6 juillet 2006

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6 juillet 2006
Nora et Hedj, cinq ans de clandestinité, régularisés en deux heures
Devant une école du XXe arrondissement de Paris, le 5 juillet, lors de la collecte des demandes de régularisation. PHOTO FREDERIC STUCIN M.Y.O.P.
Le directeur de la police générale de la préfecture de police de Paris a annoncé des «milliers de régularisation» • Rencontre avec un
couple d'Algériens régularisés jeudi •
Par Alexandra BOGAERT
LIBERATION.FR : Jeudi 6 juillet 2006 - 18:06
Cette photo qu’elle brandit avec fierté, Nora va certainement l’accrocher sur un mur. Comme un trophée. Sur ce cliché pris jeudi matin devant le
bureau des titres de séjour de la préfecture de police de Paris, Nora et Badr-Eddine, son mari, affichent un sourire éclatant. Dans leurs mains, le
récépissé tant attendu, ce bout de papier qui autorise ce couple algérien et leurs trois enfants, sans compter celui à venir, à résider sur le territoire
français légalement. Une « porte ouverte sur une nouvelle vie », résume Badr-Eddine que tous surnomment « Hedj », « le sage ».
Ils font partie des premiers couples de sans papiers avec enfants scolarisés à obtenir l’«admission exceptionnelle au séjour» prévue dans la circulaire de
Nicolas Sarkozy du 13 juin. Dès qu’il en a eu connaissance, Hedj a envoyé son dossier à la préfecture de Paris.
Convoqué jeudi, le couple a passé deux heures dans les bureaux de l’île de la Cité. Ils y sont rentrés en tant que clandestins. Après quelques formalités
administratives (présentation des passeports, des actes de naissance et des certificats de scolarité des enfants…), ils en sont ressorti « en toute légalité
», plutôt surpris que « ça se soit passé aussi vite ». Pourtant, si leur situation a changé en deux heures, grâce à un dossier complet, il aura fallu cinq ans
pour que la régularisation aboutisse.
Oublier ce qu'il y a là-bas
Rayonnante avec son ventre rebondi de sept mois, Nora devient sombre quand elle évoque sa vie algérienne et le parcours du combattant pour obtenir
des papiers français. Née à Oran, elle a été mariée de force à 18 ans. Elle a donné naissance à Younes il y a onze ans, a divorcé et s’est mariée à Hedj en
cachette. Le couple et le petit garçon de cinq ans sont arrivés d’Algérie en 2001, avec la ferme volonté d’« oublier ce qu’il y a là-bas ». Pour Nora, le
drapeau tricolore symbolise des droits dont elle était privée au bled : « Depuis toute petite, je rêve de la France, parce que j’y suis plus libre ».
La gauche est alors au pouvoir. Ils y placent leurs espoirs de régularisation. « J’ai fait ma demande d’asile, j’ai obtenu quatre récépissés, valables trois
mois chacun. Je suis tombée enceinte, ce qui aurait dû me permettre d’obtenir des papiers. » La petite famille est trimballée d’hôtels en foyers
financés, selon les circuits qu’emprunte leur dossier dans les rouages administratifs, par la préfecture, le Samu social ou Emmaüs. C’est d’ailleurs à
l’hôpital d’Emmaüs que Nora donne en 2002 naissance à des jumelles, Ikram et Saliha. De rejets de demandes d’asile en recours, ils vivotent. Les
biberons chauffent dans les lavabos des chambres d’hôtel, Nora travaille au noir comme femme de ménage chez des particuliers pendant qu’Hedj
s’occupe des enfants
En mai 2005, la préfecture de Paris leur accorde un permis de séjour de neuf mois. C’est une renaissance. Ils trouvent du travail, reçoivent des feuilles
de salaire. Mais à l’expiration du permis, en février, c’est le retour à l’illégalité. Jusqu’à la kermesse de l’école le 23 juin. Autour d’un goûter d’enfants,
Nora a raconté son histoire à Cécile et Isabelle. Qui décident d’aider la jeune mère à constituer le dossier gagnant.
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