L`argumentaire (15 Mars 2011)

Transcription

L`argumentaire (15 Mars 2011)
NON
à l'implantation d'une maternité porcine industrielle
au lycée agricole du Nivot, à Lopérec,
dans les Monts d'Arrée.
Par l'association Vivre dans les Monts d'Arrée
Lopérec, le 15 mars 2011
Le Lycée Agricole Privé (LAP) du Nivot jouit d'une implantation géographique et d'un environnement exceptionnel :
situé en plein cœur du Parc Naturel Régional d'Armorique, dans le site classé des Monts d'Arrée considéré comme le
"château d'eau de la Bretagne Occidentale", il se trouve sur une zone Natura 2000 et ZNIEFF (Zone Naturelle à
Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique). Le LAP du Nivot est bâti dans la vallée du Rivoal, petite vallée paisible
traversée par le chemin de grande randonnée GR 37 qui longe la rivière dont l'eau est considérée comme l'une des
plus pures de Bretagne.
Le lycée du Nivot met volontairement en avant cet atout et accorde une place très importante dans sa
communication (affiches et site Internet) à l'environnement car il sait bien que cette image "verte" est très porteuse.
De nombreuses actions ont été réalisées par le lycée dans ce sens ces dernières années :
. créations de nouvelles filières (environnement, forêt, équitation),
. implantation au sein du lycée d'un rucher école accueillant les formations et les réunions du GDSA 29 (Groupement
de Défense Sanitaire Apicole) qui protège notamment l'abeille noire des Monts d'Arrée menacée de disparition,
. signature d'une convention entre le Parc d'Armorique et l'élevage ovin basé sur l'école afin d'entretenir et de
protéger les landes de la montagne St Michel par un système de transhumance,
. investissement de l'école dans une chaudière à bois déchiqueté dans le but de rendre l'établissement autonome en
énergie pour le chauffage,
. aménagement des abords du lycée et entretien des espaces boisés notamment autour de l'étang remis en eau,
restauration de la fontaine et du lavoir,
. partenariat avec le Comité départemental de randonnée pédestre du Finistère pour l'aménagement et l'entretien
de chemins privés ouverts au public,
. hébergement de nombreuses manifestations telles que des randonnées VTT ou équestres, concours de chiens de
troupeaux, fête des champignons, etc.
. organisation de la traditionnelle fête du Nivot qui attire de nombreuses personnes en proposant des animations
proches de la Nature.
Toutes ces actions ont contribué à améliorer l'image du Nivot et sa notoriété auprès du public. Aujourd'hui, le Nivot
accueille même des mariages et des colonies de vacances. Nous, riverains du lycée, participons volontiers à toutes
ces animations et sommes fiers d'habiter près de cet établissement connu et réputé.
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Le projet du Conseil d'Administration du lycée:
Pour pallier à des difficultés financières du lycée et dans un souci de mise aux normes d'une installation existante, le
lycée du Nivot envisage l'extension de son élevage porcin. Il a obtenu l'autorisation de la commission des structures
du Finistère d'agrandir l'élevage à hauteur de "800 places de porcs reproducteurs, 240 places de porcs à
l'engraissement et 120 places de post-sevrage". Cette autorisation, signée du Préfet et datée du 03 septembre
2010, est affichée en mairie de Lopérec.
Ce projet a été préparé dans une extrême discrétion aussi bien auprès des riverains que de la mairie et même auprès
des enseignants du lycée qui n'avaient pas été informés d'un tel projet avant la parution d'un article de presse qui a
suivi l'affichage de l'autorisation préfectorale en mairie. Le directeur du Nivot a alors assuré que ce n'était qu'une
"hypothèse de travail" et qu'il n'y aura pas d'augmentation du nombre de porcs sur l'exploitation. Ces affirmations
sont bien difficiles à croire! L'autorisation d'étendre l'élevage est d'ores et déjà accordée et avec le nouveau décret
relatif au regroupement et à la modernisation des élevages (amendement Le Fur), une telle extension ne nécessitera
vraisemblablement plus d'enquête publique ni d'étude d'impact sur l'environnement. Nous n'aurons donc peut-être
pas notre mot à dire et demain il sera trop tard!
