Observer - Le Centre Spatial Guyanais

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Observer - Le Centre Spatial Guyanais
A l’heure où les nations
réunies à la conférence
de Copenhague en décembre
dernier ont posé les bases d’une nouvelle
stratégie de lutte contre le changement
climatique, il est plus que jamais impératif
de mieux comprendre les remous qui
agitent notre climat. A ce titre s’impose
une lecture éclairée des interactions
entre l’atmosphère et l’océan, au cœur
des variations climatiques.
Or, en ce domaine, les satellites
d’océanographie ont un rôle crucial
à jouer : au-delà des applications
nombreuses que l’observation globale
des océans offre en terme de sécurité
maritime et de gestion des ressources
marines, elle permet de mieux définir
les caractéristiques génériques du climat
pour prévoir plus efficacement ses
évolutions. Un suivi essentiel pour
préparer l’adaptation aux changements
à venir.
© 2009 ESA
Regarder vers l’Espace
Observer
SMOS
24 / LATITUDE 5 / N°87 / JANVIER 2010
Aide à la sécurité maritime,
identification de la source d’un
dégazage sauvage, étude de la faune
marine ou suivi du climat… les
conférences données à Degrad des
Cannes le 22 octobre dernier dans le
cadre des Jeudis de la Mer ont fait le
point sur les diverses contributions des
satellites en matière de surveillance
des océans.
Par Sarah Druet-Lamy
nsondable, l’océan ? Pas vraiment.
A l’échelle du globe, plus de
40 satellites internationaux dotés de
80 instruments le scrutent inlassablement,
mesurant centimètre par centimètre ses
paramètres physiques par télédétection,
imagerie spatiale ou collecte de données…
Mieux vaut d’ailleurs garder un œil ouvert
sur lui en permanence, ne serait-ce que
pour garantir la sécurité maritime. Sans
même parler de l’apport du bulletin global
de prévisions océaniques lancé en 2005
par le Groupement d’Intérêt Public
Mercator Océan, la localisation d’obstacles fait partie des applications les plus
évidentes des satellites d’océanographie :
un iceberg à la dérive ne peut échapper
à la vigilance du radar SAR embarqué
d’Envisat ou des instruments optiques
de Spot. Associées à la connaissance
des courants offerte par les satellites
d’altimétrie comme Jason, leurs données
permettent même de prévoir avec
précision la trajectoire de sa dérive.
I
Des balises contre les marées noires
Ce type de combinaisons de données
satellitaires ouvre également un large
champ d’investigation pour la surveillance
des activités des navires marchands, aussi
bien pour leur propre sécurité que dans
le cadre du suivi de la pollution par
hydrocarbures. Via les images radars,
il était déjà possible de détecter des
traces d’hydrocarbures au large des côtes
sur tous les océans. Depuis juin 2009, avec
la mise en place par l’Agence de Sécurité
Maritime Européenne (EMSA) du
© ESA - P. CARRIL 2008
Le dessous des Océans
Sentinel
L’œil ouvert sur la faune marine
Ce mode opératoire en deux volets est aisément transposable dans
le domaine de la gestion de la faune marine, où il s’agira aussi bien
de contrôler les trajectoires des bateaux pour prévenir la pêche
illégale que de modéliser les comportements de certaines espèces.
« Aux Kerguelen, la mise en place d’un dispositif spécifique de suivi radar
des bateaux a réduit de 80% la pêche illégale » note Philippe.
« Mais la contribution du spatial est également essentielle en amont.
Mesurée par des satellites dotés d’un système infrarouge, la couleur
de l’eau nous renseigne sur la teneur des océans en phytoplancton,
indiquant si les ressources à la base de la chaîne alimentaire s’y trouvent
en quantité optimale. Cette information associée à d’autres sur les
courants et la température de l’eau permet de savoir si les populations
de poisson disposent de conditions de vie et de reproduction favorables
et en déduire un état prévisionnel des stocks.
© 2009 ESA
dispositif de surveillance LRIT (Long Range Identification and
Tracking), l’identification des navires pollueurs se trouve en outre
largement facilitée. Fondé sur un principe similaire à celui
qui prévaut pour le trafic aérien, ce système permet en effet
de donner la position de navires marchands de plus de
300 tonnes de jauge brute situés sur toutes les mers du globe.
