assis au soleil. Ils te diront tout le contraire parce qu'ils ont besoin de ta
force et de ton élan. Ne les écoute pas. Ne m'écoute pas quand je ferai mon prochain discours devant le tombeau
d'Etéocle. Ce ne sera pas vrai. Rien n'est vrai que ce qu'on ne dit pas… Tu l'apprendras, toi aussi, trop tard, la vie
c'est un livre qu'on aime, c'est un enfant qui joue à vos pieds, un outil qu'on tient bien dans sa main, un banc pour
se reposer le soir devant sa maison. Tu vas me mépriser encore, mais de découvrir cela, tu verras, c'est la
consolation dérisoire de vieillir ; la vie, ce n'est peut-être tout de même que le bonheur.
ANTIGONE, murmure, le regard perdu – Le bonheur…
CRÉON, a un peu honte soudain – Un pauvre mot, hein ?
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ANTIGONE, doucement – Quel sera-t-il, mon bonheur ? Quelle femme heureuse deviendra-t-elle, la petite
Antigone ? Quelles pauvretés faudra-t-il qu'elle fasse elle aussi, jour par jour, pour arracher avec ses dents son
petit lambeau de bonheur ? Dites, à qui devra-t-elle mentir, à qui sourire, à qui se vendre ? Qui devra-t-elle
laisser mourir en détournant le regard ?
CRÉON, hausse les épaules – Tu es folle, tais-toi.
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ANTIGONE – Non, je ne me tairai pas ! Je veux savoir comment je m'y prendrais, moi aussi, pour être heureuse.
Tout de suite, puisque c'est tout de suite qu'il faut choisir. Vous dites que c'est si beau, la vie. Je veux savoir
comment je m'y prendrai pour vivre.
CRÉON – Tu aimes Hémon ?
ANTIGONE – Oui, j'aime Hémon. J'aime un Hémon dur et jeune ; un Hémon exigeant et fidèle, comme moi.
Mais si votre vie, votre bonheur doivent passer sur lui avec leur usure, si Hémon ne doit plus pâlir quand je pâlis,
s'il ne doit plus me croire morte quand je suis en retard de cinq minutes, s'il ne doit plus se sentir seul au monde
et me détester quand je ris sans qu'il sache pourquoi, s'il doit devenir près de moi le monsieur Hémon, s'il doit
appendre à dire « oui », lui aussi, alors je n'aime plus Hémon.
CRÉON – Tu ne sais plus ce que tu dis. Tais-toi.
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ANTIGONE – Si, je sais ce que je dis, mais c'est vous qui ne m'entendez plus. Je vous parle de trop loin
maintenant, d'un royaume où vous ne pouvez plus entrer avec vos rides, votre sagesse, votre ventre. (Elle rit.)
Ah ! je ris, Créon, je ris parce que je te vois à quinze ans, tout d'un coup ! C'est le même air d'impuissance et de
croire qu'on peut tout. La vie t'a seulement ajouté ces petits plis sur le visage et cette graisse autour de toi.
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CRÉON, la secoue – Te tairas-tu, enfin ?
ANTIGONE – Pourquoi veux-tu me faire taire ? Parce que tu sais que j'ai raison ? Tu crois que je ne lis pas dans
tes yeux que tu le sais ? Tu sais que j'ai raison, mais tu ne l'avoueras jamais parce que tu es en train de défendre
ton bonheur en ce moment comme un os.
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CRÉON – Le tien et le mien, oui, imbécile !
ANTIGONE – Vous me dégoûtez tous, avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte. On
dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n'est pas trop
exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite, - et que ce soit entier - ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste,
moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd'hui et que cela soit
aussi beau que quand j'étais petite - ou mourir.
Jean ANOUILH, Antigone, 1946.