Pourquoi nous nous opposons à ce projet?
1 - Nous craignons une dégradation durable et irréversible de l'image du Nivot à jamais associée à cette porcherie
industrielle.
L'élevage intensif de porcs a un impact très négatif auprès du public car il est l'exemple même d'une agriculture qui
privilégie la quantité à la qualité, en se souciant peu de l'environnement et du respect de l'animal. Dans ces élevages,
les animaux sont confinés dans des bâtiments. Ils naissent et vivent sur des caillebotis en béton, sans litière. Les
porcelets sont castrés à vif, on leur coupe la queue ainsi que les incisives. Au bout de 4 semaines, ils sont transportés
en bétaillère vers un autre site où ils sont engraissés. Leur alimentation est constituée de céréales qui pour une
partie d'entres elles sont importées et peuvent contenir des OGM. Pour survivre dans cet environnement contrenature, les porcs sont bourrés de médicaments (antibiotiques, antiparasites et compléments alimentaires) dont on
peut retrouver des traces dans la viande et dans nos assiettes. Ce type d'agriculture est à l'opposé de l'image sur
laquelle le lycée du Nivot communique. Il est incompatible avec une agriculture durable et raisonnée et discréditera
tout autre projet à venir portant sur l'environnement. Loin d'être une fierté, cette porcherie sera comme une tâche
indélébile que le lycée du Nivot devra porter à jamais. Qui voudra encore y organiser des randonnées nature, des
séminaires sur la protection de l'abeille noire, des colonies de vacances et surtout, quel jeune voudra étudier et vivre
plusieurs années sur le site d'une porcherie industrielle?
2 - L'idée du Conseil d'Administration du Nivot est de créer une maternité porcine collective qui permettra de
"sauver le lycée de ses problèmes financiers". L'intérêt d'une telle opération est donc avant tout économique. Le
lycée du Nivot ne sera pas seul investisseur dans ce projet. Il s'agit d'un regroupement d'éleveurs chapeauté par le
géant de l'agroalimentaire Triskalia qui financera probablement la grande majorité des travaux. En contrepartie, ces
éleveurs perdront leur indépendance et seront pieds et poings liés à ce grand groupe industriel. On va ainsi vers une
industrialisation de l'agriculture au détriment d'exploitations familiales autonomes.
Nous ne pouvons pas accepter qu'un lycée d'enseignement secondaire bénéficiant de nombreux financements de
l'Etat et de la Région devienne dépendant d'un groupe industriel et perde ainsi sa liberté notamment au niveau des
choix pédagogiques. Car sous la pression de l'agro-business et au nom de la rentabilité économique, les éleveurs
sont parfois contraints à faire des choix pour leur élevage allant à l'encontre de leurs convictions. Comment le lycée
du Nivot pourra-t-il alors poursuivre dignement sa mission publique d'enseignement et d'éducation des jeunes ?