« Depuis cet été, l’EMSA fait obligation aux navires marchands
européens de disposer d’une balise émettrice de façon à faciliter leur
localisation », précise Philippe Escudier, directeur de l’océanographie spatiale de Collecte Localisation Satellites (CLS). «CLS
opère pour le compte de l’EMSA, le centre de contrôle qui collecte
les données de trajectoires acquises par satellite. Ce centre échange
des informations sur la localisation des bateaux avec les autres centres
équivalents dans le monde et met ceci à disposition en temps réel
des autorités nationales concernées. Dès 2010, la prise en compte
d’informations sur les courants devrait en outre aider à prévoir
précisément la zone de retombée des nappes d’hydrocarbure en cas
de marée noire. Ce qui serait un support précieux à la gestion des
dispositifs d’intervention dans des cas semblables à celui de l’Erika. »
Plancton dans l’océan vu par Envisat
LATITUDE 5 / N°87 / JANVIER 2010 /
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Climat : un suivi au long cours
En dernier ressort, du reste, la gestion durable de la faune marine
repose sur une analyse plus large des changements climatiques
susceptibles d’affecter son environnement. Et c’est précisément là
qu’interviennent des outils de surveillance altimétrique tels TopexPoséidon et son successeur Jason, afin de mieux étudier les
interactions entre l’atmosphère et l’océan dans un contexte de
réchauffement global. Très efficaces pour déceler les signes
précurseurs de phénomènes océaniques comme El niño et en
évaluer les effets sur le climat, ces derniers quantifient les
incidences des changements climatiques sur la température des
océans ou son niveau. En mesurant précisément la hausse annuelle
de 3,32 mm du niveau moyen de la mer, ils ont ainsi permis aux
scientifiques de caractériser le phénomène inquiétant de
l’envahissement progressif des terres basses par les mers.
Des projets phare pour la Guyane
• Suivi des tortues luth de Guyane :
© J-Y GEORGES
Des informations indispensables pour déterminer des règles adaptées
à une pêche durable ». De même, grâce à l’utilisation conjointe de
l’altimétrie et des balises Argos dont sont équipés certains
spécimens de manchots, phoques ou tortues luth par les
scientifiques (Cf. encadré), les comportements et stratégies de
reproduction de ces espèces méconnues sont minutieusement
étudiés dans une logique de protection.
Tortue luth avec balise argos
Amorcés par le CNRS-IPHC Strasbourg depuis 1999 en Guyane,
les différents programmes de suivi par balise Argos de ces reptiles
marins pendant leurs migrations de 40.000 à 60.000 km ont fait
progresser les connaissances sur leur écologie. On connaît
aujourd’hui les zones de rencontre avec les thoniers dont ils sont
parfois les prises accidentelles.
• Seas Guyane :
Opérationnelle depuis février 2006, l’antenne Seas installée à
Montabo permet d’exploiter directement les données transmises
par des satellites d’observation de la Terre pour un suivi de
proximité des dynamiques de l’environnement amazonien.
• Projet Infolittoral
Combinant les données de satellites d’observation du littoral
comme SPOT et des données altimétriques, le projet labellisé par
le pôle de compétitivité Aerospace Valley le 3 juillet dernier suivra
notamment le processus de progression de la mangrove littorale.
• Vers une gestion durable de la pêche ?
Aux dernières rencontres Aerospace Valley des 23 et 24 novembre
2009, CLS a présenté devant les acteurs guyanais l’intérêt de
dispositifs satellitaires de gestion de la pêche. Rendez-vous à la fin
du trimestre 2010 pour dessiner plus précisément les contours d’un
éventuel projet.
Indicateur essentiel, cette hausse traduit en outre les facteurs
majeurs des dérèglements en cours : la dilatation de l’eau sous
l’effet de l’élévation de sa température, la fonte des glaciers.
Corroborées par les données satellitaires sur la fonte des
glaciers ou l’augmentation de la température des océans livrées
notamment par le réseau de 3000 flotteurs Argos, les
informations livrées par l’altimétrie seront d’ailleurs complétées
par des mesures acquises par les satellites européens Goce,
à l’affût depuis octobre dernier des moindres variations
de la gravité terrestre susceptibles d’influer sur les courants
océaniques, et Smos, chargé d’étudier l’humidité des sols et
la salinité de l’eau de mer. Lancé le 02 novembre dernier,
ce dernier apportera des indications précieuses sur les échanges
d’eau douce entre l’océan et l’atmosphère. Il contribuera donc
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à optimiser les modèles climatiques actuels pour mieux prendre
en compte les influences qui pèseront sur le climat et prévoir
leurs effets sur dix, vingt ou trente ans.
Face aux changements en cours, en effet, la diversification des
outils et la pérennisation des opérations de suivi satellitaire
s’imposent, comme le confirme le chef du projet SWOT au
CNES : « Au niveau des satellites d’altimétrie, nous nous impliquons
à différents titres dans les programmes européens, qu’il s’agisse
de Jason 3, de la mission d’observation Sentinel, ou du programme
de suivi des glaciers Cryosat. Pour assurer la continuité du suivi à long
terme, nous nous engageons aussi dans les programmes bilatéraux
comme SARAL avec l’Inde. Enfin, nous coopérons avec la NASA avec
qui nous travaillons actuellement sur le projet de mesure de la surface
des océans et des eaux continentales Swot.» 4