L`homme qui pleure

Transcription

L`homme qui pleure
VILLA-CISNEROS
L’homme qui pleure
à G.R., l’homme qui pleurait
L’homme qui pleure
se vêt de fleurs noires filigranes amers
il n’a plus de nom
Je m’appelle personne dit-il
il ne sait pas comment il s’appelle
je ne sais pas comment je m’appelle quelle importance
il a oublié qui il est
qui suis-je ? dit-il
peut-être ce type qui traverse la rue
sans bras sans regard
L’homme qui pleure
ne peut plus respirer
de l’air s’il vous plaît de l’air ! dit-il
ni marcher non plus que cheminer
sur son chemin reposent de la vaisselle sale
des équipages jetés et déchirés
des chemises tachées de paroles vides
un continent tout entier jeté à terre
floraison de soif espérances fanées
L’homme qui pleure
n’a envie de rien
il ne veut pas s’habiller
aïe ! une fois de plus me raser regarder mes os dans le miroir
poser mes yeux sans pupille à l’intérieur de mes yeux sans âme
une fois de plus m’habiller quelle connerie la guerre et les amours fantoches
quelle merde la Saint Valentin
Il veut seulement vagabonder nu l’homme qui pleure
sur les chemins de l’enfer
Tu dis que tu m’aimes mais tu pars
mais tu restes
tu dis que tu me désires mais tu ne viens pas
allons mon amour céleste amour bienheureux
allons levons nos verres
champagne ! pour rendre hommage à
toi tu restes et tu ne pars pas !
levons nos verres
champagne en cet éminent jour de mon congé
des litres de champagne mon amour ma glorieuse ma délicieuse
puisque tu me retraites tu m’arrêtes tu m’invites à crever
oui ma dame ma demoiselle ma señora
reste ne viens pas reste ma jolie
je sais tout tu es la belle au bois demeurant
et ci- gisent les morceaux de ton flambant amant éphémère
celui que tu ambitionnes mie de tes miettes
résidu allons appelle-moi Résidu je m’appelle Résidu
un paso pa ’lante un paso pa ’ tras
L’homme qui pleure
va nu dans le vent
là où personne ne lui parle
là où personne ne lui demande
aïe ! comment vas-tu ? que deviens-tu ? que t’est-il arrivé ?
tu sembles triste et stupéfait et pâle
là où personne ne lui parle
où personne ne lui demande
aïe ! comment vas-tu ? que deviens-tu ? que t’est-il arrivé ?
L’homme qui pleure
pense je suis le centre du monde
j’apporte un vent muet
je porte des neiges infidèles
je transporte des sables menteurs
je me pare de trous et de sillons
reliques d’amours cassés et alors ?
Et alors ?
L’homme qui pleure
ne boit plus ne mange plus
il n’écrit plus que le poème de l’amour perdu
cette putain de lettre d’amour
Villa-Cisneros
Poème lu au Fort Napoléon, à La Seyne-sur-Mer le
l’Association « Les Amateurs Maladroits »
© Villa-Cisneros, Toulon février 2007
Traduction de l’espagnol (Équateur) : Rémy Durand
Reproduction interdite sauf accord de l’auteur
© Rémy Durand, Toulon 2010 pour la présente édition
dans le cadre des manifestations de