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3 - Avec cette maternité collective, le lycée du Nivot fournira des porcelets à 7 ou 8 éleveurs implantés dans tout le
département du Finistère (et peut être plus loin!). Il s'agit d'une spécialisation de l'élevage dans le "naissage". Nous
pensons que cette spécialisation aura des conséquences très importantes sur l'environnement car même si le
nombre de porcs n'augmente pas (ce qui reste à vérifier), l'élevage de porcs reproducteurs n'a rien à voir avec
l'engraissement de porcs charcutiers car pour chaque truie on compte aussi ses porcelets (en moyenne 27 porcelets
par truie, par an). De plus, une truie gestante pèse en moyenne 250 kg alors qu'un porcs charcutier en
engraissement ne pèse au départ que 45 kg pour atteindre environ 120 kg à l'abattage. C'est pour cette raison que
l'on considère qu'un porc reproducteur compte pour 3 porcs en engraissement aussi bien au niveau de
l'alimentation que des déjections. Dans ces conditions, nous craignons une dégradation de notre habitat due:
. à un risque majeur de pollution de l'air et de l'eau par une augmentation significative de la production de déchets
organiques (lisier, gaz chargés d'ammoniac) et la consommation massive de médicaments (antibiotiques,
antiparasites, hormones...) et produits phytosanitaires qui se retrouveront inévitablement un jour ou l'autre dans
la rivière,
. à l'augmentation du trafic routier (livraison de l'aliment par camions de 44 tonnes, enlèvement des porcelets en
bétaillères, enlèvement des déchets et épandage des lisiers, équarrissage, etc.),
. à une surconsommation d'eau prélevée au captage du Nivot qui alimente une bonne partie de la commune de
Lopérec.
4 - Nous craignons de voir cette exploitation porcine s'agrandir d'ici quelques années car la logique industrielle est
une logique de croissance et d'extension. Le projet est actuellement de produire des porcelets qui, pour la grande
majorité d'entre eux, seront engraissés sur d'autres sites mais on peut craindre que le nombre de porcelets
engraissés sur place augmente progressivement pour répondre à un souci de rentabilité. Le lycée du Nivot étant
situé hors ZES (Zone en Excédent Structurel), il n'est pas impossible que dans 5 ou 10 ans, le lycée accueille un
élevage de 4000 porcs ou plus comme cela se fait déjà ailleurs en Bretagne.
5 - Les ZES sont des cantons pour lesquels, compte tenu des animaux d'élevage présents aujourd’hui, les possibilités
d’épandages pour une épuration par le sol et les cultures sont dépassées. Les éleveurs en ZES n'ont donc plus
aucune possibilité d'extension car ils ont déjà dépassé le seuil de pollution toléré dans leur canton. En se regroupant
et en créant une maternité collective au Nivot (hors ZES), ils ne produiront plus les porcelets sur leurs sites. Ils
libèrent ainsi des places dans leurs élevages et peuvent remplacer les porcs reproducteurs par des porcs en
engraissement. Cette manœuvre n'est ni plus ni moins qu'une façon de produire encore plus et d'augmenter le
nombre de porcs en Bretagne en allant polluer les dernières zones à peu près préservées.
Nous refusons de sacrifier notre région au profit de l'industrie agro-alimentaire.
6 - Nous craignons que l'extension de l'élevage du Nivot ne fasse basculer le secteur en ZES à plus ou moins long
terme. Si c'est le cas, toutes les exploitations familiales alentours (élevages porcins mais aussi ovins, bovins, équins et
autres) risquent de disparaître petit à petit du paysage car elles auront de grandes difficultés à s'agrandir et à
s'adapter aux contraintes de la zone d'excédent structurel. De plus, les élevages porcins du secteur ne pourront pas
concurrencer cette industrie, dont l'objectif principal est de produire au plus bas prix.
Nous ne voulons pas de cette « agriculture écologiquement intensive », comme l'impose la Chambre d'Agriculture, la
FNSEA et le business agro-industriel. La production animale intensive hors sol est une industrie énergivore et
polluante : l'alimentation du bétail est exclusivement à base d'aliments produits par les firmes agroalimentaires, et
composés de céréales importées issues de cultures OGM. Les déchets de la production intensive sont nocifs pour
l'environnement et contribuent au développement des algues vertes sur nos côtes.
De plus, le modèle productiviste a supprimé les trois quarts des familles paysannes, saccagé nos paysages, pollué
l'air, l'eau. Pourquoi poursuivre encore la concentration des structures ? Des alternatives existent, il est urgent de
produire autrement.