PREMIERE PARTIE
QUESTIONS (15 points)
I - UN CONFLIT THEATRAL (4 points)
1) a) – Comment s’appellent les expressions en italiques ? (0,5 pt)
b) – A qui sont-elles destinées et à quoi servent-elles ? (1 pt)
2) Trouvez deux autres indices qui permettent d’affirmer que ce texte appartient au genre
théâtral. (1 pt)
3) Qui semble être le personnage principal ? Donnez deux raisons de votre choix. (1,5 pt)
II - UN CONFLIT DE GENERATION (5 points)
4) Quels détails physiques Antigone précise-t-elle pour prouver à Créon qu’il est vieux ? (1
pt)
5) A quoi voit-on qu’Antigone est jeune ? (1 pt)
6) Quel type de phrases chacun des personnages emploie-t-il le plus ? En quoi est-ce
révélateur de chacun de leur caractère ? (2 pts)
7) a) – Comment Créon essaie-t-il de mettre fin à la conversation ? (0,5 pt)
b) – Quel mode verbal utilise-t-il à deux reprises pour cela ? (1 pt)
III - UN CONFLIT VITAL (6 points)
8) Qu’est-ce-qui oppose les deux personnages ? (1 pt)
9) a) – Quel est le point de vue de Créon ? (1 pt)
b) – Quels exemples donne-t-il pour étayer son propos ? (1 pt)
10) Antigone méprise la vision de la vie qu’a Créon. Relevez une métaphore et une
comparaison qui le prouvent. (1 pt)
11) Quels liens logiques expriment « mais » et « parce que » dans le phrase : « tu sais que j’ai
raison, mais tu ne l’avoueras jamais parce que tu es en train de défendre ton bonheur en ce
moment comme un os » (l. 43 à 44) ? (1 pt)
12) Quelle position défend Antigone face à celle de Créon ? (1 pt)
REECRITURE (4 points)
Réécrivez passage de « Si je sais ce que je dis... » jusqu'à « ... votre sagesse, votre ventre. »,
en opérant simultanément les transformations suivantes :
· en remplaçant « je » par « nous »,
· en mettant tous les verbes à l’imparfait.
PREMIERE PARTIE
QUESTIONS (15 points)
I - UN CONFLIT THEATRAL (4 points)
1) a) – Comment s’appellent les expressions en italiques ? (0,5 pt)
Les expressions en italiques sont des didascalies.
b) – A qui sont-elles destinées et à quoi servent-elles ? (1 pt)
Elles permettent d’informer le lecteur sur l’identité du personnage qui prend la parole sur
scène et de donner des indications de mise en scène sur la façon dont elle est prononcée, leurs
réactions et leurs sentiments.
2) Trouvez deux autres indices qui permettent d’affirmer que ce texte appartient au genre
théâtral. (1 pt)
Les noms des personnages et la forme dialoguée indiquent également que cet extrait
appartient au genre du théâtre.
3) Qui semble être le personnage principal ? Donnez deux raisons de votre choix. (1,5 pt)
Antigone est le personnage principal car elle donne son nom à cette pièce éponyme et qu’elle
prend le plus la parole dans cet échange avec Créon.
II - UN CONFLIT DE GENERATION (5 points)
4) Quels détails physiques Antigone précise-t-elle pour prouver à Créon qu’il est vieux ?
(1 pt)
Antigone rappelle à Créon qu’il est âgé en mentionnant ses rides, ces « petits plis sur le
visage » et son ventre avec « cette graisse autour de » lui.
5) A quoi voit-on qu’Antigone est jeune ? (1 pt)
On voit qu’Antigone est jeune quand elle évoque l’âge adulte : « Quelle femme heureuse
deviendra-t-elle, la petite Antigone ? » et qu’elle se compare à Hémon : « J'aime un Hémon
dur et jeune ; un Hémon exigeant et fidèle, comme moi. »
6) Quel type de phrases chacun des personnages emploie-t-il le plus ? En quoi est-ce
révélateur de chacun de leur caractère ? (2 pts)
Antigone emploie beaucoup de phrases exclamatives qui montrent son emportement et la
vivacité de ses sentiments alors que Créon utilise des phrases injonctives qui montrent qu’il
utilise son autorité de vieil homme sage et de roi face à cette jeune fille animée.
7) a) – Comment Créon essaie-t-il de mettre fin à la conversation ? (0,5 pt)
Créon essaie de faire taire Antigone
b) – Quel mode verbal utilise-t-il à deux reprises pour cela ? (1 pt)
Pour y parvenir, il utilise l’impératif qui permet de donner des ordres dans une phrase
injonctive.
III - UN CONFLIT VITAL (6 points)
8) Qu’est-ce-qui oppose les deux personnages ? (1 pt)
A part la différence d’âge, c’est la vision de la vie et du bonheur qui oppose les deux
personnages. Antigone est entière et n’accepte aucun compromis pour être heureuse : « Moi,
je veux tout, tout de suite, - et que ce soit entier - ou alors je refuse ! Je ne veux pas être
modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage », contrairement à Créon
qui est modéré et peu ambitieux dans son aspirations au bonheur.
9) a) – Quel est le point de vue de Créon ? (1 pt)
Créon est plus modéré qu’Antigone et lui conseille de recherche les bonheurs simples sans
rechercher l’inaccessible : « la vie c'est un livre qu'on aime, c'est un enfant qui joue à vos
pieds, un outil qu'on tient bien dans sa main, un banc pour se reposer le soir devant sa maison.