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Que nous propose la politique agricole de la FNSEA? Une évolution de l'agriculture vers l'industrialisation : un modèle
de production industrielle fortement dépendante des groupes agricoles et agro-alimentaires. Cette évolution,
présentée surtout pour l'élevage porcin comme une solution à la crise porcine actuelle (prix du porc en baisse, prix
de la céréale en hausse, difficultés pour recruter de la main d'œuvre...), est une fuite en avant. L'objectif : rendre
l'élevage porcin breton concurrentiel sur le plan européen. Mais, qu'ils nous expliquent, comment sera t-il possible
de concurrencer cette industrialisation qui existe déjà en Allemagne, au Danemark, en Espagne, dans des structures
de taille bien supérieure et qui produit à une autre échelle ?
Pourquoi ne pas produire un porc de qualité en Bretagne élevé sur litière?
L'élevage sur litière prouve « sa supériorité économique : gain de 13 euros par porc produit » (étude comparative
financée par le Conseil Général, résultats de la ferme expérimentale de CRECOM). Pourquoi la profession agricole ne
veut-elle pas "sortir du modèle hors-sol, lisier, maïs-soja, initié il y a 40 ans et qui est la cause principale des algues
vertes sur nos plages" ? ( source article d'André Pochon, site www. bretagne-durable.info).
7 - Quel modèle d'agriculture va être enseigné aux jeunes du Nivot?
Le métier de naisseur-engraisseur de porcs peut être un beau métier vécu avec passion. Les jeunes qui se lancent
dans cette profession sont fiers de faire naître des animaux à la ferme et de les faire grandir pour les préparer à leur
destination finale c'est-à-dire l'abattage et la production de viande. Avec l'implantation de maternités collectives, on
retire aux éleveurs la partie "naisseurs" pour n'être plus que des "engraisseurs". C'est la partie la plus technique, la
plus intéressante et la plus valorisante du métier qui tend à disparaître car le principe même d'une maternité
collective est de réduire le coût de production par une réduction de la main d'œuvre. Le lycée du Nivot va donc
former des jeunes pour un métier qui ne sera pas le leur car il y aura peu de place pour des naisseurs. En revanche,
ces jeunes pourront travailler comme ouvriers de l'industrie agroalimentaire, chargés d'engraisser mécaniquement
des animaux bourrés de médicaments et plusieurs fois changés de site avant d'arriver à l'abattage. Est-ce bien là ce
que les jeunes veulent pour leur avenir?
Ce que nous voulons:
Dans nos campagnes, nous voulons des paysans et non pas des industriels.
Privilégions et aidons les exploitations familiales de taille moyenne, favorisons l'agriculture autonome, durable et
performante, développons une agriculture où les agriculteurs sont encore propriétaires de leur élevage et
produisent de la qualité, pour qu'ils vivent dignement de leur métier!
Nous demandons au LAP du Nivot l'abandon total de ce projet et de s'orienter vers des choix plus en adéquation
avec l'environnement du lycée et l'image qu'il véhicule dans ses outils de communication. Nous pensons qu'il existe
d'autres moyens de remonter les difficultés financières de l'école en s'orientant vers des modèles qui privilégient la
qualité à la productivité, dans un souci de respect de l'environnement, pour une éducation citoyenne des jeunes.
Le LAP du Nivot a de nombreux atouts pour devenir un modèle en matière d'agriculture durable et de protection de
l'environnement au cœur du Parc d'Armorique, avec le soutien du Conseil Régional. Nous sommes prêts à soutenir
les actions du lycée du Nivot allant dans ce sens mais en attendant, nous restons mobilisés pour faire entendre nos
revendications.
Un fest-noz de soutien aux opposants à la maternité porcine industrielle du Nivot aura lieu le 19 mars à la salle des
fêtes de Saint Rivoal ainsi qu'une manifestation le 26 mars pour les portes ouvertes du lycée.
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