Tu vas me mépriser encore, mais de découvrir cela, tu verras, c'est la consolation dérisoire de
vieillir ; la vie, ce n'est peut-être tout de même que le bonheur. »
b) – Quels exemples donne-t-il pour étayer son propos ? (1 pt)
Il choisit des exemples modestes et concrets comme un livre, le jeu d’un enfant, un banc…
10) Antigone méprise la vision de la vie qu’a Créon. Relevez une métaphore et une
comparaison qui le prouvent. (1 pt)
La métaphore qu’Antigone choisit pour dire son mépris de cette compromission du bonheur,
ce qu’elle appelle « l’impuissance » de Créon est très violente car elle le traite de « chien » :
« On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils trouvent. » Et on reconnaît la même image
dans la comparaison : « tu es en train de défendre ton bonheur en ce moment comme un os ».
11) Quels liens logiques expriment « mais » et « parce que » dans le phrase : « tu sais que
j’ai raison, mais tu ne l’avoueras jamais parce que tu es en train de défendre ton
bonheur en ce moment comme un os » (l. 43 à 44) ? (1 pt)
Le lien logique indiqué par « mais » est l’opposition et celui de « parce que » est la cause.
Antigone utilise toutes les ressources de l’argumentation : les exemples et le raisonnement
logique.
12) Quelle position défend Antigone face à celle de Créon ? (1 pt)
Elle défend ainsi une vision adolescente de la vie et du bonheur, sans compromis, dans
l’action et l’ambition, une position exigeante qui s’oppose totalement à celle de Créon qui est
« modeste » et se contente de jouir de ce que l’on possède en fermant les mains et en
transformant la vie en une « chose dure et simple » : « La vie n'est pas ce que tu crois. C'est
une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes
mains, ferme tes mains, vite. Retiens-la. Tu verras, cela deviendra une petite chose dure et
simple qu'on grignote, assis au soleil. » Sa vision du bonheur est matérielle et aucunement
idéologique comme pour Antigone qui refuse de « dire oui ». Elle est révoltée contre l’ordre
du monde que représente Créon.
REECRITURE (4 points)
Réécrivez passage de « Si je sais ce que je dis... » jusqu'à « ... votre sagesse, votre ventre. »,
en opérant simultanément les transformations suivantes :
· en remplaçant « je » par « nous »,
· en mettant tous les verbes à l’imparfait.
« Si, nous savions ce que nous disions, mais c'était vous qui ne m'entendiez plus. Nous vous
parlions de trop loin maintenant, d'un royaume où vous ne pouviez plus entrer avec vos rides,
votre sagesse, votre ventre. »
SECONDE PARTIE
RÉDACTION (15 points)
Hémon est entré sur scène et a entendu les dernières phrases prononcées par Antigone. Créon,
en le voyant, est sorti, les laissant seuls. Rédigez cette scène entre Antigone et Hémon.
Votre texte sera un dialogue théâtral, qui respectera les caractéristiques du genre.
Vous tiendrez compte de toutes les informations fournies dans l’extrait que vous avez analysé.
Il sera tenu compte, dans l'évaluation, de la présentation, de la correction de la langue et de
l'orthographe.
RÉDACTION (15 points)
Hémon est entré sur scène et a entendu les dernières phrases prononcées par Antigone. Créon,
en le voyant, est sorti, les laissant seuls. Rédigez cette scène entre Antigone et Hémon.
Votre texte sera un dialogue théâtral, qui respectera les caractéristiques du genre.
Respect du sujet
Caractéristiques du genre
Progression du dialogue
théâtral
/ 3 didascalies
Expression des sentiments / 2 Richesse du vocabulaire
Types de phrase variés
Argumentation
/3 Au moins trois arguments
Développement des arguments par des
raisonnements, des exemples, des connecteurs
logiques
Elégance du style
Correction de la langue
Total
/2
/2
/2
/1
/1
/1.5
/1.5
/2
/2
/15
DICTÉE (6 points)
Le chœur s'avance.
Et voilà. Sans la petite Antigone, c'est vrai, ils auraient tous été bien tranquilles. Mais
maintenant, c'est fini. Ils sont tout de même tranquilles. Tous ceux qui avaient à mourir sont
morts. Ceux qui croyaient une chose, et puis ceux qui croyaient le contraire même ceux qui ne
croyaient rien et qui se sont trouvés pris dans l'histoire sans y rien comprendre. Morts pareils,
tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris. Et ceux qui vivent encore vont commencer tout
doucement à les oublier et à confondre leurs noms. C'est fini. Antigone est calmée,
maintenant, nous ne saurons jamais de quelle fièvre. Son devoir lui est remis. Un grand
apaisement triste tombe sur Thèbes et sur le palais vide où Créon va commencer à attendre la
mort.